Psychiatrie
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Syndrome névrotique : hystérie de conversion Diagnostic, traitement Dr Isabelle MOURAD, Pr Jean ADÈS Service de psychiatrie, hôpital Louis-Mourier, 178, rue des Renouillers, 92701 Colombes cedex.
Points Forts à comprendre • Le terme d’hystérie désigne des manifestations disparates : des symptômes, un type de personnalité, un style d’expression des émotions. • Les classifications critériologiques récentes ont supplanté les classifications qui prolongeaient les descriptions de Freud : la névrose hystérique associant la personnalité hystérique et des symptômes de conversion. • Ces symptômes conversifs peuvent être d’expression somatique ou psychique. • Les classifications plus récentes (DSM IV ou CIM 10) ont démantelé le concept de nécrose hystérique et ont divisé les symptômes hystériques en deux grandes catégories : les troubles somatoformes (somatisation, conversion, algie) et les troubles dissociatifs (amnésie, fugue, trouble de l’identité, transe).
Syndromes hystériques Symptômes somatiques durables 1. Atteintes motrices • L’astasie-abasie est fréquente ; elle est caractérisée par une incapacité à se tenir debout et à marcher, entraînant des chutes parfois spectaculaires, sans déficit neurologique objectivable. Elle est fluctuante, peut durer de quelques semaines à quelques mois et récidiver. Elle est parfois associée à des symptômes mineurs de type vertiges, dérobements des jambes, impression d’instabilité à la marche. • Les paralysies et les contractures de divers groupes musculaires peuvent être observées. Il n’existe aucun signe objectif d’atteinte lésionnelle centrale ou périphérique. Elles ne respectent pas la systématisation anatomique mais prennent modèle sur les représentations populaires, exprimant l’idée que le malade se fait des maladies et du fonctionnement de son propre corps. Tout type de tableau peut se voir : on a décrit des paralysies « en marche de veste »,
« en manchette » (Janet), des monoplégies, des hémiplégies, des quadriplégies, des paralysies du pouce. Les paralysies siègent plus volontiers du côté gauche. Les contractures peuvent concerner un membre, un doigt, un muscle du cou réalisant un torticolis, ou les muscles paravertébraux (camptocormie). Le diagnostic repose sur l’absence de systématisation des symptômes et de signes neurologiques objectifs. • Des mouvements anormaux peuvent apparaître, ils sont également non systématisés et réalisent le plus souvent des tremblements, des mouvements choréiques, des tics. Ils sont peu gênants mais rechutent fréquemment et ont tendance à se chroniciser.
2. Atteintes sensitives Les atteintes sensitives s’associent souvent aux atteintes motrices. • Les anesthésies peuvent atteindre la sensibilité superficielle et profonde, elles peuvent être complètes ou partielles, leur localisation est variable et influencée par les conditions de l’examen. Leur distribution anatomique correspond à la partie du corps qui, pour le sujet, symbolise sa maladie. Elles sont souvent décrites par des métaphores vestimentaires (anesthésie en manche, en doigt de gant, en caleçon, en botte), hémianesthésie du corps au « cordeau », anesthésie d’un membre avec incapacité à l’utiliser sans le regard. • Des points hyperesthésiques peuvent être associés à l’anesthésie cutanée et muqueuse. Les descriptions classiques étant le « clou hystérique » de Sydenham au sommet du crâne, les « zones hystérogènes » de Charcot, en particulier les points ovariens dont la compression déclenche une attaque. • Les algies sont très fréquentes. Elles s’observent chez les hommes et chez les femmes, à tous les âges, mais leur fréquence et leur caractère rebelle augmentent avec l’âge. Ces douleurs sont fixes, ou leur localisation est variable ; elles peuvent être temporaires ou persistantes mais entraînent souvent une impotence fonctionnelle disproportionnée. Les principales localisations sont, par ordre de fréquence décroissant, la tête et le cou, le thorax et les membres supérieurs, le tronc et le dos, la région pelvienne. Ces algies expliquent en partie la multiplication des consultations médicales par les hystériques. LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48
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SYNDROME NÉVROTIQUE : HYSTÉRIE DE CONVERSION
3. Atteintes sensorielles • Atteinte visuelle : les atteintes sensorielles concernent surtout la vue : rétrécissement concentrique ou circulaire du champ visuel, scotome ou amblyopie transitoire, diplopie monoculaire, hémianopsie, macropsie ou micropsie, brouillard visuel. Les troubles visuels sont volontiers transitoires chez la femme, plus massifs et chroniques chez l’homme (cécité). • Atteinte auditive : la surdité survient électivement après un choc émotionnel avec stimulus sonore (explosion) ; elle se rencontre volontiers dans certaines professions où l’audition a une place importante (standardiste).
