98-441

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Pneumologie

B 95

Cancers épidermoïdes et adénocarcinomes bronchiques Épidémiologie, anatomie pathologique, étiologie, diagnostic, évolution, traitement Pr Alain DEPIERRE Service de pneumologie, CHU, 25030 Besançon cedex

Points Forts à comprendre • Il faut réduire le temps entre le premier symptôme et le diagnostic (souvent supérieur à 3 mois). • Il n’y a pas de diagnostic de cancer sans étude anatomopathologique. • Il y a plusieurs types d’évolution et de traitement différents. • Pour traiter un cancer du poumon, il faut, sans perdre de temps inutile, faire un bilan complet permettant de prendre les décisions thérapeutiques utiles.

On distingue deux catégories de cancers bronchiques : les cancers à petites cellules et les cancers « non à petites cellules ». Cancers épidermoïdes et adénocarcinomes constituent l’essentiel du deuxième groupe. L’étiologie et l’épidémiologie sont communes à l’ensemble des cancers bronchiques, les épidémiologistes ne pouvant généralement pas mener des études isolant chaque groupe.

Épidémiologie – étiologie Cancer le plus fréquent de l’homme, doublement de fréquence tous les 10 ans jusqu’en 1980, augmentation rapide de fréquence chez la femme sont les caractéristiques les plus marquantes de cette tumeur. Le cancer bronchique représente 450 000 nouveaux cas par an dans les pays industrialisés, 25 000 nouveaux cas par an en France, environ 20 % des décès par cancer chez l’homme. La répartition inégale des sexes en France reste de 9 hommes pour 1 femme (aux États-Unis, elle serait de 6 hommes pour 4 femmes). L’étiologie du cancer bronchique commence à être bien connue ; elle relève de 4 éléments : tabac, pollution industrielle, facteurs génétiques, facteurs nutritionnels.

Tabac La relation tabagisme-cancer bronchique a été parfaitement démontrée dans les années 1940. Entrent en jeu dans l’augmentation du risque : – la consommation quotidienne ; – la durée de l’intoxication ; – l’inhalation de la fumée ; – la poursuite du risque ; – l’usage de la cigarette. Les facteurs suivants sont moins certains : la précocité du début, la teneur en goudron, le tabagisme passif. L’intensité du tabagisme est souvent mesurée en paquetsannées qui représente la consommation d’un paquet par jour pendant un an. Par exemple, 10 paquets-années représentent 1 paquet/jour pendant 10 ans, ou 2 paquets/jour pendant 5 ans, ou 1/2 paquet/jour pendant 20 ans. Il n’y a pas de valeur seuil en dessous de laquelle le risque n’existerait pas. Néanmoins, il y a une augmentation majeure du risque avec une consommation de plus d’un paquet/jour pendant une durée supérieure à 30 ans. La fréquence du cancer bronchique chez les non-fumeurs est faible (environ 7 % des cancers bronchiques) et concerne essentiellement des femmes atteintes d’adénocarcinome. Après l’arrêt du tabagisme, le risque de cancer se maintient à un niveau identique quelques années, puis décroît progressivement sans toutefois revenir au même niveau que chez les non-fumeurs (il ne faut pas oublier que dans le même intervalle, la poursuite du tabagisme aurait augmenté le risque). L’arrêt du tabagisme est donc une mesure individuelle positive. Le tabagisme passif a fait l’objet de nombreuses études épidémiologiques. S’il augmente vraisemblablement le risque de cancer bronchique chez le sujet dont le conjoint est fumeur, l’augmentation de ce risque est très faible.

Facteurs professionnels Ils ont longtemps été masqués par l’influence du tabac. Ceux dont l’origine professionnelle est reconnue et qui sont indemnisés par la législation française figurent dans le tableau I. L’amiante est le plus important. Pour l’amiante, il faut retenir les points suivants : LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48

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CANCERS ÉPIDERMOÏDES ET ADÉNOCARCINOMES BRONCHIQUES

TABLEAU I Cancers pulmonaires reconnus d’origine professionnelle Carcinogène

N° du tableau 30 C

Amiante 30 bis Radiations ionisantes

6

Exposition Tous travaux exposant à l’inhalation d’amiante (complication de l’asbestose) Complication directe de l’exposition (liste limitative) Travaux exposant à l’inhalation exclusivement (essentiellement mineur)

Chrome

10 ter

Fabrication acide chromique et chromate de zinc

Fer

44 B

Complication de la sidérose des mineurs

Arsenic

20 bis

Pyro-métallurgie, anhydride arsénieux, pesticides arsenicaux

Nickel

37 ter

Grillage des mattes de nickel

81

Synthèse organique Résines échangeuses d’ions

Bis (chlorométhyl éther)

– le risque de cancer bronchique est multiplié par 10 par l’amiante ; – le risque est multiplié par 100 si en outre le sujet fume (risque synergique) ; – les professions exposant à l’amiante sont nombreuses (travail dans les chantiers navals, le calorifugeage, l’entretien de chaudières ou de fours, etc.) ; – l’empoussiérage asbestosique se mesure par la concentration en corps asbestosiques du lavage bronchiolo-alvéolaire (LBA).

