98-1003

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Pneumologie

B 98

Pneumopathie interstitielle diffuse Étiologie et diagnostic Pr Dominique VALEYRE 1, Pr Jacques CADRANEL 2, Pr Michel BRAUNER 3 1. Service de pneumologie, hôpital Avicenne, route de Stalingrad, 93009 Bobigny cedex. 2. Service de pneumologie, hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20. 3. Service de radiologie, hôpital Avicenne.

Points Forts à comprendre • Les pneumopathies interstitielles (ou infiltrantes) diffuses (PID) résultent de l’infiltration diffuse de la charpente conjonctive pulmonaire et des structures distales alvéolaires et (ou) bronchiolaires par des lésions inflammatoires, fibreuses, œdémateuses ou tumorales. Leur évolutivité et la stratégie de leur prise en charge distingue les pneumopathies interstitielles diffuses chroniques (évolution > 2 mois) et les pneumopathies interstitielles diffuses aiguës (évolution < 2 mois). Aiguës ou chroniques, les pneumopathies interstitielles diffuses sont classées en pneumopathies interstitielles diffuses de cause définie et pneumopathies interstitielles diffuses primitives (ou idiopathiques). • Les pneumopathies interstitielles diffuses chroniques les plus courantes sont la sarcoïdose, la fibrose pulmonaire primitive et les pneumopathies des connectivites/vascularites (plus de la moitié des pneumopathies interstitielles diffuses chroniques). Le diagnostic étiologique repose sur l’épidémiologie, l’interrogatoire (recherche d’une cause), et la concordance d’arguments cliniques (maladie systémique ou non), radiologiques, fonctionnels, biologiques et histo-pathologiques. • Les pneumopathies interstitielles diffuses aiguës sont classées selon la nature de la lésion principale. Certaines affections sont envisagées prioritairement : infections aiguës diverses, œdème aigu hémodynamique ou lésionnel, hémorragie intra-alvéolaire. La stratégie dépend d’une éventuelle orientation initiale et du retentissement sur l’hématose. Les examens les plus utiles, sont selon les cas : investigations cardiologiques (électrocardiogramme, échographie, hémodynamique), le lavage broncho-alvéolaire, un prélèvement biopsique pulmonaire, les tests thérapeutiques.

Les pneumopathies interstitielles diffuses (PID), mieux nommées infiltrantes diffuses, donnent typiquement des opacités pulmonaires diffuses en imagerie. On les distingue selon leur évolutivité et les conditions de leur prise en charge en pneumopathies interstitielles diffuses aiguës et pneumopathies interstitielles diffuses chroniques.

Pneumopathies interstitielles diffuses chroniques Classification Plus de 130 pneumopathies interstitielles diffuses ont été répertoriées. Elles sont regroupées en une quinzaine de familles d’affections (tableau I). Leur gravité dépend de leur potentialité à entraîner une insuffisance respiratoire chronique. On les divise en pneumopathies interstitielles diffuses secondaires dont la cause est connue, et pneumopathies interstitielles diffuses primitives ou idiopathiques.

Épidémiologie L’incidence annuelle des pneumopathies interstitielles diffuses chroniques se situe probablement autour de 25 cas/100 000. Le diagnostic étiologique est orienté selon leur fréquence, l’âge, le sexe, l’ethnie, et la consommation tabagique. La sarcoïdose, la fibrose pulmonaire primitive et les pneumopathies des connectivites/vascularites sont les plus fréquentes (plus de la moitié de tous les cas).

Diagnostic positif Le diagnostic positif de pneumopathies interstitielles diffuses repose dans 90 % des cas sur la mise en évidence à la radiographie d’opacités pulmonaires diffuses. Dans 10 % des cas cependant, la pneumopathie interstitielle est infraradiographique. Le diagnostic repose alors sur la clinique (dyspnée non expliquée par une bronchopneumopathie chronique obstructive, une maladie cardiovasculaire ou une anémie ; la présence de râles crépitants fins « velcro » ou d’un hippocratisme digital), les explorations fonctionnelles qui réalisent un tableau typique surtout en cas de fibrose pulmonaire (trouble ventilatoire restrictif homogène et (ou) baisse du facteur et du coefficient de transfert de l’oxyde de carbone, désaturation en oxygène à l’exercice), la tomoLA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48

