00-1613

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Neurologie A 47

Trouble de l’équilibre Orientation diagnostique DR Caroline TILIKETE, PR Alain VIGHETTO Service de neurologie C, hôpital neurologique, 69394 Lyon Cedex 03.

Points Forts à comprendre • Les troubles de l’équilibre ou les instabilités sont un motif fréquent de consultation. Ils sont décrits comme une sensation d’instabilité permanente, de flottement, d’ébriété, et aboutissent parfois à des chutes. • Il s’agit d’un trouble à expression motrice correspondant à une mauvaise adaptation du contrôle postural, en l’absence de baisse de force. Cet ensemble recouvre assez bien le concept neurologique classique d’ataxie. • Le contrôle postural est assuré par des systèmes d’information (le système vestibulaire, visuel et sensitif), des systèmes d’intégration (les noyaux vestibulaires, le cortex pariétal et frontal), et des systèmes de rétrocontrôle (le cervelet). L’atteinte de l’un des acteurs du contrôle postural peut entraîner des troubles de l’équilibre. • L’examen clinique soigneux et méthodique permet le plus souvent de distinguer les ataxies vestibulaires, sensitives, frontales, cérébelleuses ou psychogéniques. Les examens complémentaires adaptés permettent d’aider au diagnostic topographique et étiologique.

Éléments d’orientation Les instabilités sont une cause très fréquente de consultation. Généralement, l’examen clinique permet d’objectiver des anomalies à la station debout ou à la marche, voire parfois des anomalies de la posture en position assise, permettant d’orienter le diagnostic physiopathologique (voir : Pour approfondir).

Interrogatoire Outre l’âge, les antécédents et les traitements suivis, il précise : • le type d’instabilité : mauvaise perception du sol ; maladresse ; impression d’ébriété ; raideur ; • son ancienneté, son mode d’installation, son mode évolutif ; • le contexte déclenchant : l’obscurité ; les terrains irréguliers ; les grandes surfaces, la foule ; à la suite d’efforts, notamment à glotte fermée ;

• le retentissement fonctionnel du trouble postural : utilisation d’une canne, d’un bras ; sorties extérieures ; montée/descente de voiture ; arrêts de travail ; • les signes d’accompagnement : vertiges ; chutes ; paresthésies ; acouphènes ; troubles sphinctériens ; détérioration des fonctions supérieures.

Examen clinique Il comprend différents temps.

1. Examen des troubles posturaux Il recherche des troubles posturaux statiques ou dynamiques : • au lever d’une chaise : embardées, prise d’appui ; • à la station assise, les yeux fermés, sans appui dorsal, les bras tendus : déviation des index ; • à la station debout pieds joints, yeux ouverts puis fermés (épreuve de Romberg) : oscillations, déviation latéralisée, embardées, chutes ; • à la station debout yeux fermés : résistance aux poussées ; • à la marche normale, au demi-tour, à la marche en arrière, à l’épreuve du funambule (talon devant la pointe de l’autre pied) : embardées, chutes, talonnement, déviation latéralisée ; • à la marche les yeux fermés d’avant en arrière (marche aveugle), ou sur place (manœuvre de Fukuda) : déviation latéralisée, non latéralisée, chutes. De manière schématique, les 3 systèmes sensoriels participant à la posture sont complémentaires. En cas de perte de référence visuelle, dans l’obscurité par exemple ou lors du test de Romberg, tout va dépendre de l’intégrité des autres systèmes sensoriels. Si l’un d’eux est déficitaire, les troubles posturaux vont apparaître, avec des troubles de l’équilibre à la fermeture des yeux (Romberg, marche aveugle, Fukuda). Par contre, lors d’une atteinte des voies efférentes motrices, comme une atteinte cérébelleuse, les troubles posturaux ne s’aggraveront pas à la fermeture des yeux.

2. Examen neurologique général L’examen clinique doit par ailleurs être complet sur le plan neurologique, recherchant notamment : des troubles du tonus ; une incoordination motrice ; des troubles de la sensibilité ; un nystagmus ; une anomalie des réflexes ; une altération des fonctions supérieures.