Risques génétiques Le risque accru de cancer dans les familles de patients cancéreux est bien connu en particulier dans le cancer du sein. Dans le cancer du poumon, la relation familiale est difficile à démontrer en raison de la fréquence de la tumeur, de l’importance du tabagisme, des facteurs environnementaux. Les facteurs génétiques déterminant l’aptitude à métaboliser les carcinogènes en particulier les hydrocarbures (cytochrome P 450) ont été étudiés sans conclusion définitive.

Facteurs nutritionnels Plusieurs études épidémiologiques de grande envergure ont montré une relation positive entre l’hypovitaminose A et le risque de cancer bronchique, une relation moins nette entre la consommation d’aliments riches en vitamines A et l’incidence de cancer bronchique. Par contre, il n’est pas 442

LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48

démontré actuellement que l’apport d’une supplémentation en vitamine A ou en β-carotène, son précurseur, dans une population normalement nourrie, non carencée, diminue le risque de cancers bronchiques. Le problème pourrait être différent dans des populations dénutries en hypovitaminose chronique.

Anatomie pathologique La classification anatomopathologique des cancers bronchiques internationalement admise est celle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 1981 (actuellement en cours de révision) (tableau II). Cette classification reste valable pour la classification des cancers épidermoïdes et adénocarcinomes qui nous intéressent ici. On peut y rattacher les carcinomes à grandes cellules : grandes cellules parce que ce ne sont pas des cancers à petites cellules, indifférenciés parce que leurs caractéristiques histologiques ne permettent pas de les rattacher formellement aux cancers épidermoïdes ou aux adénocarcinomes. De même, on peut y rattacher les cancers adénosquameux : ces tumeurs sont caractérisées par l’association histologique des deux différenciations (épidermoïdes et adénocarcinomes) au sein de la même tumeur.

Caractères distinctifs des cancers épidermoïdes et adénocarcinomes 1. Cancer épidermoïde Le plus fréquent (40 %), il est caractérisé par : – son développement endobronchique et proximal ; – la nécrose centrale fréquente (tumeur excavée) ; – son origine à partir de cellules métaplasiques malpighiennes, la présence de jonctions intercellulaires et la kératinisation. Ces deux caractères définissent la différenciation.

TABLEAU II Classification OMS des cancers bronchiques % Cancers épidermoïdes Adénocarcinomes A. acineux A. papillaire Bronchiolo-alvéolaire Carcinome à petites cellules Carcinome à grandes cellules ou indifférencié Carcinomes adéno-squameux Carcinoïdes bronchiques (et carcinoïdes atypiques) Tumeurs des glandes bronchiques Carcinome adénoïde kystique (cylindrome) Carcinome muco-épidermoïde + quelques autres tumeurs exceptionnelles

40 20

20 20 1 5 1

Pneumologie – sa plus grande fréquence chez l’homme que la femme ; – une évolution plus locale que métastatique.

2. Adénocarcinome De fréquence évaluée à 20 %, il est caractérisé par : – son siège plus pulmonaire que bronchique ; – l’existence de structures glandulaires, produisant ou non du mucus ; – sa plus grande fréquence chez la femme et le non-fumeur ; – son évolution plus métastatique que locale. Il est classé en acineux, papillaire et bronchiolo-alvéolaire.

3. Carcinome bronchiolo-alvéolaire C’est une forme un peu particulière de l’adénocarcinome. Il s’observe sous deux aspects : une forme localisée, périphérique, d’évolution lente, chirurgicale, et une forme diffuse d’emblée, bilatérale, réalisant un syndrome alvéolaire et responsable parfois d’une expectoration abondante par hypersécrétion.

