Attentat De Karachi : La Colere Des Familles Contre L'elysee

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Directeur éditorial : François Bonnet

Attentat de Karachi : la colère des familles contre l’Elysée Par Fabrice Arfi Fabrice Lhomme Article publié le mardi 15 septembre 2009

Nicolas Sarkozy n’arrive décidément pas à se débarrasser de l’affaire de l’attentat de Karachi. Les familles des victimes ont décidé de lui adresser une lettre ouverte, via Mediapart (à télécharger ici), afin de dénoncer « le soutien inexistant » de l’Etat et, surtout, d’exiger que le président de la République les « respecte » en les recevant, comme il s’y était engagé. Mediapart a par ailleurs découvert que le site internet de l’Elysée a fait disparaître du compte-rendu intégral d’une conférence de presse de Nicolas Sarkozy, en juin 2009, à Bruxelles, un passage embarrassant : celui où le chef de l’Etat évoquait « la douleur de familles et de trucs comme ça » ?

avaient «sollicité une entrevue » avec le chef de l’Etat dans une première missive, le 30 décembre 2008, et que le conseiller juridique du chef de l’Etat, Patrick Ouart, avait opposé en janvier une fin de non-recevoir. M. Ouart aurait précisé «qu’en application du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs vous [Nicolas Sarkozy, NDLR] ne pouviez intervenir dans le cours d’une procédure judiciaire ». A l’époque, les familles de victimes avaient été particulièrement échaudées d’apprendre qu’au lieu de les recevoir, Nicolas Sarkozy avait pris «le temps de (s’)entretenir avec M. Azif Ali Zardari [l’actuel président du Pakistan, NDLR], qui pourrait peutêtre avoir un lien avec le drame que nous vivons depuis 7 ans», soulignait le collectif. «Ne pourriez-vous pas, demandaient-elles alors, en marge de votre conversation avec M. Zardari, prendre un peu de votre temps afin d’affirmer, au ?collectif des familles de victimes décédées (en présence de leur avocat Me Morice), la réelle volonté de l’Etat français à voir ce dossier avancer avec votre soutien sans faille ?»

L’affaire dite de Karachi a été provoquée il y a un an par l’apparition d’une nouvelle piste pouvant expliquer pourquoi, le 8 mai 2002, quinze personnes dont onze employés français de la Direction des constructions navales (DCN, rebaptisée depuis DCNS) ont été assassinées au Pakistan. Jacques Chirac s’inclinant devant les cercueils des victimes de c Elysée l’attentat de Karachi

Et la missive de poursuivre : «Lorsque nous évoquons l’avancement du dossier, il s’agit pour nous d’un ensemble [...] et surtout notre volonté d’aboutir à un procès aux assises qui ne soit pas une parodie de justice, avec votre assurance que les commanditaires pourront être activement recherchés et extradés vers la France, quelle que soit leur fonction politique, militaire ou diplomatique.»

Différents documents et témoignages suggèrent que l’attentat, attribué jusqu’alors à des islamistes désireux de punir la France pour son soutien aux Etats-Unis, aurait en fait une tout autre cause. L’explosion du bus transportant les employés de la DCN aurait été la conséquence d’un règlement de comptes politicofinancier : le non-paiement de commissions en marge de contrats d’armement (notamment la vente de sous-marins Agosta au régime d’Islamabad) décidé à partir de 1995 par Jacques Chirac, qui soupçonnait certains intermédiaires d’avoir financé son rival Edouard Balladur.

«Nous ne sommes pas des “trucs”, nous sommes citoyens français» Las, cette lettre est restée sans réponse. Du coup, le Collectif des familles des victimes de l’attentat de Karachi a décidé cette fois d’interpeller le chef de l’Etat via une lettre ouverte adressée à Mediapart. Le ton y est pour le moins mordant.

Qualifiée de « cruellement logique » par le juge français Marc Trévidic, cette piste dite des «rétro-commissions» a totalement relancé l’enquête dont il est saisi, et redonné espoir aux familles des victimes, qui se heurtent depuis des années à l’indifférence de l’Etat. Une indifférence à laquelle a succédé un grand embarras.

« Depuis le début de votre mandat, vous êtes, à maintes reprises, intervenu dans divers dossiers touchant à la liberté, comme la libération des infirmières bulgares ou celle d’une désormais célèbre otage des FARC, la prise en charge des victimes de crashs d’avions, ou encore l’avenir socio-professionnel de nos compatriotes comme en ce moment avec l’affaire Molex pour laquelle l’Etat s’immisce dans la reprise d’une entreprise privée », rappelle le courrier.

