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La Finance Islamique au Maroc : L'Alternative Ethique Article · January 2016 DOI: 10.12816/0040378
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1 author: Adil Cherkaoui Université Hassan II de Casablanca 11 PUBLICATIONS 5 CITATIONS SEE PROFILE
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N°2 janvier 2016
La Finance Islamique au Maroc : l’Alternative Ethique Adil CHERKAOUI Chercheur ès Sciences de Gestion, Laboratoire de Recherche en Gestion des Compétences, de l’Innovation et des Aspects Sociaux des Organisations et des Economies (GECIAS), Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales – Ain Chock, Université Hassan II – Casablanca. Résumé : La finance islamique est désormais une composante essentielle de la finance mondiale. Elle connait une croissance vertigineuse dans plusieurs pays musulmans à l’instar des pays du Golfe et de l’Asie sud-est. Elle a fait preuve d’innovation et a pu s’implanter dans plusieurs pays non musulmans où elle cohabite avec la finance conventionnelle. En effet, la demande accrue des produits financiers islamiques a fait qu’elle est devenue de nos jours un acteur primordial qu’aucun pays ne peut plus négliger. C’est ainsi que nous essayerons de mettre un focus sur la dimension éthique de la finance islamique. Avant d’expliciter les éventuels enjeux qu’elle présenterait pour l’ensemble des opérateurs socio-économiques au Maroc, particulièrement aux banques commerciales, Bank Al -Maghrib, le Trésor et les acteurs du marché financier local. Ensuite, nous aborderons les opportunités qu’elle offrirait en matière de sa contribution au financement des secteurs prioritaires pour le Maroc, la bancarisation de sa population et la promotion de la solidarité sociale à travers la mise en place des fonds de la ZAKAT. Mots clés : banques islamiques, développement économique, bancarisation, solidarité sociale, sukuks. Abstract : Islamic finance is now an essential component of global finance. She knows a dizzying growth in several Muslim countries like the Gulf countries and South East Asia. She made innovation and was able to locate evidence in several non-Muslim countries where it coexists with conventional finance. Indeed, increased demand for Islamic financial products has made it has become nowadays a key actor that no country can be neglected. Thus we will try to put a focus on the ethical dimension of Islamic finance. Before explaining potential issues that it would present for all socio-economic operators in Morocco, especially commercial banks, Bank Al -Maghrib, the Treasury and the actors of the local financial market. Then we will discuss the opportunities it would offer for its contribution to the financing of the priority sectors for Morocco, banking services of its population and the promotion of social solidarity through the establishment of funds ZAKAT. Keywords: Islamic banks, economic development, banking, social solidarity, sukuk.
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Introduction : Le Maroc dispose d’atouts considérables qui lui permettent de se positionner comme un pôle financier pouvant drainer des financements islamiques conséquents. D’abord, le Maroc jouit d’une stabilité politique et d’une situation géopolitique lui conférant un statut de plateforme entre l’Europe et l’Afrique. Il dispose, également, du système financier le plus performant dans la région MENA : un marché des capitaux compétitif et très élaboré, un secteur d’assurance qui se positionne comme le deuxième en Afrique et un secteur bancaire mature et très développé qui fait ses preuves dans plusieurs pays africains. En plus, le pays a mis en chantier plusieurs projets d’investissements lancés dans le cadre des stratégies sectorielles. Il ambitionne de développer des secteurs prioritaires particulièrement dans les domaines de l’infrastructure (autoroutes, barrages, chantiers navales...), du tourisme, de l’énergétique, de l’agriculture, de l’industrie agro-alimentaire, de l’immobilier, et de ses nouveaux métiers mondiaux. Ceux-ci étant en quête de financements et par conséquent, sont susceptibles d’attirer les capitaux islamiques. D’autant que le Maroc peut avoir une longueur d’avance sur tous ses concurrents en matière d’attractivité de ces capitaux et ce de par ses liens historiques et politiques privilégiés avec les pays du Golfe, liens scellés dernièrement par l’invitation du Maroc à rejoindre le conseil de coopération du Golfe. Ceci se concrétise par l’intérêt affiché par plusieurs grandes banques de la place à l’instar de Qatar Islamic Bank, Kuweit Finance House, Dubaï Islamic Bank, Islamic Bank of Bahreïn… qui ont affiché aux autorités marocaines leurs intérêts à s’implanter au Maroc. Enfin, le Maroc, qui ambitionne de faire de la place financière de Casablanca (à travers la mise en place du projet « Casablanca Finance City ») une plateforme incontournable au carrefour des continents, a tout intérêt à saisir ces opportunités en capitalisant sur ses atouts. Ainsi, le Maroc est-il conscient de telles opportunités ? Quels sont les enjeux et les opportunités que la finance islamique pourrait apportée à l’économie marocaine ? En quoi la finance islamique pourrait être appréhendée comme une alternative dite « éthique » ? Dans ce sens, notre article apportera des éclaircissements sur la dimension éthique de la finance islamique. Avant, de proposer quelques pistes de réflexions sur les enjeux et les opportunités de la finance islamique pour le Maroc sur la base d’une étude exploratoire.
1. L’alternative éthique : La désintermédiation, la déréglementation et le décloisonnement des marchés financiers ont été à l’origine du développement spectaculaire du système financier conventionnel. Toutefois, la récurrence des crises financières dont la plus récente est celle des « SUBPRIMES » a révélé la complexité du système et sa vulnérabilité, dues principalement aux innovations financières et à la libéralisation démesurée de l’économie. Les défaillances observées, ont été liées en partie aux problèmes d’ordres éthiques et moraux ainsi qu’à la nature du système de financement qui encourage l’endettement à travers les systèmes du crédit et de la titrisation. 2
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Dès lors, la recherche des profits optimums à travers le financement à effet de levier, la vente à découverte et le comportement spéculatif des acteurs des marchés ont entrainé une détérioration éthique des systèmes bancaires et financiers conventionnels. L’opacité au niveau de l’information financière, l’avidité, la cupidité, la corruption, l’asymétrie de l’information et le manque de transparence ont caractérisé le comportement des institutions conventionnelles et des intervenants des marchés financiers.1 De là, ces pratiques sont belles et bien inappropriées et contraires à l’éthique des affaires étant donné qu’elles encouragent les opérations à caractère spéculatif au détriment des celles orientées vers l’investissement productif et réel dans les sociétés. Les principales causes expliquant cette situation sont : -
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Une titrisation qui a été utilisée d’une manière abusive ; La complicité des agences de notation ; Des crédits octroyés sur des bases peu saines eu égard aux risques qui n’ont pas été bien mesurés vu l’existence d’une possibilité de les transférer à travers le mécanisme de la titrisation ; La réévaluation des actifs par les banques au prix des marchés afin d’accorder plus de crédits aux consommateurs ; L’asymétrie de l’information et le manque de transparence.
