Guido Haberthur

  • April 2020
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Guido Haberthur : derrière « l’ours »…la passion Par Jean-Marie Wyder (Rallye 82 – Championnat Suisse) « A l'atelier, je cumule les fonctions de réceptionniste, de téléphoniste, de vendeur, de trésorier et de mécanicien... » C'est Guido Haberthur qui s'exprime ainsi. Avec un accent qui a du mal à dissimuler ses origines alémaniques, soleuroises très exactement. Un personnage, Haberthur. Discret comme une tombe. Pas un mot « méchant » à l'égard de ses confrères, ce qui est plutôt rare dans le milieu. Une carapace d'ours mal léché sous laquelle perce une grande sensibilité. Haberthur, c'est la passion pour la compétition et plus particulièrement pour les moteurs qui déborde par tous ses pores. Une passion à l'état pur, vécue avec foi et entêtement. Son nom a toujours été intimement lié à celui de Porsche. Pour la plupart des propriétaires d'un modèle sorti par Stuttgart, son atelier en désordre, situé à l'entrée ouest de Lausanne et occupé par 5 collaborateurs, est devenu un lieu de rencontres, un endroit où il est possible de recueillir quelques conseils, de trouver une pièce manquante ou, tout simplement, de bavarder du dernier épisode du Championnat suisse des rallyes. Eh 1982, Balmer et son Ascona 400 s'y sont taillé la part du lion ; Béring a offert à la filiale Renault le premier succès « suisse » d'une R 5 Turbo. Au total, six victoires à leur palmarès ! Les Porsche, jadis habituées à un pillage systématique, n'ont donc ramassé que les miettes, soit trois premiers rangs : à Biella avec Jean-Marie Carron, au Saint-Cergue avec Nicod et au Vin avec Christian Carron. Or, si la Turbo de JMC était à ce momentlà exclusivement préparée par Pfefferlé à Sion, Guido Haberthur fut partie prenante dans les deux autres victoires, celles de Nicod et de l'autre Carron, Chris. De la corporation des spécialistes Porsche, c'est en tout cas lui qui a le mieux tiré son épingle du jeu. Au Vin notamment, il connut des moments d'intense émotion, savourés en catimini, avec la toute première consécration d'une Porsche propulsée par un moteur à double Turbo. Une «première» mondiale comme l'avait été, trois ans plutôt, le succès d'une simple Turbo, celle de Claude Haldi, dans le cadre d'un championnat officiel des rallyes. Avant d'aboutir à ce qu'il faut bien considérer aujourd'hui comme l'un des temps forts d'une carrière, Haberthur en vit de toutes les couleurs. De la compétition, un volant entre les mains, il en tâta tout au début de ses activités de 1956 à 1967, en côte sur des Super 75 et 90 ainsi que sur des 911 S en circuit. Mais assez rapidement, Guido va préférer retrousser ses manches et plonger ses mains dans les entrailles des moteurs : « J'ai accompli mon apprentissage à Bâle. Mais, dès 1955, c'est-à-dire à l'âge de 21 ans, je me suis retrouvé à Lausanne comme employé à l'agence VWPorsche de Montchoisi. » Quelques années plus tard (1964), avec un acquis nettement plus étoffé, il entre en contact avec André Wicky. A cette époque, Wicky jouit d'une renommée certaine dans