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PNEUMOPATHIE INTERSTITIELLE DIFFUSE

TABLEAU I Pneumopathies interstitielles diffuses chroniques Pneumopathies interstitielles diffuses de cause connue • Proliférations tumorales (lymphangite carcinomateuse, carcinomatose hématogène, cancer bronchioalvéolaire diffus, syndromes lymphoprolifératifs • Infections chroniques (tuberculose, pneumocystose, viroses, etc.) • Insuffisance cardiaque gauche • Pneumoconioses (silicose, asbestose, bérylliose) • Pneumopathies d’hypersensibilité (poumons de fermier, d’éleveurs d’oiseaux, etc.) • Pneumopathies médicamenteuses (cf. tableau II) • Thésaurismoses (paraffinose)

densitométrie haute résolution, et le lavage broncho-alvéolaire. Leur « chronicité » est reconnue grâce à un recul suffisant ou à leur faible évolutivité.

Diagnostic étiologique : approche pratique Le diagnostic étiologique est d’emblée orienté par certaines données épidémiologiques, anamnestiques, cliniques et évolutives. La présence de signes extrathoraciques permet de reconnaître les maladies systémiques. Le diagnostic étiologique repose, en outre, sur l’imagerie radiologique, les examens biologiques sanguins et du liquide de lavage bronchoalvéolaire, et les prélèvements histo-pathologiques.

1. Interrogatoire et examen clinique La clinique apporte trois sortes d’informations : la découverte d’une cause grâce à l’anamnèse (épidémiologie, antécédents, expositions à des aérocontaminants ou des médicaments, tableau II ) ; la recherche de manifestations extrathoraciques ; la recherche de signes respiratoires (dyspnée, râles crépitants « velcro » ou hippocratisme digital).

2. Imagerie • Radiographie de thorax Le bon diagnostic est envisagé seulement une fois sur quatre sur la radiographie seule. La récupération de clichés anciens est très utile. Certains signes ou combinaisons de signes sont particulièrement discriminants : image micronodulaire diffuse (sarcoïdose, tuberculose miliaire, bérylliose, pneumopathie d’hypersensibilité, histiocytose langerhansienne, silicose, carcinomatose hématogène, bronchiolite diffuse, etc.) ; images kystiques avec, ou avec pneumothorax (histiocytose langerhansienne, lymphangioléiomyomatose) ; combinaison d’images kystiques et nodulaires dans les tiers supérieurs et moyens des champs pulmonaires (histiocytose langerhansienne) ; rayon de miel basal, réduction du volume pulmonaire et estompement des bords du cœur et du diaphragme (fibrose pulmonaire pri1004

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Pneumopathie interstitielles diffuses primitives • Sarcoïdose • Fibrose pulmonaire primitive • Connectivites, vascularites • Histiocytose langerhansienne • Pneumopathie chronique à éosinophiles • Bronchiolite avec pneumopathie organisée • Lymphangioléiomyomatose • Pneumopathie interstitielle lymphoïde • Protéinoses alvéolaires

mitive, connectivites et asbestose) ; infiltration en « œdème inversé » (pneumopathie chronique à éosinophiles) ; adénopathies (sarcoïdose, silicose, bérylliose, lymphangite carcinomateuse, lymphome, tuberculose) ; plaques pleurales calcifiées (asbestose).

TABLEAU II Principaux médicaments responsables de pneumopathies interstitielles diffuses aiguës et (ou) chroniques Œdème lésionnel (pneumopathies interstitielles diffuses aiguës) naloxone tocolytiques aspirine, anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) hydrochlorothiazide, amiodarone cyclosporine tricycliques méthotrexate Hémorragie alvéolaire (pneumopathies interstitielles diffuses aiguës) D-pénicillamine anticoagulants, fibrolytiques moxalactam, nitrofurantoïne amiodarone azathioprine, propylthio-uracile Alvéolite inflammatoire/immunologique (pneumopathies interstitielles diffuses aiguës et (ou) chroniques) bléomycine, méthotrexate, cytosine, arabinosine, cyclosphosphamide ampicilline, cyclines, céphalosporine nitrofurantoïne sels d’or, AINS, acétaminophène carmabazépine, phénytoïne amiodarone

