Besoins Nutritionnels Et Apports Alimentaires De L Adulte

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6

Cours magistraux 1 et 2 Question 110 Besoins nutritionnels et apports alimentaires de l’adulte.

7

Besoins nutritionnels de l’adulte en bonne santé PLAN 1. Définition 2. Méthodes d’évaluation 3. Besoins énergétiques 4. Apports hydriques 5. Apports en macro-nutriments 6. Besoins en micro-nutriments 7. Les groupes alimentaires et leurs caractéristiques 8. Conseils nutritionnels en pratique

8

1. Définition L’alimentation est nécessaire à la vie mais entre jeûne et suralimentation où se situe l’alimentation adéquate? Deux concepts •

Besoin nutritionnel (individu)



Apport nutritionnel conseillé (population)

A. Besoin nutritionnel (individuel) Quantité à ingérer pour couvrir les besoins •

Prise en compte de la quantité réellement absorbée au niveau intestinal

A distinguer des besoins minimaux •

Seuil de carence

Comprennent •

Besoins quantitatifs (énergie)



Nutriments indispensables



o

Ne peuvent être synthétisés

o

Ex: Acide folique

Nutriments essentiels o

Synthétisables en quantité insuffisante

o

Protéines, certains acides gras

B. Apports nutritionnels conseillés (ANC population) Reposent sur besoins nutritionnels moyens Tiennent compte du contexte de la population •

Habitudes de vie



Niveau socio-économique



Aliments disponibles

Sont des repères, un guide •

Supérieurs aux besoins pour la majorité des sujets



Capacité d’adaptation de l’organisme

La référence à la journée doit être nuancée Prévention des déficiences •

…mais risques liés à des apports excessifs

9

2. Méthodes d’évaluation des besoins nutritionnels Dosages sanguins sans intérêt Modèles animaux •

Connaissance sur les effets des nutriments

Apports d’une population ‘en bonne santé’ Méthodes de déplétion-réplétion Méthode factorielle •

Connaissance théorique

Méthode des bilans •

Circonstances données, temps donné

Isotopes stables: l’avenir +++

Méthodes des bilans Postulat: bilan équilibré si les besoins sont satisfaits •

Besoins = entrées – pertes

Ne tient pas compte •

Pertes obligatoires



Mécanismes d’adaptation

Certaines réserves échangeables importantes (Ca) •

Mois pour atteindre l’équilibre

Permet surtout de vérifier l’adéquation des apports

10

3. Besoins énergétiques Bilan énergétique équilibré lorsque le poids (composition corporelle) est stable Dépense énergétique totale (DET) : 3 composantes Activité physique Variabilité +++

Thermogenèse Alimentaire Obligatoire (thermorégulation)

Métabolisme de Repos (DER)

A. Dépense énergétique de repos Repos, neutralité thermique, le matin, à jeun Dépend de la masse maigre Différences selon •

Sexe



Age



Composition corporelle

Calcul •

Formules (Benedict,…)



Femme 20 ans, 60 kg 1.68m : approximativement 1440 kcal

B. Thermogenèse alimentaire Environ 10 % apports (varie selon les nutriments)

C. Activité physique Rôle régulateur ++ •

DET dépend du niveau d’activité physique (NAP)



DET = DER *NAP

NAP •

Faible 1.4



Moyen 1.6



Fort 1.8



Très élevé 2 chez les hommes, 1.9 chez les femmes

11

D. Capacités d’adaptation de l’organisme importantes Besoin minimum = ? •

On peut survivre 2 mois avec apport hydrominéral … 8 mois si obésité massive



Occident: problème de pléthore plus que déficit

Variabilité +++ de l’AP •

Pas d’apports conseillés pour une population

En situation stable, apports énergétiques = DET •

Chez l’obèse….

Dépense énergétique de repos Composition corporelle (kg) 8

8

7

7

6

6

M.

5

5

re

4

4

p

30

3

os

2

2 1

1

0

0

2

4

Masse grasse

6

8

10

12

14

Masse corporelle (kg)

Masse maigre Métabolisme de repos

Forbes GB, 1987 N=164 femmes Taille 156-170 cm

• DE minimale vitale = 1.3 *DER Homme de 130 kg, 1,80m, 25 ans •

3100 kcal si couché, 3800 kcal si NAP moyen

E. Besoins énergétiques spécifiques Enfant et adolescent •

Croissance



Ó séculaire de AP



Challenge : maintenir les apports en nutriments essentiels sans excès d’énergie

Personnes âgées •

Ó masse musculaire



Ó AP

12

4. Besoins Hydriques Indispensables Mort rapide en absence d’eau •

Eau = 60% poids corps

35 à 45 g/ kg poids /jour •

Boissons (1 l), aliments (1 l), oxydation aliments (0.3 l)

Ï avec chaleur et travail musculaire intense Souvent insuffisants chez le sujet âgé

5 Les Macronutriments A Les protéines Synthèse des constituants protéiques Renouvellement des cellules et compensation des pertes 0.8 g/kg/j en partie sous forme de protéines de haute qualité (œuf, viande, poisson) •

11-15% des AET (apports énergétiques totaux)



….avec la marge de sécurité des ANC

8 acides aminés indispensables Apports dans la population Française •

14-18% des AET soit 1.3 à 1.6 g/kg/j



Effets délétères d’apports élevés mal établis

Deux types de protéines •





Animales (viandes œufs charcuterie) et poissons o

65% des protéines en France

o

Bonne qualité mais riches en lipides pour les protéines animales

Végétales o

Peu de lipides mais moindre digestibilité

o

Déficit en aa essentiels : Céréales en lysine, légumineuses en aa souffrés

o

Peu de vitamine B12

Idéalement 50%/50%

13

B Les glucides et les lipides Principales sources d’énergie Pas de recommandation minimale Notion d’équilibre en macronutriments •

Risque associé à l’excès de certains nutriments



Aliments riches en glucides n’apportent pas que des glucides



50-55 % de glucides, 30-35 % de lipides

Apports dans la population Française •

Glucides 39-41% AET



Lipides 38-40 % AET

Hétérogénéité des glucides •



Glucides complexes, non raffinés o

Céréales, légumes secs

o

Sources d’amidon, de micro-nutriments, de fibres, de protéines

Sucres simples (mono-, disaccharides) o



Moins de 10% AET mais deux types de sources ƒ

Fruits et laitages (minéraux, fibres,…)

ƒ

Junk-food (lipides), boissons sucrées (calories vides)

Fibres o

ANC 20-30 g/j (céréales, fruits, légumes)

Notion de densité nutritionnelle et énergétique

14

Hétérogénéité des lipides •





Saturés o

Ò risque de pathologies CV et cancers

o

Moins de 8% AET

o

Lipides de constitution: viande, laitages

o

Huile de coco et de palme (végétaline)

Monoinsaturés o

Peu athérogènes

o

20% des AET

o

Lipides de constitution: volailles, poisson

o

Huile d’olive et de colza

AG polyinsaturés o

o

o

AGPI 18 carbones non synthétisables ƒ

AG18:2 n-6 linoléique 4% AET (h.tournesol)

ƒ

AG18:3 n-3 linolénique 0.8% AET (h.soja colza noix)

Précurseurs d’AGPI ‘indispensables’ sous condition ƒ

EPA et DHA (n-3): (poisson, animaux marins)

ƒ

Interaction avec athérogenèse, thrombose, troubles du rythme

ƒ

A.arachidonique (n-6): (viande, œuf)

Rapport n-6/n-3 ne devrait pas dépasser 5 ƒ





Compétition

Trans-saturés o

Isomère trans des AG insaturés

o

Athérogènes

o

Procédés de fabrication (hydrogénation) de certaines margarines ou huile

o

Chauffage à haute température

Cholestérol o

Moins de 300 mg/j

o

Œuf, abats, cervelle

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6 Besoins en micronutriments A. minéraux •

Macro-éléments: besoins proche du gramme o



Oligoéléments: besoins <100 μg o





Na, Cl, K, Ca, P, Mg Fe, Zn, Cu, ….

Contenu de l’organisme o

1100 g Ca, 700 g P

o

25 g Mg, 4 g Fe

o

2 à 3 g Zn et une vingtaine d’autres minéraux

Calcium n’est qu’en partie absorbé: 30 à 60% o

>1000 mg chez l’adolescent

o

800 mg chez adulte

o

>1200 mg chez la femme allaitant ou ménopausée

o

Laitages: écrémés autant que entiers

o

Eaux minérales, légumes secs



Phosphore: peu de carences



Magnésium: 30 à 40% absorbés



o

350 mg (pas toujours atteints chez la femme)

o

Céréales non raffinées, fruits secs, oléagineux, chocolat

o

Absorption 10 à 15%

Fer ƒ

Fer héminique (viande, poisson) mieux que non héminique (épinards, légumes secs, céréales)

ƒ

Ò par la Vit C et les protéines

ƒ

Ó par les phytates et le thé

o

Besoins accrus chez la femme (hémorragies menstruelles et grossesses)

o

Homme: 10 mg/j; femme: 15-20 mg/j

16

B Vitamines •

Vitamines hydrosolubles o

o

Vitamine C: 60-80mg/j ƒ

Agrumes et légumes à chair jaune

ƒ

Besoins augmentés par le tabac, le café...

Vitamines groupe B ƒ

Pyridoxine (B6): 2mg/j

ƒ

Acide folique (B9) 400ug/j •

ƒ



Fruits et légumes verts, produits d’origine animale

Cobalamine (B12): 1 à 2 ug/j •

Produits d’origine animale



Besoins accrus par la consommation d’alcool

Vitamines liposolubles : A, D, E, K o

o

Vitamine A (Rétinol) ƒ

Foie des poissons marin , beurre, jaune œuf

ƒ

Carotène = provitamine A (fruits et légumes à chair jaune, salade, épinards)

Vitamine D 10 ug/j ƒ

Métabolisme calcique

ƒ

Synthèse endogène et alimentaire: apports faible dans zones peu ensoleillées

o

o

Vitamine E ƒ

10 mg/j

ƒ

Antioxydant

ƒ

Huiles végétales mais aussi poissons, produits laitiers, légumes verts

Vitamine K ƒ

1mg/j

C. Apports en vitamines et minéraux des Français Minéraux: peu de carences sauf •

Pour le fer



Femmes jeunes, enceintes, mères de jeunes enfants



Chez le sujet âgé (institutions)

Vitamines •

Peu de forme historique



Déficiences infracliniques



Effets mal connus: maladies CV, cancers, RCIU



Carences chez la femme enceinte et les enfants?

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7. Les classes alimentaires Diversifier, varier : 8 classes •

Viande Œufs Poissons



Lait et Produits Laitiers



Matières Grasses



Légumes frais et fruits



Céréales



Produits sucrés



Boisson (eau)



Activité Physique

Groupe 1 Viande Œufs Poissons Protéines de haute valeur biologique Attention: hétérogénéité lipidique •

Quantitative (2 à 30%)



Qualitative



o

Saturés pour les viandes sauf les volailles (MI)

o

Poissons moins riches en lipides (PI n-3)

Œufs riches en cholestérol

Fer héminique, vitamines •

Vitamine B et PP pour les viandes



Iode, vitamines B, A et D pour les poissons

Conseils: Ó les viandes et Ò les poissons

Groupe 2 Lait et Produits Laitiers Protéines de haute valeur biologique •

35 g/l lait: 500 ml =100 g viande

Calcium: 1200 mg/l lait Vitamine A, D et E Attention ! •

Absence de fer



Apports en AG variables (surtout saturés)



Évolution de l’offre o

1 yaourt = 50 kcal à 150 kcal

o

Boissons sucrées contenant du lait

18

Groupe 3 Matières Grasses Graisses visibles •

Saturés: beurre, crème



MI: olive, colza



PI: maïs, soja, tournesol, pépin raisin, noix

Vitamines liposolubles et AG essentiels •

D, E dans les huiles, A dans le beurre



αlinolénique (n-3): colza et Ac linoleique (n-6)

Attention ! •

Énergétiques et denses en énergie (9kcal/g)

Groupe 4 Légumes frais et fruits Glucides •

1 à 6% pour les légumes, 10 à 20% pour les fruits

Pas de lipides ni de protéines Fibres •

Faible densité énergétique

Sels minéraux, Vitamines (C, carotène, acide folique) et Anti-oxydants

Groupe 5 Céréales Glucides complexes (70 à 80%) Protéines (8% pour riz, 12% pour blé) Peu de lipides Fibres (céréales non raffinées) Vitamines B Magnésium

Groupe 6 Produits sucrés Sucre dits rapides…. souvent associés à des lipides Boissons sucrées

Groupe 7 Boissons Seule l’eau est indispensable Autres boissons amènent de 450 kcal/l (jus orange, coca, limonade) à 750 kcal/l (jus de raisin) Vin = 670 kcal/l

Groupe 8 Activité Physique La sédentarité =facteur de risque CV aussi important que le tabac, l’HTA, le cholestérol Chez l’adulte au moins 30 minutes d’AP modérée tous les jours (marche rapide) Chez l’enfant 60 minutes d’activité modérée ou intense par jour

19

20

21

Cours magistral 3 Question 110 Alimentation et santé : l’exemple du cancer.

Alimentation et cancer 22

Alimentation et cancer

Points à comprendre Le poids des cancers de par le monde, tant du point de vue de la souffrance humaine que du point de vue de l’économie de la santé, est énorme. En France, il est la première cause de mortalité pour les femmes avant 65 ans, ainsi que la deuxième cause pour les hommes (tous âges) et pour les femmes de plus de 65 ans. La part de l’hérédité des gènes de cancer est faible dans la cancérogénèse humaine, c’est dire l’importance des facteurs environnementaux, c’est dire aussi que les cancers peuvent être prévenus. Parmi les facteurs environnementaux, l’alimentation joue un rôle majeur, même si ce rôle n’est pas aussi facile à mettre en évidence que celui d’autres carcinogènes environnementaux comme le tabac ou les radiations ionisantes. On a estimé à 30 % la part de l’alimentation dans la genèse des cancers, mais avec une large marge d’incertitude (10 à 60 %). En effet, l’alimentation apporte à l’organisme une multitude de nutriments et autres micro-constituants qui auront des effets divers, certains un effet inducteur et/ou promoteur de cancérogenèse, d’autres un effet protecteur. Enfin, le rôle de l’alimentation ne peut se comprendre sans connaître l’histoire naturelle du cancer, son processus multi-étapes : initiation, promotion, progression et métastases. Le contenu de ce chapitre est basé sur des données épidémiologiques humaines, ce qui nous a paru le plus pertinent en relation avec son intitulé, et n’a pas pris en compte la multitude d’expérimentations animales ou in vitro, conduites le plus souvent en dehors des conditions de la physio-pathologie humaine.

A savoir absolument Genèse de la relation alimentation/cancer L’histoire de la relation alimentation et cancer remonte dans le temps jusqu’à la dynastie Song en Chine (9601279 après J.-C.), où le constat de la relation causale entre Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001

nutrition déficiente et cancer de l’œsophage était déjà avancé. Plus proche de nous, les études épidémiologiques décrivant d’une part les incidences des cancers, d’autre part la consommation de divers aliments, ont suggéré que dans certains pays (par exemple, les pays méditerranéens) consommant plus de certains aliments (par exemple, légumes ou céréales) et moins d’autres (par exemple, les produits laitiers) montraient des incidences de cancers plus faibles (fig. 1 et 2). D’autres études, dites écologiques, qui comparent la consommation alimentaire et la mortalité par cancers de différentes régions ou pays, ou prenant en compte l’effet des migrations, ont renforcé l’hypothèse de la relation alimentation/cancer. Pourtant, il faudra d’autres études épidémiologiques, dites analytiques (car elles apportent des éléments permettant d’établir une relation de cause à effet entre aliments et risque de cancers), études cas-témoins ou mieux prospectives, pour pouvoir préciser l’effet de certains aliments sur le risque de certains cancers.

Histoire naturelle du cancer Pour comprendre les résultats de l’épidémiologie analytique, il faut comprendre comment les facteurs alimentaires peuvent jouer un rôle dans la cancérogenèse, et pour cela la connaissance du processus multiétapes du cancer est nécessaire. 1) L’initiation de la cancérogenèse correspond à une mutation d’un gène cellulaire induite par un carcinogène environnemental, ou endogène comme le stress oxydatif d’origine inflammatoire. Il est fréquent que le carcinogène chimique soit un procarcinogène et nécessite l’activation des enzymes de phase I pour devenir un carcinogène à part entière. L’ADN muté peut s’évader du processus cancérigène grâce aux enzymes de réparation de l’ADN, aux défenses antioxydantes, quand le stress oxydatif est impliqué, aux enzymes de phase II capables de détoxifier les carcinogènes. L’alimentation peut jouer un rôle à différents niveaux de cette première phase : elle peut être un facteur protecteur, elle peut interagir avec les enzymes de phase I et II en les inhibant (enzymes de phase I) ou en les stimulant 2S41

Alimentation et cancer (enzymes de phase II). Plus rarement, semble-t-il dans l’état actuel des connaissances, elle peut être cancérigène, soit par transformation de certains de ses constituants en produits mutagènes, soit par contamination avec un xénobiotique. 2) L’étape suivante est la promotion, c’est-à-dire la dérégulation de gènes cellulaires favorisant la prolifération. Cette étape comporte la mise en place de la signalisation cellulaire pour la synthèse des facteurs de croissance, l’utilisation d’hormones se comportant comme des facteurs de croissance au travers de récepteurs spécifiques. Un événement génétique ou épigénétique sera nécessaire pour que cette prolifération, qui peut être contenue (tumeur bénigne, dysplasie), devienne incontrôlée et passe au stade de néoplasie. L’alimentation peut éventuellement jouer un rôle protecteur en inhibant la signalisation intra-cellulaire par les antioxydants, mais elle peut aussi favoriser la synthèse des facteurs de croissance ; elle aura alors un rôle défavorable. 3) Au stade de néoplasie, la croissance tumorale sera encore favorisée par les facteurs de croissance ; cette croissance peut être aussi négativement régulée par certains acides gras, qui entraîne la mort cellulaire, très probablement par apoptose. Mais de fortes doses d’antioxydants vont s’opposer à cette mort programmée de cellules comportant des aberrations génétiques. Ainsi, l’alimentation peut avoir des rôles opposés suivant les nutriments apportés et suivant l’étape considérée de l’histoire naturelle du cancer.

Alimentation et initiation des cancers Appartiennent à ce paragraphe, les cancers pour lesquels on peut suspecter en premier lieu un carcinogène de l’environnement agissant directement sur l’épithélium pour le transformer.

Cancers liés au tabac et à l’alcool Il s’agit des cancers des voies aéro-digestives supérieures (oro-pharynx, larynx, œsophage) et du cancer du poumon. Le tabac est la cause majeure des deux premiers, éventuellement aggravé par l’alcool. Il en est de même pour le cancer du poumon. Au contraire, l’alcool est le premier facteur de risque pour le cancer de l’œsophage, éventuellement aggravé par le tabac, dans les pays occidentaux ; dans certains pays en voie de développement, carence et malnutrition sont également des facteurs de risque. Il est admis que l’effet protecteur des fruits et légumes est convaincant pour ces cancers, les livres de référence (voir CNERNA, Alimentation et cancer) et les études récentes renforcent cette conclusion (tableau I). Les facteurs de risque du cancer de la vessie sont en premier lieu, tabagisme, mais aussi l’exposition professionnelle (amines aromatiques et hydrocarbures polycycliques). Dans les régions tropicales et subtropicales, la bilharziose est également en cause. L’effet protecteur des fruits et légumes est qualifié de probable dans les livres de référence et les études récentes renforcent cette conclusion (tableau I). L’alcool augmente le risque de cancers du foie (survenue du cancer sur foie cirrhotique), mais d’autres facteurs de risque sont à prendre en compte, tels les virus des hépatites B et C et la contamination par l’aflatoxine, liée à l’ali2S42

23

mentation (contamination des arachides, notamment). Etant donné son incidence relativement faible, peu d’études ont été conduites qui suggèrent seulement qu’une forte consommation de légumes peut diminuer le risque de cancer du foie.

Cancer de l’estomac C’est le deuxième cancer le plus fréquent dans le monde, mais surtout dans les pays défavorisés, où l’infection par Helicobacter pylori joue un rôle majeur à côté de l’utilisation de saumure pour conserver les aliments. En Europe, son incidence continue à décroître doucement. La principale raison en est l’évolution des modes de conservation des aliments où le réfrigérateur et le congélateur ont remplacé fumages, salaisons et conserves. De nombreuses études ont été entreprises et elles s’accordent sur la réduction du risque de cancer de l’estomac par la consommation de fruits et légumes, dont l’effet protecteur est qualifié de convaincant (tableau I).

Cancer du col utérin C’est le deuxième cancer le plus commun de la femme, son incidence diminue de par le monde, grâce au dépistage (les formes prénéoplasiques de dysplasies et de cancer in situ sont bien identifiées), à l’amélioration de l’hygiène et aux modifications des pratiques sexuelles. En effet, le risque majeur est la contamination sexuelle par le virus du papillome. Le tabac serait également un facteur de risque. Un nombre limité d’études montrent de façon convergente une diminution du risque liée à la consommation de fruits et légumes dont l’effet protecteur est qualifié de possible.

Mécanismes impliqués dans la protection par les fruits et légumes D’une part, le contenu des fruits et légumes, riches en micro-constituants antioxydants, d’autre part, le mécanisme de la cancérogenèse à l’œuvre dans les cancers que nous venons d’évoquer (carcinogène reconnu comme agissant au début de l’histoire naturelle du cancer) suggèrent fortement que l’effet des fruits et légumes porte sur la réduction du stress oxydatif et, plus généralement, sur la détoxification des carcinogènes xénobiotiques. Les antioxydants de fruits et légumes ont donc fait les premiers, l’objet de recherches intenses et parmi eux les caroténoïdes et la vitamine C, puisque c’était essentiellement les légumes et les fruits jaunes, rouges, oranges (carottes et tomates, notamment) et les légumes verts qui étaient le plus fréquemment retrouvés comme protecteurs pour les cancers des VADS et du poumon, et plutôt les légumes verts et jaunes, rouges, oranges consommés crus, et les agrumes pour le cancer de l’estomac. Cependant, les essais d’intervention utilisant des suppléments contenant ces antioxydants (β-carotène, vitamine E) ont été décevants, puisqu’ils se sont montrés sans effet protecteur ou même parfois ont eu un effet délétère (plus forte incidence de cancer du poumon chez les sujets supplémentés que chez les sujets recevant le placebo). Ces résultats indiquent que la supplémentation par une pilule contenant un nutriment ne peut remplacer un apport d’aliments où différents nutriments et constituants peuvent jouer un rôle éventuellement de façon synergique. Ils montrent également que des doses très supérieures aux doses nutritionnelles comportent des risques d’aggravation du processus cancéreux. Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001

Alimentation et cancer 24 Tableau I Etudes épidémiologiques portant sur la relation fruits et cancers Cancer sites

Authors and year

Country Design

OR (CI)

Trend

Mouth and pharynx

Franceschi et al., 1999

Italy cases: 598, controls: 1,491

raw vegetables: H (> 31.1 g/day) vs L (8): 0.29 (0.15-0.56) cooked: H (> 4.5/week) vs L (1.5/week): 0.5 (0.3-0.7)

< 0.01

Œsophagus

Bosetti et al., 2000

Italy and Switzerland female cases: 195 female control: 1,113

green vegetables H (frequency) vs L: 0.25 (0.15-0.44) fresh fruits H (frequency) vs L: 0.58 (0.37-0.89)

Levi et al., 2000

Switzerland cases: 101, controls: 327

raw and cook vegetables: H (9.5/week) vs L (< 5.5): 0.14 (0.1-0.4) fruits (other than citrus) H (11.3/week) vs L (< 5.2): 0.20 (0.1-0.4)

< 0.01 < 0.0001 0.02 < 0.001 citrus OR= other fruits but with 5 times less quantity < 0.001

Larynx

De Stefani et al., 2000

Uruguay cases: 148, controls: 444

H (302.7/day) vs L (143.0): 0.30 (0.15-0.59)

Stomach

Ji et al., 1998

China cases: 1,124, controls: 1,451

H (≥ 9 servings/day) vs L (≤ 5): 0.4 (0.3-0.5)

Ekström et al., 1998

Sweden cases: 567, controls: 1,165

H (> 2/day) vs L (5/week) 0.5 (0.3-1.1) cardia 0.7 (0.5-1.0) non cardia

Galanis et al., 1998

Hawai Japanese Cohort: 108/11,907

H (< 1/day) vs L (≥ 2/day) 0.4 (0.2-0.8)

Terry et al., 1998

Sweden Cohort: 116/11,500

L vs H: 5.5 (1.7-18.3)

Botterweck et al., 1998

Netherlands 310/3,500 (subcohort)

H (374 g/day) vs L (250 g/day) 0.72 (0.48-1.10)

Agudo et al., 1997

Spain cases: 103, controls: 206

H vs L (not defined) 0.45 (0.22-0.91)

Nyberg et al., 1998

Sweden cases: 124, controls: 235

fruits except agrumes H (daily) vs L (2-4/week) 0.49 (0.25-0.94)

0.03

De Stefani et al., 1999

Uruguay cases: 541, controls: 540

total vegetables: H (> 2/day) vs L (< 1/day) 0.48 (0.34-0.66) total fruits: H (> 8/week) vs L (< 4/week) 0.52 (0.37-0.73)

< 0.001

Lung

Bladder

Remarks

< 0.001 cooked vegetables: 0.96 (0.50-1.84) < 0.0001 after subgroups, only yellowgreen vegetables: 0.5 (0.4-0.7), T: 0.0001 0.05 0.02 0.02

better in men than in women

< 0.05 wide CI tertiles defined as high, moderate, small, none 0.14

0.49 (0.20-1.18) on first year cases and precancer disorders vegetables, only, little variation in intake

0.026 women, tomatoes expressed in consumption frequency, tomatoes: 0.79 (0.43-1.46), trend: 0.4

< 0.001

Brennan et al., 2000

multicentric European cases: 256, controls: 599

fresh vegetables: H (daily) vs L (1/week) 0.5 (0.3-0.7) adenocarcinoma

Ocké et al., 1997

Netherlands Cohort: 19 years; 54/561

fruit: L (< 107 g/day) vs H (> 166 g/day) 1.92 (1.04-3.55)

0.03

men stability of consumption of fruit: 2.52 (1.15-5.57) vegetables: NS

Knekt et al., 1999

Finland Cohort: 25 years; 138/4,545

H vs L (not defined) 0.60 (0.38-0.965)

0.02

fruit: 0.58 (0.37-0.93), p: 0.013, root vegetables: 0.56 (0.36-0.88), p: 0.03

Voorips et al., 2000

Netherlands 6.3 years; 1,010/2,953 (subcohort)

H (554 g/day) vs L (191 g/day) 0.7 (0.5-1.0)

Michaud et al., 1999

USA Cohort: 10 years; 252/47,909

H (> 8 servings/day) vs L (< 3.5) 0.72 (0.47-1.09)

0.09

cruciferous: 0.49 (0.32-0.75) trend: 0.008

Nagano et al., 2000

Japan Cohort: 20 years; 114/38,540

H (> 5/week) vs L (1) 0.54 (0.39-0.94)

0.02

green-yellow vegetables

Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001

< 0.05 in non smokers, OR for squamous cell and small cell carcinomas NS fruit: NS

< 0.0001 mainly due to vegetables

2S43

Alimentation et cancer Par ailleurs, ces antioxydants ne résument pas à eux seuls les micro-constituants des fruits et légumes. Il faut y ajouter en particulier les différents composés phénoliques, (les flavonols des pommes et des oignons, les catechines du raisin, les anthocyanes des fruits rouges, etc.) qui ont des effets antioxydants, mais aussi interfèrent avec les enzymes de phase I et II, et celles impliquées dans la prolifération cellulaire.

