Introduction Sur les ondes de Radio XTRM, il y a quelques jours, l’Ombudsman et moi, LBII, avons entendu cette histoire sur les donations politique de l’actuel président de l’ADQ, Mario Charpentier. En gros, selon ce qui a été annoncé par l’animateur Jean-François Plante, le président du parti a donné au cours de l’année fiscale 2007 un montant de 3000$ au Parti libéral du Québec et un montant de 2500$ au Parti Québécois. Paradoxalement, aucun don pour l’Action démocratique du Québec n’a été enregistré pendant cette période. Cette affirmation n’est pas sans conséquence. Alors que Mario Dumont a annoncé sa démission au lendemain des élections désastreuses du 8 décembre dernier, le poste de président est fondamental : pendant la course au leadership, il occupera une fonction centrale en tant qu’arbitre de la course et représentant de la formation politique. Il est primordial que le président, dans un moment aussi critique dans la vie d’un parti qu’une course au leadership, soit d’une fiabilité et d’une dévotion totale au parti. C’est donc dans ce contexte que l’Ombudsman et moi avons décidé de nous lancer dans cette enquête afin de prouver hors de tout doute la véracité des faits avancés pas Jean-François Plante. Nous espérons que ce que nous avons trouvé vous permettra de prendre une décision éclairée sur les actes reprochés à Mario Charpentier. Capture d’écran de la base de données des dons aux partis politiques du Directeur général des élections du Québec, réalisée le 17 janvier 2009
Mario Charpentier, un portrait L’actuel président de l’ADQ est avocat. Il a étudié en droit à l’Université de Sherbrooke, d’où il a obtenu un diplôme en 1985 (1). Au début des années 1990, il travaille au cabinet d’avocats Woods Brouillette Des Marais, et commente parfois les questions de fiscalité dans le journal Les Affaires, où il prodigue des conseils aux entrepreneurs sur les moyens d’économiser un peu d’impôts (2)! De fibre entrepreneure, il démarre avec des associés en 1999 une firme d’avocats nommée Brouillette Charpentier Fortin, plus tard renommée BCF. La croissance de ce petit cabinet est fulgurante, un success story rapporté dans un article de La Presse : en 12 ans, le cabinet est passé d’une équipe de 7 à 120 avocats, et a ouvert des bureaux à Québec, et ce à travers du maraudage de talents et une vague de fusions-acquisitions. En soi, l’homme a l’instinct du tueur dans le monde des affaires : le profil parfait pour l’ADQ! L’implication de Mario Charpentier a commencée à la commission politique du parti. Malgré son tempérament entrepreneur et son apparente volonté de vouloir un Québec le moins taxé possible, il a été un parfait pantin du virage populonationaliste et socialiste du parti! Il a déclaré en marge du congrès adéquiste de Laval qui a cristallisé la tendance interventionniste de l’ADQ que ce changement d’idéologie
aussi drastique que le rejet de la souvernaineté par Pauline Marois au PQ représentait « un virage à la modernité, un virage à l’européenne » et que la nouvelle tangente politique du parti avait été « difficile » à faire passer (3). Dans un éclair de lucidité, Mario Charpentier est l’un des rares à avoir dit la vérité sur la hausse du salaire minimum en mentionnant les effets néfastes d’une telle mesure sur l’économie, mais il s’est fait vite rabrouer par l’entourage du « cheuf » Mario Dumont qui l’a appelé dans l’autobus de campagne peu après (4). Sur le plan personnel, un portrait de Mario Charpentier publié dans La Presse nous apprend que nous avons affaire à un selfmade man : fils de mécanicien, l’homme a matériellement très bien réussi. Fan de sport, on retrouve parmi ces citations de nombreuses analogies entre les aventures du Canadien et ce qu’il voit et pense en politique. Il est marié, père de quatre filles fréquentant des collèges huppés à Montréal et en Ontario et propriétaire d’une maison dans un quartier très prospère de l’île de Montréal, d’un chalet dans le coin de Bromont… et d’un chien (5). Mario Charpentier est aussi auteur-compositeur de la chanson-thème officieuse de la campagne adéquiste de 2008, intitulée Confiants en l’avenir (6)
Rechercher le bon Mario Charpentier Il est tout à fait possible que celui qui a donné de l’argent au PLQ ou au PQ ne soit pas le président de l’ADQ : le site Web Canada411 recense près de 73 personne portant ce nom. De plus, la base de données publique du DGEQ ne fournit pas l’adresse du donateur, ce qui nous permettrait d’identifier de façon exacte Mario Charpentier. Le défi est donc double : 1. Déterminer un moyen d’identifier l’adresse exacte de Mario Charpentier 2. D’y associer les dons que nous pouvons retrouver dans la base de données publique du DGEQ Sur cette page, nous solutionnerons le premier problème. Au Québec, fonder une entreprise est un acte public. Il existe une base de données accessible sur Internet qui consigne le nom de toutes les entreprises du Québec, et qui indique le nom des actionnaires et des personnes-clés de la direction de ladite entreprise. Par respect pour la vie privée M. Charpentier, nous n’indiquerons pas le nom de la base de données et nous en camouflerons une partie des résultats. L’utilisation de cette base de données nous permet donc de recenser une série d’entreprises en droit portant le nom de « BCF ». La compagnie mère de toutes ces entreprises : Corporation BCF. Parmi les personnes clés, on retrouve bel et bien un certain Mario Charpentier… et une adresse. Nous pouvons donc affirmer avec certitude que nous avons l’adresse de M. Charpentier, avec lequel nous pourrons lier les donations enregistrées sur ce nom.