3. Examen général Il doit rechercher des causes otologiques, ophtalmologiques ou ostéo-articulaires. Les instabilités, surtout chez la personne âgée, sont souvent le fait de pathologies intriquées

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qui, isolées, ne donnent habituellement pas de troubles posturaux : c’est par exemple l’association d’une cataracte et d’une prothèse totale de hanche. Il ne faut pas oublier non plus que les instabilités peuvent être un signe d’appel d’une pathologie fonctionnelle ou psychiatrique avec un examen clinique le plus souvent discordant.

Examens complémentaires Peu d’explorations complémentaires sont disponibles pour l’étude des troubles de l’équilibre. Les platesformes de force ou de posturographie calculent la projection du centre de pression du corps en position debout et les variations de ce centre de pression en fonction du temps et à la fermeture des yeux. Ces tests étudient la posture dans sa globalité mais ne différencient pas les différents systèmes impliqués. L’Équitest est un système d’exploration posturale plus élaboré qu’une plate-forme de force, qui utilise un environnement visuel fictif asservi à la plate-forme mobile. De ce fait, il aide à différencier les divers systèmes impliqués dans la posture : vision, proprioception et vestibule. En fonction de l’orientation clinique, d’autres explorations peuvent être envisagées, comme des radiographies cervicales, un scanner cérébral, un électromyogramme, une imagerie par résonance magnétique (IRM) encéphalique ou rachidienne, une ponction lombaire…

Étiologie Le problème à résoudre est de reconnaître, par l’analyse sémiologique, les structures impliquées. En pratique, il peut s’agir d’une atteinte des structures d’informations : atteinte des voies lemniscales, vestibulaires ou visuelles ; d’une atteinte des structures corticales (cortex pariétal postérieur, cortex frontal) ; d’une atteinte des structures de contrôle cérébelleuses. Nous éliminons les troubles de l’équilibre qui s’accompagnent d’un déficit moteur (pyramidal ou extrapyramidal). Dans ce dernier chapitre sont repris les cadres pathologiques pouvant rendre compte de troubles de l’équilibre et sont décrits les éléments cliniques permettant de les reconnaître. La plupart des causes sont traitées en détail dans d’autres chapitres et nous n’envisageons que les principaux éléments du diagnostic.

Atteinte des structures d’information L’aggravation du trouble de l’équilibre par la fermeture des yeux caractérise l’atteinte sensitive ou sensorielle.

1. Ataxie vestibulaire Elle est aussi appelée ataxie labyrinthique. Par le contrôle qu’il exerce sur le tonus musculaire, le système vestibulaire est l’un des éléments essentiels du maintien de la position verticale et de l’équilibre. Le système vestibulaire périphérique inclut l’organe sensoriel et le nerf vestibulaire jusqu’à sa connexion avec les noyaux vestibulaires dans le tronc cérébral. 1614