Autres cancers Pour les autres cancers, tels le cancer du sein, du pancréas ou du côlon, le ou les facteurs responsables de l’initiation sont moins clairement désignés et l’effet fruits/légumes n’est pas retrouvé avec autant de régularité et de force. On a cité l’effet mutagène de la consommation d’amines hétérocycliques, donc lié à la consommation de viande, comme facteur de risque des cancers du sein et du côlon. La consommation importante de charcuterie et autres fumaisons ou salaisons est également associée au risque de cancer du côlon. De même, la formation de sels biliaires secondaires dans la lumière colique serait un risque pour le cancer du côlon ; dans ce dernier cas, le calcium est présenté comme protecteur par la précipitation des sels biliaires, mais un autre mécanisme est invoqué : le calcium diminuerait la perméabilité aux carcinogènes. En effet, plusieurs études d’intervention montrent que la supplémentation en calcium diminue le risque de récidive d’adénomes coliques, dont on sait qu’ils peuvent évoluer vers le stade de tumeur maligne.

Alimentation et promotion Dans ce paragraphe, nous allons considérer la relation entre apports alimentaires et facteurs de croissance des tumeurs. Cette relation est expliquée en grande partie par l’excès calorique, le surpoids ou l’obésité, qui apparaîtront comme des facteurs de risque majeurs pour certains cancers. Certains de ces cancers sont assez rares et moins bien étudiés, d’autres plus fréquents : le cancer du côlon et les cancers hormono-dépendants de l’homme (prostate) et de la femme (sein, endomètre, ovaire) sont le plus souvent associés à un type d’obésité bien caractérisé, l’obésité abdominale/viscérale, mesurée par le rapport hanches-taille ou le tour de taille.

Cancers de l’œsophage, du pancréas, des voies biliaires, du rein et de la thyroïde Pour ces cancers, les résultats sont limités, mais suggèrent l’obésité, mesurée par l’index de masse corporelle, comme facteur de risque probable pour les cancers du rein et de l’œsophage, et l’apport calorique excessif, notamment de lipides, comme facteur de risque possible pour les cancers de la thyroïde, du pancréas et des voies biliaires. Il est difficile pour ceux-ci de proposer un mécanisme ou une explication physio-pathologique, sauf dans le cas du cancer de l’œsophage où il est admis que l’obésité entraîne un reflux gastrique qui augmente le risque de cancer (dans ce cas, cet effet est à rapprocher d’un effet sur l’initiation du cancer).

Cancer colo-rectal Quatrième cause de cancer dans le monde, il est dans son ensemble un peu plus fréquent chez l’homme que chez la femme, mais la localisation au niveau du côlon droit est plus fréquente chez la femme, que chez l’homme et apparaît différente en terme de facteurs de risque ; le cancer du côlon 2S44

25

gauche étant plus clairement associé à l’apport alimentaire. On a noté une certaine divergence dans les résultats sur la relation entre obésité et cancer du côlon, mais les études récentes sont plutôt en faveur d’un lien entre surpoids/obésité et cancer du côlon, permettant de qualifier ce risque de possible ou probable. L’apport calorique a aussi été incriminé, mais ce qui paraît le plus important, c’est la rupture de l’équilibre énergétique, donc l’insuffisance de dépense énergétique par rapport à la consommation calorique, d’où l’importance de l’activité physique dans la prévention.

Cancers hormono-dépendants Le cancer du sein est la première cause de mortalité chez la femme avant 65 ans. Si la mortalité a fortement régressé, l’incidence est stagnante ou en légère augmentation dans les pays occidentaux, mais augmente plus sérieusement dans les pays émergeants et au Japon, qui voient leur alimentation et mode de vie s’occidentaliser. Les facteurs de risque les mieux décrits sont ceux liés à l’imprégnation œstrogénique (âge aux premières règles, à la première grossesse et à la ménopause, nombre d’enfants) ; il en va de même pour le cancer de l’endomètre, lui aussi plus fréquent dans les pays développés. On note une légère augmentation de l’incidence des cancers de l’ovaire dans les pays occidentaux, sans que l’on puisse suggérer un facteur environnemental particulier. L’incidence du cancer de la prostate est en augmentation, en partie à cause de sa plus facile et précoce détection, elle est la plus élevée dans les pays occidentaux, elle l’est particulièrement pour les Africains-Américains, alors qu’elle est faible chez les Africains, ce qui suggère bien l’importance d’un facteur environnemental.

Mécanismes associant obésité et facteurs de croissance des cancers Dans les cancers pour lesquels l’obésité viscérale est un facteur de risque (cancer colo-rectal, du sein, de l’endomètre, de la prostate), le syndrome d’insulino-résistance apparaît comme le mécanisme privilégié, entrant dans le cadre de la promotion des cancers. L’obésité abdominale ou viscérale (ou encore androïde ou en pomme) est un des éléments du syndrome d’insulino-résistance, qui se caractérise par ailleurs par une hyperinsulinémie, une insulinorésistance, une altération des paramètres lipidiques et des hormones stéroïdiennes avec une augmentation de la testostérone et, dans une moindre mesure, des œstrogènes, une diminution de la sex hormone binding globuline (SHBG) qui entraîne une augmentation de l’activité des hormones sexuelles et une altération de la régulation de l’IGF-I, avec notamment diminution de sa protéine liante (IGFBP-3) résultant en une augmentation des taux d’IGF-I. On pense actuellement que ces taux élevés d’IGF1 résument le rôle du syndrome d’insulino-résistance dans la promotion des cancers et que l’effet de l’altération des hormones stéroïdiennes dans le syndrome d’insulino-résistance passe par la stimulation de l’IGF-I. IGF-I est un puissant mitogène, également capable de bloquer l’apoptose. La réalité de ce syndrome comme facteur de risque a été attestée par la mise en évidence d’une association entre risque de cancers et taux circulants d’IGF-I, spécifiquement pour le cancer du côlon, du sein et de la prostate. Il est aussi suspecté dans le cancer de l’endomètre. Cependant, toute réserve du tissu adipeux (abdominale ou non) peut être le lieu de synthèse endogène des œstrogènes, grâce à la présence d’aromatase, les œstroCah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001

Alimentation et cancer 26 gènes étant facteurs de croissance pour les cancers du sein et de l’endomètre.

Aliments et facteurs de croissance Aliments qui favorisent le développement de l’obésité, la synthèse et la circulation d’IGF-I et d’œstrogènes Un apport protéique trop important, notamment dans l’enfance et l’adolescence, induit une augmentation de la synthèse d’hormone de croissance (GH) qui, à son tour, stimule la synthèse hépatique d’IGF-1. De la même façon, l’apport exogène de GH induira des taux élevés de IGF-1 dans la circulation. Un apport élevé de lipides et glucides est à considérer en relation avec la constitution de l’obésité, puisque l’on a montré que l’excès calorique était directement lié au taux d’IGF-1 d’une part, et que d’autre part l’obésité favorisait la synthèse endogène d’œstrogènes. Les lipides sont les nutriments les plus riches en calories par unité de poids et, de ce fait, sont majoritairement impliqués dans le développement de l’obésité par les nutritionnistes, bien que leur rôle soit contesté par certains épidémiologistes. Ils sont aussi les derniers macronutriments à être oxydés lors de la dépense énergétique et auront ainsi tendance à s’accumuler. On a ainsi évoqué le risque de certains cancers, côlon notamment, associé à la consommation des viandes riches en graisses saturées (par substitution, remplacer la consommation de viande par celle de poisson pourrait réduire ce risque). Bien que les glucides et les réserves en glycogène représentent la première ligne d’oxydation lors de dépenses énergétiques, en présence d’un déséquilibre énergétique lié à un excès d’apport, une lipogenèse s’installera avec risque de surpoids ou d’obésité. L’index glycémique des aliments peut être un indicateur précieux de leur capacité à générer l’obésité. Bien qu’il ne soit pas considéré comme un aliment, l’alcool est un facteur lié à l’alimentation dont nous avons parlé comme cancérigène, impliqué dans l’initiation du processus cancéreux. Même si l’effet de l’ingestion d’alcool sur le taux d’IGF-1 semble dépendre du niveau d’alcoolisation, l’alcool doit être considéré dans le cadre de la promotion, par son apport calorique d’une part (la consommation d’alcool est associée à la constitution d’une obésité abdominale), mais aussi parce que sa consommation est un facteur de risque pour le cancer du sein que l’on a expliqué par la présence augmentée du taux d’œstrogènes chez les femmes consommant même des quantités modérées d’alcool. On a montré qu’une consommation élevée de folates (présents dans de nombreux fruits et légumes, mais aussi dans certains produits animaux comme le foie) interférait avec le risque de cancer du sein associé à la consommation d’alcool.

Aliments qui réduisent le risque de développement de l’obésité et la synthèse et la circulation d’IGF-I et d’œstrogènes Plusieurs rapports montrent que la consommation d’une grande variété de légumes et de fibres sont négativement corrélés à la masse graisseuse, que les fibres s’opposent également au développement du syndrome d’insulino-résistance, donc à la constitution d’obésité. Ceci peut expliquer l’effet protecteur qualifié de possible des fibres alimentaires dans les cancers du sein et du côlon. Mais les fibres pourraient avoir un autre effet sur le développement du cancer du sein. On a montré que les Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001

femmes végétariennes excrétaient dans les selles plus d’œstrogènes que les femmes omnivores, leur flore colique en effet comporte des bactéries dépourvues de β-glycuronidase, et les œstrogènes qui sont excrétés sous forme glycuro-conjuguée par les voies biliaires dans le côlon seront éliminés. Au contraire, la flore colique des femmes omnivores contient des bactéries capables de déconjuguer les œstrogènes qui rejoignent ainsi la circulation sanguine avant d’être éliminés dans les urines. Les céréales complètes et les légumineuses, outre leur richesse en fibres, vont apporter des phyto-œstrogènes. Ces micro-constituants (isoflavones et lignanes) présents respectivement dans le soja et les légumineuses, pour les premiers, et dans les graines de lin et de sésame, ainsi que dans les légumes et fruits riches en caroténoïdes et dans les crucifères, pour les seconds. Or, les femmes asiatiques, qui ont un apport élevé d’isoflavones, présentent un taux d’incidence de cancer du sein plus faible que celui des femmes occidentales, et certaines études suggèrent qu’une forte consommation de soja et de produits dérivés diminue le risque de cancer du sein. Les phyto-œstrogènes seraient capables de se comporter comme des modulateurs sélectifs des récepteurs à œstrogènes, donc de bloquer l’effet agoniste des œstrogènes sur les cellules mammaires transformées. Cependant, les phyto-œstrogènes possèdent d’autres propriétés, comparables à celles des autres composés phénoliques qui peuvent expliquer un éventuel effet anti-cancérigène.

Points essentiels à retenir 1. La relation alimentation-cancer est une relation complexe, d’une part, parce que le cancer est une maladie multifactorielle qui se déroule en plusieurs étapes, d’autre part, parce que l’alimentation est un phénomène complexe mettant en jeu des facteurs de comportement et de culture, et aussi parce que l’aliment lui-même est constitué de très nombreux microconstituants, chacun pouvant avoir un rôle à jouer, isolément ou en synergie. D’où la difficulté à obtenir des résultats facilement interprétables. 2. On peut cependant dire que les fruits et légumes protègent de façon convaincante contre les cancers des voies aéro-digestives supérieures et de l’estomac. On peut également dire, pour le cancer du poumon, qu’ils interfèrent avec le tabac pour diminuer en partie le très fort risque attaché au tabagisme. Les anti-oxydants des fruits et légumes expliqueraient en grande partie leur action, associés à d’autres micro-constituants, tels les composés phénoliques et les folates. 3. Les légumes (plus que les fruits, car ici ce sont surtout les fibres qui expliqueraient le mécanisme) auraient aussi un rôle dans les cancers qui sont associés à l’obésité en diminuant l’apport énergétique de l’alimentation. Ainsi, un régime riche en légumes sera généralement moins riche en lipides ou en calories “vides” : céréales raffinées pratiquement dépourvues de fibres et autres micro-constituants, où ne reste que l’amidon. En effet, ces autres micro-constituants, fibres, vitamines et phyto-œstrogènes ont chacun des potentialités anti-carcinogéniques. 4. Enfin, même si les modifications de risque des cancers liés à l’alimentation sont relativement faibles, étant donné que tout un chacun s’alimente, une prévention des cancers basée sur l’alimentation reste un objectif extrêmement important. 2S45

Alimentation et cancer

Pour approfondir Histoire naturelle du cancer L’initiation de la cancérogenèse correspond à une mutation d’un gène cellulaire induite par un carcinogène environnemental responsable d’une agression de type physique comme les radiations ionisantes, de type chimique, comme le tabac, ou d’origine endogène comme le stress oxydatif, lié à une inflammation chronique (cas de l’amiante). Il est fréquent que le carcinogène chimique soit un procarcinogène et nécessite l’activation des enzymes de phase I (cytochromes) pour devenir un carcinogène à part entière. Ainsi muté, l’ADN peut sortir du processus cancérigène grâce aux enzymes de réparation de l’ADN, aux défenses antioxydantes, quand le stress oxydatif est impliqué, aux enzymes de phase II (glutathion transférases) capables de détoxifier les carcinogènes. Ces enzymes sont caractérisées par un polymorphisme génétique qui entraîne des différences de susceptibilité aux facteurs environnementaux, de telle sorte que les sujets présentant un allèle mutant entraînant une hyperactivité enzymatique des cytochromes, ou au contraire une délétion au niveau de enzymes de phase II, seront plus susceptibles aux facteurs environnementaux, et notamment aux risques mutagènes apportés par l’alimentation comme la production d’amines hétérocycliques à partir des protéines de la viande longuement chauffées à haute température ou la présence d’une contamination par un xénobiotique (DDT, PCBs). Certains micro-constituants des fruits et légumes (composés phénoliques, isothiocyanates, glucosinolates) interfèrent avec ces activités modifiant l’effet de la susceptibilité génétique et du facteur environnemental cancérigène. L’étape de promotion comporte la mise en place de la signalisation cellulaire pour la synthèse des facteurs de croissance (le rôle d’espèces actives d’oxygène dans cette fonction suggère ici aussi un rôle pour le stress oxydatif), l’utilisation d’hormones se comportant comme des facteurs de croissance au travers de récepteurs spécifiques. Un événement génétique (perte des gènes répresseurs, par exemple) ou épigénétique (hypo ou hypermethylation de l’ADN) sera nécessaire pour que cette prolifération, qui peut être contenue (tumeur bénigne, dysplasie), devienne incontrôlée et passe au stade de néoplasie. Au stade de néoplasie, la croissance tumorale peut être négativement régulée par certains acides gras (acide α-linolénique notamment, 18:3 n-3), qui entraîne la mort cellulaire, très probablement par apoptose. On rapproche de cette observation le potentiel effet protecteur du poisson gras (bleu) qui serait dû à la proportion d’acides gras fortement poly-insaturés de la série n-3 contenue dans leur chair. Mais de fortes doses d’antioxydants vont s’opposer à cette mort programmée de cellules comportant des aberrations génétiques. On sait en effet que l’action du produit du gène bcl-2 qui inhibe l’apoptose peut être obtenue par l’utilisation d’antioxydants. Lors de la progression tumorale vers les métastases, on trouvera encore l’effet de l’alimentation sur la synthèse des facteurs de croissance, mais aussi des effets particuliers, telle, par exemple, la protection par composés phénoliques contre l’angiogénèse.

Effet des antioxydants On a rapproché très tôt l’effet protecteur des fruits et légumes de celui des antioxydants, caroténoïdes, vitamine C, vitamine E. Ceci est probablement vrai, notamment pour les cancers des voies aéro-digestives supérieures, du poumon et de l’estomac. Il est intéressant de noter que la tomate, qui contient un grand nombre d’antioxydants (vitamines C et E, caroténoïdes, acides phénoliques) plus des folates dont on connaît l’interaction avec le risque cancérigène de l’alcool, a été trouvée régulièrement protectrice dans ces cancers liés au tabac (stress oxydatif) et à l’alcool. Par contre, elle ne semble pas avoir d’effet sur les autres cancers, alors que d’autres légumes, telles les carottes, qui contiennent des lignanes (phyto-œstrogènes), ont été montrées protectrices vis-à-vis du cancer du sein dans plusieurs études. 2S46

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Le rôle de la vitamine C paraît probable dans la protection contre le cancer de l’estomac. Le rôle de la vitamine E est moins clairement démontré, il y aurait peut-être une protection contre le cancer de la prostate. Le cas du β-carotène paraît plus complexe. On a régulièrement montré en effet que les personnes consommant moins de β-carotène ou en ayant des taux faibles dans le plasma présentaient un risque élevé de développement du cancer du poumon. On en a déduit que le β-carotène était hautement protecteur vis-à-vis de ce cancer et on a mis en place trois études d’intervention utilisant des suppléments de β-carotène à forte dose (20 à 30 mg/jour). Dans deux études conduites, l’une en Finlande, l’autre aux USA, les sujets supplémentés ont présenté significativement plus de cancers que les sujets prenant le placebo, dans la troisième, le β-carotène n’a eu aucun effet. Comment expliquer ces résultats contradictoires entre l’épidémiologie et les études expérimentales humaines ? Tout d’abord conclure que parce que le β-carotène plasmatique est bas chez les sujets qui vont développer un cancer indique qu’il est protecteur est probablement une déduction hâtive, car le β-carotène peut être seulement un marqueur d’exposition au carcinogène environnemental, soit qu’il soit consommé lors de l’agression oxydative, soit qu’il soit plus rapidement métabolisé en vitamine A. En effet, certains de ces carcinogènes chimiques activent les cytochromes entrant dans la synthèse de vitamine A à partir des caroténoïdes pro-vitamine A. Le β-carotène peut aussi simplement être le marqueur de la consommation de fruits et légumes contenant d’autres microconstituants qui sont, eux, les composés actifs et ne sont pas repérés, car ils ne sont pas répertoriés dans les tables de composition. Ces deux hypothèses peuvent expliquer l’absence d’effet, mais pas l’augmentation du risque. Pour cela, il faut invoquer l’histoire naturelle du cancer. En effet, dans l’étude finlandaise, les sujets recrutés étaient des gros fumeurs, dans l’étude américaine, soit des gros fumeurs, soit des sujets ayant été professionnellement exposés à l’amiante. Dans les deux cas, on peut penser que le processus de carcinogénèse était initié au niveau de certaines cellules bronchiques. Or, le mécanisme d’action des antioxydants suggère qu’ils jouent un rôle majeur au niveau de l’initiation. Donc, on peut penser que la “fenêtre” d’action du β-carotène était dépassée. Au contraire, au stade de promotion, et en présence du maintien des carcinogènes (les sujets ont continué à fumer) et à forte dose, il peut avoir un effet prooxydant, donc favorisant la synthèse des facteurs de croissance. Au stade de croissance tumorale, à forte dose, il pourrait favoriser cette croissance en la protégeant d’une régulation éventuelle apoptotique, comme cela a été montré pour la vitamine E. Le fait que l’on ne retrouve pas cet effet aggravant dans la troisième étude, qui ne comportait que 10 % de fumeurs parmi les participants, souligne bien l’importance de cet effet “fenêtre” dans la relation alimentation/cancer.

Synthèse et régulation de l’IGF-1 Le syndrome d’insulino-résistance s’accompagne d’une augmentation du taux de l’IGF-1 qui résulte d’une augmentation de la synthèse, mais aussi d’une altération de la régulation avec notamment diminution de sa protéine liante (IGFBP-3) résultant en une augmentation des taux d’IGF-I. Dans le syndrome d’insulino-résistance, les effets de l’IGF-1 sont renforcés par les taux élevés d’insuline qui présente une certaine affinité pour le récepteur de l’IGF-I. Par ailleurs, l’IGFBP-3 serait un médiateur de l’effet suppresseur de la p53, donc sa diminution dans ce syndrome favoriserait aussi la prolifération tumorale. Il faut revenir sur le cancer du sein, car la relation à l’obésité abdominale concerne essentiellement le cancer en post-ménopause. En effet, l’obésité (plutôt du type gynoïde, en poire) diminue le risque de cancer du sein chez la femme jeune, par un mécanisme lié à l’altération du métabolisme hormonal, mais une grande taille augmente le risque. On peut retrouver là une possible association avec l’IGF-I au travers de sa relation à l’hormone de croissance (GH). On sait que l’apport protéique et Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001

Alimentation et cancer 28 calorique stimule la GH endogène, qui à son tour induira une augmentation de synthèse de l’IGF-1. Mais de la même façon, l’apport exogène de GH induira des taux élevés de IGF-1 dans la circulation. Cet apport exogène peut être d’origine thérapeutique ou, comme le suggèrent des auteurs américains pour leur pays, de la contamination du lait de vache par de la GH bovine recombinante qui est injectée aux vaches pour augmenter la production de lait.

Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001

Pour en savoir plus Alimentation et Cancers. Évaluation scientifique. Eds Decloitre, Collet-Ribbing, Riboli, Eds, Tec-Doc Lavoisier, Paris, 1996. Alimentation Méditerranéenne et Santé, Actualités et perspectives. Ed. Agropolis. John Libbey, Paris, 2000.

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TD 1 Question 110 A Besoins nutritionnels et apports alimentaires de l’adulte. Question 179 Prescription d’un régime diététique. Question 111 B Besoins nutritionnels chez le sportif

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dossier enseignement dossier enseignement

LES CATÉGORIES D’ALIMENTS A. DESALME1, D. QUILLIOT1, 2, O. ZIEGLER2

Apprendre à connaître les aliments est une nécessité pour quiconque s’intéresse quelque peu à la nutrition. Des nutriments aux aliments, l’apprentissage est parfois ingrat… Le but de cette revue est de présenter le plus simplement possible les données essentielles. Les points qu’il faut « absolument retenir » apparaissent sous forme d’encadrés. Le problème de la conservation des aliments est abordé dans la rubrique finale : « pour en savoir plus ».

Il est classique de regrouper dans une même « catégorie » les aliments qui présentent une parenté biochimique, une composition en nutriments voisine ou des modalités de production semblables. Nous envisagerons donc 7 catégories d’aliments : • viandes – poissons – œufs, • produits laitiers, • matières grasses, • légumes et fruits, • céréales et dérivés – légumineuses, • sucres et produits sucrés, • boissons.

Viandes – poissons – œufs Apports nutritionnels caractérisant les aliments de ce groupe : • Protéines • Minéraux : fer (viande, jaune d’œuf), iode (poisson) • Vitamines : groupe B ; A (foie et jaune d’œuf) • Pas de calcium et pratiquement pas de vitamine C • Apports potentiels en lipides • Apport en cholestérol Les viandes Apports en protéines Les viandes renferment en moyenne 20 % de protéines. Ces protéines sont composées essentiellement de myo1. Laboratoire de nutrition et maladies métaboliques, faculté de Médecine de Nancy, université Henri Poincaré-Nancy I, Bâtiment RB, 1er étage, 9, avenue de la forêt de Haye, BP 184, 54 500 Vandoeuvre Les Nancy. 2. Service de diabétologie, maladies métaboliques, maladies de la nutrition, CHU de Nancy, hôpital Jeanne d’Arc, BP 303, F54201 Toul Cedex. Correspondance : O. Ziegler, à l’adresse ci-dessus. E-mail : [email protected] Cah. Nutr. Diét., 39, 3, 2004

sine, myoalbumine et de collagène. Il s’agit, pour la myosine et la myoalbumine, de protéines d’excellente qualité comportant tous les acides aminés indispensables ce qui confère aux viandes un très bon coefficient d’efficacité protidique. Les morceaux de 2e et 3e catégorie1 sont plus riches en tissus conjonctifs (élastine et collagène surtout). Le collagène, pauvre en tryptophane et en acides aminés soufrés, diminue la valeur biologique des viandes qui en sont riches. Il en est de même pour l’élastine dont l’équilibre en acides aminés indispensables est médiocre. Les viandes apportent d’autre part une petite quantité de substances azotées non protéiques (purines entre autres). Apports en lipides La teneur en matières grasses des viandes varie selon l’espèce, l’état d’engraissement de l’animal et le morceau considéré. Elles se trouvent à la surface de la carcasse (graisses de couverture), autour des muscles ou à l’intérieur du muscle (marbré, persillé). Il est possible de diminuer le taux de lipides des viandes en éliminant les graisses visibles. Compte tenu de ces considérations une viande peut contenir 2 à 30 % de graisses (tableau I). Les viandes les plus maigres (< 10 %) sont le lapin, le cheval, le veau, le poulet et la dinde (sans peau). Parmi les viandes les plus grasses (10 à 30 %) on trouve certains morceaux de bœuf et de porc ainsi que l’agneau, l’oie et le canard. Ces différences restent relatives car il est toujours possible de choisir des morceaux très maigres (filet de porc, filet de canard sans la peau…). Les abats (foie, cœur, rognons) ainsi que le gibier sont des viandes maigres (~ 5 %). Les lipides des viandes sont constitués principalement d’acides gras saturés et monoinsaturés. Leur composi1. La 1re catégorie représente les morceaux à cuisson courte : filet, escalope, bifteck, côte…

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dossier enseignement Tableau I. Composition lipidique de quelques aliments du groupe des viandes, poissons, œufs.

