Bourbon Conde

  • May 2020
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LES BOURBON-CONDE Chantilly est entré dans cette famille de façon tout aussi fortuite que rocambolesque : la soeur aînée du duc Henri II de Montmorency ayant attiré l’attention d’Henri IV, celui-ci força son père à lui faire épouser Henri II, troisième prince de Condé, élevé à la cour, filleul et héritier présomptif du roi, du moins jusqu’à son mariage avec Marie de Médicis et la naissance du futur Louis XIII. Le but du roi était de conserver près de lui la jeune Charlotte-Marguerite de Montmorency, mais à peine mariée, elle fut emmenée à Bruxelles par son époux, d’où ils ne revinrent qu’après l’assassinat d’Henri IV en 1610. Fidèle envers Louis XIII après avoir eu des velléités de révolte au début du règne, il se fit attribuer en 1631 le gouvernement de la Bourgogne, que ses descendants devaient conserver. Après l’exécution de son beau-frère, qu’il chercha en vain à sauver, il reçut la majeure partie de ses biens, hormis Chantilly, qui ne lui fut remis par Louis XIII qu’à la suite de la victoire remportée par son fils à Rocroi, en 1643. Les membres de la famille de Bourbon-Condé sont titrés tantôt duc de Bourbon, tantôt prince de Condé. La principauté de Condé-sur-Escaut et la seigneurie d’Enghien, apportées en dot par Marie de Luxembourg à François de Bourbon, comte de Vendôme, lors de leur mariage en 1487, sont devenues l’apanage de cette branche cadette de la maison de France, à dater de l’avènement d’Henri IV, ce qui explique qu’un même personnage puisse parfois porter successivement l’un puis l’autre titre, par décision royale. Ils furent beaucoup plus présents à Chantilly que les autres familles qui les y avaient précédés. Louis II de Bourbon, dit le Grand Condé (1621-1686) Né à Paris le 8 septembre 1621, élevé au château de Montrond, il fut placé en 1629 comme externe chez les Jésuites de Bourges, où ses études furent brillantes et rapides puisqu’à dix ans, il savait écrire à son père en latin. De 1636 à 1639, sa vie se partage entre Paris, où il complète ses études, et Dijon, où il s’initie au gouvernement de la province. En 1640, le duc d’Enghien, comme on l’appelle alors, est volontaire à l’armée de Picardie où il fait ses premières armes et montre un grand courage. L’année suivante il est contraint d’épouser la nièce du cardinal de Richelieu, ClaireClémence de Maillé-Brézé, et cette union finira mal puisque son épouse, devenue folle à la suite d’un scandale domestique, sera exilée à Châteauroux en 1694. Leur fils présentera lui-même des particularités psychiques inquiétantes. Richelieu, avant de mourir en 1642, recommanda au roi de confier à ce tout jeune homme l’armée de Picardie, face aux Espagnols qui assiègeaient Rocroi et qui surclassaient nettement les Français, à la fois en nombre et par la qualité de leur infanterie, les fameux tercios viejos, placés sous les ordres du comte de Fuentes. Louis XIII mourut le 14 mai 1643 et le duc d’Enghien livra bataille le 18, remportant une des plus spectaculaires victoires françaises de l’Ancien Régime, qui fit de lui le héros de toute la cour et lui permit de prendre enfin possession de Chantilly. De 1643 à 1648, le duc d’Enghien, devenu prince de Condé après la mort de son père (1646) accumule les victoires, souvent chèrement payées : Fribourg (1644), Nordlingen (1645), Dunkerque et Furnes (1646), Ypres, Lens (1648), toutes représentées au musée Condé dans la galerie des Actions de Monsieur le Prince. La victoire de Lens permit la signature du traité de Münster avec le Saint Empire (octobre 1648), favorisant la France qui étendit alors sa frontière à l’Alsace, mais la popularité grandissante de Condé inquiètait Mazarin, qualifié par celui-ci de « gredin de Sicile ». Lorsque la Fronde éclata, en 1649, le Grand Condé, flatté par Anne d’Autriche et Mazarin, accepta au début de mettre ses armes au service du jeune roi, et assiègea Paris révolté en 1649. Mais après la conclusion de la paix de Rueil, Condé, qui s’était rendu odieux à tous par son ironie insultante et acerbe, fut emprisonné par Mazarin pendant un an avec Conti et Longueville. Lorsque la rupture de l’alliance entre Mazarin et le Parlement le fit sortir de prison, il prit la tête de la Fronde des