Stages Aquarelle "Carnets de Voyages en Andalousie"
ROUTE DU CALIFAT ET DES VILLAGES BLANCS (ultimes repérages) Texte et composition d'Alain MARC Croquis, photos et aquarelles de Yolande GERDIL, Pierre NAVA, Alain MARC
- Des rivages d'Alméria à la mosquée de Cordoue -
Sur la route de l’Andalousie, parfum de Méditerranée … En route vers la Méditerranée, l’Espagne, la Catalogne … Yolande et Pierre m’accompagnent, nous partons effectuer les derniers préparatifs du stage « carnet de voyage » que j’animerai en Andalousie au mois d’avril .
Loin derrière nous le viaduc de Millau, grand symbole de l’arrivée sur le Larzac avant de plonger vers les vignes du Languedoc . Le Perthus c’est la frontière, toujours émouvante parce qu’elle ouvre la porte d’une autre culture . Il faut dire qu’à partir d’ici tout est différent : la végétation, le climat, la langue qui n’est plus la même avec ce catalan ensoleillé parlé couramment depuis Perpignan . Passage rapide le long de la Costa-Bava hideuse, défigurée par les concentrations balnéaires du tourisme de masse ; où sont-ils les adorables villages médiévaux de l’arrière pays nommés Pals, Ullastret ou Peratallada ? C’est d’eux dont il faut vous souvenir si vous passez en Costa-Brava, et d’autres petits coins miraculeusement sauvegardés et connus des seuls initiés de la région de Barcelone. Ensuite le Perthus, et un dernier regard vers le Canigou et les Pyrénées embrumées . Ce passage en Espagne par la route de la Catalogne et du Levant est essentiel pour qui se dirige vers l’Andalousie . 1
L’avion est pratique certes, mais il vous prive de la dimension onirique du voyage, de l’imprégnation du pays, de sa découverte véritable à travers une approche qui se déroule comme une initiation . Il en est ainsi en Catalogne : en s’arrêtant sur l’aire d’autoroute de Tarragone on découvre un bel aqueduc romain qui n’a rien à envier au Pont du Gard, sinon par sa plus modeste dimension . Ce superbe monument de calcaire blond prouve avec bien d’autres dans cette région combien elle fut colonisée, traversée par toutes les grandes civilisations méditerranéennes, ce qui favorisa les échanges d’une rive à l’autre et participa activement au développement du caractère catalan marqué par le sens du voyage associé au commerce et la finance .
Cela permet aussi de comprendre l’une des grandes différences entre les provin-ces espagnoles frontières des deux bouts des Pyrénées la Catalogne et Le Pays Basque : la première tire son identité de l’histoire, la seconde de son ethnique homogénéité .
L’aqueduc romain de Tarragone par Yolande (aquarelle Yolande Gerdil)
La nuit est déjà tombée quand nous arrivons à Péniscola . Ce vieux village accroché à une petite presqu’île domine la mer, c`est l’étape idéale sur la route de l’Andalousie . 2
Même si les avenue menant au village et longeant la plage sont victimes d’une urbanisation balnéaire à outrance sans le moindre caractère, la vielle citadelle sur son rocher avançant vers la Méditerranée a toujours fière allure …
Premier contact avec le caractère Ibérique : nous nous régalons d’excellentes tapas à « La Barca », petit bar très sympa de la rue José Antonio où nous tombons en plein pendant le match de foot retransmis à la télé « Madrid - Saragosse » décisif pour la finale de la coupe royale, un moment unique auquel je consacrerai bientôt une page spéciale tant ce premier contact avec l’âme espagnole fut haut en couleurs !
Il ne reste plus rien dans nos assiettes tant elles étaient bonnes, mais Yolande est déjà en train de dessiner et de peindre car le ton monte dans la salle à
l'entrée des joueurs sur le terrain, et tous ces regards rivés sur la télé sont expressifs …
Le croquis de Yolande: match + tapas + « vino tinto » pour tous, et l’ambiance en plus : à découvrir au retour une petite merveille d’extrait dans un prochain article des rubriques « Voyages sonores » ou « Voyages vidéo » ! 3
Pendant que Yolande dessine Pierre n'en perd pas une non plus !
On se regarde de temp en temps en rigolant car le spectacle est trop cocasse : le public est si captivé par le match que personne ne nous voit dessiner alors
qu'on « fusille » portant !
à bout
Pierre saisit rapidement les changements de mimiques suivant l'enthousiasme ou la déception . Il faut dire que pour la Coupe du Roi l'enjeu est de taille, et celui de Sarragosse ou Madrid qui sera qualifié se retrouvera certainement en finale ... Finalement au décompte de points c'est Saragosse qui a gagné, au grand désespoir des supporters de Madrid ! Le lendemain matin Pierre NAVA dessine encore Péniscola avant notre départ ... 4
Dernier coup d’œil à Peniscola dans la brune du matin avant de repartir plus au sud, aquarelle de Yolande Gerdil .
Sur la route de l’Andalousie, du Levant aux rivages d’Alméria … De Péniscola presque jusqu’à Alicante, la côte méditerranéenne n’est en cette saison qu’un immense jardin fleuri s’épanouissant dans une grande douceur ! Ne seraient ces infâmes usines, raffineries, centrales, zones industrielles, et le passage de l’abominable concentration immobilière de Bénidorm, la descente vers les plaines de Mourcia serait un enchantement .
Autoroutes plus que chargées, les kilomètres défilent ...
La traversée de toutes ces régions nous permet de constater à quel point l’essor touristiquo-économique est en train de ravager les dernières parcelles encore authentiques du littoral espagnol, combien son développement industriel, démographique et commercial bien légitime, nécessaire mais anarchique, bouleverse le paysage périurbain qui a perdu son âme autour de la quasi-totalité des grandes agglomérations . 5
Aussi, pour retrouver la beauté originelle du pays de Cervantès il faut s’enfoncer dans l’arrière pays en quête de lieux sublimes qui existent encore tels des trésors cachés . Il faut affronter le barrage des laideurs bétonnées, fumantes et polluantes, ou les patchworks blanchâtres et brillants des immenses serres agricoles, les filets et bâches plasti-ques emprisonnant des pans entiers de « campos » en cultures forcées . Sur la route, falaises surplombant la mer, châteaux mauresques et amandiers en fleurs . Alors seulement la récompense est là et on retrouve cette Espagne de mon enfance (la dictature en moins et la richesse en plus) qui ne se livre qu’aux véritables voyageurs, ceux qui l’ont méritée ! Orangers dans la région de Valence croulant sous les agrumes, les fruits jonchent le sol et sont succulents !
Il en est ainsi comme en Catalogne de tout l’arrière pays Levantin : les Sierras sauvages sont les remparts et l’écrin de véritables petits paradis parfumés par ses arbres fruitiers merveilleusement fleuris en cette saison . Notre regard se délecte sur leurs pentes de ces terrasses verdoyantes qui bénéficie en beaucoup d’endroits de l’irrigation inspirée des antiques systèmes de la « huerta de Valencia » (le jardin valencian), héritage des traditionnels moyens de répartition d’eau des pays arabes et méditerranéens . Ils sont simplement aujourd’hui très modernisés et généralement automatisés . 6
C’est sur l’une de ces terrasses aux effluves printanières que nous ouvrons à nouveau nos boîtes d’aquarelles et carnets de croquis . Les couleurs y sont aussi chatoyantes qu’à la surface de nos palettes dans la lumière qui inonde les jardins et les vergers . (Photo Pierre NAVA)
La terre rouge, les ar-bres fruitiers fleuris, les citronniers, mandariniers et orangers : des parfums d’abondance, de printemps et de beauté à ne plus en finir . (Aquarelle Alain MARC)
Une page très évocatrice du carnet de Yolande …(carnet de voyage Yolande GERDIL)
Nous traversons rapidement la région d’Alicante et dépassons l’incomparable palmeraie d’Elche (la plus grande d’Europe, magnifique héritage phénicien saccagé lui aussi par les promoteurs en tout genre) pour foncer vers la fournaise poussiéreuse du pays de Murcia, bientôt 7
franchie grâce à l’aménagement (à présent terminé) de l’itinéraire d’autoroute reliant les grandes voies littorales des deux côtés méridionaux de la péninsule .
Les portes de la province d’Alméria, immense territoire de roches dénudées et de « remblas » désertiques sont en train elles aussi de se transformer en réservoirs à agrumes et maraîchages de toutes catégories et les légumes y poussent en abondance sous des océans de plastique blanc . De triste lambeaux de ces oriflammes sans gloire s’accrochent parfois arrachés par le vent aux nobles branchages d’oliviers séculaires miraculeusement épargnés au milieu des serres immenses … Ravinement d’une « rembla » dans la province d’Alméria .
Ces visions surréalistes sont le prix à payer pour atteindre la pointe la plus orientale de l’Andalousie, premier rendez-vous préservé pour qui veut comprendre et remonter le cours de l’histoire jusqu’à l’empreinte mauresque, point de départ de notre fascinante route du califat .
Yolande peignant face au large, à l’ extrême pointe orientale de l’Andalousie dans un paysage encore pur et sauvage, miraculeusement préservé .
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Enfin l’Andalousie, sur les traces d’un mythe …
…Un mal fou à trouver des cybercafés ici, ce qui explique le silence des jours qui s’enchaînent et que nous ne voyons plus passer sous ce chaud soleil du sud, tout au bord de cette mer dont le bleu est si intense qu’il étourdit presque ! J’ai pris l’ordinateur portable avec toutes mes bases de données, les archives des anciens repérages mais ce n’est pas simple de travailler !
La première aquarelle de Yolande sur la plage .
La plage sauvage par Yolande : qu’on ne nous dise pas qu’il n’existe plus de côte sauvage en Méditerranée ibérique ! … Mais pour combien de temps encore, puisque ici aussi les promoteurs sont en train d’installer des grues gigantesques et commencent à détruire ces derniers espaces de pure liberté, de beauté et d’équilibre écologique ? C’est que nous sommes au paradis et on ne voudrait pas en partir ! 9
Ou plutôt on ne sait plus très bien où nous sommes, de quel côté de la Méditerranée nous sommes entrés dans cette notion du temps à la renverse qui nous propulse dans un rêve éveillé .
