00-1709

  • May 2020
  • PDF

This document was uploaded by user and they confirmed that they have the permission to share it. If you are author or own the copyright of this book, please report to us by using this DMCA report form. Report DMCA


Overview

Download & View 00-1709 as PDF for free.

More details

  • Words: 3,733
  • Pages: 5
Gynécologie - Obstétrique A 18

Aménorrhée secondaire Orientation diagnostique DR Delphine LÉVY, PR Anne GOMPEL Service de gynécologie, L’Hôtel Dieu, 75181 Paris Cedex 04.

Points Forts à comprendre • L’existence de cycles menstruels réguliers est le reflet du bon fonctionnement de la mécanique ovulatoire et de l’intégrité de la cible utérine. • L’existence d’une aménorrhée pathologique témoigne d’une atteinte de l’axe hypothalamohypophyso-ovarien ou d’une anomalie anatomique de la filière génitale. • L’aménorrhée peut être précédée de troubles du cycle avec irrégularités menstruelles ayant la même valeur sémiologique. • La distinction classique entre aménorrhées primaire et secondaire est un peu artificielle car certaines de leurs causes se recoupent. • L’interrogatoire, l’examen clinique et un nombre limité d’examens complémentaires sont les étapes clés de la démarche diagnostique. • L’existence de facteurs psychologiques ne doit pas empêcher l’exploration étiologique complète d’une aménorrhée.

Définition et physiologie L’aménorrhée secondaire correspond à l’arrêt des règles pendant plus de 3 mois chez une femme antérieurement bien réglée. L’existence de cycles ovulatoires suppose l’intégrité anatomique, fonctionnelle et moléculaire de chacun des étages de l’axe gonadotrope. • Au niveau hypothalamique, elle nécessite la présence de neurones à GnRH (gonadotrophin releasing hormone) ayant migré normalement depuis la placode olfactive jusqu’au noyau arqué pendant la vie embryonaire. Ces neurones ont une activité électrique pulsatile synchronisée (générateur hypothalamique) dont la fréquence varie au cours du cycle permettant de délivrer la GnRH dans le système porte hypophysaire selon un mode pulsatile. L’activité des neurones à GnRH est reflétée par la sécrétion pulsatile de LH (luteinizing hormone) dans la circulation périphérique. Le bon fonctionnement de ces neurones à GnRH nécessite une masse grasse et des apports nutritionnels suffisants. La déconnexion hypothalamo-hypophysaire aboutit à la diminution des ARNm (acide ribonucléique messager) des sous-unités

β de la FSH (follicle stimulating hormone) et de la LH, et de leur sous-unité α commune au niveau des cellules gonadotropes. La structure normale du récepteur à la GnRH à la surface des cellules gonadotropes hypophysaires est donc également essentielle à la biosynthèse et à la sécrétion des sous-unités des gonadotrophines. • Au niveau hypophysaire, l’intégrité des cellules gonadotropes suppose non seulement des récepteurs à la GnRH fonctionnels, mais aussi l’expression normale des gènes de sous-unités α et β des gonadotrophines, ainsi que la formation de dimères biologiquement actifs. • Au niveau ovarien, les cellules folliculaires de la granulosa et de la thèque interne doivent être normalement sensibles à la FSH et à la LH. Cette bonne réceptivité ovarienne suppose l’intégrité des récepteurs aux gonadotrophines à la surface des cellules cibles ovariennes et l’absence d’immunoglobulines circulantes empêchant l’interaction gonadotrophine-récepteur. Par ailleurs, l’ovulation n’est possible qu’en présence d’un nombre suffisant de follicules primordiaux au niveau ovarien, constituant ce que l’on appelle la réserve ovarienne. L’épuisement précoce du capital folliculaire ovarien peut être induit par des lésions chromosomiques, des anomalies génétiques, une irradiation ou une exposition toxique. À chaque cycle, un follicule est recruté, sélectionné, devient dominant sous l’action de la FSH puis ovule sous l’effet du pic de LH. Le phénomène de l’ovulation est ainsi finement coordonné par les stéroïdes et les peptides ovariens, et toute atteinte enzymatique des voies de la stéroïdogenèse ovarienne peut induire des troubles de l’ovulation et une aménorrhée. • La desquamation cyclique de l’endomètre nécessite l’intégrité anatomique des dérivés mullériens. Elle n’est possible que si une sécrétion suffisante d’œstradiol (E2) en phase folliculaire a permis la prolifération cellulaire de la muqueuse endométriale. La transformation sécrétoire de l’endomètre sous l’effet de la progestérone en phase lutéale le rend apte à la nidation embryonnaire. Enfin, la chute des concentrations circulantes d’œstradiol et de progestérone en fin de phase lutéale provoque des modifications vasculaires et la desquamation de la couche superficielle de l’endomètre, c’est-à-dire les règles. Ainsi, les étiologies des aménorrhées secondaires peuvent-elles siéger à tous les niveaux de l’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien ou de l’endomètre.

