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Hématologie

B 313

Anémies macrocytaires de l’adulte Physiopathologie, étiologie, diagnostic et traitement Dr Jacqueline ZITTOUN Service d’hématologie-biologique, hôpital Henri-Mondor, 94010 Créteil cedex

Points Forts à comprendre • Les anémies macrocytaires sont souvent la conséquence d’une carence en vitamine B12 et (ou) en folates. Elles sont alors arégénératives et le fait d’une anomalie de division cellulaire par anomalie de biosynthèse de l’ADN, en raison du rôle direct des folates et indirect de la vitamine B12 dans cette biosynthèse. La moelle est riche, mégaloblastique, contrastant avec une anémie périphérique, souvent associée à une leuconeutropénie et à une thrombopénie en raison de l’hématopoïèse inefficace. • Une anémie macrocytaire ou plutôt une macrocytose accompagne généralement un éthylisme chronique, cause la plus fréquente de macrocytose mais le mécanisme de cette macrocytose est plurifactoriel, une carence en folates étant souvent associée. Une anémie macrocytaire non régénérative peut révéler une hémopathie grave essentiellement une aplasie ou un syndrome myélodysplasique, la macrocytose pouvant résulter d’un trouble de maturation médullaire. Des anémies hémolytiques très régénératives peuvent être macrocytaires, le réticulocyte ayant un VGM supérieur au globule rouge mature.

Anémies macrocytaires carentielles Les folates (vitamine B9) et les cobalamines (vitamine B12), vitamines du groupe B, ont une fonction de coenzymes qui, avec des enzymes spécifiques, transportent des radicaux monocarbonés, méthylène, formyl, méthyl… Les folates physiologiquement actifs sont des dérivés réduits de l’acide folique (acide ptéroyl monoglutamique), forme non physiologique mais utilisée en thérapeutique en raison de sa stabilité. Les coenzymes foliques, tétrahydrofolate (THF) et autres, sont des ptéroylpolyglutamates réduits. Ils ont un rôle actif : 1) dans la biosynthèse de l’ADN, via la biosynthèse du thymidylate (enzyme : thymidylate synthase, coenzyme folique : méthylèneTHF) ; 2) dans la biosynthèse du noyau purine (enzymes : transformylase, coenzyme : 10 formylTHF) ; 3) dans la synthèse de la méthionine (enzyme : méthionine synthase, coenzyme : méthylcobalamine, substrat donneur de méthyl : méthylTHF) (cf. figure). Les cobalamines (Cbl) actives, méthylCbl et adénosylCbl sont des dérivés labiles, alors que l’hydroxoCbl, présente en petites quantités dans le plasma, et la cyanoCbl sont des formes stables utilisées en thérapeutique. La méthylCbl est impliquée avec les folates dans la synthèse de la méthionine, et l’adénosylCbl dans la conversion de l’acide méthylmalonique en acide succinique, l’enzyme étant la méthylmalonyl Co A mutase (cf. figure).

TABLEAU I

Les anémies macrocytaires caractérisées par un volume globulaire moyen (VGM) supérieur à 100 fl ou µ3 sont le plus souvent arégénératives avec un nombre de réticulocytes normal ou abaissé en raison d’une insuffisance de production médullaire : c’est le cas des carences en vitamine B12 ou en folates, des anémies macrocytaires accompagnant une hémopathie maligne ou même encore de l’anémie macrocytaire de l’insuffisance thyroïdienne. Elles peuvent être régénératives avec un taux de réticulocytes élevé, le réticulocyte ayant un VGM supérieur au globule rouge mature. C’est le cas des hémolyses fortement régénératives ou encore des carences en vitamine B12 ou en folates en début de traitement vitaminique. Les principales causes d’anémie macrocytaire ou de macrocytose figurent sur le tableau I.

