Systeme

  • October 2019
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IMMUNITAIRE (SYSTEME)

    Le système immunitaire assume l'une des grandes fonctions physiologiques des Vertébrés : l'aptitude à la reconnaissance d'un nombre prodigieux de structures moléculaires distinctes, les antigènes.     Un antigene est classiquement réputé « étranger » à l'organisme chez lequel il provoque une réponse immunitaire. D'où la conception selon laquelle le système immunitaire a pour fonction essentielle la distinction du « soi »  (les divers constituants de son propre organisme) et du « non soi ». évidentes lorsqu'il s'agit de l'agression de l'organisme humain par une bactérie, les frontières entre soi et non-soi le deviennent moins lorsqu'on évoque les maladies autoimmunes, au cours desquelles le patient s'immunise contre ses propres tissus. Différents degrés du caractère « étranger à l'organisme »  sont définis par les trois types de spécificités antigéniques décrites par

Oudin [cf. ANTIGENES]  :     - les spécificités iso typiques, portées par l'ensemble des individus d'une espèce ;     - les spécificités allotypiques, caractéristiques d'un groupe au sein d'une espèce (les groupes sanguins par exemple) ;     - les spécificités idiotypiques, caractéristiques d'une immunoglobuline individuelle.     Classiquement, lorsqu'un antigène pénètre dans l'organisme, il va stimuler le système immunitaire, qui va répondre de diverses façons, simultanément ou non. La réponse humorale est caractérisée par la production d'anticorps spécifiques, constitués par des immunoglobulines mises en circulation dans les « humeurs » (ce vocable assez désuet reste utilisé, avec une connotation plutôt historique). Ces anticorps sont produits par les lymphocytes B et par des cellules qui en dérivent : les plasmocytes. L'antigène peut aussi stimuler des lymphocytes T, entraînant diverses réponses dites « à médiation cellulaire ». Le rejet des greffes, la réaction à la tuberculine

chez un individu sensibilisé par un contact avec le bacille tuberculeux ou vacciné par le B.C.G. constituent des exemples de ces réponses dans lesquelles on ne retrouve pas d'anticorps circulants. Les structures impliquées dans la reconnaissance de l'antigène sont ici des récepteurs des cellules T, molécules transmembranaires, solidement ancrées à la surface des lymphocytes T.     Le système immunitaire comporte en outre d'autres cellules, comme les macrophages, et d'autres molécules, comme le système du complément, qui interviennent dans son fonctionnement, sans toutefois posséder directement le critère de spécificité attaché à la fonction de reconnaissance, qui reste l'apanage des immunoglobulines et des lymphocytes.     Cette forme d'immunité non spécifique est examinée dans l'article INFECTION - Immunité antiinfectieuse, à propos de la distinction entre immunité naturelle et immunité acquise.     Immunité non spécifique et immunité spécifique constituent deux mécanismes immunitaires apparus successivement au cours de

l'évolution des espèces et étroitement intriqués entre eux dans les organismes supérieurs. Ils permettent à un organisme de conserver son individualité et de protéger ses constituants en éliminant ou en neutralisant les substances étrangères et les agents infectieux auxquels il est exposé. L'un et l'autre impliquent au niveau moléculaire une possibilité de discrimination entre les constituants de l'organisme, autrement dit le soi, et les autres molécules, c'est-à-dire le non-soi.     En définitive, qu'elle soit spécifique ou non spécifique, l'immunité fait intervenir des cellules (immunité à  médiation cellulaire) et des molécules en solution dans les liquides biologiques (immunité  humorale). C'est cet ensemble qui constitue le système immunitaire. Son organisation générale ressemble à celle du système nerveux central : traitement d'un vaste ensemble d'informations, forte intégration et régulation par des médiateurs ou molécules messages. Du reste, système immunitaire et système neuro-endocrinien interagissent étroitement entre eux.

 

  1. Les mécanismes de l'immunité

  Reconnaissance du soi

    Les processus de reconnaissance et de signalisation biochimique dans le monde vivant reposent sur des interactions entre molécules : liaison d'un disaccharide ou d'un oligosaccharide à une protéine (lectine), d'un neurotransmetteur ou d'une toxine à  son récepteur, réaction enzyme-substrat ou interaction entre deux protéines (liaison hormone-récepteur, réaction antigène-anticorps). Ces interactions sont réversibles et caractérisées par des constantes d'association et de dissociation mesurables, permettant de calculer l'affinité intrinsèque des molécules interactives. Ce type de système a reçu le nom de système ligand-récepteur.     Les méthodes physiques modernes (cristallographie et diffraction de rayons X, spectroscopie RMN, etc.) et la détermination par les techniques biochimiques des structures primaires des protéines permettent d'identifier les zones de contact entre ligand et

récepteur. La nature des forces mises en jeu (liaisons ioniques, forces de Van der Vaals, liaisons hydrogènes, liaisons hydrophobes) dépend des structures moléculaires interactives et de la distance qui les sépare. Ainsi peut-on connaître le site actif d'une hormone, c'est-à-dire la zone de la molécule qui entre en contact avec une zone homologue, spécifique, au sein de la molécule du récepteur hormonal. La même démarche permet de définir les sites d'une molécule d'enveloppe d'un virus qui interagissent avec le récepteur au virus et permettent l'infection de la cellule cible de ce virus (ex. : molécule gp120 du virus VIH et molécule CD4), ou bien les sites des adhésines des pili des bactéries, sites qui déterminent la virulence de ces microbes en permettant leur adhésion aux récepteurs oligosaccharidiques des cellules épithéliales des muqueuses.     Les cellules du système immunitaire produisent deux grandes familles de molécules hautement diversifiées, spécialisées dans la reconnaissance du soi et du non-soi. Il s'agit des récepteurs des lymphocytes T et des récepteurs des lymphocytes B ou molécules d'immunoglobulines. Tandis que les secondes existent sous forme membranaire et sous forme soluble, et interagissent directement avec les molécules adverses, les premières sont strictement localisées sur la membrane des cellules T.     Au sein de chacune de ces molécules de reconnaissance, on appelle paratope la zone qui va