L’apparition de cette crise, avec les différentes causes citées, souligne la présence d’un problème d’ordre éthique dans les pratiques des banques conventionnelles et des comportements des acteurs des marchés financiers qui ne sont nullement conformes à la déontologie professionnelle : spéculation, titrisation des crédits non performants, effet de levier excessif, fraudes financières…etc. Ceci dit, la nécessité d’adopter des règles de bonnes conduites permettant de consolider le capital - confiance afin de surmonter cette crise demeure impérative. En plus, il est recommandé d’ancrer les principes de la concurrence déloyale sur le marché, d’établir un comportement sur la base d’un couple rendement-éthique afin d’assurer la survie et la pérennité de ces institutions et enfin, de recourir à une intermédiation bancaire fortement ancrée dans l’économie réelle en se basant sur un partage réel des profits et des pertes dans un souci d’équité et de justice plutôt que de rester dans une optique de contrats de dettes. Toutes ces solutions constituent, le socle et les fondements de base de la finance islamique qui présente à l’heure actuelle une alternative plus éthique capable d’apporter une correction aux lacunes du système conventionnel. En effet, « les banques islamiques sont considérées comme un refuge relativement sûr contre les turbulences des marchés financières mondiaux, et elles
HAMZA H. et GUERMAZI-BOUASSIDA S. « Financement bancaire islamique : une solution éthique à la crise financière », La Revue des Sciences de Gestion, 2012/3 n° 255-256, p. 163. 1
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incarnent un certain esprit d’équité et de justice par rapport à l’univers souvent impitoyable de la finance occidentale ».2 [OCDE 2009] L’islam repose sur des principes à la fois éthiques, moraux, sociaux, et religieux pour défendre l’égalité, l’équité et le bien-être de toute la société. Elle incite à l’honnêteté, à la confiance, au respect de l’autrui et à la justice sociale. La finance islamique, elle, puise ses fondements des préceptes de la Charia et offre un modèle à la fois rentable et éthique3. Dans le système capitaliste moderne, le fait économique est tout à fait autonome de toute considération religieuse. En revanche, pour l’économie islamique, la religion est tout à fait présente dans tout processus économique ou financier. Dès lors, l’acte économique ne peut pas s’effectuer en dehors du champ de la religion islamique. En effet, « la culture islamique ne peut intégrer l’utopie occidentale d’un marché autonome […] qui suppose que l’Homme n’agit qu’en fonction de son intérêt individuel et de la possession des biens économiques. Tout à l’opposé, l’économie s’insère en islam dans une rationalité qui n’est ni individuelle, ni collective, mais essentiellement réglée par le besoin de sauvegarder l’intégration sociale »4. Le but de l’activité financière islamique est d’établir un équilibre social, éthique et moral au niveau des relations économiques. La banque islamique a pour mission d’offrir aux sociétés des modes de financement alternatifs conformes aux préceptes de la Charia. De là, la relation entre la banque et ses clients repose sur la confiance mutuelle renforcée par des convictions religieuses communes. Les principes de la Charia appliqués par la banque islamique mettent l’accent sur l’interdiction des facteurs majeurs liés aux crises financières tels que les taux d’intérêt, la spéculation, la titrisation, le manque de transparence, l’asymétrie de l’information et la prise des risques excessives dans les opérations financières. Dans ce sens, la titrisation qui consiste à transférer un risque d’une société à une autre, est rejetée par la finance islamique étant donné que la banque doit assumer pleinement le risque lié à n’importe quelle opération qu’elle effectue. La doctrine économique islamique interdit le transfert des dettes et des risques puisqu’elle se fonde sur le principe de partage des profits et des risques. Elle incite le banquier à mieux analyser les risques avant d’effectuer de telle ou telle opération parce qu’il est censé l’assumer pleinement. Dans le cadre de l’ingénierie financière islamique, seule la titrisation basée sur un transfert de la propriété du bien tangible sur la base duquel repose l’opération en question est
Organisation de la coopération et du développement économique : OCDE, » rapport annuel 2009 », consultable sur : www.oecd.org, consulté le 10/05/2013. 2
L’islam est la religion qui incite l’homme à s’engager davantage dans le processus du développement économique et social visant le bien être individuel et collectif. Pour l’islam, l’Homme est investi d’une mission par Dieu consistant à animer toute activité de création, de mise en valeur, de protection, de développement des ressources mises à la disposition de l’humanité. (Cette mission est appelée ISTIKHLAF اإلستخالفet l’œuvre humaine est qualifiée AL IIMAR )اإلعمار. 3
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Isabelle CHAPELLIERE, « éthique et finance en islam », édition Koutoubia, Novembre 2009, P : 55.