Déjà des panneaux sur la route quelques kilomètres avant d’arriver, nous laissent douter des limites de l’histoire toujours recommencée, nous rappelant d’une étrange façon que c’est ici que le royaume d’Al Andalous a débuté lorsqu’un certain Tariq venu de Bagdad, accompagné de plus de berbères que de princes guerriers du Moyen-Orient débarquait en l’an de grâce 711, sans savoir qu’il allait changer pour des siècles l’histoire et le visage de tout un pays !
Dépaysement total dans un coin comme celui-ci : on se croirait dans une vallée du sud de l'Atlas ou même plus au sud encore du côté de la vallées du Draâ ou du Dadès ... D’abord, il y a ces plateaux de torpeur écrasés par le soleil où l’ocre de la terre crevassée de sècheresse s’érige de monticules en dômes chérifiens, secrets écrins de son plus vital breuvage de survie . Ce sont les indispensables et rares « pozos » millénaires, les puits protégeant l’eau, où chaque goutte est précieuse, stockée aussi dans ces « aljibes abovedados » les antiques citernes à la toiture voûtée . 10
Voici la coupole d’un puits (un « pozo ») en bord de piste au dessus de Rodalquilar . La forme de la coupole protégeant le puits, de la petite « finca » à l’horizon et l’aridité du paysage, son aspect géographique aussi, nous font faire un bond de quelques centaines de kilomètres plus au sud, en face, de l’autre côté de la Méditerranée ! Et puis le paysage, les couleurs et la nature, l’aspect des bourgs et des maisons qui nous transportent ailleurs, dans les djebels présahariens qui ont tout de commun jusqu’à leur éclatante lumière avec cette émergence africaine déposée ici comme par miracle sur les rivages si longtemps convoités par Isabelle la Catholique . Un « cortijo » isolé adossé à la sierra, aux toitures en terrasses comme les maisons du maghreb, aquarelle réalisée par Yolande pendant que je faisais quelques photos . (aquarelleYolande Gerdil) Ruines d’une antique noria au pied de la Sierra du Romeral à quelques cen-taines de mètres de la plage : une ambiance très « présaharienne » qui n’a rien à envier aux djebels dénudés que traverse bien plus loin le serpent bleu et argenté du superbe fleuve Draa … 11
C’est d’ailleurs depuis le sud que nous aurions dû arriver en Andalousie : si j’aime tant le Maroc, les pentes de l’Atlas, l’incontournable Marrakech sur la route de Tanger, c’est pour mieux retrouver par delà le Détroit les terres andalouses où bruissent toujours dans le chant de ses sources les mirages perdus d’un éden onirique qui exista pourtant réellement pendant quelques siècles mythiques … Cet itinéraire bien plus que celui qui nous amène du nord, est le plus enrichissant pour qui veut entrer en communion avec l’identité andalouse, pour comprendre quelquesunes de ses plus profondes subtilités, et saisir aussi ses différences . Ce n’est pas le printemps sur une terrasse de l’Atlas où les palmiers dattiers ombragent les vergers, ni un oasis aux parterres de senteurs en vallée d’Ounila, mais un « huertito de vergel » (jardin de verger) au pied du « Serro des Améthystes » à quelques dizaines de kilomètres d’Alméria . Ne cherchez pas sur la carte : ce coin-là personne ne le connaît à part les autochtones, mais un jour je le sais je prendrai cette route d’arrivée par le sud pour imaginer ici que l’Atlas continue et en hommage à Lévi-Provençal le génial géographe qui a su révéler l’existence de ce fil conducteur d’une même beauté des deux côtés de la Méditerranée . Voici, émergeant d’un vent de sable qui balayait la vallée, un fortin nasride tel que nous le découvrîmes lors de mes premières incursions dans cet endroit d’Andalousie en septembre 1992 . Il défendait dans les années 1480 la route menant à un petit port tout proche aujourd’hui disparu, alors que le royaume Nasride était acculé aux avancées de la reconquête et en butte à d’autres conflits nords-africains . 12
Le paysage désertique, l’étonnante végétation subtropicale, les sierras dénudées, tout nous plongea immédiatement dans une atmosphère d’un exotisme rare que je fis partager aux stagiaires du premier carnet de voyage dans cette région quatre années plus tard . La jolie Noria del « Pozo de los Fraïles », telle qu’elle était en 1996, le jour de l’inauguration de sa restauration . . Aujourd’hui les très beaux godets en poterie pour écoper l’eau ont été détruits et il ne reste plus que les cordages où ils étaient attachés à descendre dans le puits ! Mes voyages répétés pendant des années à sillonner bien des pistes de cette étonnante région (l’Espagne faisant partie de ma vie depuis mon enfance lorsque avec mes parents nous allions visiter les familles des réfugiés qu’ils avaient accueillis de ce côté-ci des Pyrénées -), m’ont permis d’en suivre l’évolution, de me réjouir des bienfaits apportés à ses habitants par les avancées technologiques et d’équipement, mais de me désoler de voir certains lieux qui auraient du être protégés aménagés à outrance pour le tourisme et l’urbanisation, créant des outrages irréversibles dans des zones à l’équilibre naturel, écologique et archéologique déjà très fragile . Voici à présent le fortin nasride photographié hier au milieu de pelouses d’herbe tendre (ce qui est très rare ici où le climat - dixit les météorologues de l‘université de Grenade - est comparable à celui de Bagdad avec plus de 3000 heure d‘ensoleillement pour 156 mm seulement d’eau par an) constellées de fleurs (il a exceptionnellement plu cet hiver nous disent les autochtones), avec sa route à présent totalement bétonnée (oui, c’est du ciment qui a remplacé la jolie petite piste sablonneuse de la photo précédente), et tout au fond la mer … 13
Pierre ne peut résister à la tentation de dessiner plusieurs fois ce paysage, et pendant qu’il s’installe face au fortin, Yolande en fait de même avec un autre point de vue, tandis que je vais explorer les entrailles de la vielle bâtisse enfin dégagée de ses broussailles et des tonnes de fumier qui envahissaient les pièces du rez-dechaussée lorsque ces dernières années c’était encore l’abri improvisé par les bergers de la contrée pour leurs chèvres et brebis .
Le fortin de Pierre, (aquarelle Pierre NAVA)
…et celui de Yolande, non loin d’un hameau avec ses maisons en terrasses traversé en repartant . (aquarelle Yolande GERDIL)
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Étonnant endroit où se mêlent tous les visages méditerranéens : on passe presque sans s’en apercevoir de lieux évoquant le Maroc ou la Tunisie à d’autres ressemblant à la Sicile ou à la Grèce sur le fond bleu de la mer !
Dessin de Yolande avec en bas à droite le personnage symbole de la province d’Almeria inspiré d’une gravure rupestre tenant dans ses bras un arc semblable à un soleil levant . (croquis Yolande GERDIL)
Miracle de la vie, cette herbe verte qui tapisse la rocaille entre agaves et cactus, disparaîtra bientôt aux premières chaleurs du mois de mars ou d’avril pour ne plus laisser place qu’à sa mémoire africaine cuivrée des roches volcaniques du désert … 15
Pour le moment c’est ici le printemps, et quand bien même on n’aurait pas l’âme botaniste on passerait des heures à courir de talus en « barrancos », à s’émerveiller des espèces les plus rares ! (Miguel Mansanet, dans son livre sur la Comarca en a recensé sur seulement quelques kilomètres carrés 72 espèces extrêmement protégées)
L’astéricus maritimus est l’une d’entre elles, et ses bouquets à capitules semblables à des soucis entièrement jaunes, éclatent dans la rocaille comme autant d’explosions ensoleillées …
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« Le Grand Bleu » : - vous vous souvenez du film ? Eh bien nous l’avons retrouvé ici avec des rochers blancs, mauves, ocres, orangés, saumonés, gorge de pigeons, qui plongent dans une mer turquoise et cobalt .
Dans la solitude et la pureté, avec pour tout bruit de fond celui de la brise marine, du cri des oiseaux de mer et du clapotis des vagues mourant sur les rochers … 17
Il y a longtemps déjà j’avais dessiné les calanques du Cerro Negro, des astéricus, et peut-être, …notre déjeuner !
De la beauté à l’état pur vous dis-je : une immense toile contemporaine en trois dimensions, que j’oserai parodier sur un bout de papier parce que c’est plus fort que moi, irrespectueux que je suis des choses trop belles pour ne pas tenter de les dessiner …
C’était comme si je n’avais pas les bonnes teintes dans la palette, comme si je ne connaissais plus rien aux mélanges et aux rapports de couleurs, comme si je ne savais plus rien faire que regarder et pleurer ! (aquarelle Alain MARC)
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Dans le film du « Grand Bleu » justement : - vous souvenez vous aussi de l’adorable petit port où tout au début du film les enfants plongeaient ? Celui-ci y ressemble beaucoup avec ses maisons les pieds dans l’eau, ses barques de pêcheurs colorées, et une vie encore paisible rythmée par la mer et les saisons …
Comme sur une île grecque, mais c’est en Andalousie ! (aquarelle Alain MARC)
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Les photos à elles seules deviennent des tableaux parce que les choses sont simples, pures, équilibrées, et que l’harmonie qui se dégage de ce rapport au monde passant par la nature n’est rien d’autre que le souffle de la vie .
L’une des grèves du village qui s’étire paresseusement au pied des maisons .
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Un autre coin du même endroit, un peu taché par les embruns … (aquarelle Alain MARC)
Yolande et Pierre s’en donnent à cœur joie,
…et les poissons tout frais ramenés ce matin par les pêcheurs en barque nous sont servis à la petite auberge qui a les pieds dans l’eau, mais on ne cesse de peindre même à table comme si
… gagner le paradis était à ce prix !
