;
y
Larbaud Samuel
Butler
THE LIBRARY OF THE UNIVERSITY OF CALIFORNIA LOS ANGELES
LES CAHIERS DES AMIS DES LIVRES fWNHBMMMHi
VALERY LARBAUD
SAMUEL BUTLER
7,
RUB PI L'ODEON
1920
-
PARIS
-
VI*
SIXlEME GAHIER
SAMUEL BUTLER
GEUVRES DE SAMUEL BUTLER n et
publiees
ERE\N
duties
par M.
aux Editions de
la
V.
LARBAUD
" Nouvelle Revue Francaise
HON
1
Pour paraitre prochainement
AINS1 VA
TOUTE CHAIR,
roman.
Pour paraitre en 192 1-1022
LA VIE ET L'HABITUDE.
NOUVEAUX VOYAGES A EREWHON. CARNETS DE SAMUEL BUTLER.
volume
VALERY LARBAUD
SAMUEL BUTLER CONFERENCE FAITE LE 3 NOVEMBRE 1920 A LA MAISON DES AMIS DES LIVRES.
7,
RUE DE L'ODEON 1920
-
PARIS
V1 E
Mesdames, Messieurs,
l'honneur
avoir
vais
de
vous
lire
Jequelques
passages de mes traductions encore inedites de quatre volumes de Samuel Butler
:
La
Vie et
I'
Habitude, Les Garnets,
Ainsi va toute chair et Nouveaux Voyages a Erewhon. Toutefois,
avant
de
commencer
cette
vous dire quelques mots sur Samuel Butler. En effet, il me semble
lecture, je voudrais
que
le
travail
que
pris quatre annees,
accompli, et qui m'a
j'ai
— quatre annees d'intimite
presque quotidienne avec la pensee et l'ceuvre de Butler, m'a permis de me faire sur lui
—
certaines opinions,
d'avoir sur lui certaines
9167f
vues d'ensemble, qui peut-etre interesseront lcs personnes qui out lu ses ouvrages dans
de langue originate, et qui pourront servir ou de preparation, aux lecteurs guide,
la
connaissent pas encore. Je ne reviendrai pas sur sa biographie et
f'ranrais (jui
ne
les
sur I'histoire de sa rarriere litteraire,
et
je
me
permettrai de renvoyer les personnes qui d6sireraient se renseigner sur ce point, a
en
t6te
de
['introduction
que
l'cdition
A'Erewhon, et a Particle revue « Les Ecrits Nouveaux »
j'ai
placee
frangaise
qu'a public la da us son numero d'avril
1920.
C'est
de la
pens&e de Samuel Butler, et de ce que Taine appellerait « les idees directrices » de son
veux vous parler. un ami me demandait
oeuvre, que je
Eh esl
si
bien,
Butler ?
:
Qui
dois-je m'attendre k trouver
Que
dans ses livres ? je repondrais en pronon^ant un seul nom, un nom qui sans doute va vous surprendre, mais qui me parait donner
—
imm6diatemen< Butler. Ce
nom,
la cle
de l'ceuvre de Samuel
c'est celui
d'Epicure.