4. Phonation L’atteinte de la phonation est fréquente chez la femme et se traduit par une aphonie ou une dysphonie, c’est-à-dire une impossibilité de parler autrement qu’en chuchotant d’une voix à peine audible. La communication gestuelle, l’expression orale ou écrite sont respectées. D’autres troubles tels que des bégaiements, aboiements, mugissements, se rencontrent parfois ainsi que le mutisme total survenant surtout après un choc émotionnel.
5. Système neurovégétatif Les symptômes somatiques durables peuvent également concerner le système neurovégétatif. Ces atteintes réalisent des spasmes des muscles lisses et des sphincters : on peut observer des spasmes pharyngés pouvant empêcher toute alimentation, une « boule œsophagienne », des vomissements incoercibles, des spasmes respiratoires avec « toux nerveuse », des spasmes vésicaux avec rétention d’urine ou énurésie, un vaginisme. Le cathémophrénose ou « gros ventre hystérique » est lié au spasme du diaphragme associé à un tympanisme abdominal. Le tableau se complète parfois par un arrêt des règles et un gonflement mammaire réalisant une « grossesse nerveuse », devenue aujourd’hui exceptionnelle. Des troubles vasomoteurs et trophiques accompagnent exceptionnellement certaines paralysies (épaississement des téguments, refroidissement, cyanose, œdèmes sous-cutanés). Une prédisposition somatique peut les expliquer mais leur entretien volontaire est parfois suspecté (pathomimies). Leur surveillance étroite entraîne souvent leur disparition ; il en est de même pour d’autres pathomimies, telles que les fièvres inexplicables, les hémorragies localisées, les stigmates. Les troubles alimentaires sont fréquents, anorexie sans maigreur marquée ni aménorrhée, associée à des vomissements. Les troubles psycho-sexuels sont presque constants selon certains auteurs. Chez la femme, on observe une diminution de la libido, une frigidité voire une répugnance pour la sexualité. Les dyspareunies sont souvent évoquées pour éviter les relations sexuelles. Les troubles des règles associent souvent des dysménorrhées, des aménorrhées. Chez l’homme, les troubles sexuels sont moins fréquents : éjaculation précoce, impuissance.
Symptômes somatiques paroxystiques Les crises excito-motrices réalisent classiquement la grande attaque de Charcot, qui peut durer de 10 à 15 minutes ; elles comprend successivement, après une aura d’angoisse 910
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somatique, une phase épileptoïde tonique, puis clonique désordonnée, une phase de contorsions en arc de cercle, une phase d’attitudes passionnelles mimées avec immobilité extatique ou agitation frénétique, des transes. Les crises mineures sont aujourd’hui bien plus fréquentes : pseudocrises « convulsives » hystériques, le plus souvent sans morsure ni incontinence urinaire, ni blessure ; crises d’agitation, « crise de nerfs », crises syncopales, évanouissements, crises tétaniformes, souvent qualifiées de « spasmophilie ».
