00-1019

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Dermatologie A 25

Ulcération ou érosion des muqueuses orale et génitale Orientation diagnostique PR Ernest HEID Service de dermatologie, hôpital civil, 67091 Strasbourg Cedex.

Points Forts à comprendre • Au niveau d’une muqueuse, le revêtement épithélial est un épithélium, le tissu conjonctif sous-jacent s’appelle le chorion, avec un chorion papillaire qui est l’équivalent du derme papillaire et un chorion sous-papillaire qui équivaut au derme réticulaire. • Une érosion est une lésion superficielle guérissant sans laisser de cicatrice. • Une ulcération muqueuse atteint le chorion sous-papillaire et guérit en laissant une cicatrice. • Le chancre est une érosion ou une ulcération constituant la porte d’entrée d’un germe spécifique (ex. : chancre mou, chancre syphilitique). • L’orientation diagnostique est dominée par : – la fréquence des maladies sexuellement transmissibles dans la sphère génitale ; – les particularités sémiologiques liées au siège muqueux où une lésion bulleuse est toujours fugace, laissant place à une érosion. Toute érosion muqueuse doit donc faire suspecter ou rechercher une maladie bulleuse. • Si les lésions muqueuses sont associées à des lésions cutanées, l’analyse séméiologique de ces dernières est plus facile et la biopsie plus aisée à faire et à interpréter.

Diagnostic positif Les lésions sont découvertes en raison d’une symptomatologie fonctionnelle : douleurs, brûlures. L’ulcération ou l’érosion sont visibles à l’examen clinique. Les particularités sémiologiques sont à étudier car elles donnent parfois des éléments d’orientation pour une cause particulière. On peut citer : – le caractère superficiel et induré d’une lésion génitale qui oriente vers un chancre syphilitique ; – le caractère superficiel et douloureux et le groupement en bouquet, vers une érosion post-herpétique ;

– le caractère creusant et douloureux vers un chancre mou ou vers les aphtes si les lésions sont répétitives. L’examen clinique concerne tous les territoires muqueux ainsi que les aires ganglionnaires satellites. L’interrogatoire précise le mode d’apparition, l’évolution aiguë ou chronique, la notion de poussées récidivantes… Les examens complémentaires à ce stade sont assez peu nombreux et, bien entendu, orientés par les données de l’interrogatoire et l’allure des lésions. On envisagera : – un prélèvement bactériologique ou un examen direct au microscope à fond noir pour le chancre mou et la syphilis ; – un prélèvement virologique avec cytodiagnostic et (ou) culture en cas de suspicion d’herpès par exemple ; – des prélèvements sérologiques orientés par la suspicion clinique (sérodiagnostic de Chlamydia trachomatis, de la syphilis, de l’herpès…) ; – une biopsie muqueuse pour un examen anatomopathologique et éventuellement pour une immunofluorescence directe indispensable en cas de maladie bulleuse auto-immune.

Diagnostic étiologique Maladies sexuellement transmissibles • Le chancre syphilitique (se reporter à la question) est induré, érosif, peu douloureux avec une atteinte ganglionnaire satellite. La période d’incubation est de 3 semaines. Le diagnostic est confirmé par la présence de tréponèmes à l’examen direct, au microscope à fond noir et par la sérologie spécifique (treponema pallidum hæmagglutination assay [TPHA], venereal diseases research laboratory [VDRL] ou Kline). Les syphilides secondaires génitales sont rarement isolées ; elles sont végétantes et érosives. • Le chancre mou survient de préférence chez l’homme avec contamination dans les régions exotiques où il est endémique. La période d’incubation est courte (3 à 5 j). Le chancre est creusant, douloureux avec une adénopathie satellite, inflammatoire, se fistulisant 1 fois sur 2 si on la laisse évoluer. La culture du bacille de Ducrey est difficile ; il n’y a pas de sérologie disponible.

