98-427

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Médecine légale - Toxicologie

B 390

Le secret médical Dr Claire CAIZERGUES, Pr François CIANFARANI Laboratoire de médecine légale, faculté de médecine, 27, boulevard Jean-Moulin, 13385 Marseille cedex 05

Points Forts à comprendre • Le concept de secret repose sur trois théories : – le fondement contractuel : le respect du secret est inclus dans le contrat qui se forme entre le médecin et son patient, véritable relation de confiance indispensable à l’acte médical. La mort du malade ne délie pas le médecin du secret auquel il est tenu ; – le fondement d’ordre public : la loi protège toute confidence qu’un particulier se trouve obligé de faire à une personne qui, du fait de sa profession ou de sa mission, devient un confident nécessaire ; – le fondement sur la notion de vie privée : le but principal du respect du secret est de protéger l’intimité du patient.

Principe du secret médical Sources historiques La notion de secret n’a pas toujours existé. Elle s’est structurée sous l’influence conjuguée des progrès médicaux, de l’organisation des professions de santé et des nécessités de la santé publique. Le terme « secret » : nom masculin, est défini comme « ce qui doit être tenu caché, silence qui entoure quelque chose » ; adjectif : « qui n’est connu que d’un petit nombre de personnes, et ne doit être divulgué aux autres ; exemple : le dossier médical » (Larousse). Ces deux définitions, nom et adjectif, sont quasi paradoxales : ce qui doit être tenu caché peut, néanmoins, être partagé par un petit nombre de personnes ; d’ores et déjà nous constatons que l’obligation du secret a un caractère non pas absolu mais relatif. L’évolution vers ce caractère relatif de l’obligation de secret résulte d’une lente construction jurisprudentielle. Jurisprudence motivée par des exigences, certes ponctuelles mais répétées, d’intérêt de santé public, intérêt social, et intérêt du malade.

1. Intérêt de santé publique Le secret n’est pas absolu et cesse de pouvoir être invoqué lorsque l’ordre public est en cause. Le développement

d’épidémie au Moyen Âge conduit les autorités à demander aux médecins la communication des noms des malades contaminés afin de juguler la contagion. Aujourd’hui la déclaration à l’autorité sanitaire des maladies vénériennes est obligatoire. Elle se fait sous forme de déclaration simple ou de déclaration nominale en période contagieuse, lorsque le malade se refuse à entreprendre ou poursuivre le traitement, lorsque le médecin estime que la personne atteinte fait courir un risque grave de contamination à un ou plusieurs tiers (art. L. 255 et s CSP).

2. Intérêt du malade À de nombreuses reprises, depuis la fin des années 50, les tribunaux ont précisé que « le secret est la chose du malade », le médecin n’étant que le dépositaire de cette chose. Dans les années 60, la conception du dépôt « inviolable » va s’assouplir puisque l’obligation de secret ne saurait interdire à un médecin de justifier de sa bonne foi au cours d’une instance judiciaire. Le droit de se défendre est une liberté essentielle.

Sources philosophiques Le concept de « secret » est fondé selon trois théories, qui en pratique ne sont pas indépendantes les unes des autres : le contrat médical, l’ordre public, la notion de vie privée.

1. Fondement contractuel (protection de la confidence) Il se forme, depuis l’arrêt de principe Mercier de 1936, entre le médecin et le patient un véritable contrat (tacite et oral). De nombreux auteurs considèrent que le respect du secret est inclus dans ce contrat. Le malade doit être en mesure de donner au médecin toutes les informations, quelquefois intimes, nécessaires à la prescription d’un traitement. Il sera d’autant plus confiant que ces informations resteront confidentielles.

2. Fondement d’ordre public Certains estiment que le secret répond davantage à un souci de protection de l’ordre public qu’à la préservation des intérêts du malade. La société a intérêt à préserver la discrétion du médecin et garantir un devoir professionnel indispensable à tous, tant pour la défense de l’individu lui-même, que pour la salubrité du climat social. La loi protège ainsi toute confidence qu’un particulier se trouve obligé de faire à une personne, qui du fait de sa profession ou de sa mission, devient un confident nécessaire. LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48

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D’autres auteurs, considérant que le Code pénal est garant de l’ordre public absolu, prétendent en conséquence que la règle du silence est inviolable et qu’aucune autorisation ne peut y déroger. Cette thèse a connu un vif succès dans le milieu médical au début du siècle. Cependant, très rigide, elle ne peut tenir compte des nécessités pratiques et semble difficilement compatible avec la notion d’ordre public qui, par essence, varie selon l’état social (mœurs et opinions) et juridique de la société. Le secret ne peut être, ici encore, que relatif.

