Néphrologie - Urologie
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Diurétiques Principes et règles d’utilisation Dr Jacques JULIEN Service d’hypertension artérielle et de médecine interne, hôpital Broussais, 96, rue Didot, 75674 Paris cedex 14.
Points Forts à comprendre • Les diurétiques sont des médicaments induisant une augmentation de l’élimination rénale de sodium et d’eau et donc une hypovolémie transitoire. Cette hypovolémie est salutaire dans l'insuffisance cardiaque symptomatique chronique et aiguë où elle est recherchée. En utilisation chronique, les diurétiques induisent une baisse des résistances périphériques par un effet vasorelaxant faisant intervenir les prostaglandines. Cette baisse des résistances périphériques est responsable de l’effet antihypertenseur. L’hypovolémie est responsable d’un hyperaldostéronisme secondaire (élévation de la rénine et de l’aldostérone plasmatique) qui entretient les mécanismes hormonaux délétères rencontrés dans l’insuffisance cardiaque. L’hyperaldostéronisme est antagonisé par les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les antagonistes de l’angiotensine II. Ce schéma physiopathologique justifie la combinaison de médicaments agissant à des points d’impact différents sur le système rénine-angiotensinealdostérone, dans l’insuffisance cardiaque et également dans l’hypertension artérielle. L’observance d’une restriction sodée dans les apports alimentaires est le corollaire indispensable de la prescription d’un traitement diurétique, en particulier dans l’insuffisance cardiaque. La restriction sodée maintient la négativation du bilan sodé provoquée par le diurétique.
1. Devenir du sodium après la filtration glomérulaire Près de 99 % du sodium filtré est réabsorbé. Au niveau du tube contourné proximal, les deux tiers du sodium du filtrat glomérulaire sont réabsorbés, mais les diurétiques ont peu d’action. Par ailleurs, la déplétion chronique met en route des mécanismes d’adaptation qui favorisent la réabsorption hydrosodée proximale, ce qui limite l’effet natriurétique. L’anse de Henlé réabsorbe ensuite 25 % du sodium filtré. La régulation fine du bilan sodé a lieu au niveau du tube contourné distal, sous l’action de l’aldostérone.
2. Mécanisme d’action des diurétiques de l’anse Au niveau de l’anse de Henlé se situe l’action des diurétiques de l’anse (furosémide, acide étacrynique, bumétanide) qui inhibent le transport actif du chlore dans la branche ascendante, empêchant ainsi la réabsorption du sodium et d’autres ions. Leur action est rapide et puissante, et indépendante de la fonction rénale.
Principes Les diurétiques sont des agents pharmacologiques qui ont pour but d’augmenter l'excrétion rénale de sodium et d’eau.
Mode d’action des différents diurétiques Il existe trois types principaux de diurétiques : les thiazidiques, les diurétiques de l’anse et les épargneurs de potassium dont le site d’action se place différemment au niveau du néphron (fig. 1).
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Lieux d’action des diurétiques sur le néphron. LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48
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3. Mécanismes d’action des diurétiques thiazidiques Entre la branche ascendante de Henle et le segment de dilution distal se situe l’action des thiazidiques : ils n’ont pas d’action sur la concentration urinaire proximale mais inhibent la réabsorption du NaCl, au niveau du tube contourné distal. L’augmentation de la natriurèse s’accompagne d’une augmentation proportionnelle de la chlorurie et de la kaliurèse. Les diurétiques thiazidiques ont une courbe doseréponse plate qui les rend inefficaces dans l’insuffisance rénale.
4. Mécanisme d’action des diurétiques épargneurs de potassium L’action des épargneurs de potassium se fait au niveau du tube contourné distal ; ils diminuent l’excrétion de K+ et de H+ et augmentent la fraction de Na excrétée d’environ 2 %. L’amiloride et le triamtérène agissent indépendamment de l’aldostérone et diminuent la perméabilité au sodium luminal. Quant à la spironolactone, elle se lie spécifiquement aux récepteurs de l’aldostérone en favorisant une natriurèse et la conservation plasmatique du K+. Son efficacité diurétique est surtout intéressante dans les hyperaldostéronismes primaires et secondaires.