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50

1709

AMÉNORRHÉE SECONDAIRE

Démarche diagnostique L’interrogatoire et l’examen clinique peuvent orienter vers certaines causes, mais les examens complémentaires sont souvent indispensables pour permettre le diagnostic étiologique d’une aménorrhée secondaire.

Éliminer une grossesse Le diagnostic de grossesse est à éliminer en premier. Il faut toujours y penser et interroger la patiente sur d’éventuels rapports non protégés potentiellement fécondants ou sur le type de contraception. L’existence de signes cliniques de grossesse (nausées, mastodynies, polydipsie, somnolence diurne, impression que les règles vont arriver) sont à rechercher par l’interrogatoire. L’examen clinique retrouve un col fermé et un utérus de taille variable selon l’âge de la grossesse. La prise matinale de la température est en faveur du diagnostic si elle est supérieure à 37 ˚C. Le dosage des β−hCG plasmatiques ou la pratique d’une réaction immunologique de grossesse (RIG) permettent le diagnostic.

Interrogatoire • Une prise médicamenteuse, en particulier de neuroleptiques, de la pilule ou d’un autre traitement hormonal (progestatif pouvant atrophier l’endomètre notamment) doit être recherchée. • Le mode d’installation de l’aménorrhée, brutal ou progressif doit être déterminé ainsi que les circonstances déclenchantes éventuelles : rupture sentimentale, décès d’un parent ou d’un proche, accouchement récent hémorragique, absence de montée laiteuse, accident de la voie publique. L’aménorrhée peut avoir été précédée de spanioménorrhée dont il faut dater le début par rapport à la puberté. • Une maladie générale, endocrinienne ou systémique peut être responsable de dénutrition : un diabète insulinodépendant, une méningite, une sarcoïdose, une pathologie systémique ou tumorale qui aurait nécessité une chimioet (ou) une radiothérapie (pelvienne ou hypophysaire). • Des variations pondérales à type de prise mais surtout de perte de poids (typiquement > 10 % du poids total), à l’occasion d’un régime volontaire, ou un trouble du comportement alimentaire doivent retenir l’attention. Une enquête nutritionnelle détaillée est systématique. Une évaluation de l’activité sportive (fréquence et intensité) doit également faire partie de l’interrogatoire. • L’existence de bouffées de chaleur oriente vers une insuffisance ovarienne, avec épuisement du capital folliculaire. L’interrogatoire recherche aussi des signes de carence œstrogénique: dyspareunie, baisse de la libido, frilosité, asthénie. • Une interruption volontaire de grossesse (IVG), un curetage utérin ou des douleurs pelviennes cycliques orientent vers une cause utérine. • L’âge de la ménopause de la mère ou des sœurs doit être demandé. 1710

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50

Examen clinique • Il permet d’évaluer l’imprégnation œstrogénique : trophicité des muqueuses, présence d’une glaire cervicale et sa filance. Sa présence à distance d’un saignement menstruel correspond à l’absence de progestérone, et peut être le signe d’une dysovulation. En revanche, son absence en phase folliculaire indique une carence œstrogénique. • Des signes d’hyperandrogénie doivent être recherchés : hirsutisme, acné, séborrhée, signes de virilisation. • Une galactorrhée, dont la spécificité en faveur d’une hyperprolactinémie est médiocre, doit être recherchée. • Des signes évoquant un déficit hypophysaire associé (thyréotrope et corticotrope, notamment) doivent être pris en compte.

