Envoie pour toi (lekha) des hommes. (13, 2) Sur les premiers mots de la parachath Lekh Lekha (Beréchith 12), où Hachem avait enjoint à Avraham : « Va pour toi (lekha) hors de ton pays… », Rachi expliquait le mot lekha (« pour toi ») comme signifiant : « pour ton bonheur et pour ton bien ». Si l’on s’appuie ici sur cette interprétation, la question qui nous vient naturellement à l’esprit est : Quel bénéfice Moché a-t-il retiré de l’envoi des explorateurs ? S’il ne les avait pas délégués pour visiter le pays, répond le Mochav Zeqénim, les enfants d’Israël y seraient entrés immédiatement, et la vie de Moché aurait dû prendre fin, puisque Hachem avait décrété qu’il ne s’introduirait pas en Terre sainte. Les explorateurs ont livré un compte rendu calomnieux de leur mission, et le peuple, pour avoir gravement péché en prêtant foi à leur diffamation, s’est trouvé « retenu » dans le désert pour une période de quarante ans. C’est ainsi que quarante années furent ajoutées à la vie de notre guide et prophète ! Voilà en quoi l’envoi des explorateurs s’est avéré lui aussi lekha, « pour ton bonheur et pour ton bien » – de Moché. Envoie pour toi (lekha) des hommes. (13, 2) Pourquoi le chapitre relatif aux explorateurs fait-il directement suite à celui relatant la lèpre dont fut frappée Miryam ? demande Rachi. Réponse : « Parce qu’elle a été punie pour avoir médit de son frère, et ces dépravés, qui avaient pourtant vu [la tsara‘ath infligée à Miryam en conséquence de ses propos], n’en ont pas tiré la leçon ! » Est-ce véritablement là leur plus grand péché : n’avoir pas su tirer la leçon qui s’imposait ? s’étonne Rav Yerou‘ham Leivovitz.
Il ne fait pas de doute, explique le Machguia‘h de Mir, que la faute des explorateurs a consisté essentiellement dans leurs propos calomnieux sur le pays d’Israël. Mais celle-ci a été considérablement aggravée par le fait qu’ils n’ont pas su dégager la leçon de ce qui était arrivé à Miryam suite à ses paroles sur Moché. Ces hommes auraient dû marquer une pause, prendre le temps de réfléchir sur ce qui venait de se passer. Ils auraient dû déduire les justes conclusions de ce à quoi ils venaient d’assister pour ne pas revenir sur la même erreur. Mais… « ces dépravés n’en ont pas tiré la leçon » ! Ce point a été amplement développé par les Sages du Moussar : De tout ce qu’il voit ou entend, que l’homme s’attache à retirer les conclusions qui s’imposent, ou la moralité qui s’en dégage. De cette manière, il sera à même de mettre son étude en pratique et se gardera de faillir. Comme l’affirme le roi Chelomo (Michlei 1, 5) : « Le sage entend et [ainsi,] ajoute du discernement »… Pourquoi Rachi insiste-t-il précisément sur le fait que les explorateurs « avaient vu l’événement » – la tsara‘ath infligée à Miryam – « et n’en ont pas tiré la leçon » ? se demande encore l’auteur du Peninim Yeqarim. Et d’expliquer : Certains auraient pu penser que cette lèpre dont Miryam avait été atteinte n’était pas une punition suite à ses propos sur Moché, mais qu’elle relevait de ces yissourim chèl ahava, à savoir de ces souffrances que Hachem impose aux Justes par amour, pour leur permettre d’acquérir plus de mérites, et leur assurer une immense récompense dans le Monde à venir (Berakhoth 5a). Un tel raisonnement eût été toutefois erroné, car selon l’enseignement de nos Sages (ad loc.), les plaies et affections lépreuses dont les enfants d’Israël étaient « visiblement » atteints n’entrent pas dans la catégorie de ces yissourim chèl ahava. Or, la Tora atteste que Miryam était devenue « lépreuse comme la neige » (supra 12, 10). C’est donc bien la preuve que cette « maladie » ne lui avait pas été infligée comme une souffrance imposée par amour, mais qu’elle avait dû la subir en punition de ses propos sur Moché. Voilà pourquoi Rachi souligne : « ils avaient vu et pourtant, ils n’en ont pas tiré la leçon ».