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On oublie vite autour du « vino tinto » et de « l’abrasado pescado » qu’ailleurs il ne fait pas forcément très beau, que ça fait des jours qu’on n’a pas trouvé de cybercafé pour mettre mon article en ligne, et qu’il est temps de partir pour Grenade parce que l’Andalousie aux milles visages est une amante qui n’attend pas … « La mujer canta a la puerta : Vida de los marinerons el hombre siempre en el mar y el corazon en el viento . » « La femme chante à sa porte : Existence des marins l’homme toujours en mer et le cœur au vent . » Juan Ramon JIMÉNEZ Andalousie, d’Almeria à la Sierra Nevada . Nous quittons le sud-est des faubourgs d’Almeria en contournant la ville par l’est, direction Grenade . Almeria nécessiterait une visite approfondie, surtout son vieux quartier de pêcheurs dénommé « El Chanco » et son château arabe (l’Alcabaza) dominant toute la ville . Les vieilles murailles s’élèvent toujours fièrement autour de l’antique médina dont il ne reste plus grand-chose . Ce sera pour une autre fois … Peu de temps après avoir dépassé les banlieues nord de la ville, le paysage devient plus aride et grandiose encore : c’est que nous entrons au pied de la Sierra de Alhamilla dans le désert de Tabernas, traversé par la « rambla » du même nom . Décor somptueux des « westerns-spaghettis », la Sierra de Alhamilla se dresse au dessus des célèbres ruines en plâtre et carton-pâte de films aussi célèbres que « Il était une fois dans l’Ouest », « El Con-dor » ou « Les sept mercenaires » . 22
Ce paysage que nous traversons trop vite est très attirant : le désert de Tabernas est un miracle de la vie qui cache ses trésors au fond de ses ramblas arides, un univers de poussière d’ondulations en canyons pulvérulents et torturés aux couleurs ocres, dorées et cuivrées à la végétation steppique qui n’a pas changée depuis des millénaires .
J’ai voulu avec cette encre aquarellée traduire les nuances tranchées des teintes affirmées du désert de Tabernas, dernier désert d’Europe, étonnant de sauvagerie . Les herbes sèches qui y courent en hordes de boules fauves nous emmènent dans des rêves enfantins où on croit deviner des Sioux ou des Comanches se cachant derrière les rochers … (aquarelle Alain MARC)
Parfois une sorte d’oasis, avec des oliviers et des orangers, quelques bouquets de palmiers, et un troupeau de chèvre broutant les rares herbes jaunies . (photo Alain MARC)
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C’est qu’il y a non loin d’ici un ancien cortijo aux murs blanchis à la chaux ressemblant à de vielles maisons de la campagne mexicaine . (Aquarelle Alain MARC)
J’y avais peint il y a quelques années déjà cette aquarelle du verger protégé de sa haie de figuiers de Barbarie et de bouquets d’agaves bleutés qui faisaient vibrer les couleurs du sol ocres rouge et vieil or tandis que le montagne derrière disparaissait dans une pulvérulence violine et lie de vin . (Aquarelle Alain MARC)
Nous laissons derrière nous ce miracle de la vie, dernier désert d’Europe , espace mystérieux disparaissant de notre regard pour voir en face se profiler la Sierra de Los Filabres que nous longeons au sud ouest avant de voir sur notre gauche s’enfonçant dans les nuages les premières pentes de la Sierra Névada . 24
Rayon de soleil sur le Cerro Grande, dernière avancée de la Sierra De los Filabres et de Baza vers l’ouest . (photo Alain MARC)
Sierra Névada: encore une montagne mythique !
Elle culmine à 3482m au dessus de Grenade, et ses sommets enneigés disparaissent aujourd’hui dans la tourmente car le temps s’est beaucoup dégradé . Nous sommes passés sans nous en rendre compte des chaleurs arides aux froidures enneigées . La Sierra est sauvage et désolée . Nul village ne vient ponctuer son immensité . Pourtant sa secrète beauté tient à sa nature protégée où la chèvre ibérique (sorte de bouquetin local) est l’une des fiertés de ses parcs naturels . La Sierra Névada que j’aime le plus est celle de son piémont du sud, celle des Alpujarras, endroit particulièrement attachant dont les villages accrochés à ses pentes ressemblent à s’y méprendre à ceux de l’Atlas . Il faut dire qu’ici les maures chassés de Grenade trouvèrent de quoi vivre et se réfugier longtemps encore après la re-conquête . Des rouleaux de nuages noirs témoignent de la tempête qui souffle sur les sommets vers la pointe du Chullo 2600m plus haut … 25
(photo Alain MARC)
Parfois une éclaircie laisse apparaître les sommets : magnifique vision nous laissant présager qu’à Grenade il va faire ce soir certainement plus que frais ! (aquarelle Alain MARC)
Une halte à La Calahorra, car le ciel se déchire et le paysage se transforme en décor fantastique où le jour le dispute à la nuit à grands coups de gloires et de trouées de lumière surgissant des nuées .
Le château de la Calahorra découpe sa silhouette massive au dessus du village et de la vallée comme un récif défiant les éléments . (Photo Alain MARC)
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J’aime ces ambiance de fin des temps qui nous propulsent dans le rêve et l’irréalité . Dire que la silhouette massive de ce château sans apparent attrait cache comme un écrin un adorable patio renaissance ! C’est que l’ensemble avait été réalisé par des artisans artistes italiens pour le fils naturel d’un cardinal en ces temps reculés … (aquarelle Alain MARC)
Mais la nuit tombe très vite : il est trop tard pour rallier Grenade, nous faisons étape à Guadix où nous resterons demain pour la journée, car cette petite ville offre de nombreuses particularités, et dans la pénombre sa cathédrale éclairée est déjà une invitation à rester : nous allons d’ailleurs avoir bien des surprises dans une aussi étonnante contrée ! Andalousie, les troglodytes de Guadix .
Réveil matinal plutôt glacial avec le vent du nord qui balaye la ville blottie au milieu de dunes érodées d’argile, de calcaire et de grès rose . Parcours du combattant pour trouver un bar qui ne soit pas complètement enfumé par le tabac des consommateurs afin de prendre notre petit déjeuner … Étonnante cité entourant sa cathédrale, où les rues du centre sont animées et vivantes, toutes bordées d’anciens palais dorés au façades ressemblant à des bâtisses vénitiennes aux teintes ocres, rouge grenat, parfois toutes blanches . Cathédrale et Place de la Constitution à Guadix la nuit (photo Alain MARC) 27
On ressent tout un mélange de civilisations et d’influences à Guadix : impression d’extravagance et de sérénité mêlée… (photo Alain MARC)
Yolande note ces façades de décors de théâtre, ces porches en anses de panier suspendus au dessus de frêles colonnades … (aquarelle Yolande GERDIL)
« L’alcazaba », le vieux château ( IX ° siècle) au dessus des quartiers hauts sur fond de Sierra Nevada . (photo Alain MARC)
Les collines colorées qui entourent Guadix, falaises ruiniformes aux cônes d’argile empilés les uns sur les autres, ressemblent à la surface d’un gigantesque sac de pommes de terre tant leur aspect chaotique leur donne l’allure d’un paysage en perpétuelle transformation . 28
Le plus étrange, ce sont ces façades blanchies à la chaux et percées de portes et fenêtres taillées à même la roche terreuse, qui se détachent comme autant de singulières entrées troglodytiques d’habitats des plus charmants qui soient ! (photo Alain MARC)
Il en est ainsi d’un quartier entier de Guadix, le quartier gitan, véritable taupinière, où le plus étrange est constitué par les cheminées dépassant du sol sur le flanc des collines, parfois loin de toute entrée visible, qui prouvent à quel point les pièces auxquelles elles correspondent s’enfoncent profondément dans le soussol . (Photo Alain MARC)
Nous cheminons de talus en maison pardessus les habitations de terre, sans savoir où nous sommes exactement tant cet étrange univers est fascinant … Pierre et Yolande ne savent plus où donner des yeux et du stylo ! (croquis Yolande GERDIL)
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Les rues serpentent au milieu de ce drôle de fouillis, et on y ressent la présence d’une part énorme de l’âme andalouse qui hante ces buttes de terre ocre, rappelant au visiteur toutes ces générations de bêtes à figures humaines qui étaient traquées dès la chute du royaume de Grenade, comme la racaille maurisque à laquelle elle furent un temps assimilée . (photo Alain MARC) Elles fuyaient les villes d’où elles étaient exclues, se réfugiant où elles pouvaient pour survivre, et dont le luxe était quelques siècles plus tard ces terriers transformés en palais faméliques (Aranda ministre au XVIII° siècle de Charles III fait ériger un édit permettant aux gitans de résider où bon leur semble pourvu qu’ils ne portent pas atteinte aux bonnes mœurs et respectent la propriété privée) .
Encore un croquis de Yolande perdue dans le dédale des ruelles, à la recherche de cette mémoire du ventre de la terre . (croquis Yolande GERDIL)
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L’entrée d’une maison où sèchent des piments en chapelets vermillon . Comme un œil surgissant de la terre, un frisson venant du fond des âges, cette façade nous renvoie à l’éternelle mémoire gitane du peuple andalou : un mélange de cultures et de traditions nourries de cryptes mozarabes, de lointains chants indous, de fleuves migratoires aux mélodies hongroises, roumaines ou bulgares, de regards égyptiens et flambeaux de synagogues … Il s’en dégage cette magie muette et pourtant très criante d’une lumière étrange qui nous prend à la gorge dans le frisson du flamenco . (photo Alain MARC)
J’avais été accueilli en 1994, chez un gitan des « grottes » de Guadix . Nous devisions au fond de sa cave dernière pièce de sa maison éclairée d’un lanterneau donnant sur l’autre côté de la colline : nous avions traversé la falaise, et l’intérieur des pièces toutes blanchies de chaux donnaient à cet intérieur étrange un aspect de vielle maison villageoise andalouse qui n’aurait pas eue de fenêtres . Il y faisait très bon, toujours la même température aussi bien l’été que l’hiver me disait le gitan, et ses nombreuses pièces presque toutes en enfilade étaient éclairées à l’électricité, il recevait même la télévision dans sa salle à manger grâce à une antenne plantée à même le sol tout en haut du talus . 31
Croquis aquarellé d’anciennes fenêtres d’argile s’ouvrant dans les falaises du quartier gitan de Guadix . (aquarelle Alain MARC)
Croquis aquarellé de Yolande GERDIL, réalisée à la sortie nord de Guadix, qui prouve combien la tradition de ce type de construction est toujours vivace et appréciée …
Maintenant, nous partons pour Grenade !
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Andalousie, les tumultes de Grenade … Voici Grenade au fond de sa cuvette, blottie au pied de la Sierra Nevada . Combien de fois y suis-je arrivé par l’ancienne route de Murcie, qui descend vers le centre en serpentant le long de l’Albacin ? C’est toujours ma route préférée car l’impression d’aboutir à une sorte de sanctuaire y est bien plus forte que par l’autoroute et le périphérique dit de « circonvolucion » . C’est surtout parce que cette arrivée nous plonge dans l’irréelle vision des collines de l’Alhambra, comme la connurent sans doute les troupes d’Isabelle la Catholique lorsque après deux siècles d’impatience, d’intrigues et de combats, elles virent enfin s’élever derrière les murailles au dessus de la cité les minarets de briques roses, et flotter au dessus des palais les oriflammes multicolores aux insignes du roi Nasride .
