98-559

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Hépato-gastro-entérologie

B 356

Appendicite aiguë et ses complications Diagnostic, traitement Pr Jean-Pierre NEIDHARDT, Dr Jean-Louis CAILLOT, Dr Éric J. VOIGLIO Service de chirurgie d’urgence, centre hospitalier Lyon-Sud, 69495 Pierre-Bénite cedex

Points Forts à comprendre • En France, 360 000 appendicectomies sont réalisées par an, chiffre comparable à celui de l’Allemagne. Il est trois fois moins important en Grande-Bretagne, aux États-Unis, dans les pays Scandinaves. Mais en Grande-Bretagne, 40 % des cas opérés sont déjà compliqués. • Il y a donc une tendance actuelle à la restriction des indications opératoires, basée sur une analyse critique et volontiers chiffrée des signes. • L’apparition depuis 1983 de la chirurgie par voie cœlioscopique aurait l’avantage d’un moindre délabrement pariétal, d’une reprise du transit plus rapide, de moindres délais de remise au travail, d’une diminution de l’incidence des occlusions tardives sur bride. On a même parlé d’une amélioration de la fécondité des femmes. Tout cela reste à discuter et n’a pu faire apparaître une véritable diminution des appendicectomies dites inutiles.

L’inflammation aiguë de l'appendice iléo-cæcal est favorisée par la présence de follicules lymphoïdes, et par l’obstruction, avec rétention de la lumière appendiculaire. Elle évolue en règle vers la nécrose de l’organe (appendicite gangreneuse ou la perforation localisée). La minceur de l’appendice fait que l’atteinte péritonéale est précoce et rapidement diffusante (voir : pour approfondir / 1).

Diagnostic positif Examen clinique 1. Crise appendiculaire franche de l’adulte jeune Des douleurs spontanées débutent dans la région épigastrique et se localisent rapidement dans la fosse iliaque droite de début brutal, avec vomissements, fièvre autour de 38 °C, langue saburrale, douleurs et défense localisées à la fosse iliaque droite, leucocytose avec polynucléose autour de 10 000/mm3. Le diagnostic est posé et l’intervention suit.

La douleur est parfois précédée de prodromes : endolorissement diffus, météorisme. Son siège initial est épigastrique dans les deux tiers des cas avant de se localiser dans la fosse iliaque droite pour y devenir continue et très évocatrice. Cette douleur est avivée par la toux, la mobilisation de l’abdomen ou du membre inférieur droit. La fièvre est inconstante, modérée le plus souvent, autour de 38°. Une fièvre initiale à 39 °C tout en évoquant des causes urinaires ne doit pas faire rejeter le diagnostic d’appendicite. Il s’agit souvent de formes sévères. En aucun cas l’apyrexie rapide ne peut faire rejeter le diagnostic d’appendicite aiguë. Les vomissements, ou leurs équivalents nauséeux sont présents dans 70 % des cas, ils ne sont pas spécifiques puisqu’on les retrouve dans la moitié des syndromes de douleurs abdominales non spécifiques. Le ralentissement ou l’arrêt du transit sont à une phase aiguë toujours difficiles à apprécier. La classique accélération du pouls avec dissociation pouls-température est un signe bien inconstant.

2. Examen physique • La palpation note l’hyperesthésie cutanée, réveille ou avive la douleur au classique point de Mc Burney. Elle perçoit la défense, indispensable au diagnostic pour beaucoup d’auteurs anglo-saxons. Commencée à distance dans la fosse iliaque gauche, elle peut renforcer la douleur droite (signe de Rovsing). Le signe de Blumberg, réaction douloureuse au rebond, traduit une réaction péritonéale. Il n’a rien de spécifique de l’appendicite aiguë, il doit toujours être pris au sérieux. On ne négligera pas les fosses lombaires et la région susiliaque (signe de Lecène) dans l’appendicite rétro-cæcale. L’examen peut être recommencé en décubitus latéral gauche qui dégage l’appendice de la superposition cæcale. L’auscultation est trop négligée, à tort, un bon péristaltisme rassure quant à la diffusion péritonéale, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en aura pas. • Les touchers pelviens sont intéressants si positifs (douleur à droite) : ils peuvent rester normaux si l’appendice est haut ou rétro-cæcal. En l’absence de masse perceptible, ils n’écartent nullement une affection annexielle droite. Un toucher rectal mal « préparé » est toujours douloureux, il l’est presque constamment chez l’enfant. LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48