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permis. En plus, celle relative à un refinancement à travers l’émission des certificats d’investissements (les Sukuks).5 Par ailleurs, le taux d’intérêt, l’une des causes de la crise, est prohibé dans la finance islamique car il est de nature à renforcer la position dominante des riches sur les pauvres. Le prêteur est assuré d’un gain sur le prêt accordé, il reçoit une rémunération fixe et indépendante de la réussite ou de l’échec de l’activité financée. En cas de profits importants, il reçoit une partie insignifiante des bénéfices, ce qui est totalement contradictoire avec les principes de l’islam qui n’encourage pas les inégalités et les iniquités puisque la richesse doit être répartie selon l’effort et la prise de risque.6 En ce sens, la doctrine économique islamique considère que la monnaie n’est qu’un instrument d’échange et de ce fait, elle ne doit pas constituer une source de rente par le biais de la spéculation. Elle considère que l’économie ne doit pas être indépendante de l’éthique comme la richesse ne doit pas être dissociée du bien être. L’imbrication de ces deux représentations crée les conditions de l’équilibre social. Dans le même ordre d’idées, « l’économie n’est qu’un moyen de prouver sa foi et d’augmenter la grâce du dieu par des comportements conformes aux préceptes religieux, et non une fin en soi. La seule finalité est le Salut de l’Homme et sa recherche passe, dans l’islam, par des comportements permettant la prospérité de la communauté musulmane »7. Le taux d’intérêt est aussi inflationniste qui impact négativement les pouvoirs d’achats et crée une dichotomie entre l’économie réelle et la sphère financière. Pour cela, toutes les transactions financières et bancaires effectuées dans son cadre doivent impérativement adossés à des actifs réels et identifiables. Ce qui ancre la banque islamique dans l’économie réelle étant donné qu’elle achète, elle-même ou à son nom via un intermédiaire, l’actif réel et identifiable, éventuellement, le stocke et le revend au client en assumant une partie des risques commerciaux, juridiques et de marché lié à cet actif8. La finance islamique interdit également la spéculation, l’incertitude et l’aléa moral (Gharar et Maysir) en excluant toutes les opérations ou contrats contenant des parts insignifiantes d’ambigüité, d’incertitude ou du hasard sur les caractéristiques des biens échangés. Ainsi que toutes formes de corruption puisqu’elle exige la transparence des opérations et des transactions effectuées dans son cadre. Le but étant d’établir un équilibre entre les parties contractantes : aucune partie ne doit pas être lésée par le fait du manque d’informations au moment de l’engagement. Ainsi, la finance islamique constitue une forme d’investissement socialement responsable puisqu’elle permet d’investir dans des secteurs dits « licites » selon la Charia à travers le Youssef ELHANZZAOUNI, « Finance Islamique : Fondements, mécanismes et apports », 2011 Editions & Impressions Bouregreg, P : 146. 5
Virginie MARTIN, « la finance islamique : un nouveau pas vers une finance éthique », réalités méconnues – gérer et comprendre N°108, Juin 2012, P : 17. 6
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Isabelle CHAPELLIERE, Op. Cit., P : 22.
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HAMZA H. et GUERMAZI-BOUASSIDA S., Op. Cit., p. 163.
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financement des projets qui stimulent la croissance économique et qui améliorent le bien-être collectif sans compromettre celui des générations futures.9 En effet, l’islam place l’environnement, le bien-être collectif, l’intérêt des générations futures au centre de ses préoccupations étant donné que toute initiative, qui milite dans ces engagements sera récompensée. De même, tout comportement qui ne respecte pas cette éthique sera banni. Cela implique l’interdiction de transactions financières ou de coopération avec des sociétés qui interviennent dans des secteurs illicites comme : -
L’armement ; L’alcool, le vin et le tabac ; L’industrie bancaire et financière conventionnelle ; La pornographie ; Les jeux du hasard ; Les activités polluantes ; Les produits nocifs à la santé et à l’environnement ;
Et d’une manière plus globale, toute activité qui porte préjudice à la nature, au bien-être collectif et à l’environnement.10 L’objectif est de promouvoir le bien-être collectif des gens et des générations futures, ce qui réalise la protection de leur foi, de leur vie, de leur intelligence, de leur prospérité et de leur richesse. L’islam encourage les projets d’investissements qui auront des retombées bénéfiques sur la collectivité. Dieu récompensera les efforts accomplis par tout investisseur ayant contribué à la mise en place de projets bénéfiques à la communauté. Dans ce sens, nous constatons que la finance islamique est une finance plus éthique, favorable au développement durable des économies à travers la promotion des investissements socialement responsables.
2. Les enjeux de la finance islamique pour les opérateurs socioéconomiques au Maroc : a. Pour les Banques Commerciales : L’introduction de la finance islamique constitue une réelle opportunité de développement de l’activité bancaire au Maroc étant donné la forte demande de tels produits émanant à la fois de la part de la population et des opérateurs. Elle constitue un relais de croissance de leur activité eu égard au poids de la demande tant nationale qu’internationale, sa contribution à l’amélioration du niveau de bancarisation, et ses capacités à mobiliser de l’épargne qui leur échappe pour des raisons religieuses. En effet, les banques commerciales doivent se préparer en capitalisant sur l’expérience de 2007, où Bank Al- Maghrib avait autorisé la commercialisation des produits dits alternatifs à savoir moucharaka, mourabaha et ijara, en proposant une offre de produits diversifiée qui répondra aux attentes des consommateurs et 9
Ibid., p. 164.
10
Youssef ELHANZZAOUNI, Op. Cit.,, P : 21.
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des opérateurs notamment avec l’arrivée des grandes banques islamiques ayant eu récemment l’agrément de Bank Al- Maghrib et disposant d’une grande expérience dans ce domaine. Pour ce faire, les banques marocaines disposent de trois possibilités11 : Une transformation totale de l’activité. Celle-ci est très coûteuse, très lourde et moins commode étant donné qu’elle suppose une refonte totale de l’activité conventionnelle afin de la remplacer par une autre conforme à la charia. Cela suppose une restructuration de la banque en modifiant l’organisation, le système d’information, le système du contrôle interne, la comptabilité, le mode de gouvernance… étant donné que la banque islamique est particulièrement spécifique par rapport à la banque dite conventionnelle. En plus, une très lourde formation des équipes s’avère nécessaire afin de les adapter aux nouveaux changements…vers la création d’une nouvelle culture d’entreprise et d’un nouveau mode de gestion totalement différent de celui pratiqué au sein des établissements conventionnels. Cette possibilité est difficilement applicable au contexte marocain. La deuxième possibilité consiste à créer des guichets islamiques (Islamic Windows) qui seront des simples départements internes au sein même de la banque conventionnelle, se chargeront de gérer un pôle de produits conformes à la charia avec une nette séparation avec l’activité conventionnelle. Cette configuration est moins coûteuse, moins lourde et par conséquent plus commode que la première. Elle supposera l’affectation d’équipes propres à ces produits qui auront la compétence nécessaire, la mise en place des comités d’audit afin d’éviter les risques de non-conformité, la mise en place d’un mode de gestion spécifique conforme aux spécificités d’une telle activité, et une nette séparation entre l’activité islamique de celle dite conventionnelle. Malgré tout, les guichets islamiques comportent un inconvénient commercial lié à la perception du public qui est défavorable et moins encourageante. Celle-ci pourra s’atténuer avec la labellisation du comité de la charia pour la finance de Bank Al- Maghrib. La création des guichets islamiques présente, alors, une solution intermédiaire pour lancer et promouvoir l’activité financière islamique au Maroc. La troisième configuration éventuelle pour les banques marocaines réside dans la création de filiales spécialisées dans la commercialisation des produits conformes à la charia à l’instar de l’expérience d’ATTIJARIWAFA BANK qui a crée, à l’initiative de Bank Al- Maghrib en 2007, une filiale Dar Asafaa consacrée spécifiquement aux trois produits autorisés. Elle a l’avantage de contourner les limites des deux possibilités précédentes et comporte d’autres avantages à savoir : - La supervision de l’adéquation du capital et du respect des règles prudentielles par la Banque Centrale s’avère plus facile ; - L’uniformité des risques contractuels (risques contractuels typiques au titre des contrats mourabaha, moucharaka, ijara…) permet une meilleure maitrise du RISK management ; - Plus de transparence au niveau des rapports entretenus entre la filiale, les déposants et les investisseurs surtout en termes de distribution des profits ;
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« Quelle gouvernance pour la banque islamique ? », ISLAMIC FINANCIAL TIMES, 02/01/2013.
