Maladies infectieuses A 28
Fièvre persistante (plus de vingt jours) Orientation diagnostique DR Violaine NOËL, PR Bertrand GODEAU Service de médecine interne I, CHU Henri-Mondor, 94000 Créteil Cedex.
Points Forts à comprendre • Les principales causes de fièvres prolongées sont dominées par des causes infectieuses, et moins fréquemment par les maladies inflammatoires systémiques, en particulier la maladie de Horton, et les causes tumorales (cancers et lymphomes). • L’orientation diagnostique repose sur un interrogatoire rigoureux et détaillé, et sur un examen clinique complet qu’il faut savoir répéter. • La réalisation des examens paracliniques est conditionnée par les orientations diagnostiques obtenues grâce à l’interrogatoire et l’examen clinique. • En l’absence de signe d’orientation clinique, la hiérarchie des examens paracliniques à réaliser dépend de la durée d’évolution des symptômes, de leur importance et en particulier de l’existence de signes de gravité cliniques (altération de l’état général) ou biologiques (anémie inflammatoire sévère), et de l’âge du patient. • Il est parfois nécessaire de prendre du recul pour poursuivre les investigations après un premier bilan négatif.
On définit comme fièvre persistante toute hyperthermie supérieure à 38,3 ˚C évoluant depuis plus de 3 semaines, dont la cause n’a pu être décelée par un examen clinique et des examens paracliniques de routine. Le seuil de 38,3 ˚C est cependant discutable et une température supérieure à 38 ˚C justifie une enquête diagnostique, surtout si elle s’accompagne d’un syndrome inflammatoire biologique. Il existe plus de 200 causes de fièvre persistante, et il est important de savoir hiérarchiser les investigations : lorsqu’il existe une orientation clinique, le diagnostic étiologique est plus facile et permet de limiter le nombre des examens complémentaires.
En revanche, une stratégie rigoureuse dans la réalisation des examens complémentaires est indispensable lorsqu’aucune orientation diagnostique n’a été obtenue après un examen clinique bien mené. En cas d’enquête étiologique négative, il est parfois nécessaire de prendre du recul avant de reprendre l’interrogatoire, l’examen clinique, et refaire des examens complémentaires après une période d’observation.
Étiologie Le clinicien doit initialement être à l’affût d’une cause curable et à traiter rapidement car susceptible de s’aggraver. Il faut particulièrement insister sur les causes infectieuses, au premier rang desquelles l’endocardite infectieuse, et au sein des causes tumorales sur les hémopathies lymphoïdes, en particulier les lymphomes malins, hodgkiniens ou non. Nous considérons ici que certaines pathologies infectieuses ne font pas partie des fièvres persistantes car le diagnostic est en général fait rapidement avant le délai de 3 semaines (paludisme, typhoïde, légionellose, mycoplasme…). Les causes infectieuses représentent la majorité des fièvres prolongées inexpliquées dans les études les plus récentes. Les maladies inflammatoires (telles que la maladie de Still et les maladies systémiques) et les tumeurs (hémopathies malignes et cancer profond) viennent au second plan. Cinq à 30 % des fièvres prolongées restent inexpliquées, dont plus de la moitié guérissent spontanément. Le tableau I résume les principales causes de fièvre persistante.
Modalités du diagnostic Interrogatoire Il est la base du diagnostic. Il doit être rigoureux et il faut savoir le répéter. De nombreux éléments d’orientation diagnostique sont à prendre en compte dans l’anamnèse, et sont résumés dans le tableau II.