3. Fondement sur la notion de vie privée (protection de l’intimité) Si la protection du secret est le centre d’un perpétuel conflit d’intérêts entre le médecin, la société et le malade, personne ne peut nier que son but principal est de protéger l’intimité du patient. « Le secret professionnel, institué dans l’intérêt du patient, s’impose à tout médecin dans les conditions édictées par la loi. » Code de déontologie, article 4. « Chacun a droit au respect de sa vie privée. » Code civil, article 9. Si l’on conçoit que la révélation du secret porte atteinte à la vie privée, on conçoit également que cette révélation puisse être sanctionnée, au plan civil, par le régime de la responsabilité pour faute et paiement de dommages et intérêts. Cette théorie est loin de faire l’unanimité de la doctrine. Curieusement, certains auteurs refusent de voir dans le droit à la vie privée le fondement de l’obligation de se taire. En revanche, d’autres considèrent le secret professionnel comme l’une des expressions premières de ce droit. Ils rattachent, dans le cadre du contrat médical, la théorie de l’intérêt privé de la personne (droit de la personnalité) à celle de la protection de sa vie privée.

Droit positif « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit à raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 100 000 F d’amende. » Code pénal de 1992, article 226.13. En matière pénale, l’interprétation de la loi est par principe stricte. Néanmoins, la notion complexe de secret a évolué progressivement, aussi bien pour les personnes concernées que pour les éléments constitutifs de l’infraction.

Personnes tenues au secret Les médecins ont le devoir de se taire quels que soient leur statut et le cadre de leur activité. Les internes, externes et étudiants en médecine sont assimilés. Il n’y a pas de secret partagé entre praticiens. Ils ne peuvent communiquer entre eux les informations recueillies sans l’autorisation du malade. En revanche, le secret est commun lorsque plusieurs médecins collaborent au diagnostic ou au traitement du malade. Les praticiens de santé, les collaborateurs du médecin et toutes les personnes aptes à recevoir ou à surprendre un secret, ont l’obligation de se taire. 428

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La définition du Code pénal est générique. Elle vise les personnes dépositaires par état, profession ou fonction, mais aussi celles qui le sont par l’effet d’une simple mission temporaire. Il semble que l’on passe insensiblement du « secret médical » au « secret des professionnels de santé ». La difficulté réside dans la définition de ces professionnels.

1. Personnel soignant • Les médecins sont tenus au devoir de se taire quels que soient le cadre de leur activité et leur statut : libéral, fonctionnaire du système hospitalier, salarié ; les internes, externes et étudiants en médecine sont assimilés. Les médecins admettent souvent que le secret n’existe pas entre eux, qu’ils peuvent le partager. Cette conception est un vestige de l’époque où le monde médical considérait que le secret lui appartenait. En réalité, le secret est la chose du malade. Le praticien ne peut y avoir accès que s’il en est directement dépositaire, ou s’il collabore avec le médecin traitant, ce dernier estimant que les nécessités thérapeutiques exigent la mise en commun du secret. Il s’agit alors d’un secret commun et non d’un secret partagé. A fortiori, lorsque le malade consulte séparément deux confrères, ces derniers ne peuvent sans son autorisation, communiquer entre eux les informations recueillies. • Les praticiens de santé, psychologues, chirurgiens-dentistes, kinésithérapeutes, infirmiers, sages-femmes, pédicures, orthophonistes, orthoptistes, éducateurs spécialisés d’enfants handicapés, sont tenus comme les médecins au secret, ainsi que tous les collaborateurs aptes à recevoir ou à surprendre un secret. Tous ceux qui concourent au diagnostic ou au traitement : le personnel des laboratoires d’analyse, préparateurs en pharmacie, pharmaciens… sont également tenus au secret. • Le service public hospitalier : le secret médical s’est adapté aux exigences du système hospitalier. En droit, le service public hospitalier est caractérisé par sa neutralité, sa continuité, son adaptabilité, son indivisibilité. En matière de secret, le service doit être considéré comme un confident indivisible. Une étude statistique a montré que pour un patient hospitalisé, 75 personnes avaient accès aux informations concernant l’état de santé et donc l’intimité du malade. De même, lorsque le malade s’adresse à un organisme qui pratique la médecine collégiale (dispensaire, groupe mutualiste) pour lui prodiguer des soins, c’est à l’ensemble de cet organisme que le secret est confié, sauf prescription particulière du malade. La notion d’indivisibilité du secret est de nouveau confirmée.