Conséquences de l’administration des diurétiques 1. Effets hémodynamiques généraux Les diurétiques provoquent une natriurèse, entraînant une contraction du volume plasmatique et extracellulaire, une diminution initiale du débit cardiaque et une baisse de la pression artérielle. On observe ensuite un retour vers les valeurs initiales du volume plasmatique et du débit cardiaque et l’apparition d’une diminution des résistances périphériques. Le degré de la baisse tensionnelle obtenue est pour les thiazidiques d’une moyenne de 15 mmHg pour la systolique et 10 mmHg pour la diastolique (20 à 40 % des hypertensions artérielles peuvent être traitées par les diurétiques seuls).
2. Action hémodynamique intrarénale On observe une diminution du flux sanguin rénal et de la filtration glomérulaire sous thiazidiques, probablement en rapport avec la contraction du secteur extracellulaire. En revanche, le furosémide, en administration aiguë, unique, augmente le flux sanguin rénal et la filtration glomérulaire. Dans les traitements chroniques, on observe un retour vers les valeurs initiales lorsque le volume intravasculaire redevient lui-même normal. La diminution de la filtration glomérulaire peut être due à un mécanisme de rétrocontrôle intrarénal par lequel la charge de solutés du tube contourné distal influence la filtration glomérulaire. Cette diminution du flux sanguin rénal est associée à une augmentation très modérée mais persistante et significative des taux d’urée et de créatinine malgré un retour à la normale des valeurs du volume plasmatique et du débit cardiaque. Les prostaglandines vasculaires et rénales ont été partiellement impliquées dans l’effet salidiurétique des diurétiques. 914
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La diminution de la charge sodée dans les parois artérielles est responsable d’une moindre efficacité du tonus sympathique vasoconstricteur et de l’angiotensine II. Par ailleurs, la diminution de la turgescence des cellules vasculaires permet une augmentation du diamètre interne des vaisseaux.
3. Action sur le système rénine-angiotensine Tous les diurétiques stimulent le système rénine-adolstérone. Ils augmentent l’activité rénine plasmatique, les angiotensines I, II et III et l’adostérone ; par contraction des liquides extracellulaires, par diminution de la pression de perfusion intrarénale, par réponse sympathique à la stimulation des barorécepteurs rénaux, et par diminution de la concentration en Na au niveau de la macula densa. Une stimulation excessive du système rénine-angiotensine peut limiter l’efficacité des diurétiques.
4. Les autres propriétés des diurétiques Les thiazidiques font baisser la calciurie et augmentent la calcémie. Ils sont utiles dans le traitement de fond de la lithiase calcique récidivante idiopathique. Les diurétiques de l’anse peuvent à l’inverse augmenter l’élimination calcique et le furosémide s’est montré efficace dans le traitement des hypercalcémies aiguës. Les principaux diurétiques, leur mode d’action, leur dosage et la posologie moyenne sont indiqués dans le tableau I.
Règles d’utilisation des diurétiques Le maniement des diurétiques est simple si l’on connaît les règles de leur utilisation. Celles-ci sont schématisées dans le tableau II.
Connaître les effets secondaires et les complications du traitement diurétique Les principaux effets indésirables des diurétiques sont liés à leur mécanisme d’action. Ils peuvent donc être anticipés. Ils peuvent être expliqués au patient. Leur anticipation et l’éducation du patient reposent sur des éléments simples.
1. Les accidents hydroélectrolytiques Ce sont les plus fréquents, car tous les diurétiques entraînant une déperdition sodée et hydrique peuvent provoquer une déshydratation ou une hyponatrémie. Les diurétiques thiazidiques et de l’anse entraînent une déperdition chlorée responsable d’une alcalose hypokaliémique. Enfin les diurétiques épargneurs de potassium peuvent provoquer des accidents d’hyperkaliémie, essentiellement en cas d’insuffisance rénale. • L’hypokaliémie : elle est fréquente, mais le plus souvent modérée et sans conséquences cliniques. Sa recherche implique un dosage de potassium plasmatique avant tout traitement, puis au bout de 15 jours à un mois de traitement, puis annuellement. Si la kaliémie est inférieure à 3,5 mEq/L, une compensation s’impose, en particulier chez les sujets coronariens, ayant présenté un trouble du rythme ou traités par les digitaliques.