Bien entendu, il ne s'agit pas de r Epicure legendaire, de l'Epicure des poetes 6rotiques et
des chansons a boire,
mais du veritable
Epicure, le physicien grec, le fondateur d'une des grandes sectes philosophiques de l'Antiquite, le Sage dont les disciples, qui formaient une sorte de petite eglise paienne,
honoraient la memoire par des ceremonies presque religieuses, et dont la vie simple et frugale fut propos6e en exemple aux Chretiens
par saint Jer6me lui-meme. Personne, ^i ma connaissance, ne s'est encore avise de faire ce rapprochement du philosophe grec et de Fhumoriste anglais, et sans doute Samuel Butler en aurait et6 surpris,
car
il
ne doit certainement
rien,
directement, k Epicure. Mais au cours de raon travail de traduction, j'ai ete souvent
frappe de certaines ressemblances fortuites ; je me suis souvent dit que si Epicure avait
vecu de notre temps, on s'il s'etait reincarne de nos jours, il aurait ecrit bien des choses
que Samuel Butler a
ecrites, et aurait
enseigne 9
presque et je si
me
que Samuel Butler enseigne; suis souvent amuse a imaginer que
toul ce
on retrouvait
les
ouvrages d'Epicure qui ne sont pas parvenus jusqu'a nous, on y verrait beaueoup de passages qui nous paraitraient extremement. .. butleriens. Cela nous surprendra moins si
nous
depuis Bacon , la philosophic anglaise. Elle a ete, et elle est, des quatre grandes traditions philosophiques
songeons a ce qu'a
modernes, de
la
celle
ete,
se
qui
philosophic
epicurienne
empirique, sensualiste les
rapproche :
le
elle
et utilitaire, et ce
philosophes anglais ont appele «
plus est
que
utilite »
ne differe pas beaueoup, essentiellement, de ce que les epicureistes appelaient « plaisir ». II est done assez naturel que Samuel Butler,
qui a continue la tradition anglaise, surtout
comme
moraliste, fasse plus d'une fois songer a Epicure, a un Epicure qui aurait vecu de
notre temps.
Leur biographie meme pr6sente quelques ressemblances. Diogene de Laerte, a qui iu
nous devons presque tous les renseignements que nous possedons sur Epicure, nous et
magicienne, voyant,
—
si
mere du philosophe
la
apprend que
c'est
que
j'ose dire
—
peut-Mre
etait
en
la
operer, qu'Epicure
avait concu ce degout des religions et cette
haine des superstitions qui sont les marques La mere de distinctives de sa doctrine.
Samuel Butler
pas magicienne, mais
n'etait
milieu dans lequel milieu clerical anglais
le
plus etroit et
:
son pere
son grand-pere
—
fut
le
etait
eleve
etait
le
plus typique et
le
il
membre du
—
elerge,
de l'Eglise c'est a rinfluence que ce milieu eveque,
Anglicane, et exerca sur lui qu'il faut attribuer la rebellion qui le poussa a renier avec eclat toute la doctrine
demarche
chretienne.
Cette
rebellion
fut
la
nous en pensee trouvons des traces dans toute son oeuvre, et j usque dans le dernier livre qu'il ait ecrit.
Tous
initiale
les
de
Anciens
sa
nous
;
decrivent
communaute epicurienne comme une d'amis ? sobres,
polls,
la
societe
aimables, gais, unis par 1
1
La
plus tendre affection. Et cest precisement
ainsi
que Samuel Butler a vecu au milieu du
petit
groupe de ses amis. Aucun ecrivain de
son temps n'a pratique plus strictement que lui
la
ta
vie
« Cache grande maxime d'Epicure ». Bien souvent il s'est rejoui de son :
obscurite et s'est console de lichee de ses
conspiration du silence, contre lui par les devots et les
en disant que
livres
organises
savants, avait
la
du moins
cet avantage qu'elle
protegeait sa solitude contre les intrus. C'est ainsi qu'Epicure ecrivait a un de ses disciples
«
:
Nous nous sommes
trouves d'etre demeures inconnus,
noms,
a pr„esque toute la Grece. celibataire
Butler,
reduit au la
\i<'
par
minimum
materielle,
tres bien
meme et
l'appareil et les
a
Samuel
»
principe,
eu l'existence
de
ayant frais de la
plus
de toute entrave sociale, la plus paisible, et vraiment la plus « cachee » qui soit compatible avec un certain contort et le gout libre
de>
plaisirs
residait,
et
de
l'esprit.
ou
ses
A
revenus
Londres ou lui
il
auraient
permis
un
d' avoir
se contenta,
certain train de maison,
jusque dans sa
vieillesse,
il
d'un
appartement d'etudiant. II etait comme un homme de gouts simples que j'ai connu, petit
et a qui sa
femme de menage
dit
un jour
:
pas selon son rang. » Non seulement Samuel Butler ne vivait pas selon «
Monsieur ne
vit
rang, mais s'embarrasser de
son
il
ne
voulait
mtoie
pas
de sa profession peintre, il n'eut jamais d'atelier; homme de lettres, toute sa bibliotheque tenait facilement l'attirail
:
sur un seul rayon d'un placard. Et s'il avait une galerie de tableaux, elle etait surtout
formee de ses propres toiles qu'il n'avait pas pu ou pas voulu vendre, ou qui lui avaient 6te refusees par le jury de l'Academie Royale.