Aliment Agneau* Bœuf* Porc* Cheval Œuf Oie Poulet Dinde Thon au naturel Sardine Saumon Hareng

Acides gras (% des AG totaux)

Lipides totaux (g/100 g) Saturés Monoinsaturés Polyinsaturés 15 8,5 12 4,6 10,5 17,5 4 2,9 1,6

53 45,7 41,2 39,5 36 43,7 35,1 36,7 37,8

41,9 50 48,9 34,9 48,8 41,3 48,6 35,5 28,

5,1 4,3 9,9 25,6 15,1 15 16,2 27,8 34,1

9 10,1 14,6

34,2 21,1 23,1

31,6 40 32,1

34,2 38,9 44,8

* Moyennes. Source : Répertoire général des aliments, Ciqual, 1995.

tion varie cependant en fonction du type de viande considéré. Les volailles représentent globalement une bonne source d’acides gras mono et polyinsaturés (tableau I). Toutes les viandes, mêmes maigres sont sources de cholestérol, en particulier les abats (tableau II). Apports en glucides Il est négligeable car il n’y a pratiquement plus de glycogène dans la viande au stade de sa commercialisation. Apports en minéraux Les viandes sont riches en phosphore et représentent la meilleure source alimentaire de fer héminique. Il s’agit de fer ferreux (++), mieux absorbé que le fer ferrique (+++) des végétaux. Cette catégorie d’aliments est pauvre en calcium et présente un très mauvais rapport Calcium/

Tableau II. Teneur en cholestérol des viandes, poissons et œufs.

Aliments

Cholestérol (mg/100 g)

Cervelles Rognons Foie Cœur Langue Jaune d’œuf 1 jaune d’œuf (20 g) Charcuteries Viandes en général Viandes de porc Crustacés (crevettes, homard) Œuf de « lump », caviar Coquillages (moules, coquille St Jacques) Poissons (moyenne)

2 000 à 2 200 365 à 380 265 à 555 150 à 170 110 à 140 1 480 300 100 à 380 65 à 80 100 140 à 182 300 50 à 70 50 à 70

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Phosphore. Les abats, en particulier le foie, sont très riches en fer et en phosphore. Apports en vitamines Les viandes sont dépourvues de vitamines liposolubles. Elles sont riches en vitamines du groupe B. Les abats (principalement le foie) en sont les plus riches et représentent en outre un apport important de vitamines A et D. Les charcuteries À l’origine, la charcuterie est une méthode de conservation de la viande. Toute charcuterie fait l’objet d’une salaison avec un mélange de sel et de nitrate de potassium, ou de sel et de nitrite de sodium. Les charcuteries contiennent 10 % à 20 % de protéines. Les jambons cuits ou secs en sont les plus riches. Cette catégorie d’aliments se caractérise surtout par sa richesse en lipides : 20 % à 35 % pour les saucisses, saucissons cuits, pâté de foie et 35 % à 40 % pour les rillettes, saucissons secs et salamis. Seuls les jambons débarrassés de leurs graisses contiennent moins de 10 % de lipides. La composition de ces lipides se rapproche de celle des graisses animales (voir chapitre matières grasses). La teneur en cholestérol des charcuteries est variable : 100 mg/100 g dans les saucissons et saucisses, 150 à 260 mg/100 g dans les pâtés de foie et 60 à 70 mg/100 g dans le jambon (tableau II). Les poissons Apports en protéines Le poisson représente un apport en protéines d’aussi bonne qualité que la viande. Il contient en outre une quantité plus importante de substances azotées non protéiques (ammoniaque, urée…) qui lui donnent une odeur caractéristique. Le poisson contient en moyenne 20 % de protéines. Les huîtres et les moules 7 à 10 %. Apports en lipides Les poissons sont pour leur immense majorité moins gras que les viandes. Il est souhaitable d’encourager leur consommation à la place de la viande ou de la charcuterie. La teneur en lipides des poissons est variable (0,5 % à 15 %). On les classe généralement en 3 groupes, poissons maigres (0,5 % à 5 %) : merlan, sole, dorade, morue (ou cabillaud), truite, colin… ainsi que mollusques et crustacés, poissons demi-gras (5 % à 10 %) : maquereau, sardine, saumon, thon…, poissons gras (> 10 %) les moins nombreux : anguille, hareng… Cependant la composition lipidique des poissons varie beaucoup selon l’espèce considérée et la saison de la pêche. Par exemple celle du thon blanc est de 0,7 %-18,2 % ! Les lipides des poissons sont composés d’une proportion non négligeable d’acides gras monoinsaturés et polyinsaturés (tableau I) en particulier de la série n-3 (l’acide eicosapentaénoïque ou EPA : C20:5 et l’acide docosahexaénoïque ou DHA : C22:6). La teneur en cholestérol du poisson est de 50 mg à 70 mg pour 100 g. Les crustacés ont une teneur assez élevée, en revanche les coquillages (huîtres, moules, palourdes…) contiennent des quantités relativement importantes de stérols mais le cholestérol ne représente en fait qu’un tiers de ces stérols (tableau II). Apports en glucides Les coquillages contiennent un peu de glycogène. Cah. Nutr. Diét., 39, 3, 2004

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dossier enseignement Apports en minéraux Comme les viandes, le poisson apporte peu de calcium. Il représente une source importante de phosphore et pour les poissons de mer d’iode. Il est d’autre part moins riche en fer que la viande. Les coquillages et crustacés ont la particularité d’être plus riches en divers minéraux (calcium, zinc, fer, sodium…). Poissons et crustacés sont riches en sélénium.

indispensables sont présents. Ces protéines sont très bien assimilées par l’organisme (CUD = 95 à 98).

Les œufs

Apports en lipides La teneur en lipides du lait de consommation courante est standardisée à un taux minimum de 36 g par litre de lait entier. Cette teneur en lipides confère au lait entier une valeur énergétique importante (700 Kcal soit 2 930 KJ pour 1 litre). Les laits demi-écrémé et écrémé apportent respectivement 15 g à 18 g et 1 g de lipides par litre. Les triglycérides du lait comportent essentiellement des acides gras saturés (60 à 65 %) et monoinsaturés (32 %). Le lait est pauvre en acides gras essentiels (environ 3 %) et comporte 11 % à 15 % d’acides gras à chaîne courte ou moyenne (C4 à C12). Le lait contient également du cholestérol (lait entier : 140 mg/litre, lait 1/2 écrémé : 90 mg/litre).

Apports en protéines Les protéines de l’œuf (l’ovalbumine dans le blanc et ovovitelline dans le jaune) ont une excellente valeur biologique. Leur composition en acides aminés, parfaitement équilibrée, en fait la protéine de référence pour le calcul du coefficient d’efficacité protidique des autres aliments sources de protides. La teneur protéique de l’œuf entier est de 14 % ce qui représente un apport de 8 g pour un œuf de 55 g.

Apports en glucides Le lactose, glucide essentiel du lait, favorise l’absorption du calcium contenu dans cet aliment. Un litre de lait, qu’il soit entier ou écrémé apporte 50 g de lactose. Celui-ci peut provoquer des troubles digestifs chez les sujets ayant perdu l’habitude de consommer du lait (production de lactase très faible). Il est alors conseillé de remplacer le lait par du yaourt ou des fromages.

Apports en lipides Les lipides représentent 12 % de l’œuf entier. Ils sont contenus uniquement dans le jaune (33,5 g pour 100 g de jaune d’œuf soit environ 7 g de graisses dans 1 jaune) et comportent une forte proportion de phospholipides. Le jaune d’œuf est d’autre part une source importante de cholestérol (1 500 mg environ pour 100 g soit 300 mg pour 1 jaune).

Apport en minéraux et oligo-éléments Le lait est une source importante de calcium : 1 200 mg par litre (les besoins journaliers de l’adulte sont de 900 mg). Le calcium du lait est mieux absorbé que celui de toute autre source grâce à la présence d’éléments favorables (protéines, graisses et un peu d’acide lactique). Il est mieux utilisé par l’organisme car le lait apporte en même temps du phosphore (rapport Ca/P = 1,4) et de la vitamine D. Le lait apporte en outre du chlorure de sodium, du chlorure de potassium et de faibles quantités de soufre, magnésium et cuivre. Il ne contient pas de fer.

Apports en vitamines Les poissons sont une bonne source de vitamines du groupe B (en particulier B12) et de vitamine E. Les vitamines A et D sont également abondantes dans les poissons gras et surtout dans le foie de poisson.

Apports en minéraux Le jaune d’œuf est riche en phosphore et en fer. Comme la viande et le poisson il représente un faible apport de calcium associé à un rapport Ca/P très défavorable à son absorption. Apports en vitamines L’œuf est une bonne source de vitamines du groupe B et pour le jaune de vitamines A et D. Il n’y a pas de relation entre la couleur plus ou moins intense du jaune et sa teneur en vitamines.

Produits laitiers

Apport en vitamines Le lait entier est une source appréciable de vitamine A. La teneur en vitamine D est variable (plus élevée dans le lait d’été que dans le lait d’hiver). Presque toutes les vitamines du groupe B sont présentes, en particulier la vitamine B12. Les vitamines liposolubles (A et D) sont absentes dans le lait écrémé. Les fromages Définition et classification La fabrication d’un fromage comporte 3 étapes :

Apports nutritionnels caractérisant les aliments de ce groupe : • Protéines • Calcium • Vitamines : B2 – A et D dans les produits non écrémés • Pas de fer ni de vitamine C • Apports potentiels en lipides • Apport de cholestérol Le lait Apport en protéines Un litre de lait de vache, qu’il soit entier ou écrémé apporte 35 g de protéines. Il s’agit principalement de caséine, de lactalbumine et de lactoglobuline. Tous les acides aminés Cah. Nutr. Diét., 39, 3, 2004

Tableau III. Apports nutritionnels moyens des différents laits/100 g.

kcal

KJ

P (g)

L (g)

G (g)

Ca (mg)

Lait entier 263 3,2 3,5 4,6 120 Lait 1/2 écrémé 63 195 3,2 1,6 4,6 114 Lait écrémé 46 142 3,3 0,2 4,6 112 Lait en poudre écrémé* 34 1 467 35,5 0,8 50 1 300 Lait concentré entier non sucré 351 544 6,4 7,5 9,2 255 Lait concentré sucré 130 1 358 8,4 9,1 55,8 280 325 * 10 g de poudre permet de reconstituer 100 ml de lait. Source : Répertoire général des aliments, produits laitiers, Ciqual, 1995.

219

33

dossier enseignement Tableau IV. Apports en minéraux et en acide folique des laits de consommation courante et de quelques laits enrichis/100 g.

Lait Lait Lait Lait Lait Lait

entier stérilisé UHT 1/2 écrémé stérilisé UHT « Croissance » de Candia* « Grand Vivre » Candia « Future Maman » Candia « Pour Maman » Gervais

Acide folique (µg)

Fe (mg)

Zn (mg)

Mg (mg)

0,05 0,05 1,3 0,8 1,6 1

0,4 0,4 0,8 0,7 1 –

10 3,00 10 2,90 9,3 3 16 11,9 17 130 24 25

* De plus, enrichis en acides gras essentiels (acide linoléique et acide linolénique). Sources : Répertoire général des aliments, Ciqual, 1995; Documentation Candia, Gervais.

La coagulation du lait par acidification lactique et/ou ajout de présure qui aboutit à la formation d’un gel de caséine. Ce gel est égoutté et on obtient le caillé. Celui-ci subit une maturation provoquée par les enzymes produites par des micro-organismes spécifiques à chaque type de fromage. Il est habituel de classer les fromages selon leur mode de fabrication : • fromages frais (fromages blancs, suisses, demi-sel…) : ces fromages ne subissent pas d’affinage. Ils sont riches en eau (70 % à 80 %). • fromages à pâte molle à croûte moisie (Camembert, Carré de l’Est, Brie, Neufchâtel…). • fromages à pâte molle à croûte lavée (Livarot, Munster, Maroilles…) : le lavage de la surface des fromages à l’eau salée favorise l’implantation d’une flore bactérienne rouge orangée qui confère à ces fromages leur saveur et leur odeur prononcée. • fromages persillés (moisissures intérieures) (Roquefort, Bleus d’Auvergne, de Bresse…). Le roquefort est fabriqué exclusivement avec du lait de brebis, tous les autres à partir de lait de vache. • fromage à pâte pressée non cuite (Port-Salut, Cantal, Edam, Saint-Nectaire…) : l’égouttage du caillé est effectué par pressage. • fromages à pâte pressée cuite (emmental, comté, beaufort, gruyère…) : le caillé subit une cuisson avant d’être pressé. • fromages fondus : ils sont constitués par des fromages divers broyés et fondus. Composition On retrouve dans les fromages l’essentiel des composants du lait (tableau V). Apports en protéines

C’est la caséine qu’on retrouve dans le fromage, les protéines solubles étant éliminées lors de l’égouttage. La teneur en protéines est variable : 8 % à 10 % dans un fromage frais, 20 % à 24 % dans les fromages à pâte molle et 28 % à 30 % dans les fromages à pâte pressée. Apports en lipides

La totalité des lipides du lait est conservée dans les fromages. La teneur en lipides d’un fromage dépend de sa richesse en eau. Les teneurs en matières grasses indiquées à la vente sont toujours exprimées en pour cent de matière sèche. Un camembert à 45 % de matières grasses en contient en fait 22 grammes pour 100 g de fromage prêt à consommer. Un 220

Tableau V. Apports nutritionnels moyens des principaux produits laitiers et des différentes classes de fromages/100 g.

G (g)

Ca (mg)

Yaourt nature 50 213 4,3 1,2 5 Fromage blanc 120 498 7,7 8 3,4 à 40 % MG Fromage blanc 80 335 8,5 3,4 3,6 à 20 % MG Fromage à pâte molle : Camembert 284 1 178 21,2 22 0,2 45 % MG Munster 333 1 380 19 28,5 0 Fromages persillés : Roquefort 370 1 532 18,7 32,8 0 Fromages à pâte pressée : Saint-Paulin 298 1 236 23,3 22,7 0 Emmental 378 1 572 29,4 28,8 0,2 Fromage fondu 292 1 213 16,8 22,7 2,8

173 111

kcal

KJ

P (g)

L (g)

117

400 430 600

780 1 185 492

Source : Répertoire général des aliments, Ciqual, 1995.

fromage blanc à 40 % de matières grasses contient en réalité 8 g de graisses pour 100 g. Les fromages les plus riches en matières grasses sont les fromages à pâte cuite type gruyère (32 g de matières grasses pour 100 g). Les lipides des fromages sont composés majoritairement d’acides gras saturés (60 % à 65 %) et monoinsaturés (30 % environ). Les fromages affinés contiennent en moyenne 90 mg à 100 mg de cholestérol pour 100 g. Apports en glucides

Le lactose est presque totalement éliminé lors de l’égouttage. La quantité restante est transformée en acide lactique lors de l’affinage. Apports en minéraux

L’apport en calcium et en phosphore dépend du mode de fabrication des fromages. L’emmental (pâte pressée cuite) apporte environ 1 000 à 1 200 mg de calcium pour 100 g. Un fromage type pâte molle en contient 200 à 400 mg pour 100 g et les fromages frais 100 mg pour 100 g. Les fromages sont plus ou moins riches en chlorure de sodium. Leur teneur dépend de la quantité de sel ajoutée lors de leur fabrication. Apports en vitamines

La teneur en vitamine A des fromages est proportionnelle à leur teneur en matières grasses. Les fromages bleus sont de bonnes sources de vitamines du groupe B (les moisissures en réalisent la synthèse).

Matières grasses Apports nutritionnels caractérisant les aliments de ce groupe : • Acides gras essentiels (acide linoléique (C18 : 2 n-6), acide α-linolénique (C18 : 3 n-3) • Vitamines liposolubles – D – A (rétinol) – E (alpha tocophérol) • Source d’énergie importante (9 kcal/g) • Aucun élément minéral Cah. Nutr. Diét., 39, 3, 2004

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dossier enseignement Les matières grasses d’origine animale La crème et le beurre La crème comporte environ 30 % à 35 % de lipides et le beurre 82 % à 84 %. Les acides gras saturés représentent plus de 60 % des acides gras totaux (en particulier acide palmitique C16:0, acide myristique C14:0 et acide stéarique C18:0). Le beurre apporte également des acides gras saturés à chaîne courte ou moyenne (environ 13 %) (tableau VIa et c). Ces produits sont pauvres en acides gras polyinsaturés (2 %) et apportent du cholestérol (250 mg/100 g de beurre). Ces matières grasses sont une excellente source de vitamine A (teneur variable selon la provenance du beurre) et contiennent un peu de vitamine D lorsqu’ils sont réalisés à partir du lait d’été. Ils n’apportent pas du tout de calcium. Beurres allégés et spécialités laitières à tartiner Ces produits sont tous fabriqués à partir de matières grasses d’origine laitière (beurre ou crème). Il en existe trois grandes catégories dont la teneur en lipides est respectivement de 60 %, 40 % et 27 %. Les caractéristiques nutritionnelles de ces produits, en dehors du fait qu’ils sont moins caloriques, sont semblables à celles du beurre. La plupart sont enrichis en vitamine A et parfois en vitamine E. Il existe aussi d’autres pâtes à tartiner à teneur en lipides réduite, qui associent des matières grasses laitières et des matières grasses végétales. Leurs caractéristiques nutritionnelles dépendent alors du type de matières grasses utilisées. Autres matières grasses d’origine animale Il s’agit des matières grasses obtenues par fusion des tissus gras des animaux : saindoux, graisse d’oie ou de canard, suif de bœuf ou de cheval… Ces graisses contiennent toutes 90 à 100 % de lipides. Le saindoux et le suif de bœuf sont composés d’acides gras saturés (45 %) principalement à chaîne longue (C16 et C18), d’acides gras monoinsaturés (42 % environ) et de peu d’acide linoléique (5 % à 9 %). Ce sont des compositions moyennes. Les proportions relatives d’acides gras varient en fonction notamment de l’alimentation qu’a reçue l’animal. Les graisses de volaille (oie, canard) contiennent en moyenne moins d’acides gras saturés (environ 30 %) et nettement plus d’acides gras monoinsaturés (50 % à 60 %) et polyinsaturés (11 % à 15 %). Toutes ces graisses apportent en outre 100 mg de cholestérol pour 100 g. Les huiles et margarines Les huiles Ce sont les huiles fluides ou concrètes préparées à partir de graines ou de fruits oléagineux. Les huiles sont généralement liquides à une température ambiante. On appelle huiles concrètes ou graisses les matières grasses solides à température ambiante (huile de coprah…). Ces matières grasses ne contiennent pas de cholestérol et apportent toutes 100 % de lipides. Les huiles se distinguent les unes des autres par leur composition en acides gras (tableau VIb). L’huile d’olive est une source importante d’acides gras monoinsaturés (70 % à 75 % des acides gras présents). Sa teneur en acides gras saturés et polyinsaturés est faible. L’huile de colza présente aussi une forte teneur en acides gras monoinsaturés (60 % à 65 % des acides gras totaux). Elle est un peu plus riche en acides gras essentiels (30 % des acides gras totaux) et se distingue surtout par la présence de Cah. Nutr. Diét., 39, 3, 2004

8 % d’acide linolénique. Les nouvelles variétés de colza ne contiennent pratiquement plus d’acide érucique. L’huile d’arachide comporte 30 % à 35 % d’acides gras polyinsaturés dont moins de 1 % d’acide linolénique. C’est une bonne source d’acides gras monoinsaturés (45 % à 50 %). Les acides gras saturés représentent environ 20 % des acides gras totaux. Les huiles de maïs, soja, tournesol, pépin de raisin, et noix représentent les meilleures sources d’acides gras polyinsaturés (60 % à 70 % des acides gras totaux). Les huiles de soja et de noix comportent en outre 7 % à 15 % d’acide linolénique. Ces huiles sont une source très importante de vitamine E. Les huiles concrètes (ou graisses végétales) Ces huiles sont caractérisées par une forte teneur en acides gras saturés. L’huile de palme comporte 50 % à 60 % d’acides gras saturés et 5 % à 10 % d’acides gras polyinsaturés. Elle est principalement employée par les industries alimentaires (margarineries, biscuiteries) et pour la réalisation des fritures en collectivités. L’huile de coprah (végétaline) comporte plus de 90 % d’acides gras saturés (dont 50 à 60 % à chaîne courte). Les margarines La margarine est constituée par l’émulsion d’une phase aqueuse dans une phase grasse qui représente 82 % du produit final. Elle comprend, selon les cas, des huiles ou des graisses végétales et animales. Le type d’huile ou de graisse entrant dans la composition d’une margarine est très variable et les caractéristiques nutritionnelles du produit final en dépendent. On distingue les margarines classiques vendues en emballage papier qui sont solides à température ambiante. Elles sont composées en partie de graisses animales (saindoux), de graisses de poisson ou de beurre associées à des huiles et comportent surtout des acides gras saturés et monoinsaturés. Elles contiennent en outre du cholestérol. Les margarines d’origine exclusivement végétale sont composées d’un mélange d’huiles diverses hydrogénées en partie. Les margarines faites exclusivement avec de l’huile de tournesol ou de maïs sont de plus en plus présentes sur le marché. Elles ont les caractéristiques nutritionnelles des huiles avec lesquelles elles sont fabriquées. Leur teneur en acides gras polyinsaturés est cependant inférieure à celle des huiles du même nom du fait de l’hydrogénation qu’elles ont subie au cours de la fabrication. Comme les spécialités laitières à tartiner, les margarines allégées ont une teneur en matières grasses totale de 60 %, 41 % ou 27 %. Elles sont réalisées à partir d’huiles riches en acide gras polyinsaturés partiellement hydrogénés et d’une fraction d’huile de palme. Elles sont en général enrichies en vitamine A et parfois en vitamine E. Du fait de l’extrême diversité des beurres et margarines allégées, il n’est pas possible d’en donner une composition moyenne représentative. On trouve depuis peu une margarine allégée enrichie en stérols végétaux (Pro-Activ-Fruit d’Or). Cette margarine est fabriquée à partir d’huiles végétales non hydrogénées. On y a ajouté des esters de stérols végétaux (13,8 % du produit) qui ont la propriété de réduire le cholestérol sanguin en inhibant son absorption intestinale. Remarques : Les acides gras ayant un effet hypercholestérolémiant sont les acides gras saturés, et plus particulièrement les 221

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dossier enseignement acides palmitique et myristique. Par contre l’acide laurique a peu d’effet et l’acide stéarique est sans effet, de même que les acides gras à chaîne courte ou moyenne.

Tableau VIa. Composition de quelques corps gras solides.

Acides gras (% des AG Totaux) Lipides Totaux MonoPoly(g/100 g) Saturés insaturés insaturés

Aliment Beurre Crème Saindoux Graisse d’oie Végétaline Margarine tourne-sol Margarines maïs

83 33,5 99 99 100

67,3 67,3 45,7 28,6 99,3

30,1 30,1 44,6 59,8 0,7

2,6 2,6 9,6 11,5 tr.

82,5 82,5

18 17,5

39,7 42,1

42,3 40,4

Sources :Répertoire général des aliments, Ciqual, 1995. Répertoire général des aliments, Corps gras, 1987.

Ciqual,

Tableau VIb. Composition de quelques huiles.

Aliment

Huile Huile Huile Huile Huile Huile Huile Huile Huile

d’arachide d’olive de colza de noisette « Isio 4 » de maïs de soja de tournesol de noix

Acides gras (% des AG Totaux)

Lipides Totaux (g/100 g)

Saturés

100 100 100 100 100 100 100 100 100

20,8 15,2 6,5 7,3 12 12,9 14,8 12,2 9,8

Mono- Poly-ininsaturés saturés 47,5 74,3 64,3 76,3 41 27,4 21,6 23,5 17,1

Sources :Répertoire général des aliments, Ciqual, 1995. Répertoire général des aliments, Corps gras, 1987.

31,7 10,5 26,5 16,4 47 59,6 63,6 64,3 72,3 Ciqual,

Tableau VIc. Composition en acides gras de quelques lipides alimentaires d’après Grundy et Denke (% des acides gras totaux).

