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Maladies inflammatoires B 377

Anti-inflammatoires non stéroïdiens Principes et règles d’utilisation Pr Bernard BANNWARTH Service de rhumatologie, groupe hospitalier Pellegrin, 33076 Bordeaux cedex. Laboratoire de thérapeutique, université Victor-Segalen, 33076 Bordeaux cedex.

Points Forts à comprendre • Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont une famille de médicaments symptomatiques, structurellement et pharmacologiquement distincts des glucocorticoïdes (ou anti-inflammatoires stéroïdiens). • Par delà leur hétérogénéité chimique, les AINS partagent 3propriétés fondamentales:antipyrétique, antalgique et anti-inflammatoire, et leurs principaux effets indésirables, notamment digestifs, conséquence de leur mécanisme d’action commun, l’inhibition de la cyclooxygénase. • Cette enzyme catalyse la transformation de l’acide arachidonique en prostaglandines qui, bien qu’exerçant une action purement locale, interviennent dans de nombreux processus physiopathologiques grâce à leur large distribution dans l’organisme (voir :pour approfondir /1)

Principes d’utilisation Présentation 1. Classification chimique Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont des acides faibles qui se scindent en 8 groupes selon leur noyau chimique de base (tableau). Cette classification a pour avantages : – d’individualiser la phénylbultazone, qui a ses propres règles d’emploi ; – d’éviter la prescription d’une molécule de la même famille en cas d’allergie vraie à l’une d’entre elles. La structure d’un AINS ne préjuge en revanche ni de son efficacité, ni de sa toxicité.

2. Formulations galéniques • Voies générales - Voie orale : elle assure une absorption rapide et pratiquement complète du principe actif chez le malade à jeun. À côté des présentations classiques (comprimés, gélules, sachets…), il existe des formes à libération prolongée (LP) qui étalent l’absorption du produit dans le temps en le libérant progressivement dans la lumière intestinale. Enfin, certaines spécialités (Bi-Profénid, Chrono-Indocid) combinent libération immédiate et différée. Aucun de ces artifices galéniques n’a prouvé qu’il permettait de réduire les risques digestifs des AINS. - Voie rectale : les suppositoires sont résorbés plus irrégulièrement que les formulations orales conventionnelles. – Voie parentérale : les préparations intramusculaires des diverses spécialités (Aspégic, Feldène, Profénid, Tilcotil, Voldal ou Voltarène) sont vite résorbées, du moins chez l’adulte jeune (bonnes trophicité et vascularisation musculaires). L’Aspégic peut également s’administrer par voie intraveineuse. Les perfusions de Profénid sont réservées au traitement de douleurs postopératoires en milieu hospitalier. – Vois locales : les collyres, les gels à usage externe, voire les pommades n’empêchent pas un certain passage systémique de l’AINS, potentiellement responsable de réactions générales d’hypersensibilité.

Caractéristiques pharmacocinétiques 1. Distribution Plus de 95 % de la forme circulante des AINS sont liés de manière réversible à l’albumine d’où la possibilité d’interactions avec d’autres médicaments acides fixés sur les mêmes sites (antivitamines K, sulfamides hypoglycémiants, phénytoïne…). La distribution des AINS tend à privilégier leurs tissuscibles articulaires. Les AINS traversent les barrières hémato-encéphalique et placentaire, et ils passent dans le lait maternel. LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48

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ANTI-INFLAMMATOIRES NON-STÉROÏDIENS

TABLEAU AINS : principales formes orales destinées à l’adulte Famille chimique

Dénomination commune internationale

Dénomination commerciale (exemples)

Posologie quotidienne

Présentation

Aspirine Bayer Aspirine Upsa Aspégic

Néant Néant Néant

Cp 500 mg Cp eff 1 g Sach 0,5-1 g

≤6 3-4

2-3 g 2-3 g

Solupsan Dolobis

Néant II

Cp eff 0,5-1 g Cp 250 mg

3-4 2

2-3 g 0,5-1 g

II Néant II II II II II II II II II II II I II

Cp 400 mg Cp 200 mg Cp 100 mg-Gél 50 mg Cp 150 mg Cp 200 mg Cp 25 mg Cp 300 mg Cp 100 mg Gél 200 mg Cp 250-500 mg Sach 250-500 mg Cp 275-550 mg Cp 100 mg Gél 300 mg Cp 300 mg