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- L’unicité des traitements comptables facilitera le travail de comité d’audit interne ainsi que celui du comité de la chariaa pour la finance ; - Les règles de REPORTING comptable permettent un vrai BENCHMARKING entre les filiales elles-mêmes, et en comparaison avec les banques conventionnelles. Il apparait bel et bien que la troisième possibilité est la plus appropriée au contexte marocain dans la mesure où la filialisation des banques permettra une meilleure maîtrise de leurs risques spécifiques en interne, une meilleure transparence de leurs activités et de leurs comptes et une meilleure supervision externe.
b. Pour Bank Al -Maghrib : Les enjeux de la finance islamique pour Bank Al -Maghrib en tant qu’institution de régulation sont de mettre en place un cadre légal et réglementaire propice à l’émergence et au développement des institutions financières islamiques, de les agréer étant donné qu’il s’agit d’un secteur fortement réglementé et par conséquent toute institution souhaitant exercer une telle activité doit impérativement avoir son agrément, et enfin d’assurer le contrôle et la supervision des activités en veillant à la conformité des produits commercialisés et des transactions financières effectuées aux préceptes de la charia. En effet, Bank Al -Maghrib a préparé un projet de refonte de la loi bancaire visant la réforme de la réglementation sectorielle afin de créer, justement, le cadre juridique propice aux banques islamiques (dites participatives)12. Celui-ci prévoit la mise en place d’un comité de la charia pour la finance, en vertu de l’article 61 du dit projet de loi. Les modalités de son fonctionnement ainsi que sa composition seront fixées par décret que Bank Al -Maghrib est tenu d’établir. Ce comité à pour objectif, selon l’article 62, de se prononcer sur la conformité à la charia des opérations et produits offerts au public ; de répondre aux consultations des banques ; de donner un avis préalable sur le contenu des campagnes de communication des établissements de crédit exerçant l’activité prévue par le présent titre ; et de proposer toute mesure de nature à contribuer au développement de tout produit ou service financier conformes à la Charia. Le secrétariat du Comité sera assuré par Bank Al -Maghrib en vertu de l’article 64. Les avis prononcés par le Comité seront opposables aux banques participatives et à toute autre institution financière offrant des produits ou des services conformes à la charia. Ils prévaudront sur toute interprétation contraire (Article 63). Les banques participatives seront tenues d’adresser, à la fin de chaque exercice, au dit comité, un rapport d’évaluation sur leur conformité aux préceptes de la charia. (Article 65) En plus, elles seront tenues de communiquer à Bank Al -Maghrib, dans les conditions qu’elle fixe, un rapport sur la Secrétariat Général du Gouvernement, «Projet de réforme de la loi n°34-03 relative aux Etablissements de crédit et organismes assimilés », 04/09/2012, consultable sur : www.sgg.gov.ma Voir aussi « Etablissements de Crédit : Nouvelle réglementation pour les produits islamiques », l’Economiste, 29/03/2013. 12
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conformité à la charia. (Article 67) Ce dernier rédigera et publiera un rapport annuel faisant ressortir les avis prononcés au cours de l’exercice écoulé ainsi que son appréciation et/ou son évaluation quant à la conformité des banques participatives aux dites préceptes (Article 66). Dès lors, l’institutionnalisation du contrôle et de la supervision en matière de la conformité des produits et des opérations constitue l’enjeu majeur pour Bank Al- Maghrib étant donné que la conformité à la charia par le haut niveau est très importante pour la sérénité du marché afin de susciter la confiance des opérateurs, des consommateurs et surtout des investisseurs étrangers. C’est la mesure la plus appropriée qui crédibilisera l’offre nationale en la matière, poussera les consommateurs à interagir favorablement avec l’offre et surtout attirera davantage les investisseurs étrangers. Enfin, la réglementation est aussi un des piliers nécessaires pour garantir le fonctionnement du secteur en évitant tout vide juridique pouvant freiner le développement d’une telle activité au Maroc, dans la mesure où le risque juridique est l’une des variables qui motive et oriente les décisions d’investissement. Il s’agit d’une mission que Bank Al -Maghrib devra remplir.
