98-689

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Pathologie de l’appareil locomoteur

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Lombalgies Orientation diagnostique Michel REVEL, Serge POIRAUDEAU Hôpital Cochin, Université René-Descartes, Service de rééducation et de réadaptation de l’appareil locomoteur et des pathologies du rachis, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris.

Points Forts à comprendre • Une douleur lombaire peut être l’expression clinique d’une maladie viscérale, tumorale, infectieuse et inflammatoire ou d’une lésion anatomique traumatique. • Dans la majorité des cas, elle ne traduit cependant qu’un trouble régional bénin dont la cause ne peut être affirmée que dans 10 à 40 % des cas et dont l’évolution naturelle est l’amélioration ; c’est la lombalgie commune qui doit être considérée plus comme un symptôme que comme une maladie.

Lombalgie symptôme d’une maladie C’est la première et principale préoccupation dans la démarche diagnostique mais elle ne justifie pas une « stratégie de la couverture » par des examens complémentaires dits systématiques. L’essentiel de l’orientation est obtenu par la clinique et surtout par l’interrogatoire.

Infection vertébrale Bien que seulement environ 1 lombalgie sur 1 000 révèle une infection vertébrale, l’urgence du traitement justifie de rechercher en priorité une spondylodiscite, une spondylite ou un abcès épidural. La notion de possible contamination locale ou à distance (opérés du rachis et du bassin, accouchées récentes, foyers infectieux, drogués…), d’un terrain favorisant (immunodéprimés, mauvaises conditions sanitaires…), l’existence d’une fièvre, d’une raideur rachidienne multidirectionnelle, imposent alors la demande d’examens complémentaires avec au minimum une numération formule sanguine, une vitesse de sédimentation et des radiographies standard. Si ces examens sont anormaux, ou dans tous les cas, devant une lombalgie fébrile avec raideur rachidienne massive et notion de possible contamination, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) est actuellement l’examen le plus performant pour rechercher un hypersignal des plateaux vertébraux et du disque en T2 avec hyposignal en T1 et rehaussement après injection de gadolinium ; des abcès s’étendant en avant et en arrière du disque. L’isolement du germe par ponction directe du disque est la dernière étape du diagnostic. Ce geste aura été précédé d’hémocultures qui sont répétées dans l’heure suivant le prélèvement à l’aiguille en raison des fréquentes bactériémies qui lui font suite.

Affection maligne Près de 1 % des lombalgies révèlent une néoplasie primitive ou métastatique. L’ensemble de paramètres cliniques offrant la meilleure valeur prédictive pour orienter vers un diagnostic de néoplasie sont l’existence d’un antécédent de cancer, une altération de l’état général en particulier une perte de poids inexpliquée, la persistance des douleurs au-delà de 1 mois, l’âge supérieur à 50 ans et l’absence d’amélioration par le repos avec surtout une recrudescence nocturne. Un tel tableau impose un minimum d’examens complémentaires comportant une vitesse de sédimentation, une électrophorèse des protides sériques, des radiographies standard du rachis lombaire complétées au moindre doute par une scintigraphie osseuse. Des métastases osseuses ou un myélome sont les deux diagnostics les plus probables.

1. Myélome multiple À ce stade de la stratégie diagnostique 80 % des myélomes sont diagnostiqués, le reste du bilan, dont l’histologie médullaire confirme le diagnostic, évalue le pronostic et oriente la stratégie du traitement. Les plasmocytomes solitaires et les myélomes non sécrétants sont plus difficiles à diagnostiquer les premiers nécessitent une excellente analyse des radiographies et, le plus souvent, la pratique d’une imagerie par résonance magnétique d’autant que la scintigraphie osseuse peut ne pas montrer d’hyperfixation ; les seconds ne sont reconnus que devant la prolifération plasmocytaire sur biopsie médullaire.

