Chenaouy Diane 7FrC
Mardi 21 Avril 2009
Dissertation Plan détaillé Sujet : Dans la préface de Ruy Blas, Victor Hugo affirme « Le drame tient de la tragédie par la peinture des passions et de la comédie par la peinture des caractères. Le drame est la troisième grande forme de l’Art comprenant, enserrant et fécondant les deux premières […] les deux électricités se rencontrent et l’étincelle qui en jaillit, c’est le drame. » Vous commenterez ce jugement à la lumière de votre lecture de Lorenzaccio.
Introduction Le romantisme prend son essor au XIXème siècle et influence différents genres comme la poésie, le roman ou le théâtre. C’est un mouvement qui s’oppose au classicisme et qui a l’ambition de révolutionner les règles qui gouvernaient l’écriture. Au théâtre, il prend la forme du drame romantique. De nombreux auteurs ont théorisé le mouvement romantique, entre autres Stendhal dans Racine et Shakespeare ou Victor Hugo dans sa préface de Cromwell, ce qui a donné lieu à de nombreuses polémiques. Ce dernier d’ailleurs a dressé les règles du drame théorique, et a affirmé dans la préface de sa pièce Ruy Blas que « Le drame tient de la tragédie par la peinture des passions et de la comédie par la peinture des caractères. Le drame est la troisième grande forme de l’Art comprenant, enserrant et fécondant les deux premières […] les deux électricités se rencontrent et l’étincelle qui en jaillit, c’est le drame. » Nous confronterons cette affirmation à une analyse de Lorenzaccio d’Alfred de Musset, en effet nous pouvons nous demander si le drame romantique se contente de mélanger les genres comiques et tragiques ou s’il apporte une dimension supplémentaire aux anciens modèles théâtraux ? Dans une première partie nous rechercherons les éléments tragiques et les éléments comiques dans Lorenzaccio, puis dans une seconde partie nous mettrons en évidence les originalités du drame romantique.
Plan I.
Tragique et Comique dans Lorenzaccio 1) Tragique, caractéristiques, exemples, comparaison Caractéristiques : Selon l’Art Poétique d’Aristote : Représentation d’une action noble, menée jusqu’à son terme et ayant une certaine étendue dans un langage relevé d’assaisonnements variés...en représentant la terreur et la pitié, elle opère une purgation des émotions de ce genre. a. Personnages principaux nobles 1
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Mardi 21 Avril 2009 Dans Lorenzaccio : famille des Médicis Lucrèce Borgia (Victor Hugo) : famille des Médicis Ruy Blas (Victor Hugo): héros = valet mais contexte de l’histoire : château de la Reine d’Espagne, la plupart des personnages sont très hauts placés b. Catastrophe finale, inéluctabilité de l’intrigue = > emporté par leurs passions, les héros romantiques finissent tous par mourir = > récurrence du suicide (Ruy Blas, Lorenzaccio) c. Terreur et pitié (genre tragique et pathétique) = > Dimension très sombre dans Lorenzaccio. Perte des illusions sur l’Humanité : on nous montre à quel point elle est affreuse et horrible. J'entrai alors dans la vie, et je vis qu'à mon approche tout le monde en faisait autant que moi ; tous les masques tombaient devant mon regard ; l'humanité souleva sa robe et me montra, comme à un adepte digne d'elle, sa monstrueuse nudité. (III, 3)
= > tragédie du masque Opposition entre intérieur et extérieur des êtres D'ailleurs, fille de bonnes gens, à qui leur peu de fortune n'a pas permis une éducation solide; point de fond dans les principes, rien qu'un léger vernis; mais quel flot violent d'un fleuve magnifique sous cette couche de glace fragile qui craque à chaque pas! (I,1)
Image du double : fantôme que voit Lorenzo, de sa jeunesse, qui rappelle le fantôme que voit Hamlet chez Shakespeare = > tragédie du désenchantement L’idéal du jeune Lorenzaccio est floué. Peut-on encore croire en des idéaux ? Vanité de croire qu’avoir un idéal fera changé les choses : vision de l’humanité pessimiste : − Ah ! les mots, les mots, les éternelles paroles ! s'il y a quelqu'un là−haut, il doit bien rire de nous tous ; cela est très comique, très comique, vraiment. − ô bavardage humain ! ô grand tueur de corps morts ! grand défonceur de portes ouvertes ! ô hommes sans bras ! (IV, 9)
2) Comique, caractéristiques, exemples, comparaison a. Personnages de niveau social peu élevé Extrait de la liste des personnages : BINDO ALTOVITI, oncle de Lorenzo. VENTURI, bourgeois. TEBALDEO, peintre. SCORONCONCOLO, spadassin. LES HUIT GIOMO LE HONGROIS, écuyer du duc. MAFFIO, bourgeois. MARIE SODERINI, mère de Lorenzo. CATHERINE GINORI, tante de Lorenzo. LA MARQUISE DE CIBO. LOUISE STROZZI. DEUX DAMES DE LA COUR et UN OFFICIER ALLEMAND. UN ORFEVRE, UN MARCHAND, DEUX PRECEPTEURS ET DEUX ENFANTS, PAGES, SOLDATS, MOINES, COURTISANS, BANNIS, ECOLIERS, DOMESTIQUES, BOURGEOIS, etc.