interagir de façon stéréospécifique avec la structure complémentaire appelée épitope sur la molécule adverse qu'on nomme molécule d'antigène. L'épitope occupe un espace de 6 à 15 aminoacides à la surface d'une protéine ou de 5 ou 6 oses pour un polysaccharide. Les plus petites molécules d'haptènes (médicaments, sels de métaux lourds, oligonucléotides, dinitrochlorobenzène, etc.) liées à  une protéine porteuse forment un seul épitope. Toutes les molécules plus complexes constituent une mosaïque d'épitopes. Les uns sont séquentiels, définis par la structure primaire de l'antigène, les autres sont dits conformationnels [cf. ANTIG‫ب‬NES] . La notion d'antigène est relative à la différence entre l'organisme qui produit la molécule antigénique et celui qui la reconnaît. Par exemple, la sérum-albumine humaine, qui n'est pas immunogène chez l'homme mais l'est seulement lorsque injectée dans un organisme d'une autre espèce, est un xéno-antigène.     Certaines molécules protéiques ou oligosaccharidiques font l'objet d'un polymorphisme au sein des individus d'une même espèce. Ce polymorphisme est défini par des gènes alléliques, c'est-à-dire des formes alternatives, mutuellement exclusives, engendrées par des mutations germinales portant sur quelques codons du gène original. Ces formes moléculaires, propres à certains groupes d'individus au sein de l'espèce, définissent les allotypes, marqueurs antigéniques déterminés génétiquement et transmis sur le mode dominant.

L'immunisation entre deux sujets différents au sein de la même espèce, c'est-àdire l'allo-immunisation, induit une réponse immunitaire dirigée contre ces antigènes allotypiques ou alloantigènes.     Dans le cas de la molécule d'histocompatibilité HLAA1, variante de la molécule HLA-A, particulière aux sujets dits « A1 positifs », son introduction chez les sujets humains HLA-A1 négatifs déterminera en eux la production d'alloanticorps anti-HLA-A1, alors qu'elle sera acceptée sans réaction par les sujets HLA-A1 positifs. En revanche, une autre espèce animale aurait reconnu, sur cette même molécule, d'abord des épitopes des molécules HLA communs à toute l'espèce humaine et aurait réagi par la production de xénoanticorps.     Les molécules d'histocompatibilité sont des molécules très polymorphiques, qui diffèrent d'un individu à l'autre et définissent des variants allotypiques jouant un rôle majeur dans le rejet des allogreffes. Identifiées à l'aide d'alloanticorps présents dans le sérum des receveurs d'allogreffes, de sujets ayant eu des transfusions sanguines ou de femmes ayant eu plusieurs grossesses, ces molécules apparaissent comme des marqueurs antigénétiques d'histocompatibilité. Leur fonction biologique est de permettre aux lymphocytes T de communiquer avec les autres cellules de l'organisme pour en contrôler l'identité, exerçant donc une fonction de reconnaissance. Ces molécules sont codées par un

ensemble de gènes multialléliques appelé complexe majeur d'histocompatibilité ou CMH. Le CMH humain, appelé système HLA, découvert par Jean Dausset (Prix Nobel 1980) est localisé sur le bras court du chromosome 6. La fonction des molécules du CMH concerne la présentation de fragments d'antigènes aux récepteurs des cellules T. On distingue deux populations principales de cellules T : les unes (CD4+) interagissent avec les antigènes HLA de classe II, les autres (CD8+) avec les antigènes HLA de classe I. Interconnexion des mécanismes de   défense spécifiques et non spécifiques

    Comme on vient de le voir, l'immunité spécifique est restreinte à un épitope ou à un groupe d'épitopes d'un antigène. Ce concept de spécificité est illustré par le fait qu'un sujet vacciné avec l'anatoxine tétanique sera protégé contre le tétanos mais pas contre d'autres maladies infectieuses, ce qui implique que son système immunitaire a produit des molécules (anticorps et récepteurs de cellules T) capables de se lier exclusivement à la toxine tétanique ou à des oligopeptides, fragments de cette molécule. Cette immunité spécifique est caractérisée par le phénomène de mémoire immunologique et par sa plasticité, c'està-dire sa capacité de produire des molécules complémentaires (anticorps et récepteurs des cellules T) vis-à-vis de tout antigène présenté au

système immunitaire, y compris des molécules de synthèse qui n'ont jamais existé dans la nature avant leur création par les chimistes.     L'immunité non spécifique, apparue la première au cours de l'évolution des espèces, utilise des mécanismes cellulaires et moléculaires dont l'importance est essentielle pour la survie de l'organisme. En effet, elle est mise en jeu immédiatement après la pénétration d'une substance étrangère ou d'un agent infectieux : elle est à l'origine des premiers signes cliniques d'une infection localisée (fièvre, réaction inflammatoire) et limite la diffusion de l'infection bien avant qu'un diagnostic médical et un traitement puissent être mis en œuvre.     Les mécanismes de l'immunité non spécifique reposent sur des systèmes d'interactions moléculaires en cascade et de signalisation cellulaire où  interviennent des médiateurs ou molécules messages, telles que les cytokines. Celles-ci sont synthétisées par une cellule en réponse à un signal activateur et libérées dans le milieu extracellulaire. Elles vont se lier à un récepteur spécifique situé sur la cellule productrice (mode autocrine), sur les cellules voisines (mode paracrine) ou sur les cellules lointaines à  distance (mode endocrine). La liaison au récepteur induit un signal chimiotactique (déclencheur de mouvements cellulaires), ou un effet mitogénique ou bien activateur de certains gènes (production de molécules réactives). Les cytokines produites par des

monocytes-macrophages sont des monokines ; celles qui sont produites par les cellules T activées, des lymphokines. Les molécules messages entre différentes populations de leucocytes sont des interleukines. En fait, ces molécules définissent un ensemble aux limites floues car la plupart peuvent être produites par différents types cellulaires et exercent des effets pléiotropiques sur de multiples cellules cibles.   Interférons