2. Métastases osseuses Le problème du diagnostic des métastases osseuses est celui du choix et de l’interprétation des examens d’imagerie. La constatation d’un tassement vertébral en galette, d’une lyse pédiculaire ou au contraire d’un pédicule condensé suffit souvent au diagnostic et à la mise en route de la recherche du cancer primitif, la tomodensitométrie et l’imagerie par résonance magnétique ne sont alors utiles que pour un bilan local d’extension. Quand les lésions ne sont pas évidentes sur les radiographies standard, une hyperfixation intense et localisée sur la scintigraphie osseuse permet de guider la tomodensitométrie. La principale erreur par excès est de confondre un tassement ostéoporotique associé à une nécrose centro-somatique, avec un tassement vertébral métastatique. Une étude anatomopathologique est indispensable avant de mettre en route des traitements locaux lourds comme une radiothérapie (voir : pour approfondir / 1). LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48

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Tumeurs bénignes Les tumeurs bénignes vertébrales entraînent aussi des douleurs durables, non calmées par le repos, avec recrudescence nocturne et souvent une raideur rachidienne mais il s’agit de patients jeunes, la douleur est très bien calmée par les anti-inflammatoires non stéroïdiens et l’aspirine en particulier dans l’ostéome ostéoïde et l’ostéoblastome. Il n’y a pas d’anomalie biologique orientant vers ce diagnostic, il est très difficile de voir la tumeur sur les radiographies standard qui peuvent cependant montrer une scoliose réactionnelle à court rayon. C’est donc essentiellement sur le tableau clinique qu’il faut penser à ces diagnostics et demander une scintigraphie osseuse qui montrera une fixation très localisée du traceur permettant de guider la tomodensitométrie ou l’imagerie par résonance magnétique.

Spondylarthropathie On s’oriente vers le diagnostic de spondylarthropathie chez un patient jeune dont les lombalgies se manifestent surtout dans la seconde moitié de la nuit, s’accompagnent d’un long dérouillage matinal, sont souvent associées à des douleurs fessières et sont particulièrement sensibles aux anti-inflammatoires non stéroïdiens. L’existence d’antécédents familiaux de spondylarthropathie ou de pathologie associée tel le psoriasis, d’enthésopathie inflammatoire périphérique en particulier de talalgies, d’arthrite périphérique, conforte l’hypothèse. L’élévation de la vitesse de sédimentation, la présence de l’antigène HLA B27, la recherche d’une sacro-iliite ou d’autres lésions vertébrales radiologiques caractéristiques deviennent alors presque secondaires.

Autres diagnostics D’autres diagnostics s’exprimant plus rarement par une lombalgie relèvent soit de l’analyse des radiographies (c’est le cas de la vertèbre pagétique et de l’angiome vertébral), soit du contexte clinique avec ici encore l’exacerbation nocturne des douleurs et la raideur lombaire pour la plupart des tumeurs intrarachidiennes (neurinome, chordome, méningiome).

Affections viscérales La douleur provoquée par certaines pathologies viscérales est le plus souvent différente des lombalgies vertébrales. On reconnaît facilement les douleurs d’une colique néphrétique, le caractère de pesanteur et l’association à des douleurs hypogastriques dans les tumeurs pelviennes, mais c’est surtout l’absence de signes rachidiens et d’influence des mouvements lombaires sur la douleur qui doivent faire suspecter une douleur non vertébrale. On peut retenir la recherche d’une prise médicamenteuse pouvant par exemple induire une fibrose rétropéritonéale, l’auscultation et la palpation des axes artériels pour reconnaître rapidement une fissuration d’anévrisme de l’aorte ou une dissection aortique, la recherche d’une symptomatologie digestive, gynécologique, d’un œdème des membres inférieurs pour orienter la recherche vers une tumeur abdomino-pelvienne. La hiérarchie des examens complémentaires dépendra de cette enquête précise. 690

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Lombalgie, symptôme d’une lésion traumatique Il existe une confusion autour du rôle des traumatismes dans la lombalgie et même dans la pathogénie de la détérioration disco-vertébrale. Cette confusion est à la base de la chronicité des douleurs, souvent dans les accidents du travail, et plus généralement chaque fois qu’il y a une procédure d’indemnisation. Il ne faut retenir cette étiologie que quand le traumatisme est suffisamment important pour entraîner une lésion anatomique et que la chronologie d’apparition des symptômes est évidente. L’imputabilité est alors simple mais les décisions thérapeutiques à court terme et l’acceptabilité d’éventuelles séquelles nécessitent de préciser autant que possible la localisation et la nature de la lésion.