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La langue saburrale est un argument de plus avec la classique fétidité de l’haleine. Cela n’a rien de spécifique. Tant mieux si tous ces signes convergent vers le diagnostic d’appendicite aiguë, mais la douleur peut être atypique, avoir complètement disparue au moment de l’examen. C’est nier les « accalmies traîtresses », les formes à rechute, dont notre pratique de l’urgence nous montre régulièrement la réalité.

Examens complémentaires 1. Examens biologiques La biologie n’est pas spécifique : la leucocytose est certes sensible atteignant ou dépassant 12 000/mm3 avec polynucléose, un taux bas de leucocytes, une inversion de formule peuvent évoquer l’adénolymphite mésentérique et conduire à l’abstention, mais pas à l’imprudence. La protéine C-réactive (CRP) est redevenue une donnée importante. Certains chirurgiens nordiques ou américains lui donnent une telle valeur qu’ils admettent la sortie si elle reste normale après 12 h d’observation. Elle ne nous a paru fidèle que sur 24 h au moins, amorçant sa montée alors que la leucocytose initiale d’une « crisette » est déjà à la baisse. Elle marque une poussée inflammatoire sans plus. Nous l’avons trouvée normale dans maintes appendicites authentiques, opérées tôt.

2. Imagerie L’imagerie peut apporter une démonstration de la réalité des faits. • Le cliché de l’abdomen sans préparation, de face debout, est rarement très informatif. Il peut montrer un iléus partiel sur le grêle terminal avec quelques niveaux liquides, un niveau cæcal, un stercolithe. • Le cliché pulmonaire, à notre avis toujours souhaitable en urgence, montre la normalité de la base droite et l’absence de pneumopéritoine. • L’échographie est performante en milieu pédiatrique avec mise en évidence de 90 % d’aspects pathologiques. Ses variables et ses faiblesses sont très connues. L’amélioration des sondes (3 à 5 MHz), une expérience croissante de l’opérateur, facilitent le diagnostic chez l’adulte. Si la « compression graduée » de la fosse iliaque droite par la sonde n’a pas arraché de cri au malade, l’appendicite est peu probable ! L’image pathologique peut apparaître en coupe transversale ou longitudinale. En coupes transversales c’est celle d’une formation arrondie, d’un diamètre de 7 à 22 mm avec une moyenne de 12, une image en cocarde où se succèdent du centre vers la périphérie un noyau hypodense, une couche hyperdense correspondant à la paroi épaissie, et un halo périphérique hypodense correspondant à l’épanchement péri-appendiculaire ; on note également l’infiltration de la graisse régionale et en particulier du méso-appendice. En coupes longitudinales on retrouve la même succession d’éléments plus ou moins denses, dans une image borgne para-cæcale. L’écho-doppler a pu servir dans des cas favorables à situer une zone d’hyperhémie témoignant de la constitution d’un foyer suppuré. 560

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Chez l’adulte, les performances de l’échographie sont extrêmement variables, selon les équipes ; la découverte d’un appendice nettement pathologique est de grande valeur. Une échographie douteuse ou normale ne permet pas d’écarter le diagnostic. • Le scanner abdominal s’est certes très banalisé ; il peut rendre des services chez les sujets à symptomatologie réduite (troubles de conscience, paraplégie), ou chez les sujets à risque pour lesquels une simple incision de Mc Burney, même considérée comme une légitime biopsie chirurgicale de la fosse iliaque droite, n’est pas anodine.