    En pénétrant dans une cellule, un virus peut entraîner une infection abortive, cytopathique, persistante, latente ou transformante. La réplication virale est inhibée par l'action des interférons de type I : a produits par les leucocytes (environ quinze espèces moléculaires) et b produits par les cellules épithéliales et les fibroblastes. Ces interférons (IFN) sont des cytokines qui se lient à un même récepteur et activent différents gènes dont celui de l'enzyme 2-5 oligosynthétase. Ils inhibent la réplication virale et parfois la synthèse d'ADN (avec induction de la différenciation cellulaire) et augmentent l'expression des antigènes HLA de classe I. L'interféron g (IFNg), lymphokine produite par des lymphocytes T activés (immunité spécifique), exerce un effet antiviral et d'autres actions biologiques ; il induit l'expression d'antigènes HLA de classes I et II. Son récepteur est

différent de celui des IFNa et b.   Cytotoxicité

    Un des moyens utilisés par l'organisme pour limiter l'extension d'une infection virale consiste à détruire les cellules infectées. La lyse de cellules cibles transformées par un virus, comme celle de cellules immatures, embryonnaires ou cancéreuses, est assurée de façon non spécifique par des cellules tueuses naturelles (NK, natural killer) qui sont des petits lymphocytes ou des grands lymphocytes à  granulations intracytoplasmiques. La maturation (et/ou la prolifération) des cellules NK est stimulée par les IFNa et b. L'interleukine-2 (IL-2) induit l'activation et la prolifération de cellules tueuses LAK (lymphokine activated killers). Cette propriété a été utilisée dans l'immunothérapie de certains cancers : les leucocytes du malade sont stimulés in vitro par l'IL-2 avant d'être réinjectés.     La destruction par des mécanismes spécifiques, dirigés contre des néo-antigènes viraux à la membrane des cellules infectées, est assurée par les anticorps activant des cellules tueuses (cytotoxicité cellulaire dépendante d'anticorps : ADCC).     La lyse de cellules infectées peut être assurée par un mécanisme d'immunité cellulaire spécifique utilisant

des cellules T cytotoxiques, en général de type CD8+, qui reconnaissent, sur les membranes des cellules cibles, des peptides du virus associés aux antigènes HLA de classe I. Toutes les cellules tueuses établissent un contact avec leur cible par des molécules d'adhésion, telles que LFA-1. Les anomalies de ces molécules entraînent des déficits immunitaires sévères.     La destruction de parasites métazoaires est un mécanisme spécifique qui fait intervenir des anticorps IgE et des macrophages ou des polynucléaires éosinophiles comme cellules tueuses. Complément et protéines de la phase   aiguë

    L'immunité humorale non spécifique repose essentiellement sur le système du complément formé  d'une vingtaine de protéines plasmatiques susceptibles d'être activées par protéolyse en cascade au contact de membranes. Certaines de ces protéines sont polymorphiques, et il existe des phénotypes déficitaires avec absence de synthèse de la molécule ou production d'une molécule anormale non fonctionnelle (ex. : déficit en C1INH ou œdème angioneurotique, déficit en C2 ou C4, etc.). Ces protéines sont synthétisées essentiellement par le foie, accessoirement par les monocytes et

macrophages.     L'activation du complément s'effectue selon la voie dite « alterne » par des polysaccharides (parois bactériennes, membranes artificielles bioincompatibles). Elle conduit à la formation d'un complexe lytique (C5b,6789) qui perfore les membranes cellulaires - cytolyse - et à la libération de fragments actifs qui potentialisent l'immunité  cellulaire (C3bi ; C3d,g) ou qui induisent une réaction inflammatoire (anaphylatoxines C3a et C5a) en augmentant la perméabilité capillaire et en se liant aux récepteurs de certaines cellules (ex. : mastocytes) pour provoquer la libération de médiateurs chimiotactiques ou inflammatoires [cf. inflammatoire (processus)].     Les protéines de la phase aiguë sont synthétisées par le foie et les monocytes-macrophages lors d'une infection ou d'une réaction inflammatoire, sous l'influence de signaux chimiques (ex. : interleukines 1 ou 6) produits par l'activation de différentes cellules par des bactéries ou diverses substances. Elles comprennent des inhibiteurs de protéases (ex. : a1antitrypsine, inter-a-trypsine inhibiteur, etc.) et la protéine C-réactive (CRP) qui se fixe sur les groupements phosphorylcholine de nombreuses bactéries et levures, entraînant l'activation du complément, à leur encontre.   Phagocytose et bactéricidie

    Les cellules phagocytaires sont représentées par les polynucléaires neutrophiles et les cellules du système réticulo-histiocytaire (macrophages pulmonaires, spléniques, hépatiques - cellules de Küpffer -, monocytes sanguins, cellules mésangiales du rein, cellules microgliales du cerveau, macrophages résidents des ganglions lymphatiques).     La destruction d'une bactérie par phagocytose fait intervenir la migration active et orientée - chimiotactisme - du phagocyte vers le foyer bactérien, sous l'influence de facteurs chimiotactiques (C3a, C5a) libérés par l'activation du complément par la paroi des bactéries ou des levures (ex. : Candida albicans). L'adhésion de la bactérie est fortement augmentée par la liaison du facteur C3b du complément (opsonisation de la bactérie) aux récepteurs CR1 et CR3 de la membrane du phagocyte. L'englobement de la particule se fait par invagination de la membrane plasmique et formation d'un phagosome. Celui-ci fusionne avec les lysosomes [cf. LYSOSOMES] pour former un phagolysosome. ‫ ہ‬ce niveau interviennent les protéines cationiques toxiques pour la bactérie, puis les enzymes lysosomiales libérées par le processus de dégranulation séquentielle leucocytaire. La lactoferrine capte le fer et en prive ainsi les bactéries. Parallèlement, dans le phagosome, l'oxygène est réduit en anion superoxyde (O-2) avec production d'anion hydroxyl (OH-) de singulet d'oxygène (1O2) et de

peroxyde

d'hydrogène

(H2O2).

