00-1029

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Gynécologie - Obstétrique B 163

Immunisation sanguine fœto-maternelle Dépistage, prévention DR Marie-Hélène POISSONNIER Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 75674 Paris Cedex 14.

Points Forts à comprendre • L’allo-immunisation fœto-maternelle se manifeste par l’acquisition d’anticorps érythrocytaires qui, par un enchaînement, peut entraîner une hémolyse fœtale. • Le but de la prise en charge de ces grossesses est, dans un premier temps, d’éviter l’apparition de cette incompatibilité; si ce phénomène n’a pu être évité, la compréhension du processus immunologique permet une surveillance adaptée ainsi que des décisions thérapeutiques opportunes.

Physiopathologie Acquisition des anticorps maternels L’acquisition des anticorps maternels survient à la suite de l’introduction d’érythrocytes étrangers, chez la patiente, dans différentes circonstances : transfusion, grossesse, hétéro-hémothérapie, greffes, toxicomanies. Le risque d’immunisation est beaucoup plus important après transfusion tout en étant très présent dans les autres circonstances. Dans les cas les plus fréquents, on retrouve une immunisation dans le système D, mais il est possible de découvrir des anticorps anti-c, anti-C, anti-Kell qui peuvent donner le même type de problème.

Débit d’anticorps vers le fœtus Pendant la grossesse, on peut concevoir qu’il existe un enchaînement d’événements immunopathologiques qui risquent d’aboutir à l’hémolyse fœtale. Le débit d’anticorps vers le fœtus dépend de 2 éléments principaux : la concentration maternelle en anticorps pathogènes qui peut entraîner, si elle est élevée, une anémie importante chez le fœtus ; la cinétique du transfert transplacentaire de ces anticorps. La concentration en IgG augmente en cours de grossesse ; faible avant 4 mois, elle dépasse le taux maternel en fin de grossesse ce qui en confirme le caractère actif.

Formation des complexes immuns La fixation des anticorps sur le globule rouge constitue une étape importante du processus hémolytique des érythrocytes fœtaux. La densité des antigènes cibles sur les hématies fœtales intervient ainsi que l’affinité de l’anticorps pathogène pour l’antigène. Il est certain que ces éléments permettent d’expliquer la variabilité des atteintes fœtales à taux d’anticorps équivalents.

Hémolyse fœtale Ce sont les macrophages de la rate et du foie qui vont prendre en charge l’hémolyse des érythrocytes. Ces cellules effectrices captent les globules rouges par l’intermédiaire de la partie Fc des anticorps fixés. L’importance de cette lyse est dépendante de la concentration et de l’affinité des antigènes ainsi que de la structure du fragment Fc de l’immunoglobuline fixée. En effet, le degré d’activation macrophagique est lié à l’appartenance de l’anticorps à l’une des sous-classes d’IgG (IgG1, par exemple), plus pathogène pour les antigènes D.

Conséquences fœtales de l’hémolyse L’anémie est la conséquence fœtale de l’hémolyse. Bien que la tolérance fœtale de l’anémie soit remarquablement bonne, notamment pendant la première moitié de la grossesse, cette anémie peut être à l’origine de complications sévères pouvant aller jusqu’à la mort in utero dans un tableau d’anasarque si elle n’est pas corrigée. Cette tolérance de l’anémie permet au fœtus de ne développer aucun signe clinique ou échographique pour des taux d’hémoglobine relativement bas comme 3 à 4 g/mL d’hémoglobine au début du deuxième trimestre de la grossesse, ce qui n’est pas le cas plus tard ; par contre les moindres signes échographiques ont leur importance car la décompensation de l’anémie peut être très rapide. Malgré les phénomènes d’adaptation, une augmentation du flux sanguin et une érythropoïèse compensatrice s’installent pour lutter contre l’anémie fœtale. Si cette dernière n’est pas corrigée, on assiste à une décompensation de ce tableau avec une évolution vers l’anasarque.