II
est vrai qu'en Italie,
ou
il
allait
passer chaque annee de deux a quatre mois, il semble avoir mene une vie moins ascetique et s'6tre un peu lache la bride, puisqu'un
journal
de je
ne
sais
quel
chef-lieu
du
Pi6mont, signalant son passage, l'appelait ((
il
ricco
millionario
Signore
:
Samuele 13
Butler ». Mais a Londres, on
revenir
cle
chez
le vit
parfois
traiteur le plus proche de
le
rapportant son dejeuner entre deux assiettes. Je ne sais pas si jamais Epicure en a fait autant, mais on cite souvent cette
chez
lui,
du philpsophe grec, dans laquelle il annonce qu'il va donner un grand banquet dont le plat de resistance sera un fromage
lettre
d'une espece tres commune. Le but que se propose
la
philosophic
bonheur de 1'homme. Elle cherche done, avant tout, a delivrer l'homme
d'Epicure, c'est
le
des terreurs de l'Au-dela, et de toutes les entraves de la superstition. C'est ainsi qu'elle
commence par
nier que les dieux s'occupent
des affaires des Deinocrite
hommes,
son
et
par emprunter
physique monde, explication empirique et qui ne
;i
explication
du fait
appel qu'au temoignage des sens; c'est a dire qu'elle
rejette
la
religion et lui substitue
science.
A
quelle
explication
pourvu 14
tel
point que, pour
qu'elle
elle,
scientifique
debarrasse
la
n'importe
est
1'homme
bonne de
la
'
crainte des dieux. Si,
comme
les parties scientifiques
c'est probable,
du poeme de Lucrece
ne sont que des traductions libres des traites d'Epicure qui ne sont pas parvenus jusqu'a nous, il est vraisemblable que la philosophie r
d'Epicure contenait une theorie de revolution de la matiere, tant organique qu'inorganique.
De
mtoie
la
fac^on,
exaetement,
Samuel
rejeter les
dogmes
commence par
Butler a
et
Chretiens,
de
rationnelle
christianisme
donner
par 1'
une
element
explication
surnaturel
du
si elle
pouvait 6tre appuyee sur des preuves irrefutables, ne laisserait rien subsister de ces dogmes. Ensuite,
;
explication qui,
l'homme
etant
terreurs de l'Au-dela,
comme
explication
fournit
la
Charles
Darwin
theorie
delivre
aiilsi
des
Samuel Butler adopte
du monde
celle
transformiste
la lui revele
;
que
telle
lui
que
puis, lorsqu'il
reconnait que la theorie de Charles Darwin, trop exclusivement mecaniste a son gre, est insuffisante,
il
compte, adopte
retrouve et
pour
developpe
son
celle
propre de Buffon
Lamarck.
De
la
se
sont
Torigine de ses querelles avec les savants de son temps, autre point de ressemblance entre Epicure et
el
lui
de
:
tous
deux
—
entendus
traiter
dinfames par les devots et d'ignorants par les savants. Tous deux ont ete atrocement calomnies. Par contre, tous deux ont aussi trouve des partisans enthousiastes. II n'y a pas longtemps, dans un journal anglais, un lettre ouverte pour lecteur ecrivait une
demander que
le
Conseil comtal de Londres
poser une
plaque sur la facade de la maison qui fut le domicile de Samuel Butler Rien n'indique pendant vingt-huit annees au passant, ecrivait-il, que c'est dans cette
fit
:
maison qu'a vecu
(c
Sage qui nous a delivres de tant de superstitions, qui nous a tires de tenebres
si
le
epaisses...