Fracture Les radiographies standard du rachis lombaire de face et de profil avec éventuellement incidences de trois quarts dans ce contexte traumatique suffisent habituellement à localiser une fracture. La principale difficulté est de ne pas confondre un tassement avec une vertèbre cunéiformisée par une ancienne dystrophie de croissance lombaire. Les fractures des apophyses transverses et des massifs articulaires ne sont pas toujours facilement vues, elles nécessitent d’excellents clichés et une analyse systématique de tous les contours osseux. Les luxations et les fractures luxations rejoignent le problème de la traumatologie et des urgences orthopédiques mais il semble curieusement que ces lésions succédant à des traumatismes violents entraînent moins de douleurs chroniques que les lésions minimes. Excepté quelques situations qui doivent être analysées cas par cas, il faut retenir qu’au-delà des délais de cicatrisation osseuse et ligamentaire, toute activité physique doit être possible et que les douleurs persistantes sont généralement sans gravité à condition d’avoir initialement parfaitement fait l’inventaire des lésions et établi la stratégie thérapeutique. La discordance entre un traumatisme mineur et des tassements vertébraux multiples ou importants doit faire rechercher une fragilité pathologique osseuse telle une ostéoporose de l’homme jeune.

Lésion disco-ligamentaire L’absence d’anomalie ostéoarticulaire sur les radiographies standard ne signifie pas que le traumatisme n’a pas créé de lésion lombaire. Le recueil précis des circonstances du traumatisme, la position du rachis au moment d’un effort violent, la perception d’un craquement, l’apparition immédiate ou retardée d’une irradiation douloureuse le long d’un membre inférieur, d’un hématome ou d’une ecchymose lombaire… sont autant d’éléments cliniques devant figurer dans le dossier pour servir éventuellement à des fins médico-légales mais aussi dans l’immédiat pour orienter vers une lésion discale, ligamentaire ou musculo-aponévrotique, décider de l’opportunité et du choix d’une imagerie des parties molles selon la structure anatomique suspectée, et la décision thérapeutique qui en découlera dans l’immédiat. Une déchirure musculo-aponévrotique lombaire sera par exemple probable si les muscles spinaux étaient en course externe lors d’un effort intense de trac-

Pathologie de l’appareil locomoteur tion, que la douleur a été syncopale et surtout qu’un hématome est apparu dans la région lombaire. Toute lombalgie déclenchée par un traumatisme important ou un effort violent est vraisemblablement due à une lésion anatomique mais deux notions doivent être retenues : une hernie discale résulte rarement du traumatisme seul et ne justifie de toute façon pas de geste discal si elle n’entraîne pas de lomboradiculalgies par une compression évidente ; la plupart des lésions, qu’elles soient disco-ligamentaires ou musculo-aponévrotiques, cicatrisent dans des délais communs à toute autre localisation de l’appareil locomoteur. Au-delà d’un délai de 6 à 8 semaines, l’immobilisation lombaire par corset devient illogique et la chronicité de la lombalgie est exceptionnellement attribuable aux conséquences seules du traumatisme.

Lombalgies communes Elles expriment de façon aiguë ou chronique un trouble fonctionnel ou anatomique régional. La lombalgie aiguë est actuellement définie comme une douleur lombaire présente depuis moins de 3 mois. Seulement 10 % des patients continuent de souffrir au-delà de 2 mois et 7 % au-delà de 6 mois. Le délai de 3 mois au-delà duquel on parle de lombalgies chroniques est donc bien adapté pour des enquêtes épidémiologiques et des études socio-économiques. Cette définition est par contre insuffisante pour l’évaluation de mesures thérapeutiques comme le repos ou l’exercice physique. La cause d’une lombalgie aiguë n’est facilement établie que dans 10 à 20 % des cas et celle des lombalgies chroniques dans 10 à 45 % des cas. Il faut cependant tenter d’affiner cette classification à partir des caractéristiques de la douleur, des circonstances de survenue, du mode évolutif et des anomalies structurales associées pour améliorer la prise en charge thérapeutique et le pronostic.