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IMMUNISATION SANGUINE FŒTO-MATERNELLE

Il est possible de distinguer 2 stades sur le plan physiopathologique ; la frontière entre les 2 est souvent difficile à cerner. • Le stade précoce ou stade fonctionnel se caractérise par un tableau d’anasarque débutant avec un ou plusieurs des signes suivants, dépistés à l’échographie de surveillance : épanchement au niveau des séreuses (péricarde, plèvre, abdomen), œdème cutané généralisé, hépatosplénomégalie, diminution de la vitalité fœtale, polyhydramnios, augmentation de l’épaisseur placentaire. Sur le plan biologique, ce tableau se traduit par une anémie le plus souvent comprise entre 3 et 6 g/dL, un taux modérément élevé des érythroblastes circulants, l’absence de thrombopénie, une gazométrie normale et l’absence de perturbation de paramètres biochimiques, excepté une hypoalbuminémie modérée de dilution. La régression in utero du syndrome d’anasarque est généralement obtenue rapidement, en quelques jours après correction transfusionnelle in utero de cette anémie. • Le stade tardif ou lésionnel est constitué par un tableau d’anasarque fœto-placentaire confirmé avec ascite, hépatomégalie, œdème cutané, polyhydramnios et hypertrophie placentaire. Il se caractérise par une anémie en moyenne plus marquée, le taux d’hémoglobine étant fréquemment inférieur à 3 g/dL, mais surtout une série plus ou moins complète d’anomalies apparaît (thrombopénie, élévation des transaminases sériques, érythroblastose périphérique et diminution de la pression veineuse ombilicale en oxygène) qui témoigne de lésions cellulaires variées, d’un état de coagulopathie et de perturbations graves des échanges gazeux transplacentaires. La régression de l’anasarque peut être obtenue in utero par correction transfusionnelle, mais de façon moins régulière et moins rapide que pour le stade précoce de ces anasarques. La présence de thrombopénie et l’absence de normalisation de la pression veineuse ombilicale en oxygène constituent des éléments de mauvais pronostic.

Bilan initial de gravité Il tient compte d’un certain nombre d’éléments.

1. Détermination du phénotype paternel Si le père est homozygote, le risque d’avoir un enfant atteint est évalué à plus de 98 % ; s’il est hétérozygote, il est de 50 %. Dans ce dernier cas, il est possible de déterminer le groupe sanguin du fœtus dès 10 semaines d’aménorrhée (SA) par biopsie de trophoblaste. Cette exploration est réservée aux patientes présentant un taux d’agglutinines irrégulières particulièrement élevé ou avec des antécédents sévères. En effet, ce geste diagnostique, comme tout geste in utero, présente un risque important de réactivation du taux des anticorps ; il ne doit donc être préconisé que s’il se solde par une interruption médicale de grossesse en cas de grossesse incompatible.

2. Antécédents de la patiente Il est intéressant de connaître le mode d’immunisation de cette patiente; il peut s’agir d’une transfusion hétérogroupe ou de motifs obstétricaux. Sur le plan obstétrical, on peut retrouver une absence de prévention ou une prévention insuffisante dans des situations à risque d’hémorragie fœto-maternelle : fausse couche spontanée, interruption volontaire ou médicale de grossesse, métrorragie, grossesse extra-utérine, cerclage, choriocentèse, amniocentèse, cordocentèse, hématome rétroplacentaire, choc sur l’abdomen, version par manœuvre externe, placenta prævia, mort in utero et surtout lors de l’accouchement. Si la patiente présente des antécédents obstétricaux avec allo-immunisation fœto-maternelle, il est intéressant d’en connaître la sévérité (ictère post-natal, mort in utero, anasarque ) et le terme, pour orienter le schéma de surveillance et la fréquence des contrôles biologiques et échographiques.

3. Taux des agglutinines irrégulières

Dépistage On peut être amené à envisager ce problème d’agglutinines irrégulières positives en cours de grossesse ou en dehors de toute grossesse, la patiente venant consulter pour avis avant d’entreprendre une nouvelle grossesse.

Agglutinines irrégulières dépistées À la suite d’études, grâce à un panel d’antigènes, il est possible de définir le ou les types d’anticorps. Une étude faite en 1987 par le centre d’hémobiologie périnatale de Paris, chez 675 femmes enceintes, a permis d’évaluer que : l’anti-D accompagné ou non d’autres anticorps (anti-C et anti E), représente près de 50 % des anticorps. Un tiers des anticorps recouvre les spécificités anti-E (isolé), anti-Kell ou anti-c. L’anti-M vient largement en tête du groupe des autres anticorps, qui représente 13 % des anticorps identifiés. 1030

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Il est évalué avec un dosage pondéral et, si possible, comparé aux résultats des grossesses antérieures.