Néphrologie - Urologie TABLEAU I Principales familles de diurétiques et leurs principaux représentants (par souci de clarté, le tableau ne mentionne aucun générique, dont le coût est toujours inférieur aux produits référencés, pour une efficacité comparable) Principe actif
Nom commercial
Diurétiques de l’anse Furosémide Lasilix
Bumétanide
cp 20 mg cp 40 mg gel 60 mg forme injectable
cp 1 mg et 5 mg, forme IV Pirétanide Eurelix gel 6 mg Diurétiques thiazidiques et apparentés Hydrochlorothiazide Esidrex cp 25 mg
Burinex
Indapamide Xipamide
Fludex cp 1,5 mg Lumitens cp 20 mg Chronexan Ciclétanine Tenstaten gel 50 mg Diurétiques épargneurs de potassium Spironolactone Aldactone cp 50, 75 mg injectable
Amiloride
Modamide
Indication préférentielle
Présentation
cp 5 mg
Urgences cardiologiques * OAP, Insuffisance cardiaque HTA, états œdémateux * HTA et états œdémateux *
Indication secondaire
Durée d’action
HTA avec insuffisance rénale *, syndrome néphrotique hypercalcémie, relance diurèse dans l’anurie
courte
courte
HTA
courte
HTA *
États œdémateux *, lithiase rénale
HTA * HTA *
États œdémateux *
HTA *
24 h 24 h 24 h 24 h
HTA * Insuffisance cardiaque * Hyperaldostéronisme primaire HTA * (en combinaison)
États œdémateux
Syndrome de Liddle Œdèmes cardiaques et du cirrhotique * Triamtérène Présent uniquement dans les associations à un thiazidique (cycloteriam, isobar, prestole) Associations de diurétiques Spironolactone cp HTA * Insuffisance Œdèmes rénaux et Aldactazine Altizide (25 + 15 mg) cardiaque * hépatiques * Hydrochlorothiazide cp HTA * Œdèmes cardiaques et Moduretic Amiloride (50 + 5 mg) du cirrhotique * Cyclothiazide cp ( HTA * Insuffisance cardiaque * Cycloteriam Triamtérène (3 + 150 mg) Hydrochlorothiazide gel HTA * Prestole Triamtérène (25 + 50 mg) Furosémide cp Insuffisance HTA Logirene Amiloride (40 + 5 mg) cardiaque * Spironolactone cp Insuffisance HTA Aldalix Furosémide (50 + 20 mg) cardiaque *
> 48 h
24 h
> 24 h > 24 h > 24 h > 24 h 24 h > 24 h
* Indications du dictionnaire Vidal.
La compensation peut se faire soit en augmentant les apports alimentaires de potassium (fruits, légumes), soit grâce à une supplémentation potassique (comprimés de potassium), soit surtout par l’adjonction d’un diurétique épargnant le potassium. • La déshydratation et l’hyponatrémie : la majorité des patients sous traitement diurétique au long cours conserve une natrémie normale.
Cependant, l’hyponatrémie n’est pas rare et peut être grave, accompagnée de manifestations neurologiques, lorsqu’elle est sévère (< 125 mEq/L). Elle est le plus souvent liée à l’utilisation abusive de diurétiques thiazidiques chez des sujets âgés, ayant une prise de boissons trop importante, en régime désodé, et (ou) une autre cause d’hyponatrémie associée (insuffisance cardiaque, cirrhose, hypothyroïdie). Enfin, elle peut être favorisée par la diarrhée, un syndrome LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48
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TABLEAU II Principales règles d’utilisation des diurétiques en fonction de l’indication. Les niveaux 1 et 2 indiquent les éléments prioritaires à respecter dans les règles d’utilisation Niveau 1 Hypertension artérielle 1. Privilégier la tolérance du traitement, efficacité, choisir le diurétique le mieux adapté
2. Respecter les contre-indications
Pour une bonne observance, le traitement doit être parfaitement toléré
Allergies aux sulfamides et à leurs dérivés (thiazidiques et diurétiques de l’anse)
Niveau 2
Respect des contre-indications
Descriptif du Vidal
Utiliser des faibles doses
Préférer les thiazidiques en première intention Idem
Utiliser des diurétiques de longue durée d’action Prendre en compte l’activité génitale (spironolactone) Adénome prostatique Hyperuricémie et goutte
3. Conseiller un régime modérément salé
L’observance du régime conditionne l’efficacité du traitement
4. Attendre suffisamment pour évaluer l’effet du traitement
Mesurer la pression artérielle après 4 à 6 semaines de traitement minimum (s’aider de l’automesure tensionnelle)
5. Organiser une surveillance régulière de la tolérance biologique du traitement
Bilan simple avant et après l’initiation du traitement
6. Reconsidérer le choix du traitement en cas de problème de tolérance
Problème de tolérance
Précaution
