5-chimioprophylaxie Du Paludisme Chez L'enfant 2005

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¶ 4-320-A-30

Chimioprophylaxie du paludisme chez l’enfant P. Minodier, G. Noël, P. Blanc La chimioprophylaxie antipaludéenne est essentielle à la protection du paludisme au cours d’un voyage. Ses modalités varient en fonction du niveau de chloroquinorésistance. Dans les zones de chloroquinosensibilité (groupe 1 en France), la chloroquine (Nivaquine®) est recommandée chez l’enfant à une dose de 1,5 mg/kg/jour du jour du départ à 4 semaines après le retour. La tolérance du produit est bonne. Dans les zones de chloroquinorésistance modérée (groupe 2 en France), on recommande l’association chloroquine + proguanil (Savarine ® ), ou l’association atovaquone + proguanil (Malarone®). La Savarine® ne peut être utilisée chez les enfants de moins de 50 kg. Au-dessous, elle doit être remplacée par une prise de Nivaquine® (1,5 mg/kg/j) et de Paludrine® (3 mg/kg/j), qui doit être poursuivie un mois au retour. La Malarone® possède une forme pédiatrique utilisable à partir de 10 kg (1 comprimé pédiatrique/10 kg/j). Elle ne doit être continuée qu’une semaine au retour. Sa tolérance semble meilleure que celle de l’association chloroquine-proguanil, et comparable, voire meilleure, à celle de la méfloquine. Dans les zones de chloroquinorésistance étendue (groupe 3 en France), on peut aussi utiliser la Malarone® ou la méfloquine (Lariam®). Le Lariam® (5 mg/kg/semaine) n’a pas de forme pédiatrique, doit être poursuivi 3 semaines au retour, mais peut être donné une fois par semaine. Sa tolérance en prophylaxie de l’enfant est bonne. La doxycycline est réservée à certaines situations à risque, chez l’enfant de plus de 8 ans. D’autres drogues sont à l’étude notamment la tafenoquine, une amino8 quinoléine, qui pourrait être donnée une fois par mois et améliorer ainsi la compliance des patients. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Paludisme ; Chimioprophylaxie ; Enfant ; Chloroquine ; Proguanil ; Atovaquone ; Méfloquine

Plan ¶ Introduction

1

¶ Zones de chloroquinosensibilité (groupe 1 en France)

1

¶ Zones de chloroquinorésistance (groupe 2 en France) Chloroquine-proguanil Atovaquone-proguanil

3 3 3

¶ Zones de chloroquinorésistance étendue (groupe 3 en France)

4

¶ Molécules en évaluation

4

¶ Comment améliorer l’efficacité de la chimioprophylaxie antipaludéenne ?

4

¶ Conclusion

5

■ Introduction Le paludisme est endémique dans plus de 100 pays. Chaque année, 25 millions de cas sont déclarés à l’Organisation mondiale de la Santé, mais on estime à 300 millions le nombre de cas cliniques annuels. Un million de personnes meurent de paludisme tous les ans. Près de 90 % de ces décès se produisent en Afrique sub-saharienne, où les enfants en bas âge sont les plus touchés. [1] En effet, dans cette zone, moins de 20 % des épisodes aigus fébriles de l’enfant, et des décès qui leur sont imputables, parviennent à accéder à un quelconque système de soins. [2] Le paludisme d’importation est aussi une réalité en France où sont déclarés 4 000 cas par an (on estime Pédiatrie/Maladies infectieuses

le nombre réel de cas à 7 000 à 8 000 par an). Les enfants représentent plus de 20 % de ces cas. [3] Comme chez l’adulte, la prévention du paludisme chez l’enfant voyageur repose sur la protection contre les piqûres d’anophèles et la chimioprophylaxie. Les spécificités de la chimioprophylaxie antipalustre de l’enfant sont l’objet de cette revue. Nous l’envisagerons donc à la lumière des données de chimiorésistance, telle que recommandée par les autorités sanitaires françaises. [4]

■ Zones de chloroquinosensibilité (groupe 1 en France) (Tableau 1) Ces zones sont rares car la chloroquinorésistance de Plasmodium falciparum est étendue, à quelques exceptions près. [4] Plasmodium vivax présente aussi des problèmes de sensibilité plus limités. [5] Dans les zones où les Plasmodium sont chloroquinosensibles, la chimioprophylaxie repose naturellement sur cette amino-4 quinoléine. Au niveau du globule rouge, la chloroquine s’accumule dans la vacuole digestive du parasite, interagit avec l’hématine, produit de dégradation de l’hémoglobine, et inhibe la formation d’hémozoïne par le Plasmodium. Ainsi, le pH de la vacuole digestive augmente, ce qui entraîne la lyse parasitaire. [6] L’absorption digestive de la chloroquine est rapide. Elle se concentre préférentiellement dans les hématies et est excrétée au niveau du rein et du foie. [7]

1

a

[4]).