Ces

substances

- radicaux libres - créent des altérations des protéines des lipides et des acides nucléiques. Les peroxydases des lysosomes, en présence d'halogénures (iodures), génèrent d'autres oxydants toxiques [cf. RADICAUX LIBRES] .     La phagocytose est habituellement accompagnée d'une bactéricidie par les leucocytes polynucléaires. Dans les macrophages, en revanche, de nombreux parasites intracellulaires (bactéries, protozoaires) peuvent se multiplier et leur destruction nécessite une activation des macrophages par des lymphokines libérées par les cellules T activées.   Interleukines

    Depuis l'isolement du gène de l'IFNg en 1982, plus d'une trentaine de lymphokines humaines ont été  clonées et produites par la technique de l'ADN recombinant. Il s'agit, pour la plupart, de polypeptides de 100 à 200 acides aminés, sans aucune homologie entre elles. Beaucoup sont glycosylées. Pour certaines, on a pu isoler et cloner leur récepteur, ce qui a conduit à analyser les relations structurefonction de chaque interleukine en vue de préparer des médicaments agonistes ou antagonistes. La complexité des recherches actuelles sur les interleukines est illustrée par l'exemple de l'interleukine-1 (IL-1).

    L'IL-1 comprend plusieurs molécules (proIL-130 kDa ; IL-1 membranaire 23 kDa ; IL-1 secrétée 17,5 kDa) codées par deux gènes a et b. Produites par de multiples types cellulaires (monocytes, endothélium, fibroblastes, etc.) après stimulation par des bactéries (lipopolysaccharides de bactéries gram-) ou par des lymphokines (IL-2, Tumor Necrosis Factor), elle exerce des actions immunologiques (stimulation des cellules T et B), physiologiques (fièvre, sommeil, choc, excrétion de Na), hématologiques (stimulation de l'hématopoïèse) et métaboliques (stimulation de l'ACTH et des glucocorticoïdes, inhibition de synthèse d'insuline, induction de synthèse des protéines de la phase aiguë par le foie, etc.). Des peptides de dégradation de l'IL-1 (de 1,3 à 7 kDa) isolés de l'urine conservent ces propriétés biologiques. Une protéine de liaison de 20-25 kDa, l'uromoduline, isolée de l'urine de femme enceinte ou de plasma de sujets fébriles, inhibe l'action de l'IL-1.     L'interleukine-2 (IL-2) glycoprotéine, produite par les cellules T activées, agit en se liant à un récepteur composite formé d'une chaîne a (p75), exprimée de façon constitutive par les cellules T et B, et d'une chaîne b (p55), apparaissant après activation. Cette liaison initie la synthèse d'ADN par les cellules T, B et NK. Jean-Pierre REVILLARD

  2. Immunoglobulines

    Le système immunitaire produit des molécules capables d'identifier « soi » et « non-soi » : ce sont les anticorps ou immunoglobulines, Ig en abrégé, qui peuvent être soit libres dans l'organisme et véhiculées par le courant circulatoire, soit attachées aux lymphocytes (de type B) qui les produisent.     La spécificité de la reconnaissance, posée en termes rigides (à chaque kantigène son anticorps), conduit à  une difficulté majeure : pour reconnaître spécifiquement tous les antigènes potentiels, cela implique que le système immunitaire puisse produire un nombre astronomique d'anticorps différents. Or les 1020 molécules d'immunoglobulines ne sont pas toutes différentes, et on estime qu'elles se regroupent en environ 108 espèces moléculaires d'anticorps de spécificités distinctes. Le nombre potentiel d'antigènes étant considérablement plus élevé et chaque antigène renfermant, de plus, une mosaïque de déterminants antigéniques, on est amené à penser qu'une même molécule d'anticorps peut reconnaître plusieurs structures antigéniques différentes, mais présentant entre elles une certaine parenté conformationnelle. Cela revient à dire que le système de reconnaissance immunitaire est partiellement dégénéré. Néanmoins, les 108 espèces moléculaires différentes d'anticorps sont

produites par autant de lymphocytes B distincts. Il a été postulé, au cours des années cinquante, par Burnet et Jerne que les lymphocytes étaient groupés en clones, un clone étant un ensemble de cellules identiques, descendantes d'une même cellule initiale et exprimant les mêmes potentialités génétiques. Chaque clone synthétisant une espèce d'immunoglobuline, et une seule, est sélectivement stimulé par l'antigène que reconnaît l'immunoglobuline qu'il exprime. Cette conception, largement vérifiée depuis lors par les faits, est connue sous le nom de théorie clonale.     La difficulté suivante rencontrée par le problème du répertoire est d'ordre génétique. Les immunoglobulines étant des protéines, elles sont nécessairement « codées » dans l'ADN des chromosomes. On voit immédiatement que les 108 molécules d'immunoglobulines différentes ne peuvent être codées chacune par un gène distinct, puisqu'on estime que le nombre total des gènes de structure chez l'homme est de l'ordre de quelques milliers. C'est donc un mécanisme génétique particulier qui doit expliquer l'origine de la diversité des anticorps.     Enfin, outre les fonctions de reconnaissance, les immunoglobulines peuvent exprimer d'autres fonctions, dites effectrices (cf. infra, Immunocytes). Le nombre, extrêmement restreint, des fonctions (par exemple, la fixation du complément, la bactériolyse, etc.) contraste avec le nombre, très grand, des structures de reconnaissance. Cela implique que cette

dualité opérationnelle (reconnaissance et fonctions effectrices) doit être sous-tendue par une dualité  structurale des molécules d'immunoglobulines, ellemême dictée par une organisation particulière des gènes qui les codent pour l'ensemble du système selon le schéma : 1 gène X 1protéine X 1 fonction.     Rappelons que les protéines sont composées d'une ou de plusieurs chaînes polypeptidiques, chacune constituée par un enchaînement, ou séquence univoque d'acides aminés, définissant la structure primaire. L'organisation dans l'espace de cette ou de ces chaînes constitue la structure tridimensionnelle, forme sous laquelle s'exercent les fonctions des protéines. Les immunoglobulines, dont on connaît depuis les années trente la nature protéique, sont caractérisées par leur extrême hétérogénéité, ce qui rend leur analyse très difficile.     En règle, un antigène stimule toujours un nombre relativement élevé de clones. Pour disposer de molécules homogènes, qui seules conviennent pour analyser la structure primaire, force est donc d'obtenir des molécules provenant d'un seul clone. Cette situation est réalisée lorsqu'un clone B est cancérisé. Il prolifère alors sélectivement, devient prépondérant, et déverse dans le sang de grandes quantités d'une immunoglobuline monoclonale. Ce type de maladie, le myélome multiple, existe chez l'homme. Les protéines monoclonales sont isolées du sérum de ces malades à l'occasion d'un acte thérapeutique qui consiste à remplacer le plasma des

