Trajectoire
La Zambie après Mwanawasa Avec la disparition du président zambien, se pose la grande question de l’avenir du pays. La constitution prévoit en cas de vacance du pouvoir, l’organisation des élections dans les 90 jours qui suivent. Que deviendra la Zambie sans Mwanawasa ? Par Kadje Kamga La Zambie, connue par le passé sous le nom de Rhodésie du Nord est un pays d’Afrique australe de 12 millions d’habitants. Elle a connu son indépendance en 1964, arrachée de haute lutte à l’administration britannique par une « guérilla pacifique » conduite par Kenneth Kaunda, qui en fut le premier président pendant 27 ans. Battu lors des premières élections multipartites de 1991, Kaunda cède sa place à Frederick Chiluba, du Mouvement pour la démocratie multipartite (MMD.) Les élections générales de décembre 2001 portent Levy Mwanawasa à la tête du pays. En juillet 2006, il remporte un second mandat contre l’opposant Michael Sata, du Front Patriotique (PF). Malheureusement, Mwanawasa n’ira pas au bout de son deuxième mandat, fauché par une attaque cérébrale le 19 août dernier. Vaste champ économique Mwanawasa a engagé un mouvement anti-corruption sans précédent dans l’ensemble du pays, associé à une lutte acharnée contre la pauvreté. Plus encore, grâce à cette lutte et à la réduction des dépenses publiques, les indicateurs économiques du pays sont passés au vert, avec une croissance annuelle supérieure à 6 % en moyenne depuis 2002, et une inflation ramenée à 8,8 % en 2006. Les réserves en devises dépassent le milliard de dollar, même si le pays demeure parmi les plus pauvres de la planète. Pays riche en réserves de cuivre, la Zambie connaît depuis 2002 des investissements massifs de la Chine et de l’Inde. A titre d’exemple, la firme indienne Shree Renuk a annoncé en juin dernier l’investissement de 200 millions de dollars dans le secteur de la production du sucre, avec l’implantation d’une usine qui en plus du sucre produira également de l’éthanol et de l’électricité à partir des déchets de canne. Tout ceci représente plus de six mille nouveaux emplois pour les zambiens. Bataille politique Le vice-président Rupiah Banda hérite donc du trône par la force de la loi fondamentale qui lui donne 90 jours pour organiser de nouvelles élections. Il n’a pas annoncé s’il sera candidat. En juillet dernier, alors que tout le monde s’interrogeait sur l’état de santé de Mwanawasa, Michael Sata du Front Patriotique (FP) avait exigé du gouvernement des informations claires sur l’état de santé du président, allant même jusqu’à demander l’envoi d’une équipe médicale à Paris où il était hospitalisé. Cette exigence étant de déterminer si le chef de l’Etat était apte à continuer d’exercer ses fonctions. C’est dire combien la bataille pour la présidence sera rude. Toutefois, malgré les bons résultats économiques, les deux-tiers de la population vivent avec moins d’un dollar par jour, et le pays occupe la 166 e place des 177 pays les plus pauvres du monde, selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). KK
(Encadré) Levy-Patrick Mwanawasa, ou la politique responsable. Le décès du président zambien n’a laissé personne indifférent. C’était un « dirigeant et homme d’Etat remarquable », qui « a apporté une contribution importante à la stabilité politique, à la construction économique, à la paix régionale et au développement de la Zambie. » C’est par ces mots que la Chine a « pleuré » la disparition de Mwanawasa, adressant ses condoléances au peuple zambien. Les réactions venant du monde sont allées dans le même sens. Le défunt président a mené une bataille anti-corruption et une croisade contre la pauvreté sans précédent. Une corruption entraînée par la crise économique, l’exode rural et l’essor démographique. Assumant la présidence tournante de la Communauté de développement des Etats de l’Afrique australe (SADC), il a été parmi les plus virulents détracteurs de Robert Mugabe, navigant à contre-courant de la majorité des leaders régionaux. En 2007, Mwanawasa avait comparé le Zimbabwe à « un Titanic en train de sombrer. » Au fort de la crise zimbabwéenne en juin dernier, il avait dénoncé le « silence » de ses voisins, malgré les violences dans le pays. Le président français Nicolas Sarkozy a déploré « une grande perte pour le continent africain, qui appréciait son courage politique…Une grande perte pour la démocratie, dont il fut un ardent défenseur tout au long de sa vie. » Décédé à l’âge de 59 ans le 19 août dernier, Mwanawasa avait organisé plusieurs manifestations d’étudiants en soutien à la lutte anti-apartheid en Afrique du Sud, alors qu’il était viceprésident du Syndicat des étudiants de la Zambie. Avocat à la réputation établie, il laisse une veuve et 6 enfants. KK