Pneumologie • Tomodensitométrie haute résolution (TDM-HR). Plus sensible que la radiographie, elle précise la distribution des images dans le plan axial, par rapport à la plèvre, aux espaces péribroncho-vasculaires et au lobule pulmonaire secondaire. La tomodensitométrie haute résolution permet de mieux interpréter les signes élémentaires (tableau III) : kystes, réseaux à grandes mailles septales (lymphangite carcinomateuse et sarcoïdose), réseau à petites mailles intralobulaires basales et périphériques (fibrose pulmonaire primitive, asbestose pulmonaire et certaines connectivites). • Scintigraphie au Gallium 67 Cet examen n’est utile que dans une minorité de cas et n’est pratiquement plus utilisé. Une hypercaptation pulmonaire, ganglionnaire hilaire et médiastinale et des glandes lacrymales et salivaires oriente vers une sarcoïdose.

3. Explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) Utiles pour confirmer le diagnostic positif et pour quantifier le retentissement global de l’atteinte respiratoire, les

explorations fonctionnelles respiratoires ont moins de valeur pour différencier entre elles les pneumopathies interstitielles diffuses chroniques.

4. Biologie courante L’intradermo-réaction (IDR) à la tuberculine, les recherches de bacilles tuberculeux et la sérologie du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) sont pratiquées au moindre doute. La biologie courante peut orienter le diagnostic : compte en éosinophiles du sang, concentration sérique de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, bilan calcique, biologie hépatique et rénale, électrophorèse des protéines du sang.

5. Prélèvements histo- et cytopathologiques • Endoscopie bronchique permet de découvrir une atteinte des voies aériennes proximales et de réaliser divers prélèvements. Les biopsies de muqueuse bronchique permettent de confirmer le diagnostic chez plus de la moitié des patients atteints de sarcoïdose ou de lymphangite carcinomateuse. Les prélèvements transbronchiques ont un volume

TABLEAU III Caractéristiques tomodensitométriques des principales pneumopathies interstitielles chroniques Sarcoïdose

FPP •

Connectivites

Histiocytose BOOP •• Silicose Asbestose

PHS •••

LK ••••

***

*

Lésions potentiellement réversibles Micronodules

***

**

*

***

Nodules

*

***

**

***

Nodules troués Condensations alvéolaires

*

*** *

*

*

Hyperdensités en verre dépoli *

**

**

Épaississements péribronchovasculaires

***

*

*

Opacités linéaires diverses

**

*

*

***

***

*

***

*

**

***

*

* ***

***

*

***

*

Lésions généralement irréversibles Réseau intralobulaire

*

Images en rayon de miel

*

***

***

***

**

Réseau septal

*

*

*

**

*

Signes de distorsion

***

**

***

***

*

Masses de fibrose

**

***

Emphysème paracicatriciel

*

*

Kyste à paroi fine

***

*** *

***

* Fibrose pulmonaire primitive (FPP•) ; ** Bronchiolite oblitérante avec penumopathie organisée (BOOP••) ; *** Pneumopathies d’hypersensibilité (PHS•••) ; **** Lymphangite carcinomateuse (LK••••) ; fréquence et importance des lésions : de peu (*) à beaucoup (***).

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PNEUMOPATHIE INTERSTITIELLE DIFFUSE

nécessairement réduit. Leur rentabilité est bonne en cas de sarcoïdose et de lymphangite carcinomateuse. Cependant, leur indication doit être pesée (risque de pneumothorax ou d’hémoptysie dans 5 % des cas ; contre-indication en présence d’une insuffisance respiratoire ou de troubles de la coagulation). La spécificité est insuffisante en cas de fibrose pulmonaire primitive. • Analyse du liquide de lavage broncho-alvéolaire (LBA) Le caractère macroscopique du lavage broncho-alvéolaire permet de faire le diagnostic d’hémorragie alvéolaire (liquide rouge ou rosé). Le profil cytologique du lavage bronchoalvéolaire renforce ou redresse l’orientation diagnostique initiale tirée de la clinique et de l’imagerie (tableau IV). Le lavage bronchoalvéolaire peut faire le diagnostic en cas d’infection (pneumocystose, tuberculose, etc.), d’asbestose pulmonaire, d’affection tumorale, de paraffinose pulmonaire (coloration oil red O) ou de protéinose alvéolaire (coloration PAS). Devant une alvéolite lymphocytaire, la mise en évidence d’un rapport lymphocytes CD4/CD8 > 4 oriente plutôt vers une sarcoïdose. Un pourcentage en cellules de Langerhans (CD1a+) supérieur à 5 % plaide pour une histiocystose langerhansienne mais ne s’observe que dans une minorité de cas. Une prolifération lymphocytaire B monoclonale peut aussi être recherchée.