Acides gras 4 Chaîne à courte 10:0 12:0 Laurique 14:0 Myristique 16:0 Palmitique 16:1 Palmitoléique 18:0 Stéarique 18:1 Oléique 18:2 Linoléique 18:3 Linolénique Autres 222

Beurre Bœuf 9,2

3,1 17,7 26,2 1,9 12,5 28,2 2,9 0,5

0,1

Porc MouPoulet (lard) ton 0,1

0,1 0,1 3,3 1,5 25,5 24,8 3,4 3,1 21,6 12,3 38,7 45,1 2,2 9,9 0,6 1,1 4,6 3,0

Beurre de cacao

0,2

0,2 1,3 23,2 6,5 6,4 41,6 18,9 1,3 0,6

0,3 5,2 23,6 2,5 24,5 33,3 4 1,3 5,1

0,1 25,8 0,3 34,5 35,3 2,9 1,1

Légumes et fruits Apports nutritionnels caractérisant les aliments de ce groupe : • Fibres • Minéraux • Vitamines : C, bêta-carotène, vitamines du groupe B • Glucides • Pas de lipides et apport de protéines négligeable Légumes Les légumes frais proviennent de toutes les parties de la plante : racines (carottes, navet…), tubercules (pommes de terre), tiges (céleri branche), feuille (épinard), fleur (choufleur), fruit (tomate, courgette). Ils se caractérisent par une teneur en eau très importante (90 % en moyenne), un apport en glucides modéré : 1 % à 6 % pour les parties aériennes des plantes (salades, épinards, courgettes, tomates…) et 9 % environ pour les racines (carottes, céleri…). Les légumes représentent un apport important de potassium. On y trouve également du calcium (surtout dans les choux), du magnésium, du fer et du cuivre (légumes à feuilles type épinard), du soufre (choux, oignons, ail, poireaux, navets, radis) et de nombreuses autres matières minérales. Les légumes sont riches en vitamines hydrosolubles : vitamine C (choux, légumes à feuilles, tomates), provitamine A ou bêta-carotène (partie colorée des plantes : légumes à feuilles vertes, carottes…) et vitamines du groupe B. Les fibres des plantes se composent surtout de cellulose, d’hémicellulose et de matières pectiques. La pomme de terre se distingue par un apport plus important en amidon (20 %) et une teneur en vitamine C assez faible surtout après quelques mois de conservation. Elle doit être assimilée aux aliments sources d’amidons (pâtes alimentaires, riz) plutôt qu’à un légume frais. Fruits Composition des fruits La composition des fruits est semblable à celle des légumes. Leur teneur en glucides est cependant plus élevée. Il s’agit le plus souvent de sucres (de fructose mais aussi de saccharose ou de glucose et plus rarement d’amidon (banane, châtaigne). L’apport en sucres est très variable. Il est peu important pour les agrumes, les groseilles, les fraises, les framboises, les mûres, le melon et la pastèque (5 % à 10 %). Les fruits les plus riches en sucres sont le raisin, la banane (18 % à 20 %). Un fruit apporte généralement 15 g à 20 g de glucides (tableau VII). L’intérêt principal des fruits réside dans leur richesse en vitamines. Les plus riches en vitamine C sont les fruits acides (agrumes, groseilles, cassis, fraises…), les plus riches en carotène sont les fruits colorés (abricots, pêches, myrtilles, cassis…). Seuls, les agrumes contiennent du calcium. Il y a peu d’oligo-éléments dans les fruits. Ils sont tous riches en potassium et pauvres en sodium. Les fibres des fruits sont composées à part égale de cellulose, lignine, hémicellulose et matières pectiques. Certains fruits sont particulièrement riches en pectines (pomme, coing, groseille). Cah. Nutr. Diét., 39, 3, 2004

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dossier enseignement Tableau VII. Fruits : équivalence pour 15 g-20 g de glucides (60-80 kcal).

• 1 petite banane, soit 100 g • 1 petite grappe de raisin, soit 100 g • 1 poire ou pêche ou pomme ou orange moyenne, soit 150 g • 1/2 pamplemousse (jaune ou rose) • 3 mandarines ou clémentines, soit 150 g • 4 abricots moyens, soit 150 g • 12 cerises, soit 100 g • 10 mirabelles, soit 100 g • 5 prunes-quetsche ou Reine Claude, soit 150 g • 1 coupelle de fraises, framboises, myrtilles ou groseilles, soit 250 g • 200 g de melon

Fruits secs – Les fruits séchés (raisins, pruneaux, bananes, pommes, poires) renferment en moyenne 73 % de glucides assimilables. Si la dessiccation est bien conduite (par des procédés industriels plutôt que grâce au soleil), ces fruits constituent une bonne source de vitamines A et C. Ils ont une teneur élevée en fibres. – Les fruits oléagineux (noix, noisettes, amandes, cacahuètes, noix de cajou) représentent un apport important de lipides (plus de 50 %) et de protéines (10 % à 15 %). Les noix et les noisettes sont riches en acides gras insaturés (poly ou mono). Les fruits oléagineux représentent par ailleurs une bonne source de minéraux (calcium, magnésium, fer) et de fibres. Il s’agit d’aliments très énergétiques.

Céréales et dérivés – légumineuses Céréales et dérivés Les céréales les plus utilisées en France sont le blé, le riz et dans une moindre mesure le maïs, l’avoine, le seigle, le sarrasin et le manioc (tapioca). Apports nutritionnels caractérisant les aliments de ce groupe : • Glucides (amidon) • Protéines végétales • Vitamines du groupe B • Pas de lipides • Fibres • Minéraux Formes d’utilisation des céréales Blé

Riz

Maïs Manioc Avoine Seigle Sarrasin

Farines : pain, biscottes, pâtisseries Semoule : potages, entremets, couscous et pâtes alimentaires Céréales pour petit déjeuner Riz blanc, riz brun, riz complet Farines : amidon de riz Céréales pour petit déjeuner Farine : (maïzena) Céréales pour petit déjeuner Tapioca Flocons Farine : pain Farine

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Composition nutritionnelle Apports en glucides

Cette catégorie d’aliments est principalement source d’amidon : 74 % dans les farines, 72 %-73 % dans les pâtes alimentaires et les biscottes, 55 % dans le pain et 80 % dans le riz. Les céréales et farines complètes apportent en plus des fibres. Le son de blé se compose principalement d’hémicellulose et de cellulose. Apports en protéines

Les farines apportent en moyenne 10 % de protéines, le pain 7 % à 8 %, le riz et les pâtes alimentaires 10 %. Ces protéines sont pauvres en lysine. En leur associant des produits laitiers ou des œufs, riches en cet acide aminé, on augmente notablement leur valeur biologique. Apports en minéraux

Les céréales et leurs dérivés sont pauvres en calcium. Elles apportent beaucoup de phosphore, pour les 3/4 sous forme d’acide phytique dans les produits à base de farines complètes. Ce type d’aliments apporte du fer et du magnésium malheureusement mal absorbés. Apports en vitamines

Il s’agit essentiellement de vitamines du groupe B (B1, B2, PP). Les teneurs sont plus élevées dans les céréales et farines complètes. Cependant la présence d’acide phytique et de son peut nuire à leur absorption. Aliments à base de céréales

– Le pain Le pain est composé de farine, eau, sel et levure. Il existe une grande variété de pains réalisés à partir de divers types de farines et de méthodes : pain complet, pain au son, pain de campagne, pain de seigle, pain aux céréales, pain de mie. Le pain blanc est moins riche en fibres, minéraux et en vitamines que le pain complet. Cependant l’apport d’acide phytique et de son peut être cause d’une moins bonne absorption de ces éléments nutritifs. – Les biscottes Elles contiennent en plus un peu de sucre et de matières grasses. – La viennoiserie et les biscuits Les croissants, brioches, pains au raisins et biscuits de toutes sortes représentent un apport supplémentaire en matières grasses, sucre et œuf (d’où une valeur énergétique élevée). – Le riz Le riz subit divers traitements avant d’être commercialisé sous forme de riz blanc. Le riz blanchi et poli perd 60 % à 75 % de ses vitamines d’origine. Le riz étuvé est cependant 2 à 3 fois plus riche en vitamines que le riz blanc ordinaire (au cours de l’étuvage les vitamines et certains minéraux diffusent à l’intérieur du grain). Légumineuses Cette catégorie comprend les légumes secs (lentilles, haricots, pois, pois chiches…), le soja et l’arachide. Les légumes secs Ces aliments sont riches en protéines, éléments minéraux (phosphore, fer) et vitamines du groupe B. Ils se rapprochent de ce fait des aliments du groupe « viande, poisson, œuf ». Les légumes secs apportent 24 % de protéines. Ces protéines sont pauvres en méthionine ; leur valeur biologique est donc moins bonne que celle de la viande, du poisson, des 223

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dossier enseignement œufs ou des produits laitiers. Il est intéressant d’associer des céréales aux légumes secs afin de les compléter mutuellement en leur acide aminé déficitaire. Cette association est indispensable dans une alimentation strictement végétalienne. Les légumes secs sont riches en fibres (12 % à 25 % du poids sec), ce qui rend leur digestibilité parfois difficile. La consommation des légumes secs nécessite une cuisson plus longue préjudiciable à leur apport en vitamines. Les minéraux des légumes secs sont mal absorbés (le taux d’absorption intestinale du fer est d’environ 3 %). Cependant il faut rappeler que le fer non héminique représente 85 % à 90 % du fer alimentaire et que son absorption augmente lorsqu’il existe un déficit du statut en fer de l’organisme. Le soja et l’arachide Ces aliments sont comparables aux légumes secs du point de vue de leur teneur en protéines, vitamines et minéraux. Ils apportent en plus des lipides (respectivement 18 % et 45 %). L’industrie extrait les protéines du soja et fabrique des produits « texturés » rappelant la viande. Ces produits sont ajoutés aux viandes hachées. Il en est toujours fait mention sur l’étiquetage des ces aliments.

Sucres et produits sucrés Apports nutritionnels caractérisant les aliments de ce groupe : • Glucides essentiellement (saccharose, glucose ou fructose) • Aucun autre élément nutritif sauf dans le chocolat La dénomination de sucre est réservé aux mono et disaccharides à l’exclusion des polyols, d’après la réglementation nationale et communautaire relative à l’étiquetage et à la présentation des denrées alimentaires.

Le chocolat Il est obtenu par le mélange de sucre et de pâte de cacao. La pâte de cacao représente, sauf pour le chocolat au lait, au moins 35 % du produit final dont 18 % de beurre de cacao. Le chocolat apporte en moyenne 50 % à 65 % de saccharose, 20 % à 30 % de lipides (beurre de cacao essentiellement), 6 % de protéines, des minéraux (phosphore, calcium, magnésium, et un peu de fer) et un peu de vitamines.

Boissons L’eau La composition de l’eau est extrêmement variable. La législation impose pour les eaux potables un taux maximum de minéraux de 2 g/l. Les minéraux qui peuvent être présents dans l’eau sont nombreux : calcium, magnésium, fer, sodium, potassium, fluor… Les eaux de boissons sont classées en 4 catégories : les eaux de distribution publique correspondant à la définition des eaux potables, les eaux de table sont des eaux de distribution vendues en bouteille, les eaux de source doivent avoir une origine déterminée et être commercialisée telles qu’elles sortent du sol sans avoir subi de traitement, les eaux minérales font l’objet d’une législation particulière et ont des propriétés « favorables à la santé ». Selon leur degré de minéralisation (évalué par le « résidu sec » : RS), les eaux minérales sont réparties en : – eaux riches en sels minéraux (RS > 1 500 mg/l) : Contrex, Hépar, St-Yorre, Vichy Célestins, Quézac… – eaux moyennement minéralisées (50 mg/l < RS < 1 500 mg/l) : Vittel, San Pellegrino, Badoit… – eaux faiblement minéralisées (RS < 500 mg/l) : Valvert, Evian, Volvic, Perrier… Boissons sucrées

Le sucre Sucre de canne ou de betterave ne sont pas différents sur le plan de leur composition. De même cassonade et sucre roux ne présentent pas de caractéristiques nutritionnelles particulières. Tous ces sucres sont composés de 100 % de saccharose rapidement assimilé par l’organisme. Il s’agit d’une source d’énergie rapidement utilisable, intéressante en cas d’efforts physiques importants.

Il s’agit des limonades, sodas, sirops, coca-cola, boissons aux fruits. Les boissons aux fruits composées d’eau, de sucre et de 12 % seulement d’extraits de fruits ne doivent pas être confondues avec les jus de fruits. Un litre de ces boissons apporte 90 à 120 g de sucres. Dans les boissons « light » le sucre est remplacé par un édulcorant de synthèse. Ce type de boissons n’apporte pas de sucre.

Les confiseries

Le thé, le café

Leur définition légale est la suivante : « Préparations alimentaires dans lesquelles le sucre constitue l’élément dominant à l’exclusion des confitures, gelées et marmelades ». En dehors du sucre les matières premières entrant dans leur composition sont nombreuses et variées. Par exemple : matières grasses végétales, amidon, gommes, gélatines, colorants, parfums naturels et synthétiques, amandes, noisettes… Les sucres utilisés sont le saccharose mais aussi le sucre inverti, le glucose, le miel.

Ces boissons sont très utilisées pour leurs qualités stimulantes (caféine, théine). Elles ne contiennent aucun élément nutritif assimilable.

Le miel Le miel est constitué pour 3 % à 6 % de saccharose, 35 % de glucose et 35 % de fructose. Vitamines et minéraux sont présents à l’état de traces. 224

Les jus de fruits Les jus de fruits contiennent les éléments nutritifs des fruits dont ils sont issus : minéraux, vitamines et sucres. La teneur en sucres d’un jus de fruit est variable : le jus de raisin contient environ 200 g de sucres par litre, le jus d’orange 90 g à 100 g. On appelle « jus de fruit » un produit composé exclusivement de fruits pressés. Les jus reconstitués à partir de concentré de jus de fruits et d’eau ont également droit à cette appellation. Les « nectars » qui sont des mélanges de Cah. Nutr. Diét., 39, 3, 2004

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dossier enseignement jus de fruits (25 % à 50 % du produit final), d’eau et de sucre ne sont pas des jus de fruits. Boissons alcoolisées La densité de l’éthanol est de 0,8 ; une boisson titrant 10° d’éthanol (soit 10 volumes pour 100 volumes d’eau) contient 100 ml d’éthanol pur par litre soit 80 g. Les boissons faiblement alcoolisées sont le cidre (2° à 6°), la bière (4° à 8°), le vin (9° à 15°) et les vins « cuits » (15° à 25°). Les alcools « forts ou spiritueux » (liqueurs, eaux de vie, cognac, boissons anisées) contiennent 35° à 60° d’alcool. Les apports en éléments nutritifs de la bière ou du vin (minéraux et vitamines du groupe B) sont faibles. L’alcool représente un apport énergétique de 7 kcal pour 1 g soit 5,6 Kcal pour 1 ml d’alcool pur. Le tableau IX regroupe quelques exemples de boissons alcoolisées couramment consommées.

Pour en savoir plus Viandes – Poissons – Œufs Conservation et utilisation des viandes Les viandes sont le plus souvent conservées par le froid (réfrigération, surgélation) ou grâce à la chaleur (conserves de plats cuisinés par exemple). • La réfrigération permet une conservation de courte durée (15 à 20 jours pour les carcasses entre 0 °C et 2 °C). Elle est limitée à quelques jours pour la conservation domestique de la viande débitée en morceaux. Une viande hachée fraîche doit être consommée dans la journée. • La surgélation est effectuée de façon à obtenir très rapidement une température à cœur inférieure à – 18 °C. Les viandes surgelées doivent être maintenues à cette température ou à une température inférieure jusqu’au moment

de leur consommation. La conservation au froid n’empêche pas le rancissement des graisses ce qui limite la durée de conservation par ce procédé à quelques mois. • Les conserves de viandes ou les plats cuisinés en conserve subissent une stérilisation à 112 °C-117 °C pendant un temps variable avec la nature du produit. Une conserve entamée doit être gardée au froid et utilisée dans les plus brefs délais. Conservation et utilisation des poissons Comme les viandes, les poissons sont conservés par le froid ou par la chaleur. Plus rarement, on consomme du poisson séché, salé, fumé ou mariné. • La réfrigération permet une conservation de 3 à 6 jours pour des poissons non éviscérés et de 10 à 12 jours pour des poissons éviscérés. • La surgélation du poisson est souvent réalisée à bord des bateaux de pêche. Le poisson surgelé, comme la viande, peut être conservé plusieurs mois à une température < – 18 °C. Un entreposage trop long provoque cependant une déshydratation, l’oxydation des matières grasses et une dénaturation des protéines. Pour limiter ces phénomènes il est conseillé de conserver les poissons à des températures de – 25 °C à – 30 °C. La surgélation permet de détruire les parasites comme les anisakies, elle doit être conseillée lorsque les poissons sont destinés à être consommés crus. • Les conserves de poisson concernent principalement les sardines, les maquereaux et le thon. • Les autres modes de conservation sont souvent associés entre eux et ces produits en dehors des poissons fumés sont relativement peu consommés en France. Conservation des œufs Après leur achat les œufs peuvent être conservés au froid pour une durée d’une semaine environ. La date de ponte est de plus en plus fréquemment apposée sur la coquille de l’œuf et une DLC (date limite de consommation) est mentionnée sur l’emballage.

Tableau VIII. Composition de quelques eaux minérales (mg/l).

Ca2+ Calcium

Mg2+ Magnésium

Na+ Sodium

Eaux plates : Hépar Contrex Vittel Evian Valvert Volvic

555 486 202 78 67,6 10

110 84 36 24 2 6

14 9,1 3,8 5 1,9 9,4

Eaux gazeuses : Saint-Yorre Vichy Célestins Quézac Badoit San Pellegrino Perrier

90 90 252 200 208 147

11 9 100 100 55,9 3

1 708 1 265 255 160 43,6 9

K+ HCO3– Cl– Potassium Bicarbonates Chlorures 4 3,2 2 1 0,2 5,7

132 71 52,2 10 2,7 1,1

403 403 402 357 204 65,3

4 268 3 245 1 761 1 410 219,6 390

11 8,6 7,2 4,5 4 8,4

322 227 36 39 74,3 22

SO42– Sulfates

F– Fluor

Résidu sec* mg/l

1 479 1 187 306 10 18 6,9

0,4 0,3 0,3 0,1 < 0,1 0,2

2 580 2 125 841 309 201 109

174 129 157 33 549,2 33

9 6 1,8 1 0,5 < 0,1

4 774 3 486 1 703 1 325 1 109 447

* Résidu sec : obtenu après évaporation de l’eau à 180 °C. Il est le reflet de la minéralisation de l’eau. Sources : Étiquettes ou analyses de laboratoires agréés.

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dossier enseignement Tableau IX. Évaluations par équivalence de la consommation d’alcool : boissons apportant environ 10 g d’alcool.

Nature et quantité correspondant à 1 dose Vin : 1 verre (100 ml) Bière de luxe : 1 demi (250 ml) Cidre : sec : 2,5 verres (250 ml) doux : 5 verres (500 ml) Apéritif anisé : 1 dose (25 ml) Whisky : 1 dose (25 ml) Rhum : 1 dose (25 ml) Eaux de vie blanches (mirabelle) 1 dose (25 ml) Eaux de vie de vin (cognac) 1 dose (25 ml) Champagne : 1 coupe (100 ml)

Degré d’alcool (valeurs courantes)

Alcool g/l

Glucides g/l

kcal pour une dose

10-13

80-104



70

5

40

35

120

5-6

40-50

2

100

1,6-2,7

13-24

40-60

200

≤ 45

< 360



70

40-45

320-360



70

33-40

280-320



70

40-60

320-480



70

40-60

320-480



70

10

80



70

Produits laitiers Formes classiques de commercialisation du lait – Le lait pasteurisé est soumis à un chauffage modéré en vue de détruire les microbes pathogènes éventuellement présents. La pasteurisation du lait s’effectue par un chauffage à une température de 72 °C à 85 °C pendant 15 à 20 secondes, suivi d’un refroidissement rapide. Ce lait conserve une flore microbienne inoffensive qui pourrait altérer ses qualités organoleptiques. C’est pourquoi il faut le conserver au froid (0 °C à 6 °C). Il doit être consommé dans un délai maximal de 7 jours, ou 2 jours dès que l’emballage est ouvert. – Le lait stérilisé subit un chauffage énergique destiné à détruire tous les micro-organismes présents. C’est le procédé UHT (Ultra Haute Température) qui est le plus utilisé. Il consiste à appliquer un chauffage instantané à 140 °C-150 °C pendant 2 secondes. Le conditionnement est effectué dans les emballages stériles. Ce lait peut être conservé à température ambiante pendant plusieurs mois. – Le lait concentré subit une déshydratation partielle par évaporation de l’eau de constitution. Le lait subit d’abord une pasteurisation puis une évaporation sous vide partiel à basse température. Le lait concentré non sucré est ensuite conditionné puis stérilisé à 115 °C-120 °C pendant 20 mn. Le lait concentré sucré est additionné de sucre puis conditionné en boîte ou en tube. Ces laits peuvent être conservés à température ambiante pendant plus d’1 an dans leur emballage fermé. – Le lait en poudre contient moins de 4 % d’eau ce qui empêche tout développement microbien. Le lait, préalablement concentré, est desséché par pulvérisation dans un courant d’air chauffé à 150 °C-160 °C. L’évaporation est immédiate. La poudre obtenue est conditionnée sous 226

azote, lorsqu’il s’agit de lait entier ou demi-écrémé, pour éviter l’oxydation des matières grasses. La poudre de lait peut être conservée au sec et à température modérée pendant plusieurs mois. Cependant, ce produit étant très hygroscopique, un emballage ouvert doit être consommé rapidement. La poudre n’étant pas stérile, le lait ne doit pas être reconstitué à l’avance. Ces laits sont commercialisés sous la forme de lait entier, demi-écrémé ou écrémé. La couleur dominante de l’emballage est respectivement rouge, bleue ou verte en fonction de la teneur en matières grasses. Les laits pasteurisés n’existent pas sous la forme écrémée. Les technologies mises en œuvre permettent de conserver au lait l’essentiel de ses qualités nutritionnelles de départ. Cependant, les laits stérilisés subissent une perte vitaminique modérée (environ 10 %) et la valeur biologique de leurs protéines peut être affectée en raison du blocage de certains acides aminés (réaction de Maillard). Conditions de conservation du lait Contrairement au lait cru, il n’est pas nécessaire de faire bouillir les laits conservés par l’une ou l’autre des méthodes décrites ci-dessus avant de les consommer. Laits à teneur garantie en vitamines – Laits enrichis Des laits à teneur garantie en vitamines ou enrichis en divers éléments nutritifs sont proposés aux consommateurs. En voici quelques exemples : • lait enrichi en fer, zinc, vitamine D et acides gras essentiels (« Croissance » de Candia), • lait enrichi en fer, zinc, magnésium, acide folique et vitamine D (« Future Maman » de Candia, « Pour Maman » de Gervais), Cah. Nutr. Diét., 39, 3, 2004

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dossier enseignement

Conditions et durée de conservation

Type de lait Lait pasteurisé

au réfrigérateur (0 à 6 °C) pendant 7 jours au maximum (emballage fermé)

– UHT

Lait concentré Lait en poudre

Hydrogénation Dès que l’emballage est ouvert on doit conserver ces laits au réfrigérateur et les consommer dans un délai maximal de 48 heures

Lait stérilisé

– classique

Conditions de consommation

Après le raffinage, trois types de transformation sont appliquées aux matières grasses dans le but de modifier leurs caractéristiques physico-chimiques. Ces transformations permettent de créer des produits adaptés aux besoins culinaires et industriels ainsi que des produits « nouveaux » à teneur en lipides réduite.

150 jours à température ambiante (emballage fermé) 90 jours à température ambiante (emballage fermé) Plus d’un an à température ambiante 1 an emballage fermé

L’hydrogénation, selon qu’elle est sélective ou non sélective consiste à saturer en partie ou en totalité les doubles liaisons des acides gras insaturés par de l’hydrogène. L’hydrogénation conduit à la formation d’isomères trans (acide élaïdique : C18:1 trans) dont le métabolisme est proche de celui des acides gras saturés. Ces transformations permettent de modifier le point de fusion d’un corps gras et d’améliorer sa stabilité à la chaleur. Cette technique permet de fabriquer des margarines spéciales pour la pâtisserie, des margarines à partir d’huiles de tournesol ou de maïs et des pâtes à tartiner à teneur réduite en lipides. Inter-estérification

C’est le réarrangement moléculaire des acides gras sur le glycérol qui permet d’améliorer les propriétés physiques et plastiques des corps gras. L’inter-estérification est en général associée à l’hydrogénation. Fractionnement

• lait enrichi en fer, zinc et magnésium à teneur garantie en vitamines du groupe B et en vitamines A, C et E (« Grand Vivre » de Candia), • lait écrémé à teneur garantie en vitamines A, E, C et vitamines du groupe B (« Silhouette » de Candia), • lait enrichi en Calcium et en vitamine D (lait Calcium Plus de Candia), • lait enrichi en acides gras essentiels de type Oméga 3 (lait aux Oméga 3 de Candia) : il s’agit d’un lait 1/2 écrémé auquel on a ajouté de l’huile de poisson (0,29 %) source d’acides gras de type Oméga 3 (EPA, DHA). L’apport en Oméga 3 de ce type de lait est de 60 mg/ 100 ml (les apports nutritionnels conseillés pour la population française sont de 500 mg/j). • lait enrichi en Protéines et/ou en Calcium et à teneur garantie en vitamines A, E, et en vitamines du groupe B (« Viva Protéines » de Candia et « Nactalia » de Gervais). • lait à teneur garantie en vitamines A, B1, B2, B5, B6 et PP (entier ou 1/2 écrémé) (« Viva Vitamines » de Candia). Certains de ces laits sont destinés à des consommateurs spécifiques : enfants de 1 à 3 ans (Lait « Croissance »), femmes enceintes ou allaitantes (Lait « Future Maman » ou « Pour Maman »). Le tableau IV compare les teneurs respectives des laits de consommation courante et des laits enrichis en quelques minéraux et en acide folique. La consommation de ce type de lait reste encore modeste. Le choix de ces exemples ne constitue en aucun cas un jugement de valeur sur l’intérêt de ces produits. De nombreux autres fabricants proposent des produits de ce type.