Diagnostic différentiel 1. Colique néphrétique droite Les antécédents, le type de la douleur, la présence de sang à la bandelette, la vue d’un calcul en radiographie abdominale simple ou en échographie, la dilatation des voies urinaires, sont en général suffisants ; l’urographie intraveineuse peut être utile. Des accidents allergiques, rares mais spectaculaires, viennent parfois rappeler que cet examen n’est pas anodin.

2. Perforation d’ulcère gastrique ou duodénal Elle peut donner le change avec sa douleur épigastrique secondairement localisée à la fosse iliaque droite. Le pneumopéritoine n’est pas constant. Vu un peu tard, au moment où la fièvre monte et la paroi se relâche, le diagnostic peut être difficile ; l’incision de Mc Burney initiale, qui permettra au vu du liquide de redresser le diagnostic servira d’orifice de drainage. Si l’appendice est laissé en place, bien le préciser vis-à-vis du malade et de son entourage.

3. Diverticule de Meckel compliqué Il imite parfaitement l’appendicite méso-cœliaque. La vérification du diverticule, c’est-à-dire l’attraction dans la plaie du dernier mètre de grêle, s’impose si l’appendice ne répond pas aux espoirs de l’opérateur ! Si l’appendice est vraiment en cause, il vaut mieux éviter de diffuser l’infection par des manœuvres sur le grêle.

4. Douleur abdominale non spécifique Elle représente près de 43 % des douleurs abdominales aiguës ; c’est un diagnostic d’élimination. Retenons simplement qu’elle annonce, dans 10 % des cas une véritable atteinte organique qui se révélera de façon plus précise ultérieurement ; l’appendice a été souvent sacrifié entre-temps.

5. Maladie de Crohn Elle peut être découverte à l’occasion d’une poussée d’apparence appendiculaire. L’infiltration, l’épaississement de l’iléon terminal, les adénopathies permettent de soupçonner ce diagnostic. L’appendice enlevé doit être soigneusement analysé ; il doit, de toute façon l’être, dans tous les cas.

6. Autres diagnostics D’autres diagnostics rares peuvent être évoqués : purpura rhumatoïde ; porphyrie aiguë ; crises de la maladie périodique.

Hépato-gastro-entérologie

Formes cliniques Formes de la femme non gravide Les douleurs plus ou moins fugaces de la fosse iliaque droite et de l’hypogastre sont fréquentes. La plupart vont s’effacer en 24 ou 36 h. Il faut savoir attendre. Ces douleurs sont le plus souvent en rapport avec la pathologie annexielle : salpingite, hémorragie d’origine ovarienne, grossesse extra-utérine. Le dosage systématique des bêta-hCG doit être fait devant tout syndrome douloureux abdominal de la femme en état d’activité génitale. • La pérityphlite à chlamydia est plus difficile à reconnaître (antécédents, pertes, sérodiagnostic). • Les infections urinaires : pyélonéphrite, reflux vésicourétéral du côté droit, donnent une douleur assez typique, un point douloureux costo-lombaire, la présence de leucocytes, de nitrites à la bandelette urinaire et de façon très inconstante une dilatation des voies pyélocalicielles. L’examen direct des urines n’est pas toujours probant. L’uro-culture demande du temps. Le recours à la « cœlio-première » a pu être recommandé devant les syndromes douloureux abdominaux bas de la femme jeune. Elle risque de ne pas être « cœlio-dernière » ! L’appendice est, le plus souvent, enlevé dans la crainte d’une endo-appendicite. Cette pratique n’a pas modifié le taux élevé d’appendicectomies « non justifiées » chez la femme. • L’appendicite de la femme enceinte crée toujours une situation à double risque. La mortalité maternelle globale sur l’ensemble de la grossesse est de 20 %, le taux d’avortements ou d’accouchements prématurés de 5 à 10 %. Le diagnostic est rendu difficile par le déplacement progressif de l’appendice. Jusqu’au 3e mois il est en situation normale. Au 4e mois, un peu au-dessus du point de Mc Burney ; au 5e mois, à hauteur du sommet de la crête iliaque ; au 6e mois, à mihauteur du flanc droit. Et au 8e mois, il est sous-costal. • Pyélonéphrites et cholécystites sont souvent évoquées au départ (48 % des cas). Le terrain gravidique est peu résistant, et l’évolution peut être très rapide.