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L’ataxie vestibulaire s’accompagne d’un syndrome vestibulaire. L’association à un vertige est l’élément déterminant, de même que la mise en évidence d’un nystagmus. L’ensemble de la symptomatologie apparaît ou est majoré à la fermeture des yeux. • L’interrogatoire recherche, outre le vertige, des signes cochléaires comme une surdité et des acouphènes ou des signes neurologiques centraux témoignant d’une atteinte du tronc cérébral. • Lors d’une atteinte périphérique unilatérale aiguë, les troubles posturaux sont accompagnés d’autres signes vestibulaires réalisant un syndrome harmonieux associant : une déviation des index vers le côté atteint ; une déviation vers le côté atteint à la marche aveugle ou à l’épreuve de Fukuda. Cette rotation axiale du corps sur lui-même est assez spécifique d’une atteinte vestibulaire (périphérique ou centrale), lorsqu’elle est d’amplitude significative ; un vertige intense ; un nystagmus horizontal ou horizontorotatoire battant vers le côté sain. Les troubles posturaux sont violents au début pouvant empêcher la station debout et rentrent rapidement dans l’ordre, donnant rarement lieu à des instabilités posturales durables. Les tests vestibulaires (épreuve pendulaire, test calorique) montrent un dysfonctionnement unilatéral des voies vestibulaires. Les principales causes sont la maladie de Ménière, la névrite vestibulaire, les causes traumatiques, l’otospongiose… • Lors d’une atteinte périphérique unilatérale chronique ou lente, les troubles posturaux ipsilatéraux (déviation des index vers le côté atteint, déviation vers le côté atteint à la marche aveugle ou à l’épreuve de Fukuda) ne sont généralement pas accompagnés de vertige ou de nystagmus. Il s’agit surtout du neurinome de l’acoustique. Dans ce cas, il y a généralement des signes auditifs associés aux troubles posturaux. Les examens complémentaires (audiogramme, potentiels évoqués auditifs, imagerie par résonance magnétique encéphalique) aident au diagnostic. • Lors d’une atteinte périphérique bilatérale, l’instabilité posturale est majeure ; il n’y a pas de déviation systématisée à la marche aveugle ou au test de Fukuda, puisque l’atteinte est symétrique ; l’épreuve de Romberg entraîne une chute ; il n’y a généralement pas de vertige ni de nystagmus ; les patients décrivent des oscillopsies aux mouvements rapides de la tête traduisant l’hypofonctionnement du réflexe vestibulo-oculaire. L’absence de réponse vestibulo-oculaire à l’examen clinique ou aux explorations vestibulaires (épreuve pendulaire, épreuve calorique) permet d’authentifier l’aréflexie vestibulaire et suggère dans ce contexte l’absence de réflexe vestibulospinal. L’exemple le plus dramatique est une neuropathie vestibulaire toxique (gentamycine, cisplatine, diurétique, aspirine). • Lors d’une atteinte centrale, le trouble postural peut mimer une atteinte périphérique pure ; il est le plus souvent dysharmonieux, non latéralisé, de type ébrieux ; parfois il s’agit d’un tableau d’inclinaison statique du corps (latéropulsion axiale) ; le vertige est peu intense ; le nystagmus est de type central (changeant de direction, vertical pur, rotatoire pur, non inhibé par la fixation

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prédisposant doivent faire évoquer ce diagnostic. Toutes les atteintes du tronc cérébral qui touchent de près ou de loin les voies vestibulaires participant à la posture peuvent induire une instabilité. Il peut s’agir de lésions vasculaires, tumorales, démyélinisantes… L’imagerie par résonance magnétique encéphalique est l’examen de choix

2. Ataxie sensitive

1 Syndrome de Wallenberg. Image IRM T2 montrant un hypersignal latérobulbaire gauche (flèche) témoin d’une lésion ischémique latérobulbaire gauche. Cette patiente de 65 ans présentait une ataxie vestibulaire en relation avec un syndrome vestibulaire central.

oculaire) ; les troubles posturaux sont associés à d’autres signes neurologiques centraux. Le meilleur exemple est donné par le syndrome de Wallenberg, accident ischémique latérobulbaire, touchant les noyaux vestibulaires (fig. 1). Les symptômes vestibulaires sont un grand vertige rotatoire, un nystagmus de sens de battement variable et des troubles posturaux ressemblant à une atteinte périphérique. Les symptômes vestibulaires peuvent aussi se présenter sous la forme d’une latéropulsion axiale. Ces symptômes vestibulaires d’allure parfois périphérique s’associent à des symptômes neurologiques qui ne passent pas inaperçus : une hypoesthésie hémifaciale, un syndrome cérébelleux, une paralysie vélo-pharyngo-laryngée (dysphonie, dysarthrie, hoquet, signe du voile, signe du rideau), un syndrome de Claude Bernard-Horner (myosis, ptosis) du côté de la lésion ; une hypoesthésie thermo-algique hémicorporelle controlatérale à la lésion. Dans les atteintes ischémiques du cervelet inférieur, il peut exister une sémiologie vestibulaire isolée, à type de vertige rotatoire, déviation posturale et nystagmus horizonto-rotatoire harmonieux dont le diagnostic différentiel peut être difficile avec une atteinte vestibulaire périphérique. L’âge du patient et un terrain vasculaire