Utilisation des matières grasses Il est souhaitable d’utiliser plusieurs types de matières grasses. Leurs apports nutritionnels (acides gras, vitamines) diffèrent et ils se prêtent plus ou moins bien aux divers usages culinaires. Le beurre sera de préférence consommé cru ou fondu. On estime généralement qu’il commence à se décomposer à 120 °C. Les beurres et les margarines allégées, à 40 % ou 27 % de lipides, supportent mal la cuisson du fait de leur richesse en eau. Les margarines au tournesol ou au maïs peuvent être utilisées en remplacement du beurre. Pour la réalisation de cuissons à feu vif et de fritures, il est préférable d’utiliser les huiles d’arachide ou d’olive ou encore l’huile de palme ou de coprah (végétaline). Du fait de leur teneur élevée en acides gras saturés, ces deux dernières huiles supportent des températures de 200 °C. Une huile de friture ne doit jamais fumer. Il est souhaitable de la filtrer après chaque usage et de la remplacer après 7 ou 8 cuissons. Les huiles de soja, colza et noix sont préférentiellement utilisées pour les assaisonnements à froid. Les autres huiles (tournesol, maïs, pépin de raisin) peuvent indifféremment servir aux assaisonnements et aux cuissons.

Matières grasses

Légumes et fruits

Technologie des corps gras Le raffinage est pratiqué dans le but d’éliminer les constituants gênants des matières grasses brutes : acides gras libres, phospholipides, mucilages, cires, produits d’oxydation, odeurs et saveurs trop prononcées, pigments, métaux lourds, pesticides et mycotoxines. Le raffinage ne modifie pas notablement la composition globale des corps gras.

Effet de la cuisson sur les légumes La cuisson modifie la consistance, la couleur et le goût des légumes. Elle provoque une dissociation des fibres cellulosiques, qui améliore la digestibilité du légume. L’amidon se gélatinise et se transforme partiellement en dextrines. Les composés sulfurés des légumes à goût fort sont hydrolysés en composés volatils (choux).

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Le fractionnement consiste à séparer un corps gras en fractions de caractéristiques physiques différentes. Un corps gras (par exemple l’huile de palme) peut ainsi être séparé en une huile et une fraction solide dont le point de fusion est plus élevé que le corps gras de départ. Chacune des fractions obtenues est utilisée pour des usages différents.

227

41

dossier enseignement En dehors de ces effets positifs, la cuisson est responsable si elle n’est pas bien menée d’une perte plus ou moins importante de vitamines et de minéraux (par dissolution et par inactivation due à la chaleur). Si on veut conserver aux légumes un maximum de leurs propriétés nutritionnelles, il est nécessaire de les cuire dans un minimum d’eau ou si possible à la vapeur, en gros morceaux ou sans les peler de façon à limiter les pertes par dissolution, en l’immergeant dans l’eau bouillante afin de détruire l’enzyme responsable de la destruction de la vitamine C (oxydase). Conservation des légumes et des fruits

– Conserves appertisées Les légumes subissent un blanchiment qui conduit à la destruction des enzymes en particulier des oxydases, puis ils sont mis en boîte et généralement préchauffés afin d’évacuer un maximum d’oxygène. Les boîtes, serties, sont stérilisées pendant un temps et à une température variables avec la nature et l’acidité du produit. La valeur alimentaire des légumes ainsi conservés est comparable à celle d’un légume cuit à la maison. L’acidité de la plupart des fruits permet la stérilisation à des températures inférieures ou égales à 100 °C et de durée plus courte. Les conserves de légumes et de fruits gardent leurs propriétés organoleptiques et nutritives pendant plusieurs années (1 à 4 ans selon les cas). – Surgélation Les légumes sont préalablement blanchis afin d’inactiver les enzymes. Les fruits sont sucrés et additionnés d’antioxydants (acide citrique ou acide ascorbique) pour éviter le brunissement et l’oxydation de la vitamine C. Ces légumes et ces fruits peuvent être conservés 1 à 2 ans à des températures inférieures à – 18 °C. Leur valeur nutritionnelle est très proche de celle des produits frais. – Ionisation ou irradiation Cette méthode est utilisée en particulier pour inhiber la germination des pommes de terre, des oignons et des pro-

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duits analogues, détruire les insectes des productions céréalières et retarder l’altération d’un aliment (fraises, champignons). – Produits de 4e gamme2 La mise à disposition du consommateur de légumes et fruits frais et prêts à l’emploi (épluchés, découpés) s’est largement développée au cours de ces dernières années (en particulier salades et divers légumes râpés et émincés). Ces produits sont conditionnés dans un emballage étanche, sous atmosphère modifiée et conservés à une température inférieure à 8 °C. Leur durée de conservation est limitée à une semaine. Les procédés mis en œuvre permettent de prolonger la durée de vie du légume en lui conservant ses propriétés organoleptiques, hygiéniques et nutritionnelles.

Bibliographie [1] Basdevant A., M. Laville M., Lerebours E. – Traité de nutrition clinique de l’adulte. Flammarion MédecineSciences, Paris 2001. [2] Dupin H.J.L., Malewiak M.J., Leynaud-Rouaud C., Berthier A.M. – Alimentation et Nutrition Humaines, Éditions ESF, 1992. [3] Grundy S.M., Deke M.A. – Dietary influences on serum lipids and lipoproteins, J. Lipid, Res., 1990, 31, 1149. [4] Martin A. – Coordonnateur, Apports nutritionnels conseillés pour la population française, 3e éd., Tec & Doc, Lavoisier, Paris, 2001. [5] Répertoire général des aliments, INRA, CIQUAL, 1. Table de composition des corps gras (1987), 2. Table de composition des produits laitiers (1987), 3. Table de Composition Générale, 2e éd., 1995. Éditions LavoisierTec & Doc, Paris.

2. La 1re gamme représente les fruits et légumes frais vendus en état, la 2e gamme les conserves, la 3e gamme les surgelés. Il existe une 5e gamme qui correspond aux denrées cuites conditionnées sous vide.

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Besoins nutritionnels

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Besoins nutritionnels (2) Conseils nutritionnels, évaluation des apports, et prescription d’un régime

Points à comprendre Avant d’envisager de donner des conseils nutritionnels, il est hautement souhaitable de connaître : - le concept de besoins nutritionnels et d’apports recommandés en macro et micro-nutriments, - les principales caractéristiques des aliments, - les risques de carences ou d’excès alimentaires de certains groupes de la population, - les maladies à déterminisme nutritionnel et les moyens de les prévenir. Par ailleurs, ce conseil, s’il s’adresse à un individu, doit tenir compte de son mode de vie et de ses habitudes alimentaires, c’est pourquoi tout médecin doit savoir les évaluer, en sachant qu’il s’agit plus de s’intéresser à la typologie de consommation que de se lancer dans un calcul de calories qui sera approximatif et inutile.

A savoir absolument Les besoins nutritionnels Les apports nutritionnels conseillés (ANC) pour la population française, qui ont été actualisés en 2001, constituent une bonne base d’information et de réflexion pour le clinicien. Mais il ne faut pas oublier qu’ils sont destinés à couvrir les besoins de la quasi-totalité de la population et ne correspondent pas une norme individuelle. En pratique, il est admis que si les apports d’un individu se situent entre le besoin moyen, correspondant à un peu plus des deux tiers des ANC, et l’ANC, les risques de carences nutritionnelles sont faibles.

Apports énergétiques et macro-nutriments Le bilan énergétique doit être équilibré pour que le poids et la composition corporelle restent stables : il convient donc d’adapter les entrées aux sorties (et vice versa). Les dépenses énergétiques de repos (DER) peuvent être estimées par diverses équations (prenant en compte l’âge, le sexe, le poids et éventuellement la taille, cf. “pour approfon2S14

dir”). Elles dépendent essentiellement de la composition corporelle et principalement de la masse maigre. Les DE totales des 24 h sont calculées en fonction du niveau habituel d’activité physique (NAP) par une formule simple : DE 24 h = DER x NAP. Quatre niveaux de NAP [1,4 : niveau faible ; 1,6 niveau moyen ; 1,8 niveau fort ; 2 (hommes), 1,9 (femmes) : niveau très élevé] permettent de décrire avec suffisamment de précision les dépenses habituelles du sujet (ANC 2001). On voit ici que l’activité physique quotidienne joue un rôle régulateur majeur. En considérant l’évolution moyenne de la corpulence à l’âge adulte dans les pays industrialisés, on réalise combien il est difficile de réguler ce bilan énergétique : une erreur quotidienne de moins de 1 % permet d’expliquer la prise de poids de 6 kg chez les femmes et de 8 kg chez les hommes entre l’âge de 20 ans et celui de 50 ans !

• Les glucides Les glucides devraient, en règle générale, représenter 5055 % des apports énergétiques totaux (AET). C’est rarement le cas ! Les apports spontanés sont souvent insuffisants (39-41 % des AET dans les enquêtes françaises). La consommation d’aliments contenant des glucides complexes, sous une forme non ou peu raffinée, devrait être favorisée pour au moins deux raisons : ils sont une bonne source d’amidon d’une part et ils sont souvent riches en micro-nutriments (oligo-éléments et vitamines) et en fibres d’autre part. Ce sont en particulier les produits céréaliers peu transformés et les légumineuses. Les études épidémiologiques ont montré que la consommation de céréales complètes et de fibres diminuait sensiblement le risque de maladies cardio-vasculaires et de diabète. Celle de fruits et de légumes est particulièrement conseillée pour diminuer le risque de cancer et le risque vasculaire. La quantité de sucres simples (glucose, fructose, saccharose) doit-elle être limitée ? La règle de ne pas dépasser 10 % des AET ne repose pas sur des arguments scientifiques irréfutables. L’effet hyperglycémiant du saccharose (cf. la notion d’index glycémique) est voisin de celui du pain blanc ou de la pomme de terre. Néanmoins, les aliments riches en sucres le sont souvent aussi en lipides (barres chocolatées, pâtisseries, collations diverses) et Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001

Besoins nutritionnels 43 apportent donc beaucoup de calories sous un faible volume (densité énergétique élevée). C’est également le cas des boissons sucrées qui sont souvent consommées en grandes quantités, notamment par les enfants ou les adolescents. On dit que ces aliments sont sources de “calories vides” car ils sont pauvres en micro-nutriments (cf. notion de densité nutritionnelle). Par conséquent, même sans “diaboliser” les aliments riches en sucres simples, il ne faut pas en favoriser la consommation excessive. Cela est particulièrement vrai pour les sujets sédentaires. A l’inverse, ils sont utiles au sportif car le glucose est le nutriment de l’effort. Les régimes hyperglucidiques (> 55 % des AET) n’ont pas d’inconvénients pour la santé. Toutefois, ils peuvent dans certains cas avoir des effets métaboliques défavorables en augmentant la concentration plasmatique des triglycérides et baissant celle du cholestérol-HDL. Ces anomalies sont favorisées par l’obésité androïde et font partie du syndrome plurimétabolique (ou syndrome X d’insulino-résistance).

• Les lipides Les lipides alimentaires devraient fournir 30-35 % des AET. Or, les enquêtes de consommation montrent que les Français consomment en moyenne trop de lipides (38-40 % des AET). De plus, l’excès d’apport concerne particulièrement les acides gras saturés (AGS), dont la consommation est associée à un risque accru d’obésité, de maladies cardio-vasculaires et de certains cancers dans de nombreuses études épidémiologiques. Selon les ANC, il faudrait donc limiter leur consommation à environ 8 % des AET, soit 19,5 g /j chez l’homme et 16 g/j chez la femme, pour un apport énergétique respectivement de 2 200 et de 1 800 kcal/j. Les aliments en cause sont les produits d’origine animale : viande-charcuterie et produits laitiers. En revanche, les acides gras monoinsaturés (AGMI) et les acides gras polyinsaturés (AGPI) ont des propriétés intéressantes. Leurs apports sont parfois insuffisants ! Les AGMI sont favorisés dans les dernières recommandations (ANC : 20 % des AET), car ils ne sont pas athérogènes. L’intérêt nutritionnel spécifique des 2 familles d’AGPI, la série n-6 et la série n-3 est reconnu. Les AGPI à 18 carbones sont considérés comme des acides gras essentiels car ils ne sont pas synthétisables par l’homme ou l’animal et car ils sont indispensables pour la croissance et les fonctions physiologiques. Ce sont l’acide linoléique (C 18 : 2 n-6) et l’acide alpha-linolénique (C 18 : 3 n-3). Le premier est abondant dans les huiles de tournesol et de maïs ; l’ANC est de 10 g/j chez l’homme et de 8 g /j chez la femme, soit 4 % des AET. Le second est apporté par les huiles de soja, de colza ou de noix. L’ANC est de 0,8 % des AET, soit environ 2 g/j. Ces deux acides gras sont les précurseurs d’acides gras dérivés à longue chaîne (AGPI-LC), qui ont plus de 18 carbones et qui ont également des fonctions physiologiques spécifiques. Les AGPI-LC sont considérés comme “indispensables sous conditions”. Il faut donc veiller à un apport alimentaire suffisant dans certaines situations physiologiques ou pathologiques. Les personnes à risque de carences sont en France : les nouveau-nés prématurés, les femmes enceintes ou allaitantes, les personnes âgées, les patients souffrant de malabsorption intestinale ou d’autres pathologies graves. Pour la série n-3, il s’agit de l’acide eicosapentaénoïque (C 20 :5 n-3 ou EPA) et l’acide docosahexaénoïque (C 22 : 6 n-3 ou DHA), qui sont apportés Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001

par la consommation de poisson, d’animaux marins et chez le nourrisson par le lait maternel. L’acide arachidonique (C 22 : 4 n-6) est le représentant des AGPI-LC de la série n-6. Les principales sources alimentaires sont la viande, l’œuf et le lait maternel. Du fait de phénomènes de compétition entre les deux familles n-6 et n-3, le rapport C 18: 2 n-6/ C 18 : 3 n-3 ne doit être ni trop haut ni trop bas. Il a été fixé à 5 dans les derniers ANC. Un excès d’apport de DHA entraîne par exemple une carence en acide arachidonique.

• Les protéines Les ANC ont été revus à la baisse pour les protéines, soit 0,8 g/kg/j (à la place des 1 g/kg/j), pour des protéines de bonne qualité (œuf, lait, viande, poisson). Cela correspond à 11-15 % des AET, pour des protéines de qualité moyenne (ANC 2001). L’alimentation de la population française est habituellement riche en protéines (14 –18 % des AET ou 1,3-1,6 g/kg /j). Les effets délétères de cet excès ne sont pas clairement établis. Mais il faut souligner que les aliments riches en protéines le sont souvent aussi en lipides. Cela est particulièrement vrai pour les produits d’origine animale (viande, charcuterie, fromage). En pratique, on est donc souvent amené à proposer une diminution des apports de protéines animales, qui représentent 65 % des apports protéiques en France, au profit de la consommation de protéines végétales. Néanmoins, les protéines animales ont l’avantage d’être très digestibles et ont une teneur élevée en acides aminés indispensables. Les protéines végétales ont des propriétés variables en fonction de leur origine (céréales ou légumineuses), tant pour leur digestibilité que pour leur composition en acides aminés indispensables (de l’ordre de 40 %). Les céréales sont déficitaires en lysine et les légumineuses en acides aminés soufrés ; d’où l’intérêt de les associer, notamment dans les régimes végétariens. Les régimes végétaliens, qui excluent tous les produits animaux, sont carencés en acides aminés essentiels et en vitamine B12.

Les minéraux et les vitamines Les éléments minéraux sont classés en 2 catégories : les minéraux majeurs ou macro-éléments (apports quotidiens de l’ordre du gramme) et les oligo-éléments ou éléments trace (apports inférieurs à une centaine de microgrammes). Les macro-éléments sont le sodium, le potassium, le chlore, le calcium, le phosphore et le magnésium. Les oligo-éléments sont beaucoup plus nombreux. Ce sont par exemple le fer, le zinc le cuivre le manganèse, l’iode... Les études sur le statut minéral et vitaminique de la population française ont montré qu’il n’existait pas de carence majeure à deux exceptions près : 1) l’anémie ferriprive chez les femmes enceintes, les femmes en âge de procréer et les jeunes enfants ; 2) les carences multiples des sujets âgés en institution. Les déficiences moins sévères ne s’accompagnent pas de signes cliniques évidents et sont donc diagnostiquées sur des critères biologiques, parfois imprécis. Elles posent par conséquent des problèmes d’appréciation. Il n’est pas certain que leur traitement permette d’améliorer l’état de santé. Des études d’intervention sont en cours. Les apports de vitamine A, bêta-carotène, vitamine E pour les vitamines liposolubles, de vitamines B1, B2, 2S15

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B6, C et acide folique pour les vitamines hydrosolubles seraient insuffisants dans certains groupes de la population française. En ce qui concerne les minéraux, des déficits en cuivre, en sélénium et en iode ont été observés. Retenons, en règle générale, qu’une alimentation équilibrée et donc diversifiée apporte suffisamment de micronutriments lorsque les apports énergétiques sont supérieurs à 1 500 kcal/j. Les besoins sont facilement couverts par la consommation de certains aliments courants avec une fréquence adéquate (tableau I). Il faut particulièrement insister sur les besoins en calcium qui sont plus élevés (ANC : 1 200 mg/j) chez l’adolescent (de 10 à 18 ans) et dans la deuxième partie de la vie (femmes de plus de 55 ans et homme de plus de 65 ans) que chez l’adulte jeune (ANC : 900 mg/j). Les apports en sodium dépassent largement les besoins physiologiques (< 4 g/j de chlorure de sodium), les Français consommant en moyenne 7,9 g/j de NaCl. La pression artérielle est susceptible d’augmenter chez les gros consommateurs de sel, mais ce problème ne concerne que certains sujets hypertendus (répondeurs aux variations des apports de sel). Les besoins de potassium et de phosphore sont couverts par une alimentation normale. Il en va de même pour le magnésium, mais il peut néanmoins exister des carences d’apports (< 2/3

des ANC) lorsque les apports énergétiques sont insuffisants.

Eau Le comportement dipsique est finement régulé. Pourtant les apports en eau sont souvent inadaptés. Les insuffisances d’apports sont fréquentes, notamment chez le sujet âgé. Les excès ne sont pas rares et doivent être recherchés chez l’insuffisant cardiaque ou rénal. Rappelons que les besoins de base sont estimés à 2 600 ml/j et qu’ils sont couverts par des apports exogènes (1 300 ml pour l’eau des boissons, 1 000 ml pour l’eau contenue dans les aliments) et par la production endogène d’eau par le métabolisme.

L’évaluation de l’apport alimentaire Les méthodes On peut individualiser 4 groupes de méthodes utilisables pour le recueil des données nutritionnelles. Elles ont été mises au point pour les études épidémiologiques, aucune de ces approches n’apporte une image réelle de l’alimentation habituelle, mais ce sont des outils que l’on peut adapter à la pratique clinique.

Tableau I Fréquence de consommation des aliments permettant un apport adéquat notamment en acide folique (1), calcium (2), iode (3), fer (4) et vitamine C (5) (ANC 2001) Un produit laitier (en variant laitages frais et fromages) (1.2.3) Viande ou jambon (4), poisson ou fruits de mer (3.4) et/ou de temps en temps de l’œuf (1.3), de la charcuterie chaude, du pâté de foie (1.4), ou du foie (au plus 1 fois/semaine) (1.4)

A chacun des trois principaux repas 1 fois par jour

Légumes** (1) cuits : haricots verts, petits pois, épinards, endives, courgettes, choux-fleurs, tomates, carottes, champignons… (frais, surgelés, ou même en conserve) Ou

2 fois par jour

Pomme de terre, riz, pâtes, ou légumes secs (1.4), châtaignes, maïs, pois chiches (1), avec salade verte ou crudités (dont avocat et melon) ou potage de légumes (1.5) 1 fruit de saison (pomme, poire, fruits rouges, raisins, abricot, pêche…) (1.5) + 1 agrume (1.5), + éventuellement fruits secs (1.4) Dessert sucré ou viennoiserie Du pain : varier les pains, les préférer aux céréales Des matières grasses variées (huiles diversifiées, beurre, crème fraîche, margarine…) De l’eau (si eaux minérales ou de source, varier les origines)

1 fois par jour de chaque sorte Au plus 1 fois par jour A tous les repas Crues de préférence A volonté

Utiliser du sel enrichi en iode (3) * La vitamine C facilite l’absorption du fer ; il est donc conseillé de consommer au même repas des aliments contenant ces deux nutriments. ** Les légumes surgelés sont aussi conseillés que les légumes frais pour la teneur en acide folique ; dans les deux cas, il est déconseillé de cuire trop longtemps les légumes. 2S16

Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001

Besoins nutritionnels 45 ➤ Les enregistrements alimentaires On demande au sujet de noter les aliments et boissons consommés sur une période donnée, en précisant les quantités. L’enregistrement alimentaire apporte potentiellement des informations précises sur les aliments consommés pendant la période d’enregistrement, mais le fait de noter les aliments peut modifier à la fois le type d’aliments, leur nombre et les quantités consommées. ➤ Le rappel de 24 heures Dans le rappel de 24 heures, on demande au sujet de se rappeler et de rapporter tous les aliments et boissons consommés pendant les 24 heures qui ont précédé l’entretien. Cette méthode est rapide et ne demande pas d’implication du répondant, mais du fait de la variabilité intra-individuelle de l’apport alimentaire, elle ne permet pas de caractériser l’alimentation d’un individu ; de plus, les sujets peuvent ne pas rapporter la réalité de leur prise alimentaire, soit par défaut de mémorisation, soit en raison de l’intervention de facteurs cognitifs tels que le désir d’approbation sociale. ➤ Les questionnaires de fréquence de consommation Contrairement aux deux méthodes précédentes, la méthode des questionnaires de fréquence s’intéresse non pas à la consommation réelle, mais à la consommation habituelle. Elle consiste à demander au sujet de reporter la fréquence habituelle de consommation de chaque aliment d’une liste pré-établie De nombreux questionnaires de fréquence ont été mis au point. L’utilisation d’un questionnaire répond à une population et à un but donnés. Ils peuvent être utilisés pour dépister d’éventuelles carences d’apports comme le fer ou le calcium chez la femme enceinte. ➤ L’histoire alimentaire L’histoire alimentaire consiste à estimer l’apport habituel sur une période donnée. Elle est basée sur un interrogatoire détaillé de l’alimentation habituelle du sujet, auquel s’ajoute parfois un rappel de 24 heures et un questionnaire de fréquence. Le principal avantage de la méthode de l’histoire alimentaire réside dans le fait qu’elle permet d’étudier la répartition habituelle de la prise alimentaire et les détails de l’alimentation sur une période prolongée. Cependant, l’approche basée sur les repas qui est pratiquée dans l’histoire alimentaire est difficilement applicable chez les sujets, de plus en plus nombreux, dont la répartition de l’alimentation ne suit pas la répartition classique par repas. Elle peut amener les sujets à omettre volontairement ou non les prises alimentaires inter-prandiales et donc à accentuer la sous-estimation de l’apport alimentaire. ➤ Les méthodes simplifiées Un questionnaire de fréquence complet contient plus de 100 questions. Lorsque l’on s’intéresse à un seul nutriment ou à une seule catégorie d’aliments, 15 à 30 questions peuvent suffire. Plusieurs méthodes simplifiées ont été développées. Ces instruments sont utiles dans les situations qui ne nécessitent pas la mesure de l’ensemble de l’alimentation, ou lorsqu’il n’est pas utile d’avoir une approche relativement précise. Par exemple, ces méthodes peuvent être utiles pour sélectionner des groupes à risque, pour sensibiliser les sujets à l’intérêt d’une information nutritionnelle, ou évaluer l’impact de campagne d’information. De tels instruments peuvent être utiles en clinique ou à des fins éducatives. Ces Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001

méthodes peuvent être des questionnaires de fréquence simplifiés ou peuvent s’intéresser davantage aux attitudes par rapport à l’alimentation.

L’évaluation des apports dans le cadre d’un suivi nutritionnel thérapeutique L’évaluation des apports doit s’intégrer dans la démarche éducative du patient, il faut distinguer la première consultation des consultations de suivi qui ont des objectifs spécifiques différents.

La première consultation Lors du premier entretien, l’objectif de l’évaluation des apports est : - d’évaluer les pratiques alimentaires habituelles du sujet : type d’aliments, répartition des prises alimentaires, ce qui permettra d’adapter le conseil nutritionnel ; - de sensibiliser le patient à son alimentation. Changer un comportement est un phénomène complexe qui comprend plusieurs étapes et le premier entretien peut permettre une prise de conscience de la nécessité de certains changements ; - de dépister d’éventuels troubles du comportement alimentaires, notamment dans le cadre d’une prise en charge pour obésité. Deux méthodes peuvent être utilisées : l’histoire alimentaire et le carnet alimentaire. Le choix de la méthode dépend des préférences du médecin et de la manière dont est organisée la consultation, mais aussi du patient. Dans ce contexte, il peut être utile, notamment chez l’enfant, de s’intéresser aux habitudes familiales et au comportement de la famille par rapport à l’alimentation et à l’activité.