Formes de l’enfant Elles s’observent surtout entre 4 et 12 ans. Les formes du nourrisson sont rares, mais particulièrement trompeuses, avec un tableau de toxicose. L’intervention en pleine péritonite est alors trop tardive. Chez l’enfant plus âgé, il faut éliminer : l’invagination intestinale aiguë ; la pathologie du diverticule de Meckel ; la lymphadénite mésentérique (leucocytose modérée, parfois inversion de formule, gros nœuds lymphatiques perçus à l’échographie) ; les infections urinaires à droite ; la crise initiale du rhumatisme articulaire aigu ; les pneumopathies de la base droite ; le pseudo-syndrome appendiculaire de la rougeole ; le syndrome abdominal des tumeurs cérébrales. On a pu opérer pour une coxite à droite, une torsion du testicule avec sa douleur projetée dans la fosse iliaque droite. Les organes génitaux chez l’enfant doivent toujours être examinés.

Les difficultés diagnostiques sont maximales avant 3 ans. La biologie et l’échographie sont particulièrement utiles : c’est chez l’enfant que l’échographie atteint ses meilleures performances. On en connaît aussi les faiblesses. Elle ne doit pas l’emporter sur la clinique et être l’origine d’une perte de temps sur un terrain qui résiste peu.

Formes du vieillard À partir de 65 ans, les follicules lymphoïdes se raréfient et avec eux l’appendicite. Elle est particulièrement trompeuse se révélant souvent par un tableau d’occlusion fébrile. Le syndrome d’Ogilvie devra être évoqué. Les tumeurs peuvent donner des signes voisins : carcinomes cæcaux infectés ou sténose du côlon gauche avec distension douloureuse du cæcum (signe de Bouveret). La diverticule aiguë sigmoïdienne, avec une anse sigmoïde fixée du côté droit, peut inciter à l’atermoiement et au « refroidissement ». C’est sur ce terrain que le scanner avec contraste oral et rectal rend des services. Le lavement hydrosoluble prudent peut également être intéressant : un appendice injecté est, a priori, non malade. Le vieillard est souvent un polymédicamenté. Il faut évidemment en tenir compte pour apprécier la symptomatologie et surtout décider du moment de l’intervention (corticoïdes, antivitamines K, antiagrégants plaquettaires, neuroleptiques divers).

Traitement Méthodes chirurgicales On peut faire rétrocéder, ou accompagner la rétrocession spontanée des signes, par une antibiothérapie qui sera de toute façon nécessaire ; on reparle périodiquement du traitement médical de l’appendicite. Les formes endoluminales, catarrhales peuvent en bénéficier, jusqu’à la rechute ou la complication. Le traitement reste donc essentiellement chirurgical ; c’est l’appendicectomie, qu’elle soit faite par voie classique de Mc Burney (en réalité de Murphy) ou par cœlioscopie (voir : pour approfondir / 2). L’indication dépend des tableaux cliniques envisagés plus haut ; elle ne se discute pas dans la forme typique ; les tableaux incomplets sont assez fréquents pour inciter à quelques heures d’observation, à la répétition des examens cliniques et biologiques ; on avertira le malade et ses proches du risque d’une chirurgie dont la bénignité est trop légendaire : « suites d’appendicite… », ainsi que de la possibilité d’extraire un appendice, apparemment peu malade, malgré une symptomatologie évocatrice. La cœlioscopie apporte, évidemment, une exploration de qualité dans les cas douteux. Elle n’a pas montré une supériorité évidente sauf si un doute diagnostique persistait, c’est-à-dire chez la femme dont l’appendice succombe souvent à titre de principe. La possibilité d’extraire l’appendice par l’ombilic est un avantage esthétique. L’absence de bride postopératoire reste à démontrer avec un recul suffisant. Il ne semble pas y avoir LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48

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de différence significative entre les techniques « out » et « in ».