La ville de Grenade au pied de l’Alhambra ... (photo Alain MARC) Éprouvante réalité ce matin : point d’oriflammes ni de blanche médina pour nous accueillir, mais des travaux sur la voie publique dans toutes la ville, en même temps qu’une nouvelle et draconienne réglementation de circulation urbaine qui nous empêche d’arriver à l’hôtel . Aussi nous passons quatre heures dans un interminable jeu de pistes où éviter les sens interdits, les embouteil lages et les agents de circulation nous chassant du centre ville relève de l’exploit ! Infernale Grenade pour la circulation routière … Exténués, nous parvenons enfin à trouver un parking non loin de notre hôtel, et entrons affamés dans la première bodega venue où d’énormes jambons accroché au plafond sont en train de narguer la faim qui nous tenaille . 33
Excellence des tapas, c’est ce qui fait tout le charme des commodités espagnoles : pouvoir se restaurer à n’importe quelle heure et de ne plus se soucier d’autre chose que de la convivialité de cet instant . Et quand bien même seriez-vous un nordique endurci prenant vos repas à heure très précise, vos serez bien obligés en Espagne de prendre d’autres habitudes et de manger fort tard ou à toutes les heures, ce qui est très déroutant au début pour qui ne connaît pas .
Grand choix de tapas, excellentes et copieuses à choisir au comptoir … (photo Alain MARC)
Mais quand vous en serez à la quatrième « copita », au jambon Serrano, aux propos d’amitié sur fond de brouhaha teinté de flamenco, alors là difficile de penser au retour et aux grises journées de beaucoup de banlieues de nos villes nordiques .
La bodega où nous nous précipitons affamés par notre arrivée épuisante à Grenade : typiquement andalouse avec ses tonneaux empilés et le trophée du taureau au dessus du bar . (photo Alain MARC)
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Il y a trop à dire sur Grenade . Je ne peux être bref, et encore je me limite . J’espère pouvoir le faire un jour . En attendant, nous regardons depuis la ville basse la citadelle de l’Alhambra, comme sur un nuage . Nous n’aurons pas le temps d’y monter cette fois, mais nous y reviendrons pendant le stage du mois d’avril . Personnellement, il y a longtemps que je connais ce palais des Mille et Une Nuits, j’y consacrerai un jour tout un chapitre … Il faut dire qu’à présent après tous ces tracas dans la circulation urbaine, nous n’avons qu’un désir : paix et tranquillité loin du tourisme de masse qui gâche en grande partie tout séjour à Grenade ! Yolande me dessine en train de repenser le monde autour des tapas … (Croquis Yolande GERDIL)
Nous laissons donc le rêve sirupeux des jardins merveilleux accrochés à leurs murailles et prenons la direction des vieux quartiers dans la ville basse où d’ ostensibles stigmates vestiges d’un passé multiple et bouleversant réapparaissent souvent sous les plâtras d’une façade, dans la pénom-bre d’un passage, ou mieux encore dans une mélopée entenLa cathédrale deGrenade . (Aquarelle Alain MARC) due au hasard à l’angle d’une rue, ou dans le regard noir, vague et mystérieux d’un passant dispa-raissant sous quelque porte cochère . 35
Place Nueva et église Santa Ana à l’ancien minaret mudéjar transformé en clocher . Au dessus, sur la colline une tour de la « alcazaba » tête de proue du palais de l’Alhambra . (photo Alain MARC) Ici le minaret d’une ancienne mosquée, là une porte moresque ou juive, ailleurs l’appel étrange et lancinant d’un vendeur de billets de loterie ou d’une marchande des quatre saisons, parfois les suppliques d’un mendiant … « Alcaicéria », « Corral del carbon », quartiers sombres et bruyants, entrelacs des ruelles derrière la cathédrale, places de Ribrambla ou de la Trinitad, autant de lieux qui disent et redisent toute la suffisance des colons conquérants et des secrets honteux qui empreignent encore d’une immense tristesse les vielles pierres noircies de promesses trahies aux arcanes des siècles .
Yolande et Pierre dessinent de leur côté, on se retrouvera Plaza San-ta Ana et moi je pars tout seul en quête de cette âme doucereuse, amère et tragique dans la mémoire de Grenade …
La place Santa Ana par Pierre Nava, superbe représentation !
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Ce n’est plus le regard seulement qui écoute : de toute la clameur des rumeurs de la ville se répète un écho qui traverse le corps … Il est là comme un souffle, cet immuable et obscur tumulte que Lorca dénonçait et dont il fut la victime comme tant d’autre avant lui, juifs, noir, morisques, socialos, communistes, intellos libéraux et autres syndicalistes : « Y hoy que el hombre profana tu sépulcral encanto, quiero que entre tus ruinas se adormezca mi canto como un pajaro herido por astral cazador . » « Et aujourd’hui que l’homme profane ton sépulcral enchantement, je veux qu’au sein de tes ruines s’endorme ma chanson comme un oiseau blessé par un astral chasseur . » « Granada », Frédérico Garcia Lorca .
Place Paseigas, depuis l’étal de la marchande des quatre saisons . (photo Alain MARC) Rue de Elvira, San Augustin, Almireceros ... Je viens de saisir quelques bribes sonores de cette mémoire de Grenade, infiniment précieuses parce que si peu perceptibles de tant de visiteurs indifférents à de telles consonances, et qui n’ont d’yeux et d’oreilles que pour l’éblouissant Alhambra ! J’essaierai dès demain de les mettre en ligne et de vous les offrir avant que de partir avec Yolande et Pierre pour un lieu différent où bat aussi très fort le cœur de Grenade : le vieux quartier arabe de l’Albacin, l’ancienne médina, si chère à Manuel de Falla, une autre approche de l’âme grenadine où j’essaierai aussi de réaliser quelques enregistrements qui puissent en révéler, si possible, la «secrète musique » . 37
Andalousie, Grenade : le « compas » des bas quartiers … Brouhaha des rues, des « tascas », des « bodegas » . Appel quasi chanté d’une marchande de primeurs, tel une bribe de « chico » (expression particulière du chant flamenco) arrachée au destin des petites gens de cette ville . Quelques notes de guitare aux cordes pincées dans la rue Alhondiga par un mendiant perdu recherchant ses racines et celles d’un orica jouées par un autre un peu plus loin pour un public indifférent qui passe le regard vague … Sonorités confuses : elle participent au « compas » (le « souffle », le rythme, la « mesure ») de la ville basse . Elles se rapprochent d’une forme de « duende » (esprit, grâce) comme celui qui nous fait frissonner quand il arrive sans prévenir au sein du flamenco . Car c’est bien de cela dans le cri libérateur celui qui le vit, il y a mes chargeant le love souvent la mifrance et la passion, étoiles brillant dans comme du jais .
qu’il s’agit : qui transcende tous ces extrêquotidien où se sère, la soufmais aussi des un ciel noir
Je vous reparlerai du prit « flamenco », le ve pas forcément sur « tablao », en tout cas toujours quand on trouver . N’oubliez jamais que même du « compas » de » peuvent vous porte où : sur le quai chemin decampagne, cuisine où à l’entrée … Il suffit d’écouter, attendre et être aux
flamenco : l’esvrai, ne se troula piste d’un il n’y est pas voudrait l’y les perceptions et du « duentoucher n’imd’une gare, un au fond d’une d’un simple bar il faut surtout aguets .
Une ruelle de l’Alcaiceria, l’ancien marché moresque de la soie avec en fond l’évêché attenant à la cathédrale . L’émotion, la passion, toutes les déchirures liées à cette ville m’ont bouleversées dans cette « granaïna » des simples bruits communs extraits du quotidien . Il s’en dégage des échos du « compas » propre à la ville basse que je retrouve inchangée depuis des années . 38
La petite vendeuse de légumes place Paseigas, dans les vieux quartiers, derrière la cathédrale … Grenade est une ville grouillante qui vous étouffe de son oppressante réalité . Surtout l’été quand la chaleur exulte et écrase les bas quartiers de sa chape de plomb chargée de pollution … Mais Grenade est aussi un rêve dans lequel nous entrons quand le soleil couchant lèche ses rouges collines, embrasant les murailles de l’Alhambra ou éclairant de rose doré les blanches ruelles de l’Albacin qui lui font face . Nous montons à présent vers l’Albacin comme dans un songe ; les lieux ici s’écoutent, se ressentent et se respirent bien plus encore qu’ils ne se voient … Je vais aussi y retrouver un « compas » différent : celui de l’autre visage de Grenade, qui me touche toujours comme dans une grâce parce qu’il est avant tout d’essence musicale . Ce sera une musique douce faite de grands murs blancs, d’escaliers de galets dégringolant en cascades, de rires d’enfants courant dans les venelles, d’églises-mosquées égrenant leur arpège, de chants d’oiseaux s’échappant des carmens pour se mêler à ceux des anciennes fontaines qui coulent toujours au flancs de ce quartier … 39
Andalousie, Grenade : charme secret de l’Albacin …
L’Albacin à lui seul mérite plusieurs jours de visite . C’est le cœur de l’ancienne ville arabe qui s’élève sur l’une des plus hautes collines de Grenade . Son dédale de ruelles dégringolant vers la rivière Darro et la rue d’Elvire lui donne un charme incomparable .
Entrée d’un « carmen », ces charmantes maisons aux jardins invisibles de l’extérieur . (photo Alain MARC) Il faut s’y perdre et flâner au hasard entre les « carmens » plus ou moins vastes aux jardins secrets cachés par de hauts murs (maisons typiques du quartier fermées sur elles-mêmes) . Aller de miradors en adorables placettes, d’anciennes portes moresques en vielles citernes de brique flanquées de fontaines, découvrir les innombrables églises « mudéjares » avec leurs antiques minarets transformés en clochers dont la sonorité cristalline des cloches égrène les heures et sonne le moment des offices …
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Croquis de Yolande, dans le quartier de l’Albacin .
J’aime l’Albacin à toutes les saisons … L’hiver comme un îlot déserté des touristes, au printemps pour le chant des oiseaux et les fleurs aux balcons, l’été lorsque les ruelles dégagent à la tombée de la nuit une douce chaleur, l’automne enfin pour les teintes roses et dorées dont se parent les façades au coucher du soleil .