Les consultations de suivi Lors du suivi, l’examen de la prise alimentaire a pour but : - d’encourager le patient en soulignant les points positifs, - de préciser les éléments éventuellement mal compris, - de l’aider à adapter des stratégies de contrôle des prises alimentaires. Deux méthodes peuvent répondre à ces objectifs : • Le rappel des dernières 24 heures Cette méthode n’est pas un reflet exact de l’alimentation habituelle, mais elle permet de faire dire au patient ce qu’il mange, de parler de l’alimentation réelle et ainsi de permettre au soignant de percevoir la manière dont les conseils donnés ont été entendus. • Le carnet alimentaire peut également être utile Tenu par le patient, il permet de noter les différentes prises alimentaires de la journée et les circonstances des prises alimentaires, notamment celles qu’il n’a pas pu contrôler. La tenue quotidienne de ce carnet demande au patient un effort considérable, il n’a de sens que si le soignant accorde une attention et un temps suffisants à l’analyser, de concert avec le patient. Dans le contexte clinique qui privilégie le dialogue, l’informatique a rarement sa place en dehors des services spécialisés ; mais elle peut être utilisée, notamment chez les sujets jeunes, pour les aider à se familiariser avec les aliments et leur composition. Le logiciel utilisé doit donc être davantage conçu pour l’éducation que pour le calcul des apports. 2S17

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Quels conseils nutritionnels ? Même s’il va s’adapter à une pathologie, le conseil nutritionnel doit répondre à des principes généraux, regroupés sous le terme usuel d’équilibre alimentaire. Ces conseils s’adressent à tous, et peuvent dans la généralité être regroupés dans les objectifs du PNNS (tableau II), dans certains cas, il va être nécessaire de les adapter dans le cadre d’une pathologie.

L’équilibre alimentaire Définition Le concept d’équilibre alimentaire est souvent utilisé dans la pratique clinique, car c’est un bon outil pédagogique pour faire passer des idées simples. Mais le définir n’est pas facile. Une alimentation équilibrée doit permettre d’assurer la couverture des besoins en macro et micro-nutriments, qui varient en fonction des situations physiologiques, la croissance harmonieuse chez l’enfant ainsi qu’un vieillissement physiologique dans la deuxième partie de la vie. Le but d’une alimentation saine est aussi de retarder l’apparition des maladies dégénératives à déterminisme nutritionnel. Spontanément, aucune population n’a une alimentation équilibrée. Dans les pays industrialisés, l’abondance alimentaire conduit souvent à favoriser les excès tout en ne supprimant pas le problème des carences. Un des seuls exemples que l’on puisse citer est le régime méditerranéen des années 60. Sur quelle période de temps faut-il équilibrer les prises alimentaires ? La période d’une semaine est probablement l’unité de temps à retenir, plus par commodité que pour des raisons scientifiques. “Equilibrer” chaque repas est néanmoins recommandé pour la restauration collective, que ce soit à l’école ou dans l’entreprise. Le jeune enfant est capable de réguler ses apports énergétiques sur une durée de quelques jours, alors que ses choix alimentaires sont très variables d’un repas à l’autre. Mais il semble que cette faculté d’adaptation soit moins efficace à l’âge adulte pour de multiples raisons. En effet, le comportement alimentaire a aussi des fonctions socioculturelles et un déterminisme psychologique.

Le choix des aliments • Diversifier l’alimentation La variété et la diversité alimentaires ont des définitions précises. La diversité est assurée par la consommation quotidienne d’aliments de chacune des grandes catégories d’aliments : produits céréaliers-légumineuses, fruitslégumes, produits laitiers, viandes-poissons-œufs, ma-

tières grasses, sucres et produits sucrés. La variété correspond à la possibilité de choisir des aliments différents au sein d’une même catégorie. Pourquoi diversifier et varier l’alimentation ? Aucun aliment, à l’exception du lait maternel, n’apporte l’ensemble des nutriments. Une alimentation monotone, limitée à quelques aliments, est donc source de carences nutritionnelles. De plus, elle est susceptible d’augmenter les risques toxicologiques si, le cas échéant, un des aliments contient des contaminants ou des substances antinutritionnelles. Apprendre au jeune enfant à manger de tout et lui donner la possibilité de choisir est donc important en matière d’éducation nutritionnelle. Les goûts et les préférences alimentaires sont en grande partie acquis au cours de la période d’apprentissage. • Ajuster les fréquences de consommation de certains aliments Aucun aliment, présumé consommable, n’est mauvais en lui-même pour l’équilibre alimentaire ou la santé ! Le plaisir alimentaire et la convivialité des repas autorisent quelques excès… L’important est d’évaluer les habitudes alimentaires. Le paramètre essentiel est la fréquence de consommation. Pris quotidiennement en dehors des repas, les aliments de type snacks, souvent riches en graisses et/ou en sucres simples, peuvent avoir un effet défavorable sur la corpulence, s’ils contribuent à déséquilibrer le bilan énergétique… A l’opposé, la consommation d’“aliment de recharge” peut être favorisée en situation de carence ou de besoins accrus. Ce sont les produits carnés pour le fer, le zinc et les protéines, le foie riche en vitamine A, les produits laitiers pour le calcium et les protéines, les fruits de mer pour l’iode, le zinc et le sélénium… • Savoir lire l’étiquetage nutritionnel La notion d’apports journaliers recommandés (AJR) est utilisée pour l’étiquetage. Les AJR, qui sont moins élevés que les ANC, correspondent approximativement aux besoins moyens de la population. Ils répondent à des règles fixées au niveau européen. L’étiquetage nutritionnel est obligatoire lorsqu’une allégation nutritionnelle est faite par le fabricant, qui est alors tenu d’informer le consommateur sur la teneur en énergie, en macro et en micro-nutriments de son produit.

Rythme des prises alimentaires La répartition des apports alimentaires au cours de la journée se fait habituellement en 3 repas principaux : le petit déjeuner couvrant environ 20-30 % des AET, le déjeuner 30-40 % et le repas du soir ou dîner (30 %). Le

Tableau II Les neuf objectifs nutritionnels spécifiques visant des populations particulières dans le Programme National Nutrition Santé (PNNS). 1) réduire la carence en fer pendant la grossesse, 2) améliorer le statut en folates des femmes en âge de procréer, notamment en cas de désir de grossesse, 3) promouvoir l’allaitement maternel, 4) améliorer le statut en fer, calcium et vitamine D des enfants et adolescents, 5) améliorer le statut en calcium et vitamine D des personnes âgées, 6) prévenir la dénutrition des personnes âgées, 7) lutter contre les déficiences vitaminiques et minérales et les dénutritions chez les personnes en situation de précarité, 8) lutter contre les déficiences vitaminiques et minérales et les dénutritions chez les personnes suivant des régimes restrictifs et les problèmes nutritionnels des sujets présentant des troubles du comportement alimentaire, 9) prendre en compte les problèmes d’allergies alimentaires. 2S18

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Besoins nutritionnels 47 goûter constitue un 4e repas chez l’enfant, l’adolescent et parfois chez l’adulte. Il n’existe pas d’arguments scientifiques pour proposer un nombre idéal de repas. Leur fréquence comme leurs modalités (composition et horaires) sont essentiellement influencées par des facteurs socio-culturels et varient beaucoup d’un pays à l’autre. Le petit déjeuner ne doit pas être considéré comme obligatoire ! La prise d’une collation dans la matinée pourra éviter un jeûne de longue durée (de 19 h à midi le lendemain) et qui n’est peut-être pas idéal sur le plan physiologique. Le fractionnement organisé de l’alimentation pourrait avoir l’avantage, au moins pour certains individus, d’éviter les prises extra-prandiales, anarchiques et irrégulières, sous forme de grignotages ou de compulsions, qui peuvent constituer de véritables troubles du comportement alimentaire. Il permet alors de mieux réguler les apports énergétiques.

La structure et l’organisation des repas Traditionnellement dans la culture française, la structure du repas est ternaire : entrée, plat garni, fromage ou dessert… Le mangeur a donc l’occasion de consommer sous forme froide ou chaude, sucrée ou salée, l’ensemble des aliments nécessaires à l’équilibre alimentaire. Mais les normes et les pratiques évoluent. Ce phénomène de transformation sociale des habitudes alimentaires ne doit pas être interprété trop rapidement comme néfaste, au profit d’“un ordre alimentaire” qui n’a pas de réelle justification scientifique. Cependant, les repas pris hors du domicile sont souvent limités à un seul plat ou à un sandwich et il est donc nécessaire d’évaluer les conséquences de ce type de pratiques sur l’équilibre nutritionnel… Le terme de repas destructuré est purement descriptif et ne doit pas être associé à un jugement de type normatif. La prise du repas devrait être considérée comme un moment privilégié de détente et de rencontre.

Conseils spécifiques pour les maladies à déterminisme nutritionnel L’alimentation joue un grand rôle dans la prévention et le traitement de certaines maladies fréquentes, comme l’a souligné récemment le “Programme National Nutrition Santé” (PNNS, janvier 2001). Certes, les facteurs nutritionnels ne sont pas les seuls en cause, qu’ils soient des facteurs de risque ou des facteurs de protection. Ces maladies multifactorielles résultent de l’interaction de facteurs génétiques et de facteurs d’environnement. Mais elles concernent l’ensemble de la population. La promotion de comportements favorables à la santé est un des buts affichés de ce plan. Les détails des mesures spécifiques seront donnés dans les chapitres correspondants de cet ouvrage. Nous rappellerons ici brièvement quelques messages essentiels : • Pour les maladies cardio-vasculaires - Pour lutter contre l’hypercholestérolémie, limiter l’apport lipidique, notamment en réduisant la consommation d’AG saturés. Des Indices d’athérogénicité ont été établis en fonction de la composition en AG saturés des aliments (cf. “pour approfondir”). - Régime anti-thrombogène : mêmes consignes. Favoriser la consommation de fruits et légumes et de poisson. - Régime de l’hypertension artérielle : perte de poids en cas d’obésité et contrôle des apports de sodium. • Pour les cancers Favoriser la consommation de fruits et de légumes. Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001

• Pour l’obésité - Equilibrer le bilan énergétique en limitant la consommation d’aliments à densité énergétique élevée. - Promouvoir l’activité physique • Pour le diabète de type 2 Les mesures sont les mêmes que pour l’obésité. - Afin d’éviter les pics hyperglycémiques post-prandiaux, on vise à répartir les apports glucidiques en tenant compte de l’effet hyperglycémiant des aliments évalué par l’index glycémique. Pour approfondir, on peut consulter le site suivant : http://www.alfediam.org/alfediam_fr/recomandations/ alfediam-nutrition-diabete.htm • Pour l’ostéoporose Veiller aux apports de calcium et de vitamine D.

Pour qui ? A l’échelon individuel Il est important que les conseils nutritionnels soient personnalisés. Prendre en compte toutes les caractéristiques de l’individu (âge, sexe, situation familiale, activité professionnelle, goût et préférences, pratiques religieuses...) est donc essentiel, de même que connaître son mode de vie (horaires de travail, déplacements professionnels, loisirs). L’analyse de ces facteurs et des antécédents personnels et familiaux permet d’évaluer le risque de maladies à déterminisme nutritionnel. Les messages seront donc ciblés sur certains facteurs. L’intérêt de la prévention primaire et/ou secondaire de ces maladies sera développé ailleurs. Il n’est pas raisonnable dans l’état actuel des connaissances de soigner un patient diabétique, dyslipidémique, obèse ou coronarien sans prendre en compte sa façon de manger. Les traitements diététique et médicamenteux sont complémentaires et ont souvent des effets synergiques.

Population générale L’alimentation de la population générale change en France comme dans d’autres pays industrialisés en fonction de déterminants socio-économiques et culturels. Parmi les facteurs les plus importants, il faut citer le vieillissement de la population et le développement de l’alimentation hors foyer. Ajoutons que l’immense majorité de nos aliments sont fabriqués par l’industrie agroalimentaire. Celle-ci peut donc avoir une influence importante sur les choix des consommateurs, selon les lois de l’offre et de la demande. L’analyse des comportements a permis récemment de décrire 6 groupes de consommateurs en fonction de leur Typologie alimentaire (cf. “pour approfondir”).

Populations particulières, groupes à risque Le PNNS a prévu 9 objectifs nutritionnels spécifiques, correspondant aux problèmes posés par certains groupes à risque (tableau II).

Modalités pratiques Par qui ? Tous les acteurs de la santé sont concernés, mais le rôle essentiel est joué par le médecin de famille (ou le 2S19

Besoins nutritionnels pédiatre). En effet, celui-ci intervient au niveau de la prévention comme dans le suivi à long terme des maladies nutritionnelles. Les médecins spécialistes (par exemple : le cardiologue ou le gynécologue…) ont un rôle spécifique quand il faut traiter une pathologie donnée ; ils sont donc bien placés pour convaincre le patient de modifier ses habitudes alimentaires dans un but précis. Le diététicien est le “technicien” de l’aliment et de l’acte alimentaire. Il aide le patient à mettre en pratique les conseils généraux donnés par le médecin, en orientant sur le choix des aliments ou en expliquant des modes de préparation culinaires. Malheureusement, l’acte de diététique n’existe pas dans la nomenclature et n’est donc pas actuellement remboursé par la Sécurité sociale. La plupart des diététiciens travaillent donc au sein de centres hospitaliers. De plus en plus, en raison de l’importance de la sédentarité et de sa lutte, on est amené à le faire travailler en binome avec un animateur médico-sportif qui aide le patient à retrouver une activité physique. Les spécialistes en nutrition (DESC de Nutrition), qu’ils soient libéraux ou hospitaliers, interviennent en “deuxième ligne” pour traiter les cas difficiles. Les psychologues et les psychiatres peuvent être sollicités pour prendre en charge les troubles graves du comportement alimentaire (boulimie, frénésie alimentaire, anorexie mentale…).

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Figure 1 Le bateau alimentaire (P. Sabatier, G. Pérès, A. Martin (ANC 2001). Les différentes parties du bateau représentent les catégories d’aliments : la surface des éléments graphiques est proportionnelle à la quantité journalière conseillée.

Comment ? Moyens L’éducation nutritionnelle fait partie de toutes les prises en charge, qu’elles soient préventives ou curatives. Les objectifs pédagogiques seront adaptés en fonction du contexte : connaissances des aliments et des nutriments, évaluation des prises alimentaires et des rythmes biologiques, analyse des facteurs socio-culturels. L’éducation nutritionnelle ne peut se résumer à proposer une liste type d’aliments interdits ou au contraire autorisés. Tout personnel de santé devrait être capable de donner des conseils simples basés sur l’équilibre alimentaire. Les moyens utilisables sont multiples : discussion ouverte, utilisation de fiches, de livrets, de logiciels spécifiques, ou d’Internet… Nous donnons à titre d’exemple l’image du bateau, proposée récemment pour expliquer facilement l’intérêt des différents groupes d’aliments (figure 1).

Prescription personnalisée Les conseils généraux ont peu de chance d’être suivis (par exemple : vous n’avez qu’à manger mieux ou manger moins…). Il faut nécessairement tenir compte des multiples facteurs déjà cités qui influencent le comportement alimentaire sans oublier les convictions philosophiques et religieuses.

Le rôle du soignant Le médecin doit faire preuve d’empathie (capacité intuitive de se mettre à la place du sujet), lorsqu’il aborde une prise en charge nutritionnelle. Changer sa façon de manger, c’est aussi changer sa façon de vivre. Le concept de “médecine centrée sur la personne” et non exclusivement sur la maladie prend ici tout son sens. L’objectif est d’aboutir à une gestion commune des problèmes, à un partenariat, qui permet au soigné de faire sienne la démarche thérapeutique. Il est illusoire de vouloir modifier un comportement en promulguant des interdits ! L’envie est un bien meilleur moteur que la contrainte. 2S20

L.V. : Légumes verts Fr. : Fruits Fec : Féculents & farineux S.s. : Sucres simples

P.I. : Produits laitiers P.p.b. : Produits pêche & boucherie G.a. : Graisses animales G.V. : Graisses végétales

Des connaissances dans le domaine de la pédagogie et de la communication, voire de la psychologie seront ici bien utiles.

Pour approfondir • Calcul des dépenses énergétiques de repos 1) Equations de Black (ANC 2001) Femmes Hommes

DER = 0,963 x P 0,48 x T 0,50 x A –0,13 DER = 1, 083 x P 0,48 x T 0,50 x A –0,13

DER en MJ.J-1, Poids en kg, Taille en m et Age en années. Pour passer en kcal/j : DER MJ.J-1 x 1000/ 4,1868 Cette équation surestime de 3 à 6 % la DER des personnes obèses et sous-estime de 3 à 5 % celle des sujets âgés de 60 à 70 ans actives pour leur âge (ANC 2001). Le groupe d’experts des ANC 2001 ont choisi cette formule comme étant la plus précise. Pour évaluer les DE 24 h, il faut multiplier la DER par le NAP (niveau activité physique) pour lequel il existe 4 niveaux : - inactivité : 1,4 - activité usuelle : 1,6 - sujets actifs : 1,8 - sujets très actifs : 2 (hommes), 1,9 (femmes) Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001

Besoins nutritionnels 49 2) Equations de l’OMS (1985) DER en kcal/j Âge 3-10 ans 10-18 ans 18-30 ans 30-60 ans > 60 ans

Hommes 22,7 x poids + 495 17,5 x poids + 651 15,3 x poids + 679 11,6 x poids + 879 13,5 x poids + 487

Femmes 22,5 x poids + 499 12,2 x poids + 746 14,7 x poids + 496 8,7 x poids + 829 10,5 x poids + 596

Valeur du NAP selon l’OMS (1985) Activité physique Faible Modérée Intense

Hommes 1,55 1,78 2,10

Femmes 1,56 1,64 1,82

• Densité nutritionnelle et densité énergétique La densité nutritionnelle d’un aliment représente le contenu en micro-nutriments indispensables par rapport à son contenu énergétique (et non pas au poids ou au volume de l’aliment). La densité énergétique correspond à la quantité d’énergie apportée par l’aliment divisée par le poids ou le volume de cet aliment. • Indice d’athérogénicité L’indice d’athérogénicité a été développé en 1991 par Southgate et Ulrich. Cet indice prend en compte les trois classes d’acides gras (AGS, AGMI, AGPI) et leurs capacités à faire varier plus ou moins la cholestérolémie. Plus l’indice d’athérogénicité est élevé, plus l’aliment analysé est athérogène. Le tableau ci-dessous donne quelques exemples. Lait, beurre, Mouton fromage Indice d’athérogénicité

2,03

1

Bœuf

Porc

Poulet (viande et peau)

0,72

0,60

0,50

• Typologie alimentaire L’observatoire des consommations alimentaires (OCA) et le CREDOC ont proposé récemment une typologie des consommateurs de plus de 18 ans. L’analyse des aliments consommés pendant une période de 7 jours, classés en 44 catégories, a permis de distinguer 6 profils de consommateurs. Les risques nutritionnels apparaissent différents selon les groupes. Ce type d’approche n’a pas de finalité clinique, mais il peut être intéressant de l’utiliser pour prendre en compte la dimension sociologique des comportements alimentaires. Groupe 1 : Les petites mangeuses diversifiées Ce groupe est caractérisé par des apports énergétiques faibles et une consommation de fruits et de légumes importante. Il est constitué surtout des femmes âgées de moins de 45 ans. La prévalence de l’obésité y est faible. Conseils nutritionnels : maintenir la diversité alimentaire, prévenir le risque de carences si les AET sont < 1 500 kcal/j.

Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001

Groupe 2 : Les gros mangeurs diversifiés Les apports énergétiques sont importants et l’alimentation est variée. La consommation de pain, de beurre, de viande, de sauce, de sucre et de dérivés est importante. L’obésité et le surpoids sont fréquents dans ce groupe qui comporte surtout des hommes âgés de 25 à 54 ans. Conseils nutritionnels : limiter la consommation d’aliments à densité énergétique élevée ; augmenter la consommation de fruits et légumes (densité énergétique faible), ainsi que l’activité physique. Groupe 3 : Les mangeurs standards Comme son nom l’indique, ce groupe est caractérisé par l’absence de choix alimentaire spécifique et par un niveau de consommation de toutes les catégories d’aliments proche de la moyenne. On y trouve beaucoup de retraités et autant de femmes que d’hommes. Les habitudes alimentaires de ce groupe pourraient être représentatives de l’alimentation traditionnelle française. Le surpoids est fréquent. Conseils nutritionnels : renforcer l’éducation nutritionnelle sur l’équilibre alimentaire, promouvoir l’activité physique. Groupe 4 : Les jeunes mangeurs L’âge est compris entre 18 et 34 ans. La consommation de biscuits sucrés, de riz, de pâtes, de soda et de chocolat est importante. Conseils nutritionnels : diversifier l’alimentation et prévenir l’obésité. Groupe 5 : Les petites mangeuses pressées Ce groupe est formé surtout des femmes jeunes (70 %). L’apport énergétique est faible. La consommation de viennoiserie, de pizza, de quiche est fréquente. La diversité alimentaire est limitée. Conseils nutritionnels : prévenir les carences par l’éducation nutritionnelle et l’apprentissage de la diversité alimentaire. Groupe 6 : Les gros mangeurs monotones Les apports énergétiques sont importants dans ce groupe, constitués à 90 % d’hommes d’âge moyen (25-54 ans). La diversité alimentaire est faible. La consommation de boissons alcoolisées est élevée (20 % des AET). Ce groupe est caractérisé par la surconsommation de certains aliments : fromage, charcuterie, abats, pommes de terre et café. Le surpoids et l’obésité sont fréquents. Conseils nutritionnels : prendre les mesures de prévention de l’obésité.

Pour en savoir plus Basdevant A., Laville M., Ziegler O. - Guide pratique pour le diagnostic, la prévention et le traitement de l’obésité en France. Diabetes Metab., 1998, 24 (Suppl 2), 10-42. Ou Cah. Nutr. Diet., 1999; 34, hors-série 2. Martin A. - Coordonnateur, Apports nutritionnels conseillés pour la population française, 3e éd., Tec & Doc, Lavoisier, Paris, 2001. Rapport du Haut Comité de la Santé Publique. Pour une politique nutritionnelle de santé publique en France. Enjeux et propositions. Editions ENSP, Rennes 2000.

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Besoins nutritionnels

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Besoins nutritionnels (3) Alimentation du sportif

Points à comprendre ➤ L’activité physique (travail, loisir, sport) correspond à tout mouvement corporel produit par la contraction des muscles squelettiques entraînant une augmentation substantielle de la dépense d’énergie au-dessus de la dépense énergétique de repos. ➤ Les contractions musculaires ont pour support, au niveau des fibres musculaires, les glissements des myofilaments d’actine entre ceux de myosine, avec transformation d’énergie chimique provenant de l’hydrolyse de l’ATP en énergie mécanique et thermique. L’ATP, présent en faibles concentrations dans le muscle, doit être rapidement resynthétisé pour la poursuite de l’exercice. Pour un exercice d’une durée supérieure à quelques minutes, l’énergie nécessaire est apportée par la filière aérobie (en présence d’oxygène), principalement à partir de l’oxydation du glucose et des acides gras au niveau de la chaîne respiratoire mitochondriale, l’oxydation des acides aminés étant quantitativement moins importante. La puissance maximale du métabolisme aérobie correspond à la consommation maximale d’oxygène (VO2max) mesurée couramment lors d’un exercice standardisé d’intensité croissante. ➤ L’alimentation du sportif doit répondre aux besoins nutritionnels spécifiques qui découlent des adaptations physiologiques à l’exercice.

A savoir absolument Besoins en énergie Assurer ses besoins énergétiques est la première priorité nutritionnelle pour le sportif. L’activité physique, qu’il s’agisse d’entraînement ou de compétition, augmente la dépense énergétique quotidienne (voir Pour approfondir : Energie). Pour répondre à ces besoins énergétiques accrus, les sportifs doivent augmenter leurs apports alimentaires en fonction de la dépense énergétique prévue. A noter cependant que pour une majorité de sujets pratiquant des activités physiques ou sportives de loisir, avec au plus 3 heures par semaine d’activité et au maximum 2S22

3 entraînements hebdomadaires, la dépense énergétique de la semaine est peu augmentée. Ce type d’activité physique n’implique donc pas un apport énergétique différent de celui recommandé pour la population générale dans le cadre d’une alimentation équilibrée et diversifiée. La détermination des besoins énergétiques et le conseil nutritionnel du sportif se font après une évaluation des apports alimentaires (au mieux par entretien diététique) comparée à l’évaluation de la dépense énergétique, en prenant en compte le type d’activité (intensité, durée, fréquence), le degré d’entraînement et la corpulence du sujet (poids et taille, si possible mesure de la composition corporelle). Les besoins énergétiques des sportifs sont variables au cours de l’année, élevés lors de la saison de compétition, plus faibles en intersaison. Les apports énergétiques accrus des sportifs pratiquant des activités d’intensité élevée doivent être consommés sous forme de repas et de collations. Ceux-ci doivent être riches en énergie, apporter suffisamment de protéines et de micro-nutriments et être facilement digérés et absorbés. Certains sportifs (ex. sports à catégorie de poids) peuvent réduire leurs apports alimentaires dans le but de contrôler leur poids et de réduire leur masse grasse. Des apports énergétiques insuffisants peuvent entraîner une perte de masse musculaire, une perte de masse osseuse, une diminution de la performance et une augmentation du risque de fatigue, d’accident, de maladie intercurrente et de trouble du comportement alimentaire. Lorsqu’une perte de poids est souhaitée, elle devrait se faire avant le début de la saison de compétition et être suivie sur le plan nutritionnel. A l’inverse, un excès d’apport énergétique peut entraîner une prise de poids et de masse grasse et altérer le profil de risque cardio-vasculaire (glycémie, lipides, pression artérielle). Un suivi médical est alors nécessaire.

