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Le Temps Vendredi 12 août 2005
Temps d’été
John Malkovich Pince-sans-rire et fidèle à sa finesse, l’acteur américain a donné, jeudi à Locarno, une «Masterclass». Où chaque mot était longuement choisi devant une foule conquise
Sans filtre Thierry Jobin, Locarno
En d’autres temps, John Malkovich aurait été prince. Il n’est que grand prince, bardé d’un Excellence Award remis jeudi soir par le festival du film. Arrachant ses filtres de cigarette, puis fumant négligemment, il cherche les mots les plus précis et refuse les raccourcis faciles. Accrochée à ses silences, la foule locarnaise s’est régalée, jeudi matin, de sa «Masterclass», monologue sur un parcours. Le seul comédien au monde qui ait un film à son nom (Being John Malkovich, de Spike Jonze, 1999) tend sa vie comme un bouquet. Mais attention aux épines: derrière ce jeune quinquagénaire au port altier se cache aussi l’interprète du Valmont des Liaisons dangereuses réalisé par Stephen Frears en 1988 et qui le révéla au monde.
Les débuts «J’ai commencé à jouer à l’université, dans l’Illinois. J’avais une petite amie actrice et j’avais l’habitude d’aller la chercher au théâtre, à la fin de ses répétitions. Or, à mesure qu’elle approchait de la première, les répétitions se prolongeaient. Si bien que j’entrais pour regarder. J’ai fini par trouver ça intéressant et surtout très facile! Puis, lors de ma dernière année à l’université, j’ai rencontré la troupe Steppenwolf, qui comptait notamment, dans ses rangs, mon ami Gary Sinise. A la fin de l’année 1976, alors qu’ils étaient devenus mes amis, ils m’ont proposé de les rejoindre – idée que j’ai trouvée idiote – pour lancer un théâtre à Chicago. A l’époque, j’ai accepté parce que je pensais que ça n’excéderait pas quelques semaines. Voilà trente ans que ça dure et que nous travaillons toujours ensemble. Je n’y croyais pas parce que la culture des années 70 était déjà résolument tournée vers le cinéma et la télévision. De plus, en 1976 aux Etats-Unis, nous vivions
une sorte de récession. Comme les Américains ne possèdent pas de fonds publics pour le théâtre, il fallait donc ratisser les privés, les entreprises, les fondations. Et puis, petit à petit, je suis tombé amoureux de ce métier. Le temps a passé et je suis resté. Steppenwolf survit, avec succès, aujourd’hui encore, alors que le budget de notre premier été, celui de 1977, était de 60 dollars en tout et pour tout. Actuellement, la troupe est liée à quatre théâtres et nous sommes l’unique entreprise théâtrale de l’histoire américaine à avoir obtenu, des mains de Bill Clinton, la Presidential Medal of the Arts.»
carrière dans le cinéma a commencé. Pourtant, là encore, faire des films n’étaient pas du tout une chose que je recherchais. J’ai ensuite découvert cet art si différent du théâtre. Depuis, j’ai mis en scène, écrit, joué sur les planches et avec une caméra. Et je peux dire qu’au théâtre, j’essaie d’abord de décrire le terrain de jeu et de trouver les règles. Au cinéma, par contre, il n’est pas vraiment nécessaire de connaître les règles, ni même de savoir jouer. Le jeu, au cinéma, dépend uniquement de la forme: il suffit d’obtenir quelques secondes de quelque chose qui semble réel. C’est tout.»
Le cinéma
La direction d’acteurs
«La première personne qui m’a amené au cinéma a été Susan Sarandon, qui avait repéré notre pièce True West très tôt. Puis des gens comme Michelangelo Antonioni, Martin Scorsese ou Mike Nichols sont venus nous voir jouer. C’est à ce moment que ma
«J’ai mis en scène deux films, et surtout énormément de pièces de théâtre. J’ai toujours senti que les acteurs que j’ai à diriger attendent de moi que je leur en dise davantage. Or, au cours de la journée, je me limite à bonjour, bon appétit et bonne soirée. Parce que j’aime les regarder jouer. Les vrais bons acteurs comprennent d’eux-mêmes comment fonctionne une histoire.»
Vie privée 1953 naît le 9 décembre dans l’Illinois.
1987 Premier grand rôle dans L’Empire du soleil de Spielberg. 1989 Epouse l’actrice Nicoletta Peyran. Deux enfants. 1999 Joue son propre rôle dans Dans la Peau de John Malkovich de Spike Jonze. 2002 Réalise son premier film, The Dancer Upstairs.
Questions à chaud Tous les jours de l’été, une personnalité répond à notre questionnaire Elmar Lederberger
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– L’âge de votre vie que vous aimeriez revivre? – Mes 20 ans, quand j’ai perdu près de deux ans dans l’armée suisse.
Maire de Zurich, 61 ans. – Vous entrez dans le Larousse, rédigez votre notice. – Non, vraiment je ne peux pas. – Qui êtes-vous d’autre? – Un timide, sensible, silencieux. – L’indice de votre crème solaire? – Entre 20 et 40. Je n’oublie pas l’indice, mais la crème. – Devant qui vous inclinez-vous? – Ceux qui sont vrais, courageux, engagés, visionnaires, modestes, intelligents et rusés. Bouddha, Gandhi, Schiller, Mohammed, Mère Teresa, ma mère, Köbi Kuhn, Dürrenmatt, Franz Hohler, Kohlhaas, Marc Baumann, Allende, ma femme de ménage, etc.