2. Personnel non médical Le médecin est responsable en matière de secret des personnes qui l’assistent dans l’exercice de sa profession. Doiton considérer que ce personnel est seulement soumis à une obligation générale de discrétion ? La formule générique du Code pénal devrait permettre d’incriminer le personnel administratif ou social et toute personne qui, par sa profession ou sa mission même temporaire en rapport avec une activité de soin, aura la possibilité ou la nécessité de pénétrer dans la vie d’autrui.

Médecine légale - Toxicologie L’obligation au devoir de se taire est la conséquence de cette intrusion dans la vie privée de la personne qui, soumise à des soins médicaux, sociaux ou psychologiques, se trouve dans un état d’infériorité. Il n’y a donc pas de différence de nature entre le secret du médecin et celui de l’infirmière ou de l'assistante sociale, ni de hiérarchie entre eux.

Éléments constitutifs de l’infraction Ils sont au nombre de 3, contenus dans le Code pénal. « La révélation d’une information à caractère secret… » L’ensemble des informations que le médecin a pu connaître ou constater au cours de son exercice est soumis au silence. Seul le juge est souverain pour qualifier et apprécier la confidentialité des faits. La révélation du secret doit être intentionnelle, c’est-à-dire volontaire, indépendamment de toute intention de nuire. Sa forme importe peu. Elle peut être écrite ou orale, partielle ou totale, faite en public ou en privé, être directe ou progressive.

1. Information à caractère secret La définition de cette information est floue. S’agit-il des seuls faits révélés et confiés au médecin ? Ou bien faut-il avoir une conception plus large et entendre par secret : tout ce que le médecin a pu connaître ou constater au cours de son exercice. La tendance actuelle de la jurisprudence est à la conception large du secret. C’est l’ensemble des informations auxquelles accède le médecin, examen clinique, diagnostic et examens paracliniques, qui seront soumises au silence, ainsi que la nature de la maladie, ses causes et ses conséquences. Le Code de déontologie précise : « le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris. »

2. Caractère secret Qui peut ou doit juger de la confidentialité d’une information ? Le dépositaire (médecin) ou son propriétaire (malade) ? La jurisprudence est partagée. Existe-t-il des faits secrets par nature en raison de leur gravité ou de leur aspect gênant pour le malade ? Doit-on considérer la confidentialité des faits en fonction des dommages conséquents à leur révélation éventuelle ? L’information est-elle secrète par la seule volonté du malade ? (encore faut-il que cette volonté ne soit pas indifférente. Le malade, en général, ignore l’étendue de la connaissance du professionnel). Soulignons que la médecine n’est pas un métier mais un état, que le professionnel de santé peut être amené à connaître des informations confidentielles en dehors du cadre de ses fonctions. Le juge est souverain pour qualifier et apprécier les faits.

3. Révélation Pour que la violation du secret soit incriminée, il faut que les informations soient effectivement portées à la connaissance d’autres personnes et qu’elles portent sur des faits secrets. La tentative de révélation n’est pas sanctionnée.

Cette révélation doit être intentionnelle. Le délit existe dès que la révélation a été faite avec connaissance, c’est-à-dire volontairement, indépendamment de toute intention de nuire. En revanche, la négligence du médecin qui permettrait la révélation d’une information confidentielle, engagerait sa responsabilité civile pour faute. La forme de la révélation importe peu. Elle peut être écrite ou orale, directe ou progressive, faite en public ou de manière privée, partielle ou faite en totalité. Soulignons que l’auteur de publications scientifiques prendra soin de gommer tous les éléments nominatifs ou autres permettant de rattacher l’information à l’identité du patient. Le médecin doit rester prudent lorsqu’il révèle une information déjà connue ayant un caractère public. Son témoignage apportera toujours un élément nouveau et risque d’ajouter quelque chose à la notoriété des faits peut-être soumis jusque-là à controverse. Le juge pénal a récemment retenu quatre éléments indispensables à la constitution du délit, à savoir : un confide, un secret, un acte de révélation, et une intention coupable.