3 ≤6 2-3 2 1 2-3 3-4 2-3 1 1-2 1-2 1-2 3 1-3 3

1 200-1 600 mg

Naproxène sodique Acide tiaprofénique Fenbufène Alminoprofène

Brufen Advil ou Nureflex Profénid ou Kétum Bi-Profénid Profénid LP ou Kétum LP Toprec Nalgésic Cébutid ou Antadys Cébutif LP Naprosyne Apranax Apranax Surgam Cinopal Minalfène

900 mg 200 mg 200 mg 500 mg 500 mg 550 mg 300-400 mg 600-900 mg 300-600 mg

1 000 mg 1 000 mg 1 100 mg 600 mg 900 mg 900 mg

Acide niflumique Acide méfénamique

Nifluril Ponstyl

II II

Gél 250 mg Gél 250 mg

2-3 3

750-1 000 mg 1 000 mg

1 500 mg 1 500 mg

Diclofénac

Voldal ou Voltarène Voltarène LP Voldal LP

II II II

Cp 25-50 mg Cp 75-100 mg Cp 100 mg

2-3 1 (-2)

75-100 mg 75-100 mg 100 mg

150 mg 150 mg

Indométacine

Indocid Chrono-Indocid Arthrocine Lodine Lodine LP

I I I I I

Gél 25 mg Gél 75 mg Cp 100-200 mg Cp 100-200-300 mg Cp 400 mg

3 1-2 1-2 2-3 1

50-150 mg 75 mg 200 mg 400 mg 400 mg

150-200 mg 150 mg 400 mg 600 mg

Méloxicam Piroxicam Piroxicam-bêta Cyclodextrine Ténoxicam

Mobic Feldène** Brexin ou Cycladol

I I I

Cp 7,5-15 mg Gél 10-20 mg Cp 20 mg

1 1-2 1-2

7,5 mg 10-20 mg 10-20 mg

15 mg 30-40 mg 30-40 mg

Tilcotil

I

Cp 20 mg

1

10 mg

20 mg

PIRAZOLES

Phénylbutazone

Butazolidine

I

Cp 100 mg

2-3

100-300 mg

600 mg

SULFONANILIDE

Nimésulide

Nexen

I

Cp- 100 mg

2

200 mg

200 mg

Ac. acétylsalicylique SALICYLÉS

Acétylsalicylate de lysine Carbasalate calcique Diflunisal Ibuprofène Kétoprofène

PROPIONIQUES

Fénoprofène Flurbiprofène Naproxène

FÉNAMATES

ARYLACÉTATES

INDOLES

OXICAMS

Sulindac Étodolac

Cp = comprimés ; Gél : gélules ; Sach : sachet poudre ; Cp eff : comprimés effervescents.

2. Métabolisme et élimination Une biotransformation dans le foie est indispensable à l’activité de promédicaments tels que le fenbufène et le sulindac. De plus un catabolisme hépatique plus ou moins important précède et facilite l’excrétion des AINS – qui est principalement urinaire. Dans les reins, les AINS peuvent entrer en compétition avec des substances endogènes (acide urique) ou d’autres médicaments (lithium, méthotrexate…) au niveau des processus de sécrétion et de réabsorption tubulaires.

