2007-02-01-fev-arcade

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BRASIER, TISONS

À LA UNE Plus d’un demi-million d’exemplaires vendus de l’album Funeral plus tard, et à l’aube de la sortie d’un second tome forcément des plus attendus, Arcade Fire est plus gros que Montréal. Que laisse le fameux groupe derrière lui?

Arcade Fire a simplement offert de nouvelles pistes quant à la manière de trai ter le sujet pop.

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0 janvier, heure du souper. Une rumeur se répand sur internet à une vitesse folle: Arcade Fire, dont les cinq dates à venir dans sa ville natale affichent complet,s’apprête à donner un concert-surprise le soir même à l’angle des rues Saint-Viateur et Saint-Urbain. On mange rapidement, on change ses plans pour la soirée et on s’y rend, c’t’affaire! 20h30: la porte du sous-sol de l’église Saint-Michael’s affiche «sold out».On s’infiltre tout de même. 21h30: Win Butler, son épouse Régine Chassagne, son frère Will, Richard Reed Parry, Tim Kingsbury, Sarah Neufeld, Jeremy Gara et leurs adjuvants du moment (les violonistes Owen Pallett et Marika Anthony Shaw et le corniste Pietro Amato) prennent calmement la scène devant pas plus de 400 personnes. Aussi cliché soit-elle dans le cas de ce groupe par qui l’enflure journalistique arrive, l’expression «intense» est la seule possible pour décrire l’heure et quart qui suit. Parce que l’on s’y fait servir en grande primeur le contenu de Neon Bible,le second album qui paraîtra le 6 mars, et dont seuls quelques extraits avaient préalablement été entendus, live ou sur internet. Parce qu’en plus de concocter un nouveau disque au cours de la dernière année, la bande a aussi retapé son concert, ressurgissant avec de nouveaux arrangements qui donnent encore plus de tonus à sa pop baroque à piquants.Parce que l’intimité des lieux et la fin de cette hibernation prolongée nous ont ramené un Arcade Fire tel qu’on ne l’avait pas vu depuis le début 2004, alors qu’il jouait encore à la Sala Rossa: véritablement survolté et chaleureux, dans le sens «Régine dansant sur un piano» du terme. Après des versions bien senties de «Haiti» et de «Power Out», servies en rappel, c’est terminé. Voilà une soirée qui, finalement, reflétait bien le cheminement d’Arcade Fire sur la scène montréalaise: sorti de nulle part en 2002, ayant brièvement brûlé de tous ses feux dans des lofts et des salles minuscules jusqu’au début 2004, puis envolé vers les cieux plus cléments du succès international dès la parution, en septembre de la même année, de Funeral. Soit, tous les membres résident encore à Montréal (cette ancienne église de Farnham, achetée en 2005, est un studio et non une résidence), mais avec une série de concerts locaux toutes les années et demie, même les Killers et Gwen Stefani jouent plus souvent par ici qu’Arcade Fire. 6 ici Du 1er février au 7 février 2007

© MERGE RECORDS

OLIVIER LALANDE

CIRCULEZ! Pour les cyniques, c’est signe qu’il y avait dès le départ une stratégie, un gars des vues... On n’a cependant qu’à parler à ceux qui ont travaillé avec le groupe dès ses débuts pour confirmer que le bouche à oreille et l’autosuffisance ont tout fait. «Je ne me souviens même pas comment j’ai entendu parler d’Arcade Fire», avoue Meyer Billercu, du promoteur Blue Skies Turn Black, pourtant derrière les principaux concerts pré-Funeral du groupe. «J’entendais le nom circuler depuis un moment, ils donnaient souvent des petits shows. J’ai fini par attraper l’un d’eux dans le loft au-dessus du Barfly.» Blue Skies Turn Black ne tarde pas à confier diverses premières parties à la troupe. «Ils étaient très autonomes. Ils ne nous ont jamais demandé quoi que ce soit, sur le plan organisationnel.» Même son de cloche chez Dan Seligman, directeur artistique du festival et promoteur Pop Montréal. «Je me souviens seulement d’avoir reçu l’EP alors que je cherchais des groupes pour la deuxième édition du festival. La réalisation était plutôt primaire, mais je trouvais ça très mûr, très bien composé.» Après avoir programmé le groupe en première partie d’Hawksley Workman au Club Soda, à l’automne 2003, Pop Montréal organise lancement de Funeral à l’église de l’Armée du salut, en septembre 2004. «Il n’y avait pas encore de machine derrière eux, mais leur vision était déjà très nette. Ils savaient clairement comment ils voulaient que tout se déroule.» Mark Lawson, ingénieur du son ayant travaillé sur Funeral ainsi que sur «Cold

