Gynécologie - Obstétrique
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Grossesse extra-utérine Étiologie, diagnostic, évolution, traitement Pr Jean-Bernard DUBUISSON, Dr Charles CHAPRON Service de chirurgie gynécologique, G.H. Cochin, hôpital Baudelocque, 75079 Paris cedex 14
Points Forts à comprendre La grossesse extra-utérine est toujours cause de mortalité et de morbidité. • Cause principale : les salpingites responsables d’altérations tubaires irréversibles. Les maladies sexuellement transmissibles, en particulier l’infection à Chlamydia trachomatis en sont principalement responsables. • Le diagnostic repose d’abord sur l’interrogatoire et l’examen clinique. Mais le dosage plasmatique des hCG et l’échographie pelvienne (sonde vaginale) assurent un diagnostic plus précoce. • La cœlioscopie permet de visualiser la grossesse extra-utérine, d’évaluer le pronostic (lésions tubaires, stérilité) et d’en faire le traitement. • Le traitement est le plus souvent cœlioscopique : soit conservateur (salpingotomie ou expression tubaire), soit radical (salpingectomie). Quant au traitement médical (méthothrexate), ses indications sont maintenant plus précises. • Le pronostic concernant la fertilité a été transformé par les progrès de l’assistance médicale à la procréation.
La grossesse extra-utérine est une affection dont le diagnostic doit être précoce afin d’assurer une prise en charge thérapeutique rapide. La méconnaissance du diagnostic peut avoir des conséquences vitales par rupture tubaire entraînant hémorragie interne et collapsus. Le pronostic à moyen terme est la stérilité, en particulier lorsque la responsabilité revient à la salpingite chronique.
Épidémiologie de la grossesse extra-utérine En France, la fréquence des grossesses extra-utérines est de 2,2 % des naissances et de 1,7 % des grossesses. Environ 14 000 grossesses extra-utérines sont observées annuellement en France. Le facteur de risque le plus important est la salpingite. Celle-ci est en général secondaire à une maladie sexuellement transmissible. La plus fréquente de celles-ci est l’in-
fection à Chlamydia trachomatis. Le risque est multiplié jusqu'à sept fois. Ainsi, plus de la moitié des grossesses extra-utérines sont secondaires à une salpingite. Il est sûr que les utilisatrices de préservatifs ont un risque plus limité de grossesse extra-utérine. Le deuxième facteur de risque important est l’antécédent de chirurgie pelvienne. Toute chirurgie pelvienne peut être source d’adhérences péri-annexielles ou de réaction inflammatoire tubaire, d’autant plus qu’elle est pratiquée pour une pathologie tubaire (plastie tubaire). Les autres facteurs de risque sont : – le tabac : toxicité directe de la nicotine ou action antiœstrogénique ? – le stérilet, bien qu’aucune élévation du risque ne soit notée en comparaison avec un groupe de femmes non enceintes ; – la stérilisation tubaire ; – les inducteurs de l’ovulation (citrate de clomiphène, antiœstrogène agissant sur la motricité tubaire ?) et les techniques d’assistance médicale à la procréation (polyovulation et facteurs tubaires motivant celle-ci) ; – l’âge, par une plus grande exposition aux facteurs précités.
Localisation de la grossesse extra-utérine La localisation tubaire représente 95 % des localisations des grossesses extra-utérines. Les localisations isthmiques ou interstitielles ne représentent que 20 %, contre 75 % pour la localisation ampullaire. La localisation sur le pavillon tubaire représente 5 %. Les autres localisations sont : abdominales, ovariennes, et exceptionnellement le col de l’utérus ou d’autres organes abdominaux. Les grossesses extra-utérines multiples sont très rares, mais peuvent se voir après assistance médicale à la procréation. Les grossesses hétérotopiques associent grossesse extrautérine et grossesse intra-utérine. Il faut toujours y penser après assistance médicale à la procréation.