Symptômes conversifs d’expression psychique 1. Troubles de la mémoire Les troubles de mémoire de l’hystérique sont caractérisés par une difficulté élective à évoquer certains souvenirs (amnésie psychogène). L’évocation biographique est floue, imprécise et abonde en lacunes et oublis. L’amnésie infantile prolongée est caractéristique. Les amnésies électives correspondent à l’oubli sélectif d’une expérience honteuse ou pénible, d’une période de vie, ou la méconnaissance systématique d’un événement douloureux. Les illusions de mémoires et les fabulations viennent souvent combler les lacunes liées à l’amnésie élective. Les plus caractéristiques sont les faux souvenirs de scènes infantiles de séduction ou de viols.
2. Inhibition intellectuelle L’inhibition intellectuelle peut être le symptôme unique, caractérisé par l’incapacité à effectuer un effort intellectuel et un désinvestissement de la vie psychique et relationnelle.
3. Troubles de la vigilance Le plus commun de ces troubles chez l’hystérique est la distractivité qui permet au patient de négliger les perceptions extérieures vécues comme déplaisantes. • Les états somnambuliques représentent un aspect caractéristique des phénomènes de clivage de la conscience. • Les fugues dissociatives, caractérisées par un ou plusieurs épisodes de voyage soudain, inattendu, réfléchi, loin du domicile ou du lieu habituel de travail associés à une incapacité à rappeler son propre passé et son identité. L’amnésie d’identité, rare, en représente une forme extrême. • Les troubles dissociatifs de l’identité ou personnalité multiple sont des troubles de l’identité réalisant une ou plusieurs personnalités distinctes ayant chacune des attitudes et un comportement particuliers. • Les états crépusculaires réalisent un état second ressemblant à l’absence temporale susceptible de durer de quelques jours à deux ou trois semaines. Le syndrome de Ganser (altération de la mémoire, réponses à côté ou absurdes) en constitue une variété rare. • La stupeur dissociative réalise un état d’immobilisme avec réduction de la motricité volontaire et du langage, conservation de la réactivité du regard.
Diagnostic de conversion hystérique Le diagnostic de conversion hystérique ne doit être porté qu’avec prudence, car les erreurs sont fréquentes et le risque de méconnaître une pathologie organique est réel.
Psychiatrie Pour poser ce diagnostic, il est nécessaire de caractériser convenablement les symptômes du patient. Les symptômes conversifs sont souvent particuliers, mobiles, variables, suggestibles. Ils sont présentés de façon théâtrale et on retrouve le plus souvent une « belle indifférence », c’est-àdire qu’aucune participation affective, notamment anxieuse, n’est associée à la description des symptômes comme ce pourrait être le cas lors d’une atteinte organique. On repère souvent des facteurs déclenchants et l’existence de bénéfices secondaires. Pour orienter le diagnostic, il est indispensable de connaître les antécédents d’accidents conversifs du patient, s’ils existent, mais également les éléments de personnalité (histrionisme, égocentrisme, labilité émotionnelle, facticité des affects, dépendance affective, érotisation des rapports sociaux, avidité affective). L’élément le plus sûr pour orienter le diagnostic repose sur l’absence de systématisation organique de ces symptômes, encore faut-il pouvoir éliminer toutes les étiologies, même les plus rares. Dans tous les cas, il est indispensable de réaliser un examen somatique et notamment neurologique complet. En effet, de nombreuses affections organiques peuvent rendre compte de manifestations apparemment hystérique (sclérose en plaque, épilepsie partielle, tumeurs cérébrales, détérioration mentale, hypoglycémie, hypocalcémie, prophyrie). Il faut souvent s’aider d’explorations complémentaires (électroencéphalogramme, scanner, avis spécialisés…) afin de ne pas méconnaître un diagnostic organique, sans pour autant se laisser entraîner dans un circuit interminable d’examens inutiles et coûteux.