Examens complémentaires • Le dosage de β-hCG élimine une grossesse. • Le dosage de FSH et de LH plasmatiques, par méthodes radio-immunologiques, constitue l’examen clé d’orientation diagnostique : – si FSH et LH sont élevées, il s’agit d’une insuffisance ovarienne. L’absence de sécrétion d’œstradiol n’exerce plus de rétrocontrôle négatif sur celle de LH et de FSH. En l’absence de croissance folliculaire, l’inhibine B, freinatrice de la FSH, n’est pas non plus sécrétée. Ces examens sont alors complétés par l’étude du caryotype à la recherche d’une mosaïque dans le cadre des dysgénésies gonadiques ; – si FSH et LH sont basses ou normales, l’ovaire est indemne et il peut s’agir d’une anomalie utérine (synéchie) ou centrale. Le bilan est alors complété par un dosage de prolactine et, si elle est élevée, une imagerie par résonance magnétique hypophysaire et un champ visuel. Si l’imagerie par résonance magnétique montre un macro-adénome ou que l’adénome n’est pas à prolactine, l’exploration des autres fonctions hypophysaires est nécessaire. En l’absence d’image hypophysaire, un test à la TRH sur la prolactine peut, s’il est « bloqué », faire évoquer un microprolactinome. • Le test aux progestatifs permet d’apprécier la sécrétion ovarienne d’œstradiol. Il consiste en l’administration d’un progestatif pendant 10 jours. Le test est dit positif si l’arrêt du progestatif provoque une hémorragie de privation dans les 5 jours qui suivent. Un test négatif est le signe d’une carence œstrogénique sévère. • Testostérone totale, ∆4 androstènedione et test au Synacthène sur la 17-hydroxyprogestérone (17-OHP) ne sont dosés qu’en présence d’hyperandrogénie clinique ou familiale. • Le test à la GnRH ne permet pas de localiser le niveau de l’atteinte : il peut être positif en cas d’atteinte hypophysaire, s’il reste suffisamment de cellules gonadotropes, ou négatif dans les atteintes hypothalamiques (comme le syndrome de Kallmann de Morsier). Il ne sert donc qu’à apprécier l’ampleur du déficit.

Gynécologie - Obstétrique

Étiologie Synéchies utérines Le diagnostic de synéchies utérines est orienté par les antécédents d’interruption volontaire de grossesse, de curetage utérin, de chirurgie pour myome, de césarienne ou de tuberculose pelvienne beaucoup plus rare, ainsi que par l’installation progressive de l’aménorrhée après une période d’oligoménorrhée. Ce diagnostic est confirmé par une courbe de température biphasique et l’hystérographie ou l’hystéroscopie montrant le siège de la synéchie : l’atteinte de l’isthme est toujours responsable d’une aménorrhée.