Groupe 0

Groupe 0 ( a)

Pas de paludisme Afrique

Afrique du Sud (sauf Nord-Est), Egypte, Lesotho, Libye, Île de la Réunion, Île Sainte Hélène, Seychelles, Tunisie

Amérique

Toutes les villes (sauf Amazonie), Antigua-etBarbuda, Antilles Néerlandaises, Argentine (sauf Nord), Bahamas, Barbade, Bermudes, Brésil (sauf Amazonie), Canada, Chili, Cuba, Dominique, États-Unis, Guadeloupe, Guyane Française (côtes), Grenade, Îles Caïmans, Îles Malouines, Îles Vierges, Jamaïque, Martinique, Porto Rico, Sainte Lucie, Trinidad et Tobago, Uruguay

Asie

Toutes les villes (sauf Inde), Indonésie (Bali), Brunei, Georgie, Guam, HongKong, Japon, Kazakhstan, Kirghizistan, Macao, Maldives, Mongolie, Singapour, Taïwan, Thaïlande (Centre), Vietnam (côtes et delta)

Arménie, Azerbaïdjan, Corée du Sud, Corée du Nord, Ouzbékistan, Turkménistan

Chine (Nord-Est)

Proche et Moyen Orient

Toutes les villes, Arabie Saoudite (sauf Ouest), Bahreïn, Israël, Jordanie, Koweït, Liban, Qatar

Émirats Arabes Unis, Oman, Syrie

Iran (sauf Sud-Est)

Europe

Tous les pays sauf Turquie

Turquie

Océanie

Toutes les villes, Australie, Fidji, Hawaï, Mariannes, Marshall, Micronésie, NouvelleCalédonie, Nouvelle-Zélande, Île de Pâques, Polynésie Française, Samoa, Tonga, Tuvalu, Wallis et Futuna, Kiribati, Cook, Samoa Occidentales, Niue, Nauru, Palau

Groupe 1

Groupe 2

Groupe 3

Transmission faible Pas de chloroquinorésistance

Chloroquinorésistance

Chloroquinorésistance élevée ou multirésistance

Algérie, Cap-Vert, Maroc, Île Maurice

Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Madagascar, Mali, Mauritanie, Namibie, Niger, Sénégal, Sierra Leone, Tchad

Afrique du Sud (Nord-Est), Angola, Bénin, Botswana, Burundi, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Djibouti, Érythrée, Éthiopie, Gabon, Ghana, Guinée Équatoriale, Kenya, Malawi, Mayotte c, Mozambique, Nigéria, Ouganda, RDC (Zaïre), Rwanda, Sao Tomé et Principe, Somalie, Soudan, Swaziland, Tanzanie, Togo, Zambie, Zimbabwe

Argentine (Nord) b,c, Belize b,c, Colombie (sauf Amazonie) Bolivie (sauf Amazonie) b,c, Costa Rica b,c, Équateur (Ouest), Guatemala b,c, Haïti, Honduras b,c, Mexique b,c, Nicaragua b,c, Panama (Ouest) b,c, Paraguay (Est) b,c, Pérou (sauf Amazonie) b,c, République Dominicaine, El Salvador b,c Venezuela (sauf Amazonie) b,c

Afghanistan c, Bangladesh (sauf Sud-Est), Bhoutan c, Inde, Indonésie (sauf Bali et Irian Jaya), Malaisie (sauf Sabah et Sarawak), Népal, Pakistan, Philippines, Sri Lanka b,c, Tadjikistan b,c, Thaïlande (Sud-Ouest) c

b,c

, Iraq

b,c

Bolivie (Amazonie), Brésil (Amazonie), Colombie (Amazonie), Équateur (Est), Guyana, Guyane Française (fleuves), Panama (Est), Pérou (Amazonie), Surinam, Vénézuéla (Amazonie),