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FIÈVRE PERSISTANTE (PLUS DE VINGT JOURS)
TABLEAU I
TABLEAU II
Principales causes des fièvres persistantes
Éléments d’orientation à rechercher dans l’interrogatoire
Infection Bactériennes ❑ Tuberculose (pulmonaire et extrapulmonaire) ❑ Foyer infectieux profond (sinusien, dentaire, thoraco-abdomino-pelvien) ❑ Endocardite ❑ Brucellose, rickettsiose, fièvre Q, Bartonella, maladie de Lyme Virales ❑ Cytomégalovirus, virus d’Epstein-Barr, virus de l’immunodéficience humaine, parvovirus B19
Interrogatoire Âge > 60 ans Origine ethnique Sujet transplanté, vit en foyer Juif séfarade, Arménien, antécédents familiaux Voyage en pays tropical Vie ou villégiature En milieu rural Sud de la France et Corse Profession Éleveur, vétérinaire Personnel de soins
Parasitaires ❑ Toxoplasmose, leishmaniose Tumeur ❑ Lymphomes : hodgkiniens et non hodgkiniens ❑ Néoplasies : tout cancer Inflammation ❑ Maladies systémiques : connectivites (lupus érythémateux disséminé), vascularites systémiques (maladie de Horton, périartérite noueuse), maladie de Still ❑ Granulomatose (sarcoïdose, maladie de Crohn…) Divers ❑ Fièvres endocriniennes (hyperthyroïdie…) ❑ Thrombose veineuse profonde ❑ Fièvre médicamenteuse (progestatifs, neuroleptiques, bêtabloquants…) ❑ Maladie périodique et syndrome d’hyper-IgD
Contact avec les animaux Morsure de tiques Comportement sexuel à risque, toxicomanie, transfusion Antécédents familiaux Polype ou cancer colique Cancer du sein Antécédents personnels Soins dentaires ou manœuvre instrumentale récents, valvulopathie ou prothèse valvulaire Présence de matériel (pace-maker, prothèse de hanche…) Polype colique Cancer Primo-infection tuberculeuse ou tuberculose maladie Prise récente d’antibiotiques et effet sur l’hyperthermie Prise de médicaments Même trouble dans la famille Troubles psychologiques Installation de la fièvre Aiguë Insidieuse
Examen clinique Il faut tout d’abord s’assurer de la réalité de la fièvre. Rappelons que la température doit être prise après au moins 20 à 30 min de repos, et que l’augmentation de la température après un effort physique, même minime, n’est pas pathologique et ne justifie donc aucune exploration paraclinique. L’aspect de la courbe thermique a longtemps été considéré comme un signe d’orientation diagnostique (fièvre hectique, rémittente, récurrente…), mais il est en pratique peu spécifique et n’apporte pas d’orientation réellement pertinente. 1944
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Orientation diagnostique Maladie de Horton Tuberculose Maladie périodique Parasitoses Rickettsiose, brucellose, fièvre Q, maladie de Lyme Leishmaniose Brucellose, fièvre Q, bartonellose Hépatites B, C, D, virus de l’immunodéficience humaine Brucellose, fièvre Q, toxoplasmose, bartonellose Rickettsiose, maladie de Lyme Virus de l’immunodéficience humaine, hépatites B, C, D Cancer colique Cancer du sein Endocardite
Infection du matériel Cancer colique Récidive cancer Tuberculose Infection bactérienne décapitée Fièvre médicamenteuse Infection virale Maladie périodique Pathomimie Causes infectieuses Tuberculose, endocardite, tumeur
Il est ensuite capital de mener un examen clinique complet et rigoureux. L’appréciation de l’ancienneté des signes et de l’état général est primordiale. Une asthénie intense, une anorexie et un amaigrissement important, qu’il faut chiffrer, sont en effet des signes de gravité, surtout s’ils s’installent rapidement, et vont justifier d’emblée la réalisation d’examens complémentaires, même coûteux et invasifs. À l’inverse, la probabilité qu’il existe une pathologie sévère nécessitant un traitement urgent est moins grande si la fièvre est modérée et évolue depuis longtemps, alors que l’état général est
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bien conservé. Cette dernière situation ne dispense cependant pas de réaliser une enquête étiologique. Il faut également savoir reprendre l’interrogatoire et répéter l’examen clinique, à l’affût d’un signe d’orientation qui peut parfois apparaître tardivement (apparition d’un faux panaris d’Osler qui oriente vers une endocardite, apparition d’une adénopathie périphérique accessible à la biopsie, disparition d’un réflexe ostéo-tendineux
orientant vers une vascularite nécrosante…). Il faut néanmoins souligner que l’examen clinique est indissociable de l’interrogatoire, car il est rare de porter un diagnostic sur les données de l’examen, si l’interrogatoire a été superficiel et mal conduit. Le tableau III donne des exemples d’orientations diagnostiques pouvant être obtenues grâce aux données de l’examen clinique, sans avoir la prétention d’être exhaustif.