Diagnostic anatomopathologique Il n’y a pas de diagnostic de cancer sans examen anatomopathologique. Le prélèvement peut être histologique (biopsie) ou cytologique (expectoration, ponction à l’aiguille, aspiration bronchique). La cytologie est fiable entre les mains d’un anatomopathologiste entraîné. Le cancer bronchique (ou du poumon) est le cancer le plus fréquent de l’homme. Le poumon est le siège le plus fréquent des métastases des carcinomes de toute origine. C’est la raison de l’hésitation fréquente : cancer primitif ou secondaire ? • Si le cancer est épidermoïde, la réponse est simple : le cancer primitif bronchique siège sur une grosse bronche, la métastase dans le poumon ; les sièges des autres tumeurs primitives épidermoïdes sont d’accès facile et peuvent donc être vérifiés : langue, larynx, œsophage, col utérin, canal anal, pénis. • Si le cancer est un adénocarcinome, la réponse est plus complexe : le cancer primitif comme la métastase sont de siège pulmonaire ; les tumeurs primitives de ce type sont nombreuses et souvent difficilement accessibles (sein, côlon, estomac, grêle, pancréas, vésicule, prostate, corps utérin, ovaires, etc.). À quelques exceptions près (prostate, thyroïde), l’examen anatomopathologique est de peu de secours pour définir l’origine d’une tumeur épithéliale. Un adénocarcinome reproduit la même structure tissulaire quelle que soit son origine.

Classification TNM (T = tumor ; N = node ; M = metastasis) Cette classification qui prend en compte la tumeur (T), les ganglions (N), les métastases (M) est un élément fondamental de décisions thérapeutiques, de facteurs pronostiques, de comparaison des malades entre eux (tableau III). Elle est établie après un bilan complet d’extension. Une fois défini chaque élément T, N et M, elle permet de préciser le stade de la maladie. La classification vient d’être modifiée, nous en donnons donc la dernière version.

TABLEAU III Classification TNM (simplifiée) T = tumeur T1 = tumeur de moins de 3 cm (en plein parenchyme, en amont d’une bronche lobaire) T2 = tumeur de plus de 3 cm (ou atteinte plèvre viscérale, ou lobaire) T3 = tumeur envahissant diaphragme, ou plèvre médiastinale, ou péricarde, ou graisse médiastinale, ou bronche souche (mais à 2 cm de la carène), ou paroi thoracique T4 = tumeur envahissant cœur, ou gros vaisseaux, ou trachée, ou œsophage, ou vertèbre N = ganglion (node) N0 = pas de ganglion atteint N1 = atteinte ganglion hilaire ou péribronchique N2 = ganglions médiastinaux homolatéraux et souscarénaires N3 = ganglions médiastinaux controlatéraux et susclaviculaires M = métastase M0 = pas de métastase M1 = présence de métastases

Sur le tableau, on constate que la différence entre T3 et T4 est essentiellement chirurgicale (l’envahissement des T3 n’empêche pas l’exérèse, celui des T4 la contre-indique). La différence entre T1 et T2 est liée soit à la taille (± 3 cm), soit au siège lobaire ou périphérique. La différence entre les stades IIIa et b est essentiellement chirurgicale (les IIIa le sont, les IIIb ne le sont plus). La classification TNM conduit à distinguer des stades (tableau IV).

Diagnostic Le diagnostic de cancers bronchiques est anatomopathologique. Une longue chaîne d’événements va conduire du généraliste au spécialiste, de l’analyse des symptômes révélateurs au prélèvement biopsique.

Signes révélateurs du cancer bronchique Le cancer bronchique se révèle cliniquement : soit par une symptomatologie thoracique, soit par une symptomatologie extrathoracique, soit plus ou moins fortuitement au cours d’un examen systématique.

1. Symptômes thoraciques • La toux est souvent révélatrice. Elle est classiquement sèche et quinteuse, rebelle au traitement : en fait, elle ne présente aucun caractère sémiologique particulier. Elle n’est souvent que l’accentuation d’une toux habituelle chez un bronchiteux chronique ou chez un fumeur. Elle peut précéder de plusieurs mois toute autre manifestation. LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48

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CANCERS ÉPIDERMOÏDES ET ADÉNOCARCINOMES BRONCHIQUES

TABLEAU IV Définition des stades Stades 0 IA IB IIA IIB IIIA

IIIB

IV

TNM Carcinome in situ T1 N0 M0 T2 N0 M0 T1 N1 M0 T2 N1 M0 T3 N0 M0 T3 N1 M0 T1 N2 M0 T2 N2 M0 T3 N2 M0 T4 N0 M0 T4 N1 M0 T4 N2 M0 T1 N3 M0 T2 N3 M0 T3 N3 M0 T4 N3 M0 Quel que soit le T et le N, M1