c. Pour le Trésor et le Marché Financier : L’amendement de la loi n°33-06 relative à la titrisation des créances13 permet à de nouveaux intervenants d’accéder au marché de la titrisation notamment les entreprises et l’Etat avec la possibilité d’émettre des sukuks sur la place financière Casablancaise. Cette mesure permettra au Trésor de compléter ses sources de financement en émettant, en vertu de ses propres besoins, des sukuks souverains afin de lever les fonds nécessaires au financement des grands projets escomptés. A titre d’exemple, les distributeurs de produits pétroliers pourront émettre des sukuks représentant des créances détenues sur la caisse de compensation. Cette opération permettra à l’Etat de répartir sa dette à moyen terme en allégeant sa trésorerie ainsi qu’un soulagement de la trésorerie des pétroliers14. L’introduction des sukuks permettra également le financement de tous types d’actifs d’entreprises marocaines d’autant qu’elles peuvent solliciter à la fois les investisseurs du marché domestique et ceux internationaux, du Moyen Orient et de l’Asie en particulier 15. Elle positionnera le Maroc comme un hub financier régional à travers la mise en place de plateformes innovantes des financements structurés qui contribueront au développement du projet Casa Finance City qui aspire à se placer comme le premier hub financier en Afrique. A l’heure actuelle, le besoin accru en liquidités et la contraction des crédits bancaires accentuent le besoin des acteurs du marché quant à l’accès à des nouvelles sources de financement à l’instar de l’émission des sukuks dans la mesure où ils représentent une
Secrétariat Général du Gouvernement, « Projet d'amendement de la loi n°33-06 relative à la titrisation de créances », 12/10/2012, consultable sur : www.sgg.gov.ma 14 « La titrisation s’ouvre à tous », l’Economiste, 16/10/2012. 15 Reda Bensaoud, « SUKU, l’autre financement halal », Les Echos, 01/11/2012. 13
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alternative aux prêts bancaires et un bon complément aux émissions obligataires classiques 16. En effet, l’intérêt affiché par les opérateurs est très encouragent à ce propos dans la mesure où 90 % des émetteurs envisageraient d’émettre des sukuks si le cadre légal l’autorisait au Maroc, en vertu d’une enquête effectuée par le CDVM17. En plus, 62 % des opérateurs sondés considèrent que les SUKUKS sont un complément aux financements traditionnels et 25 % les considèrent comme un substitut aux émissions classiques. L’enquête révèle également que 50% des intervenants sondés choisiraient, à coût égal, une émission sukuks au lieu d’une obligation classique et 13% opteraient pour les sukuks indépendamment de toute considération de coût. La plupart des opérateurs (62,5%) perçoivent les SUKUKS comme un instrument de dynamisation du marché boursier marocain. Par ailleurs, les investisseurs institutionnels opérant sur le marché déclarent, majoritairement, connaitre la finance islamique et les sukuks (90%) et 75% portent un avis positif sur cet instrument, insistent sur son attractivité afin de drainer l’épargne non captée par les instruments conventionnels et perçoivent l’utilité des sukuks comme moyen de diversification des portefeuilles. Le choix entre les sukuks et les obligations classiques s’effectuera sur la base du critère risque-rendement, de la stratégie d’investissement poursuivie et des besoins des clients qui peuvent être guidés par des convictions religieuses. De plus, la totalité des investisseurs déclarent qu’ils n’auront aucun problème à investir en sukuks tant qu’ils sont attractifs financièrement parlant et correspondent aux besoins des clients. De là, nous percevons les enjeux et les potentialités des instruments de la finance islamique, et des sukuks en particulier, en matière de diversification des sources de financement pour le trésor public et les acteurs du marché financier qu’ils soient émetteurs ou investisseurs.
3. Les opportunités en matière du développement socio-économique du Maroc : a. Financement de l’économie marocaine : Dans un souci d’assurer une croissance économique forte, durable et créatrice de richesse, le Maroc s’active à mettre en place des stratégies sectorielles ciblant volontairement des secteurs orientés à l’export où il dispose d’avantages compétitifs qui pourront améliorer sa compétitivité et son attractivité en matière d’investissements directs étrangers. Cette dynamique de développement s’appuie sur une nouvelle approche fondée sur la participation accrue et concentrée du secteur privé dans l’élaboration des stratégies et le financement des projets, centralisant ainsi le rôle de l’Etat sur ses prérogatives de régulation. En effet, ces stratégies ont pour but de développer les secteurs traditionnels de l’économie marocaine à savoir l’agriculture, la pêche, les mines et le tourisme, mais également le Reda Bensaoud, « la Titrisation 2.0 voit le jour », Les Echos, 31/10/2012. Centre Déontologique des Valeurs Mobilières -CDVM-, « Sukuk : Quel potentiel pour de développement du Maroc », 2013, P : 13 et 14. 16 17
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développement des nouveaux secteurs « émergents » tels que les énergies renouvelables, l’industrie automobile, la logistique, l’aéronautique et les services à forte valeur ajoutée où le Maroc offre de réels avantages compétitifs.18 Un tel développement nécessite de lourds investissements qui ne peuvent et ne pourront être supportés par les seules banques ou fonds locaux. Des moyens de financement alternatifs ou complémentaires s’avèrent nécessaires afin de répondre aux besoins des projets de développement escomptés, en l’occurrence les instruments de la finance islamique. Dès lors, l’implantation de la finance islamique au Maroc contribuera significativement au développement des secteurs ciblés dans le cadre de ces stratégies sectorielles en offrant des compléments aux financements traditionnels. A titre d’illustration19, nous présentons quelques possibilités d’utilisation de tels instruments dans des secteurs jugés prioritaires pour le Maroc : - Secteur Agricole : L’agriculture est l’une des locomotives de l’économie marocaine, c’est ainsi que le Maroc a mis en place le plan « Maroc Vert » consistant à développer l’agriculture et l’agro-industrie qui jouent un rôle déterminant dans les équilibres macro-économiques du pays, car ils supportent une charge sociale très importante ainsi qu’une grande responsabilité consistant à assurer la sécurité alimentaire de plus de 32 millions de consommateurs. Ceci dit, la mise en œuvre du plan « Maroc Vert » sollicitera de lourdes levées de fonds qui peuvent être facilitées par l’utilisation des modes de financement islamiques de type moucharaka, moudaraba, ijara et salam, parfaitement appropriés au secteur agricole et par conséquent constituent un très bon complément aux financements traditionnels. De plus, la finance islamique propose des modes spécifiques au secteur, notamment : la mouzaraa consistant à céder une terre pour qu’elle soit cultivée par une tierce personne et avoir une part de la récolte ; la mousaqate consistant à céder des arbres pour qu’ils soient irrigués par une tierce personne et avoir une part de la récolte et la mougharassa consistant à concéder une terre à un agriculteur qui se charge de sa plantation et de son entretien. Quand les arbres arrivent à la production, l’agriculteur aura droit à une part de cette dernière (généralement un tiers). - Secteur de la pêche : Au Maroc, le secteur de la pêche maritime a connu des avancées notoires avec la mise en place du plan « HALIEUTIS 2020 » qui consiste à moderniser les outils de production utilisés par les opérateurs du secteur, développer des espaces d’aquaculture, concevoir et réaliser des pôles de compétitivité pour les produits de la mer et d’aménager des pêcheries à travers le développement des infrastructures nécessaires, les halles de poisson et équipements associés notamment, ainsi que les plans de conservations des ressources. La mise en œuvre de tels projets de développement nécessite et nécessitera des lourdes levées de fonds qui pourront se Les 7 raisons d’investir au Maroc – Les stratégies sectorielles : Cf. http://www.invest.gov.ma Ces informations sont extraites des rapports économiques et financiers accompagnant les projets de loi des finances 2012 et 2103. Cité in « SUKUK : Quel potentiel de développement au Maroc ? », CDVM 2013, P : 40 – 45, consultable sur : http://www.cdvm.gov.ma/ 18 19