TABLEAU III Orientation diagnostique à rechercher à l’examen clinique Éléments de l’examen clinique
Orientation diagnostique
Cutané Livedo Purpura localisé, faux panaris d’Osler Rash fugace
Endocardite, vascularite nécrosante, emboles de cholestérol, lupus Endocardite Maladie de Still, virose
Cardiovasculaire Anomalie artère temporale Abolition d’un pouls, asymétrie tensionnelle, souffle artériel Souffle cardiaque
Maladie de Horton Artérite inflammatoire (Horton, maladie de Takayasu), embole septique Endocardite
Pulmonaire Épanchement pleural
Tumeur, tuberculose, lymphome, connectivite, pleuresie purulente
Ganglionnaire Adénopathie (ponction et biopsie à visée diagnostique)
Neurologique Signe de localisation Abolition d’un réflexe, trouble sensitif Abdominal Splénomégalie Ascite Rhumatologique Arthralgies
Touchers pelviens Masse rectale, gynécologique, prostatique, sang au doigtier ORL Candidose oro-pharyngée Aphte(s) Ophtalmologique Hémorragie conjonctivale Baisse d’acuité visuelle Uvéite Syndrome sec Testiculaire Masse testiculaire
Tuberculose, lymphome, sarcoïdose, cancer, toxoplasmose, infections virales (virus de l’immunodéficience humaine,virus d’Epstein-Barr, cytomégalovirus), leishmaniose, bartonellose Processus expansif intracrânien (abcès), encéphalite Mono- ou multinévrite (périartérite noueuse) Lymphome, tuberculose, sarcoïdose, endocardite, parasitose, infections virales (virus de l’immunodéficience humaine, virus d’Epstein-Barr, cytomégalovirus), brucellose, connectivite Cirrhose avec infection d’ascite, tuberculose, carcinose péritonéale Connectivites, infections virales, endocardite, brucellose, rickettsiose, rhumatisme inflammatoire ou métabolique, sarcoïdose, tuberculose (exceptionnellement responsable d’arthralgies) Cancer, infection pelvienne Syndrome de l’immunodéficience humaine acquise (sida), primo-infection par le VIH, immunodépression Maladie de Behçet, colites inflammatoires (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique) Endocardite Maladie de Horton, endocardite Foyer ORL, sarcoïdose, maladie de Behçet, rhumatismes inflammatoires, connectivite, lymphomes, infections (virales, toxoplasmose, tuberculose), spondylarthropathies Connectivites (syndrome de Sjögren, lupus, polyarthrite rhumatoïde), sarcoïdose Cancer, tuberculose, périartérite noueuse
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Examens paracliniques La réalisation d’examens paracliniques est le plus souvent indispensable. Une hospitalisation est souvent utile, en particulier lorsqu’il existe des signes de gravité cliniques et (ou) paracliniques, et (ou) quand il existe un doute sur la réalité de la fièvre (pathomimie). La réalisation des examens paracliniques est conditionnée par les orientations diagnostiques obtenues grâce à l’interrogatoire et l’examen clinique. En l’absence de signe d’orientation clinique, la hiérarchie des examens à réaliser dépend de la durée d’évolution des symptômes, de leur importance, et en particulier de l’existence de signes de gravité cliniques (altération de l’état général) ou biologiques (anémie inflammatoire sévère), et de l’âge du patient. Il est impossible de donner une « recette toute faite », et la hiérarchisation des examens paracliniques doit être adaptée à chaque situation. On peut néanmoins individualiser les situations suivantes.
1. L’orientation diagnostique est forte sur les données de l’interrogatoire et de l’examen clinique La poursuite des examens aboutissant au diagnostic est fonction de celle-ci (ponction et [ou] biopsie ganglionnaire en cas d’adénopathie périphérique, échographie cardiaque en cas de souffle, biopsie de l’artère temporale si céphalée ou signe d’appel local, sérologies virales si facteur de risque, recherche de bacilles de Koch dans les crachats si radiographie pulmonaire évocatrice…).