Princes, et livra bataille à l’armée royale que commandait Turenne. C’est en 1652 que se situe le fameux épisode où la duchesse de Longueville, la Grande Mademoiselle, fit donner le canon de la Bastille contre les troupes royales pour lui permettre de se réfugier dans Paris. Obligé de s’enfuir, il fut déchu de ses honneurs, dignités et pensions, ses biens furent confisqués et il se réfugia aux Pays-Bas espagnols. Là, il traita avec Philippe IV, prétendant ne faire la guerre qu’à Mazarin. De 1653 à 1658, il commanda les armées de l’Espagne dans les Flandres, ce qui le fit condamner à mort par contumace en 1654. Sa défaite à la bataille des Dunes (1658) l’obligea, ainsi que l’Espagne, à demander la paix. Dans les négociations qui devaient se conclure par la paix des Pyrénées, le 7 novembre 1659, sa grâce fut exigée par les Espagnols, qui s’engageaient à lui verser une pension d’un million d’écus. Cette clause, qui devait être assortie de la restitution de ses biens, faillit faire échouer le traité de paix. Mazarin, en effet, aurait souhaité que le roi conservât Chantilly, ce qu’évoque une correspondance échangée entre le Grand Condé et madame de Châtillon. Elle lui écrit en effet le 27 juin 1659 : « Le Roi est à Chantilly; il s’y trouve fort bien et dit hautement qu’il se réservera cette

LES BOURBON-CONDE maison par le traité... » Réponse de Condé, datée du 20 septembre 1659 : « Ce serait un affront furieux. Il est faux que le Roi ait une passion pour cette maison-là; il n’a jamais voulu s’y arrêter, et, si on l’y a fait aller, c’est une chose faite à plaisir. C’est la seule maison où je puisse me retirer pendant que je ne serai pas bien à la cour; et comme je ne vois pas que j’y puisse être bien de longtemps, au moins dois-je avoir une maison de plaisance pour y attendre doucement le retour d’une meilleure fortune ». A partir de son retour en grâce, Condé fut désormais le plus parfait des courtisans, exerçant ponctuellement ses charges, présidant les Etats de Bourgogne, figurant dans les fêtes comme au fameux carrousel de 1662. Il fut question de son fils, puis de lui-même, pour le trône de Pologne, éventualité à laquelle il se prêtait complaisamment. Il reprit surtout du service dans les armées royales, occupant la Franche-Comté pendant la guerre de Dévolution (1665 - 1668). Surtout, après sa réconciliation officielle avec le roi, célébrée par une grande fête donnée pour 4 000 invités à Chantilly en 1671, qui fut cependant endeuillée par le suicide de Vatel, il prit la tête de l’armée chargée d’envahir la Hollande, forçant le Rhin au gué de Tolhuis (1672) et remportant sur Guillaume d’Orange le difficile combat de Seneffe, sa dernière grande victoire. Après la mort de Turenne, il prit le commandement de son armée et obligea les impériaux à repasser le Rhin (1675). Ce fut sa dernière campagne. Désormais, cloué par la goutte, consacrant l’essentiel de son temps à son domaine de Chantilly, où les travaux avaient commencé sous la direction de Le Nôtre dès 1663, il reçoit écrivains, philosophes et artistes venus de l’Europe entière, protège Molière, fait jouer à Chantilly le Tartuffe encore interdit à Paris. Il meurt le 11 décembre 1686, au château de Fontainebleau, où il était accouru, bien que très affaibli, au chevet de l’épouse de son petit-fils, la duchesse de Bourbon, elle-même malade. Henry-Jules de Bourbon (1643-1709) et son fils Filleul de Mazarin, il partagea au cours de la Fronde l’exil de ses parents aux Pays-Bas. Il fut question pour lui de la couronne de Pologne et c’est dans cet espoir qu’il épousa en 1663 Anne de Bavière, qui en était héritière. L’affaire n’aboutit pas mais fit le malheur de cette princesse qui se trouva unie à un époux peu enviable, brutal, sadique et débauché, ayant hérité du caractère instable de sa mère et qui n’employait son intelligence qu’à nuire autour de lui. Actif à la guerre dès 1666, il s’y était montré fort brave, participant à toutes les campagnes de son père sous Louis XIV, faisant preuve de témérité au passage du Rhin en 1672. Nommé maréchal de camp puis lieutenant général, il servit en campagne jusqu’en 1678, mais son caractère bizarre empêcha toujours qu’on lui confiât le commandement en chef. Retiré à Chantilly après la mort de son père en 1686, il