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faire en recourant aux instruments de la finance islamique dans la mesure où les modes de financement de type moucharaka, moudaraba, ijara ou istisnaa pourront être appropriés làdessus en facilitant la levée de fonds nécessaires. - Secteur Immobilier : Le Maroc a mis en place un plan de relance 2010-2020 du secteur de logements visant la réduction du déficit en la matière en le faisant passer de 840000 à 400000 unités, l’amélioration de la qualité architecturale et technique du cadre bâti, l’augmentation de la cadence de la mise en œuvre du projet « Villes sans bidonvilles » et la conception d’un nouveau cadre d’intégration urbaine et sociale de tels projets. Par ailleurs, le plan touristique « Vision 2020 » vise le doublement des arrivées touristiques pour atteindre 18 millions touristes et le positionnement du Maroc parmi les destinations touristiques les plus attractives en Afrique. Ceci passe et passera par la création de nouveaux sites touristiques qui s’ajouteront aux deux pôles internationaux Marrakech et Agadir. Le développement du secteur immobilier résiduel et touristique apparaît donc comme un bon support pour l’utilisation des modes de financement de type ijara et istisnaa qui peuvent être « titrisés » en émettant des sukuks sur le marché financier, facilitant ainsi la levée des fonds nécessaires pour la mise en œuvre des objectifs escomptés. - Secteur Industriel : Les plans « Emergence I et II » visent le développement du secteur industriel à travers la mise en place des plateformes industrielles intégrées en proposant des offres immobilières intégrées et variées selon les secteurs d’activités, des offres de services spécifiques aux activités à implanter ainsi qu’une connectivité aux pôles urbains. Ces plateformes nécessiteront des lourds investissements et peuvent être un support des modes de financement islamiques de type ijara et istisnaa. Aussi bien que la moucharaka et la moudaraba (et/ou les sukuks) afin de mobiliser les fonds nécessaires (surtout de l’étranger, les pays du Golfe notamment). - Secteur Energétique : La forte dépendance énergétique du Maroc pèse lourdement sur sa balance de paiement et sur le budget alloué à la caisse de compensation. C’est pour cette raison que le Maroc a mis en place une stratégie de développement des énergies renouvelables comme une alternative qui atténuera sa dépendance et allégera ses déficits enregistrés. Une telle stratégie sollicitera de lourdes levées de fonds dans un secteur où les budgets d’investissements sont colossaux. Le financement islamique de type Istisnaa, Moucharaka, Ijara et Moudaraba peut bel et bien être un très bon support qui facilitera la mobilisation des fonds nécessaires surtout à travers l’émission des sukuks sur le marché financier en sollicitant à la fois les investisseurs nationaux et étrangers. Par ailleurs, nous notons que les secteurs présentés dans cette partie ont été sélectionné dans le but d’illustrer certaines applications et de montrer les contributions éventuelles des instruments de financement islamiques aux développements des secteurs en question. Ainsi, d’autres secteurs, non évoqués, peuvent être financés par tels instruments en ce sens que la 12
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finance islamique propose des modes de financement alternatifs et/ou complémentaires aux financements dits traditionnels.
b. Bancarisation de la population : La bancarisation ou la pénétration des services bancaires représente le pourcentage de la population ayant accès aux services bancaires. Elle reflète le degré de pénétration du système bancaire dans les rouages de l’économie et renseigne sur le niveau de développement de l’offre des services financiers. Néanmoins, elle demeure tributaire de facteurs structurels tels que le niveau de développement économique et éducatif, la part de la population active et la confiance du public envers les institutions bancaires. La demande est mesurée généralement par le taux de bancarisation. Au Maroc, la bancarisation est en progression continue. Le taux de bancarisation 20 a passé de 24% en 2002 à 55% en 2012, soit une progression de l’ordre 129% en 10 ans21. Ce taux atteindra éventuellement les 62% à l’horizon 2013 selon une étude menée par le cabinet « SIA conseil » sur l'évolution du système bancaire.22 En revanche, la bancarisation au Maroc demeure modeste au regard des potentialités nationales. Les raisons en sont multiples, en particulier l’importance du secteur informel, le développement économique régional déséquilibré, la réticence à accepter les moyens de paiement scripturaux et les difficultés rencontrées pour accéder aux services financiers. Cette faiblesse impacte négativement la compétition entre les banques marocaines23 et pousse certaines en l’occurrence ATTIJARI WAFABANK, BMCE et la BCP à opter pour l’internationalisation de leurs activités afin de trouver de nouveaux relais de croissance. En effet, plusieurs actions ont été entreprises afin d’améliorer le niveau de bancarisation au Maroc à travers la mise en place, par Bank Al -Maghrib, d’une stratégie de développement du secteur financier à horizon 2020 visant l’élargissement de l’inclusion financière, l’accélération de la couverture des segments les moins bien servis « LOW INCOME BANKING » pour les populations rurales et périurbaines, les PME et les TPE, le recours à des solutions innovantes basées sur de nouvelles technologies et le positionnement de Casablanca comme centre financier régional, le renforcement du cadre légal et réglementaire du secteur, la modernisation et la sécurisation des systèmes de paiement utilisés, l’augmentation de la
Le taux de bancarisation usuellement utilisé par Bank Al-Maghrib correspond au rapport entre le nombre de comptes (y compris les comptes : Comptes et Chèques Postaux et Caisse d’Epargne Nationale ouverts chez Barid Al-Maghrib) et le total de la population. Notons que l’augmentation du taux de bancarisation est du à la création en 2010 d’une filiale AL BARID BANK par BARID AL MAGHRIB. Cette banque a pu récupérée les CCP anciens et dispose de plus de 1800 agences avec un portefeuille client de plus de 4 millions de Dirhams (Cf.www.albaridbank.ma). 21 « Bancarisation au Maroc : le taux passe de 24% à 55% en 10 ans », Le Matin, 14/04/2013. 22 « Un Taux de Bancarisation de 62% en 2013 », La Vie Eco, 30/01/2009. 23 « La concurrentiabilité du secteur bancaire : rapports de synthèses volets I et II », Conseil de la Concurrence, Mars 2013. 20
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capacité d’innovation des banques, la transformation des associations de microcrédit et l’agrément des banques islamiques.24 Dès lors, l’implantation des banques islamiques améliorera le taux de bancarisation au Maroc dans la mesure où la demande de tels produits est très forte et encourageante. Selon une enquête menée par l’IFAAS25, 97 % de la population marocaine serait intéressée par les produits de la finance islamique, comme le montre la figure ci-dessous :
Figure 11 : Attrait des produits de la finance islamique Seriez-vous intéressé(e) par les produits de la FI, s’ils sont disponibles au Maroc ?