• L’expectoration hémoptoïque s’observe dans 6 à 10 % des cas et a toujours une valeur d’alarme parce qu’elle inquiète le malade et le force à consulter. Elle peut être isolée ou survenir dans un tableau de bronchopneumopathie fébrile. • Les douleurs thoraciques peuvent être révélatrices. De siège variable, elles sont fixes et tenaces. Elles peuvent être au premier plan du tableau clinique dans certaines localisations (apex). • La dyspnée est plus rarement révélatrice. C’est habituellement une dyspnée d’effort, parfois accompagnée de sifflements expiratoires. • D’autres signes thoraciques peuvent être révélateurs : signes de compression médiastinale (dysphonie, dysphagie, œdème facio-tronculaire) ; épanchement pleural; syndrome infectieux réalisant le tableau d’une pneumopathie aiguë ou d’une bronchite infectieuse, régressant mal sous antibiotiques et récidivant. La récidive de la symptomatologie chez un homme de plus de 40 ans, fumeur, doit conduire aux explorations permettant le diagnostic de cancer bronchique. Ce début aigu infectieux s’observe dans environ un quart des cas.

2. Symptomatologie extrathoracique Le cancer peut se révéler par : une atteinte isolée de l’état général (amaigrissement, fatigue, anorexie) ; des métastases (notamment cérébrales, osseuses, ganglionnaires) ; des signes cliniques aberrants parfois liés à l’existence d’un syndrome paranéoplasique et pouvant orienter d’abord vers des affections rhumatologiques, neurologiques, endocriniennes, etc.

3. Dépistage systématique Certaines formes latentes sont découvertes lors d’un dépistage radiologique fortuit. Il s’agit parfois de faux dépistages systématiques sur des sujets négligents. 444

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Examen clinique L’interrogatoire recherche la symptomatologie révélatrice et son ancienneté. L’examen physique est souvent normal quant à la percussion et à l’auscultation pulmonaire. Par contre, il est fondamental lors de la recherche d’une métastase (foie, ganglions, signes neurologiques, douleurs osseuses). La découverte d’une métastase remet en cause une éventuelle décision chirurgicale et modifie le pronostic à court terme. Cette recherche doit être faite à chaque examen. Mais un examen clinique normal ne doit en aucun cas rassurer le médecin et les investigations paracliniques doivent être poursuivies. La constatation d’un hippocratisme digital récent ou d’une ostéo-arthropathie hypertrophiante est un élément d’orientation indiscutable.

Examen radiologique Sa valeur d’orientation est considérable. On peut observer différents types de lésions. Les images à projection hilaire ou juxta-hilaire sont les plus caractéristiques : opacités arrondies polylobées denses et inhomogènes dont la limite externe est seule visible et irrégulière. Les opacités systématisées traduisent un trouble de ventilation et suggèrent donc une sténose bronchique. Elles ont les caractères des opacités rétractiles. Les opacités arrondies intraparenchymateuses, situées à distance du hile, denses, homogènes, à contours plus ou moins nets et irréguliers, correspondent souvent à un adénocarcinome (et doivent faire rechercher d’autres images rondes intraparenchymateuses car elles peuvent témoigner d’un processus secondaire et non d’un carcinome bronchique primitif). Les images cavitaires néoplasiques, plus rares, peuvent simuler une cavité d’abcès mais l’épaisseur de la paroi, l’irrégularité du contour endocavitaire, l’absence de bronche de drainage, sont des éléments en faveur d’une cavité néoplasique due à la nécrose de la tumeur. D’autres aspects sont moins caractéristiques : opacités apicales isolées, denses et homogènes ; opacités nodulaires à type d’infiltrat non systématisé ; opacités ganglionnaires, sans image parenchymateuse visible ; images pleurales. Les cancers à image thoracique normale deviennent plus fréquents grâce à la pratique de plus en plus répandue de l’étude cytologique des crachats et de la fibroscopie. Ils témoignent le plus souvent de cancers proximaux (bronches souches).

Fibroscopie bronchique Suspecté par la clinique, orienté par l’examen radiologique, le diagnostic du cancer bronchique est fait dans 80 % des cas par la fibroscopie bronchique. Elle permet de voir : – des lésions bourgeonnantes : blanchâtres et souvent hémorragiques, facilement accessibles à la biopsie ; on précise leur pôle supérieur, l’état de la muqueuse voisine, et leur siège par rapport à la carène et aux éperons ; – des lésions sténosantes par infiltration tumorale ;

Pneumologie

2

1

Opacité tumorale : augmentation de volume du hile droit, opacité dense et inhomogène, à limite irrégulière.

Opacité tumorale du hile droit associée à un trouble de ventilation partiel du lobe supérieur (limite inférieure concave appuyée sur la scissure ➧).