Insuffisance ovarienne Les causes d’insuffisance ovarienne sont évoquées devant l’existence de bouffées de chaleur qui n’existent pas au cours des insuffisances hypothalamo-hypophysaires. • Une dysgénésie gonadique peut survenir chez des femmes jeunes après un certain temps de cycles spontanés, fonction directe du capital folliculaire. Ces formes de dysgénésies gonadiques se situent soit dans le cadre de mosaïques du caryotype (XO/XX, XY/XX, etc.), soit avec un caryotype normal. Des cycles spontanés et même des grossesses ont été rapportés dans le cadre de dysgénésies complètes comme le syndrome de Turner. Le traitement substitutif œstroprogestatif séquentiel est entrepris dès le diagnostic. En cas de désir de grossesse, un don d’ovocyte est maintenant possible. • Une ménopause précoce survient par définition avant l’âge de 45 ans. Elle peut être iatrogénique et facilement identifiée à l’interrogatoire (radiothérapie ou chimiothérapie). Lorsqu’elle est idiopathique, elle correspond à un capital folliculaire diminué soit avec une notion familiale, soit par une forme mineure de dysgénésie gonadique à caryotype normal. Ce diagnostic est à distinguer du syndrome des ovaires résistants aux gonadotrophines, notamment en cas de désir de grossesse. Plus rarement, elle peut résulter d’une atteinte ovarienne auto-immune de type ovarite lymphoplasmocytaire aboutissant à une fibrose ovarienne. Dans 10 à 20 % des cas, l’atteinte ovarienne est associée à d’autres maladies auto-immunes telles que l’insuffisance surrénale ou l’hypothyroïdie de type Hashimoto qu’il convient de rechercher. Biologiquement, il existe une élévation de la FSH dosée au 3e jour du cycle, associée à une diminution du taux d’œstradiol et du taux d’inhibine B circulant qui est le reflet direct de la réserve ovarienne en follicules primordiaux. Il est important de noter que ce tableau biologique ne témoigne pas nécessairement d’une atteinte ovarienne irréversible : en effet, l’élévation des gonadotrophines après une cure de chimiothérapie peut n’être que transitoire et la reprise ultérieure de cycles ovulatoires reste possible, habituellement dans la 1re année. • Le syndrome des ovaires résistants aux gonadotrophines est une entité rare. Il revêt le tableau clinique d’une ménopause précoce, avec parfois un taux d’œstra-

TABLEAU I Principales causes et fréquences d’aménorrhée secondaire Hypothalamus ❑ Anomalies du rapport poids/taille, de l’état nutritionnel ❑ Exercice physique ❑ Stress ❑ Infiltration (craniopharyngiome, sarcoïdose, histiocytose) Hypophyse ❑ Adénome à prolactine ❑ Autre adénome hypophysaire (sauf ACTH) ❑ Syndrome de Sheehan ❑ Maladie de Cushing Ovaire ❑ Ménopause précoce ❑ Syndrome des ovaires polykystiques et dystrophies ovariennes Utérus ❑ Synéchies

(%) 15 10 10 <1 18 1 <1 <1 10 30 5

Autres ❑ Hyperplasie surrénale à révélation tardive ❑ Hypo ou hyperthyroïdie ❑ Tumeurs ovariennes

<1 <1 <1

diol plasmatique plus élevé (50-60 pg/mL). Le diagnostic est fait sur la biopsie d’ovaire, indiquée en cas de désir de grossesse. Elle montre la persistance de nombreux follicules bloqués au stade primordial. À l’inverse, s’il s’agit d’une ménopause précoce, on ne retrouve aucun follicule sur la biopsie d’ovaire. Une mutation du récepteur de la FSH a été identifiée dans des familles finlandaises atteintes d’insuffisance ovarienne primitive avec caryotype normal 46,XX. Plus récemment, une mutation moins sévère du récepteur de la FSH a été mise en évidence en France. L’insuffisance ovarienne était marquée par une aménorrhée secondaire et une sécrétion d’œstradiol non nulle ; cette mutation autorisant une croissance folliculaire jusqu’au stade antral était incompatible avec la sélection et la maturation folliculaire jusqu’au stade préovulatoire. En cas de désir de grossesse, seul le don d’ovocyte est possible.

Syndrome des ovaires polykystiques Il constitue l’une des causes les plus fréquentes d’anovulation et donc d’aménorrhée. Son mécanisme est encore très discuté : il s’agit plus probablement d’une anomalie primitivement ovarienne que d’un dysfonctionnement hypothalamo-hypophysaire. Chez certaines patientes, il existe un hyperinsulinisme avec insulinorésistance qui pourrait jouer un rôle pathogène au niveau ovarien. La description de formes familiales de syndrome des ovaires polykystiques évoque l’existence d’une prédisposition génétique, mais celle-ci est vraisembla-