»
C'est
exactement
que Lucrece parle d'Epicure dans De Natura Rerum. ainsi
le
Leur morale, autant que nous en pouvons juger, est la m&me. Seulement celle de Samuel Butler, qui s'applique a des pheno16
menes plus complexes, est plus developpee. Mais chez Fun comme chez F autre, e'est une morale du plaisir. « Le guide de la vie, le plaisir »,
comme
dit
son maitre. Le
plaisir,
& la fois explication
divin
Le
et but.
plaisir bien
Finteret
aussi
Lucr&ce d'apres
et,
compris, qui s'appelle en biologie, le sentiment
du besoin (une des expressions de Lamarck que Samuel Butler a retrouvees et qu'il a a
opposee
la
«
selection
Pour Butler,
Darwin).
naturelle
»
de
toute la morale est
Fart de reconnaitre les choses qui, selon le mot de saint Paul, « contribuent a notre
paix »
;
et
toute la discussion porte sur la
question de savoir quelles sont les choses qui contribuent reellement a notre paix. C'est la ce qu'il y a d'interessant dans la pensee de
Samuel
Butler
discussion
Nous
le
:
son
attitude
dans
que les sujets sentons qui combat pour plutot
cette
discutes. la liberte,
pour Fexpausion de Findividu, pour notre perfectionnement. Les monstres qu'il attaen quait etaient sans doute tres redoutables 17 n
ils le sont temps et dans son pays beaucoup moins aujourd'hui, et certains sont morts. Mais ce n'est pas cela que nous
son
;
c'est sa considerons lorsque nous le lisons puissance, ses ressources et sa tactique de :
nous donne un exemple que nous aimons suivre, il nous encourage a penser et a vivre par nous-m^mes. « Ne soyons pas lutteur.
II
gardons notre esprit libre n'aceeptons aucune theorie sans 1' examiner impartialement, et ne construisons nous-
dupe
dit-il
7
;
;
m£mes aucune
theorie sur des idees precon-
mefions-nous toujours des doctrinaires ; ne nous laissons pas intimider par ce que Qiies
nos
;
aines
appellent
«
le
resultat
de
leur
experience » soyons toujours en garde, par prineipe, contre tout ce que voudraient nous ;
qui out autorite sur faisons attention a ne pas nous laisser
enseigner
nous
;
les
gens
ne nous prendre aux attitudes, aux modes embarquons pas dans les bateaux que ;
certains de nos eoiitemporains se
eiix-memes IS
;
montent &
mefions-nous des systemes
et
de
ceux qui
inteiTOgeons nos instincts les plus ppofonds, qui sont les plus sups ; et surtout ne nous trompons pas les constpuisent
nous-menies
ne
:
soyons
acteur qui, pour jouep teignait
tout
;
le
comme
pas pole
d' Othello,
corps en noip.
le
»
eel
se
N'etait-ee
qu'Epicure voulait dipe dans ce fragment d'une lettpe qu'on lui attribuait « Et surtout, mon eher enfant, soustpais-toi
pas la ce
:
a toute espece de discipline
encore une
» ?
Seulement,
nous ne possedons pas la vingtieme partie de Toeuvre d' Epicure nous fois,
;
n'avons
des
que
tronquees,
et
que
Samuel
Butler,
citations
dans lesquels
il
attaque les
hypocrites, se des poseurs, et surtout combat, par
doctrinaires,
le
des
quelques resumes tres arides. nous avons tovis les livres de
Tandis
moque
fragments,
ridicule
clemasque
et
i'ironie,
les
non
seulement
les
prejuges de son temps et de son pays, mais ces vices memes de l'esprit d'ou naissent les prejuges qui dans tous les temps et partout ont gene le libre developpement des individus 19
ont entraves dans la recherche et la
et les
ties
conquete paix.
Quand
choses qui contribuent a leur il
n'attaque
il
pas,
plaide.
II
plaide pour les pauvres abus du stecle, pour tout ce qu'il y a en nous d'instincts robustes
(c
tendance
de
et
au
Nous avons beau
fond,
sensuelle.