3

Opacité tumorale périphérique, dense, homogène, à limite nette et assez régulière, d’environ 5 centimètres de diamètre.

5

4

Opacité dite « indirecte » : atélectasie du lobe supérieur droit : opacité dense, homogène, attraction de la trachée (➧), rétraction des espaces interscostaux.

Opacité tumorale périphérique identique à la précédente mais de 1,5 cm de diamètre (➧).

9

7

Opacité tumorale para-hilaire droite, dense, hétérogène, en raison d’une nécrose centrale (abcédation).

Double cancer : à gauche, masse tumorale superposée au hile, bien limitée, dense, homogène ; à droite, masse tumorale plus hétérogène, à limites moins nettes. Une adénopathie sus-hilaire droite est par ailleurs visible (➧).

6

Opacité dite « indirecte » : atélectasie du lobe supérieur gauche : attraction du diaphragme (↑), rétraction des espaces intercostaux, signe de la silhouette sur le cœur.

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Opacité dense paratrachéale droite, étendue le long du médiastin de la clavicule au hile. Bord externe net, polylobé : adénopathies de la chaîne paratrachéale.

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CANCERS ÉPIDERMOÏDES ET ADÉNOCARCINOMES BRONCHIQUES

– des signes indirects de suspicion : déformation d’un orifice bronchique, épaississement d’un éperon, anomalie de la muqueuse bronchique. La fibroscopie peut être normale, notamment lorsque le cancer siège sur les bronches distales et il faut savoir la répéter. Elle permet toujours l’aspiration bronchique dirigée des sécrétions pour une étude cytologique.

Diagnostic anatomopathologique 1. Diagnostic par fibroscopie bronchique et cytologie de l’expectoration La biopsie faite à la pince, de préférence à la jonction de la zone pathologique et de la muqueuse apparemment saine, ou au niveau d’un éperon, ramène un fragment de volume suffisant permettant un diagnostic histologique. L’aspiration-biopsie faite dans le territoire suspect même en l’absence de tumeur visible, permet de ramener des éléments tumoraux lorsque la biopsie est techniquement impossible. L’examen cytologique des sécrétions prélevées par l’aspiration endobronchique lors de la bronchoscopie et l’examen cytologique des crachats nécessitent des cytologistes entraînés et compétents. Les crachats doivent être prélevés au réveil, dans un liquide fixateur, et de préférence les jours suivant une bronchoscopie. Le risque de faux résultats positifs, pour minime qu’il soit (1 à 2 % des cas), doit être connu. Au terme de cette étude successivement clinique, radiologique, bronchoscopique et enfin anatomopathologique, le diagnostic de cancer bronchique primitif a pu être assuré dans la plupart des cas. Il importe alors d’entreprendre un bilan à la fois pronostique et thérapeutique.

2. Autres prélèvements Dans un certain nombre de cas, le diagnostic suspecté n’a pu être établi de manière formelle. La biopsie transpariétale à l’aiguille est souvent très utile, en particulier sous contrôle scanographique. La médiastinoscopie est rarement utilisée. Si une deuxième bronchoscopie n’assure pas le

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10

Coupe de scanner passant par la trachée : tumeur périphérique, dense, homogène, limites irrégulières avec spicules linéaires, nombreux et typiques.

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diagnostic, la thoracotomie exploratrice est le moyen le plus sûr de parvenir au diagnostic si la suspicion de cancer est élevée. Ses indications à visée diagnostique doivent être larges. Une telle attitude est préférable à l’abstention plus ou moins doublée d’une thérapeutique d’essai.

Bilan d’extension Il existe une différence pronostique considérable entre les cancers bronchiques localisés, chirurgicalement enlevables, le cancer à extension régionale parfois encore accessible à l’acte opératoire ou à l’irradiation, et le cancer métastatique. Ce bilan, à la fois pronostique et thérapeutique, comprend 2 étapes : étude de l’extension locale, et recherche d’une métastase.