Bangladesh (Sud-Est), Cambodge, Chine (Yunnan et Hainan), Indonésie (Irian Jaya), Laos, Malaisie (Sabah et Sarawak), Myanmar, Thaïlande (frontières), Timor Oriental, Vietnam (sauf côtes et delta)

Arabie Saoudite (Ouest) c, Iran (Sud-Est) c, Yémen

Îles Salomon, Vanuatu

Papouasie-Nouvelle Guinée

Compte tenu de la faiblesse de la transmission dans ces pays, il est admissible de ne pas prendre de chimioprophylaxie quelle que soit la durée du séjour. Il est cependant indispensable d’être en mesure dans les mois qui suivent le retour, de consulter en urgence en cas de fièvre. b Essentiellement Plasmodium vivax. c Dans ces régions, il est licite de ne pas prendre de chimioprophylaxie pour un séjour inférieur à 7 jours, à condition d’être en mesure dans les mois qui suivent le retour, de consulter en urgence en cas de fièvre.

4-320-A-30 ¶ Chimioprophylaxie du paludisme chez l’enfant

2

Tableau 1. Répartition des pays par type de chimioprophylaxie requise (d’après

Pédiatrie/Maladies infectieuses

Chimioprophylaxie du paludisme chez l’enfant ¶ 4-320-A-30

En France, c’est la chloroquine phosphate qui est commercialisée sous le nom de Nivaquine® (Aventis, Paris, France) avec des comprimés dosés à 300 mg et à 100 mg, et une forme sirop à 25 mg/mesure.



Conduite à tenir

En France, en prophylaxie de l’enfant, la dose recommandée est de 1,5 mg/kg/j. [4] La prise doit débuter le jour ou la veille du départ et être poursuivie jusqu’à 4 semaines après le retour.

Le proguanil, comme la pyriméthamine, est un inhibiteur de la dihydrofolate réductase qui interagit donc avec la synthèse des folates. Inactif par lui-même, le proguanil nécessite un métabolisme hépatique pour agir au niveau des schizontes parasitaires, après transformation en cycloguanil. Ce métabolisme est lié à l’activité des cytochromes P450 2C et 3A. [12] La demi-vie du cycloguanil est courte (12 à 21 heures), ce qui fait que l’accumulation du produit en prises répétées est limitée. Les effets secondaires du proguanil comportent des troubles digestifs passagers en début de traitement, plus rarement une alopécie, des éruptions cutanées ou une stomatite. La posologie de proguanil doit aussi être adaptée en cas d’insuffisance rénale. La tolérance de l’association chloroquine-proguanil chez des voyageurs non immuns semble comparable à celle de la méfloquine, moins bonne que l’association atovaquone-proguanil. [13, 14]

Pour les séjours prolongés, la conférence de consensus française recommande de maintenir la chimioprophylaxie « aussi longtemps que possible ». [8] La chloroquine peut probablement être poursuivie sans danger pendant plusieurs années, l’effet toxique cumulatif sur la rétine ne se produisant qu’après au moins 5 ans d’usage continu. [7] Du fait de sa longue demi-vie (6 à 10 jours), la chloroquine est administrée une fois par semaine dans la majeure partie des pays anglo-saxons. La posologie recommandée pour l’enfant y est de 5 mg/kg/semaine, avec une dose maximale de 300 mg/ semaine. La prise doit être débutée une semaine avant le déLa tolérance du produit est bonne, mais la prise orale peut être difficile chez le jeune enfant en raison de son goût amer. Un prurit peut être observé chez les sujets de race noire, plus fréquemment chez l’adulte que l’enfant. [10, 11] Une atteinte rétinienne est possible avec des traitements prophylactiques prolongés, nécessitant dans ces cas, une surveillance rétinienne particulière. Le risque principal de la chloroquine est en fait celui d’un surdosage accidentel chez l’enfant.part et poursuivie 4 semaines au retour. [7, 9] .

■ Zones de chloroquinorésistance (groupe 2 en France) (Tableau 1) La chimioprophylaxie recommandée dans ces zones est l’association chloroquine + proguanil, ou l’association atovaquone + proguanil. [4] Dans les pays anglo-saxons, l’association chloroquine + proguanil n’est pas distribuée.