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Beaucoup de personnages, souvent des classes sociales inférieures ou des bourgeois. On remarquera la place des femmes dans la liste des personnages : elles sont en bas de liste : cela illustre la condition de la femme. b. Langage Comédie : vocabulaire plutôt simple, utilisation du comique de mots. Ici contraste entre la condition sociale du duc et le langage qu’il utilise. « Sacrebleu » ; « entrailles du pape » (Lorenzaccio I,1) Moqueries de Lorenzaccio : « débauche à la mamelle » (I,1) c. péripéties multiples Exemples de péripéties assez éloignées les unes des autres qui fait se rapprocher Lorenzaccio de la comédie plutôt que de la tragédie épurée. • • • •
Tentatives de la Marquise Cibo (qui ne rencontrera jamais Lorenzaccio) avec le Duc Les scènes avec les marchands Les rassemblements des Strozzi Etc.
d. Comique de situation Exemple : Lorsque Lorenzo s’évanouit à la vue d’une épée. (I, 4) e. L’importance du sarcasme dans l’œuvre Le cardinal : Rien n’est un pêché quand on obéit à un prêtre de l’Eglise Romaine. (I,3) Tenez ! (Lorenzo paraît au fond d'une galerie basse.) Regardez−moi ce petit corps maigre, ce lendemain d'orgie ambulant. Regardez−moi ces yeux plombés, ces mains fluettes et maladives, à peine assez fermes pour soutenir un éventail ; ce visage morne, qui sourit quelquefois, mais qui n'a pas la force de rire. (I,4) Mon ami, on t’excommunie en latin. (I,4) Une insulte de prêtre doit se faire en latin. (I,4)
→ Peut se rapprocher de pièces comme Dom Juan, Tartuffe, Le misanthrope (Molière) où l’humour est toujours accompagné d’un côté assez noir Pourtant à la fin de la pièce on ne rit plus des sarcasmes de Lorenzo, car on a compris qu’il s’agissait d’une fausse gaité : Votre gaité est triste comme la nuit, vous n’avez pas changé, Lorenzo. (V,6) Lien entre les deux parties : Lorenzaccio repose bien sur un mélange de comique et de tragique, mais il n’est pas que ça. Le drame romantique apporte des éléments nouveaux aux habituelles pièces classiques, et d’ailleurs s’est installé par une opposition farouche des dramaturges romantiques aux règles classiques. 3
Chenaouy Diane 7FrC II.
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Originalités du drame, précision sur le drame romantique 1) Opposition au classicisme a. refus de la règle des trois unités
Unité de lieu : Dans Lorenzaccio, 35 changements de décors, et la pièce se déroule sur plusieurs jours. D’ailleurs pas destinée à être jouée, elle ne l’a pas été du vivant de Musset. Unité de temps : la pièce se déroule souvent de nuit et sur plusieurs jours. Unité d’action : seule admise par Victor Hugo mais pas respectée par Musset, dans Lorenzaccio, on en a trois : la Marquise de Cibo qui veut convaincre le Duc du bien fondé de la République, la révolte qui formente des Strozzi et le projet d’assassinat de Lorenzaccio. b. refus de la bienséance Inspiré du drame Shakespearien, présence de sang sur scène, d’assassinats, de suicides comme dans Ruy Blas, Lucrèce Borgia (V. Hugo) Lorenzaccio (A. de Musset). c. refus du moralisme La fin ne correspond pas aux attentes morales du spectateur : les personnages négatifs ne sont pas forcément punis. Lorenzaccio est une pièce très ambiguë : on ne sait pas vraiment qui est le héros, mais en tout cas on voit que les Républicains sont des lâches et le pouvoir est transféré à d’autres mains : à celles du Cardinal qui aura été le seul personnage à obtenir ce qu’il voulait. 2) Une nouvelle sorte de héros Le romantisme apporte une nouvelle sorte de héros, qui n’est plus stéréotypés mais à son propre caractère, c’est un individu à présent, et il peut évoluer, apprendre. a. Un individu double : le rôle du masque Ses différents noms reflètent le caractère trouble du personnage - comme autant de masques : Lorenzo de Médicis ( I, 4 ) = nom prestigieux du descendant d'une famille noble. Nom utilisé par le Duc. Lorenzino ( II, 4 ), terme utilisé par Marie, est le nom tendre utilisé pour l'enfant d'autrefois. Renzino ( le duc, II, 4 ) = surnom trop familier donné au compagnon de débauche. Lorenzetta ( le duc, I,4) = diminutif ambigu qui convient à l'être efféminé. Lorenzaccio (Lorenzo, III,3) = terme péjoratif, qui s’applique au débauché Lorenzaccio 4
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Acte I Scène 6 : la tante et la mère de Lorenzo tente de discerner qui il est vraiment. Apparences qui font hésiter entre malhonnêteté et honnêteté, entre vice et vertu. Sa mère voit sur son visage les stigmates de ses vices : Le sourire, ce doux épanouissement qui rend la jeunesse semblable aux fleurs, s'est enfui de ses joues couleur de soufre, pour y laisser grommeler une ironie ignoble et le mépris de tout.