Besoins en macro-nutriments Besoins en glucides Les glucides représentent le principal substrat énergétique pour la réalisation d’activités sportives de haut niveau d’intensité élevée. Les apports en glucides sont Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001

Besoins nutritionnels 51 essentiels pour maintenir la glycémie pendant l’exercice et pour remplacer le glycogène musculaire (voir Pour approfondir : Glucides). Les apports nutritionnels en glucides conseillés pour le sportif d’endurance peuvent représenter 55 à 65 %, voire 70 % de l’apport énergétique total quotidien équilibrant la dépense énergétique. Les apports recommandés en glucides varient de 5 à 12 g/kg de poids corporel par jour en fonction de l’intensité de l’activité prévue. Le type de glucides est variable en fonction du délai par rapport à l’exercice (avant ou après) : plus ce délai est long, plus les glucides seront de type complexe et à index glycémique faible ; inversement, plus ce délai est court, plus les glucides seront de type simple et à index glycémique élevé. Avant la compétition, différents régimes ont été proposés pour obtenir des taux maximaux de glycogène musculaire au départ de l’épreuve. Le principe est de “saturer” l’organisme en glucides pendant la semaine précédant l’épreuve. Ceci est obtenu par la prise de 600-800 g/jour de glucides, représentant 60-70 % de l’apport énergétique total, principalement sous forme de glucides complexes et d’index glycémique moyen à faible (pâtes surtout, riz, pommes de terre…). Parallèlement, le volume quotidien d’exercice est progressivement diminué. Ce type de régime n’est indiqué que pour des compétitions d’une durée minimum de 1,5 à 2 heures. Pendant la compétition, des glucides simples et d’index glycémique élevé comme le glucose, le saccharose et les maltodextrines sont d’efficacité égale pour le maintien de la glycémie. Les glucides en solution sont plus efficaces que sous forme solide accompagnée d’eau. En pratique, pour des efforts de plus d’une heure, l’ingestion de boissons glucidiques est conseillée correspondant à la prise régulière, toutes les 15 à 30 minutes, de 150 à 300 ml d’une solution (30 à 100 g/l) de glucose ou de polymères de glucose ou de saccharose. A noter que la prise de glucides pendant l’effort ne paraît pas augmenter la performance pour des épreuves d’une durée inférieure à 1 heure. Après l’effort, il est important pour le sportif de consommer des glucides le plus rapidement possible après la fin de l’exercice. En pratique, est conseillée dès la fin de l’exercice la prise de boissons contenant du glucose (à raison de 0,15 à 0,25 g/kg toutes les 15 minutes pendant 2 à 4 heures). Au-delà de 1 heure après l’exercice, des apports en glucides sous forme solide peuvent être ajoutés ; poursuivis toutes les 2 heures, sur 6 heures ou plus, ils permettront en 24 heures une régénération presque complète des réserves de glycogène musculaire et hépatique.

Les apports nutritionnels conseillés en acides gras essentiels pour la population générale s’appliquent aux sportifs (10 g/j d’acide linoléique, au moins 2 g/j d’acide alpha-linolénique).

Besoins en protéines Les protéines ne représentent un substrat énergétique significatif de l’exercice que dans le cas d’exercices d’intensité élevée, de durée très prolongée et/ou lors d’une déplétion préalable des réserves de glycogène. Une éventuelle augmentation des besoins protéiques dépend également du type de sport pratiqué (endurance ou force) (voir Pour approfondir : Protéines). En général, l’apport protéique nécessaire est obtenu par l’augmentation des apports énergétiques totaux nécessaire au maintien du poids chez les sujets sportifs, sans besoin de supplément en protéines ou en acides aminés. A noter que pour les sujets pratiquant une activité physique ou sportive d’intensité modérée, sur une base régulière, par ex. 3 fois une demi-heure à 1 heure par semaine, les besoins protéiques seront couverts par les apports nutritionnels conseillés pour la population correspondante. Pour les sportifs d’endurance (ex. coureurs de longue distance), l’objectif est l’obtention d’un bilan azoté équilibré, c’est-à-dire un équilibre entre les apports et les pertes protéiques. Les apports nutritionnels conseillés en protéines dans ce cas ont été estimés à environ 1,8-2 fois l’apport nutritionnel conseillé pour la population générale correspondante (soit 1,5-1,7 g/kg/jour) et correspondent à 12-16 % de l’apport énergétique total quotidien équilibrant les dépenses énergétiques. Ces apports sont couverts par les aliments courants, dans le cadre d’une alimentation équilibrée et diversifiée. Pour les sportifs de force (ex. haltérophiles), si le but est le maintien de la masse musculaire, l’objectif est l’obtention d’un bilan azoté équilibré avec des apports de sécurité estimés à 1-1,2 g/kg/j. Si le but est d’augmenter la masse musculaire, l’objectif est de positiver le bilan azoté. Il est alors possible de conseiller des apports de 2 à 3 g/kg/j pendant des périodes ne dépassant pas 6 mois et sous contrôle médical et diététique. Les 2/3 de ces apports doivent être couverts par des aliments courants, le reste par des suppléments (sans dépasser 1 g/kg/j, sous forme de protéines à haute valeur biologique). Des apports supérieurs ne permettent pas une accrétion protéique musculaire supplémentaire et ne sont donc pas justifiés en termes d’efficacité.

Besoins en lipides

Besoins en eau et en électrolytes

Les lipides sont utilisés préférentiellement comme substrat énergétique lors d’exercices d’intensité modérée (40-60 % du VO2max) et lors de l’entraînement en endurance (voir Pour approfondir : Lipides). L’importance des apports en lipides dans l’alimentation du sportif découle de l’énergie, des vitamines liposolubles et des acides gras essentiels qu’ils apportent. Les apports nutritionnels conseillés en lipides pour le sportif d’endurance correspondent à 20-30 % de l’apport énergétique total quotidien, compte tenu du fait que les apports en glucides sont nettement favorisés (cf. ci-dessus). Des apports insuffisants en lipides (< 15 % des apports) ou au contraire hyperlipidiques, de même que la prise d’un repas riche en lipides (60 %) dans les heures précédant l’exercice, n’apportent pas de bénéfice en termes de performance.

Les apports en eau et en électrolytes (NaCl) sont indispensables pour remplacer les pertes liquidiennes lors de l’exercice, principalement sous forme de sueur (voir Pour approfondir : Eau et électrolytes). La déshydratation diminue la performance et expose au risque d’accident (coup de chaleur). A l’exercice, la soif n’est pas un critère fidèle de l’importance de la déshydratation et de l’efficacité de la réhydratation. Un bon moyen pour apprécier l’importance de la déshydratation est la pesée avant et après l’exercice. La diminution de la performance est proportionnelle à la déshydratation exprimée en pourcentage de poids corporel perdu. La survenue d’accidents graves, parfois mortels comme le coup de chaleur, est favorisée par une déshydratation supérieure à 4 % du poids.

Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001

2S23

Besoins nutritionnels L’adjonction de NaCl à la boisson n’a pas d’effet significatif actuellement démontré sur la performance physique par rapport à l’eau seule. Cependant, elle limite la baisse de volume plasmatique pendant l’exercice et favorise la rétention du volume liquidien extracellulaire. Pendant les exercices de très longue durée (allant jusqu’à 8-10 heures, ex. triathlons de longue distance), l’apport de NaCl est impératif pour éviter l’apparition d’une hyponatrémie symptomatique (< 130 mmol/l), qui est une urgence, résultant d’un apport de sodium trop faible par rapport à la quantité d’eau ingérée. Avant l’exercice, il est important, pour prévenir un déficit en eau, d’ingérer une boisson appropriée de façon fractionnée (500 ml dans les 2 heures précédant l’activité), surtout par temps chaud et humide. Lors de l’exercice, la quantité de boisson à apporter doit être ajustée à la perte d’eau prévisible. Pour un exercice continu d’une durée inférieure à 1 heure, la quantité d’eau à apporter doit être au moins égale à la moitié de la perte de poids prévisible ; une compensation en sel n’est pas nécessaire. Pour un exercice de 1 à 3 heures, l’apport de boisson peut aller jusqu’à 1,5 l/h selon l’intensité de l’exercice et les conditions climatiques ; un complément en NaCl dilué dans la boisson (1,2 g/l) est conseillé. Pour un exercice de plus de 3 heures, un apport de boisson de 0,5 à 1 l/h est recommandé et un complément de NaCl dans la boisson est absolument recommandé. A noter que des concentrations de NaCl >1,2 g/l donnent un goût saumâtre à la boisson qui est alors plus difficile à ingérer. Après l’exercice, il est important de restaurer le plus rapidement possible l’équilibre hydrominéral, surtout si le sportif doit fournir à court terme un nouvel effort. Dans ce but, il est recommandé d’apporter une quantité de boisson compensant 150 % de la perte de poids obtenue lors de l’activité. La boisson de récupération doit apporter du Na (1,2 g/l) sous forme de NaCl, en association avec d’autres sels de Na (citrate ou acétate). Les apports de sel sous forme de comprimés ou dragées sont déconseillés (aggravation de la déshydratation, troubles digestifs).

Besoins en minéraux et vitamines L’augmentation des apports énergétiques totaux chez les sujets sportifs, dans le cadre d’une alimentation équilibrée et diversifiée apportée par les aliments courants, doit permettre de couvrir les besoins en minéraux et vitamines dans la majorité des cas, sans besoin de supplémentation spécifique. Les sportifs à risque de déficience en micro-nutriments sont ceux qui limitent leurs apports énergétiques, en particulier dans le but de perdre du poids, ceux qui éliminent de leur alimentation un ou plusieurs groupes d’aliments, ou ceux qui consomment des régimes riches en glucides avec une faible densité en micro-nutriments. Une déficience en fer, dont témoigne une ferritinémie abaissée, est observée chez un nombre non négligeable de femmes sportives. Elle s’observe plus rarement chez les hommes. Cette situation peut s’expliquer par des apports insuffisants en fer et par une augmentation des pertes digestives, urinaires et par la sueur, qui dépendent de l’intensité et de la durée de l’exercice. Une supplémentation n’est justifiée qu’en cas d’anémie sidéropénique prouvée. Dans ce cas, la prescription initiale est de 100 mg/j de fer ferreux pendant 1 mois. Une supplé2S24

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mentation systématique en fer sans preuve d’une déficience par un bilan préalable est formellement déconseillée. Le statut pour d’autres minéraux importants (calcium, magnésium, zinc, cuivre, sélénium) est en général satisfaisant chez les sportifs. La couverture des besoins vitaminiques du sportif a deux objectifs principaux : assurer un statut vitaminique satisfaisant permettant le maintien de l’état de santé et la performance ; aider à la protection cellulaire lors de l’exercice et à la réparation cellulaire lors de la récupération. Un apport supplémentaire en vitamines n’améliore pas la performance des sujets dont le statut vitaminique initial est satisfaisant. Pour les sportifs pratiquant une activité physique ou sportive occasionnelle ou modérée (1 à 3 heures par semaine), les besoins vitaminiques sont proches de ceux établis pour la population générale correspondante. Pour les sportifs réalisant des exercices intenses et répétés, les besoins et donc les apports recommandés en vitamines dépendent du type de sport pratiqué. Pour les sports d’endurance, les besoins en vitamines “à rôle énergétique” (thiamine, riboflavine, niacine, vitamine B6) et en vitamines “anti-oxydantes” (vitamines C, E et bêtacarotène) sont augmentés. Pour les sports de force, les besoins en vitamine B6 et en vitamines “anti-oxydantes” sont augmentés. En cas de besoin, il est souhaitable d’augmenter les apports de l’ensemble des vitamines et non pas ceux d’une seule d’entre elles, en priorité par une alimentation équilibrée et diversifiée apportée par les aliments courants.

Points essentiels à retenir ➤ L’alimentation du sportif répond aux adaptations physiologiques à l’exercice. Elle est d’abord basée sur la prise d’aliments courants dans le cadre d’une alimentation équilibrée et diversifiée, sous forme de repas et de collations. ➤ La première priorité nutritionnelle pour le sportif est que son alimentation soit en quantité suffisante pour couvrir l’augmentation de ses besoins énergétiques. Les glucides représentent le principal substrat pour les activités d’intensité élevée. Les lipides représentent le substrat préférentiel pour les activités d’intensité modérée et lors de l’entraînement en endurance. ➤ Avant l’effort, l’objectif est d’obtenir un état d’hydratation correct et une teneur optimale en glycogène musculaire (glucides de type complexe et à index glycémique faible). Au cours de l’effort, les trois priorités sont de réhydrater, resucrer et reminéraliser, pour éviter la déshydratation et maintenir la glycémie (boissons sucrées avec NaCl). Après l’effort, l’objectif est de compenser rapidement les pertes liquidiennes et de recharger les réserves en glycogène. ➤ Le plus souvent, les besoins en protéines comme ceux en vitamines et minéraux sont couverts par l’augmentation des apports énergétiques.

Pour approfondir Énergie Lors de la contraction musculaire, l’énergie nécessaire à la resynthèse de l’ATP musculaire peut être apportée par 3 filières en fonction du type d’exercice, de son intensité, de sa durée et Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001

Besoins nutritionnels 53 du degré d’entraînement. 1) La filière anaérobie (en absence d’oxygène) alactique (sans production de lactate), mise en jeu pour des efforts intenses d’une durée inférieure à quelques dizaines de secondes (sprint), utilise la créatine phosphate musculaire dont les réserves sont très faibles, mais rapidement reconstituées. 2) La filière anaérobie lactique, mise en jeu pour des efforts intenses d’une durée supérieure à 10-15 secondes, utilise le glycogène musculaire par la glycolyse anaérobie aboutissant à la production de lactate. 3) La filière aérobie, mise en jeu pour des efforts plus prolongés, représente le système le plus important de fourniture de l’ATP, principalement à partir de l’oxydation des substrats glucidiques et lipidiques. La dépense énergétique liée à l’activité physique représente la partie la plus variable de la dépense énergétique totale (de 24 heures). La dépense énergétique liée à l’activité physique dépend des caractéristiques de l’activité physique pratiquée (intensité, durée, fréquence) et des caractéristiques du sujet qui la pratique (niveau d’entraînement, dimensions et composition corporelle). Les besoins énergétiques peuvent doubler pour un marathon et être multipliés par 3 ou 4 lors d’une course cycliste comme le Tour de France au cours de laquelle les sportifs peuvent dépenser de 6,500 à 10,000 kcal/jour.

Glucides Les réserves de l’organisme en glucides sont limitées (quelques centaines de grammes de glycogène musculaire et hépatique). La déplétion des réserves de glycogène musculaire est le facteur déterminant de l’épuisement du sportif. Après l’effort, le taux de resynthèse du glycogène musculaire est un facteur important de la récupération, c’est-à-dire la possibilité de s’entraîner à nouveau, voire de refaire une compétition dans de brefs délais. Le taux de resynthèse du glycogène musculaire est le plus élevé dans les deux premières heures après l’effort. Le taux de glycogène musculaire dépend principalement des apports en glucides. Les apports en glucides sont donc essentiels pour maintenir la glycémie pendant l’exercice et pour remplacer le glycogène musculaire.

Lipides Lors de l’exercice, en valeur relative, la proportion de la dépense énergétique dérivée de l’oxydation des lipides diminue au fur et à mesure que l’intensité de l’exercice augmente. L’inverse se produit pour les glucides. Après une période d’entraînement en endurance, la part des lipides comme substrat énergétique de l’exercice est augmentée ; parallèlement, l’utilisation du glycogène est diminuée. L’augmentation de l’oxydation lipidique s’explique plutôt par une augmentation de la capacité oxydative musculaire que par une augmentation de la mobilisation des lipides du tissu adipeux. Les fibres musculaires contiennent en effet des triglycérides en réserve dans le sarcoplasme (triglycérides intramusculaires). Un intérêt particulier a été porté aux suppléments en triglycérides à chaîne moyenne (TCM). En effet, comparés aux triglycérides à chaîne longue, les TCM sont plus rapidement absorbés au niveau intestinal et oxydés au niveau mitochondrial. Cependant, l’ingestion de TCM n’a pas actuellement d’effet démontré sur la performance. De plus, du fait d’une tolérance digestive limitée, la contribution des TCM à la dépense énergétique est limitée à environ 7 %.

Protéines Les mécanismes pouvant expliquer l’augmentation des besoins protéiques chez les sportifs correspondent principalement à la nécessité de réparation des microlésions des fibres musculaires pouvant être à l’origine de fuites extracellulaires de protéines (sports d’endurance), et à l’augmentation des apports protéiques nécessaire au gain de masse musculaire (sports de force). Les effets particuliers chez les sportifs de différents acides aminés ont été évoqués. Certains acides aminés à chaîne ramifiée (ex. leucine, isoleucine, valine) pourraient limiter la survenue de Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001

la fatigue au cours de l’effort en interférant avec des mécanismes sérotoninergiques centraux. La glutamine pourrait limiter la déficience immunitaire lors d’un entraînement très intensif. Cependant, il n’existe pas actuellement de données établies permettant d’alléguer un quelconque effet bénéfique d’une supplémentation par ingestion d’un ou de quelques acides aminés chez le sportif.

Eau et électrolytes Lors de la contraction musculaire, 75 % de l’énergie chimique provenant des oxydations cellulaires est transformé en chaleur et seulement 25 % sert à produire de l’énergie mécanique. La chaleur produite par les muscles est transférée à la périphérie par la circulation. Elle est éliminée à la surface de l’organisme principalement par évaporation sous forme de sueur (580 kcal par litre de sueur évaporée). Le débit sudoral peut parfois être considérable. Il dépend surtout de l’élévation de la température interne et d’autres facteurs tels que l’entraînement, l’acclimatation à la chaleur et le niveau d’hydratation corporelle. Il est plus élevé en ambiance chaude. Les pertes hydriques peuvent ainsi s’élever à 1-3 litres par heure, parfois sur plusieurs heures. Lors d’un footing, un coureur peu entraîné peut perdre de 0,5 à 1 litre par heure. Lors de sports comme le football ou le tennis professionnel, les joueurs peuvent perdre jusqu’à 3 à 4 litres par match. L’électrolyte le plus important excrété dans la sueur, constituée en majorité d’eau, est le sodium (NaCl, 20 à 60 mmol/l).

Minéraux et vitamines L’importance du fer chez le sportif vient de son rôle dans le transport de l’oxygène (hème de l’hémoglobine). Le taux sanguin d’hémoglobine est directement lié à la puissance aérobie maximale (VO2max). L’implication des vitamines dans l’exercice tient, d’une part, à leur participation comme coenzymes à la production d’ATP lors du fonctionnement des cellules musculaires (rôle énergétique), et, d’autre part, à leur pouvoir anti-oxydant (vitamines C, E, et bêta-carotène) qui pourrait protéger les structures et constituants cellulaires des effets des radicaux libres dérivés de l’oxygène produits pendant l’exercice.

Compléments et suppléments pour sportifs De nombreux produits disponibles sur le marché sont supposés augmenter la performance. Pour une majorité d’entre eux, il n’existe pas de données scientifiques permettant de justifier ces allégations et de prouver leur innocuité. L’ingestion chronique de créatine (20 g/j) permet d’augmenter d’environ 20 % la quantité totale de créatine musculaire et d’améliorer la performance lors d’exercices de très haute intensité et de courte durée comme le sprint (filière anaérobie alactique). La toxicité de tels apports, qui représentent 10 fois les apports habituels, n’est pas clairement définie. La prescription et la vente de créatine est interdite par la loi en France.

Pour en savoir plus Guilland J.C., Margaritis I., Melin B., Pérès G., Richalet J.P., Sabatier P.P. - Sportifs et sujets à activité physique intense. In: Martin A, coordonnateur. Apports nutritionnels conseillés pour la population française. 3e édition. Paris: Editions Tec et Doc; 2001; pp. 337-94. Guezennec CY. - Le statut nutritionnel du sportif. Cah. Nutr. Diét. X. Monod H., Flandrois R. - Physiologie du sport. Bases physiologiques des activités physiques et sportives. 4e édition. Paris: Masson; 1997. Pérès G. - Nutrition du sportif. In: Brunet-Guedj E., Genety J., éditeurs. Abrégé de médecine du sport. 8e édition. Paris: Masson; 2000; pp. 274-94. 2S25

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TD 2 Question 110 A Besoins nutritionnels et apports alimentaires de l’adulte (femme enceinte, personne âgée). Question 16 B Besoins nutritionnels d'une femme enceinte. Question 111 B Besoins nutritionnels chez le sportif Question 61 Besoins spécifiques du sujet âgé

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dossier enseignement dossier enseignement

NUTRITION DE LA FEMME ENCEINTE

Anne-Élisabeth PERRIN, Chantal SIMON

Au cours de la grossesse, les femmes ont besoin d’apports énergétiques et nutritionnels suffisants pour faire face aux changements physiologiques liés à la gestation (augmentation du volume sanguin, croissance des tissus maternels, développement du fœtus…). Malgré des possibilités d’adaptation métabolique considérables, les femmes enceintes ne peuvent mener une grossesse dans les meilleures conditions avec des apports énergétiques et nutritionnels inadéquats. Si l’adaptation métabolique aide à mener la grossesse à terme, des restrictions trop sévères peuvent compromettre la santé de la mère, de l’enfant et même celle du futur adulte. À l’inverse, certains excès, et notamment l’excès de poids ou de gain pondéral pendant la grossesse, sont préjudiciables à la mère et à l’enfant. Cela souligne la nécessité pour les femmes de bénéficier de conseils nutritionnels et d’avoir une alimentation optimale tout au long de la grossesse, et même avant la conception [1].

Adaptations métaboliques pendant la grossesse Les adaptations métaboliques observées au cours de la grossesse ont trois principaux objectifs : la croissance et le développement du fœtus, le maintien de l’homéostasie maternelle et la préparation de l’allaitement [2]. Ces ajustements, associés à des modifications du comportement maternel, affectent le métabolisme de l’ensemble des nutriments. Ils dépendent essentiellement de l’état nutritionnel de la mère avant la conception et sont variables en fonction de la taille et du nombre de fœtus. Les ajustements métaboliques sont pour une large part déterminés par les sécrétions hormonales placentaires : hormone placentaire lactogène, œstrogènes, progestérone. Le rôle de la leptine, secrétée par le placenta et dont les taux sont élevés chez la femme enceinte, bien que n’étant pas clairement établi, pourrait être déterminant. L’adaptation du métabolisme glucido-lipidique er

Elle est caractérisée, au 1 trimestre, par une augmentation de la réponse insulinique au glucose, favorisant la Groupe d’Études en Nutrition, Service de Médecine Interne et Nutrition, Hôpitaux Universitaires, Hôpital de Hautepierre, Avenue Molière, F 67098 Strasbourg. Correspondance : A.-E. Perrin, à l’adresse ci-dessus. Cah. Nutr. Diét., 37, 1, 2002

lipogénèse et le stockage des graisses au niveau des tissus maternels. Au cours des 2e et 3e trimestres, la production endogène hépatique de glucose augmente de 16 à 30 %. Par ailleurs, l’installation progressive d’une résistance des tissus périphériques maternels à l’action de l’insuline favorise la lipolyse et l’utilisation des métabolites énergétiques par l’unité fœto-placentaire. L’insulinorésistance et l’hyperœstrogénie induisent de plus une élévation des taux de lipides, nécessaires à la synthèse de stéroïdes par le placenta et aux synthèses membranaires. L’adaptation du métabolisme protéique Elle est marqué par des modifications précoces qui anticipent les besoins fœto-maternels et favorisent la conservation totale d’azote et les synthèses protidiques par la mère et le fœtus. La capacité de la mère à stocker les protéines en début de grossesse pour les utiliser ultérieurement lorsque la demande protéique augmente reste toutefois discutée. L’adaptation énergétique Elle est extrêmement variable et est essentiellement fonction de l’état nutritionnel de la femme avant la conception et du gain de poids pendant la grossesse. En général, le métabolisme de repos (MB) augmente progressivement à partir du 2e trimestre et atteint, à 36 semaines, des valeurs supérieures de 20 % aux valeurs mesurées avant la grossesse. 59

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dossier enseignement Cependant, les femmes maigres ou malnutries présentent souvent après la conception une diminution du MB destiné à épargner l’énergie. Au contraire, lorsque les apports sont excessifs, une augmentation du MB survient dès le 1er trimestre, et s’oppose à un gain pondéral excessif, pouvant être néfaste pour le développement fœtal. L’adaptation du métabolisme des nutriments essentiels Elle est favorisée par une augmentation de leur absorption intestinale (en particulier celle du calcium, du fer et du zinc) et par une diminution des pertes urinaires et fécales, permettant de couvrir les besoins nutritionnels liés à la grossesse. L’existence d’un transfert actif au niveau de l’unité fœto-placentaire pour les acides aminés, les vitamines hydrosolubles et certains minéraux essentiels comme le calcium et le fer protège dans certaines limites le fœtus d’un éventuel déficit maternel. Les limites de l’adaptation Malgré des possibilités d’adaptation métabolique considérables, il existe sur le plan énergétique et pour chaque nutriment, des limites au-delà desquelles les carences sont préjudiciables à la mère et à l’enfant. Ainsi, on constate encore chez les femmes des pays en voie de développement une fréquence très élevée de retard de croissance intra-utérin (RCIU) et donc de nombreuses naissances d’enfants hypotrophiques. D’autres données suggèrent que l’adaptation fœtale à des carences métaboliques pourrait majorer le risque d’obésité et de maladies métaboliques et cardiovasculaires à l’âge adulte. À l’inverse, une prise de poids excessive pendant la grossesse s’accompagne d’une morbidité périnatale accrue et favorise la survenue d’une surcharge pondérale ultérieure chez la mère.