3. Demi-vie d’élimination plasmatique La demi-vie d’élimination plasmatique d’un AINS conditionne en partie son rythme d’administration. À cet égard, on 1012

Rythme d’administration (par jour)

Liste

LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48

moyenne (entretien)

150 mg 150 mg 200 mg

maximale (attaque) 3 g(2g*) 6g 6g 6g 1,5 g 2 400 mg 1 200 mg 300 mg 300 mg 150 mg 1 500 mg 300 mg

* posologie maximale chez le sujet âgé ** existe aussi sous forme dispersible

sépare les AINS en 3 catégories selon que leur demi-vie moyenne est : – longue, de l’ordre de 1 à 4 jours (oxicams, phénylbutazone) qui ne nécessitent en principe qu’une seule prise quotidienne ; – moyenne, entre 10 et 18 heures (diflunisal, sulindac, fenbufène et naproxène) ; – courte, inférieure à 8 heures (autres AINS), imposant a priori 2-3 administrations journalières. En réalité, le fractionnement des doses est parfois souhaitable pour améliorer la tolérance digestive des AINS à demi-vie longue. Inversement, les formes à libération prolongée des AINS à demi-vie courte autorisent une prise quotidienne unique.

Maladies inflammatoires

Propriétés pharmacodynamiques 1. Action antipyrétique Les AINS diminuent la fièvre d’origine infectieuse, inflammatoire ou néoplasique en entravant la synthèse de prostaglandines pyrogènes (PGE2), induite par des cytokines (interleukine-1) dans l’aire préoptique de l’hypothalamus, centre de la thermorégulation.

2. Action antalgique Les AINS sont des antalgiques dont le site d’action principal est périphérique, au sein du foyer algogène. Cette propriété, qui s’exprime même aux faibles doses, se manifeste avec prédilection dans les affections de l’appareil locomoteur (ostéo-articulaires, tendino-ligamentaires, musculaires), les céphalées, les dysménorrhées, les douleurs dentaires et postopératoires, voire la colique hépatique ou néphrétique. En définitive, les AINS sont surtout efficaces dans les « douleurs par excès de nociception » quand les prostaglandines interviennent en sensibilisant les terminaisons nerveuses à leurs stimulus (bradykinine, sérotonine, ions H+, adénosine…). Pour mémoire, les AINS forment, avec le paracétamol, le premier niveau de la stratégie en 3 paliers préconisée par l’OMS pour le traitement des douleurs chroniques cancéreuses.

3. Action anti-inflammatoire Souvent intriquée avec la précédente, l’action antiinflammatoire requiert volontiers des posologies plus élevées. Cette caractéristique est à l’origine de la commercialisation d’AINS faiblement dosés comme antalgiques (ou antalgiques-antipyrétiques)[voir: pour approfondir / 2]. En contrariant la formation des prostaglandines, les AINS inhibent surtout la composante vasculaire de la réaction inflammatoire, responsable de la classique tétrade « œdème, douleur, rougeur, chaleur ». Mais ils ne modifient pas le cours évolutif des rhumatismes inflammatoires chroniques.

4. Action antiagrégeante Tous les AINS interfèrent avec l’agrégation plaquettaire, mais seule l’aspirine allonge nettement le temps de saignement (50-100 % en moyenne). Cela tient à sa capacité d’inactiver définitivement la cyclo-oxygénase plaquettaire, qui catalyse la formation de thromboxane A2 (TX A2), puissant agent agrégeant et vasoconstricteur. Cet effet qui est optimal dès les faibles doses d’aspirine (o 325 mg/j), se corrige en 1 semaine environ après l’arrêt du médicament, délai nécessaire au renouvellement des plaquettes. Cette action a pour corollaire l’indication de l’aspirine comme agent antithrombotique.

digestifs banals. Les complications graves sont relativement rares et volontiers favorisées par un terrain prédisposant ou certaines associations médicamenteuses qui constituent dès lors l’essentiel des contre-indications et précautions d’emploi des AINS.