»
bonheur. dire,
mais
II
a
ecrit
la vie est,
:
au
faveur de cette
C'est en
de son plus large developpement, de sa plus grande liberie, qu'il plaide ; et de m&me qu'il a pris parti pour elle contre la religion,
vie,
il
aussi
prend
elle
pour
parti
contre
la
des qu'il s'aperQoit que la science tend, elle aussi, a devenir dogmatique. Dans son amour exclusif pour cette vie universelle science,
Tame
—
et qui est « Dieu », il en arrive a qui est, au fond, sensuelle, se metier de rintelligence et de la conscience,
qui est
et
a
»,
—
Tart
regarder
et
la
litterature
avec
-nspieion. C'est
vocation
done
a
regret
qu'il
et
ses
d'artiste,
excuse valable
^i
6tait qu'il
a
cede
a
sa
yeux sa seule
n'y cedait que parce
que c'etait le seul moyen qu'il eut cle combattre efficacement tout ce qui entrave tout ce qui g&ne la vie. Mais il y cedait aussi par sentiment du besoin, parce
Fhomme,
que sa tendance au bonheur
l'y portait.
Et
aussi apparalt sa parente avec Epicure.
la
Le
souverain bien, pour Epicure, se composait « l'amour, la musique, et de trois elements :
contemplation de la beaute ». Or, ce sont les trois elements que nous trouvons le plus constamment unis dans_ la vie de Samuel la
Butler et dans tout ce qui,
de son oeuvre,
n'est pas dialectique et polemique pures. Par « F amour » il faut entendre aussi l'amitie,
Grecs ne faisant pas de distinction entre ces deux sentiments. Et bien, Famitie, des les
amities solides, tres vives, et
m6me
passion-
ont rempli la vie intime de Samuel Butler. Amitie pleine et d'une deference nees,
charmante pour Miss Elizabeth Mary Ann Savage, a qui il soumettait tous ses manuscrits.
trop
Amitie
fidele
genereuse
et
en
depit
de
trop indulgente,
tout,
pour
et le
21
personnage a qui est dedie La Vie et V Habitude. La musique, il l'a aimee des son il en a m^rne compose dans sa enfance ;
vieillesse, et
nous verrons bientot ce
qu'il dit
du compositeur qui etait pour lui la musique m^rne Handel, dont il savait Poeuvre entier :
par cceur, et qu'il mettait sur
le
meme
rang
Shakespeare. Contemplateur et serviteur de la beaute, Samuel Butler l'a ete
qu'Homere
et
autant que son maitre Handel. C'est m6me cet attrait que la beaute visible exer^ait sur lui qui lui a fait eroire a sa vocation de n'a renonce qu'apres de longues annees d 'etudes et d'efforts. Voyez peintre, a laquelle
dans
aussi,
il
Erewhon,
l'importance qu'il attache a la beaute physique. Et nous pouvons etre
certains
se jours
que
en
son
Italic
desir,
contact avec les plus
plus
))
ses
longs et frequents n'avaient pas d'autre cause
que
son
besoin,
un des peuples
gracieux,
et,
de
vivre
les plus
en
beaux,
a son point de vue, les
moraux du monde.
J'ai hate
de eommencer
lecture, et je
comparaison entre Epicure
laisse la cette
Samuel
ma
Vous avez vu que
Butler.
si
je
et l'ai
parce qu'elle me promettait de mieux mettre en lumiere les traits caracte-
tentee
c'est
ristiques
anime
de
la
pensee
qui
domine
ce qu'il y a de
pensee.
qui
extremement varie de Samuel
l'oeuvre
Butler, et de faire ressortir en
cette
et
permanent
meme
temps
et d'universel
dans
Toutefois, je voudrais encore
un passage d'une Preface de George Bernard Shaw ou il est question de Samuel Butler. Quelques critiques avaient
vous
citer
accuse Bernard
Shaw d'emprunter
ses idees
plus originates a Nietzsche et a Ibsen. Voici comment l'illustre dramaturge repon« Ce qu'il y a de neuf dans ma piece, dit les
:
autant
que j'en puisse juger, c'est cette maxime emise par mon personnage et selon laquelle
plus
plus
la
possession
de
Targent
est
la
indispensable vertu, et la pauvrete le grave peche, de l'homme en society.