La voie sensitive impliquée est la voie dite lemniscale. Sa longueur en fait l’une des structures les plus vulnérables du système nerveux. • L’interrogatoire recherche : des troubles subjectifs témoignant d’une atteinte de la sensibilité profonde, à savoir des paresthésies (sensation de fourmillement, piqûres, ruissellement…) ; une décharge électrique irradiant dans le rachis et les 4 membres à la flexion de la nuque (signe de Lhermitte) ; des troubles de la coordination des membres inférieurs à la marche ou lors de la conduite automobile (changement de pédale). • L’examen objective : une hypotonie qui se traduit par une marche talonnante ; une instabilité majeure à l’épreuve de Romberg sans direction particulière ; une diminution du sens de position segmentaire ; une diminution de sensibilité au diapason ; des difficultés dans l’épreuve talon-genou ; une main instable ataxique, si le déficit atteint les membres supérieurs. Toutes ces manifestations sont induites ou majorées à la fermeture des yeux. Une atteinte massive et diffuse de ce système sensitif profond peut induire une instabilité, soit par une atteinte diffuse des nerfs, soit par une atteinte focale des cordons sensitifs et le plus souvent au niveau médullaire. Le problème essentiel est de différencier l’atteinte périphérique de l’atteinte centrale. L’abolition des réflexes ostéotendineux est le critère essentiel de l’atteinte périphérique. L’atteinte hémicorporelle est un des critères d’atteinte centrale, de même que la présence d’un signe de Lhermitte, d’un syndrome alterne médullaire (Brown-Séquard) ou du tronc cérébral. La sémiologie lemniscale n’offre aucune spécificité étiologique ni topographique. Elle peut traduire une polyneuropathie (comme la polyradiculonévrite aiguë ou syndrome de Guillain et Barré), une atteinte médullaire cordonale postérieure (comme la myélopathie cervicale [fig. 2], le tabès) ou une atteinte au niveau cérébral (comme la sclérose en plaques). La topographie des paresthésies et les signes associés orientent le diagnostic. L’atteinte est bilatérale, symétrique et ascendante, avec des anomalies de l’électromyogramme (EMG) et de la ponction lombaire dans les polyneuropathies. L’atteinte est globale ou hémicorporelle ipsilatérale à la lésion, parfois dans le cadre du syndrome de BrownSéquard, toujours sous-lésionnelle dans les lésions médullaires. L’imagerie par résonance magnétique médullaire est l’examen de choix. L’atteinte est hémicorporelle controlatérale à la lésion, plus ou moins proportionnelle dans les lésions du tronc cérébral, du thalamus ou du cortex. Dans ce cas, le scanner cérébral ou l’imagerie par résonance magnétique encéphalique sont les examens complémentaires nécessaires.

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2 Myélopathie cervicale. Image IRM T2 en coupe sagittale

3 Méningiome frontal. Image IRM T1 avec injection de

sur la moelle cervicale montrant une image de compression médullaire discarthrosique de niveau C4-C5 avec un hypersignal intramédullaire en regard, témoin d’une myélopathie cervicale discarthrosique sévère. Ce patient de 60 ans présentait une ataxie sensitive et un signe de Lhermitte en relation avec une compression des voies lemniscales de la moelle cervicale.

gadolinium montrant une lésion expansive de topographie frontale, prenant régulièrement le contraste. Il s’agit d’un méningiome. Ce patient de 58 ans présentait une ataxie frontale, des troubles sphinctériens et un ralentissement psychomoteur.

Atteinte des structures corticales 1. Cortex pariétal Les troubles posturaux sont fréquents dans les lésions intéressant le thalamus et le cortex et notamment les accidents vasculaires cérébraux supratentoriels. Indépendamment des déficits moteurs, somato-sensoriels ou visuels, ils prédominent dans les lésions hémisphériques droites. L’hypothèse est que ces troubles posturaux peuvent partiellement être expliqués par un défaut d’élaboration d’une représentation du schéma corporel dans l’espace, plutôt dévolu à l’hémisphère droit. Le scanner cérébral ou l’imagerie par résonance magnétique sont les examens de choix pour le diagnostic de ces troubles posturaux d’origine pariétale, permettant d’en reconnaître la cause : lésion tumorale, lésion ischémique…

2. Cortex frontal L’ataxie frontale ou astasie-abasie est une incapacité à assurer de manière complète ou partielle la position debout et la marche alors que l’examen analytique du malade couché est normal. Elle se caractérise par un 1616

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examen analytique normal ; une rétropulsion importante ; une amélioration considérable des performances fonctionnelles en lui faisant tendre les bras en avant et en lui tenant les mains ; une trépidation sur place au démarrage ou au passage des portes. Ce symptôme est le plus souvent révélateur d’une hydrocéphalie à pression normale ; d’une lésion tumorale frontale (fig. 3) ; d’une atrophie frontale ; d’une encéphalopathie vasculaire ; d’une maladie de Parkinson ou d’un autre syndrome parkinsonien (maladie de Steele, Richardson et Olszewski). Le scanner cérébral ou l’imagerie par résonance magnétique sont les examens de choix dans l’ataxie frontale.