Lombalgies aiguës Une bonne analyse sémiologique et une utilisation rationnelle des examens d’imagerie permettent de distinguer plusieurs situations.

1. Lumbago Il se caractérise par une douleur intense, déclenchée par un banal effort de soulèvement, un geste anodin de la vie quotidienne tel que se pencher au-dessus d’un lavabo, exacerbée par le moindre effort, impulsive à la toux, calmée par l’immobilité totale. La colonne lombaire est raide avec appréhension à toute manœuvre d’examen. Il existe le plus souvent une déviation latérale dite attitude antalgique. Ce blocage douloureux aigu cède spontanément en quelques jours mais il peut laisser place à un fond douloureux chronique ou se répéter au rythme de 1 à 3 par an pendant quelques années. Les radiographies sont inutiles sauf si ce tableau aigu persiste au-delà de 10 à 12 jours pouvant révéler un tassement vertébral sur os pathologique, le plus souvent un tassement ostéoporotique chez la femme ménopausée.

2. À-coups bloquants douloureux lombaires Il s’agit d’épisodes répétés de douleurs aiguës, durant de quelques secondes à quelques heures, déclenchés par cer-

taines activités telles que la descente d’un trottoir, le passage de la position assise à la position debout. La douleur fulgurante cloue le patient sur place pendant quelques secondes. Ils doivent être distingués du lumbago discal car ils se répètent généralement pendant plus longtemps. Ils surviennent toujours sur des disques très détériorés et témoignent soit d’une instabilité rachidienne, soit du coincement de petits fragments discaux.

3. Lombalgies post-traumatiques Le traumatisme est toujours violent contrairement aux circonstances qui déclenchent le lumbago. L’évolution est plus longue et suit sensiblement celle des délais de réparation tissulaire. L’immobilisation par corset est justifiée ici.

4. Fractures sur insuffisance osseuse Ce diagnostic doit être évoqué systématiquement devant une lombalgie aiguë déclenchée par un traumatisme mineur chez une personne âgée, complètement soulagée par le décubitus et exacerbée dès la mise en charge. • Les tassements vertébraux ostéoporotiques siègent préférentiellement à la jonction dorso-lombaire. Ils s’accompagnent toujours d’une perte de taille récente. Des radiographies permettent de localiser le tassement, de vérifier l’aspect bénin et serviront de comparaison lors de lombalgies aiguës ultérieures. L’évolution se fait vers une disparition progressive des douleurs après 3 à 6 semaines de repos. Des douleurs résiduelles chroniques liées à la déformation peuvent persister. • Les fractures du sacrum se manifestent souvent par des douleurs lombosacrées. Elles ne sont pas nécessairement déclenchées par une chute. Il faut donc penser systématiquement à palper et percuter le sacrum chez une femme âgée parfaitement soulagée par le décubitus si a fortiori il existe des fessalgies associées. Il est difficile de voir le trait de fracture sur les radiographies standard. La scintigraphie osseuse est l’examen le plus rentable. Elle montre typiquement une hyperfixation en H qui témoigne d’une fracture selon les lignes de force de cet os. Le trait de fracture peut cependant suivre un trajet moins typique. Le même examen permettra de diagnostiquer une fracture parfois associée des branches ilio- ou ischio-pubiennes.

Lombalgies chroniques Toutes les structures anatomiques, excepté la région centrale du disque intervertébral et le cartilage hyalin des plateaux vertébraux et des facettes articulaires postérieures sont innervées et donc susceptibles d’être à l’origine d’une lombalgie. La complexité fonctionnelle de la colonne lombaire impliquant simultanément disques, articulaires postérieures, muscles et ligaments, compromet la valeur localisatrice des différentes manœuvres d’examen clinique. De plus, il existe de nombreuses anomalies radiologiques qui ne sont pas corrélées à la douleur. Le diagnostic lésionnel d’une lombalgie chronique souhaité par le médecin et le patient est donc difficile et de toute façon n’a d’intérêt que s’il conduit à un traitement adapté avec un rapport bénéfices/risques favorable. Mieux vaut souvent traiter le symptôme que de se lancer dans des traitements locaux à haut risque d’iatrogénicité à partir d’une pathogénie hasardeuse. LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48