Elle associe port de bas élastiques adaptés et héparine de bas poids moléculaire.

Dans les 15 premiers jours, elles sont liées à des agglutinations d’anses. On peut les assimiler à des formes larvées, plastiques, de péritonite postopératoire. Elles se traduisent par une non-reprise du transit, ou un arrêt après un intervalle plus ou moins libre. L’aspiration, l’antibiothérapie, un bolus de corticoïdes, en viennent à bout dans la majorité des cas. Le scanner peut aider à localiser un syndrome de jonction, ou un abcès profond. Il est préférable au transit hydrosoluble source d’hypersécrétions, de vomissements, de déshydratation. En l’absence de signes de souffrance viscérale ou péritonéale, on peut se donner un délai de 24 à 48 h en suivant radiologiquement la progression des gaz et l’aération du côlon. Au-delà, il vaut mieux opérer par voie médiane.

3. Reprise alimentaire

5. Séquelles et complications tardives

La reprise des boissons peut être très précoce. Dans la majorité des cas les gaz sont, en effet, émis dans les premières 24 h. Nous n’avons, de ce côté, aucune différence entre les suites de la cœliochirurgie et de la chirurgie par voie de Mc Burney et la sortie a lieu vers le 3e jour.

• Les éventrations consécutives au drainage et aux suppurations sont habituellement limitées et de traitement aisé. • Les occlusions mécaniques peuvent survenir après des années. Il est trop tôt pour affirmer que la chirurgie cœlioscopique les fera disparaître. On les estime de 1 à 3 %. De causes mécaniques, elles relèvent de la chirurgie quelle que soit la voie privilégiée. Leur survenue imprévisible doit faire condamner les appendicectomies préventives proposées, voire presque exigées dans certains corps de métiers et dans certaines activités à risque. • Le « syndrome de brides », crises subocclusives répétées, n’a rien de propre à l’appendicectomie. Il peut bénéficier de la section de brides sous cœlioscopie. • La stérilité, liée à des adhérences péri-ovariennes, ne se verrait plus après cœlioscopie ! Dans nos pays à basse natalité, il paraît difficile de tirer des conclusions.

Suites opératoires 1. Antibiothérapie Elle est périopératoire et postopératoire. Aux bêta-lactamines (céphalosporines), on associera volontiers un imidazole. L’introduction de ces produits semble avoir contribué à raréfier les complications infectieuses pariétales graves. Les anaérobies jouent un rôle dans la majorité des cas, comme le montrent les examens bactériologiques.

2. Prévention des thromboses

Complications 1. Suppuration pariétale Elle est devenue rare et est marquée par une remontée thermique au 3e ou 4e jour, un rougissement plus tardif de la plaie puis l’évacuation de pus fétide vers le 5e ou 6e jour. Le plus souvent l’évolution est alors bénigne mais retarde la sortie.

2. Cellulite diffusante pariétale Elle est marquée par un œdème et une rougeur qui s’étend vers la région lombaire avec parfois une crépitation et une altération de l’état général. Elle est le plus souvent la rançon d’une fermeture trop étanche après la chirurgie d’un appendice suppuré ou perforé.

3. Péritonites postopératoires Estimées à 1 % autrefois, elles sont devenues exceptionnelles. Il faut distinguer la « péritonite du 5e jour », frappant un enfant après une appendicectomie à froid et porteur d’un appendice sain, et la péritonite postopératoire, du 4e au 7e jour. Son origine reste discutée : rarement, la déhiscence du moignon, qui existe toutefois, ou une toilette insuffisante de la fosse iliaque droite, parfois l’ouverture intrapéritonéale d’un abcès pariétal profond, sous-musculaire. Le tableau peut être franc, associant remontée thermique, douleurs, défense diffuse, parfois plus bâtard, à type d’occlusion fébrile. On a pu faire confiance aux antibiotiques renforcés. La reprise chirurgicale est préférable, qu’elle soit par laparotomie ou laparoscopie. Lorsque survient le choc septique il est souvent trop tard. Les gestes insuffisants, n’exposant pas correctement la cavité péritonéale (reprise par le Mc Burney) peuvent amener à des abcès inter-anses multiples de pronostic défavorable. 562