y fit poursuivre les travaux du parc et du château, réussit à faire entrer dans sa famille l’héritage des Guise, participa encore aux campagnes de 1692 et 1693, mais sombra peu après dans la folie la plus complète, se croyant tantôt devenu chien, tantôt lièvre ou chauve-souris. A la fin de sa vie il se crut déjà mort et refusa par conséquent de manger. Il mourut un 1er avril. Son fils, Louis III de Bourbon, né en 1668, souffrait également d’une constitution chétive et fit preuve d’un caractère tout aussi sauvage que son père, au grand désespoir de son grand-père, le Grand Condé, qui lui avait donné La Bruyère comme précepteur. Il n’avait aucun talent militaire mais était bon soldat. Devenu énorme, il mourut un an après son père, en 1710, surpris par une attaque d’apoplexie en carrosse, sur le Pont-Neuf. Louis-Henri, duc de Bourbon, dit Monsieur le Duc, (1692-1740) Né en 1692, du mariage de son père avec Mademoiselle de Nantes, fille légitimée de Louis XIV et de Madame de Montespan, il servit honorablement dans l’armée durant les dernières campagnes du règne de Louis XIV. A la mort de ce dernier, son amitié avec le duc d’Orléans le fit entrer immédiatement au Conseil de régence dont il devint le chef. Il sut profiter de l’expérience bancaire de la Régence promue par le financier écossais John Law pour s’enrichir considérablement, y gagnant selon certaines sources plus de vingt millions de livres, qu’il réinvestit dans son domaine de Chantilly. Nommé membre du conseil d’En-Haut quand le roi fut déclaré majeur, il devint premier ministre la même année (1723), à la mort du duc d’Orléans. Il s’attacha à plaire au roi en organisant à Chantilly des fêtes et des chasses magnifiques, telle celle de 1724, marquée par l’épisode romanesque du mariage secret de Mlle de Clermont, sa soeur, avec Louis de Melun, gentilhomme tué quelques jours après lors d’un accident de chasse. Veuf depuis 1720, le duc de Bourbon se laissait gouverner par sa maîtresse, Mme de Prie, dominatrice et intrigante, et par le financier PârisDuverney, qu’elle avait fait nommer secrétaire de ses commandements. Conformément aux idées de ce dernier, le duc de Bourbon chercha à réformer le système fiscal en tentant de soumettre les nobles et le clergé à l’impôt pour combler le déficit de l’Etat, ce qui le rendit très impopulaire auprès

LES BOURBON-CONDE des privilégiés, mais aussi de la population qui, en raison de la cherté et de la rareté des vivres, l’accusait de spéculation. Sa principale réussite diplomatique fut le mariage de Louis XV avec Marie Leszczynska, fille de l’ancien roi de Pologne réfugié en Lorraine, qui apporta en dot ce duché à la France à la mort de son père. Il perdit son poste en 1726, vaincu dans sa lutte contre le cardinal de Fleury, qui le remplaça. Désormais retiré à Chantilly jusqu’à sa mort en 1740, il se consacra à l’embellissement de son domaine. Esprit ouvert à la connaissance scientifique, il installa dans le château des laboratoires et des ateliers pour fabriquer une porcelaine d’imitation japonaise, des toiles peintes à la façon indienne et des laques dans le style chinois. On lui doit également la création du cabinet d’Histoire naturelle que ses successeurs entretiendront et enrichiront jusqu’à la Révolution, et surtout les deux singeries commandées à Christophe Huet en 1735 et 1737, que le public peut encore admirer de nos jours. Louis-Joseph, dit le prince de Condé (1736-1818) Né à Paris en 1736, de Charlotte de Hesse-Rheinfels-Rothembourg, seconde femme de Louis-Henri de Bourbon qui l’avait épousée en 1728, il n’avait que trois ans à la mort de son père et prit, dès cet âge, le titre de prince de Condé. Dirigé très tôt vers les études militaires, il se préoccupa des questions de service concernant l’avancement des officiers non-nobles, les châtiments, la discipline, etc... Nommé lieutenant général des armées du roi en 1758, il prit part à la guerre de Sept ans. Trois jours après la prise de la Bastille, il quitta la France pour Turin. Puis il se rendit à Worms en 1791 pour y organiser une armée. Les campagnes de Condé, auxquelles prirent part son fils et son petit-fils, ne furent jamais très importantes, car les Autrichiens et les Prussiens voulaient conserver la direction des opérations et son armée