6. Autres prélèvements Les prélèvements biopsiques extrathoraciques sont guidés par la clinique (peau, adénopathie, muscle, foie), la biologie (foie, rein, muscle) et le contexte accessoire. Ils sont particulièrement utiles dans la sarcoïdose. La médiastinoscopie, très rentable en cas de sarcoïdose, est proposée devant des adénopathies médiastinales péritrachéales si les prélèvements moins invasifs sont négatifs. La biopsie pulmonaire, sous vidéothoracoscopie ou par thoracotomie, est l’investigation à proposer en dernier recours (moins de 10 % des cas). Le site et le conditionnement des prélèvements et les recherches à effectuer (histopathologiques, immunopathologiques, infectieuses, minéralogiques) doivent être précisés avant l’intervention.

Diagnostic étiologique des pneumopathies interstitielles diffuses les plus fréquentes 1. Peumopathies interstitielles diffuses de cause connue (ou secondaires) • Proliférations tumorales. • Infections chroniques. • Insuffisance cardiaque gauche. • Silicose : le diagnostic repose sur : une exposition à la silice ; une imagerie radiologique évocatrice (atteinte micronodulaire à contours nets, prédominant dans les lobes supérieurs, parfois confluente réalisant éventuellement des masses, associée à des adénopathies parfois calcifiées) ; l’absence d’atteinte extrathoracique ; exceptionnellement une confirmation histopathologique (nodules fibro-hyalins). • Asbestose pulmonaire : le diagnostic repose sur : une exposition à l’amiante ; l’imagerie radiologique superposable à celle de la fibrose pulmonaire primitive (cf. supra) associée de façon inconstante à des plaques pleurales calcifiées ; l’absence d’atteinte extrathoracique ; et la mise en évidence de fibres d’amiante et de corps asbestosiques par lavage bronchoalvéolaire ou biopsie pulmonaire. • Pneumopathies d’hypersensibilité (PHS) par inhalation d’aérocontaminants organiques : les pneumopathies d’hypersensibilité peuvent donner des pneumopathies interstitielles diffuses aiguës ou chroniques. • Pneumopathies médicamenteuses : le diagnostic repose sur la prise d’un médicament connu pour induire une atteinte pulmonaire ; un tableau clinique, radiologique et biologique compatible ; l’exclusion d’une autre cause ; et une régression des signes à l’arrêt du médicament. Les médicaments peuvent être responsables de pneumopathies interstitielles diffuses aiguës ou chroniques (tableau III).

2. Pneumopathies interstitielles diffuses idiopathiques (ou primitives) • Sarcoïdose. • Fibrose pulmonaire primitive : le diagnostic repose sur : une symptomatologie respiratoire riche (dyspnée progres-

TABLEAU IV Orientation étiologique des pneumopathies interstitielles diffuses chroniques selon le lavage broncho-alvéolaire Alvéolite macrophagique

Alvéolite lymphocytaire

Alvéolite à neutrophiles

Histiocytose Bronchiolite respiratoire du fumeur Fibrose primitive Pneumoconioses

Sarcoïdose PHS* Pneumopathies médicamenteuses Connectivites Lymphomes LIP** Infections Bronchiolite avec pneumopathie organisée

Fibrose primitive Asbestose Connectivites Pneumopathies médicamenteuses

* PHS : pneumopathie d’hypersensibilité ; ** LIP : pneumopathie interstitielle lymphoïde.