patients par celui d'un individu sain (plasmaphérèse). Chez la souris, le myélome peut être induit expérimentalement, et transplanté indéfiniment à des individus d'une même souche pure. Ce matériel permet d'obtenir, outre les immunoglobulines, des cellules tumorales à partir desquelles on peut extraire les ADN et les ARN qui codent l'expression génétique des protéines.     Le plus souvent, les protéines de myélome n'ont pas de spécificité de reconnaissance connue. Cette difficulté a été tournée avec la découverte des hybridomes par Köhler et Milstein, en 1975. Le principe consiste à fusionner in vitro des lymphocytes B d'une souris, stimulée par un antigène X, avec une lignée de myélome murin adaptée à des conditions particulières de culture. Chaque lymphocyte (incapable de se multiplier in vitro) va fusionner avec une cellule de myélome (à prolifération très active) en un hybridome qui réunit les potentialités du lymphocyte à synthétiser l'anticorps anti-X et l'aptitude à se multiplier en culture de la cellule de myélome. Une sélection appropriée permet d'obtenir des hybridomes qui synthétisent des anticorps anti-X monoclonaux. Cette méthodologie, qui révolutionne les techniques de production des anticorps, a ouvert la voie à l'analyse d'anticorps homogènes de spécificité  connue, et rendu possible l'analyse de l'organisation et de l'expression des gènes des immunoglobulines.   Structure des IgG

L'organisation de base des immunoglobulines IgG,     les plus représentées dans le sérum (70% des anticorps), a été définie entre 1958 et 1961 par les travaux de Porter en Grande-Bretagne et d'Edelman tats-Unis, ce qui leur valut le prix Nobel en ‫ ة‬aux 1972. Il s'agit d'une molécule d'un poids moléculaire de 150 000 daltons, constituée en deux chaînes lourdes identiques, ou H (pour heavy, poids moléculaire 52 000), et deux chaînes légères identiques, ou L (pour light, poids moléculaire 23 000), réunies par des ponts disulfures (fig. 1) . La molécule possède un axe de symétrie et porte deux sites de combinaisons identiques pour l'antigène. Par ailleurs, la molécule d'IgG peut être clivée par une enzyme, la papaïne, qui libère trois fragments de taille équivalente. Deux de ces fragments contiennent chacun une chaîne L et la première moitié d'une chaîne H. Chacun de ces deux fragments identiques comporte un des sites de combinaison pour l'antigène, d'où leur nom de « fragments Fab » (pour antigen binding). Le troisième fragment, constitué des deux moitiés terminales des chaînes H, est cristallisable, et appelé « Fc ». Il est dépourvu de site de combinaison pour l'antigène, mais fixe le complément. On voit donc déjà que la dualité fonctionnelle est bien sous-tendue .par une dualité structurale de la molécule d'anticorps

 Immunoglobuline IgG1 humaine : modèle linéaire Modèle linéaire d'une immunoglobuline lgG1 humaine. Le segment noir au centre des chaînes H assure une certaine flexibilité entre les fragments F ab et F c et continue la « région charnière »  de la molécule.

    En 1965, Hilschmann et Craig ont montré que deux chaînes légères provenant de myélomes humains étaient constituées de 214 acides aminés. Les 107 premiers résidus (extrémité dite « NH2-terminale ») étaient

profondément

différents

entre

les

deux

chaînes, tandis que les 107 suivantes (« extrémité  COOH-terminale ») étaient rigoureusement identiques, ce qui permettait la description d'une région variable, ou V, et d'une région constante, ou C. Il fut bientôt montré que les chaînes H possédaient également une région V, couvrant les 110 à 120 premiers acides aminés, et une région constante, composée des 330 derniers. L'accumulation des analyses ne tarda pas à montrer que le nombre de régions variables était très grand, aussi bien pour les chaînes lourdes (VH) que pour les chaînes légères (VL). On montra par

ailleurs que les deux chaînes H et L participaient à la reconnaissance de l'antigène, et que toute chaîne H pouvait s'associer à toute chaîne L. Il s'ensuit que les combinaisons de 104 chaînes H avec 104 chaînes L permettent d'obtenir, à partir d'un maximum de 20 000 gènes, 108 molécules d'anticorps différentes, et que le système immunitaire a ainsi trouvé un moyen très élégant d'économiser l'information génétique. Un examen plus attentif des séquences d'acides     aminés révèle l'existence d'homologies entre les divers segments polypeptidiques d'environ 110 résidus constituant les chaînes L (VL et CL) et H (VH, CH1, CH2 et CH3). Chacun de ces segments possède, au sein de l'IgG, une structure tridimensionnelle globulaire autonome, identifiée par analyse cristallographique aux rayons X. Ces structures constituent des domaines, d'abord postulés par Edelman en 1969. L'ensemble VH-VL contient le site de combinaison pour l'antigène, tandis que les domaines constants, en

particulier ceux des chaînes H, exercent l'une ou l'autre des fonctions effectrices. Ainsi CH2 fixe-t-il le complément, et CH3 interagit avec certains récepteurs cellulaires. Une représentation schématique de l'organisation tridimensionnelle de la molécule d'IgG . est donnée sur la figure 2

 Immunoglobuline IgG1 humaine : représentation tridimensionnelle Représentation tridimensionnelle schématique de l'lgG1 humaine, organisée en domaines globulaires compacts. On notera l'existence d'un pont disulfure intracaténaire à  l'intérieur de chaque domaine et qui contribue à en stabiliser la structure.

  Classes

    En dehors des IgG, majoritaires, il existe d'autres classes d'immunoglobulines, toutes construites sur le modèle H2L2. Elles contiennent les mêmes chaînes légères, qui sont de deux types : k et l, qui diffèrent dans leur structure primaire. L'individualité des classes tient à la nature de leurs chaînes lourdes. On en connaît cinq types chez l'homme : g, m, a, d et e, auxquelles correspondent les cinq classes IgG, IgM, IgA, IgD et IgE.     Les IgG sont les anticorps protecteurs classiques, et se subdivisent en quatre sous-classes différenciées par quatre chaînes H légèrement distinctes : g1, g2, g3 et

g4.