1. Manifestations digestives • Gastroduodénales Les plaintes fonctionnelles (dyspepsie, gastralgies, anorexie, nausées, voire vomissements) sont fréquentes, témoignant très inconstamment d’une gastrite ou d’un ulcère gastroduodénal. Inversement, ces derniers peuvent rester asymptomatiques jusqu’à être parfois révélés par une anémie de déperdition, une hémorragie ou une perforation digestives. L’incidence annuelle des complications digestives graves sous AINS est globalement de 1 pour 1 000 ; de fait, elle varie de 0,4 pour 1 000 chez l’adulte jeune à 4 pour 1000 chez le sujet de plus de 65 ans. Parmi les facteurs favorisant ces accidents, on trouve, outre l’âge du patient, des antécédents ulcéreux, des posologies élevées d’AINS, l’association à un corticoïde ou à un autre AINS (voir: pour approfondir / 3). La durée du traitement joue un rôle, le risque relatif étant plus élevé au cours des 3 premiers mois. L’influence du type d’AINS et de la présence d’Helicobacter pylori reste à préciser. Enfin, aucune forme, ni voie d’administration systémiques ne mettent à l’abri de telles complications. • Autres manifestations digestives, plus rares : – troubles du transit (diarrhées surtout) ; – œsophagite, ulcérations du grêle, sigmoïdite ; – hépatite, purement biologique en général ; – anorectite (suppositoires).

2. Manifestations cutanées muqueuses, « intolérance » aux AINS Les manifestations d’ « intolérance » n’épargnent aucun AINS. Elles consistent en prurit, éruptions diverses, urticariennes ou non, stomatite, bronchospasme, rhinite ou, dans une bien moindre mesure, œdème de Quincke et réactions anaphylactiques. Elles traduisent une hypersensibilité soit authentiquement immuno-allergique, soit liée à un terrain particulier, caractérisé par une perturbation du métabolisme de l’acide arachidonique, d’où l’existence d’intolérances croisées entre AINS sans parenté chimique. Le syndrome de Widal (asthme, polypose naso-sinusienne, hypersensibilité à l’aspirine et autres AINS) entre dans ce cadre. Mentionnons les exceptionnels érythèmes polymorphes pouvant aller jusqu’aux toxidermies bulleuses telles que syndromes de Stevens-Johnson et de Lyell.

3. Complications rénales Effets indésirables Des effets indésirables surviennent chez le quart ou même le tiers des patients, consistant pour moitié en des troubles

• L’insuffisance rénale aiguë d’origine hémodynamique est la plus commune. Elle s’exprime par une oligurie avec éventuellement une prise de poids et des LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48

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ANTI-INFLAMMATOIRES NON STÉROÏDIENS

œdèmes, d’installation rapide, en quelques jours. Elle se corrige en règle dès l’arrêt de l’AINS. Cette complication dose-dépendante a pour circonstance favorisante une hypoperfusion rénale préalable (insuffisance cardiaque, hypovolémie efficace par déshydratation, prise de diurétiques, syndrome néphrotique, cirrhose décompensée…), les prostaglandines locales intervenant alors dans le maintien du débit de filtration glomérulaire. • Les néphrites interstitielles aiguës, exceptionnelles, se développent après quelques semaines ou mois de traitement et laissent volontiers des séquelles. • Les néphropathies interstitielles chroniques, classiques « néphropathies aux analgésiques » se rencontrent avec une fréquence accrue après une utilisation prolongée d’AINS. • Des troubles hydroélectrolytiques peuvent résulter de l’inhibition de la synthèse des prostaglandines rénales : – rétention hydrosodée, avec potentielle augmentation de la pression artérielle ; – hyperkaliémie par hypoaldostéronisme hyporéninique.

4. Manifestations hématologiques Le plus souvent à point de départ médullaire, les complications hématologiques comprennent de rares neutropénies et thrombopénies, et d’exceptionnelles agranulocytoses, anémies érythroblastopéniques et pancytopénies. Elles sont surtout le fait de la phénylbutazone – qui n’en a toutefois par l’apanage. Les anémies consécutives à un saignement digestif occulte sont moins inhabituelles.

5. Manifestations neurosensorielles Aux posologies usuelles, les AINS — en particulier l’indométacine — peuvent provoquer des céphalées, des vertiges, des acouphènes, qui sont aussi la marque d’un surdosage d’aspirine (« salicylisme »). On observe parfois des perturbations du sommeil ou du comportement.

