J’ai mon nom et mon prénom ; mais je n’ai plus de terre. Ils ont eu des mots comme des valises et moi je n’ai rien mis dedans, enfin si, ces bribes de ma vie, un galet et trois grains de sable. Je suis comme le monde qui grandit, un enfant, alors que la terre s’enfuit. D’abord je l’ai suivie des yeux. Elle semblait se disperser pour mieux se tendre avant de plonger. Un jour, j’ai fait comme elle. J’étais déjà dispersé. Il ne me restait plus qu’à plonger. Je l’ai cherchée sous l’eau. Je me demande bien où elle s’en va. Sur ses rivages où j’ai fait mes premiers pas, ma maman contre moi, on regardait l’eau qui venait, et si, petit à petit, elle nous effaçait, ce n’était que pour se dire combien on s’aimait, à se tenir si près. Les mains au sec. Le cœur serré. Sous l’eau c’est tout brouillé, j’ai même failli me noyer. Je n’ai trouvé aucun pas, ni aucune trace, ni aucun de nos rivages. Et je ne peux même pas pleurer sans quoi la mer pourrait encore déborder. Dès fois je repense à nos pas qui disparaissaient dans le sable, et je me retourne vite sur mon ombre, dès fois qu’elle aussi, elle s’efface, tout rétrécit, surtout ma vie. Mon papa est parti. Vers une terre qui est bien plus forte que la mer. Je ne sais pas où elle est. Moi je fais des petits moulins, je les voudrais bien plus grands, ils enverraient la mer aux quatre vents et puis à mon papa, ils lui feraient un signe. J’habite une ville sans nom. Et ma maison est un bidon. Je ne sais pas pourquoi. Je sais juste que du bidon elle en a le blanc du sel qui brûle mon présent. Mais un couvercle, non elle n’en a seulement pas. Rien ne me sépare ni du ciel, ni de la mer et tout peut m’emporter. Ils ont pris mon nom et mon prénom. Ils m’appellent l’enfant de l’île sous la mer. Moi je veux que dans le regard des miens je sois l’enfant qui vit sur la terre. Je me suis enfui. J’ai fait une caravane de tous mes petits moulins. Il faut nous voir avancer. On ferait de la mer un désert. Et c’est le ciel qui habiterait en moi. En attendant, je marche et je rêve. Le soir autour du feu, je me dis que c’est comme d’avoir retrouvé son nom et son prénom et peut-être une terre.
Pour Bordencre. com, à Bastia, le 13 août 2009