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ULCÉRATION OU ÉROSION DES MUQUEUSES ORALE ET GÉNITALE

• Le chancre du lymphogranulome vénérien a pratiquement disparu ; le diagnostic repose sur la sérologie et éventuellement la culture de Chlamydia trachomatis sérotype L. Il en est de même pour la donovanose d’origine spécifiquement tropicale. Le diagnostic repose sur l’examen direct (corps de Donovan). • L’herpès récurrent donne une éruption vésiculeuse, rapidement érosive avec des vésicules groupées en bouquets. C’est la lésion la plus fréquente dans nos régions ; le diagnostic est le plus souvent clinique, associé à la recherche d’un effet cytopathogène sur frottis de l’érosion. La culture est réservée à la première poussée, le sérodiagnostic n’a d’intérêt que dans la primo-infection. Cette dernière est sévère avec une éruption vésiculeuse disséminée dans toute la région génitale. Elle survient le plus souvent lors des premiers rapports sexuels. • L’aphte génital se caractérise par une lésion creusante, douloureuse, touchant soit le territoire muqueux, soit la peau avoisinante (scrotum chez l’homme, grande lèvre chez la femme). L’aphte génital s’accompagne le plus souvent d’une aphtose buccale, les examens complémentaires sont tous négatifs. La biopsie est non spécifique. Il faut par l’interrogatoire savoir si l’on est en présence d’une aphtose bipolaire ou d’une maladie de Behçet. L’origine ethnique des sujets a une valeur d’orientation (sujets maghrébins ou turcs). Dans toutes les autres situations, on doit envisager des diagnostics spécifiques après biopsie permettant d’affirmer ou d’éliminer : – une localisation génitale de maladie bulleuse autoimmune (pemphigus, pemphigoïde) ; – une toxidermie à type d’érythème pigmenté fixe ; – une lésion non spécifique post-traumatique ; – un carcinome génital (les lésions purement ulcéreuses sont rares) ; – une lésion infectieuse atypique en cas d’immunodépression. Les lésions caustiques après usage d’antiseptiques mal rincés se reconnaissent après interrogatoire (tableau I).

TABLEAU I Érosions et ulcérations des muqueuses génitales ❑ Syphilis primaire et syphilides papulo-érosives ❑ Chancre mou, donovanose, lymphogranulome vénérien ❑ Herpès +++ (primo-infection et récurrence) ❑ Causes traumatiques et caustiques

Lésions érosives ou ulcéreuses buccales La partie vermillon des lèvres constitue la zone de transition entre le revêtement cutané et la muqueuse. L’herpès labial récurrent siège plus souvent sur la zone vermillon et la partie cutanée adjacente que sur la zone muqueuse. En revanche, l’herpès de primo-invasion buccal a un tropisme muqueux important. Pour les lésions érosives buccales, les causes infectieuses sont à envisager en priorité chez l’enfant et l’adolescent ; ce sont les aphtes, les maladies bulleuses, les causes traumatiques et les cancers chez l’adulte.