Wind», la pièce qu’Arcade Fire a enregistrée pour l’émission Six Feet Under, renchérit. «Chaque fois que j’ai travaillé avec eux, tout était très relax mais aussi très organisé. On savait à quelle heure les musiciens allaient arriver et à quelle heure on allait peser sur record.Ils ont ce but commun très évident,et tout le monde y va de façon sérieuse,tout en restant ouvert aux suggestions»,relate-t-il.

NOUVELLES PISTES Pour d’autres, comme le groupe André, Arcade Fire a simplement offert de nouvelles pistes quant à la manière de traiter le sujet pop. «Leur façon d’utiliser des instruments qu’on n’associerait pas normalement au rock, de chanter parfois loin des micros,

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sur scène, ou de laisser le son des frottements de doigts sur les manches de guitares dans leurs enregistrements...Tout ça donne un sentiment d’urgence incroyable», de déclarer le bassiste Louis Therrien Galasso. «Il y a des choses plus importantes que la justesse de la note et ils en sont le meilleur exemple,selon moi.» Disparu de la scène locale,Arcade Fire? Pas tout à fait. Trixie Dumont, bénévole à la Mission communautaire du Mile End, l’a constaté il y a quelques semaines. Responsable d’un programme d’arts pour enfants défavorisés, aux prises avec un sérieux manque de fonds, elle décide, tard un soir,d’envoyer un courriel au groupe,sur son site web,pour voir si ce dernier pourrait

faire don à la Mission d’une paire de billets pour la série de concerts à venir afin que l’organisme puisse la vendre aux enchères. «Le lendemain matin, je recevais une réponse de leurs gérants m’annonçant que le groupe ne donnait pas une paire, mais cinq, raconte Dumont. Plus tard, on m’a annoncé la tenue du show secret à l’église Saint-Michael’s et que le groupe acceptait de nous donner les profits pour ça aussi!» Mine de rien, donc, Arcade Fire veille au grain. Tant que l’on ne parle pas trop «d’explosion montréalaise»...★

Arcade Fire Fédération ukrainienne.Du 6 au 10 fév. (quasi complet; 50 billets par jour, à l’Oblique dès midi) Info: 514 790-1245

L’ÉVANGILE AMPLIFIÉ

Neon Bible, donc. Moins radio-friendly que le premier EP, meilleur que le second, l’opus ne fera en tout cas rien pour soulager les victimes d’écœurantite aiguë de la hype que suscite Arcade Fire, déjà porté qu’il est par l’intérêt soutenu des blogueurs, médias musicaux et autres crieurs câblés, depuis l’annonce de sa sortie,en septembre dernier. Du faux «infomercial» fantaisiste mis en ligne en décembre aux annonces de concerts à Londres, Montréal et New York, en passant par les fuites de chansons survenues à intervalles réguliers depuis un mois (au moment d’écrire ces lignes, c’est l’album complet qui y est passé, et pas un forum de discussion n’est épargné

par les débats sur son compte), le groupe ou sa compagnie de disques auraient voulu planifier une campagne qu’ils n’auraient pas fait mieux.Ah oui, et il y a le site neonbible.com, aussi; dédale de contenu régulièrement mis à jour et porteur d’un numéro 1 800 qui permettrait même, dit-on, de parler directement au groupe si on compose le bon numéro de poste... Enregistré à Farnham, Montréal, New York, Londres et Budapest avec beaucoup plus de budget que Funeral, puis mixé à Farnham et Londres, Neon Bible voit Arcade Fire approfondir son univers, tant au niveau musical, lyrique, que purement technique, quoique pas toujours de la manière la

plus tape-à-l’œil. Parmi les moments forts, on compte l’orgue à tuyaux de l’église Saint-Jean-Baptiste entendu sur «Intervention» et sur la prenante «My Body Is a Cage», la nouvelle version du classique des premiers jours «No Cars Go», l’entraînante «The Well and the Lighthouse»... Sur scène, surveillez la nouvelle vielle à roue de Régine et le nouveau céleste de Richard. (OL)