Surveillance de la grossesse 1. Clinique La surveillance est rigoureuse comme pour toute grossesse. Il faut être particulièrement vigilant sur le dépistage de signes évoquant une diminution de la vitalité fœtale ou un début de décompensation (apparition de polyhydramnios ou de syndrome toxémique ).

2. Échographie Elle est importante pour la surveillance de ces grossesses. Elle permet de préciser le terme et de dépister des signes d’hémolyse ou d’anémie fœtale en faisant des examens comparatifs tous les 15 jours voire toutes les semaines dans les cas particulièrement à risque. Cette

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surveillance permet d’indiquer des explorations plus invasives, en cas d’aggravation, mais également, dans un bon nombre de cas, de temporiser. Lorsque débute la décompensation de ce tableau d’alloimmunisation, les « petits » signes échographiques précédant l’anasarque ont une valeur primordiale. On peut définir schématiquement 3 stades échographiques. • Le premier stade est celui où l’échographie ne révèle aucun signe de décompensation, mais ne permet pas d’exclure l’anémie fœtale. Ce sont les autres éléments de surveillance qui permettent d’orienter le diagnostic. • Le deuxième stade ou anasarque débutante correspond généralement à l’anasarque fonctionnelle. Elle peut se manifester, chez le fœtus, par un épanchement péricardique, une hépatomégalie, des anses intestinales trop bien vues, une ascite débutante, un œdème cutané, enfin une diminution de la vitalité ; au niveau des annexes, un polyhydramnios et une augmentation de l’épaisseur placentaire. • Le troisième stade ou anasarque confirmée se manifeste par une aggravation des signes précédemment décrits. Il peut correspondre au stade fonctionnel ou au stade lésionnel de la forme hydropique, et même à l’association des deux; c’est la biologie qui permet de faire la différence et de donner ainsi une évaluation pronostique. L’examen échographique a donc un énorme intérêt dans le dépistage de l’anémie fœtale sans avoir de contreindications. De plus, il permet l’évaluation du « bienêtre » fœtal par l’étude des paramètres suivants : volume du liquide amniotique, mouvements respiratoires, mouvements et tonus fœtaux (score de Manning). Enfin, l’échographie permet, si nécessaire, la réalisation de gestes thérapeutiques in utero.

3. Doppler L’étude du flux sanguin ombilical par vélocimétrie doppler révèle que, dans les formes sévères, les résistances placentaires sont diminuées et le débit sanguin dans la veine ombilicale accru, témoignant d’une augmentation du travail myocardique, source de défaillance cardiaque in utero et néonatale.

4. Cardiotocographie L’apparition d’un rythme d’aspect sinusoïdal signe une anémie fœtale, nécessitant une prise en charge rapide.

5. Agglutinines irrégulières Nous avons actuellement à notre disposition 2 techniques. D’autres sont en cours d’évaluation. • Le titre en Coombs indirect ou titrage par technique indirecte à l’antiglobuline consiste à mettre en présence des dilutions en progression géométrique du sérum à titrer et des hématies à la température de 37 ˚C et à force ionique physiologique. Les hématies sont secondairement lavées et enfin centrifugées dans une solution d’anti-IgG humaine (antiglobuline).

Après resuspension des hématies, on observe si celles-ci sont agglutinées. Le titre correspond à la plus forte dilution de sérum capable d’entraîner une agglutination. Le titre d’un anticorps dépend de la concentration de l’anticorps et de son affinité physiologique pour l’antigène. • Le dosage pondéral permet de déterminer la concentration en anticorps anti-D des gammaglobulines RhD. Elles sont également utilisées pour d’autres anticorps comme les anti-c. La méthode la plus utilisée est celle de dosage comparatif des complexes immuns, en faisant intervenir une gamme-étalon de concentration connue en anticorps. Les résultats sont donnés en 2 temps : le premier temps, l’utilisation des hématies faiblement traitées par une solution de broméline introduite dans le circuit d’agglutination permet d’obtenir la destruction des anticorps IgG3 anti-D ; le second temps utilise des hématies fortement bromélinées. Le taux nécessitant une surveillance plus stricte est en moyenne 1 µg soit 250 unités CHP en T1 et T2 pour l’allo-immunisation anti-D. La fréquence des recherches est fonction du taux initial et à intervalle maximal de 1 à 4 semaines.