Approche thérapeutique Le traitement de l’hystérie commence dès le premier contact avec le patient : le médecin doit se garder, par son attitude, ses remarques ou allusions, de renforcer ou d’induire des symptômes, d’aggraver des situations conflictuelles. En pratique, certaines méthodes thérapeutiques visent à amener le patient à abandonner ses symptômes. • L’isolement (simple éloignement de l’entourage ou hospitalisation) permet de rompre les afférences socio-familiales. Le milieu hospitalier peut permettre de dévaloriser les bénéfices secondaires liés à l’utilisation des symptômes qui se trouvent pénalisée par l’isolement. Les procédés de suggestion utilisent la persuasion qui suffit généralement à faire disparaître un accident paroxystique ; elle est souvent inefficace, en revanche, sur une manifestation conversive durable. Le patient ne doit pas être confronté directement à son symptôme, une attention trop directe portée à la conversion risquant de majorer l’anxiété et l’impression d’incompréhension ressentie par le patient. L’essentiel de la prise en charge repose sur la réassurance et la relaxation. Le principal objectif est l’établissement d’une relation thérapeutique stable, constante et rassurante avec le patient. Si les symptômes de conversion ne disparaissent pas rapidement, d’autres techniques peuvent être proposées, parmi lesquelles la narco-analyse, l’hypnose ou la thérapie comportementale. Quelles qu’en soient les modalités, un traitement actif et rapide est tou-
jours souhaitable car plus la conversion est prolongée, puis elle risque de récidiver, voire de se chroniciser. • La narco-analyse consiste à injecter très lentement, par voie intraveineuse, des barbituriques ou plus rarement des benzodiazépines. Le patient est ensuite incité à évoquer les facteurs de stress et les conflits de son existence. Cette technique peut être efficace de manière transitoire, permettant une diminution des symptômes conversifs et une meilleure connaissance du patient et de sa biographie. L’efficacité est cependant beaucoup plus limitée en cas de conversions anciennes. • L’hypnose permet aussi de faire disparaître de manière transitoire les symptômes conversifs qui réapparaissent dès que le patient n’est plus sous hypnose. Le thérapeute peut utiliser des techniques de suggestion post-hypnotique pour obtenir des effets plus prolongés. • Les thérapies comportementales, fondées sur la relaxation, permettent aussi une diminution des symptômes. Les thérapeutiques comportementales aversives, comportant des techniques agressives (faradisation), ne sont plus pratiquées. Les prises en charge au long cours ne seront plus centrées sur le symptôme conversif, mais auront pour objet de proposer au patient une relation thérapeutique rassurante et stable. Les thérapies psychanalytiques, dans la suite des observations de Freud, sont utilisées et montrent une certaine efficacité. • La place des traitements chimiothérapiques demeure, en pratique quotidienne, limitée dans l’hystérie. La prescription d’antidépresseur se justifie s’il existe une symptomatologie dépressive ou dysthymique. Les tranquillisants doivent être utilisés avec précaution, car ils peuvent être à l’origine de désinhibition pathologique et d’états d’agita■ tion (effets paradoxaux).
Points Forts à retenir • Le diagnostic de conversion hystérique repose sur l’existence de symptômes physiques évocateurs qui peuvent être d’expression somatique, durable ou paroxystique et d’expression psychique, associés à des éléments de personnalité hystérique. • La nature de ces symptômes, l’absence de systématisation organique, la suggestibilité, la labilité, la variabilité dans le temps, l’existence de facteurs déclenchants et de bénéfices secondaires et la « belle indifférence » par rapport à ces symptômes sont des arguments pour ce diagnostic. • Cependant, dans tous les cas, le diagnostic d’hystérie de conversion nécessite d’avoir éliminé tous les diagnostics de maladie organique qui pourraient éventuellement rendre compte de la symptomatologie, et nécessiterait une prise en charge spécifique. Il est le plus souvent nécessaire de recourir à des avis spécialisés (neurologiques ou autres…) et à des examens complémentaires. LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48
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