Chloroquine-proguanil En France, l’association chloroquine + proguanil est commercialisée sous le nom de Savarine® (AstraZeneca, RueilMalmaison, France), dont chaque comprimé contient 100 mg de chloroquine et 200 mg de proguanil, mais ce produit n’a pas l’autorisation de mise sur le marché pour les sujets de moins de 50 kg.



Conduite pratique chez l’enfant Chez l’enfant, il faut donc associer une prise quotidienne de chloroquine (Nivaquine ® ) à la posologie de 1,5 mg/kg/j, et une autre de proguanil (Paludrine ® , AstraZeneca, Rueil-Malmaison, France, comprimés à 100 mg) à la posologie de 3 mg/kg/j.

Il n’existe pas de galénique du proguanil adaptée au petit enfant. La prise de Paludrine® doit débuter le jour ou la veille du départ et se poursuivre jusqu’à 4 semaines après le retour. Pédiatrie/Maladies infectieuses

Atovaquone-proguanil Cette chimioprophylaxie est recommandée en France pour un voyage en zone de groupe 2, mais aussi de groupe 3. Dans notre pays, elle est disponible sous le nom de Malarone® (GSK, Marlyle-Roi, France) avec des comprimés adultes dosés à 250 mg d’atovaquone et 100 mg de proguanil, et des comprimés pédiatriques (Malarone Enfants®) dosés à 62,5 mg d’atovaquone et 25 mg de proguanil. L’atovaquone est une hydroxynaphtoquinone, analogue du coenzyme Q ou ubiquinone, qui intervient dans le transport d’électrons au niveau des mitochondries. [6, 12] Dans la chaîne respiratoire mitochondriale, l’ubiquinone accepte les électrons des différentes déshydrogénases et les transmet aux cytochromes. Le passage des électrons de l’ubiquinone au cytochrome bc1 (ou complexe III) nécessite la fixation préalable du coenzyme Q au cytochrome par un domaine Qo du cytochrome. L’atovaquone empêche cette fixation et elle a une sélectivité particulière pour le site de fixation Qo du cytochrome des mitochondries plasmodiales. La conséquence de cette inhibition est une chute dans le potentiel de membrane mitochondrial. Les enzymes qui nécessitent pour leur activité une chaîne mitochondriale fonctionnelle ne peuvent donc plus agir. L’une de ces enzymes est la dihydro-orotate déshydrogénase (DHOD), qui est la quatrième enzyme de la synthèse des bases pyrimidiques. Les Plasmodium doivent synthétiser de novo les pyrimidines nécessaires à l’élaboration de leur ADN. Ainsi, l’inhibition de la DHOD parasitaire conduit à la mort du parasite par incapacité à produire l’ADN. L’action de l’atovaquone sur Plasmodium s’exerce donc sur les formes intraérythrocytaires, mais semble aussi débuter sur les formes exoérythrocytaires intrahépatiques qui auraient peut-être une susceptibilité mitochondriale particulière à cette drogue. [15] Il n’y a pas de métabolisme hépatique ou rénal de l’atovaquone et moins de 1 % de la molécule est éliminé dans les urines. En revanche, il existe un cycle entérohépatique prolongé du produit avec plus de 94 % d’élimination dans les selles en 3 semaines. La demi-vie de l’atovaquone est ainsi longue (51 à 77 heures). [11] Cette propriété associée à une activité schizonticide intrahépatocytaire explique qu’en chimioprophylaxie antipaludéenne, l’atovaquone ne nécessite d’être poursuivie que 1 semaine hors zone d’endémie. En traitement curatif, l’atovaquone seule conduit à l’émergence rapide d’une résistance et jusqu’à 30 % d’échecs. [16] C’est pourquoi elle a été associée à d’autres drogues en prévention ou en traitement du paludisme. Alors même que le proguanil, par lui-même, n’a pas d’effet sur la mitochondrie, il présente une synergie d’action avec l’atovaquone. En effet, il augmente la capacité de l’atovaquone à inhiber le potentiel de membrane mitochondrial. [16] Le cycloguanil, métabolite actif du proguanil, n’a pas d’effet synergique avec l’atovaquone. Cette synergie de l’association atovaquone-proguanil explique son efficacité dans les régions de résistance au proguanil. En prophylaxie du voyageur non immun, l’atovaquoneproguanil a une efficacité variant de 93 à 100 %, [17, 18] comparable à celle de la méfloquine (100 % aussi [18]) et supérieure à celle de l’association chloroquine-proguanil (100 % versus 70 % vis-à-vis de Plasmodium falciparum [13]).