1. Recherche d’une extension locale La clinique, la radiologie, l’endoscopie, dépistent une atteinte : – du nerf récurrent (voix bitonale, paralysie de la corde vocale gauche) ; – phrénique (hoquet, surélévation immobile d’une coupole diaphragmatique) ; – veine cave supérieure (œdème en pélerine, circulation collatérale) ; – œsophage (dysphagie, sténose radiologique extrinsèque ou non) ; – costale (douleurs, fractures ou lacunes osseuses radiologiques) ; – pleurale (syndrome pleural clinique et radiologique, biopsie pleurale et cytologie du liquide pour affirmer l’envahissement néoplasique) ; – carène (affirmée lors de la bronchoscopie ; en cas de doute, biopsie de la carène) ; – adénopathies hilaires et médiastinales : elles sont parfois évidentes, mais souvent elles sont difficiles à affirmer sur le cliché standard. Le scanner thoracique est indispensable. C’est l’examen de choix pour leur analyse. Il a cependant 3 handicaps : il détecte des masses, mais difficilement les infiltrations en nappe ; il différencie mal les accolements clivables des envahissements (au péricarde, à l’aorte, à l’œsophage) ; il ne différencie une adénopathie d’un ganglion

Tumeur bronchique (4) sténosant la bronche souche droite (➧) et la partie terminale de la bronche droite de l’artère pulmonaire (1). En 3, atélectasie rétractile du lobe supérieur. En 2, aorte descendante. Dans cet exemple, la différence de tonalité entre la tumeur et l’atélectasie est nette.

Pneumologie que par un rapport de taille. Au-dessus de 2 cm de diamètre, la probabilité d’envahissement est importante et le fait considérer a priori comme métastatique. En dessous de 1 cm de diamètre, au contraire, il sera considéré comme étant bénin.

2. Recherche d’une métastase à distance Cette recherche concerne : – les ganglions sus-claviculaires homo- ou controlatéraux (clinique) ; – le cerveau [examen neurologique ; surtout scanner et imagerie par résonance magnétique (IRM)] ; – les os (clinique, scintigraphie osseuse couplée à une étude radiologique) ; – le foie (hépatomégalie nodulaire ou non ; scanner et surtout échographie) ; – la peau (examen clinique) ; – les surrénales (échographie, scanner).

Bilan général Il est important : l’ensemble des pathologies liées au tabac complique souvent la prise en charge thérapeutique (bronchite chronique, emphysème, artériopathie des membres inférieurs, pathologie cardiovasculaire).

1. Étude fonctionnelle respiratoire La clinique recherche des antécédents de tuberculose éventuelle, de bronchite chronique et évalue la dyspnée. La radiographie thoracique et le scanner thoracique recherchent des signes évocateurs d’emphysème. Les épreuves fonctionnelles respiratoires et la mesure des gaz du sang sont réalisées dans tous les cas où un acte chirurgical paraît possible. Une pneumonectomie n’est guère envisageable si le VEMS escompté du côté restant est inférieur à 1 litre ou s’il existe une hypercapnie préopératoire. Une scintigraphie de perfusion pulmonaire est parfois nécessaire pour apprécier individuellement la fonction prévisible du poumon « restant ».

2. Évaluation de l’état général L’âge ne représente pas une contre-indication opératoire éventuelle, l’appréciation de l’opérabilité étant beaucoup plus liée à l’existence d’une tare viscérale, artérielle notamment : la chirurgie thoracique est possible jusqu’à 80 ans.

Formes cliniques Cancer de l’apex C’est la seule forme qui mérite réellement d’être individualisée. Le cancer de l’apex peut envahir le dôme pleural, le plexus brachial, les côtes ou le rachis et réaliser le syndrome de Pancoast-Tobias (associant des douleurs radiculaires dans le territoire C8 D1, un syndrome de Claude Bernard-Horner et des images de lyse osseuse des deux premières côtes). L’évolution est particulièrement douloureuse, les traitements antalgiques difficilement efficaces,

conduisant parfois à l’indication d’une radiculotomie chirurgicale. La radiothérapie et la chirurgie seront discutées de principe.

Cancer de la trachée C’est une tumeur rare, habituellement épidermoïde, qui n’est pas considérée comme un cancer bronchique stricto sensu. La dyspnée en est le maître symptôme et la thérapeutique est dominée par le rétablissement de la liberté respiratoire. Radiothérapie et endoscopie dite interventionnelle (résection par laser ou cryopthérapie, prothèse intratrachéale) sont les deux armes thérapeutiques utilisées en général. La chirurgie est rarement possible.

Associations cancéreuses, cancers synchrones et métachrones La pathologie liée au tabac se retrouve : cancers bronchiques, cancers laryngés, pharyngés, buccaux, et cancers œsophagiens s’associent volontiers (en particulier le cancer bronchique et le cancer laryngé). Ces associations morbides légitiment la pratique d’une double (ORL + bronches), voire triple (ORL + bronches + œsophage) endoscopie. De la même façon, les cancers bronchiques peuvent s’associer. Ils peuvent être simultanés (synchrones) ou survenir l’un après l’autre (métachrones). La survenue d’un cancer métachrone dans l’évolution d’un cancer bronchique opéré est évaluée à 10 % des cas opérés.