Le régime peu salé est nécessaire en cas d’HTA sévère, et d’insuffisance rénale Augmenter la dose si demi-dose initiale ou surtout passer à une bithérapie K créatinine uricémie à 1 mois, 3 mois puis tous les 6 mois En cas : – d’hypokaliémie – d’hyperuricémie franche Responsabilité du diurétique
Utiliser la spironolactone chez la femme après la ménopause seulement Traitement adéquat de l’adénome ? Choisir une autre famille d’antihypertenseur ou traiter la maladie goutteuse Informer sur la richesse des aliments en sel Si échec, changer de famille(s) d’antihypertenseur(s) et reconsidérer le bilan étiologique en cas de résistance au traitement Respecter une insuffisance rénale fonctionnelle modérée, et une hyperuricémie asymptomatique Ajouter un épargneur (modamide) discuter la mise à l’allopurinol Diminuer la dose ? Changer de famille d’hypertenseur
Insuffisance cardiaque congestive 1. Privilégier l’efficacité du traitement ; tolérance
L’effet sur les symptômes prime sur la tolérance
2. Éduquer le patient, effets indésirables, régime sans sel
Apprendre la surveillance régulière du poids, les aliments salés à éviter, la conduite à tenir en cas de forte chaleur, de fièvre, d’hospitalisation
3. Respecter les règles concernant les associations médicamenteuses ; les pathologies associées
4. Organiser une surveillance stricte
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Les diurétiques sont un élément fondamental du traitement Cause fréquente de l’OAP : rupture du traitement diurétique ou écart au régime désodé ;
Les autres composants du traitement ne doivent pas être négligés (IEC+++) Faire intervenir une diététicienne
accepter l’effet pollakiurique du traitement
Moduler les prises dans la journée
Inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC)/épargneurs de potassium IEC chez un sujet prétraité par les diurétiques
Surveillance plus régulière de la kaliémie Ne pas introduire d’IEC à pleine dose chez un sujet déplété par les diurétiques
Digitaliques et risques de l’hypokaliémie
Savoir compenser l’hypokaliémie en combinant un épargneur de potassium (modamide)
Attention aux nouveaux médicaments (antivitamines K, antiinflammatoires non stéroïdiens…) Diabète, hypothyroïdie Clinique : poids, pression Biologique : Na K uricémie, artérielle debout, signes de créatininémie ± natriurèse déshydratation des 24 h extracellulaire
Recours au dictionnaire Vidal pour détection et gestion des interactions Renforcer la surveillance Savoir baisser ou renforcer la posologie en fonction des signes cliniques et biologiques
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Néphrologie - Urologie infectieux et les fortes chaleurs. On peut être préventif, avec l’utilisation de faibles doses de thiazidiques chez le sujet âgé, l’abstention des thiazidiques en cas d’antécédent d’hyponatrémie et la surveillance clinique et biologique régulière des sujets âgés sous diurétiques. En cas d’hyponatrémie sévère, le diurétique doit être interrompu et une restriction hydrique peut être nécessaire en cas d’hyperhydratation intracellulaire (hyponatrémie de dilution). • Les accidents d’hyperkaliémie sont les plus dangereux et se voient lors des traitements par les diurétiques distaux. Trois facteurs augmentent leur fréquence et doivent inciter à la prudence : l’insuffisance rénale, la néphropathie diabétique (possible tendance à l’hypokaliémie spontanée, liée à l’hyporéninisme-hypoaldostéronisme) et l’administration simultanée d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion, et d’un diurétique distal et (ou) de potassium, qui doit être proscrite.
2. Effets métaboliques – L’effet hyperglycémiant des diurétiques est dose-dépendant. Il est minime si l’on utilise des doses faibles. – De même, l’augmentation du taux des triglycérides et du cholestérol est à négliger, compte tenu du bénéfice potentiel du traitement diurétique. – L’uricémie : toute thérapeutique diurétique s’accompagne d’une élévation de l’uricémie liée à la déplétion sodée. L’hyperuricémie au long cours des traitements diurétiques n’expose que rarement aux crises de goutte (2 % de la population traitée), mais n’est pas un facteur de risque vasculaire potentiel. S’y associe une élévation modérée de la créatininémie, qui ne témoigne pas d’une insuffisance rénale organique, mais d’une insuffisance rénale fonctionnelle qui doit être respectée.