1. Lésions ulcéreuses et érosives infectieuses Elles sont à évoquer en priorité chez l’enfant. La consultation a lieu dans un contexte d’urgence. On envisagera : – la primo-infection herpétique avec un tableau de gingivostomatite douloureuse, fébrile sévère. Le diagnostic repose sur le prélèvement viral et le sérodiagnostic ; – le syndrome pieds-mains-bouche, discret avec des lésions muqueuses érosives pouvant passer inaperçues. C’est l’éruption vésiculeuse, palmo-plantaire ou digitale qui est le motif de consultation. Le diagnostic repose sur la notion de petite épidémie et sur la sérologie virale (coxsackie A16). L’herpangine est également très rare avec une atteinte vésiculeuse postérieure, de nature virale. Elle se voit surtout chez le nourrisson et l’enfant avant 3 ans. Les localisations muqueuses de la varicelle et du zona sont facilement reconnues en raison de l’association à des lésions cutanées et de l’atteinte unilatérale pour le zona (atteinte du IX). La primo-infection du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) peut s’accompagner d’un énanthème érosif, c’est le contexte qui oriente vers le diagnostic (fièvre, adénopathie, lymphopénie, exanthème). Des lésions ulcéro-nécrotiques des gencives avec une atteinte amygdalienne doivent faire évoquer l’angine de Vincent (association fuso-spirillaire). Une stomatite ulcéro-nécrotique peut aussi survenir au cours des agranulocytoses. L’atteinte des muqueuses buccales et génitales est une des localisations constantes et sévères de l’érythème polymorphe, du syndrome de Lyell (épidermolyse toxique aiguë) ou du syndrome de Stevens-Johnson. Dans toutes ces circonstances, l’atteinte cutanée est présente et domine le tableau clinique. Il s’agit toujours de stomatites, de vulvites, de balanoposthites érosives de survenue brutale, douloureuses. Il est préférable dans toute la mesure du possible de biopsier une lésion cutanée.

2. Maladies bulleuses auto-immunes En association avec des lésions buccales : ❑ toxidermies, maladies bulleuses, lichen érosif,…

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La muqueuse buccale est parfois le siège initial du pemphigus avec une fragilité muqueuse et des érosions favorisées par le traumatisme. La pemphoïde cicatricielle peut être purement muqueuse à sa phase initiale.

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7 Pemphigus : lésions érosives de la muqueuse jugale et du voile du palais.

8 Glossite érosive et pseudo-membraneuse au décours d’un lichen érosif des muqueuses.

Le diagnostic repose sur la biopsie en donnant peut-être la priorité à l’examen en immunofluorescence directe et sur la recherche d’anticorps circulants (anti-membrane basale de l’épiderme et anti-substance interkératinocytaire). Les lésions ulcéreuses du lupus érythémateux systémique surviennent le plus souvent au décours d’une maladie connue. Le lichen buccal peut être érosif et s’associe à des lésions leucokératosiques. La biopsie est l’examen clé. Dans la bouche, les lésions traumatiques liées aux morsures accidentelles, aux appareils dentaires et aux dents ébréchées sont fréquentes. La correction de l’anomalie dentaire doit s’accompagner d’une cicatrisation rapide. Le risque est en effet de méconnaître un carcinome ulcéreux. Les carcinomes épidermoïdes de la muqueuse buccale ou de la langue surviennent sur un terrain d’éthylisme et de tabagisme. Les lésions sont rarement purement ulcéreuses ; elles sont infiltrées et ulcéro-végétantes. La biopsie est l’examen clé. L’aphte buccal isolé est probablement la cause la plus fréquente de lésions ulcéreuses buccales. Il s’agit d’ulcérations à fond beurre frais, douloureuses, sans adénopathie satellite. Les aphtes sont le plus souvent localisés sur la muqueuse mobile. Il convient de rechercher leur caractère bipolaire et la possibilité d’une maladie de Behçet. Au niveau de la bouche, les ulcérations aphtoïdes peuvent parfois être provoquées ou favorisées par des médicaments (méthotrexate, médicaments aplasiants, nicorandil). La candidose buccale n’est jamais purement érosive ; elle s’accompagne d’un énanthème et de lésions blanches adhérentes dont le décollement montre une érosion sous-jacente. Le diagnostic est en général facile et repose sur l’examen mycologique (tableau II). ■ 1022