Formes avec syndrome paranéoplasique Certains cancers s’accompagnent d’une symptomatologie extrathoracique aberrante, constituant un syndrome paranéoplasique. Ils sont extrêmement variés, peuvent accompagner tous les types de cancers, mais avec une particulière fréquence le cancer bronchique (et en particulier le cancer à petites cellules). On distingue : – des syndromes ostéo-articulaires : hippocratisme digital, ostéo-arthropathie hypertrophiante ; – des syndromes neurologiques : neuropathie sensitive de Denny-Brown, polynévrite sensitivo-motrice, syndrome cérébelleux, syndrome médullaire, troubles psychiques ; – des syndromes endocriniens : hypercalcémie, hypercorticisme, hyperthyroïdie ; – des syndromes cutanés. La plupart des syndromes paranéoplasiques régressent après ablation de la tumeur.

Évolution – Facteurs pronostiques En l’absence de traitement, le cancer bronchique entraîne la mort dans un délai de quelques mois à (dans de rares cas), quelques années. Le facteur pronostique dominant des épidermoïdes et des adénocarcinomes est leur résécabilité : 5 % de survie à 5 ans pour les non opérés, 25 % de survie à 5 ans pour les opérés. Chez les patients opérés, les études pronostiques sont dominées par le rôle de l’extension de la maladie au moment du diagnostic selon la classification TNM. Les autres facteurs ont surtout été étudiés chez les non opérés. LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 487

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CANCERS ÉPIDERMOÏDES ET ADÉNOCARCINOMES BRONCHIQUES

Chez les patients non opérés, de nombreux facteurs ont été étudiés, avec par ordre d’importance pronostique défavorable décroissant : – extension (TNM) ; – index d’activité (performance status) ; – amaigrissement ; – plus discutés sont l’âge, le sexe (en faveur de la femme), les lacticodéshydrogénases (LDH), l’hyperleucocytose, la nature des sites métastatiques (peau, os), l’histologie (épidermoïde meilleur qu’adénocarcinome).

Diagnostic différentiel Il est difficile à synthétiser parce qu’il va se poser à toutes les étapes de la démarche diagnostique, depuis l’analyse initiale des signes révélateurs jusqu’au diagnostic histologique. L’essentiel de la démarche est de conduire l’opérateur au prélèvement biopsique. La conduite du diagnostic différentiel est globalement la même pour tous types de cancers bronchiques.

Diagnostic différentiel clinique Il consiste surtout à penser au cancer bronchique devant : – un tableau infectieux bronchopulmonaire ; – une hémoptysie ; – des douleurs thoraciques ; – un hippocratisme digital d’apparition récente ; – un syndrome paranéoplasique ; – des métastases révélatrices.

Diagnostic différentiel radiologique Quelle que soit la probabilité de certitude obtenue, la radiographie pulmonaire ne fait pas le diagnostic de cancer bronchique.

1. Opacités hilaires associées ou non à un trouble de ventilation Le diagnostic différentiel est celui des « pneumopathies » au sens large : – pneumopathies infectieuses plus volontiers bactériennes (les pneumopathies virales sont plutôt bilatérales) ; – troubles de ventilation liés à une obstruction non maligne (corps étranger, tumeur bénigne) ; – infarctus pulmonaire par embolie pulmonaire ; – tuberculose pulmonaire ulcéro-caséeuse de l’adulte.

2. Opacités périphériques Les principales étiologies des nodules pulmonaires sont (outre le cancer bronchique primitif) : le cancer secondaire ; les tumeurs bénignes (hamartomes) ; les tumeurs carcinoïdes ; le tuberculome ; le lymphome ; le nodule vasculaire (fistule artério-veineuse) ; l’infarctus pulmonaire à forme pseudo-tumorale ; les infiltrats ronds d’origine infectieuse ou parasitaire. Les diagnostics différentiels sont globalement les mêmes en radiographie standard et en tomodensitométrie. 448

LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48

Diagnostic différentiel en anatomopathologie Les prélèvements sont souvent de petite taille voire réduits à des éléments cytologiques. L’absence de tissu en quantité suffisante rend parfois difficile le typage précis de la tumeur. L’existence d’un prélèvement négatif signifie seulement l’absence de tumeur dans le prélèvement, pas dans l’organe. La dédifférenciation des tumeurs rend leur classification difficile. Les techniques d’immuno-histochimie apportent des arguments dans la reconnaissance et la classification des tumeurs.

Traitement Le traitement des cancers bronchiques nécessite une concertation régulière des pneumologues, chirurgiens thoraciques, radiothérapeutes et oncologues médicaux.