Lier les dons Nous avons maintenant suffisamment d’informations sur Mario Charpentier pour entamer des recherches plus sérieuses, et nous assurer que c’est bel et bien le président du parti qui a fait ces dons faramineux au Parti libéral du Québec et du Parti Québécois. Tel que vu un peu plus tôt, les données publiques accessibles via le site web du Directeur général des élections du Québec sont assez fragmentaires, et ne permettent pas de prouver hors de tout doute la provenance des dons. Mais y a-t-il quelque part un moyen de prouver la provenance de l’argent? Les dons faits aux partis politiques sont du domaine public, mais un nombre réduit de personnes (à notre connaissance) ont accès aux livres comptables officiels publiés par le DGEQ qui retracent le montant total offert par tous les donateurs aux partis politiques au cours d’une année donnée. La particularité de cet ouvrage? Il donne aussi l’adresse des donateurs, ce qui nous permettra de confirmer ou d’infirmer le fait que le président de l’ADQ s’est montré fort généreux envers ses adversaires politiques. L’Ombudsman a eu accès à l’un de ces livres. Ce qu’il a découvert est pour le moins révélateur : Voici un extrait de la page 399 du rapport du DGEQ, dans la section consacré aux donations de 200$ et plus au Parti libéral du Québec (7) :
Voici un extrait de la page 560 du rapport du DGEQ, dans la section consacré aux donations de 200$ et plus au Parti Québécois (7) :
Comme dirait l’autre, « c’t’ivident » ! Mario Charpentier, président de l’ADQ, a bel et bien donné plus de 5500$ en donations aux deux autres partis politiques en 2007 !
Les implications Comme vous avez pu le constater, nous pouvons à la lumière de nos recherche affirmer sans aucun doute que Mario Charpentier est bel et bien à la source de versassions financières tout à fait légales et surtout fort importantes au Parti libéral du Québec au Parti Québécois. Vous me direz peut-être que puisqu’il était à la tête d’une entreprise de services juridiques, il devait se montrer généreux envers les deux principales formations politiques du Québec, ne serait-ce que pour avoir peut-être un accès plus facile aux politiciens. C’est un argument tout à fait valide. Cela dit, les élections de 2007 eurent lieu en mars. Cette élection, comme on le sait, a mené 41 adéquistes à l’Assemblée nationale et le parti à devenir l’opposition officielle. Comment se fait-il que l’homme qui est aujourd’hui président de l’ADQ n’ait jamais, au cours des huit mois de 2007 qui ont suivi,
donné à l’Action démocratique un seul sou? Lui qui a été généreux envers le PLQ et le PQ au point d’avoir atteint la limite maximale autorisée pour les dons aux partis politiques n’a jamais fait preuve de la même générosité après la victoire électorale la plus importante de la formation politique qu’il dirige! Ne manque-il pas ici une marque de confiance fondamentale? Pire encore, imaginez-vous un instant que ces dons en argent aient été faits au lendemain de l’élection qui a permis à l’ADQ de devenir l’opposition officielle! Cela signifie que Mario Charpentier ne jugeait pas pertinent de financer l’ADQ alors qu’elle venait de connaître ses plus éclatants gains électoraux de son histoire! Et il est aujourd’hui président de ce parti. Si les dons ont été faits après les élections de 2007, cette histoire a des implications encore plus importantes.
Sources Mario Charpentier, un portrait (1) RÉSEAU DE L’UNIVESITÉ DE SHERBROOKE. « On parle de vous ». https://www.usherbrooke.ca/lereseau/nouvelles_diplomes/on_parle_de_vous.html [Consulté le 18 janvier 2008] (2) On retrouve des entrevues avec Mario Charpentier dans différentes éditions du journal Les Affaires au cours de l’année 2002 (3) CORBEIL, Michel. « Changement de cap vers un état plus interventionniste ». Le Soleil. 16 mars 2008. p. 4. (4) OUELLET, Martin. «Un candidat vedette de l'ADQ critique l'augmentation du salaire minimum ». La Presse Canadienne. 7 novembre 2008. (5) OUIMET, Michèle. « Le flyé ». La Presse. 4 décembre 2008. p. A18 (6) ACTION DÉMOCRATIQUE DU QUÉBEC. « ADQ > Brome-Missisquoi ». http://www.adq.qc.ca/index.php?id=83&L=0 [Consulté le 19 janvier 2009] Lier les dons (7) DIRECTEUR GÉNÉRAL DES ÉLECTIONS DU QUÉBEC. Financement des partis politiques : Rapport financier (exercice terminé le 31 décembre 2007). Québec. 2008.
Annexe 1 : la page avec le nom de M. Charpentier : don au PQ
Annexe 2 : la page avec le nom de M. Charpentier : don au PLQ