Placette et église San Miguel el Bajo, construite sur une ancienne mosquée (arc outrepassé à gauche de la façade derrière les parasols blancs) non loin de la nouvelle mosquée de l’Albacin, (toute neuve celle-la) qui a été financée par le Maroc et les Emirats Arabes . (photo Alain MARC) 41
Une porte moresque place de Las Minas, comme il en reste beaucoup à découvrir en parcourant les rues . (photo Alain MARC)
Une autre dessinée par Yolande en haut d'une « cuesta » . Nous cheminons longtemps jusqu’à la nuit tombante . Les ruelles sont maintenant désertes . Il faut savoir que c’est le moment où peuvent se produire certaines agressions (surtout vol de sacs à main) dans les rues les plus reculées, mais à plusieurs, aucun danger . On ne le dirait pas tant cette promenade est agréable . Les places y sont exquises : San Miguel Bajo, Plaza Larga, Placeta de Fatima, del Salvador, de Ortega … 42
Rue Candil, avec ses ombres bleues et ses jardins fleuris qui débordent dans la rue, et calle Valenzuela avec ses escaliers de galets . (aquarelles Alain MARC) C’est dans ce moment particulier où le soleil se couche, que l’Albacin se révèle le plus sûrement : il faut écouter le chant des oiseaux dans les patios, les rumeurs lointaines montant de la ville basse, les bruits de voix et autres rires d’enfants venant des fenêtres entrouvertes . Ces sonorités vous accompagnent comme une douce musique tandis que la lumière décline .
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Quelques-unes des fenêtres qui font le charme de l’Albacin . (photos Alain MARC)
La fraîcheur bien normale à cette heure-ci en cette saison décide Yolande et Pierre à pousser la porte d’un salon de thé au décor mudéjar de la plus grande finesse . Quant à moi, je pars à l’écoute des voix multiples de l’Albacin : chants d’oiseaux s’échappant des patios, fontaines coulant au pied des murailles, petits bruits familiers trahissant la vie quotidienne des habitants du quartier …
C’est en cheminant de ruelle en ruelle que j’arrive au Mirador de San Nicolas, petite place ombragée qui offre sur le palais de l’Alhambra, la Sierra Névada, la ville basse et la « Véga » l’une des plus belles vues de Grenade . Il y a encore en cette heure tardive de nombreux promeneurs, des jeunes surtout, et un guitariste qui joue quelques notes sur un banc sous les acacias . C’est un endroit rêvé pour les amoureux de paysages romantiques . (photo et aquarelle Alain MARC)
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J’y ai par le passé réalisé de nombreuses aquarelles, mais ce soir je me contente de voir la nuit tomber avec ces notes de guitare en contemplant le paysage qui heureusement n’a pas changé depuis des années . Je suis perdu dans mes rêveries quand soudain une voix m’interpelle : « Alain » ! Je l’avais complètement oubliée, mais nous devions nous revoir lors de mes passages en Andalousie : c’est Katia qui sort de l’université et qui vient nous rejoindre pour la soirée …
Toujours des fenêtres et balcons fleuris tandis que de la côte d’Aceituneras au Mirador San Nicolas je me souviens d'enfants jouant dans les ruelles, de chants d’oiseaux dans les patios, des cloches sonnant à San José ou au monastère San Isabel la Réal, de la fontaine de l’«algibe » de San Nicolas, de l'arrivée au mirador avec son guitariste qui jouait si merveilleusement tandis que tombait la nuit, et puis d'une étrange musique montant de la vallée du Darro qui se mêlait aux éclats de voix de la jeunesse regardant l’Alhambra … (photos Alain MARC)
Andalousie, dernier soir à Grenade, valeurs de l’amitié … Katia me retrouve donc, et nous partons immédiatement rejoindre Yolande et Pierre qui nous attendent au salon de thé . J’ai insisté dans l’article précédent sur l’importance des jardins (petits et grands = patios et « carmenes ») dans les hauts de Grenade . Il en est de même dans l’intérieur des maisons, dont beaucoup conservent encore des vestiges raffinés évoquant d’autres jardins faits de 45
colonnes aux magnifiques chapiteaux, d’azulejos et de dentelles de stucs, de plafonds en marqueterie mudéjar qui rappellent tout le monde arabe grenadin du 14ème siècle : rapportintime entre l’extérieur et l’intérieur, le visible et l’invisible, les jeux de l’eau et de la terre,de l’ombre et du soleil, art de vivre et de penser qui appartient aussi au visage intime de l’Andalousie .
. Il en est ainsi de ce charmant salon de thé, où l’on se croirait davantage à Fès ou Rabat qu’en Europe méridionale tant la restauration des stucs et le décor mudéjar y sont réussis, dans une ambiance intime et chaleureuse … (photo Alain MARC) L’importance des senteurs se retrouve aussi dans le choix des thés aux noms poétiques que nous goûtons, nous emmenant plus loin encore dans les rêves de cet orient médiéval : « Aben Humeya », « Medina Azahara », « Sueno Alhambra » ... Katia nous raconte le succès de son livre présenté à la presse et à la télévision lors d’une soirée mémorable suivie d’une conférence, où tous ses amis de la montagne étaient venus l’encourager, sans oublier le soutien de ses professeurs, du représentant de l’UNESCO et de tous les notables de la ville . 46
Pierre ne cesse de dessiner . Il capte rapidement ces deux andalouses qui devisent dans un coin … (aquarelle Pierre NAVA)
Et puis il me dessine quand je tend l’oreille pour mieux sui-
vre la conversation, car de la musique flamenca s’est rajoutée au brouhaha de la salle tandis que le salon de thé ressemble un instant plus à une « tasca » ou une « bodega » qu’ un paisible lieu de conversations où l’on savoure des thés rares … (aquarelle Pierre NAVA)
Yolande dessine aussi, et je retrouve dans ses dessins l’ambiance de ceux de Marrakech ou d’Essaouira . … Katia est au milieu du croquis, pensive ou attentive, contemplant peut-être les deux superbes théières qui n’en demandaient pas tant ! (aquarelle Yolande GERDIL)
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Cette jeune ethnologue porte en elle l’Andalousie des Alpujarras et ce n’est pas pour rien que son ouvrage sur les contes et légendes de ces montagnes magiques fait déjà référence . Ses études continuent à Grenade dans un autre passionnant domaine, celui des arts graphiques où sa curiosité de sociologue cette fois, l’amène à explorer le monde peu connu des grapheurs urbains qui s’expriment sur les murs de la cité . C’est ce qu’elle nous fait découvrir quelques instants plus tard lorsque nous redescendons vers la Grenade bruyante et moderne qui nous attends dans la basse ville … Un pont entre les anciennes calligraphies et un monde contemporain où le sens de la communication, de l’image et de l’écriture est en perpétuelle mutation ? Ce « tag » est plus bouleversant encore parce que découvert la nuit en plein cœur de l’Albacin . Je note le texte écrit à droite du portrait : « Un pajaro sale a buscar la inocencia, y vuelve muerto bajo sus alas … Campanas en los solitarios de la noche » (« Un oiseau part chercher l’innocence et revient mort sous ses ailes . … Carillons aux isolés de la nuit ») . Je songe à Lorca, à Manuel de Falla (meurti jusqu’au fond de son âme à l’annonce de l’exécution de Lorca), à tellement d’autres … Qui pourrait me dire ce que lui évoque ce texte ? Est-ce emprunté à un poème de Lorca ou d’un autre poète que je ne connais pas ? (photo Alain MARC)
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Je laisse descendre Katia, Yolande et Pierre … Moi, j’ai du mal à m’arracher aux murs blanchis plein de mystères, je regarde les étoiles et j’écoute une dernière fois le chant secret de l’Albacin où je reviendrai encore saisir les perles de la terre accrochées aux pavés à présent silencieux de la cuesta Maria de la Miel . (photo Alain MARC)
Bientôt, à quelques rues de cette « teteria » de la placette de « la Charca » nous retrouvons l’ambiance bruyante et agitée du quartier des Bodegoncillos où nous faisons un vrai repas de tapas accompagnées d’un bon Montilla - Morilès avant de nous quitter . Demain matin nous prenons la route de Cordoue . Nous reviendrons ici fin avril / début mai pour retrouver aussi l’Alhambra (« La Rouge ») que nous n’avons pas eu le temps de revoir cette fois, et si nous le pouvons d’aller aussi faire un
tour du côté des quartiers moins con-nus du Mauror et de la Juderia . Dernière photo prise à Grenade dans la bodega où nous nous sommes restaurés . Sous les « serranos » alignés, le grand miroir renvoie l’image insaisissable et pourtant bien réelle du temps qui passe et d’une image qui s’efface : celle de l’existence même, et je la regarde défiler comme sur un écran sans même pouvoir boire ce verre de Montilla que j’ai à la main … 49 (photo Katia FERSING)
Andalousie, sur la route de Cordoue …
À quelques kilomètres de Grenade voici Pinos-Puente, l'un des premiers villages blancs sur cet itinéraire . Lieu fort intéressant car c’est ici qu’un émissaire de la reine Isabelle rattrapa Christophe Colomb pour lui annoncer que les formalités nécessaires à la réalisation de son grand voyage étaient réglées .
Cela se produisit sur le pont de la localité, l’un des plus curieux qui soient puisque ses trois arches en fer à cheval sont contemporaines de l’époque califale et que sa porte de défense possède une magnifique voûte mudéjar et une chapelle dédiée à la Sainte Patronne du village . (croquis Alain MARC)
Plus loin nous traversons les Monts de Grenade, belle sierra dominant la vega (plaine) et les champs d’oliviers à perte de vue ponctués de villages blancs comme des taches immaculées … (photo Alain MARC)
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C’est dans ce grandiose paysages que se cache le village de Moclin, à quelques kilomètres de la nationale . De son histoire intimement liée au royaume nasride de Grenade ( « Hisn Al-Muclin » - forteresse des pupilles - ) il conserve les ruines d’une place forte importante, dernier verrou sur la route de Grenade après celui d’Alcala la Réal . Le village blanc s’est développé à ses pieds. C’est l’un des villages forteresses des mieux conservés de la région… (photo Alain MARC)
Nous voudrions pousser à l’ouest jusqu’à Illora et Montefrio, mais il est déjà très tard, nous n’avons même pas le temps de nous arrêter à Moclin, tout juste celui de nous restaurer en vitesse à Alcala La Réal, autre site stratégique dans les mon-tagnes du système bé-tique, dont la forteresse de « La Mota » couronne la colline dominant la ville . La campagne est ici particulièrement belle en cette saison : les iris sauvages et de nombreuses fleurs poussent au pied des oliviers, les amandiers embaument, et le printemps s'affirme jusque dans le chant des oiseaux . (photo Alain MARC) 51
Le paysage dans les sierras subétiques à michemin entre Grenade et Cordoue . (photo Alain MARC)
Amandiers en fleurs dessinés par Yolande Gerdil .