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50

1711

AMÉNORRHÉE SECONDAIRE

blement multigénique et hétérogène. On distingue souvent le syndrome des ovaires polykystiques typique, avec un tableau clinique complet (le classique syndrome de Stein-Leventhal) et qui est en réalité rare, de la dystrophie ovarienne cliniquement dissociée, se limitant à une anovulation chronique sans hyperandrogénie clinique ou biologique évidente. Le diagnostic est alors plus difficile et, souvent, d’exclusion, reposant sur l’aspect micropolykystique des ovaires à l’échographie. Cliniquement, une spanioménorrhée existait souvent depuis la puberté avant l’installation de l’aménorrhée, associée à une acné, un hirsutisme, un surpoids et parfois un acanthosis nigricans. Classiquement, l’échographie endovaginale retrouve 2 gros ovaires avec de nombreuses formations « kystiques » en couronne et surtout une hypertrophie du stroma ovarien. Biologiquement, l’hyperandrogénie est retrouvée chez environ la moitié des patientes : élévation de la ∆4 androstènedione plasmatique, avec augmentation parallèle de la testostérone (par conversion périphérique). La diminution de la SHBG (sex hormone binding globulin) est en général secondaire au surpoids. La concentration d’œstradiol est typiquement normale en phase folliculaire, mais acyclique, assurant une imprégnation œstrogénique suffisante avec hyperœstrogénie relative du fait de l’anovulation. Le test aux progestatifs est d’ailleurs constamment positif. La LH est élevée, répondant excessivement à la GnRH, tandis que la FSH est normale. À l’inverse, toute atteinte partielle de l’axe gonadotrope avec anovulation chronique et sécrétion acyclique d’œstradiol peut être responsable d’un tableau clinique voisin de la dystrophie ovarienne (anovulation chronique sans hyperandrogénie). La petite taille des ovaires à l’échographie oriente alors vers l’origine gonadotrope de l’anovulation. Toute hyperandrogénie sévère peut être responsable d’une aménorrhée. Une concentration plasmatique de testostérone supérieure à 1,5 ng/mL impose la recherche d’hyperthécose, de tumeur ovarienne ou surrénale. Un déficit en 21-hydroxylase surrénale à révélation tardive peut être responsable d’une aménorrhée par atrophie endométriale. Le taux de 17 hydroxyprogestérone de base est alors quelquefois supérieur à 2 ng/mL en début de phase folliculaire, le diagnostic est confirmé par l’élévation de la 17 hydroxyprogestérone supérieure à 20 ng/mL après stimulation par le Synacthène.

Causes hypophysaires

1712

retrouver l’existence de céphalées, de troubles visuels ; l’examen clinique, l’existence de galactorrhée. Le diagnostic d’adénome à prolactine est fait par l’élévation du taux de prolactine de base (> 20 ng/mL) et surtout la réponse bloquée à la stimulation par la TRH : lors d’une réponse normale, le taux de base est multiplié par 3 ; une réponse insuffisante est en faveur d’un adénome à prolactine. Il peut cependant s’agir d’un adénome d’autre nature qui est responsable d’un « syndrome d’interruption de tige » : la compression de la tige pituitaire par l’adénome empêche la dopamine d’arriver jusqu’aux cellules lactotropes et d’exercer son effet freinateur physiologique. Il existe alors une discordance entre le volume de l’adénome et le taux de prolactine: l’élévation de la prolactine reste en règle modeste dans les macro-adénomes d’autre nature alors qu’elle est proportionnelle au volume de l’adénome s’il s’agit d’un prolactinome. C’est pourquoi l’imagerie par résonance magnétique hypophysaire doit être systématique au cours de l’exploration d’une aménorrhée. De plus, la prolactine peut être normale alors même qu’il existe un macro-adénome intrasellaire. L’imagerie par résonance magnétique indique le volume de l’adénome : microadénome o 7 mm, macro-adénome > 1 cm. Il peut être intrasellaire, suprasellaire de degrés 1, 2 ou 3, ou avec extension infrasellaire et effraction du plancher sellaire. Enfin, elle permet d’identifier un envahissement éventuel des sinus caverneux. Un champ visuel complète l’exploration à la recherche d’une hémianopsie ou d’une quadranopsie. S’il existe un macro-adénome, l’exploration des autres lignées hypophysaires est systématique à la recherche d’un adénome mixte à hormone de croissance ou GH (growth hormone), ou d’un déficit d’une des lignées cellulaires hypophysaires à traiter, sans oublier la recherche d’un diabète insipide. Le mécanisme par lequel l’hyperprolactinémie induit une anovulation n’est pas univoque. Il semble que l’effet antigonadotrope de la prolactine s’exerce de manière prédominante au niveau hypothalamique. Des récepteurs à la prolactine ont été mis en évidence au niveau des neurones à GnRH, elle pourrait donc exercer un effet direct sur la sécrétion de GnRH par l’oscillateur arqué. L’hyperprolactinémie diminue la fréquence des pulses de LH (peut-être sous l’effet des opioïdes centraux ou plus directement du tonus dopaminergique) et l’administration pulsatile de GnRH exogène permet de rétablir une pulsatilité normale de la LH malgré la persistance de l’hyperprolactinémie.