3

4-320-A-30 ¶ Chimioprophylaxie du paludisme chez l’enfant



Schéma prophylactique

Le schéma prophylactique, qui est aussi celui recommandé chez l’enfant non immun, est de 1 comprimé de Malarone Enfants®/10 kg/j. Pour un poids inférieur à 10 kg, la Malarone® n’est pas autorisée. Audessus d’un poids de 40 kg, on peut donner un comprimé adulte par jour. La prise doit être débutée le jour ou la veille du départ et doit se poursuivre jusqu’à 1 semaine après le retour.

La prophylaxie chez l’enfant a été étudiée au Gabon, en zone d’endémie. [19, 20] L’efficacité de la Malarone® a ainsi été évaluée à plus de 97 % versus placebo, chez des enfants de 4 à 16 ans. La tolérance d’atovaquone-proguanil semble meilleure que celle de l’association chloroquine-proguanil, [13] et comparable, voire meilleure, à celle de la méfloquine, notamment en ce qui concerne les effets neuropsychiatriques, les effets secondaires modérés ou sévères et les arrêts de chimioprophylaxie pour effets secondaires. [14, 18] Cette bonne tolérance a aussi été retrouvée en prophylaxie chez l’enfant vivant en zone d’endémie (comparable au placebo). [19, 20]

■ Zones de chloroquinorésistance étendue (groupe 3 en France) (Tableau 1) Dans ces zones, sont recommandées l’association atovaquoneproguanil, la méfloquine, ou, dans certains cas, la doxycycline. [4] L’association atovaquone-proguanil a été évoquée plus haut. La méfloquine, ou quinoléine méthanol, est commercialisée en France sous le nom de Lariam® (Roche, Neuilly-surSeine, France), sous forme de comprimés quadrisécables dosés à 250 mg. Il n’existe pas de forme pédiatrique.



Lariam®

La posologie recommandée est de 5 mg/kg/semaine chez l’enfant de plus de 15 kg. La molécule n’a pas l’autorisation de mise sur le marché en prophylaxie pour des poids inférieurs à 15 kg, mais elle peut être utilisée dès 5 kg en traitement curatif.

Comme chez l’adulte, il est souhaitable de tester la tolérance du produit 8 à 10 jours avant l’arrivée en zone d’endémie. La prise hebdomadaire doit être poursuivie durant toute la durée du séjour et 3 à 4 semaines au retour. Le mauvais goût du médicament peut être un obstacle en pédiatrie, et il a pu être recommandé d’administrer la méfloquine après le repas, avec du cola ou du chocolat. [7] Le mode d’action de la méfloquine est mal connu. Comme les autres quinoléines, elle inhibe la cristallisation de l’hème. [6] L’efficacité de la méfloquine est large : la résistance de Plasmodium à la molécule touche essentiellement les zones frontalières de la Thaïlande avec le Cambodge et le Myanmar. La tolérance de la méfloquine est sujette à polémique. [21, 22] En France, les effets secondaires des traitements antipaludéens rapportés aux centres de pharmacovigilance ont été récemment publiés [23]: en chimioprophylaxie, ils concernaient plus l’association chloroquine-proguanil que la méfloquine. Dans d’autres études, [14, 18] méfloquine et chloroquine-proguanil semblent

4

comparables, moins bien supportés que l’atovaquone-proguanil. En pédiatrie, on retrouvait récemment 10 % d’effets secondaires chez les enfants prenant de la méfloquine (diarrhée, anorexie, cauchemars, céphalées, troubles du sommeil, hallucinations, vomissements{), contre 23 % chez ceux qui prenaient de la chloroquine. [24] Quoi qu’il en soit, la tolérance de la méfloquine semble meilleure en traitement préventif qu’en curatif, notamment chez l’enfant où les vomissements sont fréquents. [25] Les contre-indications de la méfloquine en pédiatrie sont les antécédents psychiatriques, les anomalies du rythme cardiaque, les traitements anticonvulsivants ou les antécédents de convulsions répétées. [7] La doxycycline (Doxypalu ® ), quant à elle, est rarement employée en pédiatrie car contre-indiquée chez l’enfant de moins de 8 ans (risque d’altérations de l’émail dentaire). Au-dessous de 40 kg, la posologie est d’un demi-comprimé à 100 mg, alors que le comprimé entier peut être donné au-delà de 40 kg. Son efficacité protectrice, supérieure à 90 %, la fait discuter dans des cas très particuliers, pour des zones où la multirésistance est élevée (en Asie du Sud-Est notamment). [5]