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Alvéolite à éosinophiles Fibrose primitive Histiocytose Pneumopathie chronique à éosinophiles Pneumopathies médicamenteuses Infections (VIH +)

Pneumologie sive, râles crépitants, hippocratisme digital) ; l’absence d’atteinte systémique ; l’absence de cause ; des signes radiographiques et tomodensitométrie haute résolution évocateurs ; un lavage bronchoalvéolaire évocateur (pourcentage augmenté de polynucléaires neutrophiles et (ou) éosinophiles) ; une éventuelle confirmation biopsique pulmonaire par vidéothoracoscopie lorsque la maladie est peu évoluée et (ou) atypique chez un sujet relativement jeune. • Pneumopathies des connectivites/vascularites : le diagnostic repose sur : l’identification de la maladie systémique qui précède souvent, coïncide parfois avec ou plus rarement apparaît postérieurement à l’atteinte pulmonaire ; l’élimination d’une complication médicamenteuse ou infectieuse ; et la compatibilité des anomalies pulmonaires. Les principales affections en cause sont la sclérodermie, la polyarthrite rhumatoïde, les myopathies idiopathiques inflammatoires, le syndrome de Gougerot-Sjögren qui donnent lieu à des pneumopathies interstitielles. • Histiocytose langerhansienne pulmonaire. Le diagnostic repose sur : le terrain (adulte de moins de 40 ans, généralement grand fumeur) ; les rares manifestations extrathoraciques (localisations osseuses ou diabète insipide) ; la possibilité d’un pneumothorax (dans 10 % des cas) ; surtout une imagerie radiographique et tomodensitométrique très suggestive ; le lavage broncho-alvéolaire qui aide à éliminer d’autres hypothèses plus qu’il n’apporte en fait une preuve décisive ; et en cas de doute, une preuve histologique sur prélèvement pulmonaire chirurgical. • Bronchiolite oblitérante avec pneumopathie organisée ; le diagnostic est envisagé devant une pneumopathie « alvéolaire » plurifocale, migratrice, sans hyperéosinophilie ou, plus rarement, devant une atteinte réticulo-nodulaire diffuse et repose sur le contexte clinique, le lavage bronchoalvéolaire (formule panachée avec augmentation à 25-40 % des lymphocytes, à environ 10 % des neutrophiles et 5 % des éosinophiles) et une confirmation histopathologique par biopsie transbronchique en cas de forme « alvéolaire » plurifocale typique et sous vidéothoracoscopie dans les autres cas.

Pneumopathies interstitielles diffuses aiguës Classification des pneumopathies interstitielles diffuses aiguës (tableau V) Elles sont classées selon la lésion principale (œdème ou alvéolite) et selon l’individualisation d’une entité définie. Une même lésion peut être associée à un grand nombre d’étiologies, et une même étiologie peut être responsable de lésions différentes.

TABLEAU V Classification des pneumopathies interstitielles diffuses aiguës Œdème : – hémodynamique – lésionnel Alvéolite : – entité définie hémorragique toxique coagulopathie insuffisance cardiaque, rétrécissement mitral vascularite (syndrome de Goodpasture, polyangéite microscopique, maladie de Wegener) infectieuse infectieuse (virus, pneumocoque, germes « apparentés », tuberculose, pneumocystose, toxoplasmose) inflammatoire/immunologique pneumopathies d’hypersensibilité pneumopathies médicamenteuses connectivites dommages alvéolaire diffus – entité non définie alvéolite aspécifique (hémorragique, lymphocytaire, à neutrophiles et éosinophiles)

1. Œdème pulmonaire hémodynamique 2. Œdème pulmonaire lésionnel 3. Hémorragie intra-alvéolaire aiguë 4. Pneumopathies interstitielles diffuses aiguës de causes infectieuses Une pneumopathie interstitielle diffuse aiguë fébrile doit en faire évoquer la possibilité, ainsi que le risque d’évolution, vers un œdème pulmonaire lésionnel. Quatre grandes causes infectieuses doivent être évoquées : pneumocystose, tuberculose miliaire, pneumopathies communautaires à Mycoplasme pneumoniæ ou Chlamydia pneumoniæ, grippe. Le diagnostic d’une autre virose est le plus souvent une surprise de laboratoire. Seule l’infection à virus respiratoire syncytial mérite d’être soupçonnée et recherchée car elle conduit à un traitement spécifique (ribavirine). Le terrain particulier (enfant et immunodéprimé), et la sémiologie respiratoire bronchiolaire permettent en contexte épidémique de l’évoquer.