6. Amniocentèse C’est en 1961 que Liley établit son fameux diagramme en reliant bilirubinamnie et devenir fœtal. Il le fit selon la seule méthode praticable à cette époque, c’est-à-dire en reliant la valeur de l’indice optique 450 (qui est l’équivalent spectrophotométrique de la bilirubinamnie) à l’atteinte hémolytique. Par définition même, la bilirubinamnie est plus directement liée à l’intensité de l’hémolyse qu’à l’anémie proprement dite. Mais la tendance actuelle vise cependant à étendre la corrélation décrite par Liley à l’évaluation de l’anémie fœtale par l’indice optique 450. Ce diagramme a été construit à partir de 28 semaines d’aménorrhée et définit 3 zones : la zone inférieure correspondant à une atteinte de faible gravité, la zone intermédiaire évoquant une gravité moyenne et la zone supérieure ou gravité extrême nécessitant une décision thérapeutique. L’avènement de la cordocentèse a permis de prolonger le diagramme en deçà de 28 semaines d’aménorrhée et à partir de 22 semaines d’aménorrhée en confrontant le taux d’hémoglobine fœtale et la bilirubinamnie. Il est important de tenir également compte que l’amniocentèse, comme tout acte diagnostique invasif, comporte le risque non négligeable de réactivation du taux des anticorps.

7. Cordocentèse Si cette exploration permet de donner la valeur exacte de l’anémie, elle ne doit être pratiquée qu’après réflexion ; en effet, ce geste n’est pas dénué de risque ; de plus, il risque de réactiver le taux des anticorps de façon encore plus importante que l’amniocentèse. La cordocentèse doit se pratiquer sous échoguidage permanent avec du sang préparé et rendu compatible pour un éventuel traitement.

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IMMUNISATION SANGUINE FŒTO-MATERNELLE

ÉCHOGRAPHIE

Stratégie de prise en charge Lorsqu’on diagnostique une allo-immunisation érythrocytaire, il est important d’établir un bilan initial de gravité soit avant, soit en début de grossesse. La stratégie de prise en charge de ces grossesses (figure) doit être très rigoureuse en évitant les investigations in utero abusives qui risquent de réactiver le taux des anticorps. Il est également important de souligner que les actes transfusionnels s’ils sont nécessaires ne doivent jamais être réalisés en préventif, car il est toujours souhaitable de les économiser. Étant donné ces diverses possibilités de prise en charge diagnostique et thérapeutique, on peut rassurer les patientes sur le pronostic de leur grossesse. Les thérapeutiques in utero doivent être conduites par des équipes entraînées qui ont l’habitude de travailler ensemble (voir : Pour approfondir). Enfin, on peut souligner qu’il ne faut bien sûr pas relâcher la surveillance et la réalisation de la prévention pour éviter l’acquisition de ces allo-immunisations érythrocytaires.

normale

pathologique

ANTÉCÉDENTS peu sévères

graves

Mort in utero Grossesses avec traitement in utero

AGGLUTININES IRRÉGULIÈRES basses

élevées

(< 1 µg/mL)

(> 1 µg/mL)

basses

élevées

AMNIOCENTÈSE SURVEILLANCE

CORDOCENTÈSE TC

ETIU

ACCOUCHEMENT

Prévention La prophylaxie n’est possible que pour la seule alloimmunisation anti-D. Elle consiste à injecter par voie intraveineuse une dose de gammaglobulines anti-D pour neutraliser les globules rouges Rhésus positifs étrangers qui seraient passés dans l’organisme maternel avant toute mise en route du processus d’immunisation.