Naturellement, cette
conception dramatique 23
nVsl pas nee par generation spontanea pas plus qu'elle n'a ete emprunt£e a Nietzsche ;
ni a aiicun 6crivain ne de
1'
autre c6te de la
Manche. Le regrette Samuel Butler, qui fut dans son genre le plus grand ecrivain anglais du xix e siecle, de la seconde moitie
recommande sans
dans
cesse
son
ceuvre,
comme
choses neeessaires et morales, une tiedeur voulue en religion et un sentiment constant de l'importance de Pargent. se prend a desesperer de la litterature
vif et
On
anglaise etonnant
quand
on
voit
que
ce
tableau
anglaise, le roman de Butler intitule Ainsi va toute chair a fait si
de
la
vie
peu
d'impression que, lorsque, quelques ann^es apres sa publication, je fais jouer des pieces dans lesquelles les idees
part
reprocher Nietzsche,
evidente,
on
eonfusement
—
et
je
vivantes,
si
de Samuel Butler ont
libres, si prophetiques,
une
si
dois
ne
sait
d'imiter
que Ibsen
me et
m'estimer encore
heureux qu'on ne me parle pas d' Alfred de Musset et de George Sand. Vraiment les
Anglais ne meritent pas d'avoir des grands homines. lis ont laisse Samuel Butler mourir
dans une obscurite presque complete, tandis que moi qui ne suis, en comparaison de eet ecrivain,
qu'un
irlandais
journaliste
sans
importance, je les amenais, comme par le bout du nez, a faire taut de bruit autour
de
mon nom que mon
existence
en
est
empoisonn6e. » Je commencerai par chapitre II de La Vie d'abord, alinea,
lire
et
maniere
en
un fragment du I'
Habitude.
d'avertissement,
qui se trouve vers la
fin
Mais cet
du dernier
chapitre.
(Lecture
:
Pages de
la traduction
pondant aux pages 306, 20,
et
corres-
33-39.)
maintenant quelques notes choisies dans Les Carnets de Samuel Butler. C'est Voici
un gros de
livre
passages
Jones,
—
ami
d'environ extraits et
500 pages, forme par Henry Festing
executeur testamentaire de 25
—
Samuel Butler,
des cinq tomes de notes manuscrites que Butler a laisses.
(Lecture de notes correspondant aux pages 13,
217,
14,
11,
10,
226,
12,
36,
366,
99-100, 221, 114, 233, 234, 371, 372,
378 de
I'
Jose de
sa
et
edition anglaise.)
esperer
musique
que ce que Butler dans ses notes vous
dit
a
prepares a entendre avec indulgence les trois echantillons de cette musique que notre ami
Mechain a bien voulu se charger d' interpreter. Encore une fois, la composition musicale n'a ete pour Butler
Jacques-Benolt
qu'un d^lassement, et, dans l'avertissement qu'il a place en tete du recueil des Gavottes,
Menuets
et
Fugues,
ecrits
avec Henry Festing Jones, dire ete
en collaboration il
a eu soin de
que ces morceaux humoristiques avaient composes « aidant que possible dans la
maniere de Handel
».
(Execution au piano, par M. JacquesBenoit Mechain, d'une gavotte, d'un menuet, 26
et
de l'ouverture de la troisieme partie de
l'oratorio
dramatique d'Ulysse.)
Puisque nous en sommes aux a-cotes de production faut
dire
Samuel Butler, il deux mots de sa peinture. Nous artistique
les
parmi
avons,
la
de
photographies
et
les
gravures exposees ici, une reproduction de La Priere en son premier grand tableau :
Famille.
l'a
II
peint et
Nouvelle-Zelande,
son
a
avant
retour
d'avoir
de
serieu-
sement commence ses etudes de peinture.