1. Tumorales

2. Non tumorales

Les plus fréquentes sont les adénomes à prolactine qui représentent 65 % des tumeurs hypophysaires. Près de 20 % des anovulations sont secondaires à une hyperprolactinémie. Il peut s’agir aussi de craniopharyngiomes plus souvent responsables d’aménorrhées primaires mais non exceptionnels à l’âge adulte, d’adénomes chromophobes ou d’adénomes sécrétants d’autre nature (Cushing ou acromégalie, adénomes gonadotropes, exceptionnels adénomes à TSH). L’interrogatoire peut

• Le syndrome de Sheehan correspond à une nécrose hypophysaire brutale et typiquement complète au cours d’un accouchement hémorragique. Il se présente dans les suites immédiates de l’accouchement par une insuffisance hypophysaire complète, avec absence de retour de couche, de montée laiteuse, pâleur et asthénie. Cependant, il existe des formes dissociées ou des formes avec une certaine récupération fonctionnelle. C’est l’anamnèse qui permet le diagnostic étiologique.

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50

Gynécologie - Obstétrique

• Les autres causes hypophysaires non tumorales comptent les traumatismes, séquelles d’infections méningées, d’arachnoïdites, chirurgicales ou radiothérapiques, maladies infiltrantes telles que la sarcoïdose, l’histiocytose X. • Une hyperprolactinémie peut être iatrogénique, secondaire à une prise médicamenteuse. La liste des médicaments potentiellement hyperprolactinémiants est longue. Les agents induisant une déplétion dopaminergique hypothalamo-hypophysaire sont tout particulièrement susceptibles d’induire une hyperprolactinémie : α-méthyldopa, phénothiazines, butyrophénones, benzamides, imipraminiques, amphétamines. À ceux-ci, on peut ajouter les œstrogènes, les opiacés, la cimétidine, les inhibiteurs calciques (tableau II).

TABLEAU II Médicaments hyper-prolactinémiants Adalate, Agréal, Aldomet, Anafranil, Atarax, Azantac, Buspar, Cimétidine, Colchimax, Deroxat, Diazépam, Dogmatil, Dolosal, Droleptan, Equanil, œstrogènes, œstroprogestatifs, Floxyfral, Fonzylane, Halcion, Haldol, Imovane, Isoptine, Largactil, Laroxyl, Ludiomil, Lysanxia, Melleril, Méprobamate, Mépronizine, Métoclopramide, Morphine, Myolastan, Nifédipine, Nocertone, Noctran, Phénergan, Plitican, Primpéran, Prozac, Raniplex, Rimifon, Rivotril, Séropram, Stilnox, Survector, Tagamet, Tégrétol, Témesta, Tercian, Théralène, Tiapridal, Tofranil, Tranxène, Urbanyl, Valium, Vérapamil, Xanax.