Dérogations L’obligation au secret connaît des limites rendues nécessaires par la protection de l’intérêt social et par celle de l’individu.

1. Dérogations d’ordre public • La naissance : lorsque la famille ne le fait pas ou lorsque la mère demande le secret, l’enfant sera déclaré sous X c’est-à-dire de père et de mère inconnus. Dans les cas d’aide à la procréation, quelle que soit la nature de la filiation (artificielle, naturelle, ou légitime) la naissance sera déclarée, la filiation restera secrète. • Le décès : les certificats de décès (néonatal et adulte) sont rédigés sur un formulaire spécial composé de deux parties détachables. La première comporte trois volets destinés à la mairie du lieu d’implantation de la chambre funéraire ; au gestionnaire de la chambre funéraire ; à la mairie du lieu du décès. La seconde partie, anonyme et cachetée, comportant les causes du décès, est adressée au médecin inspecteur de la santé. • Les maladies professionnelles et accidents du travail : les certificats nominatifs doivent obligatoirement comporter la nature des lésions et être adressés à la Caisse primaire d’assurance maladie. • Les maladies contagieuses et transmissibles : la déclaration des maladies vénériennes est obligatoire. Cette déclaration est anonyme sauf pour les prostitués et les malades qui refusent de suivre leur traitement. La liste de ses maladies a été fixée par le décret du 10 juin 1986 (voir Code de santé publique). Pour l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et le sida, la déclaration à l’autorité sanitaire est obligatoire mais doit rester anonyme, excepté les accidents du travail. Il existe, en l’espèce, un conflit de devoir entre garder le secret et l’obligation d’assister les LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48

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proches en danger. Le Code de déontologie stipule que le malade peut être tenu dans l’ignorance de son diagnostic, « sauf dans les cas où l’affection dont il est atteint expose les tiers à un risque de contamination ». Le médecin ne peut plus taire le diagnostic de sida à son patient, mais il ne peut pour autant révéler ce diagnostic aux proches du malade. Il doit tout faire pour convaincre la personne d’informer ses proches. Cette attitude est identique en cas de maladie génétique transmissible. • Les alcooliques présumés dangereux, les toxicomanes qui refusent de se soigner doivent être signalés à l’autorité sanitaire. • Les vaccinations obligatoires : cette déclaration sera adressée au médecin responsable des vaccinations à la DDASS. La carte-lettre doit contenir les précisions suivantes : nom, prénom, date de naissance et adresse de la personne vaccinée ; examens médicaux et tests biologiques effectués préalablement à la vaccination ; date de ces examens, date de la vaccination ; numéro du lot du vaccin et le nom du fabricant ; la carte-lettre doit être datée et signée par le vaccinateur qui doit faire figurer également son nom et son adresse. • Les certificats médicaux sont nominatifs et descriptifs en ce qui concerne les pensions militaires ; les certificats de santé pour enfants en bas âge doivent mentionner toute anomalie, maladie ou infirmité. Deux certificats particuliers en matière d’assurance-vie, soit en cas de suicide, soit en cas de décès par maladie dans les vingt premiers jours du contrat de rente viagère. Ces certificats pourront attester qu’il ne s’agit pas d’un suicide ou que la maladie existait déjà à la date de la signature du contrat, sans en donner le diagnostic. Pour les emplois publics ainsi que les naturalisations, les certificats médicaux pourront mentionner toute anomalie éventuelle. En matière de coups et blessures involontaires ou de violences et voies de fait volontaires, un certificat médical est délivré. • L’hospitalisation des malades mentaux : les certificats d’internement, qui sont nominatifs et descriptifs, concernent non seulement les malades mentaux, mais aussi les alcooliques dangereux pour autrui (article L. 326 à 355 du Code de la santé publique), et les incapables majeurs pour la mise en tutelle ou en curatelle. • Les sévices infligés à un enfant de 15 ans ou à une personne incapable de se protéger : le médecin doit alerter le procureur de la République, avec le consentement de la victime, des sévices par lui constatés et qui lui laissent présumer des violences sexuelles. Le nouveau texte du Code pénal dépasse l’ancien qui visait uniquement les cas de viol et d’attentat à la pudeur. • La dénonciation des crimes en train de ou sur le point d’être commis (art. 343 et suivants du Code pénal) : cet article n’édicte pas une obligation générale de délation à l’égard de toute personne coupable d’un crime ; ce n’est pas l’identité ou le lieu de refuge du criminel qui doivent être portés à la connaissance des autorités, mais seulement le crime lui-même. Néanmoins les personnes tenues au 430