La lagune du Salobral, étonnant écosystème d’eau saumâtre est curieusement asséchée en ce moment : peut-être un effet de la sècheresse des derniers été qui a été ici aussi très dure pour les milieux naturels ? 52
Avant de redescendre vers Baéna la ville blanche à l’horizon, blottie au milieu des champs d’oliviers, un détour s’impose par le parc naturel du Labatejo et d’autres intéressants villages blancs où nous nous arrêterons le temps de quelques rapides aquarelles …
Andalousie, une halte autour de Zueros … Juste avant Baéna, petit détour par les portes du parc naturel des Sierras Subbétiques et du Labatéjo ( 1380 m, l’un des deux principaux sommets de ce massif, le second étant le Tinosa qui culmine à 1570 m ) . C’est un espace protégé parmi les plus remarquables de l’Andalousie karstique, où une riche faune d’animaux aussi rares que la musaraigne d’eau ou le chat sauvage vit paisiblement sur plus de 30.000 hectares . La végétation, typiquement méditerranéenne envahit les espaces sauvages qui dominent les cultures d’oliviers, mouchetées en ce moment du blanc et rose des amandiers dont la floraison est presque passée .
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C’est en dessous du premier village blanc que nous rencontrons sur cet itinéraire, Luque, blotti lui aussi au pied de son château mauresque, que nous ne pouvons résister à une séance d’aquarelle tant le contraste est grand entre les tendres couleurs des amandiers et l’aspect sombre et hautin de la place forte à contre-jour . (photo Alain MARC)
Le blanc du village se mêle à celui des amandiers et la fière silhouette de la forteresse me fait penser aux châteaux cathares de Quéribus, Peyreper-tuse, Montségur, où nous avons été peindre si souvent . (aquarelle Yolande GERDIL)
Pierre réalise plusieurs ébauches de ce paysage, donnant une interprétation tour à tour douce et poétique ou plus contrastée du motif, selon les passages nuageux et la lumière qui en modifient considérablement la perception . (aquarelle Pierre NAVA)
Dans cette aquarelle, je retrouve en moins dramatique l’atmosphère particulière d’une gravure du XIX ème siècle, dégagée de toute façon par ce lieu lorsque l’orage menace ou dans les lumières du contre-jour . (aquarelle Pierre NAVA)
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Plus loin sur la petite route qui serpente en bas du Labatejo : Zueros, un village que j’aime beaucoup, qui avance au dessus des oliviers comme le front d’un glacier avec ses maisons étincelantes de blancheur . (photo Alain MARC) La Sierra, les oliviers et les arbres en fleurs dessinés par Yolande
Gerdil . Au dessus, dominant ce paysage et le village, se trouve la caverne des « Murciélagos », à laquelle nous sommes montés avec le groupe de peinture en 2002, pour profiter d’une vue à couper le souffle sur la « campigna » alentour et la vallée du Guadalquivir tout au fond .
(aquarelle Yolande GERDIL)
Le village de Zueros avec à sa droite sur une arête rocheuse dominant le vide son château nasride se confondant avec la roche environnante . (aquarelle Yolande GERDIL)
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Départ de Zueros, passage rapide par Baéna superbe bourgade blanche suivie d’une série d’autres aussi importantes sur la route de Cordoue : Castro del Rio, Espéjo (où nous reviendrons dans 2 jours), Santa Cruz, Torres Cabrera . Elles mériteraient toutes un arrêt prolongé, mais ce sera pour plus tard car l’après-midi est bien avancée et j’aurais aimé arriver à Cordoue avant la nuit . Les kilomètres défilent vite, nous ne nous sommes pas arrêtés depuis notre départ de Zueros, et un besoin naturel se faisant de plus en plus pressant, je décide de quitter la nationale au premier carrefour trouvé . En voici un justement, splendide, avec un panneau de stop tout neuf, c’est une « deux fois deux voies », sauf qu’aucune direction n’y est indiquée . Clignotant, on tourne . … Et 30 mètres plus loin, cette splendide route s’arrête d’un coup dans un champ ! Nous nous regardons interloqués, pouvons aller d’un côté à l’autre de la route sans craindre de voir surgir la moindre voiture ! Ultime et inattendue surprise avant notre arrivée à Cordoue . La photo est indispensable pour mémoriser ce souvenir, elle est pour vous qui n’avez peut-être comme nous jamais vu cela .
Étrange carrefour, flambant neuf, avec une route qui ne mène qu’à quelques mètres dans un talus ! Aucun piquetage n’indique plus loin qu’une voie va être ouverte ici, et aucune route autre que la nationale dans les environs, nous nous posons de nombreuses questions : - exercice d’examen pour les ingénieurs des ponts et chaussées locaux ? - vestiges d’un décor de tournage ? - matériaux et budget à « épuiser » sur ce secteur lors du « regoudronnage » de la nationale ? Si quelque un connaît la réponse, qu’il nous en fasse part ! 56
Andalousie, arrivée à Cordoue . Je ne sais s'il vaut mieux arriver à Cordoue le jour ou la nuit ... Ce que je sais c'est qu'il faut voir Cordoue la nuit . Il y règne une atmosphère particulière que je n'ai rencontré nulle part ailleurs en Andalousie . On dirait que les pierres nous parlent, qu'elles exhalent un étrange parfum d'histoire empreint de mystère et de splendeur . Comme si son fabuleux passé voulait émerger de l'obscurité, mêlant aux reflets du Guadalquivir sa parure ambre et argent, se drapant d'une incomparable lumière dorée ressemblant à celle des mosaïques de l'étincelant mihrab de la mosquée . Au premier plan un moulin arabe en ruines . Nous sommes au bord du Guadalquivir . En face la mosquée, d'où émerge l'ensemble massif de la cathédrale érigée en plein milieu par Charles Quint . À gauche, la silhouette élancée du minaret transformé en clocher . Très forte impression d'un joyau qui sommeille là-bas nimbé de toute la nostalgie du califat omeyyade . Comme ce devait être beau quand les chrétiens entrèrent dans la ville ! (photo Alain MARC)
Sur mon aquarelle le pont romain qui franchit le Guadalquivir est à gauche, on ne le voit pas . Ce qui m'intéresse c'est cette accumulation architecturale qui émerge de la nuit jetant sa lumière dans le fleuve, comme le phare toujours lumineux d'une civilisation qui se drape dans son lizar d'éternité . (aquarelle Alain MARC)
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Voici le pont romain en question, photographié un peu plus loin . La massive tour qui en protège l'entrée c'est la « Calahorra », forteresse musulmane remaniée par les chrétiens, telle une sentinelle guettant pour mieux défendre les vestiges des fabuleuses beautés cachées au bout du pont . (Photo Alain MARC )
Il fait noir de ce côté du pont, et les rumeurs de Cordoue ne nous parviennent que dans un lointain murmure . On n'oserait pas franchir le fleuve . On voudrait encore contempler longuement cet écho mêlé de lumière pulvérulente et de musique des bruits lointains de la ville qui ressemblent à de mystérieuses clameurs traversant la nuit, tel un mirage flottant au dessus de l'eau . Que de richesses débarquaient ici sur les quais du Guadalquivir, ou arrivaient en cahotant sur le vieux pont ? C'est au pied des murailles que le murmure des pierres se fait le plus fort : nous ne sommes pas encore entrés dans la ville que nous devinons un tempo différent des autres villes d'Andalousie . Nous savons qu'ici un « compas » singulier nous attend . (photo Alain MARC)
Il ressemble à l'ombre du cyprès sur la muraille ! Il monte au dessus des créneaux comme une flamme de vie, dans le silence, la beauté pure et la discrétion . Ce n'est pas la langueur de Grenade, ni le rythme joyeux de Séville ou de Cadix . 58
C'est une atmosphère presque recueillie empreinte de mystère et de grandeur retenue . Une cadence où l'importance des heures prend toute sa valeur ! Nous irons demain matin découvrir ce « compas » à la rencontre de la ville, en commençant par la « Mezquita », son plus inestimable joyau .
Mais pour le moment c'est dans un patio typiquement cordouan que nous assouvons notre faim . Celui du « Churrasco », l'un des hauts lieux de la gastronomie dans la cité, au même titre que « Pepe de la Juderia » ou « El Caballo Rojo » . Ne ratez surtout pas si vous y allez, le fameux « salmojero cordobès », ce gazpacho épais saupoudré de jambon et d'oeuf dur, qui vous initiera à la cuisine à la fois simple et raffinée héritée des traditions de la « campinia » et des imports de l'orient .
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Andalousie, Cordoue, dans les ruelles . Nous étions hier au soir aux portes de Cordoue . Nous y sommes entrés en une brève visite nocturne qui nous donna un premier aperçu de la vieille ville .