– La plus belle fois où vous vous êtes dit: «La vie vaut la peine d’être vécue»? – Après m’être déchiré un ligament au pied, j’étais sûr de ne plus jamais pouvoir marcher sans douleur. Après une intervention physiothérapeutique d’Ursula, j’ai tout récupéré d’un jour à l’autre. – L’humanité se divise en deux catégories, lesquelles? – Ceux qui posent des questions, et nous autres qui devons y répondre. – La partie la plus attirante de votre corps? – Mes doigts de pied. – Chirurgie esthétique? – Je suis réconcilié avec mon apparence. Je ferais seulement enlever des verrues.
– Au début je lèche, puis je suce, le cornet, il faut bien le mordre. – Qu’êtes-vous certain d’aimer toujours? – Mes enfants et ne rien faire. – Le mot le plus fréquent dans votre bouche? – Super. – Pour ou contre le Cenovis? – Contre. Mais l’Aromat le remplace bien. – A quoi avez-vous renoncé? – A devenir musicien. – La dernière chose que vous avez perdue? – La contenance et la patience. – Un livre pour la vie? – Le bottin de téléphone. – Quelle musique pour accompagner votre dernier soupir? – Le Choral de Thelonious Monk.
– L’invention qui a changé le XXe siècle? – Toutes sortes d’appareils électriques. Pour moi: la machine à laver.
– Votre devise? – «Je maintiendrai» (choisie à 16 ans). Et «Le contraire est toujours vrai aussi».
– Aimeriez-vous être votre enfant? – Oui, vingt ou trente ans plus tôt.
– Votre souhait pour le XXIe? – Peu d’énergie non renouvelable.
– L’être que vous aimeriez soumettre à ce questionnaire? – Harry Potter.
– Le talent qui vous manque? – La beauté et la patience.
– Cornet glacé: vous sucez, vous léchez, vous mordez?
***
Catherine Cossy
John Malkovich. «Au théâtre, le public est effrayant. Le cinéma n’est pas aussi dommageable pour la concentration.» ARCHIVES eux. Parce que la réalisation est un travail si solitaire, si difficile. Il est quasiment impossible de faire un très bon film. Tout est contre le réalisateur.»
La pression «Au théâtre, le public est effrayant. Le cinéma n’est pas aussi
dommageable pour la concentration. Au théâtre, que vous ayez deux ou mille spectateurs, vous entendez des choses comme: «Cette pièce est minable!» Au cinéma, vous poussez un train en haut de la colline avec 200 autres personnes, alors que, pour mener une pièce de théâtre à bien, vous
êtes seul au volant d’un train sans freins qui dévale la colline. Ces derniers temps, j’aime pousser le train. Disons que je suis en semi retraite théâtrale.» 58e Festival international du film de Locarno, jusqu’au 13 août. www.pardo.ch
Sudoku N° 37
• Le sudoku est un jeu
de logique. Ce puzzle constitué de chiffres a déjà fait des millions d’accros dans le monde. Une grille de départ comporte 81 cases, sur laquelle une vingtaine de chiffres sont déjà disposés.
• Le but du jeu: Remplir #OPYRIGHT ¥ -ICHAEL -EPHAM
1982 Epouse l’actrice Glenne Headly et divorce en 1988.
«Un réalisateur est une personne qui mène 200 à 300 personnes. Parfois même 1000. Je n’ai donc pas envie de lui imposer mon point de vue. Je suis là pour lui donner ce qu’il cherche. Et s’il ne le sait pas, je suis là pour lui offrir des options qui pourraient le satisfaire. Certains réalisateurs prennent ce que vous donnez, tandis que d’autres vous corrigent. Quand j’ai joué mon propre rôle dans Being John Malkovich, le réalisateur Spike Jonze me disait tout le temps: «Euh, c’est ok, mais Malkovich ne le ferait jamais comme ça.» Je lui disais: «Ah bon, et comment je le ferais?» Chaque réalisateur a une méthode et, en 50 films, je n’ai jamais objecté quoi que ce soit à aucun d’entre
DOMONIC BÜTTNER/ PIXSIL.COM
Les réalisateurs 1976 Quitte l’université pour rejoindre le Chicago’s Steppenwolf Theater, troupe avec laquelle il travaille toujours trente ans plus tard.
Solution grille N°36
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toute la grille en ajoutant un chiffre par case. Attention: le même chiffre de 1 à 9 ne peut figurer qu’une seule fois par colonne, qu’une seule fois par ligne et qu’une seule fois par petit carré de neuf cases.
• Donc, pas besoin de
calculer le total de chaque ligne ou colonne: il n’y a aucune addition à effectuer. Le remplissage de la grille demande une certaine logique. Et de la patience! En japonais, le mot «sudoku» signifie d’ailleurs «chiffre unique».
• Chaque jour de l’été,
«Le Temps» publie une nouvelle grille de sudoku. La solution est publiée le lendemain, à la même page.