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secret sont exemptées de ces dispositions, sauf si le crime a été commis sur un mineur de 15 ans. • Le médecin expert judiciaire : en qualité de mandataire de justice, il doit rendre compte à l’autorité judiciaire qui l’a commis des constatations médicales relatives à sa mission. Le médecin traitant peut, en ce qui concerne les accidentés par véhicule à moteur (loi Badinter du 5 juillet 1985) assister à l’expertise du médecin de compagnie d’assurance ou du médecin expert judiciaire, et lui fournir tous renseignements utiles. • Lorsque la responsabilité du médecin est mise en cause en justice par un malade ou ses ayants droit, il peut pour se défendre, divulguer tout ou partie du secret. Le droit de se défendre ne peut être mis en échec par les règles qui régissent le secret professionnel. C’est une liberté essentielle. • Devant la multiplication des actions en justice mettant en cause la responsabilité des médecins, la Cour de cassation et le Conseil d’État ont rappelé les règles de levée du secret par un praticien conduit à se défendre contre les accusations portées par des confrères. Dans ce cas, la levée du secret doit être autorisée par le patient concerné, à défaut les magistrats devront prescrire des mesures efficaces pour éviter la divulgation de l’identité des malades. Ils peuvent ainsi désigner un médecin expert judiciaire chargé d’examiner la teneur des documents confidentiels. L’absence de public à l’audience, le fait que les documents confidentiels aient été produits par son avocat et remis à des personnes elles-mêmes soumises au secret professionnel, sont sans incidence sur le caractère fautif des faits reprochés au médecin. • Perquisitions et saisies : le législateur a organisé une procédure particulière aux perquisitions dans le cabinet du médecin. Le Code de procédure pénale (articles 56 et 57) rappelle qu’elles doivent être effectuées par un magistrat ou un officier de police judiciaire mandaté, en présence d’un membre du Conseil de l’ordre ou de l’organisation professionnelle à laquelle appartient le médecin. Le magistrat (ou officier de police judiciaire) peut, seul, prendre connaissance des documents avant de procéder à leurs saisies. Il a l’obligation de provoquer toutes mesures utiles pour assurer le respect du secret et les droits de la défense. Toute objet ou document saisi est immédiatement inventorié et placé sous scellés. Le médecin doit être présent à la perquisition, ou à défaut désigner un représentant de son choix. En cas d’impossibilité, l’officier de police judiciaire choisira deux témoins requis à cet effet, en dehors des personnes relevant de son autorité administrative.

2. Dérogations d’ordre privé. Intérêt de la personne • Le patient est maître de son intimité et seul juge de ses intérêts. Le médecin étant tenu de taire ce qui relève de l’intimité du patient, ce dernier peut logiquement manifester sa volonté et imposer au médecin de révéler certaines informations, demande de certificats médicaux par exemple. En conséquence l’information perd son caractère confidentiel, et fait disparaître un des éléments constitutifs du délit de violation du secret.