Principales causes des anémies macrocytaires ou macrocytoses Arégénératives Carences en vitamine B12 ou en folates Alcoolisme et hépatopathies Syndromes myélodysplasiques Aplasies médullaires, leucémies aiguës, myélome Médicaments cytotoxiques Insuffisance thyroïdienne Macrocytose physiologique du nouveau-né Régénératives Anémies hémolytiques Carences en vitamine B12 ou folates en début de traitement

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ANÉMIES MACROCYTAIRES DE L’ADULTE

TUBE DIGESTIF

CELLULE

SANG

Estomac H+

Cbl P

Cbl alimentaires

FI

liées à des protéines (Cbl-P)

Déoxyuridylate Cbl R

Thymidylate synthase

Thymidylate

Méthylène THF

Cbl FI

Dihydrofolate (DHF)

R Méthylènetétrahydrofolate réductase

Cbl FI

FormylTHF

ADN

Dihydrofolate réductase

Intestin grêle

Folates alimentaires (ptéroyl polyglutamates)

Monoglutamates

MéthylTHF

MéthylTHF

Acide folinique

Homocystéine

Méthionine synthase

Tétrahydrofolate (THF)

Méthionine

MéthylCbl

Cbl-FI

Cbl-TCII

Cbl

Iléon

Méthylmalonyl CoA

1

MMCoA Mutase

Succinyl CoA

Métabolisme des folates et des cobalamines.

Métabolisme des folates et de la vitamine B12 Les folates alimentaires sont des ptéroylpolyglutamates réduits, très labiles et détruits par la chaleur. Ils sont retrouvés dans le foie, les légumes verts, les fruits secs et frais, la levure. Ils sont scindés au niveau du jéjunum proximal en monoglutamates sous l’effet d’une enzyme, la polyglutamate hydrolase puis convertis en méthylTHF, forme circulante prépondérante ; le méthylTHF cède son radical méthyl pour la synthèse de la méthionine et devient alors le THF qui peut fixer des radicaux monocarbonés (cf. figure). Il existe une circulation entérohépatique importante des folates, les folates biliaires étant réabsorbée par le même mécanisme que les folates alimentaires. Les protéines liant les folates sont présentes à la surface des cellules intestinales aussi bien que dans le lait, le foie et d’autres tissus mais leurs fonctions ne sont pas encore bien définies. Les réserves de l’organisme en folates, 10 mg environ, localisées pour la grande partie dans le foie, ne sont suffisantes que pour 4 à 5 mois compte tenu de besoins quotidiens estimés au moins à 200 µg et à deux fois plus au cours de la grossesse et l’adolescence. Les Cbl retrouvées essentiellement dans les produits animaux, viande, foie, poissons, sont liées à des protéines. Elles sont libérées des protéines par l’acidité gastrique et la pepsine et se combinent au facteur intrinsèque (FI), gly900

AdénosylCbl

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coprotéine produite par les cellules fundiques de l’estomac, qui ne lie que les formes physiologiques de la vitamine B12. Une deuxième protéine, liant les Cbl et les analogues inactifs, appelée haptocorrine ou protéine R, fixe la vitamine B12 dans le suc gastrique mais cette vitamine est libérée des protéines R par digestion pancréatique et se lie alors au FI. Le complexe B12-FI se fixe sur des récepteurs spécifiques présents au niveau de l’iléon distal ; la vitamine B12 est alors absorbée, passe dans le sang portal où elle se lie à une protéine spécifique, la transcobalamine II (TCII) synthétisée dans les macrophages, l’iléon, le foie. La TCII délivre la vitamine B12 à la moelle osseuse et aux autres tissus à renouvellement rapide. Dans la cellule, la vitamine B12 est convertie en formes actives réduites, méthylCbl et adénosylCbl (cf. figure). La majeure partie de la vitamine B12 circulant dans le plasma est liée à une autre protéine, la TCI, glycoprotéine synthétisée surtout par les granulocytes d’où l’élévation de la vitamine B12 et de la TCI dans le sérum de patients atteints de syndromes myéloprolifératifs. Les réserves de l’organisme en cobalamines sont élevées, de l’ordre de 2 à 3 mg et localisées essentiellement dans le foie ; elles sont suffisantes pour 3 à 4 ans, compte tenu des besoins quotidiens qui sont faibles de l’ordre de 1 à 2 µg. Comme pour les folates, il existe une circulation entérohépatique des cobalamines.