Circonstances de l’allo-immunisation Pendant la grossesse, un certain nombre de circonstances peuvent favoriser le passage d’hématies fœtales dans la circulation maternelle, risquant ainsi d’induire une immunisation si le fœtus est Rhésus positif et la mère Rhésus négatif. Ces circonstances constituent les indications de l’immunoprophylaxie : – au cours du 1er trimestre de la grossesse, lors des biopsie de trophoblaste, métrorragie, fausse couche, grossesse extra-utérine, interruption volontaire de grossesse, amniocentèse ou cerclage ; – au cours du 2e trimestre de la grossesse, lors d’amniocentèse, de cordocentèse, de réduction embryonnaire, de fausse couche, d’interruption médicale de grossesse ou toute intervention pelvienne ; – au cours du 3e trimestre, en cas de placenta prævia, de mort in utero, d’amniocentèse ou cordocentèse ; – à l’accouchement, si l’enfant est Rhésus positif.

Quantification la prévention Il est possible de quantifier la dose de gammaglobulines anti-D à injecter de 2 façons. • Le test de Kleihauer permet d’évaluer le passage d’hématies fœtales dans la circulation maternelle : 10 hématies fœtales pour 10 000 hématies maternelles cor1032

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Stratégie de prise en charge (TC : transfusion ; ETIU : exsanguino-transfusion in utero).

respondent environ à un passage de 5 mL de sang fœtal. Il suffit de 100 mg d’anti-D pour les neutraliser. Si le passage est plus important, il faut augmenter la prévention de 10 mg/mL de sang supplémentaire. • Le test de Coombs après la prévention : s’il est positif, cela donne l’assurance de l’efficacité puisqu’il existe des globulines en excès.

Moyens de prévention en cours d’évaluation Le renforcement de la prévention chez la femme primigeste peut se faire en injectant une dose de gammaglobulines anti-D à 28 et 34 semaines d’aménorrhée. Cette attitude est préconisée au Canada pour diminuer le risque d’immunisation primaire sérologiquement décelable en cours de 1re grossesse. Ce risque est évalué à 1 ou 1,5 % chez les femmes enceintes Rhésus négatif avec un fœtus Rhésus positif. La prévention en cours de grossesse est renouvelée toute les 6 semaines jusqu’à l’accouchement en cas de 1re injection de gammaglobuline anti-D. Cette attitude serait justifiée par le phénomène paradoxal de facilitation de l’immunisation à la suite de l’injection de quantités minimes d’IgG anti-D; mais cette attitude comporte ses écueils, notamment celui de masquer une immunisation débutante. Donc, cela nécessite une évaluation plus poussée. Dans les circonstances décrites, si la prévention était toujours appliquée avec des doses efficaces, l’allo-immunisation fœto-maternelle ne devrait pratiquement plus se rencontrer et pourtant elle est toujours présente, concernant environ 1 à 2 patientes pour 2 000 actuellement en France. Une prise en charge rigoureuse est alors nécessaire. ■

Gynécologie - Obstétrique

POUR APPROFONDIR Possibilités thérapeutiques

Elles consistent à injecter du sang déplasmatisé pour corriger rapidement l’anémie fœtale.

Accouchement prématuré

Le point d’abord vasculaire est choisi en fonction de la position du fœtus et du placenta : on peut indifféremment choisir l’insertion fœtale ou placentaire du cordon ainsi que la veine ombilicale intraabdominale ou, en dernier recours, l’abord cardiaque direct.

Il se fait par déclenchement du travail ou par césarienne en fonction des conditions obstétricales. Il est ainsi possible de soustraire le fœtus aux effets néfastes des anticorps. Cette attitude est préconisée en cas d’aggravation de l’immunisation après 35 semaines d’aménorrhée. Elle est conseillée de toute façon après 39 semaines d’aménorrhée en cas de fœtus incompatible, même si cette aggravation n’est pas encore apparue.

La quantité de sang à injecter doit être calculée en fonction du terme et de la masse sanguine estimée du fœtus et du placenta. Avantages Il existe une élévation rapide du taux d’hémoglobine par rapport à la transfusion intrapéritonéale.

En ce qui concerne les termes plus précoces, les traitements in utero sont alors préconisés pour permettre une extraction du fœtus plus tardive.

Les équipes qui utilisent ces techniques espacent les actes de 3 semaines en moyenne, ce qui diminue les interventions pendant la grossesse.