4. Occlusions postopératoires précoces

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Traitement des formes compliquées 1. Péritonite appendiculaire La péritonite appendiculaire peut suivre une crise typique. Elle peut apparaître d’emblée, ne laissant que soupçonner son origine appendiculaire. La voie d’abord sera de préférence médiane ; après ablation de l’appendice, une toilette minutieuse des coupoles de Douglas peut nécessiter plusieurs litres de sérum isotonique. Les fausses membranes ne seront enlevés que si elles se détachent facilement. Le drainage reste discuté. La cœlioscopie présente ici un intérêt certain en limitant l’exposition pariétale, mais il existe des cellulites diffusant à partir des points d’introduction des trocarts. Elle permettrait, en théorie, une toilette plus complète.

2. Péritonite cloisonnée à foyers multiples Ce sont des formes vues tardivement. Des antécédents appendiculaires parlants ne sont pas toujours retrouvés. L’état général est profondément altéré. La mise à plat des abcès inter-anses, la recherche de collections sous-phréniques ou pelviennes doit être minutieuse, ne laissant aucun point non exploré. C’est donc une chirurgie lourde chez des malades affaiblis. Les manipulations peuvent entraîner

Hépato-gastro-entérologie des décharges bactériennes. La crainte de voir se reconstituer des cloisonnements et des abcès peut justifier, dans les cas extrêmes, une laparostomie.

3. Abcès appendiculaires constitués Ils sont maintenant parfaitement situés et mesurés par l’imagerie. Ils relèvent de la chirurgie. Il est pratiquement toujours possible d’enlever l’appendice même s’il est classique de drainer et d’appendicectomiser plus tard. Ces réinterventions seraient faciles. Cela ne nous a pas paru toujours être le cas. On a proposé des « alternatives à la chirurgie ». Le drainage transpariétal sous échographie ou scanner serait justifié par la rareté des récidives… ■

Points Forts à retenir À travers toutes ses formes, l’appendicite aiguë relève avant tout d’un examen clinique consciencieux et d’une technique opératoire prudente et soigneuse. La chirurgie cœlioscopique a sa place surtout s’il existe un doute diagnostic. Si l’indication n’est pas retenue, et surtout chez un enfant ou un adolescent, nous conseillons une visite systématique, même en l’absence de signes, à la 48e heure, et donnant les instructions écrites au malade ou à sa famille. La légendaire bénignité de cette chirurgie ne doit pas faire oublier qu’elle est par définition septique et qu’elle comporte les risques de toute intervention sous anesthésie générale. Dans le contexte actuel, il convient d’en informer le malade ou ses proches qui ne comprennent pas toujours que les réticences à l’intervention puissent venir du chirurgien lui-même.

POUR APPROFONDIR 1 / Anatomie et physiopathologie C’est une banalité de dire que l’appendice est dans la fosse iliaque droite. En fait deux variables expliquent des recherches parfois laborieuses : la position du fond cæcal et le cercle potentiel dont il est le centre et qui définit les différentes positions possibles de l’appendice : latéro-cæcal externe, pré-cæcal, sous-hépatique, latéro-cæcal interne, méso-cæliaque pointant vers le promontoire au milieu des anses grêles, pelvien pouvant arriver au contact des annexes ; le plus souvent l’appendice est replié, non adhérent, derrière le cæcum. La chirurgie cœlioscopique a été à l’origine cœlio-guidée, visant par un repérage précis à éviter les agrandissements délabrants de la traditionnelle incision de Mc Burney. La définition anatomopathologique de l’appendicite aiguë reste imprécise ; nous avons noté 35 formulations différentes. On peut les résumer à trois aspects principaux parfois successifs en peu de temps :