Dans ce sens, 70 % des personnes sondées seraient attirées par des produits d’épargne et de placement et 88 % d’entre elles seraient intéressées par les produits de financement conformes à la charia. Ces chiffres reflètent tout le potentiel d’épargne qui échappe aux banques conventionnelles pour plusieurs raisons dont notamment celles liées aux convictions religieuses. Selon l’enquête, le potentiel de l’épargne s’exprime comme suit :
« La bancarisation, levier du développement socio-économique du Royaume du Maroc », Cabinet « SIA conseil » : consultable sur http://finance.sia-partners.com, consulté le 20 Juillet 2013. 25 L’Islamic Finance Advisory & Assurance Services (IFAAS) est un cabinet de consulting spécialisé dans les prestations de services et de conseils liées à la finance islamique pour tout acteur qui s’intéresse à ce secteur d’activité. Cf. « Finance Islamique : Un gisement inexploité », l’Economiste, 18/06/2012. Voir aussi Rapport CDVM, op. cit. p. 12. 24
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Figure 12 : Intention de recours à l’épargne islamique
Source : IFAAS
Ainsi, 47 % des personnes souhaitant recourir à l’épargne islamique, escompteraient mobiliser leur argent dans un compte d’une durée qui ne dépasserait pas les douze mois. Tandis qu’une partie non négligeable, soit 27 % des personnes sondées, souhaiteraient l’immobiliser d’une durée qui variait entre une et cinq années et 16 % d’entre elles escompteraient conserver ses fonds dans des comptes d’une durée qui dépasserait les cinq ans. En ce qui concerne le montant de l’épargne, 55 % de personnes interrogées souhaiteraient allouer une somme inférieure à 500 Dirhams de leurs revenus à l’épargne islamique par mois. Tandis que 40% souhaiteraient allouer une somme dépassant les 500 Dirhams : 8% entre 500 et 700 Dirhams et 32% dépasserait les 700 Dirhams. Ceci dit, le potentiel de la finance islamique au Maroc est énorme eu égard à sa contribution potentielle en matière d’amélioration du niveau de bancarisation des populations marocaines, ainsi que ses capacités à mobiliser de l’épargne afin de la drainer vers les projets d’investissements productifs. D’autant plus qu’il y a un grand intérêt des investisseurs opérant sur la place financière casablancaise à l’égard des sukuks. En effet, 90 % des acteurs du marché (émetteurs) envisageraient une émission des sukuks sur la bourse de Casablanca si la
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réglementation en vigueur l’autorise, en vertu d’une enquête menée par le CDVM26. En plus, 50 % des entreprises sondées substitueraient, à coût égal, les émissions des sukuks aux obligations classiques. Cela étant, la demande des produits financiers islamiques est fortement présente, porteuse et encourageante alors que l’offre se fait toujours attendre. Nous sommes alors face à un marché de l’offre et non de la demande dans la mesure où la réactivité des opérateurs et des autorités n’est nullement au même rythme comparativement au poids de la demande de la population marocaine en la matière. De là, l’implantation des banques islamiques au Maroc aura certainement des retombées favorables en matière d’amélioration du niveau de bancarisation de la population en incluant davantage ceux et celles qui refusent de souscrire un compte bancaire pour des raisons religieuses dans le circuit économique national.