Transfusions intrapéritonéales

Ces transfusions ne permettent pas une épuration des globules rouges fœtaux.

Elles ont été décrites pour la première fois par Liley en 1963. Il avait eu l’idée d’injecter du sang Rhésus négatif dans la cavité péritonéale du fœtus ; ce sang résorbé passe alors dans la circulation du fœtus et permet de corriger son anémie.

Il existe un risque de surcharge lorsqu’on doit élever le taux d’hémoglobine d’un niveau très bas (< 3 g/L) à une valeur comprise entre 14 et 16 g/L. En effet, ces fœtus très anémiques ont souvent un myocarde particulièrement fragile.

Après avoir été pratiquées sous contrôle radiographique, elles sont couramment exécutées sous échographie.

Exsanguino-transfusions in utero

Inconvénients

Leur indication est posée devant une suspicion d’anémie fœtale (antécédents obstétricaux, hyperbilirubinémie). La chance de résultat est directement liée à la précocité du traitement par rapport à l’installation de l’anémie fœtale ; les transfusions intrapéritonéales ont un moins bon résultat dans les cas de fœtus hydropiques.

Cette thérapeutique est destinée à normaliser rapidement la masse globulaire fœtale sans risque de surcharge transfusionnelle ou de modification hémodynamique.

Lorsque ces techniques sont utilisées, elle doivent être pratiquées de façon hebdomadaire jusqu’à la maturité fœtale.

La patiente est simplement prémédiquée.

Les résultats sont tout à fait intéressants puisqu’ils permettent d’obtenir selon les séries publiées de 59 à 76 % d’enfants vivants et bien portants. Mais les inconvénients de cette thérapeutique sont les suivants : la fréquence des gestes in utero augmente le risque de rupture prématurée des membranes ; elle augmente également le risque d’accouchement prématuré ; enfin l’efficacité est mauvaise voire nulle en cas d’anasarque fœto-placentaire. Actuellement l’efficacité de la transfusion intrapéritonéale est reconnue ainsi que ses limites. Son indication persiste en tant que technique d’appoint lorsque l’abord vasculaire se révèle impossible ; elle permet alors de temporiser pour réaliser l’abord vasculaire dans de meilleures conditions. Par ailleurs, certaines équipes médicales l’utilisent comme technique complémentaire à un abord vasculaire. Enfin, dans les pays où l’abord vasculaire du fœtus n’est pas encore possible, elle peut garder toute sa prévalence. Transfusions intravasculaires Leurs indications sont posées sur des critères de dépistage de l’anémie fœtale. Elles se pratiquent sous contrôle échographique.

Technique

Après une anesthésie locale, la ponction est pratiquée à l’aide d’un dispositif à 2 aiguilles associé à un prolongateur : une aiguille externe (qui sert de guide) et une aiguille interne plus longue et plus fine (qui aborde le vaisseau au point optimal). Le point de ponction est repéré sous échographie ; il dépend de la position du fœtus et de la localisation placentaire. On peut alors choisir l’insertion choriale ou fœtale du cordon ombilical ou la veine ombilicale intra-abdominale ou enfin l’abord cardiaque direct. Lorsque l’aiguille interne est placée dans la veine ombilicale, on vérifie son positionnement correct par : l’image échographique de la pointe de l’aiguille dans la lumière du vaisseau ; la nature oxygénée du sang soustrait ; l’aspect échographique du flux scintillant lors de l’injection de sérum physiologique, de curare puis de sang ; les contrôles biologiques extemporanés du sang prélevé – tests d’hémagglutination avec un antisérum anti-i et anti-I pour en apprécier la nature fœtale et sa pureté, contrôle du taux de l’hémoglobine, du groupe sanguin ABO et Rhésus puis gazométrie. D’autres examens biologiques seront pratiqués ultérieurement, notamment la numération plaquettaire et le bilan hépatique qui ont une valeur pronostique. Le fœtus est ensuite curarisé. Puis, si l’indication est posée, commence l’exsanguino-transfusion partielle avec un culot globulaire à 75 % excédentaire.