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Repos et rééducation au cours des lombalgies communes4 • Dans la lombalgie chronique, le repos lombaire est source de déconditionnement à l’activité physique et ne règle pas durablement le problème de la douleur. La rééducation doit avoir pour principaux objectifs l’augmentation de la force et de l’endurance des muscles paravertébraux et de ceux de la paroi abdominale, l’assouplissement des muscles polyarticulaires sous-pelviens, l’amélioration de la maîtrise du positionnement et de la mobilité lombopelvienne pour mieux gérer la lombalgie dans la vie quotidienne. • Dans les lombalgies aiguës, le repos complet n’est utile que quand la position debout et assise est intolérable, les orthèses d’immobilisation lombaire ne sont justifiées que dans les lombalgies post-traumatiques et pour une durée qui ne doit pas excéder 6 à 8 semaines.

1. Arthrose lombaire3 La constatation d’une arthrose lombaire est banale au-delà de 40 ans et sa fréquence approche 90 % au-delà de 60 ans. Globalement, il n’y a pas de corrélation à un moment donné entre la découverte de signes radiologiques d’arthrose et la présence d’une lombalgie. Le diagnostic radiologique d’arthrose lombaire n’est donc pas une étape décisive dans la démarche diagnostique d’une lombalgie chronique. Cependant, comme pour toute autre localisation dans l’appareil locomoteur, l’arthrose est susceptible d’entraîner des douleurs en particulier au cours des poussées congestives où les traitements anti-inflammatoires et les injections locales de corticoïdes semblent les plus efficaces. Les éléments d’orientation d’une poussée congestive sont plus difficiles à définir pour le rachis lombaire que pour une articulation des membres comme les genoux. On peut cependant retenir l’intensification de la lombalgie qui devient quotidienne, moins bien calmée par le repos qu’habituellement, accompagnée d’une raideur lombaire avec un dérouillage matinal pouvant durer près d’une heure. • La poussée congestive articulaire postérieure est évoquée devant l’âge avancé du patient, généralement au-dessus de 60 ans, l’absence de franche exacerbation en se penchant en avant et en se portant en extension lombaire, la bonne amélioration par le repos. La valeur prédictive de ces signes est cependant encore discutable. Certaines études ont défini l’origine articulaire postérieure d’une lombalgie par un test d’anesthésie intra-articulaire en double aveugle ou plus récemment par la recherche d’une hyperfixation articulaire postérieure en tomoscintigraphie. En pratique, on se contente d’une probabilité à partir des critères cliniques et de la présence d’une arthrose évidente sur les radiographies standard pour mettre en route le traitement médical, voire en cas d’incapacité importante des injections locales de corticoïdes (voir : pour approfondir / 4). • La poussée congestive discovertébrale est une notion récente définie à partir des connaissances sur l’arthrose des articulations des membres et sur des données d’imagerie par résonance magnétique de plus en plus nombreuses. Les lombalgies qui résultent de ces poussées semblent particulièrement invalidante, la douleur est intense, durable pendant plusieurs mois, mal calmée par le repos et parfois même présente la nuit avec une raideur matinale rarement inférieure à 1 h. Comme pour les articulations périphé692

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riques, ces poussées semblent traduire une phase de destruction cartilagineuse entraînant un pincement rapide de l’interligne. Les formes les plus actives conduisent à une discopathie destructrice rapide avec un affaissement de l’interligne intervertébral de plus de 50 % en moins de 2 ans. Il est probable que c’est à partir de ces discopathies destructrices rapides que l’on peut aboutir en quelques années au tableau classique de discopathie pseudo-pottique. Une imagerie par résonance magnétique pratiquée au début de cette poussée et pendant toute l’évolution de la destruction discale semble montrer quasi constamment un signal œdémateux des plateaux vertébraux adjacents. En pratique, après avoir écarté le diagnostic de spondylodiscite infectieuse, la suspicion d’une discopathie congestive doit seulement faire rechercher une destruction rapide par un cliché lombaire de profil tous les 6 mois avec une mesure comparative de l’espace « plateau à plateau » (voir : pour approfondir / 3). • Les lombalgies invalidantes après chimionucléolyse ou discectomie chirurgicale ont plusieurs mécanismes causals possibles parmi lesquels la déstabilisation mécanique entraînée par l’affaissement discal, son retentissement sur les articulaires postérieures, les lésions musculaires et ligamentaires ainsi que le tissu cicatriciel secondaire à l’acte chirurgical, mais il est probable que dans une proportion de cas qui reste à définir, il s’agit aussi d’une réaction congestive déclenchée ou aggravée par le traitement local.