Symptomatologie La symptomatologie classique ne s’observe que dans les formes déjà évoluées. Il s’agit d’une femme jeune, en âge de procréation, qui présente, après une période d’aménorrhée de quelques jours à quelques semaines, des métrorragies peu abondantes ou des pertes sépia, ainsi que des douLA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48
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Conséquences à long terme de la grossesse extra-utérine La stérilité en rapport avec les lésions tubaires préexistantes et les dommages provoqués par la grossesse extra-utérine, voire le traitement, est estimée à 40 %, dépendant principalement de la trompe controlatérale. En cas de lésions tubaires sévères ou en cas d’absence de grossesse à 1 an, l’indication de l’assistance médicale à la procréation est à discuter. Le pourcentage de récidives de grossesse extra-utérine, dont la fréquence varie de 5 à 15 %. Les troubles psychologiques sont fréquents.
leurs pelviennes. Elle sait le plus souvent qu’elle est enceinte par les tests de grossesse ou du fait des signes sympathiques de grossesse. L’examen clinique retrouve parfois des douleurs provoquées par la palpation abdominale. L’examen gynécologique révèle un col sain (parfois violacé gravide) et au toucher vaginal une masse latéro-utérine ou une simple sensibilité d’un cul-de-sac, alors que l’utérus est normal ou ramolli et sensible à la mobilisation. En cas d’épanchement sanguin intrapéritonéal dû à une prérupture ou une rupture tubaire, le tableau clinique est plus riche. On peut noter des malaises, des lipothymies, une pâleur, un pouls anormalement rapide, un abdomen ballonné et douloureux et au toucher vaginal la classique douleur au niveau du cul-de-sac de Douglas (cri du Douglas). Un tableau d’état de choc avec anémie aiguë et hémopéritoine peut même s’observer en cas de rupture cataclysmique. Le plus souvent, actuellement, la patiente consulte précocement et les symptômes cliniques sont limités en intensité et en nombre. Voici les symptômes qui peuvent s’observer : douleur abdomino-pelvienne, aménorrhée, métrorragies, signes sympathiques de grossesse, malaise, douleur scapulaire, expulsion de caduque, douleur à la palpation abdominale, douleur au toucher vaginal, masse annexielle, utérus ramolli, état de choc.
Examens complémentaires 1. Dosage de l’hCG plasmatique Il se fait à partir d’anticorps monoclonaux. Il est quantitatif. Le plus souvent la chaîne bêta est dosée. Il confirme l’existence d’une grossesse sans préjuger de sa localisation. En cas de positivité des hCG, la progestéronémie est aussi dosée. C’est un bon marqueur d’évolutivité de la grossesse car sa demi-vie est courte (10 min).
2. Échographie pelvienne Avec sonde abdominale et sonde endovaginale, elle permet, dans un grand nombre de cas, de faire le diagnostic. Elle doit être couplée avec le dosage d’hCG. Par exemple, à partir de 1 000 mUI/mL, le sac gestationnel devrait être visualisé. Les signes échographiques sont : l’absence de visualisation du sac gestationnel intra-utérin, l’existence d’une masse annexielle anormale, distincte de l’ovaire, soit à type de masse échogène hétérogène, soit évoquant un sac gestationnel (avec parfois bruits du cœur). L’existence d’un 1038
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épanchement dans le cul-de-sac de Douglas est un bon argument, en dehors d’une stimulation.
Traitement 1. Aspects thérapeutiques Le traitement consiste à enlever chirurgicalement la grossesse extra-utérine ou à la détruire chimiquement. Les moyens thérapeutiques sont chirurgicaux ou médicaux. Le traitement chirurgical peut être conservateur (salpingotomie et aspiration de l’œuf ou des débris trophoblastiques) ou radical (salpingectomie). La cœliochirurgie a remplacé la laparotomie. La laparotomie n’est plus indiquée qu’en cas d’hémorragie interne abondante avec instabilité hémodynamique liée à la rupture de la grossesse extra-utérine, ou dans les cas exceptionnels où l’anesthésiste contre-indiquerait la cœlioscopie. Le traitement médical fait appel au méthotrexate, antimétabolite des acides nucléiques, soit par voie intramusculaire, orale ou locale. L’abstention thérapeutique consiste à surveiller l’involution de la grossesse extra-utérine et a donc des indications très précises.