– l’appendicite aiguë catarrhale : atteinte endo-appendiculaire limitée à la muqueuse associant ulcération, infiltration à polynucléaires, congestion vasculaire. Il existe des formes strictement endo-appendiculaires, ce qui incite à l’exérèse même si le viscère a un aspect extérieurement normal en cœlioscopie ; – l’appendicite aiguë suppurée : lésion inflammatoire étendue à toute la paroi avec réaction péritonéale, c’est ce qu’exprimait l’adage un peu exagéré : toute appendicite aiguë est une péritonite ! – l’appendicite grangreneuse avec atteinte pan-pariétale, nécrose, thrombose vasculaire parfois perforation. On a discuté de la valeur de lésions d’apparence chronique, de fibrose appendiculaire, c’est le problème de l’appendicite chronique entité discutée et discutable. Dans une série personnelle, les appendicites catarrhales représentaient 40 %, les appendicites suppurées 51 % et les formes gangreneuses 9 % des appendices reconnus inflammatoires. Mais 18 % de l’ensemble des opérés avaient un appendice sain, et 8,5 % un aspect d’appendicite « chronique ». Ces chiffres sont biaisés par la proportion importante d’appendicectomies cœlioscopiques, essentiellement chez les femmes. La proportion d’appendicectomies « non justifiées » chez les sujets masculins opérés par Mc Burney étant de 13 %. Les formes catarrhales peuvent régresser, spontanément ou sous l’effet des antibiotiques. Le traitement de l’appendice ne serait donc pas systématiquement chirurgical et le risque de rechute chiffré à 8 % autoriserait ce traitement médical. L’évolution la plus fréquente se fait vers la contamination du péritoine donnant une péritonite diffusante dans les suites de la crise parfois très précocement (péritonite en un ou deux temps). Il peut aussi se former un abcès lui-même susceptible de s’ouvrir dans le péritoine (péritonite en trois temps). Le « plastron » est en fait un abcès à parois épaisses car on trouve pratiquement toujours un « noyau purulent » au sein de la réaction plastique. Le souci, parfois obsessionnel, d’éviter la chirurgie a fait proposer le traitement systématique des abcès par ponction sous échographie ou scanner, comme traitement immédiat et définitif.

2 / Technique chirurgicale traditionnelle On réalise une incision de deux travers de doigt non délabrante et qui répond aux règles classiques : – la paroi mérite d’être protégée, on peut attirer le péritoine pariétal et le fixer à des champs de bordure ; – l’appendice étant du côlon, il y a obligatoirement, même dans les cas peu inflammatoires, un temps septique ; il convient de l’isoler, de traiter la muqueuse par curetage et désinfection et non par carbonisation au courant diathermique, qui risque d’échauffer le point d’étranglement (effet de pointe) ; – la position, la longueur, les adhérences de l’appendice peuvent être surprenantes ; on serait tenté de dire qu’il n’y a pas d’appendicectomie difficile pour qui sait s’agrandir à temps ; cela vaut mieux que de traumatisantes manœuvres d’écarteur, des tractions excessives sur un cæcum vite ecchymotique, la tentation d’extraction aveugle pouvant rompre l’appendice, laisser en place une pointe à l’origine de suppurations interminables ou faire échapper un stercolithe. ; – la fermeture est une opération en soi avec ses champs, ses gants et ses instruments nouveaux. Elle doit conditionner une bonne cicatrisation et prévenir l’infection pariétale qui se développe dans deux plans : le tissu graisseux prépéritonéal du fascia propria et le tissu cellulo-graisseux souscutané. Le drainage du péritoine ne sert peut-être à rien. Celui de la paroi peut éviter de sévères complications infectieuses. Il faut savoir laisser la peau ouverte dans les cas suppurés et les péritonites où l’inoculation ne peut être évitée ; – l’enfouissement du moignon est de peu d’intérêt ; – le drainage a déchaîné les passions. Il est peu utile vis-à-vis du péritoine. S’il y a un doute sur l’hémostase, la persistance d’une cavité qui a été abcédée, une ouverture du tissu rétropéritonéal, un aspect douteux du moignon cæcal, il est au moins un « mouchard » utile. Et puis, les drains siliconés actuels n’ont rien à voir avec les tuyaux à gaz de jadis ! LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48

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