2. Il n’existe pas d’orientation La poursuite des explorations est fonction de l’état clinique. • Si le patient est en bon état général et supporte bien sa fièvre, qu’il n’existe pas de répercussion biologique poussant à faire un diagnostic urgent (une anémie inflammatoire par exemple), on réalisera en première intention les examens du tableau IV. Parmi ces examens, on insistera sur quelques points importants : les prélèvements bactériologiques (hémocultures et examen cytobactériologique des urines) peuvent rester négatifs pendant plus
d’une semaine, en cas d’antibiothérapie préalable, et il faut savoir alors les répéter ; parmi les marqueurs de l’inflammation, la protéine C réactive (CRP) est la protéine dont la demi-vie est la plus courte, et sa normalisation peut témoigner du fait que le patient est en train de guérir, ce qui invite à limiter les examens. À ce stade, quelques situations fréquentes d’aide au diagnostic sont présentées dans le tableau V. Si les différents examens paracliniques sont normaux, il est souvent bon de prendre du recul, dans l’hypothèse d’une infection virale qui va guérir spontanément, et de revoir le patient à distance en l’informant que l’apparition d’un nouveau symptôme nécessite une consultation rapide. • Si le patient présente une altération de l’état général et des signes de gravité clinique (asthénie intense, anorexie, amaigrissement) ou biologique (anémie inflammatoire), il est nécessaire de poursuivre les investigations et d’envisager les examens complémentaires du tableau VI. Ces examens doivent également être envisagés même en l’absence d’altération de l’état général si la fièvre se prolonge, a fortiori s’il existe un syndrome inflammatoire. Parmi ces examens de 2e intention, il faut insister sur l’importance de la tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne. Cet examen peut en effet révéler de nombreuses anomalies non détectées par la radiographie pulmonaire et l’échographie. La découverte d’adénopathies profondes oriente en effet vers un lymphome, une tuberculose, une sarcoïdose ; un foyer infectieux profond peut également être détecté grâce à la tomodensitométrie (manchon inflammatoire périsigmoïdien évoquant une diverticulose infectée, abcès hépatique ou collection sous-phrénique, poche pleurale…), de même que des images tumorales, souvent non visibles sur les examens radiologiques standard (masse surrénale, pancréatique, rénale, fibrose rétropéritonéale, nodules pulmonaires parenchymateux). Au terme de ces explorations, il est nécessaire de prendre du recul si le diagnostic n’est pas posé et il importe de savoir répéter l’examen clinique (apparition d’un signe d’orientation) et de refaire certains examens si la fièvre persiste et (ou) si le syndrome inflammatoire ne se corrige pas.
TABLEAU IV Examens complémentaires de première intention devant une fièvre persistante sans signe de gravité Examens biologiques ❑ Numération formule sanguine avec frottis sanguin ❑ Vitesse de sédimentation, protéine C réactive, électrophorèse des protéines sanguines ❑ Créatininémie ❑ Bilan hépatique complet (ASAT, ALAT, phosphtases alcalines, gamma GT et bilirubine libre et conjuguée) ❑ 3 hémocultures ❑ Examen cytobactériologique des urines ❑ Sérologies virales et bactériennes orientées ❑ Bandelette urinaire (protéinurie, hématurie)
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Examens radiologiques ❑ Radiographie thoracique ❑ Échographie abdominale, rénale, pelvienne ❑ Radiographie des sinus (ou tomodensitométrie) ❑ Panoramique dentaire ❑ Échographie cardiaque si terrain à risque d’endocardite
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TABLEAU V Exemples d’orientations diagnostiques Éléments d’orientation
Causes
Syndrome mononucléosique (présence sur le frottis sanguin de lymphocytes hyperbasophiles)
Infections virales (virus de l’immunodéficience humaine avec primo-infection, virus d’Epstein-Barr, cytomégalovirus, parvovirus B19), toxoplasmose, brucellose
Cytolyse hépatique
Infections virales (virus de l’immunodéficience humaine avec primo-infection, virus d’Epstein-Barr, cytomégalovirus, parvovirus, hépatites), rickettsiose, fièvre Q, toxoplasmose Tuberculose, lymphome Tumeur hépatique primitive (carcinome hépatocellulaire) ou secondaire (métastases hépatiques) Abcès hépatique Granulomatoses
Cholestase
Même étiologie que la cytolyse hépatique Tumeur, compression ou infection des voies biliaires Syndrome de Stauffer (cholestase paranéoplasique satellite d’un cancer du rein)
Leucopénie
Brucellose, tuberculose, leishmaniose, infection virale, lupus, hémopathies malignes, neutropénie médicamenteuse
Hypogammaglobulinémie
Lymphome, déficits immunitaires
Hypergammaglobulinémie
Virus de l’immunodéficience humaine, connectivite (lupus, syndrome de Sjögren), hépatopathie chronique, sarcoïdose