6. Complications gynéco-obstétricales En inhibant la cyclo-oxygénase, les AINS exercent une activité tocolytique d’où une possible augmentation de la durée de gestation et un ralentissement du travail. Par ce même mécanisme, ils exposent le fœtus à une fermeture prématurée du canal artériel et une insuffisance rénale au cours du troisième trimestre de la grossesse. Ils sont donc formellement contre-indiqués à ce stade d’autant qu’ils favoriseraient en outre les hémorragies puerpérales ou néonatales. En revanche, la moindre efficacité des dispositifs intrautérins sous AINS est discutée.

7. Risque infectieux Les monographies de certains AINS signalent qu’ils pourraient faciliter l’extension d’un processus septique, 1014

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notamment ORL ou stomatologique. Cela tiendrait davantage aux propriétés des AINS, susceptibles de masquer les symptômes d’une infection et de retarder le diagnostic qu’à une improbable diminution des défenses immunitaires sous AINS. Il reste que les injections intramusculaires d’AINS comportent un réel risque de nécrose tissulaire, voire de fasciite nécrosante et d’abcès.

Règles d’utilisation Indications Bien qu’ils aient le même profil pharmacologique, les AINS ne partagent pas les mêmes indications thérapeutiques en raison de différences : – de rapport bénéfice/risque, avérées (médicaments anciens) ou présumées (médicaments récents), différences que reflètent leur inscription sur la liste I ou la liste II ou leur exonération (« hors liste ») des substances vénéneuses ; – d’essais cliniques menés en vue de l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) ; – de stratégies marketing entre laboratoires pharmaceutiques. En pratique, il est nécessaire de consulter le dictionnaire Vidal pour connaître le libellé exact des indications reconnues à chaque spécialité. Toutefois, le champ des indications tend à s’élargir progressivement de la phénylbutazone à l’aspirine, amenant schématiquement à considérer 4 catégories d’AINS.

1. Phénylbutazone (liste I). Elle est réservée aux arthrites aiguës microcristallines (en cures brèves, inférieures à 7 jours) et aux rhumatismes inflammatoires chroniques, après échec d’autres AINS réputés moins nocifs. 2. Autres AINS de la liste I. Ils sont susceptibles d’étendre leur domaine à la quasi-totalité des affections rhumatologiques douloureuses, soit au long cours (rhumatismes inflammatoires chroniques, arthroses invalidantes), soit pour de courtes durées (arthroses, radiculalgies aiguës, pathologie abarticulaire dont tendinites et bursites…). 3. AINS de la liste II. Ils peuvent revendiquer, en plus des précédentes, des indications dans diverses affections douloureuses ou inflammatoires d’ordre traumatologique (entorse…), gynécologique (dysménorrhées primitives, ménorragies fonctionnelles…), ORL et stomatologiques (pathologies inflammatoires, douleurs dentaires…) et dans les états fébriles. 4. Aspirine et Ibuprofène 200 mg. Ils méritent une place particulière parce qu’ils sont délivrés sans ordonnance, destinés surtout au « traitement symptomatique des affections douloureuses ou fébriles ». Dans cette

Maladies inflammatoires

indication, la posologie quotidienne d’aspirine ne doit pas dépasser 3g chez l’adulte et 2g chez le sujet âgé (voir : pour approfondir /2). De plus, l’aspirine est un antiagrégeant dévolu à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde (Kardégic 160 mg, Solupsan 160 mg) ou à la prévention secondaire des accidents ischémiques cérébraux ou myocardiques liés à l’athérosclérose (Kardégic 300 mg, Aspirine Upsa 325 mg).

Contre-indications Les AINS sont contre-indiqués dans l’ulcère gastroduodénal en évolution, l’insuffisance hépatique ou rénale sévère, et pendant la grossesse (dernier trimestre surtout) ou l’allaitement. Des antécédents d’hypersensibilité à un AINS interdisent son emploi ultérieur et, par prudence, celui d’une molécule de la même famille chimique, voire de l’ensemble des AINS si cette réaction entre dans le cadre d’un syndrome de Widal. Des troubles de la coagulation proscrivent les injections intramusculaires, et un passé de rectorragies ou de rectite, l’utilisation des suppositoires. Enfin, il est des contre-indications liées à des interactions médicamenteuses (voir : pour approfondir /3).