Hématologie Physiopathologie de la macrocytose sanguine et de la mégaloblastose médullaire des carences vitaminiques Les carences en folates ou en vitamine B12 sont responsables dans leur expression typique d’une mégaloblastose médullaire. L’aspect des érythroblastes est typique : gigantisme cellulaire (mégaloblastes), asynchronisme de maturation nucléocytoplasmique à tous les stades de maturation des érythroblastes, avec un aspect réticulé, peu condensé, de la chromatine, contrastant avec la maturation normale du cytoplasme. Cet aspect morphologique est la traduction d’un trouble de synthèse de l’ADN via l’anomalie de synthèse du thymidylate, dépendant de la thymidylate synthase et du méthylèneTHF (cf. figure) : il s’ensuit un blocage de la phase S du cycle cellulaire et un avortement intramédullaire. Cette anomalie de la division cellulaire affecte les autres lignées médullaires mais aussi tous les tissus à renouvellement rapide notamment les épithéliums digestifs. La carence en B12 bloque le métabolisme des folates au niveau des méthylfolates d’où le nom de piège des « méthylfolates » dans les carences en B12. Il s’ensuit un défaut de régénération du THF, de formation du méthylèneTHF et de polyglutamates intracellulaires.

TABLEAU IIA Causes des carences en folates Carences d’apports Malnutrition, régime déséquilibré, ébullition prolongée des aliments Malabsorptions Maladie cœliaque, sprue tropicale, résection jéjunale, affections du grêle (lymphomes, etc.) Excès d’utilisation ou de pertes Physiologiques . grossesse, allaitement, prématurité Pathologiques . affections hématologiques, anémies hémolytiques . myélofibrose, cancers, lymphomes, maladie inflammatoires . dialyses, psoriasis Alcoolisme et hépatopathie Carences aiguës en folates Malades en réanimation, infections sévères chez des sujets carencés Médicaments . méthotrexate, pyriméthamine, triméthoprime : antifoliques . sulfasalazine : malabsorption . anticonvulsivants

Causes des carences vitaminiques Elles figurent sur les tableaux IIA et IIB. • Les carences d’apport en folates sont fréquentes Elles sont le fait des sujets âgés ou des sujets alcooliques, ou de personnes économiquement défavorisées. • Les carences aiguës en folates surviennent chez des sujets ayant un statut folique déficient et apparaissent à la faveur d’un épisode infectieux. Dans ces cas, ce sont généralement la thrombopénie et (ou) la neutropénie qui révèlent la carence folique. Ces carences surviennent surtout chez les malades en réanimation mais parfois chez des sujets « sains » et peuvent révéler une affection sous-jacente telle qu’une maladie cœliaque. • Les carences médicamenteuses sont surtout le fait de médicaments antifoliques. Le méthotrexate bloque le métabolisme des folates par blocage de la dihydrofolate réductase (cf. figure). L’utilisation de fortes doses de méthotrexate implique de pratiquer un sauvetage par acide folinique, le formylTHF, forme réduite et active, afin d’éviter la toxicité hématologique de ce médicament. La pyriméthamine et à un degré moindre le triméthoprime, ayant une action antifolique sur les germes ou les parasites, peuvent parfois induire une pancytopénie avec anémie mégaloblastique. La sulfasalazine est responsable de malabsorption de folates. • La maladie de Biermer est la cause la plus fréquente des carences en vitamine B12 et correspond à une malabsorption par gastrite atrophique probablement d’origine auto-immune. Le diagnostic est confirmé par une fibroscopie qui montre une gastrite atrophique et l’histologie montre en général une infiltration de la lamina propria par

TABLEAU IIB Causes des carences en vitamines B12 Carences d’apports Végétariens stricts Malabsorptions Causes gastriques : maladie de Biermer, gastrectomie partielle ou totale Causes intestinales : . maladies inflammatoires : maladie de Crohn, pancréatites, sprue tropicale, maladie cœliaque diffuse, pullulations microbiennes, résection iléale étendue, infestation par le botriocéphale Causes médicamenteuses . colchicine : malabsorption . protoxyde d’azote : inactivation de la B12

des lymphocytes et des plasmocytes et parfois une métaplasie intestinale. Le tubage gastrique révèle une achlorhydrie et une absence de sécrétion de facteur intrinsèque. La maladie de Biermer est surtout le fait des sujets âgés, de sexe féminin, de groupe A, aux yeux bleus, mais cette affection peut se voir à tout âge et dans toutes les ethnies. Elle est souvent associée à d’autres maladies autoimmunes, myxœdème, maladie d’Hashimoto, vitiligo ; 90 % des malades ont des anticorps anticellules pariétales dans le sérum dirigées contre l’ATPase H+/K+ et 50 % ont des auto-anticorps antifacteur intrinsèque, qui bloquent la liaison de la vitamine B12 au FI. Le taux de gastrine sérique est très élevé. Il existe une incidence accrue d’adénocarciLA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48