Anomalies du sédiment urinaire (protéinurie, hématurie)
Endocardite, maladies systémiques (lupus, périartérite noueuse), tuberculose, sarcoïdose, tumeur rénale ou vésicale
Hyperéosinophilie
Parasitose, vascularites nécrosantes (périartérite noueuse, maladie de Churg et Strauss), fièvre allergique, lymphomes, syndrome myéloprolifératif
Échographie abdominale Adénopathies Épanchement péritonéal
Radiographie thoracique Adénopathies médiastinales Épanchement pleural
Lymphome, tuberculose, sarcoïdose, cancers Ascite infectée chez le cirrhotique, tuberculose, réaction à un foyer infectieux abdominal, carcinose péritonéale
Lymphome, tuberculose, sarcoïdose, cancers Lymphome, tuberculose, tumeur primitive ou secondaire, connectivite, infection à pyogènes
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TABLEAU VI Examens de deuxième intention Types d’examen Sérologies virales (virus de l’immunodéficience humaine et antigène p24, virus d’Epstein-Barr, cytomégalovirus, parvovirus B19) et bactériennes (brucellose, rickettsiose, Lyme, Coxiella burnetii, Bartonella) Bilan immunologique Facteurs anti-nucléaires, recherche d’anticorps anti-cytoplasmes des polynucléaires neutrophiles
Enzymes musculaires Élévation des créatines phosphokinases (CPK)
Commentaires
En dehors de la primo-infection à cytomégalovirus, il est rare de ne pas avoir des signes cliniques et biologiques d’orientation
Il est rare qu’une connectivite (lupus, polyarthrite rhumatoïde, Sjögren, sclérodermie) se révèle par une fièvre sans signe d’appel (rhumatologique, cutané, hématologique ou rénal). En revanche, la fièvre est souvent un signe important au cours des vascularites systémiques (Horton, périartérite noueuse) Connectivites (polymyosite, dermato-polymyosite), vascularites nécrosantes, infection par le virus de l’immunodéficience humaine, toxoplasmose, dysthyroïdie, médicaments (hypocholestérolémiants), myopathies métaboliques
LDH
Leur élévation peut orienter vers un lymphome
Thyréostimuline (TSH), FT4
Examen à réaliser même si l’hyperthyroïdie donne rarement une fièvre sans autre signe clinique
Tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne
Examen capital à la recherche d’adénopathies profondes, de foyer infectieux profond, de masse tumorale (pancréas, surrénales, nodules pulmonaires)
Recherche de bacilles de Koch par tubage gastrique et dans les urines à 3 reprises
Les BK tubages sont rarement positifs si la radiographie thoracique est strictement normale chez l’immunocompétent
Échographie cardiaque Transthoracique (puis transœsophagienne)
Systématique si elle n’a pas été réalisée en première intention
Fond d’œil
Examen simple à la recherche d’emboles en faveur d’une endocardite, ou d’une vascularite ; recherche d’une séquelle d’uvéite (QS supra)
Biopsie ostéo-médullaire
Elle est discutable en l’absence de suspicion de lymphome ou de tuberculose. Elle doit être systématiquement mise en culture
Exploration des organes creux
Après 50 ans, la recherche de cancers gastrique et colique est justifiée, d’autant plus qu’il existe une carence martiale, ainsi que des antécédents familiaux. Par contre, il est rare qu’une fibroscopie bronchique révèle une lésion tumorale si le scanner thoracique est normal. Celle-ci peut néanmoins se discuter en cas de lourd passé tabagique
Marqueurs tumoraux
Inutiles à visée diagnostique, sauf dans certaines situations : prostatic specific antigen (PSA) après 50 ans pour l’adénocarcinome prostatique, β-hCG pour les tumeurs embryonnaires (testicule, ovaire), alphafœtoprotéine pour le carcinome hépatocellulaire
Écho-doppler des membres inférieurs
Une phlébite peut être asymptomatique, mais sa présence devant une fièvre persistante doit faire rechercher une cause sous-jacente (tumeur, compression…)
Biopsies en fonction de l’orientation
Musculaires, neuromusculaires, hépatique, rénale…
Les investigations invasives ne seront réalisées qu’après négativité des examens non invasifs et réévaluation clinique.
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Maladies infectieuses
Causes de fièvre persistante
2. Parasitaires
Nous n’insisterons que sur les causes les plus fréquentes et (ou) les plus graves.
• Toxoplasmose : la primo-infection est souvent asymptomatique. La présence d’adénopathies cervicales postérieures et un contact avec un chat sont évocateurs. Le diagnostic est sérologique (présence d’IgM ou séroconversion). • Leishmaniose : cette infection est possible chez le sujet immunocompétent, la zone d’endémie étant le Bassin méditerranéen. Elle se présente sous la forme très évocatrice d’hépato-splénomégalie fébrile associée à une pancytopénie. Le diagnostic repose sur la coloration de May-Grünwald-Giemsa sur le frottis sanguin et médullaire (myélogramme) ou sur la mise en évidence du parasite par enrichissement des leucocytes du sang circulant.