5. Pneumopathie aiguë à éosinophiles Reconnues devant une intallation très rapide en contexte fébrile, elles comportent une hyperésoninophilie au lavage bronchoalvéolaire (supérieure à 25 %) et l’exclusion d’une cause définie. LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48

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PNEUMOPATHIE INTERSTITIELLE DIFFUSE

Diagnostic positif Le diagnostic positif d’une pneumopathie interstitielle diffuse aiguë est aisé : dypsnée avec polypnée installée en quelques jours, opacités pulmonaires diffuses en radiographie, et parfois signes de mauvaise tolérance (tirage, cyanose, ou collapsus cardiovasculaire). La sévérité est attestée par la mesure de la PaO2 en air ambiant. Une valeur inférieure à 60 mmHg constitue un indice de gravité. Dans ce cas, le bilan étiologique doit être conduit en unité de soins intensifs après mise en route d’une oxygénothérapie nasale à fort débit (3 à 6 L/min). Au maximum, un véritable syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) peut nécessiter une ventilation mécanique, rendant l’enquête étiologique encore plus difficile. Le diagnostic est parfois retardé lorsque la pneumopathie interstitielle diffuse est plus progressive (plus de 3 semaines).

Diagnostic étiologique : approche pratique Une fois le diagnostic positif de pneumopathie interstitielle diffuse aiguë établi et sa gravité évaluée, la démarche étiologique oppose deux situations (fig. 1).

1. Une hypothèse diagnostique peut être privilégiée Les examens paracliniques orientés ont alors comme but de confirmer cette hypothèse (fig. 1, situation 1). Les traitements symptomatique et étiologique sont débutés rapidement. Une pneumopathie interstitielle diffuse aiguë peut relever de plusieurs causes, par exemple : décompensation cardiaque à l’occasion d’une pneumopathie bactérienne ou infection nosocomiale chez un opéré récent. L’absence d’amélioration de la pneumopathie interstitielle diffuse sous traitement spécifique doit conduire à la reprise de l’enquête étiologique.

2. Aucune cause ne peut être privilégiée d’emblée Les examens paracliniques ont alors pour but d’orienter en fonction de leurs résultats vers une cause préférentielle (fig. 1, situation 2). Un électrocardiogramme et une échocardiographie cardiaque sont réalisés en premier lieu, du fait de la fréquence de l’œdème cardiogénique. Ces examens sont interprétés avec nuance, du fait de leur difficulté de réalisation en réanimation. Au moindre doute, on pratique un cathétérisme droit ou sinon un test thérapeutique aux diurétiques. La succession des autres explorations paracliniques dépend essentiellement du symptôme prédominant associé à la dyspnée, et de l’existence ou non d’une détresse respiratoire. S’il existe un collapsus fébrile, un cathétérisme droit est réalisé afin de préciser la nature hémodynamique ou lésionnelle de l’atteinte respiratoire. Si le patient est fébrile et l’état hémodynamique satisfaisant, une fibroscopie bronchique avec lavage bronchoalvéolaire est pratiquée avec recherche microbiologique 1008

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exhaustive (virale, bactérienne, fungique et parasitaire), utilisant toutes les techniques disponibles (examen direct, culture, immunofluorescence et éventuellement Polymerase chain reaction) et une analyse cytologique permettant de caractériser une éventuelle alvéolite (tableau VI). L’identification à l’examen direct du lavage bronchoalvéolaire de certains germes pathogènes suffit à porter le diagnostic de pneumopathie interstielle diffuse de cause infectieuse (tableau VI). Un traitement spécifique peut être débuté. Le plus souvent, le lavage broncho-alvéolaire ne fait qu’orienter le diagnostic (alvéolite lymphocytaire, à neutrophiles ou à éosinophiles, hémorragie) conditionnant la poursuite des explorations (fig. 1, tableau VI). Si le patient est fébrile, et si la sévérité de l’état respiratoire ne permet pas la réalisation sans risque d’une fibroscopie bronchique, certaines équipes proposent un traitement antibiotique intraveineux d’épreuve comportant un macrolide (Érythrocine : 1 g x 3/j), un traitement antitu-