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ANÉMIES MACROCYTAIRES DE L’ADULTE

nomes gastriques au cours de la maladie de Biermer et plus encore de tumeurs carcinoïdes gastriques d’où la nécessité d’une surveillance endoscopique tous les deux à trois ans.

Signes cliniques des anémies carentielles Ils sont liés à l’anémie, à son intensité et à la rapidité d’installation de cette anémie. Parfois, il existe une note hémolytique avec subictère due à l’érythropoïèse inefficace ; une glossite avec langue rouge, dépapillée et douloureuse et des discrets signes de malabsorption, diarrhée et perte de poids liées à l’atteinte des épithéliums intestinaux sont souvent associés. Chez beaucoup de patients asymptomatiques, la carence est découverte au cours d’un bilan d’une macrocytose. La carence en vitamine B12 peut causer une neuropathie progressive affectant les nerfs sensitifs périphériques et les cordons postérieurs et latéraux de la moelle épinière. Cette neuropathie affecte surtout les membres inférieurs entraînant une difficulté à la marche ; parfois des troubles psychiques révèlent une carence en vitamine B12. Ces troubles neuropsychiques peuvent exister en dehors de toute anémie et (ou) de macrocytose.

Diagnostic hématologique et biologique d’une carence vitaminique 1. Diagnostic hématologique Le diagnostic de carence vitaminique doit être suspecté devant une anémie macrocytaire ou même devant une macrocytose isolée. L’anémie peut être parfois normocytaire surtout si une carence en fer est associée. Le taux de réticulocytes est bas, comparé au degré de l’anémie, et le nombre de globules blancs, surtout de polynucléaires neutrophiles, et de plaquettes est souvent diminué. L’aspect du frottis montre une macrovalocytose plus qu’une macrocytose avec souvent des corps de Jolly dans les hématies témoignant d’un trouble de division cellulaire. Il existe parfois une schizocytose plus ou moins importante. De nombreux polynucléaires sont hypersegmentés avec un noyau comportant plus de 5 lobes. La moelle est riche, bleue en raison de l’hyperplasie des érythroblastes dont le cytoplasme est riche en ARN. De nombreux érythroblastes sont mégaloblastiques (cf. plus haut). Les métamyélocytes sont souvent de grande taille avec un noyau en fer à cheval.

2. Diagnostic biologique Le diagnostic d’une carence en B12 ou en folates est réalisé sur des dosages de vitamine B12 et de folates dans le sérum, ainsi que de folates dans les érythrocytes ; le taux de folates érythrocytaires est le témoin réel des réserves en folates. Une carence en folates est associée à une baisse simultanée des folates sériques et érythrocytaires alors que le taux de vitamine B12 est normal ; au contraire une carence en vitamine B12 est associée à un taux effondré de vitamine B12 et de folates érythrocytaires alors que le taux de folates sériques est normal voire élevé, ces dernières anomalies étant expliquées par le piège des méthylfolates. L’élévation de l’homocystéine plasmatique est un critère précoce de carence en B12 ou en folates et précède l’ané902

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mie. Une excrétion urinaire accrue d’acide méthylmalonique est observée spécifiquement dans les carences en vitamine B12. Des signes d’hématopoïèse inefficace sont retrouvés tels que l’élévation de la bilirubine libre, de la lacticodéhydrogénase (LDH) sérique ainsi que du fer sérique et de la ferritine.