la région. C'est précisément la saison où il prend livraison d'une Porsche Carrera 6 dont va se charger Haberthur afin qu'elle soit alignée dans quelques courses d'endurance internationales. De plus en plus, Haberthur prend goût à ce genre d’occupation : la préparation. Et bientôt en se soustrayant de la « tutelle » de Wicky, il décide, de voler de ses propres ailes. Les saisons suivantes, grâce à Haberthur, grâce aussi à Wicky et au tandem Haldi/Chenevière, Lausanne devient un des centres nerveux du sport automobile romand. En GT par exemple, entre 1968 et 1973, avec leur Carrera portant l'autocollant « Préparation Haberthur», Haldi et Chenevière glanent de nombreux lauriers à travers l'Europe entière. Mais un «trou» va alors intervenir dans la progression de Guido : victime de deux graves accidents de la circulation, puis frappé, comme beaucoup de ses confrères, par le premier choc pétrolier, il doit mettre momentanément un frein à son champ d'action. Et c'est dans une autre discipline du sport auto - les rallyes, en prenant la responsabilité de la Carrera engagée par André Savary - que tout redémarre pour lui. Haldi, aussi fidèle à lui qu'Haberthur l'est à la firme Porsche, éprouve bien des difficultés à soutenir le rythme dément adopté par le Championnat d'Allemagne des groupes 5 dans lequel il milite avec sa 935. Pourquoi ne pas tenter un coup de poker dans le Championnat suisse des rallyes, avec un matériel jamais vu : une Porsche Turbo ? Le pari est hardi, mais il sera gagné. Autant cette expérience s'est-elle révélée positive et payante, autant les apparitions régulières au Monte-Carlo de ce même Haldi, sur cette même Turbo, vont se transformer en déconfiture : «Rarement, les conditions étaient réunies pour permettre à un tel véhicule de s'exprimer réellement, reconnaît Haberthur. Et puis, Haldi ne s'y est pas non plus toujours présenté dans sa meilleure forme. En Suisse, de tous ceux qui ont conduit mes autos, c'est Bernard Chenevière qui collabora avec le plus de sérieux... » En dehors du Français Francis Vincent, dont il ne conserve pas que de bons souvenirs, c'est précisément Chenevière qui, en 1980, dans le cadre du Championnat national, va chercher à marcher sur les traces de son ami Haldi. Mais la tentative avorte. Le reste, c'est de l'histoire trop récente pour vous la narrer par le menu détail. Chris Carron en sera l'acteur sur les planches, Haberthur en coulisses : après une saison 1981 marquée par des hauts et davantage de bas, et à l'issue de laquelle Carron regrettait surtout de n'avoir pas pu utiliser en exclusivité sa Turbo, c'est le lancement de l'expérience « double Turbo », aménagée dans la coque de la Porsche ex-Salamin. Une expérience menée selon la méthode « naviguer à vue » comme l'on dit. Car Haberthur ne put compter que sur lui-même pour la réaliser. Un boulot de recherche pure. Dans tous les cas, ce n'est pas la Maison Amag, pourtant secouée sur le front commercial par le raz de marée de la GM et de son porte-parole Jean-Pierre Balmer, qui se manifesta pour appuyer les efforts du motoriste lausannois... Bref, il était bien isolé, le courageux Haberthur quand, au printemps, sa fameuse « bête » débarqua à la Ronde Luronne pour y subir son premier examen, hors championnat. Celui-ci tourna court, comme d'ailleurs les « sorties » officielles de Biella, de Sallanches et des Alpes vaudoises : « Après le Sallanches, j'étais prêt à tout plaquer. J'avais le sentiment de jouer les cobayes et moi qui étais passé par suffisamment de périodes creuses, je désirais m'épargner encore celles-là... » admet à posteriori Carron.