Les

IgM

sont

de

grosses

molécules

pentamériques de type (m2k2)5 ou (m2l2)5, stabilisées par une chaîne supplémentaire appelée « J ».     Les IgA se trouvent dans diverses sécrétions - en particulier dans le colostrum -, où elles existent à l'état de dimères ou de trimères.     Les IgD sont des molécules membranaires, qui restent fixées aux lymphocytes B.     Enfin, les IgE, de type e2k2 ou e2l2 sont le support de

l'hypersensibilité immédiate HYPERSENSIBILIT‫)ة‬.

(cf. allergie

et

  Immunogénétique

    Les apports récents du génie génétique ont permis une avance foudroyante dans l'analyse de l'organisation des gènes d'immunoglobulines, qui sont groupés dans trois ensembles distincts : k, l et H, portés par trois chromosomes différents. En 1978, Tonegawa montra que trois gènes distincts étaient nécessaires au codage d'une chaîne l murine donnée : un gène Vl, couvrant l'essentiel de la région variable (jusqu'au résidu 95), un gène Jl (résidus 96-108) et un gène Cl, correspondant à la région constante. Ces trois gènes sont largement séparés sur l'ADN germinal (donc transmissible à la descendance par les gamètes). Dans les lymphocytes B différenciés, donc prêts à synthétiser une immunoglobuline, l'ADN est réarrangé, de telle sorte que V et J deviennent contigus, mais restent encore séparés de C. Ce n'est que dans l'ARN messager que la jonction définitive V-JC est faite, permettant ainsi à la chaîne g d'être fabriquée sans discontinuité. Cette notion de segments disjoints codants (ou exons) et non codants (introns) dans l'ADN est très nouvelle, et la nécessité  de réarrangements peut être un modèle important pour d'autres systèmes de différenciation cellulaire.

    Pour les chaînes k, il existe un ensemble de gènes Vk dont le nombre paraît se situer entre 100 et 300, cinq gènes Jk, dont quatre seulement sont fonctionnels, et un seul gène Ck. Les mêmes étapes de réarrangement que celles précédemment décrites ont été mises en évidence (Tonegawa, Leder). En ce qui concerne les chaînes lourdes, trois     groupes de gènes sont nécessaires pour la seule région variable : les gènes VH, codant jusqu'au résidu 98, les

gènes D (pour « diversité »), à l'origine postulés par Hood, codant pour le segment le plus variable des immunoglobulines (en moyenne cinq à dix acides aminés), et quatre gènes JH. Viennent ensuite les gènes constants, huit chez la souris, correspondant aux classes et disposés dans l'ordre suivant : Cm, Cd, Cg3, Cg1a, Cg2b, Cg2a, Ce et Ca. Les gènes VH, D et JH, séparés sur l'ADN germinal, sont juxtaposés après réarrangement dans le lymphocyte B. Cet ensemble peut ensuite fonctionner, successivement ou simultanément, après association avec deux gènes . constants

 Association de deux gènes constants Exemple de réarrangements géniques chez la souris conduisant à la synthèse de 2 molécules de classes distinctes, lgM et lgG2a, exprimant la même spécificité de reconnaissance. Les gènes H, constitués sur l'ADN germinal en 4 ensembles distincts, VH, D, JH et CH, se réarrangent au cours de la maturation des lymphocytes B. Ici, le clone B a « choisi » l'assemblage VHn X D3 X JH4, correspondant à  une...

    La séquence d'événements débute par l'utilisation du gène Cm et se poursuit par l'expression d'un autre gène, Cg2a par exemple. On voit donc qu'une même région de reconnaissance (ensemble V-D-J) peut se

trouver associée à un anticorps protecteur (de type IgM ou IgG) ou à un anticorps sensibilisant IgE.     Cette organisation comprise, l'origine de la diversité  s'explique en grande partie. ‫ ہ‬partir de 300 gènes Vk et de 4 gènes Jk, on peut réaliser 1 200 chaînes légères différentes. Le nombre exact de gènes VH et D n'est pas connu, mais il est raisonnable de penser que la combinaison mVH × nD × 4J produit entre 1 000 et 10 000 chaînes lourdes. L'association H × L permet donc de dépasser facilement le million de spécificités. On a pu montrer, de plus, qu'à cette diversité  combinatoire, utilisant des gènes du patrimoine germinal, s'ajoutaient des événements somatiques, des mutations par exemple, se produisant au cours de la différenciation des lymphocytes, et qui peuvent encore amplifier notablement la diversité. On a montré, enfin, que les événements de réarrangement qui conduisent à la constitution d'un ensemble de codage fonctionnel ne se produisaient correctement, en règle, que sur un seul des deux chromosomes de chaque paire. Cette observation rend compte de la théorie clonale, qui prédit qu'un lymphocyte n'exprime qu'une seule spécificité.     La structure des immunoglobulines et l'organisation des gènes responsables de leur synthèse ont été  décrites en détail chez la souris, chez l'homme et, à un moindre degré, chez le lapin. Il est vraisemblable que les schémas ainsi définis sont utilisés chez toutes les espèces animales qui possèdent des immunoglobulines. Il semble bien que les

immunoglobulines correspondant aux structures décrites dans cet article existent chez tous les Vertébrés et seulement dans cet embranchement. La diversité existe chez les Vertébrés les plus primitifs, qui, cependant, semblent ne posséder qu'une classe d'immunoglobulines, assimilables aux IgM. L'amplification du nombre de classes semble apparaître chez les amphibiens, peut-être en corrélation avec l'apprentissage de la vie aérienne. Michel FOUGEREAU

  3. Immunocytes

    L'immunité non spécifique est assurée par différentes cellules : phagocytes (monocytes-macrophages, polynucléaires neutrophiles), cellules cytotoxiques et cellules productrices de médiateurs de l'inflammation (ex. : mastocytes, plaquettes, monocytesmacrophages). L'immunité spécifique est due aux seuls lymphocytes, qui sont les seules cellules de l'organisme comportant des structures reconnaissant les déterminants antigéniques : par leurs unités de reconnaissance, ou récepteurs, les lymphocytes vont assurer l'adaptation spécifique de la réponse immunitaire aux stimulations antigéniques. Ainsi, un sujet vacciné contre le tétanos sera-t-il protégé contre cette seule maladie, ce qui implique que ses

lymphocytes sont capables de reconnaître les déterminants de la toxine tétanique parmi les milliers d'autres antigènes dans la nature.     C'est pourquoi les lymphocytes peuvent être encore appelés immunocytes.   Historique