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TABLEAU II Érosion ou ulcération de la muqueuse buccale ❑ Aphte – maladie de Behçet ❑ Maladies bulleuses auto-immunes (pemphigus, pemphigoïde) ❑ Causes infectieuses virales, primo-infection herpétique, zona, syndrome pieds-mains-bouche, herpangine, primo-infection par le virus de l’immunodéficience humaine ❑ Causes infectieuses bactériennes : – gingivostomatites des agranulocytoses, noma (en Afrique) – angine de Vincent ❑ Toxidermies bulleuses (érythème polymorphe, syndrome de Lyell) ❑ Causes diverses et rares : lichen érosif, lupus érythémateux ❑ carcinome ulcéreux +++ ❑ causes traumatiques : chicots dentaires, prothèses… ❑ causes rares ou exceptionnelles : localisations buccales d’une maladie de Crohn, du lymphome malin centro-facial… ❑ causes rares idiopathiques : ulcère éosinophilique de la langue

Dermatologie

POUR APPROFONDIR Érosions ou ulcérations buccales Le diagnostic étiologique d’une érosion ou d’une ulcération buccale est une tâche parfois difficile à l’inverse de celui d’aphte ou de lésion traumatique. Les érosions multiples survenant dans un contexte fébrile orientent vers des causes infectieuses chez l’enfant (herpès, herpangine…) ou des causes toximédicamenteuses chez l’adulte (érythème polymorphe…). Devant des lésions érosives chroniques, les examens doivent s’orienter vers les maladies bulleuses auto-immunes avec mise en route des examens complémentaires appropriés.

POUR EN SAVOIR PLUS Saurat JH, Grosshans E, Laugier P, Lachapelle JM. Maladies sexuellement transmissibles. In : Dermatologie et maladies sexuellement transmissibles ; 3e édition. Paris : Masson, 1999 : 173-98. Saurat JH, Grosshans E, Laugier P, Lachapelle JM. Pathologie des muqueuses : muqueuse buccale ; 3e édition. Paris : Masson, 1999 : 745-58. Saurat JH, Grosshans E, Laugier P, Lachapelle JM. Pathologie des muqueuses : muqueuses génitales féminines ; 3e édition. Paris : Masson, 1999 : 759-67. Saurat H, Grosshans E, Laugier P, Lachapelle JM. Pathologie des muqueuses : affection de la muqueuse génitale masculine et de la verge ; 3e édition. Paris : Masson, 1999 : 768-73.

Érosions ou ulcérations génitales Elles sont dominées par le problème des maladies transmissibles. Les causes classiques de chancres génitaux, à savoir syphilis, chancre mou, sont en très forte diminution. La panoplie d’examens complémentaires doit être large et systématique car les chancres mixtes sont fréquents. L’herpès génital récurrent est associé de façon significative aux maladies sexuellement transmissibles. Poser ce diagnostic impose donc un bilan complet (sérodiagnostic de la syphilis, de Chlamydia trachomatis, du virus de l’immunodéficience humaine).

Aphte Le diagnostic d’aphte buccal est sans doute très fréquent et le plus souvent sans maladie systémique associée. Le mécanisme physiopathologique reste toujours mystérieux. L’aphte peut être isolé, symptomatique d’une maladie de Behçet, associé à d’autres maladies systémiques (maladie de Crohn, polychondrite chronique atrophiante) ou relever de causes médicamenteuses (méthotrexate, nicorandil). Les examens complémentaires ne sont pas d’un grand secours et le diagnostic reste clinique.

Points Forts à retenir • Le diagnostic d’une érosion ou d’une ulcération de la muqueuse buccale est un exercice difficile. La survenue aiguë doit orienter vers une cause infectieuse (herpès, herpangine…) ou toximédicamenteuse (érythème polymorphe…). • Les lésions chroniques ou récidivantes nécessitent un bilan de maladie bulleuse auto-immune, après avoir éliminé les affections bénignes telles que les aphtes ou les érosions traumatiques. • Dans la sphère génitale, il faut envisager en tout premier lieu les maladies sexuellement transmissibles avec leur chancre d’inoculation (syphilis, chancre mou) ou leurs lésions récurrentes (herpès). C’est seulement en cas de négativité de ce bilan que sont envisagées les autres causes.

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