Infections 1. Bactériennes • Endocardite : c’est l’une des principales causes infectieuses à rechercher systématiquement en raison de sa gravité, surtout en cas de retard diagnostique. Le diagnostic peut être difficile en cas de négativité des hémocultures. Ces dernières peuvent être négatives en raison d’une antibiothérapie préalable, ou à cause d’un streptocoque déficient ou d’une bactérie du groupe des HACEK (Hæmophilus, Actinobacillus actinomycetemcomitans, Cardiobacterium hominis, Eikenella corrodens, Kingella kingæ). Grâce à l’enrichissement des milieux de culture, ces bactéries sont cultivables (garder les hémocultures plus de 10 jours, le préciser au laboratoire). Les rares endocardites causées par Bartonella et Coxiella burnetii sont de diagnostic sérologique, tout comme celles causées par Legionella et Chlamydia (rarissimes). Quant aux endocardites fongiques, elles sont rares et surviennent sur des terrains particuliers (patients immunodéprimés, ou soumis à une multiantibiothérapie, toxicomanes). L’échographie cardiaque transthoracique ne visualise que 50 % des végétations, aussi est-il souvent utile de compléter par une échographie transœsophagienne. Il est primordial de rechercher et de traiter la porte d’entrée. • Tuberculose : cette infection est une cause fréquente de fièvre prolongée. Elle survient sur des terrains particuliers (immunodéprimés, personnes âgées, sujets immigrés, vivant en foyer). Le diagnostic est facile dans sa forme pulmonaire, par la mise en évidence de bacille de Koch à l’examen direct et (ou) par la culture. Le diagnostic est plus difficile dans les formes extrapulmonaires (mal de Pott, tuberculose péritonéale, hématopoïétique…). Il est capital de mettre en culture tous les prélèvements biopsiques lorsque le diagnostic est suspecté. L’intérêt de l’intradermo-réaction à la tuberculine (IDR) est en revanche faible car, en cas de positivité, elle n’a de valeur que si l’on connaît l’état vaccinal et le résultat des intradermo-réactions antérieures du patient, ou si le patient est immunodéprimé (dans ce dernier cas, la positivité de l’intradermo-réaction est évocatrice du diagnostic) ; elle est d’autre part négative dans plus de 10 % des cas de tuberculoses graves. • Autres infections bactériennes : le diagnostic de la plupart des infections à pyogènes est fait précocement et ces dernières sont rarement responsables de fièvre prolongée. En revanche, certaines infections bactériennes peuvent être diagnostiquées grâce à la réalisation d’une sérologie, parmi lesquelles les infections à Rickettsia, Coxiella burnetii (fièvre Q), Borrelia burgdorferi (maladie de Lyme), Brucella, Bartonella et Erlichia.
3. Virales • Cytomégalovirus : la primo-infection à cytomégalovirus est une cause fréquente de fièvre prolongée (parfois pendant plusieurs semaines) chez l’adulte immunocompétent. Il est rare de retrouver une altération de l’état général, des signes pharyngés ou des adénopathies périphériques. Les localisations digestives, neurologiques, oculaires et pulmonaires sont exceptionnelles chez l’immunocompétent. Un syndrome mononucléosique et une cytolyse hépatique sont en revanche fréquents. Le diagnostic de primo-infection à cytomégalovirus repose sur la présence d’IgM anti-cytomégalovirus ou d’une séroconversion, associée ou non à une antigénémie cytomégalovirus positive. Le diagnostic de cette infection courante bénigne est primordial car la guérison est la règle chez l’immunocompétent et il est donc inutile de multiplier les investigations complémentaires. • Virus de l’immunodéficience humaine (VIH) : la fièvre de primo-infection par le VIH excède rarement 3 semaines, mais il convient d’y penser – syndrome mononucléosique, ulcérations buccales et (ou) candidose, cytolyse hépatique, thrombopénie – car il s’agit d’une urgence thérapeutique. Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’un antigène p24 positif. La connaissance d’une sérologie positive pour le VIH oriente par contre vers d’autres causes de fièvre persistante (Voir : Pour approfondir). • Autres infections virales : la mononucléose infectieuse et la primo-infection à parvovirus B19 sont des causes de fièvre persistante. Leur diagnostic est sérologique – présence d’anticorps anti-EBV (pour virus d’Epstein-barr) de type IgM-anti-VCA (pour viral capside antigen), alors que le test d’agglutination sur lame ou « MNI test » peut être négatif, présence d’IgM antiparvovirus ou séroconversion). Il est en revanche rarissime qu’une hépatite virale A, B ou C donne une fièvre de plus de 3 semaines. De même, il est inutile de multiplier les autres sérologies virales (herpès, coxsackie, rubéole, adénovirus…) car ces virus ne donnent habituellement pas de fièvre prolongée et l’interprétation des résultats sérologiques est souvent difficile en raison d’un manque de spécificité ou de sensibilité.