    Le rôle fondamental des lymphocytes dans les réactions immunitaires a été établi par deux séries d'expériences. Merril Chase, pendant la Seconde Guerre mondiale, étudiait avec Karl Landsteiner à  l'institut Rockefeller les mécanismes de l'hypersensibilité induite par application cutanée de substances chimiques simples, comme le chlorure de pycrile, chez le cobaye. Les animaux exposés une première fois à ces substances présentaient lors d'un deuxième contact une réaction allergique locale, spécifique vis-à-vis de l'allergène. Afin d'identifier le support de cette allergie, Merril Chase cherche à  transmettre cette réponse spécifique à des cobayes non préalablement exposés à l'allergène. Il constate que ce transfert ne peut pas être réalisé à l'aide du sérum contenant des anticorps, mais seulement avec des lymphocytes vivants, extraits de la rate, des ganglions lymphatiques ou de la cavité péritonéale du donneur sensibilisé vis-à-vis de l'allergène. Ces expériences de « transfert adoptif » permettent de

définir un ensemble de réactions d'immunité ou d'hypersensibilité à médiation cellulaire et de les distinguer des autres formes d'immunité dues à la mise en jeu des anticorps du sérum, c'est-à-dire de l'immunité humorale. La deuxième série d'expériences démontrant le rôle essentiel des lymphocytes dans l'immunité est due à James Gowans, professeur de physiologie à Oxford. En étudiant la circulation lymphatique chez le rat, Gowans réalisa en 1959 des canulations du canal thoracique permettant d'obtenir des suspensions très pures de lymphocytes circulants. Il démontra que ces lymphocytes, injectés chez un receveur dont le système immunitaire avait été détruit par irradiation, suffisaient à reconstituer chez ce dernier la plupart des phénomènes immunitaires : production d'anticorps et mémoire immunologique, rejet des allogreffes, hypersensibilité retardée et réactions du greffon contre l'hôte (cf. GREFFES). Dès lors, le lymphocyte pouvait être considéré comme la pierre angulaire du système immunitaire. Cependant, en découvrant la multiplicité des fonctions des lymphocytes et en constatant l'extraordinaire diversité des structures moléculaires susceptibles d'être identifiées par ces cellules, on était conduit à  s'interroger sur leur degré de spécialisation : l'expérience montra rapidement qu'un seul lymphocyte ne reconnaît qu'un seul déterminant antigénique et qu'il est programmé pour une fonction régulatrice ou effectrice. Le singulier mythique du lymphocyte cellule-orchestre doit faire place au pluriel des lymphocytes, ensemble de cellules très

diversifiées dans leurs propriétés. Cette diversité  apparaît lors de la différenciation des lymphocytes à  partir de cellules souches, au cours du développement, et chez l'adulte.     Les lymphocytes se séparent en deux lignées distinctes dont la différenciation irréversible s'effectue dans des organes centraux différents : le thymus, dont le rôle fut découvert par Jacques Miller en 1962, est le site de maturation des lymphocytes T, qui vont assurer des fonctions effectrices (cytotoxicité, hypersensibilité retardée) et régulatrices (amplification ou suppression) de la réponse immunitaire ; la bourse de Fabricius des Oiseaux ou son équivalent, dans le micro-environnement des cellules souches hématopoïétiques, chez les Mammifères permettent la différenciation des lymphocytes B qui assurent la production d'immunoglobulines (anticorps). Le stade final de maturation des cellules B est le plasmocyte.   Caractéristiques et identification

    En microscopie optique, après étalement, fixation et coloration de suspensions cellulaires obtenues à  partir du sang de la lymphe ou d'organes lymphoïdes, on distingue aisément lymphocytes et plasmocytes. Les petits lymphocytes se présentent comme des cellules rondes, d'une taille à peine supérieure à celle des globules rouges, d'un diamètre de 7 à 8 mm. Le

noyau arrondi ou encoché occupe presque tout le volume de la cellule ; il contient une chromatine dense et il est habituellement dépourvu de nucléole. Le cytoplasme basophile est réduit à une mince collerette. D'autres lymphocytes, les moyens ou grands lymphocytes, ont un diamètre de 9 à 15 mm ; leur noyau contient une chromatine moins dense et plus hétérogène ; leur cytoplasme plus abondant, pâle et modérément basophile contient parfois des « granules azurophiles ». Ces grands lymphocytes à  granules (environ 5% des lymphocytes du sang) sont des cellules tueuses « naturelles » (NK, natural killers).     Les lymphocytes activés, encore appelés lymphoblastes, ou immunoblastes, sont des cellules de 10 à 20 mm de diamètre, dont le noyau clair contient un ou plusieurs nucléoles ; leur cytoplasme intensément basophile contient quelques vacuoles et de nombreux ribosomes donnant une couleur rouge après coloration par la pyronine, d'où l'appellation de « grandes cellules pyroninophiles » qui leur est parfois attribuée. Les plasmocytes, cellules sécrétrices d'anticorps, ont une forme ovale, un diamètre de 15 mm, un noyau arrondi excentré avec une chromatine hétérogène en damiers ou en rayons de roue, un cytoplasme basophile contenant parfois des dépôts denses d'immunoglobulines (corps de Russel).     La microscopie à contraste de phase permet d'observer les lymphocytes vivants : dans la concavité  du noyau réniforme, une zone claire, le centrosome, contient l'appareil de Golgi. Elle est entourée de