ne s’écarta pas beaucoup du Rhin de 1792 à 1796. Condé passa l’année 1797 auprès de Louis XVIII et se rendit en Russie l’année suivante pour participer à la campagne de Souvorov dans les Alpes en 1799. A la suite de l’échec de ce dernier, il se réfugia en Angleterre en 1801 et ne put rentrer à Paris qu’en 1814, pour reprendre aussitôt le chemin de l’exil pendant les Cent-Jours. Grand maître de la maison du roi, il séjourna tantôt à Chantilly, tantôt au Palais-Bourbon, jusqu’à sa mort en 1818. Louis-Henri-Joseph, dit le duc de Bourbon (1756-1830) Né le 13 avril 1756 à Paris, il était fils de Louis-Joseph de Bourbon et de la princesse Charlotte-Godefride de Rohan-Soubise. Tout jeune, il s’éprit violemment de sa cousine, Louise-MarieThérèse-Bathilde d’Orléans, fille du duc de Chartres, plus âgée que lui de six ans, et qu’il épousa en 1771. Sa passion pour elle inspira à Laujon le sujet d’un opéra-comique, L’amoureux de quinze ans, qui fut représenté aux fêtes du mariage. De cette union naquit en 1772 le duc d’Enghien, mais l’entente entre les époux ne dura guère et ils se séparèrent en 1780. En 1782, il participa à une campagne menée contre les Anglais à Gibraltar, où il fut blessé. Violemment hostile aux idées révolutionnaires, il suivit son père en émigration et participa à diverses batailles de l’armée des princes. En 1795, il fut envoyé en Angleterre pour préparer un débarquement du comte d’Artois et reprendre la guerre de Vendée. Mais, parvenu à l’île d’Yeu, il dut faire demi-tour, sur ordre du gouvernement britannique. Après le licenciement de l’armée de Condé (1801), il mena en Angleterre une existence retirée, simple et tranquille, au désespoir de son père et de son fils. C’est en Angleterre qu’il fit la connaissance, sans doute en 1813, de Sophie Dawes, une jeune aventurière qui ne tarda pas à devenir sa maîtresse. Se désintéressant de la vie publique et de la cour, partageant son temps entre Chantilly et l’Angleterre jusqu’à la mort de son père, il revint définitivement en France à partir de 1818 et fit aussitôt épouser à Sophie Dawes un vétéran des guerres napoléoniennes, Jean-Adrien Victor, à qui il fit décerner le titre de baron de Feuchères en 1819, et dont il fit son aide de camp en 1820, pour conférer une apparence de respectabilité à sa maîtresse, qu’il faisait passer pour une fille naturelle. Lorsque le baron de Feuchères découvrit en 1824 qu’on l’avait trompé, il divorça avec tapage et Sophie Dawes, tout en assurant de riches mariages aux divers membres de sa famille, intrigua alors avec Talleyrand, puis avec le duc d’Orléans, futur Louis-Philippe. Elle réussit à faire adopter le jeune duc d’Aumale par le vieux duc de Bourbon qui en fit donc son héritier, contre la promesse d’être reçue à la cour de Charles X, alors qu’elle s’était fait éconduire par Louis XVIII. L’affaire fut rondement menée, puisque le testament fut signé le 30 août 1829, réservant à Sophie Dawes la propriété de Saint-Leu-Taverny, et l’autorisation de paraître à la cour lui fut accordée le 15 janvier 1830, dont elle profita trois semaines plus tard. Mais en juillet 1830, Charles X était renversé par les Parisiens révoltés et, le 27 août au matin, le duc de Bourbon était retrouvé pendu à l’espagnolette de sa fenêtre, à Saint-Leu. L’enquête de police conclut au suicide.

LES BOURBON-CONDE

Louis-Antoine-Henri, dit le duc d’Enghien (1772-1804) Né le 2 août 1772, il fut élevé par la vicomtesse de Nesles, le comte de Virieu et l’abbé Millot après la séparation de ses parents en 1780. Son grand-père se chargea de son éducation militaire. Il combattit brillamment dans l’armée de Condé en Allemagne et en Suisse, aux côtés des Autrichiens puis des Russes. En 1802, il épousa en secret Charlotte de Rohan-Rochefort, dont la famille contestera en vain la validité du testament du duc de Bourbon au profit du duc d’Aumale en 1830. Le 15 mars 1804, à l’instigation de Talleyrand, soupçonné de complot, mais en fait pour marquer la rupture entre Bonaparte et les Royalistes, il fut enlevé à Ettenheim, en pays de Bade, où il résidait et, transporté à Paris, il fut sommairement jugé et exécuté à Vincennes six jours plus tard. Avec lui s’éteignit la branche des Bourbon-Condé.

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