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Tumorales 1. Lymphome malin hodgkinien ou non hodgkinien Il s’agit d’une urgence thérapeutique, en particulier dans les lymphomes de haut grade (lymphomes à grandes cellules, lymphome de Burkitt, lymphome lymphoblastique ou immunoblastique). L’examen clinique s’attachera à rechercher une adénopathie périphérique accessible à une biopsie. La tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne recherche des adénopathies profondes. L’élévation des lactic dehydrogenase (LDH) peut être un élément d’orientation (orientant vers un lymphome de haut grade), de même que la présence d’une hypogammaglobulinémie. Le diagnostic repose sur l’examen histologique d’une adénopathie qui devra donc être biopsiée, alors que la cytologie obtenue par cytoponction est insuffisante. La biopsie médullaire est nécessaire au bilan d’extension. Le diagnostic peut occasionnellement être porté sur l’analyse biopsique d’un autre site (foie, estomac, parotides, poumon, peau...).
2. Tumeurs solides Il existe 2 périodes dans la vie : d’une part, les sujets jeunes plus à risque de cancer du testicule, de l’ovaire et du sein (ce dernier étant parfois peu symptomatique) ; d’autre part, toutes les tumeurs malignes sont possibles chez les sujets de plus de 50 ans. Les explorations digestives (fibroscopie gastrique, coloscopie) sont justifiées, même en l’absence de signes d’appel, d’autant plus qu’il existe une carence martiale (anémie avec syndrome inflammatoire et ferritinémie paradoxalement normale ou abaissée, alors qu’elle devrait être élevée au cours du syndrome inflammatoire), et (ou) des antécédents personnels ou familiaux de polype ou cancer colique. Le terrain peut guider les explorations (fibroscopie bronchique à discuter chez le tabagique chronique, même si l’examen tomodensitométrique (TDM) thoracique est normal, mammographie si antécédent familial de cancer du sein…). Les marqueurs tumoraux ne sont d’aucune aide s’ils sont utilisés à visée diagnostique, exceptés les dosages de l’alphafœtoprotéine pour le carcinome hépatocellulaire, des β-hCG pour les tumeurs d’origine embryonnaire (ovaire-testicule) et des prostatic specific antigen (PSA) pour l’adénocarcinome prostatique. Ils sont en revanche utiles au suivi évolutif d’une tumeur connue et traitée. Le diagnostic de tumeur maligne repose sur l’histologie d’un prélèvement biopsique de l’organe atteint ou d’un site métastatique.
Inflammatoires • Maladie de Still : le diagnostic repose sur les éléments suivants : fièvre persistante, polyarthralgies, rash cutané fugace, dysphagie, hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, hyperferritinémie majeure, et absence d’autre cause décelable. • Maladie de Horton : il s’agit de la maladie systémique la plus fréquente chez le sujet de plus de 60 ans. La fièvre excède rarement 39 ˚C et les signes locaux sont incons1950
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tants. Il faut donc discuter la réalisation d’une biopsie de l’artère temporale (prélèvement d’au moins 3 cm) chez les sujets de plus de 60 ans dont la fièvre prolongée n’a pas reçu d’explication, même en l’absence de signes céphaliques.Celle-là peut être orientée ou non par un doppler. • Autres vascularites systémiques : elles peuvent occasionnellement donner une fièvre nue, mais il existe le plus souvent des signes d’appel (arthromyalgies, disparition d’un réflexe ostéo-tendineux, signes cutanés à type de livedo ou de purpura vasculaire, anomalie du sédiment urinaire…) orientant vers une périartérite noueuse. • Connectivites : elles sont rarement révélées par une fièvre nue et il existe habituellement des signes d’orientation : arthralgies, syndrome de Raynaud, érythème du visage en vespertilio en faveur du lupus érythémateux disséminé, photosensibilité, syndrome sec oculaire et buccal… • Les maladies granulomateuses donnent rarement des fièvres nues : il existe souvent une localisation médiastinopulmonaire au cours de la sarcoïdose, qui peut parfois s’accompagner d’une fièvre prolongée. Le dosage de l’enzyme de conversion de l’angiotensine n’est ni sensible ni spécifique au diagnostic, et n’est qu’un outil de surveillance d’une sarcoïdose connue. La découverte d’un granulome sur une biopsie n’est pas spécifique et peut correspondre à de nombreuses étiologies (causes infectieuses dont la tuberculose, sarcoïdose, entérocolopathies inflammatoires, lymphome malin non hodgkinien…). Il est donc primordial de mettre en culture tout prélèvement histologique pour ne pas méconnaître une tuberculose. • La maladie périodique (ou fièvre méditerranéenne familiale) : il s’agit d’une fièvre le plus souvent récurrente, dans les populations d’origines juives non ashkénazes, arméniennes, turques. On retrouve souvent des antécédents familiaux. En dehors de la manifestation la plus fréquente qu’est la péritonite inflammatoire, il existe une grande variété dans l’expression clinique (articulaire, cutanée, atteinte d’autres séreuses…). Le diagnostic repose maintenant sur la mise en évidence du gène responsable de la maladie (MEF). La complication majeure est l’amylose ; d’autres fièvres récurrentes héréditaires s’y apparentent (syndrome d’hyper-IgD…).