Diagnostic étiologique d’une carence vitaminique L’interrogatoire diététique est important en cas de carence folique. Une malabsorption, notamment une maladie cœliaque, est confirmée par une biopsie du grêle, à la recherche d’une atrophie villositaire, éventuellement par un test au d-xylose ou un test de charge en acide folique. Une carence folique est souvent révélatrice d’une maladie sous-jacente. Les carences en B12 sont surtout le fait de malabsorption d’origine gastrique ou intestinale. Le test de Schilling, qui mesure l’absorption de vitamine B12 radioactive administrée per os par mesure de la radioactivité urinaire de cette vitamine, est le plus utilisé. Il est pratiqué sans et avec adjonction de facteur intrinsèque. Une excrétion urinaire diminuée, < 10 % de la radioactivité ingérée et corrigée par du facteur intrinsèque exogène, est signe de malabsorption d’origine gastrique, alors que la non-correction par du facteur intrinsèque signe une malabsorption intestinale. Le diagnostic de maladie de Biermer, cas le plus fréquent de carences en vitamine B12 par malabsorption, doit comporter une fibroscopie complétée par la recherche d’anticorps anticellules pariétales et antifacteur intrinsèque dans le sérum, éventuellement par un tubage gastrique pour mesurer la chlorydrie libre et le débit de FI.

Traitement d’une carence vitaminique Le traitement vise deux objectifs : corriger la carence et recharger les réserves, et traiter si possible la cause de la carence. La correction de la carence sera réalisée avec la vitamine appropriée sauf en cas d’urgence c’est-à-dire de pancytopénie sévère et d’anémie profonde mal tolérée : dans ces cas, les deux vitamines sont administrées simultanément. Les transfusions ne sont pas nécessaires. La réponse précoce au traitement sera évaluée sur l’ascension des réticulocytes qui sera maximale entre le 5e et le 10e jour, par la normalisation du taux de globules blancs et de plaquettes entre le 3e et le 10e jour et par celle du taux d’hémoglobine entre le 1er et le 2e mois. La moelle redeviendra normoblastique en 48 heures mais les métamyélocytes géants et les polynucléaires hypersegmentés persisteront pendant plusieurs jours voire pendant plusieurs semaines. Le schéma thérapeutique figure sur le tableau III. La vitamine B12 est utilisée par voie IM dans la majorité des cas sauf en en cas d’allergie ou traitement anticoagulant où elle sera remplacée par la B12 par voie orale aux mêmes doses et quotidiennement. L’acide folique est utilisé pour le traitement des carences sauf en cas d'accidents médicamenteux par médicaments antifoliques ou lors de l’utilisation du méthotrexate à fortes doses, ou encore dans les carences aiguës en folates : dans ce cas elle sera remplacée par l’acide folinique injectable à des doses allant de 10 à 50 mg.

Hématologie TABLEAU III Schéma thérapeutique d’une carence vitaminique Carence en vitamine B12

Carence en folates

Formes

Hydroxocobalamine Cyanocobalamine

Acide folique Acide folinique

Voie d’administration

Intramusculaire Très rarement orale

Orale : acide folique Orale ou injectable : acide folinique

Doses

1 000 µg tous les 2 j pendant 15 j à 1 mois

5 mg à 10 mg/j : acide folique Variable selon l’indication : acide folinique

Durée du traitement

1 000 mg/mois (à vie si malabsorption irréversible ou gastrectomie)

Fonction de la cause : • limitée (quelques mois) en cas de grossesse ou de carence d’apports ; • longue durée si hémolyse congénitale, dialyse

Autres anémies macrocytaires Anémie macrocytaire de l’alcoolisme et des insuffisances hépatiques ou thyroïdiennes L’alcoolisme est la cause la plus fréquente de macrocytose, généralement en l’absence d’anémie. Cette macrocytose est modérée, dépassant rarement 105 fl. Le mécanisme de cette macrocytose est peu clair quoique dans quelques cas il pourrait s’agir d’un excès de dépôts lipidiques sur la membrane de l’érythrocyte ; parfois s’ajoute une composante carentielle, carence en folates par malnutrition. Dans ce cas, la macrocytose se corrige partiellement mais non totalement. Seul l’arrêt de l’exogénose améliore la macrocytose. La macrocytose de l’alcoolisme doit être confirmée par un bilan hépatique qui est perturbé, notamment élévation des gamma GT. Les hépatopathies s’accompagnent souvent d’anémie macrocytaire dont le mécanisme est multifactoriel : une carence en folates est fréquente par défaut de stockage hépatique et excès de pertes urinaires. L’anémie macrocytaire isolée, sans atteinte des lignées leucocytaires et plaquettaires doit faire évoquer systématiquement une insuffisance thyroïdienne qui sera confirmée par des examens évaluant la fonction thyroïdienne. Elle sera corrigée après traitement substitutif.