Après une parenthèse au Reichsstadt où Chris utilisa la simple Turbo, ce fut le Gothard. « Jusque-là, j'avais eu pas mal de problèmes d'approvisionnement avec certaines pièces. De plus, entre chaque rallye, je ne disposais guère de temps pour entreprendre un véritable travail en profondeur. Heureusement, entre les Alpes vaudoises et le Gothard où la double Turbo refit son apparition, il s'écoula deux mois. A la lumière de ce que nous avions emmagasiné comme enseignements, nous en avons profité pour procéder à quelques modifications. Hormis la question du réglage de la carburation qui fluctuait sans raison évidente, le problème majeur avait trait au graissage du moteur. Les pressions étaient bonnes, les températures aussi. Ça n'était en définitive qu'un problème de quantité. C'est en déplaçant le radiateur de l'arrière où il se trouve à l'origine, vers l'avant que nous l'avons résolu. Les jours précédant le Gothard, nous avons enfin pu effectuer des tests en privé, sur plus de 400 kilomètres et tout s'est parfaitement déroulé... » En Uri, Carron menaça le futur vainqueur Balmer jusqu'à deux spéciales de la conclusion, avant d'être trahi par une panne de boîte. Quelques jours plus tard, à Saint-Cergue, elle tient la distance et Carron termine 2e derrière une simple Turbo, menée de main de maître par le quasi-néophyte Christophe Nicod et préparée par... Guido Haberthur. Un sacré jour ce 18 septembre 1982 ! A propos de la simple Turbo confiée aussi de temps en temps au Tessinois Angelo Caversazio, Haberthur précise : « Depuis la 16e place obtenue par Chenevière au Monte-Carlo, on n'a pas eu besoin de la toucher. C'est presque incroyable, n'est-ce pas ? » Le point d'orgue de la saison se situera à l'occasion du Rallye du Vin, l'épreuve considérée comme la plus meurtrière du calendrier national. Vous en connaissez le déroulement : malgré pas mal d'alertes, Carron réussit à rallier Martigny en 2e position, derrière Haider : « L'un des avantages du double Turbo, c'est la souplesse qu'il procure et un gain appréciable de puissance. Chris avait plus de 400 CV sous le pied. Il est absolument faux de prétendre que si, finalement, nous sommes parvenus à le fiabiliser, c'était parce que nous avions volontairement réduit sa puissance. D'accord, les Porsche n'ont pas dominé les débats comme elles avaient coutume de le faire. Mais je suis convaincu que c'est une voiture qui, en dépit des nouvelles homologations, a encore l'avenir devant elle, car elle est économique, sur le plan de l'acquisition comme sur celui de son entretien. J'aime bien les rallyes car le pilote peut y tenir un rôle encore prépondérant. Il est en mesure de compenser certaines carences de son matériel par des exploits personnels. En circuit, il vous manque les bons pneus et vous êtes automatiquement largués... » « L'argent, bien sûr, occupe une place très importante dans ce sport. C'est une question qui revient régulièrement sur le tapis. Il m'est souvent arrivé de devoir limiter la préparation d'une voiture au strict minimum pour cette raison précisément : « Changez ceci, M. Haberthur, mais pas cela ; je n'ai pas assez de fric... » Cette formule, je l'ai entendue des dizaines de fois avec, comme conséquences, des désillusions en course parce que, justement, ce sont les organes non remplacés qui avaient lâché... » Sur les tarifs de location pratiqués, Haberthur ne cache pas sa façon d'entrevoir les choses : «Avant tout, je suis à la tête d'une entreprise commerciale qui a sa clientèle normale. Si je voulais vivre de la compétition, je poserais la barre nettement plus haute, à 10000 francs le rallye par exemple. Mais alors, je risquerais de me retrouver très vite au chômage. Il est clair que les montants diffèrent du moment que l'accord porte sur une saison complète ou sur une seule épreuve... » Dans les chiffres, chapitre toujours entouré d'une bonne dose de discrétion, il s'avère que, par rapport à un Balmer, couvé comme un roi cette saison, Chris Carron disposait grosso modo d'un budget huit fois inférieur !

« Haberthur, c'est un pur amoureux de la mécanique et du sport automobile en général » confie Chris Carron, qui commence à mieux le connaître après deux années de vie communautaire. « Beaucoup le critiquent. Mais je suis bien placé pour affirmer qu'il consent à d'immenses sacrifices et qu'il prend beaucoup de risques. Une autre chose est sûre : il ne fait pas « ça » pour de la publicité ou pour se remplir les poches... », conclut le Valaisan. « Pour continuer dans ce métier, je crois qu'il faut avoir une foi tenace ou alors être fou et maso sur les bords. Les victoires sont tellement proches des défaites que le jour où vous en récoltez une et que, par bonheur, la série se poursuit, il est utile de se rappeler que tout cela ne tient finalement qu'à un fil... »

Porsche double Turbo – Chris Carron Novembre 2005 – Carnet noir. Guido Haberthur n’est plus. Le monde du sport automobile a appris avec tristesse la disparition de Guido Haberthur, âgé de 71 ans. Son nom restera intimement lié à la période particulièrement faste qui a vu des pilotes, comme Claude Haldi ou Bernard Chenevière, s’illustrer sur les circuits du championnat du monde d’endurance, à Spa, à la Targa Florio ou encore au Nürburgring, au volant de Porsche préparées par Haberthur. Né à Bâle, il s’installa en Suisse romande dès 1955 et ne la quitta plus. Après avoir travaillé avec André Wicky, il vola rapidement de ses propres ailes et on ne compte pas les pilotes auxquels il mit généreusement le pied à l’étrier, en leur prêtant ses voitures.

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