Interactions médicamenteuses 1. Interactions majeures • Communes aux AINS, elles contre-indiquent de façon absolue ou relative l’association d’un AINS aux produits suivants : – anticoagulants oraux, héparines et ticlopidine (Ticlid) : susceptibles d’aggraver le saignement d’éventuelles lésions digestives induites par les AINS d’autant que ceux-ci pourraient majorer leur action sur l’hémostase (en inhibant les fonctions plaquettaires, voire, dans le cas des antivitamines K, en les déplaçant de leur site de fixation protéique); – méthotrexate : dont les AINS (aspirine, kétoprofène et phénylbutazone, surtout) diminuent la clairance rénale. L’interaction avec les AINS – phénylbutazone et salicylés exceptés – est toutefois considérée comme « mineure » aux doses de méthotrexate préconisées dans la polyarthrite rhumatoïde (o15 mg/semaine); – lithium : dont les AINS ( mis à part l’aspirine) qui réduisent l’élimination urinaire justifiant un contrôle de la lithiémie pour adapter la posologie au besoin. – autres AINS, y compris les AINS proposés comme antalgiques, vu l’augmentation du risque ulcérogène et hémorragique gastroduodénal. Il en va de même de l’association AINS-corticoïde. • Particulières – la phénylbultazone est fortement déconseillée chez les malades traités par un médicament réputé myélotoxique tel que les sels d’or (Allochrysine), mais aussi par la phé-

nytoïne (Di-Hydan) ou un sulfamide hypoglycémiant (risque de surdosage par augmentation de leur concentration plasmatique libre, pharmacologiquement active); - l’aspirine à faible dose (o 2 g/j) entre en compétition avec la sécrétion tubulaire d’acide urique et antagonise l’activité de la benzbromarone (Désuric). Aux doses supérieures à 4 g/j, cet AINS a des propriétés uricosuriques, son effet inhibiteur de la réabsorption tubulaire d’acide urique étant alors prédominant. L’aspirine, aux posologies O 3 g/j essentiellement, est susceptible de majorer l’action des antidiabétiques (sulfamides, voire insuline).

3. Interactions mineures Elles impliquent un renforcement de la surveillance et le cas échéant, des dispositions particulières. • Antihypertenseurs (β−bloquants, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, diurétiques) : les AINS diminuent parfois leur effet, obligeant à un réajustement thérapeutique. • Diurétiques : ils potentialisent en outre la néphrotoxicité des AINS. Cette association se conçoit seulement chez un malade correctement hydraté, averti de devoir surveiller son volume de diurèse.

Règles de prescription 1. Place des AINS Si les AINS occupent une place de choix dans les rhumatismes inflammatoires, les spondylarthropathies surtout, leur prescription à visée analgésique ne doit s’envisager qu’après l’échec de médicaments mieux tolérés. La paracétamol reste à cet égard l’antalgique de première intention dans l’arthrose des membres ou la pathologie mécanique du rachis. C’est aussi l’occasion de rappeler que les affections rhumatologiques chroniques réclament une stratégie thérapeutique globale qui fait notamment appel aux mesures d’économie articulaire, aux soins physiques et locaux, aux moyens orthopédiques et à d’autres médicaments symptomatiques dévolus à la maladie en question, tous concourant à conforter l’efficacité des AINS, voire à en éviter l’usage.

2. Prévention des effets indésirables Les effets indésirables des AINS sont au mieux prévenus par le respect de leurs indications, contre-indications et précautions d’emploi et par la limitation de leur posologie et durée d’utilisation au minimum nécessaire. L’adjonction de misoprostol (Cytotec) ou d’oméprazole (Mopral, Zoltum) chez les malades à risque digestif (sujet âgé, antécédents ulcéreux…) permet par ailleurs de diminuer leur gastrotoxicité, sans néanmoins la supprimer.