■ Molécules en évaluation Récemment, deux amino-8 quinoléines ont été considérées en matière de chimioprophylaxie antipaludéenne. Elles sont théoriquement toutes deux contre-indiquées en cas de déficit en G6PD, car pouvant causer des hémolyses graves chez les sujets porteurs de cette anomalie. Elles ne font l’objet en France, d’aucune recommandation officielle. La primaquine (Sanofi-Synthelabo Inc., New York, ÉtatsUnis) a été utilisée depuis les années 1950 pour éradiquer les formes latentes intrahépatiques en cas de récurrence répétée d’accès à Plasmodium vivax ou ovale. Son efficacité en prophylaxie vis-à-vis de Plasmodium falciparum et vivax a été démontrée en zone d’endémie, y compris chez des enfants de plus de 8 ans. [26, 27] La dose recommandée est de 0,5 mg/kg/j, avec un maximum de 30 mg/j. La prise peut être débutée le jour du départ et ne doit être poursuivie que 3 jours au retour. Les effets secondaires sont rares, légers et transitoires (méthémoglobinémie). La tafenoquine (GSK, Marly-le-Roi, France) est un analogue synthétique de la primaquine à demi-vie beaucoup plus longue (14 jours contre 6 heures). En zone d’endémie, 250 mg/j pendant 3 jours successifs permettent une protection de 11 semaines au moins. [28] Les personnes porteuses d’un variant A de déficit en G6PD (variant fréquent en Afrique) ne semblent pas faire d’hémolyse particulière. La tolérance semble comparable à celle d’un placebo. Plus récemment, 400 mg/j pendant 3 jours, suivis de 400 mg/mois ont montré une bonne efficacité chez l’adulte en zone frontalière entre Thaïlande et Cambodge (haut niveau de chimiorésistance). [29] La prise orale mensuelle permise avec ce produit est bien entendu un argument extrêmement intéressant pour améliorer la compliance.

■ Comment améliorer l’efficacité de la chimioprophylaxie antipaludéenne ? Quelle que soit la chimioprophylaxie, l’adaptation de la médication au risque réel du voyage, et la compliance du voyageur à la prophylaxie sont essentielles pour assurer une bonne efficacité. Adapter la chimioprophylaxie aux conditions du voyage est difficile pour plusieurs raisons : défaut d’information des médecins prescripteurs de première ligne, coûts importants des médications (non remboursées pour la plupart) qui conduisent au remplacement de l’une par l’autre en fonction du prix{ mais aussi manque de données de terrain. Ainsi, la prescription découle parfois de données parcellaires ou anciennes, qui ne sont pas adaptées à la réalité actuelle du terrain. En effet, la chimiosensibilité de Plasmodium évolue rapidement dans le temps et l’espace, rendant parfois caduques Pédiatrie/Maladies infectieuses

Chimioprophylaxie du paludisme chez l’enfant ¶ 4-320-A-30

Tableau 2. Chimioprophylaxies disponibles en France chez l’enfant. Chimioprophylaxie

Forme galénique

Indication par groupe de pays

Posologie

Début du traitement avant le départ

Fin du traitement après le retour

Chloroquine = Nivaquine®

Sirop 25 mg/5 ml Comprimés 100 mg

1 et 2

1,5 mg/kg/j

Veille ou jour même

4 semaines

Proguanil = Paludrine®

Comprimés 100 mg

2

3 mg/kg/j

Veille ou jour même

4 semaines

Chloroquine (C) + proguanil (P) = Savarine®

Comprimés 100 mg (C) + 200 mg (P)

2

> 50 kg : 1 cp/j

Veille ou jour même

4 semaines

Atovaquone (A) + proguanil (P) = Malarone®

Comprimés pédiatriques 62,5 mg (A) et 25 mg (P) Comprimés adultes 250 mg (A) et 100 mg (P)