Du
reste cela se voit. Cependant, aussi bien par
son execution que par son intention satirique il
est
amuse Guillaume dans Jean,
et
interessant,
la
pense
Apollinaire.
collection
Poriginal
je
est
Butler,
A
qu'il
aurait
Cambridge,
au college Saint-
accroche de
telle
fagon
que, lorsqu'on entre dans la petite salle, la porte le cache. J'ai fait remarquer cette
M. Henry Festing Jones, qui « Vous savez, je pense qu'ils m'a repondu en ont un peu honte. » Nous avons aussi la particularity a :
27
reproduction clu tableau de Butler qui est a la Tate Gallery, accroche a une des colonnes
du
vestibule, a droite quancl on fait face a l'entree des salles ou sont les Turner. C'est
une oeuvre de dont ete
le
maturite de Butler, mais principal merit e, je crois, est d'avoir
peinte
la
par un grand ecrivain.
II
avait
sans doute raison lorsqu'il ecrivait au crayon sur la toile de La Priere en Famille : « J'ai peint ceci en 1864, et si j'avais continue a ne prendre conseil que de ma fantaisie au lieu de faire des etudes, j'aurais ete
bon peintre. Le tableau de s'appelle
Les
Vacances
de
la
M.
M.
un assez
Tate Gallery Heatherley. V atelier ou
Heatherley, directeur de Butler etudiait, est represente raccommodant le squelette, que les eleves s'amusaient a
Dans Les Carnets, Samuel Butler nous apprend que M. Heatherley ne quittait disloquer.
jamais Londres et passait ses journees de vacances dans son atelier vide. Une fois, des
un dimanche
amis
le
a la
campagne. Mais en revenant,
28
deciderent a aller passer
il
dit
que
aucun bien, et que Pair bien moins sain que celui
cela ne lui avait fait
des
champs
de
Londres,
etait
«
parce
qu'il
manquait
de
Nous avons aussi une reproduction corps » d'un portrait de Samuel Butler peint par lui-m6me, en 1878, a l'age de trente-trois !
ans.
Nous allons passer maintenant au livre de Samuel Butler que la plupart des critiques, romanciers anglais contemporains, considerent comme son chef-d'oeuvre son et tous les
:
roman posthume Ainsi va toute Chair. Le heros de ce roman s'appelle Ernest Pontifex, et le narrateur suppose, qui joue aussi un important dans Edouard Overton. r6le
(Lecture
des
correspondant l'edition
Pour de
une
LV
chapitres
aux
s'appelle
l'intrigue,
a
LXIII, 279 de
court
extrait
248
pages
a
anglaise.)
terminer,
Nouveaax parabole
voici
un
Voyages
a Erewhon
lue
un
par
pr6tre
;
c'est
de
la
29
'
religion erewhonienne. On pourrait « Allegorie de la Vie Eternelle ».
l'intituler
Les Non-Nes ont connaissance
«
les
uns
autres jusqu'au moment de leur naissance, et cela, sans que les murs ou aueuns obstacles materiels s'y opposent. Les enfants
des
a
naitre
dans
forment
population a part
;
ils
cite
chaque
une
conversent entre eux
donnent reciproquement des nouvelles du progres de leur developpement.
et se
ne possedent aucune notion sur notre et ne peuvent merae pas concevoir
Ils
((
vie,
([uelque chose qui n'est pas identique a ce qu'ils sont eux-memes. Ceux qui sont nes
sont
ce
que
les
morts sont pour nous.
lis
n'imaginent pas qu'ils puissent continuer a vivre, et ils ignorent tout d'eux, de meme qu'ils
ignorent
toutes
les
phases
de
leur
propre developpement anterieur qui ne sont pas la phase par laquelle ils passent dans ce
moment meme.
