Critique "le Clou Dans La Planche"

  • April 2020
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Actualité critique du spectacle vivant / Grand Toulouse

Comment ciseler un lapin Anne Bourgès et Delphine Alvado achèvent la création de L'abattoir, évocation de l'affaire Papin qu'accueille le théâtre du Pont Neuf.

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février 1933, au Mans : Christine et Léa Papin, domestiques chez les Lancelin, assassinent sans motif défini ni préméditation leur maîtresse et sa fille qu'elles énucléent, martèlent et cisèlent selon les meilleures recommandations des manuels de cuisine du temps pour la préparation d'un lapin. On trouve les deux soeurs lavées et en peignoir dans le même lit, d'où elles avouent leur crime sans difficulté. L'affaire fait grand bruit et les soeurs Papin sont condamnées après un procès expéditif – Christine à mort, peine commuée en travaux forcés à perpétuité, et Léa à dix ans de travaux forcés. Mal expliqué, leur acte sauvage et mystérieux inspire à Jean Genet ses Bonnes, à Claude Chabrol La cérémonie, à Jean-Pierre Denis Les blessures assassines, parmi bien d'autres.

Fin mars 2009 : Delphine Alvado et Anne Bourgès se retrouvent dans une petite salle mussée derrière le théâtre du Pont Neuf pour y répéter L'abattoir, né lui aussi du crime des soeurs Papin. Le lieu, comme souvent, est petit, maigrement chauffé et envahi d'un capharnaüm notable au milieu duquel trône un marteau et, dans un coin, une improbable guitare électrique. Les deux comédiennes y parlent de leur texte avec une connivence étrange, l'une poursuivant la phrase ou l'idée de l'autre, comme si la relation particulière des soeurs criminelles avait déteint sur la leur. Le projet naît il y a plus d'un an du simple désir de travailler ensemble, hors du cadre de la compagnie Lever du Jour où elles sévissent habituellement. De l'envie de partir d'un fait historique, aussi bien, des années Vingt ou Trente de préférence et qui concernerait deux femmes – alors fatalement... Les soeurs Papin choisies, commence un long travail de recherche : fictions théâtrales, biographies plus ou moins romancées, films, "puis nous sommes revenues à la source", explique Delphine Alvado, "archives judiciaires, documents psychiatriques, comptes rendus..." Les premières scènes écrites finissent au panier, "notamment à cause du langage", poursuit Anne Bourgès, "trop moderne. On s'est dit qu'elles parlaient finalement très peu." "Et puis nous avions écrit en fonction de l'image qu'en avaient les gens" (Delphine), "finalement on en a fait des personnages quasiment mythiques, telles que nous les voyions plutôt que telles qu'elles étaient" (Anne), "en travaillant beaucoup sur le côté psychologique, criminologique" (Delphine, qui évoque entre autres Lacan). "Puis nous sommes reparties sur des improvisations", poursuit Anne-Léa, "et c'est à partir de ces improvisations que nous avons réécrit les scènes que nous avons finalement gardées, en ajoutant des extraits d'interrogatoires, des analyses psychiatriques, des articles de journaux." Delphine-Christine : "Nous sommes aussi parties sur deux modes de jeu. Le texte met en scène deux comédiennes qui font un peu ce que nous avons fait, qui travaillent et cherchent à comprendre le cas des soeurs Papin." Léa – pardon, Anne : "En fait, nous parlons de nous, autant des comédiennes que de ce qui se passe pour les personnages." La comédienne Hélène Dedryvere, elle, porte son regard sur la direction d'acteurs, l'écriture et la structure du spectacle, mais la répartition des rôles reste longtemps incertaine, avant de s'imposer d'elle-même : "Moi j'arrache mieux les yeux", explique Delphine ; "et moi, lorsqu'on le dit "Tue ! tue !", j'obéis très bien", achève Anne. Fichtre.

Le travail du jour porte sur le tout début – une histoire de dix-huit sucres et de retenue sur gages – les aveux et rétractations de la toute fin, et laisse très vite sentir le parti adopté : décor, accessoires et costumes réduits au strict nécessaire, identiques pour les soeurs et pour les "comédiennes" ; le balancement incessant de bascules imprévisibles entre le temps de l'affaire et le nôtre ; et, semble-t-il, une indétermination croissante à mesure que se révèle la relation fusionnelle unissant les deux criminelles et que croît l'identification des deux femmes à leurs personnages, portée par un jeu d'aussi peu de gestes que de mots et une mise en abyme délicate des personnages des comédiennes. Même en répétition, l'effet est immédiat et le spectateur de hasard entre dans l'affaire sans y prendre garde, avec le sentiment vaguement dérangeant – déstabilisant, à tout le moins – de ne jamais savoir dans quel monde ou dans quelle tête il se trouve, jusqu'à y perdre la distinction claire des parts de la mémoire et de la réalité. "C'est encore un peu dur", regrette Anne Bourgès après maintes évocations d'énucléations à main nue, de coups de marteau et de taillades variées. Lisibilité des bascules, vitesse de transition, et la recherche jamais achevée de justesse dans les détails que nourrissent les accidents heureux et qui, trop volontairement poursuivie, finit toujours par coincer un peu : il y a encore du travail. Le spectateur pourra juger de son avancement dès samedi, lors d'une répétition publique organisée au théâtre du Pont Neuf – en attendant le mercredi suivant, jour de la première et de la renaissance de deux mystérieuses soeurs. Âmes sensibles, ne pas forcément s'abstenir. II Jacques-Olivier Badia

Mirabelle ne s'aime pas. (Photos Mona/Le Clou dans la Planche)

Théâtre

L'abattoir Cie Petite Lueur. De et avec Anne Bourgès et Delphine Alvado. Direction d'acteurs : Hélène Dedryvere. Répétition publique le 11 avril à 18h. Représentations du 15 au 25 avril à 21h, le dimanche 19 avril à 17h. Tarifs 8 et 12 €. Théâtre du Pont Neuf, 8 place rzac à Toulouse. Tel. 05 62 21 51 78. www.theatredupontneuf.fr Réservez à tarif prévilégié avec Boodu.com >

08/04/2009 08:48

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