2. Indications • La cœlioscopie permet de faire le diagnostic de grossesse extra-utérine ainsi que le traitement. Elle seule permet de faire le bilan pelvien : existence d’adhérences, état de l’annexe controlatérale, du péritoine et de l’utérus. • Le traitement radical par salpingectomie est pratiqué dans des indications bien définies : absence de désir de grossesse, trompe rompue ou endommagée par la grossesse extra-utérine ou atteinte de salpingite chronique, antécédent de grossesse extra-utérine ou de plastie tubaire sur cette même trompe, hémorragie ne pouvant être contrôlée. • Le traitement conservateur est indiqué dans les autres cas, tout particulièrement en cas de désir de grossesse et lorsque la trompe controlatérale (ou l’annexe) est pathologique. Après traitement conservateur, une surveillance du taux d’hCG à 48 h permet de déterminer un échec de la méthode, estimé entre 3 et 20 %. La stagnation des taux d’hCG, ou leur taux supérieur à 25 % du taux initial pré-opératoire à 48 h, nécessite de mettre en route un traitement médical complémentaire : une injection intramusculaire de méthotrexate à la dose de 1 mg/kg (ou 50 mg/m2). La surveillance sera alors clinique et biologique. En cas d’échec, une cœlioscopie avec salpingectomie est le plus souvent réalisée. Dans les cas de grossesse extra-utérine avec une forte activité, c’est-à-dire avec un taux de progestérone > 10 ng/mL et un taux d’hCG > 10 000 mUI/mL, il est nécessaire de faire systématiquement l’injection de méthotrexate.
3. Traitements médicaux Le méthotrexate est généralement prescrit par voie intramusculaire. Il peut aussi être injecté in situ, dans la grossesse extra-utérine, par ponction échographique, à condition qu’elle soit parfaitement visualisée. Il peut être utilisé en remplacement de la cœlioscopie à condition qu’il n’y ait aucun trouble hémodynamique, aucun signe clinique de rupture, une excellente visualisation de la grossesse extra-utérine avec absence d’activité cardiaque embryonnaire. Le taux
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Points Forts à retenir • Contre-indications du méthotrexate par voie générale : leucopénie, thrombocytopénie, élévation des enzymes hépatiques (transaminases) ou de la créatinine. • Effets secondaires du méthotrexate : nausées, vomissements, diarrhée, stomatite, conjonctivite, élévation des enzymes hépatiques. • Indications particulières du méthotrexate : grossesse cervicale, angulaire ou interstitielle à condition d’une surveillance rigoureuse.
d’échec est de l’ordre de 20 %. La surveillance du traitement médical comporte des dosages d’hCG plasmatiques à J2, J5, J10, J28. Une décroissance médiocre des hCG peut rendre nécessaire une deuxième injection. L’apparition de signes cliniques fait envisager une cœlioscopie.
4. Abstention thérapeutique La simple surveillance, sans traitement médical ou chirurgical, n’est à discuter que dans des conditions précises : aucune symptomatologie clinique, taux initial d’hCG < 1 000 mUI/mL, taux initial de progestérone < 5 ng/mL. Lors de la surveillance clinique et biologique, le taux d’hCG doit régresser comme sa demi-vie. ■
• La grossesse extra-utérine est toujours une affection chirurgicale du fait de ses complications hémorragiques possibles. • Le diagnostic a été complètement transformé par l’échographie. • La cœlioscopie a entièrement remplacé la laparotomie, sauf circonstances particulières. • Le méthotrexate est devenu en quelques années un choix thérapeutique intéressant par rapport au traitement cœlioscopique conservateur. • Le choix du traitement dépend de nombreux paramètres qui sont : l’urgence, les désirs de la femme, les possibilités de conservation de la trompe, la disponibilité de la femme si l’on envisage un traitement médical (consultations médicales et dosages répétés). • La prise en charge psychologique des femmes stériles ou désireuses de grossesse est toujours à envisager.
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