Atteinte cérébelleuse Le syndrome cérébelleux induit lui aussi un déficit fonctionnel moteur indépendant d’un déficit de la force. Le cervelet assure le réglage du tonus musculaire au départ, pendant et à l’arrêt du mouvement. Il assure la régularité, la vitesse du démarrage et du freinage. L’élément de base de la sémiologie cérébelleuse est l’hypotonie.

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1. Interrogatoire Il recherche une sensation d’instabilité vécue le plus souvent comme une démarche ébrieuse ; une maladresse des membres supérieurs ; un tremblement.

2. Examen de la posture Les troubles posturaux ne sont pas aggravés à la fermeture des yeux. À la station debout, il existe des oscillations en tout sens, une danse des jambiers antérieurs, un élargissement du polygone de sustentation. La marche est titubante, ébrieuse et bruyante ; les pieds sont écartés, les bras sont en balancier.

3. Autres troubles moteurs Les autres troubles moteurs sont une hypotonie, des réflexes pendulaires, une dysarthrie, une écriture irrégulière, une hypermétrie, une adiadococinésie, une asynergie, une dyschronométrie, un tremblement intentionnel. L’atteinte vermienne entraîne des troubles dominant sur l’usage des membres inférieurs dans les activités automatiques, comme le maintien de la position debout et la marche. L’atteinte hémisphérique donne un syndrome latéralisé sur les gestes volontaires. Le syndrome cérébelleux n’a aucune spécificité étiologique et ses mécanismes d’atteinte sont multiples. Il peut s’agir d’affections aiguës comme un accident vasculaire (fig. 4), une sclérose en plaques ou un abcès ; d’affections subaiguës ou chroniques comme une tumeur, une cause toxique (alcool, médicaments), une pathologie dégénérative, une pathologie paranéoplasique, une maladie de Creutzfeldt-Jakob, une malformation d’Arnold-Chiari. L’imagerie par résonance magnétique encéphalique, qui permet de bien visualiser le cervelet, est l’examen de choix dans le bilan étiologique de l’ataxie cérébelleuse. En fonction des orientations diagnostiques, peuvent ensuite se discuter : ponction lombaire, prélèvement en biologie moléculaire, électroencéphalogramme…

4 Accident vasculaire cérébelleux. Image IRM T2 montrant un hypersignal cérébelleux de topographie paramédiane droite en rapport avec une lésion ischémique du vermis cérébelleux. Cette patiente de 63 ans présentait une ataxie cérébelleuse.

d’autres troubles psychiques (trouble postural phobique). Les éléments du diagnostic sont : tableau de type astasieabasie ; chutes théâtrales non traumatisantes ; absence de signes objectifs à l’examen ; contexte psychologique : anxiété, phobie, histrionisme, dépression ; survenue dans les grandes surfaces, dans la foule ; intrication possible avec un trouble initial neurologique comme un syndrome vestibulaire ; normalité des examens paracliniques. ■

Ataxie psychogène L’instabilité, les chutes et toutes les présentations de perte de l’équilibre peuvent être l’expression d’un trouble somatoforme, d’un trouble de conversion ou

POUR EN SAVOIR PLUS Aimard G, Vighetto A. Neuropsychiatrie clinique : du symptôme au diagnostic. Paris : Medsi McGraw-Hill, 1987. Massion J. Fonction motrices. Encycl Med Chir. Paris : Neurologie, 17-002-D-10, 1994. Pérennou D, Bénaïm C, Rouget E, Rousseaux M, Blard JM, Pélissier J. Posture et équilibre après accident vasculaire cérébral : désavantage de l’hémisphère droit. Rev Neurol (Paris) 1999 ; 155 : 281-90. Perrin C. Le vertige. Histoire et actualité. Paris : Louis Pariente, 1998. Shmitt J. Troubles de la coordination. Encycl Med Chir. Paris :