Chirurgie C’est l’arme la plus efficace mais 25 % seulement des opérés survivent à 5 ans. Les récidives après 7 ans sont exceptionelles. Deux types d’interventions sont possibles : – la pneumonectomie dans les tumeurs proximales (simple ou élargie) ; – la lobectomie si la tumeur est exclusivement lobaire (éloignée de la naissance de la bronche lobaire). Les autres types de chirurgie d’exérèse pulmonaire sont rarement proposés (segmentectomie, résection atypique). Toute tumeur opérable après l’évaluation TNM doit être opérée : – T1 ou T2 ; les T3-4 médiastinaux sont habituellement des contre-indications sauf les T3 pariétaux ; – N1 hilaires ou N2 homolatéraux (la présence d’adénopathies médiastinales n’est pas une contre-indication obligatoire et doit faire l’objet d’une confrontation médicochirurgicale) ; – M0. Le poumon restant doit être de qualité fonctionnelle satisfaisante.

Radiothérapie Elle utilise la radiothérapie de haute énergie, habituellement les accélérateurs de particules. Elle permet de délivrer jusqu’à 60-70 Gy sur la tumeur, de 40 à 45 Gy sur le médiastin supérieur et moyen à raison d’une séance par jour, 5 jours par semaine, étalées sur 6 à 7 semaines consécutives. Ses séquelles sont de mieux en mieux évitées. Ses indications restent discutées. Elle peut s’adresser : – aux petites tumeurs inextirpables (soit par leur siège, soit pour une contre-indication générale), surtout si le médiastin est libre d’adénopathies ; – en complément de la chirurgie : si celle-ci a procédé à l’ablation d’adénopathies métastatiques, si la tumeur envahissait soit le médiastin, soit la paroi ;

Pneumologie TABLEAU V Chimiothérapie Les médicaments efficaces sont nombreux : – cisplatine ; – ifosfamide ; – cyclophosphamide (endoxan Asta) ; – etoposide (VP16) ; – doxorubicine (adriamycine) ; – alcaloïdes de la pervenche : navelbine, Vinblastine, vindésine ; – mitomycine ; – gemcitabine ; – taxol-taxotère (sans AMM). Les associations utilisées sont à base de cisplatine avec : – Navelbine (ou Vinblastine) ; – VP16 ; – ifosfamide-mitomycine. Le traitement comporte des cycles répétés toutes les 3 à 4 semaines

– aux récidives localisées après chirurgie. Son association à la chimiothérapie dans les formes localisées non opérables augmente le taux de guérison. Son efficacité n’a pas été démontrée : – à titre systématique en postopératoire ; – à titre systématique en préopératoire ; – en préopératoire, pour rendre opérables des tumeurs difficiles à enlever ; – dans les envahissements médiastinaux bilatéraux.

Chimiothérapie De nombreux médicaments sont efficaces dans les cancers bronchiques (tableau V). L’efficacité d’un médicament est définie par la régression de la tumeur, de ses adénopathies et (ou) de ses métastases sur les clichés et scanners successifs sans tenir compte de la survie. L’amélioration de la

survie est évaluée sur des groupes de patients homogènes par des essais randomisés comparant les thérapeutiques nouvelles au traitement de référence. Il ne faut pas oublier que 80 % des cancers pulmonaires « non à petites cellules » ne relèvent ni de la chirurgie, ni de la radiothérapie quand ils sont dépistés, en raison de leur diffusion. Il a été démontré par plusieurs essais randomisés qu’une chimiothérapie augmente la survie et la qualité de vie des cancers pulmonaires « non à petites cellules » par rapport à l’abstention. Malheureusement, la médiane de survie des patients traités par chimiothérapie reste inférieure à 1 an, le pourcentage de patients dont les réponses au traitement excède 1 an, est voisin de 10 % seulement. La toxicité de ces traitements a été notablement diminuée par des traitements anti-émétiques efficaces et par la règle fondamentale que la poursuite d’une chimiothérapie ne se ■ légitime que si elle est efficace.

Points Forts à retenir • Le tabac domine l’étiologie. • Les cancers épidermoïdes et adénocarcinomes ont la même survie et le même traitement, et s’opposent au cancer à petites cellules. • Opacités hilaires, troublesde ventilation, opacités rondes sont les principaux aspects radiologiques. • Le bilan d’extension doit être méthodique. • La chirurgie est le traitement de choix obligatoirement discutée, et entraîne 25 % de survie à 5 ans. • Chimiothérapie et radiothérapie associées sont le traitement des formes localisées inopérables.

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