c. Solidarité sociale : Les fonds de la ZAKAT La zakat est l’un des cinq piliers de l’islam. Elle joue un rôle crucial en matière de lutte contre la concentration des richesses entre les mains d’une minorité et contribue ainsi à l’instauration d’une justice sociale fondée sur l’équité, en redistribuant la richesse, afin de préserver les équilibres économiques et sociaux et atténuer les écarts entre les classes sociales. A la différence de l’impôt, la zakat se caractérise par un champ d’application plus large dans la mesure où elle concerne à la fois, les revenus, la richesse et les biens latents. Son acquittement constitue un exercice éducatif pour l’individu en ce sens qu’il lui permet de développer le sens de la responsabilité envers sa société, luttant ainsi contre toute forme d’égoïsme. Dans ce sens, la zakat n’a pas un objectif égalitariste étant donné qu’elle protège la société contre les méfaits d’une tyrannie économique en l’absence d’un système juste, équitable et rationnel en matière de la répartition des revenus et des richesses27. En effet, la zakat corrige les inégalités dans la mesure où elle est prélevée sur les fortunes et redistribuées aux pauvres incapables de travailler (handicap, vieillesse, etc.) ; aux pauvres condamnés au chômage forcé jusqu’à ce qu’ils trouvent un emploi convenable ; et à toute personne ayant une occupation mais dont le revenu est en dessous du minimum d’aisance. Quelle que soit l’origine de l’inégalité, la zakat assure une certaine justice sociale et apporte les corrections nécessaires au rétablissement de l’équilibre socio-économique de la société. De plus, la zakat est un instrument de protection sociale contre le chômage car, à la différence des conceptions libérales et mutualistes28, le modèle islamique se caractérise par la solidarité dans la mesure où le risque est socialisé puisque tous les individus ont un droit de protection sociale indépendamment de leur contribution au financement du fonds de la zakat. Les « Finance Islamique : Gros appétit des particuliers et des entreprises », l’Economiste, 11/12/2012. Voir aussi le rapport CDVM, Op. Cit., p : 13 et 14. 27 Mohammed BOUDJELAL, « Rôle de la ZAKAT dans la résorption des problèmes sociaux », colloque international organisé par l’université de Sfax, 20 et 21 juin 2012, Sfax, Tunisie, P : 3, 4 et 5. 28 Dans la conception libérale, l’individu est appelé à adhérer à une assurance privée pour couvrir les risques de son choix, en en assumant le coût. Dans la conception mutualiste, les individus s’organisent en mutuelles auxquelles ils adhèrent librement. 26
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montants des aides se fixent non pas sur la base des contributions de chacun mais plutôt sur ses propres besoins dans la limite des capacités financières du fonds. De là, la zakat contribue bel et bien à la protection sociale des individus contre le chômage et dépasse les mesures d’assurance conventionnelle en ce sens qu’elle peut venir en aide aux débiteurs en cessation de paiement car son but est la lutte conte toute frome de pauvreté. Par définition, la zakat est le droit du pauvre dans la richesse du fortuné. Elle couvre les besoins fondamentaux des personnes vivant en dessous du seuil d’aisance. En plus, elle concourt au secours de toute personne qui, quelle que soit sa fortune, se trouve subitement ruinée par un imprévu (incendie, faillite, inondations, etc.). Dans ce cas, les personnes victimes de ces imprévus reçoivent de l’aide soit en tant que « pauvres » lorsque les dommages touchent les biens personnels, soit en tant que « personnes lourdement endettées » ou lorsque les dommages touchent des biens acquis à crédit29. Dès lors, l’implantation des Fonds de la zakat au Maroc contribuerait significativement en matière de lutte contre la concentration de la richesse en atténuant les écarts entre les classes sociales et instaurant une équité et justice sociales, l’atténuation du chômage surtout des jeunes diplômés et des femmes et la lutte contre la pauvreté en renfonçant la cohésion sociale. La création des Fonds de la zakat contribuera également au développement des secteurs sociaux à l’instar de l’éducation nationale, l’enseignement supérieur, la recherche scientifique, la santé, l’emploi, etc. Cela étant, une volonté politique s’est affichée, de nos jours, visant l’instauration d’un fonds national de la zakat qui sera géré par le ministère des Habous et des affaires islamiques en collaboration avec le conseil supérieur des Oulémas, mais sa concrétisation reste encore incertaine du fait du manque de visibilité par rapport à la date de sa mise en œuvre effective30. Dans une telle situation de grandes opportunités échappent au Maroc en l’absence d’un tel fonds étant donné ses retombées assez diversifiées dont nous n’avons présenté que les plus importantes. **** En conclusion, la finance islamique au Maroc présente d’énormes opportunités en matière de développement socio-économique du pays. En effet, elle facilitera la levée des fonds d’investissements nationaux et internationaux en vue de financer les grands projets escomptés et les secteurs prioritaires pour le Maroc. Elle contribuera au développement du niveau de la bancarisation en incluant les catégories qui refusent de recourir aux produits conventionnels pour des raisons religieuses. La finance islamique au Maroc contribuera à la résolution des grands problèmes économiques et sociaux notamment le chômage, la lutte contre la pauvreté et la précarité et le développement de la solidarité sociale à travers la création des fonds de la zakat. De là, elle présente un enjeu majeur pour les banques commerciales dans la mesure où elle va leur permettre de diversifier leur offre en accédant à une épargne qui leur échappe pour des raisons religieuses. Elle constituera, dès lors, un relai de leur croissance et développement. La Youssef EL QUARADAWI, « Rôle de la Zakat dans la lutte contre les problèmes économiques » in Lectures en Economie Islamique, Cité In Mohammed BOUDJELAL, Ibid. P : 7. 30 Khadija SKALLI, « A quand un fonds de ZAKAT ? », le Soir Echos, 07/08/2013. 29
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finance islamique est aussi stratégique pour Bank Al -Maghrib qui doit créer son cadre réglementaire et veillera à son essor en tant qu’institution de régulation du secteur bancaire au Maroc. Elle offrira également une alternative pour le financement des grands projets d’infrastructures à travers l’émission des Sukuks souverains et contribuera au développement de la profondeur du marché financier marocain en améliorant son niveau de liquidité. Les expériences menées jusqu’à l’heure actuelle n’ont pas abouti à des grandes réalisations. La commercialisation des produits alternatifs a connu un échec du fait de la présence de plusieurs contraintes à l’instar de la cherté des prix des produits bancaires liée essentiellement à l’absence d’une neutralité fiscale entre les produis alternatifs et leurs homologues classiques, la discrimination par la communication et le faible engagement des acteurs … De telle sorte la création d’une société de financement alternatif n’était pas en mesure de répondre à la demande accrue de la population et des opérateurs en matière des produits et des formules de financement respectant les prescriptions de la Charia. Plusieurs actions doivent être mises en place. Celles-ci dépendant de la volonté politique afin de donner une impulsion à cette nouvelle finance. Seul l’engagement collectif de toutes les parties prenantes : partis politiques, parlementaires, dirigeants d’entreprises (grandes et PME), banques locales, sociétés d’assurances, autorités monétaires…sera la clé de réussite (ou de l’échec) pour promouvoir la finance islamique au Maroc. La recommandation majeure consiste à mettre en place une vision globale et intégrée en élaborant une stratégie nationale du développement de la finance islamique au Maroc à l’instar des stratégies sectorielles. Celle-ci doit être déclinée en actions à mettre en place : l’arsenal juridique à mettre en œuvre, le dispositif fiscal à appliquer, les éventuelles incitations à accorder, les formations à offrir, la régulation et le contrôle de telle activité … Dès lors, il faut adopter une vision commune par rapport à ce que l’on veut faire de cette finance et la place qu’on veut lui accorder. C’est en partant de cette vision commune que chacun va mettre en place les mesures nécessaires pour accompagner l’essor de cette activité.
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