Médecine légale - Toxicologie • Le malade est décédé : certains auteurs affirment qu’à l’égard d’un mort le secret médical n’existe que dans la mesure où ce mort l’aurait voulu. Ainsi le médecin ne sera délié de son secret que pour défendre le défunt ou lorsque ce dernier en avait manifesté la volonté avant de mourir. Souvent les héritiers vont tenter d’obtenir le certificat médical nécessaire au règlement de la prime d’assurance-vie. Les tribunaux, longtemps réticents, leur accordent désormais une certaine faculté d’investigation, particulièrement lorsque la preuve exigée ne peut être rapportée que par la déposition du médecin ou la rédaction d’un certificat médical circonstancié. En revanche, le médecin ne peut pas déférer à une simple demande du notaire chargé de la succession ou d’une compagnie d’assurance sans l’accord préalable des ayants droit. La jurisprudence accorde une protection particulière aux éléments touchant l’intimité, voir la sexualité du défunt. Le juge veille à ce que la révélation ne porte pas atteinte à la mémoire du défunt, encore faut-il qu’elle ait été autorisée par les héritiers. • Le droit d’accès au dossier médical : le patient a un droit d’accès à son dossier. Le secret médical hospitalier était tellement strict que le malade lui-même en était exclu jusqu’à ce que la loi du 6 janvier 1978 et le décret du 30 mars 1992 précisent : « La communication du dossier médical intervient sur la demande de la personne qui est ou a été hospitalisée ou de son représentant légal ou de ses ayants droit en cas de décès, par l’intermédiaire d’un praticien qu’ils désignent à cet effet. » Ce praticien communique les informations recueillies au patient dans le respect des règles de déontologie, et aux ayants droit dans le respect des règles du secret médical. Le secret est opposable à la famille. • Le carnet de santé : l’ordonnance du 24 avril 1996 (Juppé) instaure un nouveau carnet de santé pour les individus de plus de 16 ans. Avant le 31 décembre 1998, une carte magnétique se substituera à ce carnet. L’un et l’autre devront comporter avec l’autorisation du malade les informations pertinentes nécessaires à la continuité des soins. Ils seront détenus par le patient. Il semble que le patient devienne maître de sa carte ou du moins des informations dont il a autorisé l’inscription, et de celles que le médecin, seul juge en conscience, a bien voulu lui révéler.

3. Dérogations d’ordre social Si l’outil informatique permet de mieux gérer les dépenses de santé, d’alléger le travail administratif des caisses de sécurité sociale, des hôpitaux, des praticiens, d’améliorer le suivi médical des individus et la recherche scientifique, il affaiblit de manière constante la confidentialité des informations individuelles à caractère médical. En langage informatique, on ne parle plus de secret médical mais de confidentialité des données médicales. • La vulnérabilité du système tient en premier lieu : – à la technique : il existe toujours des risques de fraude, de fuites, de commercialisations d’études épidémiologiques à partir des données nominatives codées ; les assu-

rés sociaux seront informés mais ne pourront s’y opposer. Toutefois, le législateur a prévu des barrières de protection du secret : codage des actes, des pathologies, des prestations, des diagnostics, leur télétransmission aux caisses de Sécurité sociale. La carte de santé est protégée par un code secret dont seul le patient sera dépositaire. Elle ne pourra être lue que sur des lecteurs mis à la disposition des professionnels de santé ; – aux traitements automatisés des données : la loi « Informatique et liberté » de 1978 a instauré ces traitements, qu’ils soient nominatifs ou indirectement nominatifs. La CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) a énoncé que le droit de s’opposer aux traitements ne s’applique pas et a imposé que cette interdiction soit mentionnée dans la loi. L’autorisation de levée du secret en faveur de l’administration ne dépend plus de l’individu. • Le détournement de l’autorisation du malade par la loi : la loi de 1994 a modifié la loi de 1978 dans le but de faciliter l’utilisation des données. La levée de la confidentialité est subordonnée à deux autorisations cumulatives : – la première émane de la CNIL après avis du comité consultatif national d’éthique en matière de recherche dans le domaine de la santé ; – la seconde doit être délivrée par la personne concernée dûment informée : nature des informations transmises, finalité des traitements des données, personnes physiques ou morales destinataires de ces données. Le décret de 1995 expose les procédures à suivre en ce qui concerne le droit d’accès, de rectification et d’opposition. A priori, la volonté du malade est déterminante. En fait, les chercheurs, dès qu’ils ont obtenu l’avis favorable de la CNIL peuvent ne pas informer les patients du changement de destination des données nominatives si ces personnes sont difficiles à trouver ! Il leur est également permis de procéder au traitement des données sans que la personne concernée en connaisse la teneur exacte, la loi autorisant le praticien à taire un diagnostic ou un pronostic grave. Notons que le nombre des autorisations de levée de la confidentialité se multiplie. Voir la décision du 9 septembre 1996 relative à la création, à titre expérimental, d’un traitement de données nominatives permettant la traçabilité des produits sanguins labiles. À propos du droit d’accès et de rectification, la recommandation des ministres de l’Europe relative à la protection des données médicales du 13 février 1997 souligne : « toute personne doit pouvoir accéder aux données médicales la concernant […] cet accès peut être refusé, limité ou différé si : – cela constitue une mesure nécessaire à la protection de la sécurité de l’État, à la sûreté publique ou la répression des infractions pénales ; – si la connaissance des informations est susceptible de causer une atteinte grave à la santé de la personne concernée ; – si l’information sur la personne révèle des informations sur des tiers ou en ce qui concerne les données génétiques, LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48