3. Modalités pratiques • Choix de l’AINS : le domaine des indications propres LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48

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à chaque spécialité opère une première sélection. Le choix de l’AINS se fonde ensuite sur les expériences antérieures éventuelles du patient sachant qu’il existe une grande variabilité individuelle de réponse et de tolérance à une molécule donnée. Chez l’enfant, il faut se contenter des principes actifs agréés : - aspirine à la dose maximale de 50 mg/kg/j ; - ibuprofène (Nureflex enfant et nourrisson) : 20 à 30 mg/kg/j ; - acide tiaprofénique : 10 mg/kg/j au-delà de 3 ans ; - morniflumate (acide niflumique suppositoire) : o 400 mg/j de 6 à 30 mois et o à 40 mg/kg/j de 30 mois à 12 ans. • Voie d’administration : la voie orale est la plus commode, qui permet des traitements prolongés. Il est alors recommandé d’absorber le médicament avec un verre d’eau et en position debout pour réduire son temps de contact avec la muqueuse œsophagienne. La prise au cours du repas retarde la résorption de l’AINS sans affecter significativement sa biodisponibilité ; elle a pour intérêt de faciliter l’observance et de diminuer les troubles fonctionnels digestifs – mais non l’ulcérogénicité des AINS. Ce dernier avantage s’applique également aux suppositoires. Les injections intramusculaires doivent en partie leur succès à l’important effet placebo attaché à cette voie parentérale ; elles s’adressent en priorité aux tout premiers jours de traitement d’une affection aiguë. Quand aux topiques cutanés, ils peuvent rendre service dans certaines pathologies sportives ou post-traumatiques bénignes. • Associations utiles : il est possible de limiter la posologie des AINS, et par là même leur toxicité ou, au besoin, de conforter leur efficacité en leur ajoutant du paracétamol ou un opioïde. • Information des malades.: il faut énoncer aux patients les principales complications des AINS pour qu’ils arrêtent le traitement ou sollicitent un avis médical devant certains signes d’alerte, en particulier cutanéomuqueux et digestifs. Comme l’automédication est fréquente dans les syndromes douloureux, il convient de mentionner l’incompatibilité entre le médicament prescrit et les AINS vendus comme antalgiques-antipyrétiques. • Surveillance : l’administration prolongée d’un AINS justifie une évaluation régulière de son efficacité et de sa tolérance en tenant compte du terrain physiopathologique du malade et des médicaments associés. ■

Points Forts à retenir • Les effets indésirables des AINS, notamment digestifs et rénaux, sont indissociables de leurs propriétés. Mais les plus graves sont en partie évitables pour peu qu’on applique quelques règles simples : prescription raisonnée en l’absence d’alternative thérapeutique plus sûre, à la posologie minimale requise, après prise en compte des antécédents, du terrain physiopathologique et des médicaments en cours, en considérant de principe toute personne âgée comme un sujet à risque

POUR APPROFONDIR 1/ Iso-enzymes de la cyclo-oxygénase Deux iso-enzymes de la cyclo-oxygénase ont été identifiées à ce jour. La première (COX-1) est une enzyme constitutionnelle et ubiquitaire qui participe à l’homéostasie. Elle catalyse notamment la synthèse de prostaglandines intervenant dans la cytoprotection de la muqueuse gastrique, la préservation des fonctions rénales, l’agrégation plaquettaire. La seconde (COX-2) est une enzyme d’adaptation. Quasi virtuelle à l’état basal, sa production augmente considérablement sous l’influence de divers stimulus. Ainsi des cytokines proinflammatoires induisent sa synthèse dans les monocytes – macrophages – qui libèrent alors des prostaglandines concourant à la réaction inflammatoire. Cette découverte fit entrevoir la possibilité d’inventer des médicaments moins ulcérogènes et moins néphrotoxiques que les AINS actuels – qui tous interfèrent peu ou prou avec les 2 iso-enzymes de la cyclo-oxygénase. De tels AINS inhibiteurs spécifiques de COX-2 sont en cours d’étude ; leurs avantages potentiels sont incertains dans la mesure où quelques tissus, dont le cerveau, expriment physiologiquement COX-2 et que la gastrotoxicité des AINS relève de facteurs indépendants des prostaglandines