TABLEAU VI Apport du lavage bronchoalvéolaire dans le diagnostic des pneumopathies interstitielles diffuses aiguës 1. Le lavage bronchoalvéolaire assure le diagnostic à l’examen direct – Pneumocystis carinii (sensibilité : 100 %) – Mycobacterium tuberculosis (sensibilité : 30 %) – Mycoplasma et Chlamydia pneumoniæ (?) – Legionella pneumophila (sensibilité : 50 %) – Virus à tropisme respiratoire : myxovirus, adénovirus, virus respiratoire syncytial… (?) – Toxoplasma gondii (sensibilité : 100 %) 2. Le lavage bronchoalvéolaire constitue un élément d’orientation en cas d’alvéolite – Alvéolite hémorragique idiopathique ou de cause définie – Alvéolite lymphocytaire pneumopathies infectieuses (tuberculose, mycoplasme, virus…) pneumopathies d’hypersensibilité ou médicamenteuse pneumopathies associées à des connectivites (myosite, lupus érythémateux disséminé, syndrome de GougerotSjögren) – Alvéolite à neutrophiles pneumopathie infectieuse (chlamydiose, légionellose, tuberculose) œdème lésionnel dommage alvéolaire aigu (syndrome de Hamman Rich) des connectivites ou post-infectieux pneumopathie d’hypersensibilité – Alvéolite à éosinophiles alvéolite médicamenteuse (agents anti-infectieux vascularite parasitose (anguillulose maligne, poumon filarien) pneumopathie aiguë à éosinophiles

Pneumologie

Diagnostic positif Clinique + radiographie du thorax

Diagnostic de gravité Clinique + PaO2 transfert en Unité de Soins Intensifs

Situation 1

Diagnostic étiologique

Situation 2 absence d’élément clinique en faveur ou de contexte étiologique évident

éléments cliniques en faveur contexte étiologique évident

L'ordre de la séquence 1, 2, 3 varie en fonction des données clniques Œdème cardiogénique

Œdème lésionnel

-échocardiographie - cathétérisme droit ± cathétérisme droit

Hémorragie alvéolaire

Pneumopathie infectieuse

- lavage alvéolaire - bilan de coagulation - échocardiographie - bilan rénal - bilan immunologique - bilan infectieux - biopsie dirigée

- lavage alvéolaire - bilan infectieux

ECG, échocardiographie - œdème cardiogénique

2.

Cathétérisme droit - œdème cardiogénique - œdème lésionnel

3.

Lavage bronchoalvéolaire - agent infectieux - hémorragie alvéolaire - alvéolite aspécifique

non contributif

Biopsie pulmonaire (?) Traitement d'épreuve (?)

Traitement spécifique

1

1. non contributif

Stratégie diagnostique face à une pneumopathie interstitielle diffuse aiguë.

berculeux (Rimifon : 5 mg/kg/j, Rifadine : 10 mg/kg/j, Myambutol : 20 mg/kg/j) et du cotrimoxazole (Bactrim : 4 ampoules x 3/j). Ce traitement peut être associé à une corticothérapie adjuvante dont les doses restent discutées (méthylprednisolone : 1 à 10 mg/kg/j). En cas d’aggravation respiratoire nécessitant une ventilation mécanique, un lavage bronchoalvéolaire est réalisé dès que le patient est intubé et l’état hémodynamique stabilisé. D’autres équipes préfèrent prendre le risque d’une intubation et réalisent un lavage bronchoalvéolaire avant de débuter le traitement d’épreuve. Dans un certain nombre de cas, malgré un bilan exhaustif, aucun diagnostic étiologique de certitude ne peut être retenu et l’on conclut à une alvéolite aspécifique. Certains proposent alors une biopsie pulmonaire chirurgicale, imposant le risque d’une intubation et d’une ventilation mécanique. D’autres proposent en fonction des probabilités cliniques et de la présence ou non de fièvre, des tests thérapeutiques [diurétiques et (ou) antibiotiques et (ou) corticoïdes]. ■

Points Forts à retenir • Les pneumopathies interstitielles diffuses représentent une cause importante de morbidité. Le diagnostic positif est le plus souvent facile : il repose principalement sur l’imagerie radiologique et, à un degré moindre, sur les explorations fonctionnelles. Leur évolutivité permet de les classer en aiguës et chroniques. Dans les deux cas, la maladie peut résulter d’une cause définie à rechercher en priorité ou rester en apparence primitive. • La stratégie diagnostique est orientée, ou non, d’emblée par certains indices. Elle doit prendre en compte la sévérité de la maladie reflétée en cas de pneumopathie interstitielle diffuse aiguë par l’altération de l’hématose. Le diagnostic repose sur la démonstration d’une cause ou la simple concordance d’arguments cliniques et paracliniques.

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