3. Autres effets secondaires Rappelons que la tolérance générale des diurétiques est en règle excellente si les doses prescrites sont faibles. L’on connaît cependant des accidents allergiques cutanés sous thiazidiques ; une gynécomastie chez l’homme, des troubles menstruels chez la femme sous spironolactone ; des troubles digestifs et cutanés sous amiloride et triamtérène. Enfin, les diurétiques diminuent la clairance rénale du lithium et doivent être évités chez les patients traités au long cours par le lithium.
4. L’échec du traitement Il doit faire rechercher une inobservance du traitement, du régime désodé, et également une interaction médicamenteuse (anti-inflammatoires non stéroïdiens).
Connaître les règles de prescription La prescription des diurétiques tient compte de certaines règles de prescription : un bilan préthérapeutique soigneux recherche les contre-indications relatives (adénome prostatique, antécédent d’hyponatrémie chez un sujet âgé sensible, éruption cutanée sous sulfamide), une pathologie associée pouvant favoriser les troubles hydroélectrolytiques LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48
(diarrhée,vomissements). Le bilan biologique initial comprend un dosage de la créatinine, de la kaliémie, de l’uricémie et de la glycémie à jeun. La posologie minimale efficace est prescrite ; le patient doit être averti de la nature et des effets du traitement et sa coopération permet de faciliter la surveillance (en particulier surveillance du poids régulière). Le bilan biologique est à recontrôler un mois après le début du traitement, puis tous les six mois à un an. `L’observance d’un régime sans sel modéré ou strict dépend de l’indication thérapeutique : dans l’hypertension artérielle (HTA), un régime modérément salé sera conseillé. Dès lors qu’une insuffisance rénale est présente, et que l’utilisation de fortes doses de diurétiques est nécessaire, l’observance du régime sans sel sera indispensable ; de même, dans l’insuffisance cardiaque où le respect du régime sera la condition nécessaire de l’efficacité du traitement. La non-observance du régime désodé est un paramètre de l’échec du traitement. Les paramètres cliniques simples d’une part, tels que l’évolution des symptômes, de la courbe de poids et la présence d’œdèmes des membres inférieurs, la surveillance des paramètres biologiques d’autre part (hyperuricémie, élévation des protides totaux et de l’hématocrite, insuffisance rénale fonctionnelle, natriurèse sur urines des 24 heures) permettront d’évaluer l’observance et par là même l’efficacité du traitement. En milieu hospitalier, les diurétiques doivent être interrompus 24 ou 48 heures avant un examen comportant une injection de produit iodé (scanner, coronarographie, etc.). Dans ce cas, l’administration temporaire de bicarbonates peut éviter la précipitation d’une insuffisance rénale fonctionnelle vers l’insuffisance rénale organique.
Connaître les indications thérapeutiques Les diurétiques sont largement utilisés dans l’hypertension artérielle et l’insuffisance cardiaque, dans les conditions aiguës et chroniques.
1. Dans l’hypertension artérielle Les diurétiques sont employés depuis plusieurs décennies. Ils sont efficaces en monothérapie et dans toutes les associations à d’autres antihypertenseurs. Ils peuvent être prescrits en première intention ou en deuxième intention. • On emploie en priorité des doses faibles de thiazidiques, compte tenu de la gêne mictionnelle induite par les diurétiques de l’anse, les plus rapidement actifs, de 12,5 à 25 mg/jour, éventuellement en association à un épargneur du potassium (amiloride ou triamtérène). L’efficacité complète du traitement n’est mesurable qu’après plusieurs semaines de traitement. La spironolactone n’est pas employée avant la ménopause, en raison de possibles troubles des règles. Chez l’homme elle est évitée en raison des troubles hormonaux dose-dépendants qu’elle induit : tension mammaire, gynécomastie et troubles de l’érection. Les thiazidiques ne peuvent pas être employés en cas d’insuffisance rénale, car ils deviennent inefficaces. On a alors recours aux diurétiques de l’anse. LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48
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Le sel dans l’organisme • Le sodium est l’un des constituants fondamentaux de l’organisme. • Il assure l’osmolalité des liquides extracellulaires où il est fortement présent (néatrémie 140 mMol/L). • L’alimentation assure les principaux apports, variant de 5 à 10 gr/24 heures ; 1 gr de NaCl = 17 mMol de Na. • La mesure de la natriurèse avant, puis après la mise au traitement diurétique permet de contrôler et de quantifier la négativation de la balance sodée ; élévation de la natriurèse comparée aux apports alimentaires réduits, perte de poids, et stigmates biologiques d’hémoconcentration (créatinine, protides, acide urique, hématocrite, élevés).