Causes hypothalamiques et supra-hypothalamiques Elles constituent ce que l’on appelle habituellement les aménorrhées psychogènes. Elles peuvent survenir dans le cadre d’une anorexie mentale, à l’adolescence. Typiquement, une jeune fille qui se trouve trop grosse débute un régime qui dépasse la perte de poids acceptable et, en raison d’une dysmorphophobie, poursuit son amaigrissement volontaire se trouvant toujours trop grosse ou devenant incapable de se nourrir normalement. Les règles disparaissent à partir d’un certain degré de perte de poids. Outre l’amaigrissement majeur qui permet le diagnostic étiologique, il existe souvent une réapparition du lanugo, une acrocyanose, une attitude cyphotique et surtout, dans le cadre d’une dysorexie, une parotidomégalie. L’acrocyanose est fréquente au cours de ces aménorrhées, sans que son mécanisme ne soit compris. Les dysorexies se différencient de l’anorexie par des comportements de compulsion boulimiques suivis de vomissements volontaires éventuellement associés à une prise de laxatifs et (ou) de diurétiques pouvant être responsables de troubles ioniques sévères. L’aménorrhée peut toutefois être isolée, sans perte de poids, ou survenir après un traumatisme psychologique que l’on doit rechercher par l’interrogatoire. On rapproche de ces aménorrhées celles survenant chez des filles faisant du sport de manière intensive (marathon, danse, etc.). On fait intervenir le rôle des opioïdes centraux dont le « tonus » serait élevé chez ces patientes et inhiberait

ainsi la sécrétion de GnRH et des gonadotrophines. Le rôle de la leptine (diminuée chez ces patientes) et celui du neuropeptide Y ont également été évoqués pour le mécanisme de l’anovulation chez les athlètes. Il faut noter que les aménorrhées après prise de pilule peuvent être d’origine psychogènes, mais dans 1 tiers des cas environ, elles sont en rapport avec un adénome à prolactine qu’elles révèlent. Le diagnostic d’aménorrhée psychogène est de toute façon un diagnostic d’élimination et n’est porté qu’avec une imagerie par résonance magnétique normale. En pratique, devant une aménorrhée supposée psychogène, on effectue un test aux progestatifs permettant de chiffrer le degré de l’imprégnation œstrogénique. La survenue de règles après un traitement de 10 j par un progestatif du groupe prégnane signe l’imprégnation de l’endomètre par l’œstradiol et témoigne de la persistance d’une certaine activité ovarienne. Le test au citrate de clomifène permet de chiffrer la profondeur de l’atteinte hypothalamique selon la réponse obtenue (ovulation, règles ou absence de réponse). Répétons que le test à la GnRH ne permet pas de localiser le niveau de l’atteinte, il ne sert donc qu’à apprécier l’ampleur du déficit. ■

Points Forts à retenir • La liste des causes possibles d’aménorrhée secondaire est longue, mais, en pratique, seules quelques-unes de ces causes sont très fréquentes et à ne pas méconnaître avant de débuter un traitement œstroprogestatif. L’adénome à prolactine, la polykystose ovarienne et l’aménorrhée hypothalamique psychogène couvrent près de 85 % des consultations pour aménorrhées secondaires. • Plusieurs mécanismes moléculaires ont été récemment identifiés comme des causes d’aménorrhée, tels que la mutation des récepteurs de la FSH au niveau ovarien ou des récepteurs de la GnRH au niveau hypophysaire. • Le diagnostic étiologique d’une anovulation chronique et son traitement approprié sont essentiels, car elle peut être responsable d’une hyperœstrogénie relative ayant des conséquences délétères à long terme sur certains organes cibles tels que l’utérus ou le sein. • Un nombre restreint d’examens complémentaires, associés à un interrogatoire et un examen clinique bien orientés, permet le diagnostic étiologique d’une aménorrhée secondaire dans la très grande majorité des cas. • Beaucoup des consultations pour aménorrhée secondaire sous-tendent un désir de grossesse dont il faut tenir compte au cours de l’exploration et du traitement. Un bilan d’infertilité est parfois nécessaire en complément de celui de l’aménorrhée.

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50

1713