Points Forts à retenir • Les troubles de l’équilibre sont liés à une atteinte de l’un des systèmes participant au contrôle postural. On les retrouve en pathologie périphérique ou centrale et dans de multiples causes. • Les troubles de l’équilibre liés à une atteinte des systèmes d’information, ataxies vestibulaires ou sensitives, sont aggravés à la fermeture des yeux. Les troubles de l’équilibre liés à une atteinte des systèmes de contrôle comme les ataxies cérébelleuses ou l’astasie-abasie frontale ne sont pas aggravés à la fermeture des yeux. L’épreuve de Romberg est donc une étape importante de l’examen clinique.

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POUR APPROFONDIR Acteurs du contrôle postural

Entrées vestibulaires

Le contrôle postural est l’exemple même d’un système sensori-moteur complexe qui fait intervenir des organes sensoriels périphériques, des structures d’intégration, des voies motrices et des structures de rétrocontrôle (schéma). Sa finalité est d’assurer l’équilibre qui est soumis à la nécessité physique de maintenir la projection au sol du centre de gravité à l’intérieur du polygone de sustentation, tant en conditions statiques que dynamiques. Informations sensorielles Le système postural utilise différentes informations sensorielles. Entrées sensitives La somesthésie est représentée par la résultante de toutes les informations qui nous renseignent sur le positionnement de notre corps. Elle repose sur l’intégrité des sensibilités profonde et superficielle. Dans la fonction d’équilibration, c’est la sensibilité profonde qui joue un rôle de 1er plan. Elle émane de mécanorécepteurs situés dans les muscles, les tendons, les ligaments et les capsules articulaires. On la désigne sous le nom de proprioception. La plante des pieds possède la plus grande densité de récepteurs de tous types appartenant à cette catégorie : derme profond, muscles, tendons, articulations. La sensation de pression sur la voûte plantaire constitue une information proprioceptive majeure puisqu’elle permet de savoir si le poids du corps est également réparti sur les 2 pieds et si ce poids porte davantage sur la partie antérieure ou postérieure du pied. La musculature de la nuque est également très richement pourvue en récepteurs proprioceptifs. Ce système sensitif fournit des informations concernant le tonus musculaire, la position et le déplacement du corps par rapport au sol et de la tête par rapport au corps.

Le vestibule est un organe pair et symétrique, situé dans le labyrinthe membraneux postérieur de l’oreille interne, lui-même logé dans le labyrinthe osseux du rocher de l’os temporal. Ce labyrinthe membraneux postérieur est constitué d’une cavité centrale, le vestibule proprement dit, comprenant 2 vésicules, l’utricule et le saccule, où aboutissent 3 canaux semi-circulaires. On distingue 2 types anatomiques et fonctionnels de récepteurs vestibulaires : les crêtes ampullaires des canaux semi-circulaires et les macules de l’utricule et du saccule. Les crêtes ampullaires sont sensibles aux accélérations angulaires de la tête, c’est-à-dire aux mouvements de rotation de la tête. On parle de récepteurs « canalaires ». Les macules utriculaires et sacculaires sont sensibles d’une part, aux accélérations linéaires de la tête, c’est-à-dire aux mouvements de translation de la tête et, d’autre part, à la position de la tête par rapport à la gravité. On parle de récepteurs « otolithiques » Les récepteurs sensoriels transmettent au neurone vestibulaire un signal correspondant à la position ou au déplacement de la tête dans l’espace. Entrées visuelles La vision est un outil essentiel pour la construction et le contrôle de la représentation d’un monde environnant nécessaire à la fonction d’équilibration. Cette fonction est notamment sous-tendue par la vision périphérique sensible aux changements relatifs de position ou de vitesse de l’environnement extérieur par rapport au sujet : c’est le système optocinétique. Les différents systèmes sensoriels sont source d’informations complémentaires et non redondantes. Par exemple, le système vestibulaire renseigne sur les rotations brèves de la tête à haute fréquence, alors que le système optocinétique devient prédominant pour les mouvements lents et prolongés de la tête. Surtout, toutes ces informations sont intégrées à différents niveaux du système nerveux, comparées et analysées pour la construction d’un modèle interne de représentation du corps dans l’espace.