• Les diurétiques de l’anse sont utiles en cas d’insuffisance rénale et lorsqu’une déplétion importante est requise pour le traitement des formes sévères d’HTA. En l’absence d’insuffisance rénale, on peut leur associer des épargneurs du potassium. Les diurétiques peuvent être associés entre eux ; ils peuvent également être associés à d’autres antihypertenseurs, en cas d’inefficacité d’une monothérapie. Toutes les autres classes thérapeutiques peuvent être associées, mais l’accent a été mis sur la potentialisation de l’effet des β-bloquants, et surtout des inhibiteurs de l’enzyme de conversion et des antagonistes de l’angiotensine II. • Cas particuliers : – Insuffisance rénale accompagnant l’HTA : les diurétiques sont le plus souvent indispensables dès lors que la fonction rénale est altérée. On fait alors appel aux diurétiques de l’anse, dont les doses peuvent être accrues en fonction du degré de l’insuffisance rénale, et en évitant les thiazidiques et les épargneurs de potassium. – Hyperaldostéronisme primaire : la spironolactone est particulièrement indiquée dans les rares cas d’hyperaldostéronisme primaire : son emploi au long cours est rendu délicat par la survenue de ses effets indésirables. – Maladie réno-vasculaire et hyperaldostéronisme secondaire : les diurétiques restent indiqués mais leur emploi n’est pas logique en première intention, car ils peuvent aggraver l’hyperaldostéronisme secondaire déjà présent en cas de maladie réno-vasculaire. Il est donc logique de les adjoindre à un médicament bloquant le système rénineangiotensine, en deuxième intention, lorsque le traitement de la maladie réno-vasculaire a été effectué (dilatation d’une sténose de l’artère rénale). – Dans l’urgence hypertensive, les diurétiques sont utiles pour traiter les manifestations cardiaques présentes [œdème aigu du poumon (OAP), dissection aortique]. – Le tableau I présente les différents diurétiques et leurs combinaisons. Ne sont pas mentionnées dans ce tableau les associations fixes de diurétiques à d’autres antihypertenseurs. Les plus utilisés sont les associations d’IEC et de diurétiques, qui contiennent toutes 12,5 mg d’hydrochlorothiazide (et 20 mg d’énalapril/Co-Renitec, 10 mg de
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bénazépril/Cibadrex, 20 mg de quinapril/Acuilix, 20 mg de lisinopril/Zestoretic), à l’exception du Captéa et de l’Ecazide, qui contiennent 25 mg d’hydrochlorothiazide associés à 50 mg de captopril. Toutes sont prescrites en une prise par jour.
2. Dans l’insuffisance cardiaque Les diurétiques de l’anse et la spironolactone sont les diurétiques de choix de l’insuffisance cardiaque. En aigu, on fera surtout appel à un diurétique de l’anse, par voie intraveineuse (OAP) et (ou) orale. En chronique, on fera également appel aux diurétiques de l’anse et à la spironolactone, cette dernière s’opposant à l’hyperaldostéronisme et ses conséquences. Compte tenu de la fréquente utilisation des IEC dans l’insuffisance cardiaque et du risque majoré d’insuffisance rénale fonctionnelle, la vigilance sera particulièrement grande, et la surveillance des paramètres cliniques (poids, pression artérielle debout) et biologiques (créatininémie, uricémie, kaliémie) sera très régulière.
3. Autres indications des diurétiques Les œdèmes cycliques idiopathiques et les phases de décompensation œdémato-ascitique des cirrhoses sont d’autres indications des diurétiques. Enfin, le furosémide est employé dans le traitement des hypercalcémies. ■
Points Forts à retenir • Les diurétiques constituent une classe hétérogène de médicaments : – selon leur lieu et leur mode d’action ils sont classés en diurétiques hypokaliémiants ou épargneurs de potassium ; – selon leur rapidité et leur durée d’action, ils seront choisis dans le traitement des urgences (OAP), de l’insuffisance cardiaque et (ou) de l’hypertension artérielle ; – selon leur profil de tolérance, l’on acceptera des effets indésirables dans des pathologies graves (l’insuffisance cardiaque), qui seront jugés inacceptables dans des pathologies asymptomatiques telles que l’HTA ; – leur maniabilité est grande lorsque l’on connaît les règles simples de leur utilisation ; l’éducation du patient doit permettre d’éviter les accidents ; une attention particulière sera apportée à la surveillance des sujets âgés et des insuffisants cardiaques.
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