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IMMUNISATION SANGUINE FŒTO-MATERNELLE

POUR APPROFONDIR (SUITE) Le sang utilisé est testé séronégatif pour le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et pour le cytomégalovirus (CMV), lavé et rendu compatible avec le sérum maternel, puis irradié pour éviter un chimérisme fœtal ou des maladies immunitaires. Pendant cette exsanguino-transfusion, on pratique un contrôle échographique permanent du flux sanguin et de l’activité cardiaque fœtale. Comme il s’agit d’échanges, le seul critère de surveillance est le taux d’hémoglobine sans nécessité de calcul de masse sanguine totale de l’unité fœto-placentaire, ce qui facilite beaucoup cette surveillance. Le but est d’obtenir un taux d’hémoglobine proche de 16 g/L. La durée de l’exsanguino-transfusion est de 30 à 45 min en moyenne. Le fœtus perdant 2 g d’hémoglobine par semaine après l’intervention, il est donc possible de fixer une date ultérieure d’intervention en fonction de ces diverses données et, la plupart du temps, d’espacer les traitements in utero d’un mois. Cette décroissance du taux d’hémoglobine a été évaluée en étudiant ce paramètre dans la population des patientes traitées par cette méthode. Avantages Si l’exsanguino-transfusion in utero semble plus complexe que la transfusion au cordon, elle présente cependant des avantages : l’épuration des globules rouges fœtaux (particulièrement intéressante en début de prise en charge) ; la simplicité des contrôles en cours de traitement qui se résume à l’évaluation du taux d’hémoglobine ; son indication particulière dans les cas d’anasarques fœtales placentaires avec anémie majeure et myocarde fragile. Pour les hydrops fonctionnels, on obtient une régression in utero en 48 h dans plus de 80 % des cas.

En cas de forme ictérique, la photothérapie est mise en route. Grâce aux nouvelles formes rayonnantes, ses progrès ont permis souvent de limiter les indications d’exsanguino-transfusion. Lors de l’accouchement, l’anamnèse obstétricale permet d’orienter sur la gravité de l’atteinte de l’enfant à la naissance. Il faut particulièrement se méfier des atteintes modérées en pergravidiques qui risquent de s’aggraver en fin de grossesse et aboutir à la naissance d’enfants très anémiques. Paradoxalement, les enfants traités in utero sont souvent peu anémiques à la naissance et une exsanguino-transfusion en postnatal est peu ou pas nécessaire ; ils sont à suivre sur le plan hématologique ultérieurement. Quant aux formes hydropiques, il est préférable, quel que soit leur terme, d’essayer de les traiter in utero pour faire régresser son anasarque, le pronostic de l’enfant en est totalement modifié.

POUR EN SAVOIR PLUS Chavinie J, Brossard Y, Poissonnier MH. Traitement prénatal des incompatibilités sanguines fœto-maternelles graves. Rev Prat 1984 ; 34 : 3309-12. Poissonnier MH, Brossard Y, Chavinie J. Incompatibilité fœtomaternelle érythrocytaire. In : Edelman P (ed). Aspect clinique de l’immunologie de la reproduction. Paris : Doin 1990 : 79-93. Poissonnier MH, Tournaire M. Immunisation sanguine fœtomaternelle: prévention. Rev Prat 1992 ; 2 : 2643-6. Poissonnier MH, Brossard Y, Soulie JC et al. Incompatibilité fœtomaternelle érythrocytaire. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), Gynécologie/Obstétrique, 5-020-A-20, Pédiatrie, 4-002-R-25, 1998.

L’espacement des interventions est, en moyenne, mensuel. Prise en charge pédiatrique Il est nécessaire que cette prise en charge soit bien coordonnée au sein de l’équipe obstétrico-pédiatrique. À la naissance, les enfants présentant une allo-immunisation doivent être immédiatement prélevés en salle de travail : groupe sanguin, numération formule sanguine et taux de bilirubine. Le sang doit être disponible pour assurer une exsanguino-transfusion si elle s’avère nécessaire, avec bien sûr les mêmes précautions transfusionnelles qu’en anténatal.

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Points Forts à retenir • Allo-immunisation érythrocytaire : importance d’un dépistage précoce, d’une surveillance biologique et échographique régulière et rigoureuse. • Thérapeutique in utero possible dans un centre spécialisé. • Importance de la prévention.