2. Néoarthrose interépineuse (syndrome de Baastrup) Le contact permanent et les microtraumatismes répétés entre 2 épineuses consécutifs à l’hyperlordose ou à des méga-épineuses entraînent une néoarthrose avec condensation osseuse et surtout une bursite interépineuse qui semble responsable de la douleur et qui justifie une infiltration locale.

3. Lombalgies basses d’origine dorso-lombaire Il s’agit de douleurs perçues dans la région lombosacrée mais provoquées par l’irritation des racines postérieures des nerfs vertébraux à l’étage dorso-lombaire (D12-L1). La palpation cutanée en regard de la crête iliaque permet de retrouver une peau infiltrée et douloureuse. Cette étiologie est rare.

4. Lombalgies associées à une anomalie de la statique et de la stabilité • Le spondylolisthésis est caractérisé par un glissement antérieur plus ou moins important d’une vertèbre sur l’autre. Le défaut de solidarité peut être dû à une lyse isthmique réalisant le spondylolisthésis sur lyse isthmique ou par une arthrose articulaire postérieure évoluée réalisant un pseudo-spondylolisthésis dégénératif. Les spondylolisthésis sur lyse isthmique sont souvent asymptomatiques. Quand il existe des manifestations cliniques, la principale d’entre elles est une lomboradiculalgie généralement due à l’incarcération d’une racine contre le nodule fibreux formé autour de la lyse. La radiographie de profil permet de quantifier l’importance du glissement, elle permet généralement aussi de voir la lyse mais l’analyse de la lésion est meilleure sur les clichés de trois quarts.

Pathologie de l’appareil locomoteur Le rôle de la lyse isthmique dans la lombalgie est difficile à affirmer. On admet que la douleur peut témoigner soit de l’instabilité locale, soit d’un processus inflammatoire provoqué par un traumatisme. Dans le premier cas le principal argument indirect est la sédation des douleurs par immobilisation stricte dans un lombostat lombo-pelvifémoral, dans le second cas une hyperfixation en tomoscintigraphie semble avoir une bonne valeur prédictive. Il ne faut donc retenir la responsabilité d’une lyse isthmique et d’un spondylolisthésis qu’avec beaucoup de prudence en particulier avant de décider une intervention chirurgicale. Les spondylolisthésis arthrosiques sont probablement plus souvent symptomatiques car à l’instabilité locale s’associe la participation possible des réactions congestives arthrosiques. • La lombalgie avec instabilité lombaire est définie par un excès de mobilité de 1 ou 2 joints intervertébraux avec un déplacement de plus de 4 mm d’un mur postérieur vertébral par rapport à l’autre entre la flexion et l’extension et être la cause de lombalgies chroniques avec blocages fugaces. Il est difficile cependant d’établir formellement une relation de cause à effet car on peut observer une telle mobilité chez près de 20 % de sujets laxes asymptomatiques. Il faut donc particulièrement bien évaluer la balance bénéfices/risques avant d’indiquer une chirurgie dite de stabilisation . • La lombalgie avec déformations rachidiennes, en premier lieu, les scolioses lombaires sévères et évolutives peuvent s’accompagner de lombalgies chroniques principalement quand les détériorations arthrosiques ont conduit à un glissement latéral des vertèbres charnières appelé dislocation rotatoire. Dans la majorité des cas cependant, les lombalgies ne sont pas plus fréquentes que dans la population générale. L’hyperlordose ne constitue pas un facteur de risque de lombalgies. Il semble au contraire qu’une inversion de courbure, généralement secondaire à des séquelles de dystrophie de croissance lombaire, soit plus fréquemment associée aux lombalgies.