Anémie macrocytaire des hémopathies graves Les syndromes myélodysplasiques (SMD) sont un groupe de maladies dues à une atteinte de la cellule souche myéloïde et atteignant surtout le sujet âgé. Elles surviennent habituellement de novo mais sont parfois secondaires à une chimiothérapie et (ou) une radiothérapie. Elles sont caractérisées par une moelle riche, hypercellulaire, contrastant avec une cytopénie périphérique en raison de l’hématopoïèse inefficace.

Une anémie macrocytaire est très fréquente au cours des syndromes myélodysplasiques, anémie réfractaire avec ou sans excès de blastes, anémie sidéroblastique idiopathique acquise, leucémie myélomonocytaire chronique, souvent associée à une thrombopénie et (ou) une leucopénie. Le diagnostic est rapidement fait sur l’aspect du frottis de sang et de moelle. Les érythrocytes sont macrocytaires et non macrovalocytaires, les polynucléaires neutrophiles sont souvent hyposegmentés et dégranulés. Sur le myélogramme, la dysmyélopoïèse est évidente : dysgranulopoïèse avec précurseurs granuleux souvent dégranulés, voire excès de blastes, dysmégacaryocytopoïèse avec mégacaryocytes hypolobés, micromégacaryocytes et dysérythropoïèse avec excès de sidéroblastes en couronne. L’anémie sidéroblastique présente plus de 10 à 15 % de sidéroblastes en couronne, une mégaloblastose fréquente et comporte un risque accru d’hémochromatose post-transfusionnelle. Les taux de vitamine B12 et de folates sont normaux. Des anomalies cytogénétiques sont fréquemment retrouvées surtout dans les SMD secondaires telles qu’une perte partielle ou totale du chromosome 5, 7 ou d’une trisomie 8. La perte d’une bande sur le chromosome 5 associée à une anémie macrocytaire, un taux de plaquettes normal et la présence de micromégacaryocytes, appelés syndrome 5q-, sont de bon pronostic. Une anémie macrocytaire s’intégrant dans le cadre d’une aplasie médullaire, d’une leucémie aiguë ou d’un myélome sera confirmée sur les données de l’hémogramme, du frottis sanguin et du myélogramme voire de la biopsie médullaire en cas de suspicion d’aplasie médullaire.

Anémies macrocytaires médicamenteuses Tous les médicaments qui bloquent la biosynthèse de l’ADN induisent une anémie macrocytaire ; outre les antifoliques, il faut citer les médicaments qui bloquent la synthèse des pyrimidines ou des purines tels que l’hydroxyurée, la cytosine arabinosine, la 6 mercaptopurine, le 5-fluorouracile et la zidovudine (AZT). ■ LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48

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ANÉMIES MACROCYTAIRES DE L’ADULTE

Points Forts à retenir • En dehors de l’éthylisme chronique responsable de macrocytose en général sans anémie, les anémies macrocytaires de l’adulte sont essentiellement dues à une carence en vitamine B12 ou en folates, ou à un syndrome myélodysplasique surtout chez le sujet âgé. En cas de carence vitaminique, il est utile d’identifier la carence en cause et l’étiologie de cette carence. En effet, il importe de traiter une carence vitaminique par la vitamine adéquate, notamment une carence en vitamine B12 par vitamine B12 et non par acide folique qui normaliserait les anomalies hématologiques mais pourrait faire apparaître des signes neurologiques. L’attitude thérapeutique sera différente selon la cause de la carence : traitement à vie en cas de malabsorption irréversible, traitement vitaminique limité en cas de carence d’apport. • Le diagnostic de syndrome myélodysplasique doit comporter, outre l’analyse du frottis sanguin, un myélogramme couplé à une culture de progéniteurs médullaires et surtout à une étude cytogénétique, cette dernière ayant une valeur diagnostique et pronostique.

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