Nous avons vu combien la nuit magnifie ici la puissance mesurée de son austère profondeur, avec de surcroît la perception du charme indéfinissable de tous les songes de l’histoire … Mais la Cordoue que j’aime le plus est celle du petit matin, surtout à la belle saison quand la ville s’éveille et que les premiers rayons de soleil frappent le clocher-minaret de la « Mezquita » . Tout paraît alors rafraîchi, d’une légère et surprenante netteté . Les murs plus blancs que jamais . Les décors ocres et sanguine de certaines façades comme rajeunis transmettent une sorte d’allégresse difficile à expliquer … 60
Angle de la placette Trinitad et de la rue Santa de la Feria : la ruelle s’anime au soleil du matin, avec en toile de fond la « Torre del Alminar » (tour du minaret), le clocher de la mosquée cathédrale . (photo Alain MARC) Comme partout en Andalousie à cette heure-là, les sons paraissent plus cristallins, et dans cette avidité de tout découvrir on éprouve une juvénile euphorie à s’insinuer ainsi dans l’âme secrète d’une ville qui s’éveille . Nous nous dirigeons vers la mosquée cathédrale, la « Mezquita » . L’idéal est de ne pas loger trop loin afin de traverser à pied la Juderia (l’ancien quartier juif), pour y parvenir . Car la « Mezquita » se mérite par l’enchantement d’une sorte de parcours initiatique à travers les étroites ruelles avant d’y arriver . Ces itinéraires sont à la fois ludiques et instructifs : ici une ancienne colonne arrachée à la forêt de sa salle de prières, là un pittoresque point de vue sur le clocher - minaret … 61
L’une des ruelles emblématiques du vieux Cordoue en plein cœur de la juderia : la « Calljuela de las flores » avec ses innombrables pots de géraniums accrochés aux murs, qui aboutit dans une minuscule et adorable cour fleurie . (Aquarelle Alain MARC) Andalousie, Cordoue, la mosquée cathédrale . Voici La « Mezquita » . Faire le tour de la mosquée, découvrir ses portes, son décor extérieur sobre et rigoureux, prendre conscience de sa dimension … Enfin c’est l’entrée monumentale dans la cour des orangers par la grande porte du Pardon . On est tout de suite devant la fontaine des ablutions, seul bassin bruissant d’eau claire reflétant le ciel où viennent boire les oiseaux . Tout autour dans la cour quelques palmiers, un ou deux cyprès, et les orangers entourés de leurs canaux d’irrigation . 62
Sensation de sérénité et d’équilibre, on perçoit déjà un lieu de haute spiritualité .
Sereine beauté du bassin des ablutions où quatre fontaines déversent l’eau claire qui part ensuite dans les canaux d’irrigation des orangers . (photo Alain MARC)
Nous entrons dans la mosquée . On est immédiatement saisis par l’ambiance quasimagique des lieux .
Un univers qui vous enveloppe de sa lumière diaphane au milieu d’une forêt de colonne et d’arcatures uniques dans tout l’occident dont l’harmonie vous immerge jusqu’à vous faire frissonner . (photo Alain MARC)
Imaginez cette multitude de colonnes et d’arcs éclairés par des milliers de lampes à huile le parterre multicolore des tapis de prière, les portes ouvertes sur la cour des orangers et les ruelles, l’incomparable mihrab étincelant dans le sanctuaire de prière … 63
Pierre marche en dessinant, tandis que Yolande s’est assise sur un banc . Tous deux sont pris par la magie des lieux et se délectent des arcs outrepassés parfois trilobés et superposés dans d’aériens enchevêtrements architecturaux . (Aquarelle Pierre NAVA)
La forêt des colonnes et des arcades de Yolande GERDIL . 64
La monumentale porte du Pardon donnant sur la cour des orangers . Nous entrons dans la cour : bruissement de l'eau qui coule dans le bassin des ablutions se mêlant au chant des oiseaux dans les orangers ... Nous pénétrons ensuite dans la mosquée où j'enregistre d'éranges sonorités mêlées aux pas des visiteurs comme si l'on entendait les pierres prier et nous raconter plus de mille ans d'histoire . Enfin quand nous ressortons ce sont les cloches de "l'Alminhar" qui résonnent au dessus de Cordoue portant leur carillon bien au-delà des rives du Guadalquivir, jusqu'au loin dans la "campinia" ... Andalousie, Cordoue, cathédrale dans la mosquée … Nous étions sous la magie des colonnes et arcatures de la mosquée … Et tout d’un coup, 65 au beau milieu de ce merveilleux équilibre d’architecture inspirée,
l’affreuse, l’abominable cathédrale toute dégoulinante d’argenterie, de dorures et « d’empesantes » boiseries .
Ne croyez pas que je n’aime pas les cathédrales : je suis très sensible à la beauté et à la mystique magnificence de la plupart de ces monuments lorsqu’ils ne s’érigent pas en alibi dévastateur d’un quelconque fait d’armes, mais en vaisseau de la foi reflétant l’art et la grandeur de leur époque . Mais celle-là est ici l’ostentatoire fruit d’une agression, que dis-je ? - d’une profanation ! N’oublions pas que pour affirmer leur puissance et leur gloire les bigots ecclésiastiques de Charles Quint et de ses « reconquérants prédécesseurs » détruisirent la plus grande partie du cœur de ce qui était une véritable splendeur . Charles Quint lui-même lorsqu’il découvrit l’ampleur de la dévastation s’en émut et la regretta . On imagine mieux ce que fut cet outrage appliqué à un pays tout entier ! 66
Je suis toujours choqué lorsqu’une civilisation, une culture, une religion en écrase une autre par affirmation de dominance et de suprématie . Erreurs du passé qui devraient nous être utiles pour ne pas reproduire les mêmes aujourd’hui, mais cela c’est un autre débat dans une réalité bien différente … Car toute civilisation comme tout individu a ses richesses et ses beautés ; devant ces carillons qui sonnent à toute volée, je ne sais si je dois être meurtri par la vision des symboles d’une religion qui en a chassée une autre, ou si je dois m’émouvoir et m’enthousiasmer de la synthèse architecturale de deux belvédères d’appels à la prière, qui, quoi que les religions soient différentes, s’adressent à un unique et même Dieu ! C’est cette dernière position que j’adopte en quittant la cour des orangers …
Pendant que je me posais toutes ces questions, Yolande et Pierre ont pas mal travaillé : voici « l’alminhar » de Pierre, parmi un grand nombre d’esquisses, croquis et aquarelles réalisés ce matin . (Aquarelle Pierre NAVA) 67
Andalousie, Cordoue, quartier de La Juderia … Nous avons retrouvé le lacis des ruelles de la Juderia . C’est l’ancien quartier juif dont la prospérité était si grande à l’époque Omeyyade : philosophes, scientifiques, administrateurs de grande renommée issus de cette communauté, protégés par les souverains musulmans, éclairaient de leur pensée tout le bassin méditerranéen médiéval . La tolérance et l’humanisme de
certains d’entre eux tels Averroès ou Maimonide participent encore aujourd’hui au rayonnement historique de Cordoue . . « Calleja del Indiano », petite impasse de « L’indien » dans la Juderia . « El Indiano » (ou « El Incas ») était le surnom donné à Garcilaso De la Vega né à Cuzco en 1539 fils d’un gentilhomme espagnol et d’une princesse inca . Écrivain célèbre qui s’est surtout consacré à ses origines inca, il vécut à Montilla puis à Cordoue . (Photo Alain MARC)
La ruelle des fleurs (en photo cette fois) derrière la mosquée cathédrale dans la Juderia . (Photo Alain MARC) 68
Ce savoir qui fait partie de cette extraordinaire culture d’Al Andalous est aussi l’un des thèmes de notre quête sur la Route du Califat des rivages d’Almeria jusqu’ aux vestiges archéologiques de Cordoue tels la Médina Al-Zahira . La Médina Al-Zahira est l’ensemble des palais et jardins somptueux bâtis au X ème siècle par le calife pour sa favorite, à l‘écart de Cordoue sur de faibles hauteurs dominant la vallée du Guadalquivir . Ce n’est plus aujourd’hui qu’un champ de ruines car les berbères révoltés d’être tenus à l’écart du pouvoir aristocratique s’en emparèrent et le détruisirent, mais ce sont des ruines touchantes, qui ont une âme indéfinissable, et qui sont suffisamment éloquentes pour se permettre d’imaginer l’antique splendeur des lieux . (Photo Alain MARC)
Andalouse passant devant une fenêtre omeyyade dans la Juderia à Cordoue . Il faut aller à Cordoue pendant la fête des patios et la féria de mai . C’est alors un grand bonheur que d’aller le soir de patio en patio aux fêtes données chez eux par les 69 cordouans, se laisser guider par la musique qui monte dans les blanches
ruelles et y rencontrer un flamenco véritable, spontané, où les filles en robes à volants, mantilles et châles de soie sont plus jolies les unes que les autres, et les guitaristes tous des surdoués ! (Aquarelle Alain MARC) Car ce sont bien plus que des vestiges ou de beaux monuments que nous livre l’Andalousie de cette époque : c’est une richesse dans l’art de vivre et de penser, une fusion de ce qu’il peut y avoir de meilleur dans le brassage des cultures et des civilisations . En résumé tout ce qui peut donner au mot « liberté » une connotation universelle à travers un épanouissement accompli dans la connaissance, le respect et la tolérance . Andalousie, Cordoue, place de la Corredera … Tout au nord de la Juderia, nous arrivons à « l’Ajarquia », la ville basse . C’est le cœur de la cité moderne . Animation inhabituelle place des Tendillas, plus encore rue Claudio Macello, et immense surprise en arrivant place de la Cordera, cette place carrée caractéristique de Cordoue avec ses arcades tout le tour comme en trouve beaucoup en Castille : elle a retrouvé sa vocation première de lieu de cérémonies et festivités, d’agora au XII ème siècle ! C’est qu’elle est noire de monde, de grands oriflammes pendent aux balcons au dessus d’un invraisemblable hourvari de baraques et stands multicolores . Nous tombons en plein « marché médiéval » en faisant un voyage qui nous ramène des siècles en arrière, au milieu des bateleurs, taverniers et artisans qui haranguent le promeneur .
Tout d’un coup c’est l’averse qui disperse les promeneurs . Ils se réfugient sous les bâches des exposants ou sous les arcades, comme ici au débouché de la rue du Toril . (Photo Alain MARC)
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Yolande dessine les bateleurs jouant de la musique médiévale, un excellent groupe qui entraîne les spectateurs sur son sillage ! (Aquarelle Alain MARC)
Voilà le genre de surprise que l’Andalousie peut vous réserver, puisant ses origines dans ses profondes racines … Nous nous fondons dans la foule et nous laissons emporter par cet extraordinaire voyage dans le temps … Andalousie, Cordoue, d’églises en patios …
De la Corredera nous pensions nous diriger vers les quartiers nord, ceux de l’ancienne ville basse . Ils regorgent de lieux à caractère comme grand nombre d’églises représentatives de la transition entre l’art roman et gothique pour la plupart bâties sur d’anciennes mosquées pendant la reconquête . Il y a aussi des palais comme celui de Viana et d’autres endroits emblématiques de la ville tels le calvaire du Christ aux lanternes ou la fameuse tour « Le patio aux grandes colonnes » . 71
(Aquarelle Alain MARC)
SanNicolas, un autre clocher-minaret accolé à l’église du même nom . Et puis, comme partout à Cordoue de magnifiques patios perceptibles depuis les portes entrouvertes, car les cordouans sont fiers de leurs patios, mais il faut être curieux pour les découvrir, et si on n’ose pas regarder à l’intérieur des cours beaucoup de petites merveilles risquent de nous échapper ! Mais c’est la fête qui nous entraîne et sans vraiment nous en apercevoir nous arrivons à la « Plaza del Porto » ainsi nommée à cause de sa jolie fontaine surmontée de la sculpture d’un poulain, un lieu auquel les cordouans sont très attachés . D’un côté de la placette se trouve le musée des Beaux-Arts, de l’autre l’auberge où séjourna Cervantès pendant qu’il écrivait une partie de son fameux « Don Quichotte » . Endroit charmant d’où part l’Impasse Romeros Barro dans laquelle une halte s’impose à la « Plateros de Vinos », fameuse bodega où se retrouvent souvent les gens du quartier . Pendant que Yolande et Pierre m’y attendent en dégustant d’excelle « albondigas » je file en face dire un petit bonjour à Madame Maestre, une dame adorable, figure du quartier et amie de longue date puisqu’elle nous recevait dans sa pension de famille dès mes premiers séjours en Andalousie .