CONTRÔLE POSTURAL Afférences proprioceptives

Centre intégrateur médullaire Moelle épinière Motricité réflexe

Afférences vestibulaires

Centre intégrateur du tronc cérébral Noyaux vestibulaires Motricité automatique

Afférences visuelles (optocinétique)

Centre intégrateur cortical Cortex temporo-pariétal postérieur Motricité volontaire

Système de contrôle Cervelet Tonus postural réflexe myotatique

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Ajustements posturaux automatiques

Ajustements posturaux anticipés

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POUR APPROFONDIR (SUITE) Différents niveaux de réponse motrice À partir de ces différents organes sensoriels, le système postural élabore des réponses motrices issues principalement de la musculature antigravitaire de maintien statique de la position debout et de la musculature permettant des ajustements posturaux nécessaires en conditions dynamiques. Les réponses motrices dépendent de 3 systèmes sensori-moteurs localisés à différents niveaux d’organisation du système nerveux. Au niveau médullaire : motricité réflexe Le tonus des muscles antigravitaires est dépendant des réflexes myotatique et d’étirement qui, pour toute traction passive sur un muscle, génèrent une contraction immédiate mettant en jeu un arc réflexe court. Ces réflexes sont sous le contrôle de structures supramédullaires comme les voies vestibulo-spinales qui ainsi modulent le tonus de la musculature antigravitaire. Au niveau des noyaux vestibulaires du tronc cérébral : motricité automatique Les noyaux vestibulaires sont situés à la partie postéro-latérale de la jonction bulbo-protubérantielle. Ils reçoivent des afférences issues des systèmes somesthésiques, vestibulaire et visuel. Les informations sensorielles, issues des récepteurs proprioceptifs de la musculature du cou renseignent sur les mouvements et la posture de la tête par rapport au corps. Les informations visuelles issues du système optocinétique renseignent sur le mouvement relatif du sujet par rapport à l’environnement (nystagmus des trains). Les afférences vestibulaires donnent des informations sur les mouvements et la position de la tête par rapport à la gravité. Grâce à ces informations multimodales, les noyaux vestibulaires sont capables d’élaborer à leur niveau une reconstruction de la position de la tête par rapport au corps et à l’environnement extérieur ainsi que d’élaborer des réponses com-

pensatrices posturales. Les réponses motrices de ce deuxième niveau du système de contrôle postural sont à destination médullaire par les voies vestibulo- et réticulo-spinales contrôlant le tonus et les ajustements posturaux de la tête, du cou, du rachis et des racines des membres inférieurs. Ce système de contrôle de la posture permet d’induire des réponses posturales automatiques en réaction à des déplacements du corps dans l’environnement extérieur. Au niveau cortical : motricité volontaire Le cortex pariétal postérieur reçoit des informations multimodales sensitives, visuelles et vestibulaires. Les informations vestibulaires sont intégrées avec les autres informations sensorielles dans la région pariéto-insulaire postérieure, dite « cortex vestibulaire ». Cette intégration corticale d’informations multimodales participerait notamment au sein du cortex pariétal postérieur droit à l’élaboration d’un modèle interne de représentation du corps dans l’espace nécessaire à différents actes moteurs et notamment aux ajustements posturaux anticipés. Les lobes pariétaux sont étroitement interconnectés avec les régions des lobes frontaux où sont initiées les commandes des actes moteurs. Ces voies corticales permettent d’initier des ajustements posturaux anticipés lors de mouvements volontaires modifiant la position du centre de gravité du corps dans l’espace environnant. Systèmes de contrôle : le cervelet Les voies motrices efférentes sont finalement sous la dépendance d’une boucle de rétrocontrôle installée en dérivation : le cervelet. Le cervelet médian (vermis cérébelleux) intervient dans le contrôle du tonus postural afin de l’adapter aux nécessités des motricités volontaires, automatiques et réflexes. Le cervelet inférieur reçoit aussi des informations multimodales vestibulaires, proprioceptives et visuelles et intervient dans l’adaptation et les ajustements

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