2 et 3

> 10 kg : 1 cp Péd./10 kg/j Veille ou jour même > 40 kg : 1 cp Ad./j

1 semaine

Méfloquine = Lariam®

Comprimés à 250 mg

3

> 15 kg : 5 mg/kg/semaine

8 à 10 jours avant

3 semaines

Doxycycline = Doxypalu®

Comprimés à 100 mg

3

> 8 ans et < 40 kg : 1/2 cp/j > 8 ans et > 40 kg : 1 cp/j

Veille ou jour même

4 semaines

les recommandations officielles. [30, 31] La compliance, particulièrement en pédiatrie, pose aussi problème. Dans une série française récente de grande taille, seuls 62 % des enfants souffrant de paludisme d’importation avaient pris une chimioprophylaxie, fréquemment inadaptée, et son observance n’était correcte que dans 38 % des cas. [32] Notre expérience retrouvait des chiffres encore plus bas. [33] Là encore, les explications mêlent défaut d’information, coût élevé et habitudes culturelles.

[8]

[9]

[10]

■ Conclusion Les recommandations françaises de chimioprophylaxie antipaludéenne, résumées dans le Tableau 2, sont identiques chez l’adulte et l’enfant, mais la galénique de la majeure partie des produits disponibles n’est pas adaptée aux plus jeunes. L’association atovaquone + proguanil, qui possède justement une forme pédiatrique, paraît intéressante car efficace, y compris dans les zones de résistance au proguanil (en raison de la synergie d’action entre les deux produits). La méfloquine est mieux tolérée que ne le laisse penser sa réputation. La difficulté principale est l’adaptation de la thérapeutique préventive à la réalité de la résistance plasmodiale sur place, car beaucoup de données de terrain manquent. Les moyens d’améliorer la compliance passent probablement par l’adaptation de la galénique à l’enfant, l’espacement des prises, la réduction des coûts des médications, l’information des voyageurs et des médecins prescripteurs de première ligne et la sensibilisation à la gravité potentielle de la maladie.

[11]

[12] [13]

[14]

[15]

[16]

[17]

■ Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7]

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Pédiatrie/Maladies infectieuses

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Pour en savoir plus OMS (Genève, Suisse): www.who.int CDC (Atlanta, USA): www.cdc.gov/travel/ Ministère des Affaires étrangères (situation politique et sanitaire): www.diplomatie.fr Edisan (liens avec d’autres sites): www.edisan.fr Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille: www.mit.ap-hm.fr CHU Rouen: www.chu-rouen.fr Travel Santé (payant): www.travelsante.com Camus D, Djossou F, Schilthuis J, Hogh B, Dutoit E, Malvy D, et al. Atovaquone-proguanil versus chloroquine-proguanil in nonimmune pediatric travelers: results of an international, randomized, open-label study. Clin Infect Dis 2004;38:1716-23. Alonso PL, Sacarlal J,Aponte JJ, LeachA, Macete E, Milman J, et al. Efficacy of the RTS,S/AS02Avaccine against Plasmodium falciparum infection and disease in young African children: randomised controlled trial. Lancet 2004;364:1411-20. Van de Perre P, Dedet JP. Vaccine efficacy: winning a battle (not war) against malaria. Lancet 2004;364:1380-3. Richie TL. Malaria vaccines for travelers. Travel Med Infect Dis 2004;2:193210. Moore SA, Surgey EGE, Cadwgan AM. Malaria vaccines: where are we and where are we going? Lancet Infect Dis 2002;2:737-43. Fontanet AL, Houzé S, Keundjian A, Schiemann R, Ralaimazava P, Durand R, et al. Efficacy of antimalarial chemoprophylaxis among French residents traveling to Africa. Trans R Soc Trop Med Hyg 2005; 99:91-100. Lawrance CE, Croft AM. Do mosquito coils prevent malaria? A systematic review of trials. J Travel Med 2004;11:92-6. Stauffer WM, Kamat D, Magill AJ. Magill AJ. Traveling with infants and children. Part IV: insect avoidance and malaria prevention. J Travel Med 2003;10:225-40.

P. Minodier ([email protected]). Accueil des urgences pédiatriques, CHU Nord, Chemin des Bourrelly, 13920 Marseille cedex 20, France. G. Noël. Service de pédiatrie, CHU Nord, Chemin des Bourrelly, 13915 Marseille cedex 20, France. P. Blanc. Accueil des urgences pédiatriques, CHU Nord, Chemin des Bourrelly, 13920 Marseille cedex 20, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Minodier P, Noël G, Blanc P. Chimioprophylaxie du paludisme chez l’enfant. EMC (Elsevier SAS, Paris), Pédiatrie/Maladies infectieuses, 4-320-A-30, 2005.

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