Dans l’acte III scène 3, on en découvre plus sur Lorenzo, le masque se laisse quelque peu percer à jour, et on se rend compte que le héros ne sait plus luimême qui il est : le masque est devenu une partie de lui. Il y a des blessures dont on ne lève pas l'appareil impunément. Je suis devenu vicieux, lâche, un objet de honte et d'opprobre; qu'importe? Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. […]Les masques de plâtre n'ont point de rougeur au service de la honte.
Seul son orgueil le rattache encore à la vertu : bien qu’il pense que ça sera vain, c’est sa volonté de terminer ce qu’il avait décidé qui lui donne encore de l’espoir de pouvoir retrouver son identité perdue. Acte IV : De quel tigre a rêvé ma mère enceinte de moi ? Réalisation qu’il peut y avoir un fond de vice en lui pour avoir désiré le meurtre de quelqu’un : sa conscience le taraude. => Son crime risque alors de perdre tout son sens b. Un individu tourmenté
= > notion romantique dont sont victime les héros : le « mal du siècle » : sentiment du vide de l’existence, absurdité de la vie = > porté par ses désirs, ses défis mais rencontre la fatalité : il meurt = > le héros est l’élément perturbateur : Par exemple, c’est Lorenzaccio qui fera ce que les républicains n’auront pas osé faire : tuer le tyran, et ça se révélera vain. Il apporte la destruction « Cependant, à l’entour de ma couche farouche, // Tout se brise, tout meurt. Malheur à qui me touche ! » Hernani, Victor Hugo (III, 4). = > voué à la solitude Lorenzo : M'avait−il offensé alors ? Cela est étrange, et cependant pour cette action, j'ai tout quitté ; la seule pensée de ce meurtre a fait tomber en poussière les rêves de ma vie ; je n'ai plus été qu'une ruine, dès que ce meurtre, comme un corbeau sinistre, s'est posé sur ma route et m'a appelé à lui. (IV,3)
= > révolté contre son sort ou contre la société = > désespoir, révolte, débauche, conquêtes + Image désenchanté de l’humanité Quel bourbier doit donc être l'espèce humaine qui se rue ainsi dans les tavernes avec des lèvres affamées de débauche, quand moi, qui n'ai voulu prendre qu'un masque pareil à leurs visages, et
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qui ai été aux mauvais lieux avec une résolution inébranlable de rester pur sous mes vêtements souillés, je ne puis ni me retrouver moi−même, ni laver mes mains, même avec du sang ! (IV, 5)
Héros intellectuel, reflet de la conscience moderne S’oppose au pouvoir tyrannique avec comme base son éducation
Conclusion
Lorenzaccio est un drame perturbant : il est difficile de savoir si on peut qualifier Lorenzo de héros ou d’antihéros : le mélange de vice et de pureté chez lui reflète le caractère clair-obscur de la pièce, qui est emprunte de ton tragique, avec ses complots dans l’ombre, ses meurtres, ses haines et ses lâchetés, mais cela en compagnie d’un ton léger continue, grâce aux bouffonneries du Duc, des badinages des commerçants, et surtout des féroces sarcasmes de Lorenzo, qui malgré leur aspect cynique, font sourire. Aussi, l’étincelle dont parlait Victor Hugo a donné lieu chez Musset à une pièce ambiguë ; mais qui ressort bien plus différente du théâtre classique que ne l’aurait fait un simple mélange des genres, qui lui résultait en drame bourgeois, comme en a écrit Diderot. Non, le drame romantique représente non seulement un passé historique qui permet de comprendre le présent, ainsi que souligne le rôle de l’individu dans la société. Hors si Lorenzaccio peut paraître profondément pessimiste, il dénonce aussi la situation politique instable du début du XIXème siècle, et ainsi nous laisser interroger sur un autre but des écrivains romantiques : influencer leur contemporain à travers leurs écrits.
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