L’ambiance bonne enfant de la bodega « Plateros Vinos » saisie entre deux tapas par Yolande … (Aquarelle Yolande GERDIL) Bientôt je retrouve mes amis et nous filons à la Place San Francisco toute proche . Je ne sais pourquoi j’aime tant cet endroit pourtant considéré encore parfois comme mal famé ! Sans doute parce qu’elle ressemble à une gravure romantique du vieux Cordoue qui me plonge dans une profonde nostalgie avec ses mendiants s’abritant sous les arcades et ses andalouses alanguies venant puiser l’eau à la fontaine qui coule devant l’église … Calle de San Fernando : à chaque lieu un souvenir particulier . Je me souviens d’un jour d’automne merveilleux il y a quelques années . À la nuit tombante . Sur le trottoir, à la porte d’un bistrot, quelques mobylettes et …devinez quoi ? 72
Un cheval blanc, magnifique petit cheval andalous, qui attendait sagement son maître attaché à l’oranger le plus proche ! Image inattendue et poétique dans une rue à la circulation non négligeable, presque surréaliste et pourtant si profondément « andalouse »
La fontaine « del Porto », le poulain de la petite place devant l’auberge où séjourna Cervantès . À cette époque-là, il devait y en avoir partout des chevaux andalous attachés aux orangers ! Émotion, et constat que Cordoue est toujours resté ce grand village polarisant toute sa « campinia », que les premières manades de « toros bravos » sont à la sortie de la ville (je vous reparlerai un jour de tauromachie sujet complexe et délicat s’il en est) et que le mode de locomotion à cheval est celui dont les ruraux sont ici les plus fiers . - mais où es-tu aujourd’hui beau cheval blanc andalou : Le temps t’aurait-il emporté comme il a emporté tout le reste ? - J’aimerais t’y retrouver et en même temps tous les bonheurs qui faisaient ma joie de vivre à ce moment-là … Mais voici déjà le « Portillo », grande arcade mauresque permettant de revenir à la Juderia . Nous aurions pu continuer du côté de l’Alcazar (le palis des Rois Catholiques), voir ses jardins et leurs pièces d’eau dont les ingénieux systèmes hydrauliques nous auraient renvoyés à la grande noria en contrebas sur le Guadalquivir que l’on nomme ici la 73 « Albolafia » …
Comme il est fort tard et qu’une grosse journée de repérages nous attend demain dans la « campinia », nous décidons de passer dîner d’un « rabo de toro » (queue de taureau en sauce, plat très fin) chez « Pepe de la Juderia » (un amour de restaurant où il vaut mieux réserver) puis nous rentrons à l’hôtel nous reposer . Andalousie, Espejo dans les oliviers … J’avais prévu dans le programme du stage carnet de voyage d’avril prochain une matinée dans la « campinia » des vignobles de Montilla-Moralès où on élabore ce bon vin servi dans les bodegas de Cordoue .
Quelques aspects de la « campinia » entre champs de blé, vignes et oliviers . (Croquisaquarellés Yolande GERDIL)
Je voulais donc vérifier aujourd’hui que la campagne andalouse n’a pas changé et qu’on retrouverait les mêmes jolis coins que les années passées pour garer le bus et peindre si je choisissais cette option, car j’avais par ailleurs le regret de n’avoir pas programmé une matinée de panoramique à Cordoue, depuis la rive droite du Guadalquivir pour peindre les moulins arabes, la mosquée cathédrale et le pont romain . Les jours de stage étant limités il faudra faire le meilleur choix, même si au départ c’est à Montilla que je pense que nous irons travailler . C’est dons dans l’indécision que nous prenons la route pour Montilla . 74
Oliviers dans la « campinia » du côté d’Espejo, un aquarelle que j’avais peinte en 1991 un soir d’été … (Aquarelle Alain MARC) Premier constat première déception, tous les endroits où nous aurions pu nous installer sont impraticables ou ont disparus (constructions sur les parkings, bas-côtés réaménagés, plantations diverses, etc. ) . Les routes ont toutes été complètement refaites ici et nous ne trouvons pas un seul mètre de bitume qui ne soit surélevé par rapport aux bas-côtés : il n’y a que les tracteurs et voitures possédant une haute garde au sol qui peuvent (par endroits seulement) accéder aux oliveraies ! Quant à Montilla, ce n’est plus le charmant village blanc que je connaissais : bâtiments industriels, distilleries et hangars en gâchent les plus intéressantes perspectives …
Le village blanc d’Espejo et son vieux château arabe au milieu de ses oliveraies, éclairé par la lumière du soir … (Photo Alain MARC) 75
Nous quittons donc sans regrets ses parages pour revoir Espejo au milieu des oliviers . Mais là aussi nous avons beau tourner des heures autour du joli village blanc, aucun point de vue sécurisé et facile d’accès n’existe ici . Nous battons encore la campagne quand le soleil se couche, drapé de nuages flamboyants comme des capes de toreros tournoyant au dessus des oliviers . Il est encore très tard et nous rentrons convaincus que c’est bien le panoramique de Cordoue qui s’avère le thème de travail le plus intéressant !
Le même village sous un autre angle par Yolande . (Aquarelle Yolande GERDIL)
Le ciel change sans arrêt, éclairant la campagne des premiers feux du soir … (Aquarelle Yolande GERDIL)
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Le soleil couchant ce soir sur l’Andalousie . (Photo Alain MARC)
Sur le chemin au retour d’Andalousie …
Fin du voyage en Andalousie, il faut bien rentrer ! Nous le faisons en traînant des pieds, nous arrêtant ici et là sur la route, nous attardant particulièrement dans le petit village d’Alcaraz dans la Mancha . Croquis saisis au vol entre la vallée du Guadalquivir et Alcaraz . (Croquis-aquarellés Yolande GERDIL)
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Devant la cathédrale à Alcaraz … (Photo Alain MARC)
Une ruelle donnant sur la cathédrale, croquis aquarellé de Yolande ou Pierre je n’ai pas noté qui l’a réalisé … Plus haut sur la côte, en retraversant la « Huerta de Valencia » nous décidons de ramener quelques oranges que nous voulons déguster dans les jours à venir pour nous souvenir devant nos aquarelles de tous les bons moments de ce voyage, et c’est le dernier souvenir de ce périple dans le pays de Cervantès qui va marquer notre mémoire et rester gravé sur nos carnets de croquis … 78
Passage avec escalier donnant sur la place de la mairie à Alcaraz . (Aquarelle Yolande ou de Pierre même chose que la précédente, je n‘ai pas noté !)
Imaginez : les orangers croulent sous les agrumes, tombant des arbres, jonchant le sol, roulant dans les fossés, ce ne sont pas ces oranges-là qui vont être commercialisées ! (voir les photos de notre passage à l’aller en cliquant ici) . Nous décidons cependant de rechercher un verger où travaillent des paysans occupés à la cueillette afin de demander au propriétaire des lieux quelques oranges à acheter . Nous sortons de l’autoroute, et trouvons aussitôt un groupe d’ouvriers agricoles à la pause au bord de la route . Nous nous arrêtons, demandons le responsable, et c’est une dame qui s’approche sans doute la « chef d’équipe » ou la propriétaire : en réponse à notre demande de lui acheter deux ou trois kilos d’oranges elle nous chasse en nous disant qu’elle ne vend pas d’oranges et qu’on s’en aille ! Nous partons dépités, et voyons un peu plus loin quatre ou cinq voitures alignées le long d’un verger . Des femmes sont accroupies au sol en train de pique-niquer (il est presque 13 h) avec en guise de nappes des carrés de plastique tandis que les hommes s’affairent sous les branches très occupés à ramasser les agrumes, avec une rapidité et une conscience professionnelle extraordinaire . Seul l’un d’entre eux ne fait rien appuyé à la première 79
voiture, nous présumons que c’est le propriétaire . Nous allons vers lui et lui demandons qui est le responsable, afin d’entrer en négociation . Oh, surprise : regards noirs, suspicieux, tout le monde s’arrête de travailler, les oranges tombent des mains, les femmes replient les nappes de plastique avec les pique-niques dedans comme des balluchons, précipitations de toutes parts et avant même qu’on aie eu le temps de réagir tout ce petit monde est dans les voitures qui partent à toute vitesse ! Immense rigolade : on est tombés sur une bande de gitans qui ravageaient un verger alors qu’on roule depuis des kilomètres dans l’espoir d’un achat honnête et scrupuleux … Et dire que pour trois oranges, il suffisait de les ramasser sous des arbres dépassant au dessus de la route !
Les orangers en contrebas d’un talus avec des cyprès sur fond de sierras dans le coin de notre rencontre avec les gitans … (Aquarelle Yolande GERDIL ou Pierre NAVA) Ce voyage était le dernier voyage de préparation au stage “Carnet de voyage en Andalousie – ROUTE DU CALIFAT” qui s'est déroulé sur cet itinéraire (avec peinture à l'Alhambra de Grenade, soirées peinture - flamenco, etc.) du 17 au 25 avril 2006 . Pour avoir un résumé de ce stage consulter les articles correspondants du blog d'Alain MARC : www.aquarelle-en-voyage.com Vous pouvez vous aussi participer à ses stages “carnets de voyages” en lui adressant un mail à
[email protected] site : www.AlainMarc.net
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