Ne pas méconnaitre • Une fièvre médicamenteuse : progestatifs chez la femme, fièvre qui peut durer un mois après l’arrêt du traitement ; antibiotiques ; β-bloquants ; antivitamines K ; neuroleptiques…. • Une pathomimie : il convient de vérifier la fièvre au cours d’une hospitalisation. • Causes rares: – fièvre endocrinienne (hyperthyroïdie, phéochromocytome, insuffisance surrénale) : la fièvre est rarement isolée ; – maladie thrombo-embolique devant faire rechercher une maladie associée (cancer, thrombophilie...) ; – maladie de Whipple ; – fièvre professionnelle (patients exposés au zinc, aux métaux en fusion). ■
Maladies infectieuses
POUR APPROFONDIR 1 / Fièvre persistante chez l’immunodéprimé La démarche diagnostique devant une fièvre persistante chez le patient immunodéprimé est très différente de celle que nous avons proposée chez l’immunocompétent. Les patients immunodéprimés (infection par le virus de l’immunodéficience humaine, hémopathies malignes, traitements immunosuppresseurs…) présentent en effet des maladies infectieuses opportunistes : parasitaires (pneumocystose, toxoplasmose viscérale…), fongiques (aspergillose, cryptococcose…), virales (infections généralisées à cytomégalovirus…), bactériennes (mycobactéries, nocardioses…). Ces maladies sont souvent graves et peuvent rapidement mettre en jeu le pronostic vital. Les signes cliniques, contrairement à ceux que l’on trouve chez les sujets immunocompétents, sont souvent frustes. Les investigations complémentaires doivent donc d’emblée être invasives, en raison de la difficulté d’établir un diagnostic sur des examens simples : fibroscopie bronchique avec lavage broncho-alvéolaire si signes pulmonaires (recherche de pneumocystose, mycobactériose…), tomodensitométrie cérébrale sans et avec injection de produit de contraste si signe neurologique (recherche de toxoplasmose cérébrale…), examen du fond d’œil (recherche de rétinite à cytomégalovirus), ponction lombaire (recherche de méningite à cryptocoque…).
2 / Un traitement d’épreuve est-il justifié devant une fièvre prolongée inexpliquée ? Les traitements d’épreuve doivent être rarement utilisés car ils peuvent masquer une pathologie grave et en retarder le diagnostic. Il arrive rarement que le pronostic vital soit mis en jeu sans diagnostic posé, et qu’une corticothérapie « de sauvetage » soit alors mise en route. Toute pathologie infectieuse, et notamment la tuberculose, doit être préalablement formellement éliminée.
Le traitement antituberculeux d’épreuve doit reposer sur des arguments cliniques, biologiques et histologiques, mais peut parfois être mis en route chez un patient présentant des signes de gravité en cas de forte suspicion clinique. Une antibiothérapie d’épreuve traitant une potentielle endocardite doit être un traitement d’exception, et doit reposer là encore sur des arguments diagnostiques forts (terrain). On évitera d’utiliser la rifampicine qui pourrait masquer une tuberculose et favoriser l’émergence de mutants résistants. Le retour à l’apyrexie sous anti-inflammatoires non stéroïdiens, éventuellement prescrits en cas de mauvaise tolérance de la fièvre et après avoir éliminé toute cause infectieuse, peut plaider en faveur d’un lymphome ou d’une tumeur.
POUR EN SAVOIR PLUS Rousset H, Vital Durand D, Dupond JL, Lucht F. Diagnostics difficiles en médecine interne (Fièvres prolongées inexpliquées, p. 358-80). Paris : Maloine (2e ed), 1999.
Points Forts à retenir • Interrogatoire et examen clinique à répéter. • Hiérarchiser les examens complémentaires en fonction des causes les plus fréquentes, des données de l’interrogatoire et de l’examen clinique. • Savoir prendre du recul si l’état du patient s’améliore (baisse de la protéine C réactive).
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