lis
ne savent
—
que leurs meres sont vivantes, moins que leurs meres ont et& ce 30
meme
pas et encore
qu'ils sont
eux-memes en sa mere n'est
moment. Pour Pembryon,
ce
rien que son milieu, et
il
la
considere a peu pres de la m&me fagon que nous considerons notre milieu inorganique. <(
La grande
terreur de leur vie,
—
peur de naitre,
un jour
le
c'est la
peur d'avoir a quitter
la
seul etat qu'ils considerent
eomme
dans un inconnu tenebreux
la vie, et d'entrer
qui pour eux equivaut a Paneantissement. « II est vrai que certains d'entre eux ont
pretendu
que
naissance
la
n'est
cette
pas
mort qu'ils croient qu'elle est mais qu'il y a une autre vie au clela du sein maternel, une vie dont ils ne savent encore rien, et qui est un million de fois plus vraiment vivante que tout ce qu'ils ont pu imaginer. Mais la ;
plupart hochent leurs tetes encore inachevees, et disent qu'il n'y a pas, en faveur de cette
une
seule
preuve supporter un instant d'examen. Mais non, repondent les
hypoth^se,
si
grand
travail,
merveilleux,
tel
et
que
si
le
qui
autres,
complique,
travail
puisse
et
un si
auquel nous •*5I
nous consacrons
meme,
si
doit avoir
activement en ce
moment
un but, bien que ce but
nous demeure cache. «
Jamais de
miers
le
;
la
plaisir
vie,
que
travail le justifie assez
repondent les prenous prenons a ce
amplement. Qui done vie dont vous parlez,
a jamais goute a cette et est rentre dans le sein maternel pour nous en donner des nouvelles ? Admettons qu'im petit
voyez
nombre ont pretendu
comme
la
1'
avoir
fait
:
mais
faussete de leurs recits est
apparue d£s qu'on les a soumis a une saine Non. Quand nous naissons, e'est critique !
pour de bon, et e'en est fini de nous « Mais a l'heure de la naissance, quand ils ne peuvent plus rentrer dans le sein maternel !
pour annoncer aux autres
la nouvelle,
voici
qu'ils s'aper^oivent qu'ils se trompaient. »
Mesdames, Messieurs, vous avez vu, au cours
de
ces
lectures,
Samuel Butler
attachait
«
la
nous 32
vie
posthume
vivons,
grace
»,
au
rimportance
que
a ce qu'il appelait a cette vie que souvenir
de
nos
surtout
actions,
et
dans
pensee
la
«
:
pourrais pas trouver je
ne
croyais
moyenne de talite.
»
pas
11
le
ceuvres,
Vous
avez
me
semble que je ne courage de vivre si
qu'il
est
que bonne
probable
ma
ma mort, soixante-quinze ans d'immor-
apres
j'obtiendrai,
hommes.
des
entendu ses paroles
nos
a
grace
Cette reunion,
cette lecture
que je
viens de vous faire, est une date importante de la vie posthume de Samuel Butler. C'est
meme, en quelque
sorte,
ie
commencement
de sa vie posthume en France. Et je voudrais pouvoir date
esperer
dans
l'histoire
litterature caise.
que
anglaise
Quoi
qu'il
ce
des et
en
sera
rapports
la
entre
litterature
advienne,
une
aussi
je
la
fran-
vous
Messieurs, au nom de Samuel Butler, d'etre venus Tentendre ; et je lle remercie Adrienne Monnier qui, en lui
remercie,
Mesdames
et
M
Maison des Amis des Livres, a rendu un service de plus aux Lettres. ouvrant
la
x\
CKTTE PLAOUETTE A ETE TIREE
PAR
DARAXTIERE
A
DIJON
A 1.025 EXEMPLAIRES DONT
25
EXEMPLAIRES
HORS
COMMERCE SUR VELIN PUR MARQUES DE
FIL,
A
A Z
J
50 EXEMPLAIRES SUR PAPIER VELIN
PUR
DE
A
1
FIL,
XUMEROTES
50 ET 950 EXEM-
PLAIRES SUR PAPIER VERGE (
BOOK - PAPER )
US
DE 51
A
EXEMPLAIRE N°
,
NUMERO-
1.000 h
O '7
UNIVERSITY OF CALIFORNIA LIBRARY Los Angeles
This book
H
DEC
10
is
DUE on the last date stamped below.
1959
MUD
.
REC
™ luff
2
Form L9-17™?,oo(B333»>s4)444
Prix
:
6 francs.
Stockton,
Calit.
UC SOUTHERN
REGIOI
AA 000
31