Gain pondéral durant la grossesse Composition et évolution du gain pondéral Dans des conditions nutritionnelles favorables, les tissus maternels représentent 60 % du gain pondéral en fin de grossesse (tableau I). La prise de poids obligatoire (croissance fœto-placentaire, liquide amniotique, développement de l’utérus et des tissus mammaires et expansion sanguine maternelle) est de l’ordre de 7,5 kg [3, 4]. S’y associe une prise de poids variable liée à l’augmentation des liquides extra-cellulaires, des réserves adipocytaires et des stocks protéiques maternels. Plus de 90 % de la croissance fœtale s’effectue pendant la 2e moitié de la grossesse et plus particulièrement au cours du 3e trimestre. Influence du gain pondéral sur le devenir de la grossesse Un gain de poids adéquat est un élément essentiel de la croissance fœtale et du devenir de la grossesse [5]. Une prise de poids excessive est associée, en raison de la plus grande fréquence de macrosomie fœtale, à une augmentation du risque de complications obstétricales et de la mortalité périnatale. Par ailleurs, un gain pondéral exagéré, qui s’accompagne d’une augmentation des stocks adipocytaires maternels, contribue souvent au maintien d’une surcharge pondérale dans le post-partum et augmente le risque d’obésité ultérieure. À l’inverse, une prise de poids insuffisante est associée à une augmentation du 60

Tableau I. Composition du gain pondéral chez une femme de référence ayant pris 12 kg au cours de la grossesse et donné naissance à un enfant de 3,3 kg (d’après Hytten, modifié par Prentice).

Tissu

Poids (grammes)

Fœtus Placenta Liquide amniotique Utérus Glandes mammaires Liquides extra-cellulaires Masse sanguine maternelle Tissu adipeux maternel

3 294 644 795 970 397 1 496 1 442 2 623

risque de RCIU, de prématurité, de petit poids de naissance, de morbidité et de mortalité périnatale et pourrait s’accompagner d’une augmentation du risque cardiovasculaire à l’âge adulte. Le poids de la femme avant qu’elle ne soit enceinte est, indépendamment de sa prise de poids pendant la grossesse, un facteur déterminant du déroulement de la grossesse et de l’accouchement et du poids de naissance de l’enfant. Un poids faible (indice de masse corporelle (IMC) < 20 kg/m2) s’accompagne d’un risque réel de RCIU, d’accouchement prématuré et d’hypotrophie à la naissance. Un gain pondéral suffisamment important pendant la grossesse est alors primordial pour atténuer ce risque. À l’inverse l’existence d’une obésité est associée à une augmentation de la morbidité maternofœtale. Ce risque est significativement réduit par une limitation de la prise pondérale en cours de grossesse. Recommandations relatives au gain pondéral pendant la grossesse Les recommandations actuelles sont basées sur l’IMC avant la grossesse et prennent en compte le risque lié à l’excès aussi bien qu’à l’insuffisance de gain de poids (tableau II) [6]. Elles indiquent pour chaque niveau de corpulence des cibles larges, définies d’après des données épidémiologiques, comme étant les plus favorables au devenir de la mère et de l’enfant. L’échelle de gain pondéral pour les femmes minces est plus large que pour celles qui présentent une surcharge pondérale. À titre d’exemple, un gain de 11,5 kg à 16 kg est recommandé pour une femme débutant sa grossesse avec un IMC compris entre 19,8 et 26 kg/m2. Chez l’adolescente, dont les capacités d’adaptation sont moindres, les valeurs hautes des fourchettes Tableau II. Recommandations relatives au gain pondéral durant la grossesse en fonction de l’indice de masse corporelle pré-gestationnel (IMC en kg/m2).

Catégorie d’IMC pré-gestationnel (kg/m2) IMC IMC IMC IMC

19,8 entre 19,8 et 26 entre 26 et 29 > 29

Éventail de gain pondéral recommandé (kg)ab 12,5 à 18 11,5 à 16 7 à 11,5 6-7

a chez les adolescentes, les objectifs devraient se situer dans la partie haute de la fourchette. b chez les femmes de petite taille (< 1,57 m), les objectifs devraient se situer dans la partie basse de la fourchette.

Cah. Nutr. Diét., 37, 1, 2002

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dossier enseignement sont visées. Chez les femmes de petite taille, en raison du risque particulier associé à un gain pondéral excessif ou à un nouveau-né de poids élevé, les valeurs cibles sont au contraire les valeurs basses. En cas de grossesse multiple, il faut tenir compte de la masse supplémentaire de tissus fœto-maternels ; ainsi un gain pondéral de 16 à 20 kg est souhaitable chez une femme de poids normal présentant une grossesse gémellaire. Des objectifs moindres peuvent être proposés si la femme n’a pas l’intention d’allaiter. Dans tous les cas, il convient de ne pas oublier de préparer la femme à réduire ses apports et à augmenter son activité physique après la grossesse ou l’allaitement afin de favoriser le retour au poids pré-gravidique.

Besoins nutritionnels pendant la grossesse et l’allaitement Besoins énergétiques L’étude des coûts énergétiques liés à la grossesse révèle d’importantes dispersions, d’un pays à l’autre (de 125 000 kCal pour la Suède à 10 000 kCal pour la Gambie) et dans un même pays, d’une femme à l’autre, qui rendent difficile toute recommandation individualisée. Il est préférable de baser le suivi sur les objectifs pondéraux adaptés en fonction de l’IMC. Les femmes doivent être encouragées à suivre une alimentation équilibrée, à garder une activité physique modérée, et à laisser leur appétit guider leur apport énergétique. Les apports énergétiques spontanés n’ont le plus souvent pas à être modifiés sauf en cas de surcharge pondérale ou de gain de poids excessif. À l’inverse, il convient de veiller à ce que l’apport énergétique soit suffisant, en particulier chez les femmes ayant un état nutritionnel pré-gravidique limite. Besoins protéiques Les besoins protéiques, en moyenne de 3,3 à 3,5 g/j, augmentent progressivement au cours de la grossesse : ils sont de l’ordre de 0,7 g/j pendant le premier trimestre, de 3,3 g/j et 5,8 g/j au cours des 2e et 3e trimestres. En tenant compte de l’efficacité de conversion des protéines alimentaires en protéines tissulaires, des apports protéiques de 1,3, 6,1 et 10,7 g/j, en sus des besoins de base (0,75 g/kg/j) sont suffisants pour couvrir les besoins de la grossesse au cours des 1er, 2e et 3e trimestres respectivement. Sur la base de ces données, les apports de sécurité, pour une femme de 60 kg sont de 47, 52 et 61 g/j au cours des 3 trimestres de la grossesse et de 60 g/j pendant l’allaitement. Dans les pays industrialisés, ces besoins sont largement couverts par les apports habituels, souvent supérieurs à 80 g/j. Besoins glucidiques et lipidiques Comme dans la population générale, les recommandations les plus récentes fixent la teneur en lipides à 30 % de la ration énergétique, et celles des glucides à 50-55 %. Il existe peu de données concernant l’impact du contenu en lipides et en acides gras de l’alimentation sur le développement fœtal. Il est toutefois recommandé de varier les sources de corps gras dans l’alimentation de la femme enceinte, afin d’éviter toute carence en acides gras essentiels, indispensables au développement cérébral du fœtus. Cah. Nutr. Diét., 37, 1, 2002

Tableau III. Apports nutritionnels conseillés pendant la grossesse et l’allaitement. Les apports sont exprimés en apports conseillés quotidiens (d’après Bresson).

Nutriment

Grossesse Allaitement Apports Apports recommandés/j recommandés/j

Énergie (kCal) Protéines (g)

2 500 60

2 700 65

Minéraux et oligo-éléments Calcium (mg) Phosphore (mg) Magnésium (mg) Fer (mg) Zinc (mg) Cuivre (mg) Iode (µg) Fluor (mg) Sélénium (µg) Chrome (µg)

1 000 800 400 30 14 2 200 2 60 60

1 000 800 390 10 19 2 200 2 60 55

Vitamines A – rétinol (µg) D – calciférol (µg) E – tocophérol (mg) C – ac. ascorbique (mg) B1 – thiamine (mg) B2 – riboflavine (mg) B3 ou PP – niacine (mg) B5 – ac. pantothénique (mg) B6 – pyridoxine (mg) B8 – biotine B9 – acide folique (µg) B12 – cobalamine (µg)

700 10 12 120 1,8 1,6 16 5 2 50 400 2,6

950 10 1 130 1,8 1,8 15 7 2 55 300 2,8

Besoins spécifiques Les effets délétères de carences sévères, en particulier dans la période péri-conceptionnelle, sont établis pour de nombreux nutriments. Les conséquences pour l’enfant de carences minimes sont le plus souvent faibles, différents mécanismes entrant en action pour assurer les besoins fœtaux. L’augmentation des besoins au cours de la grossesse, notée pour tous les nutriments, est en partie couverte par les adaptations métaboliques maternelles. De ce fait, dans les pays industrialisés, en dehors de situations particulières (régimes carencés, troubles digestifs, situation socioéconomique défavorable), une alimentation équilibrée telle qu’elle est recommandée en dehors de la grossesse (tableau III) assure des apports adéquats pour ce qui concerne la majorité des nutriments. Une attention particulière doit toutefois être portée à la consommation d’iode, de fer, d’acide folique, de calcium et de vitamine D [7]. Iode L’importance de l’iode dans la nutrition est due à l’action primordiale qu’exercent les hormones thyroïdiennes, dès la vie fœtale, sur les principales fonctions métaboliques, sur la croissance et le développement, en particulier neurologique. Un déficit en iode au cours de la grossesse est associé à une augmentation des avortements spontanés, 61

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dossier enseignement de la mortalité périnatale, de l’hypotrophie à la naissance et peut induire une hypothyroïdie néonatale. Généralement infra-clinique et transitoire dans les zones de carence modérée, elle peut être d’expression sévère en cas de carence importante, et se manifester dès la naissance par une débilité mentale irréversible, le crétinisme endémique. Chez la mère, la carence iodée, même modérée aggrave l’état de stimulation thyroïdienne qui se traduit par une augmentation du volume thyroïdien et augmente le risque d’apparition d’un goitre et celui d’hypothyroïdie. Les anomalies morphologiques (goitre, nodules) ne sont que partiellement réversibles après l’accouchement. Les apports conseillés chez la femme enceinte sont, en France où l’environnement iodé moyen est faible, de 200 µg/j. La consommation d’aliments naturellement iodés ne suffit pas à couvrir les apports conseillés en iode pendant la grossesse et l’allaitement. Le sel iodé est une source complémentaire importante. La nécessité de corriger les carences sévères est évidente. Dans les zones de carence modérée, une supplémentation systématique, à raison de 100 µg/j, doit se discuter en particulier lorsqu’il existe une augmentation de volume de la thyroïde. Un traitement substitutif par L-thyroxine doit être associé en cas de pathologie thyroïdienne préexistante ou d’hypothyroïdie attestée par une augmentation, même modérée de la TSH. Fer Les besoins en fer sont fortement accrus pendant la grossesse, de l’ordre de 1 000 mg au total. Ils augmentent de 1 à 2,5 mg/j en début de grossesse à 6,5 mg/j au cours du 3e trimestre. Ces besoins sont en partie couverts par une augmentation des capacités d’absorption intestinale du fer, qui concerne aussi bien le fer héminique (40 % du fer contenu dans les tissus animaux) que le fer minéral. Le niveau des apports alimentaires nécessaires pour couvrir les apports en fer reste l’objet de controverses ; cependant, les données les plus récentes indiquent que la couverture des besoins peut être acquise à des niveaux d’apports tout à fait comparables à ceux observés dans la population française (soit 10 à 15 mg/j), à la seule condition que la ration alimentaire soit suffisante (> 2 000 kCal/j) et variée, sans exclusion des aliments d’origine animale [7] et qu’il n‘y ait pas de carence préconceptionnelle. Si les réserves sont insuffisantes en début de grossesse, les besoins liés au développement fœtal peuvent entraîner une anémie ferriprive chez la mère. Il existe aussi une association entre anémie ferriprive maternelle et risque d’accouchement prématuré, de petit poids de naissance et de mortalité périnatale. Sauf en cas d’anémie ferriprive maternelle sévère, le taux d’hémoglobine du nouveau-né est normal, de même que le contenu en fer du lait maternel. Il n’y a actuellement pas de réelle justification à la supplémentation systématique en fer des femmes enceintes, excepté dans des groupes à risque (adolescentes, grossesses multiples ou rapprochées, antécédents de ménorragies, régimes restrictifs prolongés ou pauvres en fer, femmes appartenant à des milieux défavorisés). La supplémentation sélective impose un dépistage précoce de l’anémie ou de la carence en fer, avant l’expansion du volume plasmatique. En pratique, une numération formule sanguine réalisée au courant du 1er trimestre, voire avant la conception, complétée par un dosage de la ferritine permet de dépister et de corriger une éventuelle anémie ferriprive, définie par un taux d’hémoglobine < 11 g/dl et une ferritine < 12 ng/ml. En l’absence de déficit majeur, 62

de faibles doses de fer (30 mg/j), éventuellement sous forme d’une dose hebdomadaire, sont aussi efficaces et mieux tolérées que de fortes doses. En présence d’une anémie et d’une carence martiale avérée, une supplémentation de 120 à 150 mg/j est justifiée. Acide folique Les folates jouent un rôle essentiel dans le développement embryonnaire et fœtal car ils interviennent dans la synthèse des acides nucléiques et donc dans le processus de division cellulaire. Une carence précoce en acide folique augmente le risque d’anencéphalie et de défaut de fermeture du tube neural. Une carence plus tardive est associée à une augmentation de l’incidence des avortements spontanés, des accouchements prématurés, des RCIU et des petits poids de naissance et est susceptible de produire un déficit des réserves en folates du nouveau-né. Le maintien de taux suffisants d’acide folique en cours de grossesse est donc particulièrement important. Or, les besoins chez la femme enceinte sont accrus et les apports souvent insuffisants : une enquête récente [8] indique que, selon les régions et probablement selon les conditions de vie ou les habitudes alimentaires, entre 25 et 66 % des femmes enceintes reçoivent moins de 250 µg/j d’acide folique alors que les apports conseillés sont de 400 µg/j. Une anémie mégaloblastique, conséquence d’une déficience sévère en acide folique est observée chez 2,5 à 5 % des femmes enceintes dans les pays développés. Une supplémentation, à raison de 4 mg/j en période périconceptionnelle (un mois avant le début de la grossesse jusqu’à 12 semaines après le début de la grossesse) est recommandé en cas d’antécédents d’anomalies de fermeture du tube neural. En l’absence d’enrichissement en folates des produits céréaliers, tel qu’il est pratiqué dans certains pays (USA, Canada), un grand soin doit être apporté pour garantir une alimentation riche en folates à toutes les femmes, dès l’adolescence (légumes à feuilles, agrumes, maïs, pois chiches, fromages fermentés, œufs). Une supplémentation de 200 µg/j peut se discuter pendant la grossesse et l’allaitement, en particulier chez les femmes à risque [9] : grossesse multiple, régime restrictif, besoins pré-gravidiques accrus du fait d’habitudes (tabac) ou de médicaments interférant avec le métabolisme de l’acide folique (contraception orale, anti-convulsivants…). Dans ces derniers cas, une supplémentation préconceptionnelle devrait être conseillée. Calcium Les besoins nécessaires à la minéralisation du squelette fœtal sont essentiellement couverts par l’augmentation de l’absorption intestinale du calcium. En l’absence de carence sévère, celle-ci permet à la mère d’assurer les besoins fœtaux sans qu’elle n’ait besoin d’augmenter ses apports alimentaires ni de puiser dans ses réserves osseuses. En cas d’allaitement, en revanche, il existe une mobilisation des réserves osseuses ; celle-ci est cependant totalement réversible : après le sevrage, la déminéralisation osseuse se corrige spontanément dans un délai de 3 à 6 mois et ne constitue pas un risque d’ostéoporose ultérieure. En pratique, il n’y a pas lieu de préconiser une augmentation des apports calciques pour les femmes en bonne santé, enceintes ou allaitantes, ayant une alimentation n’excluant pas les laitages et apportant, tel qu’il est recommandé en dehors de la grossesse, entre 900 et Cah. Nutr. Diét., 37, 1, 2002

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dossier enseignement 1 100 mg/j de calcium. Concrètement, 3 à 4 portions de lait et dérivés doivent être consommés chaque jour. Vitamine D La supplémentation en vitamine D est la seule recommandée de façon systématique en France. En effet, en raison du faible niveau d’ensoleillement et de l’absence de supplémentation systématique des laitages, les taux circulants de 25 hydroxyvitamine D (25-OH- vitamine D) sont souvent insuffisants chez l’adulte, et notamment chez les femmes enceintes dont la fin de la grossesse se situe en hiver ou au début du printemps. Or il existe une relation entre un déficit maternel en vitamine D et la survenue d’hypocalcémies néonatales voire, dans les carences plus sévères, de rachitisme carentiel chez le nouveau-né et d’ostéomalacie chez la mère. Les apports recommandés sont de 400 UI/j dès le début de la grossesse. Si la supplémentation est retardée, ce qui est souvent le cas, la dose à prescrire devrait être de 1 000 UI/j pendant le dernier trimestre, ou de 200 000 UI en prise unique au début du 7e mois. Place des supplémentations Une alimentation diversifiée, naturellement riche en vitamines et en oligo-éléments, permet de satisfaire la plupart des besoins pendant la grossesse et l’allaitement. En dehors de situations pathologiques, les supplémentations ne se discutent dans les pays développés que pour l’iode, le fer, l’acide folique et la vitamine D (cf sus).

Surveillance nutritionnelle pendant la grossesse Évaluation et surveillance nutritionnelle de la femme enceinte L’importance de l’état nutritionnel pré-gravidique sur l’évolution de la grossesse et l’impact des déficits dans la période péri-conceptionnelle sont bien établis : idéalement la surveillance nutritionnelle débute avant la conception, à l’occasion de l’arrêt de la contraception par exemple. Elle repose sur un interrogatoire et un examen clinique détaillés, éventuellement complétés par quelques examens biologiques habituels. Elle permet de repérer certaines erreurs alimentaires, de dépister et de compenser d’éventuels déficits nutritionnels – au premier rang desquels les anémies nutritionnelles et les carences en fer, en iode, en acide folique et en vitamine D : en particulier dans les populations à risque du fait de conditions socioéconomiques défavorables, d’un climat peu ensoleillé, de l’âge (adolescentes, femmes de plus de 30 ans), de régimes restrictifs ou déséquilibrés (exclusion des protéines animales), d’habitudes de vie particulières (alcool, tabac, drogues), de thérapeutiques associées (anticonvulsivants…), de pathologies (malabsorption…), ou d’antécédents particuliers (défaut de fermeture du tube neural…). C’est aussi l’occasion de dépister et de contrôler les pathologies chroniques qui justifient une prise en charge nutritionnelle particulière (déficit ou excès pondéral, diabète, phénylcétonurie…). La majorité des femmes sont en bonne santé, sans condition interférant avec l’ingestion, la digestion, l’absorption ou le métabolisme des aliments, ont des apports énergétiques adéquats et ont accès à une alimentation variée. Les données disponibles indiquent toutefois qu’un pourcentage Cah. Nutr. Diét., 37, 1, 2002

non négligeable de femmes françaises en âge de procréer ne consomme pas les apports recommandés pour l’ensemble des nutriments. Ceci est particulièrement vrai pour celles qui consomment peu de légumes et de fruits, de laitages ou celles qui limitent les apports de viande. Le plus souvent, de simples conseils suffisent à diversifier et à rééquilibrer l’alimentation. Si les examens usuels sont normaux, il n’y a pas lieu de poursuivre les investigations. La nécessité d’une supplémentation nutritionnelle est alors discutée et les objectifs pondéraux précisés ; la surveillance pondérale au cours de la grossesse permet de vérifier l’adéquation des apports aux besoins énergétiques, en sachant qu’une rétention hydrique peut induire des erreurs. En présence de déficits plus sévères (apports inférieurs à 70 % des apports recommandés), d’éléments cliniques orientant vers un déficit (anomalies cutanées, augmentation du volume thyroïdien, maigreur…) ou d’anomalies biologiques (anémie, ferritine, TSH…), une évaluation plus précise de l’état nutritionnel est justifiée, éventuellement associée à une prise en charge spécifique. Prise en charge nutritionnelle des femmes enceintes appartenant à des « groupes à risque » • Adolescentes

L’aspect nutritionnel de la grossesse peut être préoccupant chez les adolescentes, souvent issues de milieux défavorisés et ayant par ailleurs des comportements à risque (consommation de tabac ou de drogues…). Les adolescentes limitent souvent leur apport énergétique et ont un risque accru de déficits, en particulier en calcium et en fer. De plus, du fait des besoins liés à la croissance, leurs capacités d’adaptation énergétique et calcique sont moindres. Les études concernant l’adolescente objectivent une augmentation des toxémies gravidiques, des RCIU, des petits poids de naissance et de la mortalité périnatale. Contrairement à ce qui se passe chez la femme plus âgée, le risque de déminéralisation osseuse pendant l’allaitement est réel et justifie une supplémentation calcique systématique. • Tabagisme

Dans les pays développés, le tabagisme de la mère est la principale cause des petits poids de naissance. L’usage du tabac est associé à une augmentation du risque d’avortements, de malformations congénitales, de RCIU, d’accouchements prématurés et de mortalité périnatale. Les effets combinés de la nicotine et du monoxyde de carbone se traduisent par un apport insuffisant d’oxygène et d’éléments nutritifs au fœtus, ce qui augmente le risque d’un retard de croissance. Par ailleurs, la consommation de tabac induit une augmentation du métabolisme de certains nutriments (folates, vitamines B6, B12, C et E) alors que la consommation en fruits et en légumes est diminuée chez les fumeuses en comparaison avec les non-fumeuses, probablement en raison d’une altération du goût qui réduit plus particulièrement la saveur des légumes. • Consommation d’alcool

L’alcool est un agent tératogène dont les effets nocifs, notamment sur le système nerveux central du fœtus, sont bien connus (cf syndrome d’alcoolisme fœtal). À l’effet toxique direct s’associent souvent des déficits énergétiques (les calories alcooliques sont mal métabolisées par le fœtus) et nutritionnels : protéines, vitamine B, acide folique, zinc et vitamine A. Il n’existe aucune information concernant la quantité d’alcool qui peut être consommée sans risque au cours de la grossesse et, par mesure de prudence, l’abstention de toute consommation d’alcool est recomman63

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dossier enseignement dée chez la femme enceinte. En cas de consommation régulière, une attention particulière doit être apportée à l’évaluation de l’état nutritionnel et des apports. • Toxicomanie

La grossesse chez la toxicomane est à haut risque, en raison de la toxicité propre des drogues, mais aussi des conditions socio-économiques et d’un état nutritionnel précaires, d’une diminution des apports alimentaires, d’un suivi médical souvent médiocre, de l’association fréquente à une consommation excessive d’alcool et de tabac ou à d’autres facteurs de risque (HIV). La consommation de drogues est associée à une augmentation de la fréquence des avortements, des RCIU, des petits poids de naissance et des accouchements prématurés, résultant de l’effet toxique direct des drogues sur le fœtus, mais aussi de la diminution des apports nutritionnels et des perturbations du métabolisme ou de l’absorption des nutriments. • Obésité

L’obésité est associée à une augmentation du risque de malformations congénitales, d’hypertension artérielle, de diabète gestationnel, de prééclampsie, de macrosomie et de mortalité périnatale [10]. Ces risques étant significativement réduits par une limitation de la prise pondérale, une alimentation modérément hypocalorique, sans descendre en-dessous de 1 500 kCal, doit être proposée. Du fait des régimes restrictifs répétés, le risque de carences nutritionnelles est accru et une attention particulière doit être apportée aux apports en fer, en calcium et en micronutriments. • Déficit pondéral et malnutrition

L’insuffisance pondérale est associée à une morbi-mortalité périnatale et à un risque d’hypotrophie néonatale accrus. L’étiologie doit en être précisée : situation précaire ou détresse psychologique ; consommation de tabac, d’alcool ou de drogues ; régime restrictif excessif, alimentation déséquilibrée ou troubles du comportement alimentaire ; activité physique trop importante. Lorsque le déficit pondéral reflète des apports énergétiques insuffisants, les carences fréquemment associées, en particulier les carences en fer, contribuent à l’augmentation de la morbidité. Une prise en charge nutritionnelle précoce et un gain pondéral suffisant permettent de réduire les risques. • Végétarisme

Un régime végétarien bien conduit fournit les éléments nutritifs nécessaires. Il est plus difficile de satisfaire les besoins lorsque plusieurs types d’aliments sont délaissés, en particulier chez les végétariens stricts. Il convient d’être vigilant à l’apport énergétique, surtout si l’IMC est inférieur à 20 kg/m2, à l’état martial et à l’apport en calcium en cas d’exclusion des laitages. Les apports en vitamine D sont souvent insuffisants et le risque de déficit en vitamine B élevé. L’absorption du fer et du zinc peut être inhibée par un régime riche en phytates et en fibres. À côté des conseils nutritionnels précis, une supplémentation en vitamine B12 (1 µg/j), en fer et éventuellement en zinc est conseillée.

Conclusion L’impact de l’état nutritionnel de la mère pendant la grossesse mais aussi durant les semaines qui précèdent la

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conception, sur le développement et la croissance du fœtus, est à présent bien établi. Des données récentes suggèrent que la nutrition maternelle pourrait aussi jouer un rôle sur la santé du futur adulte. C’est dire l’importance pour la femme enceinte d’une alimentation optimale dès la période de procréation et tout au long de la grossesse. Les apports énergétiques conseillés chez une femme de poids normal sont de l’ordre de 2 000 à 2 500 kCal par jour, à adapter en fonction de l’activité physique maternelle. La répartition en macronutriments est celle recommandée dans la population générale, soit une ration comportant 50-55 % de glucides, 30 % de lipides et 15 % de protides. En cas de surcharge pondérale avant la grossesse ou d’excès de gain de poids, un régime modérement hypocalorique (sans descendre en dessous de 1 500 kCal par jour) doit être préconisé. Pour ce qui est des micronutriments, une alimentation équilibrée et diversifiée suffit habituellement à couvrir les besoins spécifiques liés à la grossesse et rend inutile la prise généralisée de suppléments polyvitaminiques et minéraux. En dehors de situations pathologiques, les supplémentations ne se discutent dans les pays industrialisés que pour l’iode, le fer, l’acide folique et la vitamine D.

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Cah. Nutr. Diét., 37, 1, 2002

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