5. Lombalgies « fonctionnelles » Ce diagnostic masque généralement la difficulté de reconnaître le mécanisme de la lombalgie. En revanche, une dépression nerveuse associée est toujours un facteur de chronicité, de majoration de l’incapacité fonctionnelle, et de difficulté du vécu de la douleur. Même si elle est réactionnelle à la lombalgie, il faut inclure son traitement dans la stratégie thérapeutique globale. ■

Points Forts à retenir • La démarche diagnostique repose principalement sur des données d’interrogatoire et doit permettre de classer une lombalgie dans un des 3 cadres nosologiques définis par ordre de priorité pour les conduites thérapeutiques qui en découlent. • Les 2 premiers cadres concernent d’une part, la lombalgie « symptôme d’une maladie», plus ou moins grave mais justifiant en tout cas un

traitement spécifique et, d’autre part, la lombalgie « symptôme d’une lésion traumatique» pouvant nécessiter des mesures thérapeutiques urgentes mais surtout source de probables procédures médico-légales qui s’appuieront sur le diagnostic initial. • Le 3e cadre enfin, est celui de la lombalgie « commune » où la principale difficulté est de trouver la cause de la douleur et de définir la validité et la hiérarchie des traitements en se référant à la balance bénéfices-risques.

POUR APPROFONDIR 1 / Lombalgies d’origine tumorale : sensibilité et spécificité des signes d’interrogatoire - 0,1 à 1 % des lombalgies révèlent une néoplasie primitive ou secondaire. - Les signes les plus spécifiques sont un antécédent de cancer (spécificité 0,98), une perte de poids inexpliquée (spécificité 0,94), l’absence d’amélioration après un mois de traitement (spécificité 0,90), l’existence de douleurs depuis plus d’un mois (spécificité 0,81). - Les signes les plus sensibles sont l’âge supérieur à 50 ans (sensibilité 0,77), l’absence d’amélioration par le décubitus (sensibilité 0,90). - L’association âge inférieur à 50 ans, poids stable, absence d’antécédent de cancer, amélioration par le traitement médical, permet d’éliminer une étiologie maligne avec une sensibilité égale à 1.

2 / Comment reconnaître des douleurs d’origine articulaire postérieure ? Il n’existe pas à proprement parler de syndrome clinique des articulaires postérieures. La présence de 5 des 7 critères suivants (âge supérieur à 65 ans, amélioration par le décubitus, absence d’impulsivité, absence d’exacerbation des douleurs en antéflexion, en extension, en extensionrotation et lors du passage de l’antéflexion à la position neutre) permet de prédire un effet positif d’un bloc anesthésique articulaire postérieur avec une sensibilité et une spécificité proches de 0,8. L’imputabilité des articulaires postérieures peut être retenue si 2 blocs anesthésiques successifs sont positifs (nombre important de faux positifs après un seul bloc). Enfin, l’existence d’une hyperfixation d’une articulaire postérieure en tomoscintigraphie permettrait de prédire un effet bénéfique de l’injection d’un corticostéroïde. Cet examen n’est toutefois pas utilisé en pratique quotidienne.

3 / Discopathie destructrice rapide (DDR) Par analogie avec les arthroses des articulations périphériques, la DDR est définie comme un affaissement discal supérieur à 50 % en moins de 2 ans. Cette discolyse se caractérise par une exacerbation des douleurs qui deviennent permanentes, souvent présentes la nuit, s’accompagnent d’une raideur matinale supérieure à 30 minutes et d’une limitation de la souplesse lombaire. L’individualisation de cette forme d’arthrose peut conduire à l’évaluation de futures thérapeutiques intradiscales.

POUR EN SAVOIR PLUS Deyo RA, Diehl AK. Cancer as a cause of back pain : fréquency, clinical presentation and diagnostics strategies. J Gen Intern Med 1988 ; 3 : 230-8. Poiraudeau S, Revel M. Lombalgies. EMC 1994 ; 15-840-C-10 : 8 pages. Revel M. Arthroses lombaires. Rev Prat (Paris) 1996 ; 46 : 2212-7. Revel M, Nys A. Massokinésithérapie dans les lombalgies communes. Ann Readap Med Phys 1997 ; 40 : 1-19. LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48

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