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si ces informations sont susceptibles de porter une atteinte grave à des parents consanguins ou utérins, ou à une personne ayant un lien direct avec cette lignée génétique ; – si les données sont utilisées à des fins de statistique ou de recherche scientifique lorsqu’il n’existe manifestement pas de risque d’atteinte à la vie privée des personnes concernées, notamment du fait que les données ne sont pas utilisées pour des décisions ou des mesures relatives à une personne déterminée. »

Sanctions Elles peuvent émaner de trois juridictions, indépendantes les unes des autres.

Sanctions pénales Le nouveau Code pénal de 1992 aggrave les sanctions de violation du secret de la loi de 1944. La peine d’emprisonnement est passée de 6 mois à 1 an, l’amende qui s’élevait de 500 à 15 000 F est passée à 100 000 F. Le nombre des condamnations est faible. Le procureur de la République est maître de l’opportunité des poursuites du moins lorsque la victime ne se constitue pas « partie civile ». Depuis 1992, le médecin peut être relaxé du chef du délit et condamné à payer à la partie civile des dommages et intérêts. L’atteinte à l’intimité de la vie privée est puni de 1 an d’emprisonnement et de 300 000 F d’amende. Quant aux infractions commises à l’occasion du traitement informatique des données nominatives ayant pour but la recherche dans le domaine de la santé, le fait de détourner de sa finalité initiale autorisée par la CNIL les informations, est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 200 000 F d’amende.

Sanctions civiles La violation du secret professionnel déroge aux principes fondamentaux qui régissent le droit de la responsabilité médicale. Conformément à l’arrêt Mercier de 1936, le médecin a une obligation de moyens, c’est-à-dire qu’il doit s’aider de tous les moyens nécessaires et utiles pour donner des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises et actuelles de la science.

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En matière de secret, le professionnel est tenu, non pas « de faire » une chose, mais au contraire « de ne pas faire », de ne pas révéler la confidence. Il s’oblige à un résultat. La seule constatation, par la victime, de la révélation suffit à engager la responsabilité du praticien. Nul n’est besoin de prouver une faute de négligence, imprudence ou inattention. En revanche, la victime devra prouver l’existence certaine de son dommage. Il ne peut s’agir ici que d’un préjudice moral. Le juge devra, pour que la réparation soit inégale, évaluer pécuniairement le dommage en tenant compte de la gravité de l’atteinte à la vie privée, du caractère confidentiel des faits révélés, et des personnes auxquelles la divulgation a été faite.

Sanctions disciplinaires Le Code de déontologie de 1995 comporte plus de 20 articles relatifs à l’obligation du secret dont les articles 45, 72 et 73 prennent en considération les derniers progrès de la technique informatique. Ils précisent que le secret doit être préservé quel que soit son support. La sanction pour violation du secret, qui émane du Conseil régional de l’ordre des médecins ou de la section disciplinaire du Conseil national, est la suspension temporaire d’exercice. C’est le Conseil d’État qui connaît des appels. Le Conseil de l’ordre des médecins est une véritable juridiction, indépendante des juridictions civiles et pénales. Il n’est pas tenu de surseoir à statuer lorsque les faits sont portés à la connaissance de plusieurs tribunaux. ■

Points Forts à retenir • L’obligation du secret a un caractère non pas absolu mais relatif. Ce caractère résulte des exigences d’intérêt de santé publique et d’intérêt du malade. • Il cesse de pouvoir être invoqué lorsque l’ordre public est en cause. • Le secret est la chose du malade. Il ne peut lui être opposé.