2/ AINS commercialisés comme antalgiques Plusieurs AINS sont commercialisés comme antalgiques (ou antalgiques-antipyrétiques) : certaines spécialités d’aspirine, l’ibuprofène 200 mg, le kétoprofène 25 mg, le fénoprofène, l’acide méfénamique (voir tableau). Chacun a pour indications un éventail plus ou moins large de syndromes algiques. Leur caractéristique commune est une restriction des doses unitaires et quotidiennes qui, en principe, ne leur permet pas de diminuer la composante œdémateuse de la réaction inflammatoire tout en étant efficaces sur la douleur (et la fièvre). La limitation posologique a pour conséquence une réduction du risque notamment digestif et rénal. Pour autant, ces médicaments restent des AINS et ils partagent les effets indésirables, les interactions et contre-indications de leur classe. De plus, la variabilité interindividuelle de réponse aux AINS fait qu’ils peuvent convenir à des malades souffrant de rhumatismes inflammatoires.

3 / Références médicales opposables 1997 concernant les AINS • Il n’y a pas lieu de poursuivre un traitement par un AINS lors des rémissions complètes des rhumatismes inflammatoires chroniques et en dehors des périodes douloureuses dans les rhumatismes dégénératifs. • Il n’y a pas lieu de poursuivre un traitement par un AINS au-delà

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LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48

Maladies inflammatoires

d’une période d’une à deux semaines et sans réévaluation clinique dans les lombalgies aiguës et (ou) lombosciatalgies aiguës et dans les rhumatismes abarticulaires en poussée. • Il n’y a pas lieu d’associer un antiulcéreux [microprostol (Cytotec) ou oméprazole (Mopral, Zoltum)] au traitement par un AINS sauf chez les sujets à risque digestif pour lesquels cette association constitue l’une des précautions possibles. • Il n’y a pas lieu de prescrire un AINS à des doses supérieures aux doses recommandées. • Il n’y a pas lieu de prescrire un AINS par voie intramusculaire audelà des tout premiers jours de traitement, la voie orale prenant le relais (la voie parentérale ne diminue pas le risque digestif, comporte des risques spécifiques et n’est pas plus efficace au-delà de ce délai). • Il n’y a pas lieu d’associer un AINS par voie générale à l’aspirine prise à doses supérieures à 500 mg/j ou de l’associer à un autre AINS, même à doses antalgiques. • Il n’y a pas lieu, car généralement déconseillé en raison du risque hémorragique, de prescrire un AINS chez un patient sous antivitamine K, ou sous héparine ou ticlopidine (Ticlid). • Il n’y a pas lieu, particulièrement chez le sujet âgé, en raison du risque d’insuffisance rénale aiguë, de prescrire un AINS chez un patient recevant un traitement conjoint IEC-diurétiques, sans prendre les précautions nécessaires. • Il n’y a pas lieu d’associer un traitement AINS à la corticothérapie, sauf dans certaines maladies inflammatoires systémiques évolutives (cas résistants de polyarthrite rhumatoïde, lupus érythémateux disséminé, angéites nécrosantes…).

POUR EN SAVOIR PLUS ANDEM. Anti-inflammatoires non stéroïdiens. Concours Med 1996 ; 118 (suppl 42) : 41-56. Bannwarth B, Netter P. Anti-inflammatoires non stéroïdiens. Principes et règles d’utilisation. Rev Prat (Paris) 1992 ; 42 : 116570. Bannwarth B, Schaeverbeke T, Dehais J. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens commercialisés comme antalgiques. Presse Med 1992 ; 21 : 1268-70. Pawlotsky P. Anti-inflammatoires non stéroïdiens. Rev Prat (Paris) 1995 ; 45 : 1019-27. Terlain B, Jouzeau JY, Abid A. et al. Isoenzymes de la cyclooxygénase et anti-inflammatoires non stéroïdiens. Lettre Pharmacol 1996 ; 10 : 136-43.

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