C’est peu dire que l’Elysée voit d’un mauvais œil la nouvelle direction prise par l’enquête du juge Trévidic. Elle risque de mettre au jour les dessous des gros contrats d’armement et les soupçons de financement politique occulte qui s’y attachent, particulièrement sur la période 1993-1995, marquée par une bataille aussi acharnée que souterraine opposant les balladuriens aux chiraquiens. Nicolas Sarkozy était alors ministre du budget dans le gouvernement d’Edouard Balladur.

« Ce type d’intervention , poursuit-il, est bien sûr indiscutable et le but de ce texte n’est absolument pas de les contester, mais lorsqu’il s’agit des familles de victimes de l’attentat de Karachi, morts en mission pour une entreprise à l’époque détenue à 100% par l’Etat et aujourd’hui société privée à capitaux publics pour près de 75% de son capital, le discours n’est plus le même et le

Dans un courrier adressé à la présidence de la République le 8 mai 2009, dont Mediapart a déjà parlé, Magali Drouet, qui a perdu son père dans l’attentat, avait rappelé que les familles des victimes

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soutien inexistant. »

», le président avait vivement choqué les familles des victimes en déclarant, après avoir éclaté de rire : « Non pardon, hein, je ris pas du tout parce que Karachi, c’est la douleur de familles et de trucs comme ça ? mais ? qu’est-ce que vous voulez que j’aille répondre là-dessus ? »

Rappelant que le courrier daté du 8 mai 2009 est « resté lettre morte », le Collectif ajoute : « Vous prônez le besoin de sécurité, d’égalité et de justice, dans votre discours de politique étrangère ( ?) Monsieur le Président de la République, si ce discours était sincère, si vous ne souhaitez pas que les jolis messages humanistes français ne soient décrédibilisés par l’indifférence à l’égard de familles de victimes aux revendications légitimes, si les propos que vous avez tenus lors de votre discours à Bruxelles en juin dernier n’étaient qu’une piètre erreur de communication, si vos promesses de justice et de respect des victimes ne sont pas que des promesses électorales, alors vous n’avez d’autre choix que de recevoir notre Collectif, afin de nous assurer de votre soutien indéfectible dans cette affaire. Nous ne sommes pas des “trucs”, nous sommes citoyens français et, à ce titre, l’Etat nous doit la vérité et le respect . »

Conférence de presse à Bruxelles, le 18 juin 2009 Or, Mediapart a découvert que la présidence de la République, qui a pris conscience a posteriori de l’énormité de la gaffe du chef de l’Etat, a discrètement fait disparaître de son site internet officiel le passage controversé. En effet, sur le site Elysée.fr, on trouve bien, comme c’est la règle, la retranscription de la conférence de presse de Bruxelles. Sauf que les mots les plus choquants ont été purement et simplement supprimés ! Et le passage mentionné ci-dessus devient, comme par magie : « Pardon, Karachi, c’est la douleur de familles, que voulez-vous que j’aille répondre là-dessus ? » Plus d’allusion à son éclat de rire, ni évidemment à des « trucs comme ça » ?

« Il y a peu, l’une d’entre nous a pensé : “Apparemment, Monsieur Sarkozy préfère serrer la main de Kadhafi plutôt que celle d’une veuve de Karachi” ? Prouvez-lui qu’elle se trompe », conclut la missive.

Voici la capture d’écran de la retranscription tronquée de la déclaration de Nicolas Sarkozy, disponible sur le site de l’Elysée (ici) :

L’allusion aux « trucs » n’est pas neutre. Le Collectif fait référence à la conférence de presse, tenue à Bruxelles par Nicolas Sarkozy le 19 juin 2009, au cours de laquelle le chef de l’Etat avait été interpellé par un journaliste à propos des derniers rebondissements de l’affaire de Karachi, notamment la piste des rétrocommissions. Evoquant une « fable » qualifiée de « grotesque

Pour Me Olivier Morice, l’avocat du collectif, «la suppression par les services de l’Elysée des passages qui avaient entraîné la colère des familles des victimes est un aveu de faiblesse du président de la République lui-même dans ce qui est indéniablement une affaire d’Etat».

Le journal MEDIAPART est édité par la Société Éditrice de Mediapart (SAS). Capital social : 1 958 930 e. Immatriculation : no 500 631 932 RCS Paris. Numéro de CPPAP : en cours. Président : Edwy Plenel. Directeur éditorial : François Bonnet. Rédaction et administration : 8 passage Brulon, 75012 Paris. Courriel : contact@mediapart. f r . Téléphone : + 33 (0) 1 44 68 99 08. Télécopie : + 33 (0) 1 44 68 01 80 ou 01 90.

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