mitochondries qui apparaissent comme des granules sombres allongés. Les lymphocytes ne s'étalent pas sur les surfaces de verre, mais ils sont capables de se déplacer et d'émettre des prolongements cytoplasmiques, les uropodes, permettant d'établir un contact avec d'autres cellules.     En microscopie électronique à balayage, les lymphocytes se présentent comme des cellules sphériques dont la surface est plus ou moins hérissée de vésicules ou de rides. Les lymphocytes activés sont entièrement recouverts de prolongements en doigts de gant.     En microscopie électronique à transmission, les petits lymphocytes ont un noyau arrondi ou encoché  constitué d'hétérochromatine, sans nucléole nettement visible. Le noyau est entouré d'un feuillet ergastoplasmique limitant l'espace périnucléaire. Le cytoplasme contient de nombreuses mitochondries, des ribosomes libres, de rares lysosomes et un appareil de Golgi rudimentaire. La morphologie ultrastructurale des grands lymphocytes et des lymphoblastes diffère selon les lignées de différenciation T ou B. Dans cette dernière, les ribosomes sont organisés en polysomes fixés sur le réticulum endoplasmique, alors qu'il s'agit de ribosomes libres dans les cellules T. Dans les deux lignées, ces cellules ont un noyau clair à chromatine irrégulière, des nucléoles bien visibles, un appareil de Golgi, ce qui correspond à leur capacité de synthèse et d'excrétion des anticorps.

Les différences de taille et de densité des     lymphocytes ont été utilisées pour les séparer par sédimentation ou par centrifugation sur des solutions de densité connue. La technique habituellement  utilisée pour isoler les lymphocytes du sang consiste à centrifuger du sang, prélevé sur anticoagulant, sur une solution de « Ficoll », de densité 1,078 : les lymphocytes, une partie des monocytes et des plaquettes sont récupérés à la surface tandis que les autres éléments figurés du sang se trouvent dans le culot de centrifugation. Les propriétés d'adhérence, d'impédance et de charge électrique (électrophorèse cellulaire) des lymphocytes font apparaître une hétérogénéité parmi ces cellules. Enfin, la mesure combinée de la diffraction de la lumière aux petits angles (forward angle scatter) et à 900 (right angle scatter) permet d'identifier les lymphocytes au sein . (de suspensions cellulaires hétérogènes (fig. 6

 Distribution des leucocytes du sang Distribution des leucocytes du

sang selon leur capacité de diffraction de la lumière aux petits angles (FAS) et à 90°  (RAS). On note la séparation des plages correspondant aux lymphocytes, aux monocytes et aux polynucléaires (doc. G. Cordier, université Claude Bernard, Lyon).

    Cette propriété trouve son application dans les techniques de cytofluorométrie, qui consistent à  analyser une par une des cellules passant dans une veine liquide devant une source laser à la vitesse de 2 000 cellules par seconde. En utilisant des colorants de l'ADN et de l'ARN, ou des protéines, et en disposant des sondes spécifiques permettant d'identifier certaines structures sur la membrane cellulaire ou dans le cytoplasme (lectines ou anticorps couplés à un fluorochrome), on peut alors déterminer quatre paramètres simultanés sur chaque cellule, et procéder au tri des cellules définies par une combinaison de ces paramètres. Ces méthodes ont au   jourd'hui de nombreuses applications, tant en recherche fondamentale qu'en immunologie médicale.

  Différenciation des lymphocytes B

    Au cours de l'ontogenèse, les cellules souches hématopoïétiques sont successivement localisées dans la vésicule ombilicale, puis dans le foie fœtal et finalement dans la moelle osseuse où leur activité se poursuit tout au long de la vie. Parmi ces cellules souches, certaines vont s'engager dans la voie de différenciation des lymphocytes B. Chez les Oiseaux, les premières étapes de cette différenciation ont lieu dans la bourse de Fabricius, qui se développe à partir d'une évagination de la paroi dorsale de l'extrémité  caudale du tube digestif. Dès le treizième jour du développement embryonnaire, cet organe est colonisé  par des cellules souches qui se différencient en lymphocytes au contact de l'épithélium. Chez les Mammifères, les étapes centrales de différenciation des lymphocytes B ont lieu dans le foie fœtal puis dans la moelle osseuse. Les inducteurs de cette différenciation ne sont pas encore connus ; ils sont indépendants de toute stimulation antigénique. Les stades successifs de différenciation ont été étudiés, d'une part, au niveau des gènes et, d'autre part, à  l'échelle du lymphocyte B. Les gènes des immunoglobulines, localisés chez l'homme sur le chromosome 14 pour les chaînes lourdes, le 2 pour les chaînes l et le 22 pour les chaînes k, subissent une réorganisation qui aboutit au rapprochement des

gènes V et J pour les chaînes légères, D et J puis VDJ pour les chaînes lourdes (cf. supra, Immunoglobulines). Les cellules souches effectuent leur maturation en passant par un stade de lymphocyte pré-B, qui contient une chaîne m intracytoplasmique, puis une chaîne légère k ou l . Le stade ultérieur est celui du lymphocyte B immature, qui n'a pas de chaînes d'immunoglobuline dans son cytoplasme, mais qui possède des IgM à sa surface (sIgM). Le lymphocyte B mature a des caractéristiques analogues, mais présente en outre une deuxième immunoglobuline de surface, l'IgD (sIgD). Ces immunoglobulines de surface fonctionnent comme récepteurs d'antigène : ce sont les structures de reconnaissance qui permettent au lymphocyte B de se lier à un seul déterminant antigénique. Chaque cellule B ne produit qu'une seule chaîne légère, k ou l, un seul idiotype et un seul allotype de chaîne lourde ou légère. Ces caractéristiques sont communes à l'ensemble des cellules d'un même clone, c'est-à-dire issues par divisions successives d'un même lymphocyte B.

 Cellules B : Cytochimie Caractéristiques cytochimiques des cellules B au cours des principales étapes de leur différenciation.

    Les étapes ultérieures de différenciation des cellules B, aboutissant aux plasmocytes ou aux lymphocytes B « mémoire », ont lieu principalement dans les organes lymphoïdes secondaires ou périphériques (rate, ganglions, formations lymphoïdes associées aux muqueuses). Elles sont induites par une stimulation et soumises à une régulation faisant intervenir des interactions cellulaires.     Les stimulants peuvent être classés en deux catégories. D'une part, les antigènes, qui activent un petit nombre de cellules B ayant à leur surface les récepteurs (sIg) correspondant aux spécificités des déterminants antigéniques, vont induire la différenciation en plasmocytes produisant des anticorps de même spécificité que les sIg des lymphocytes B stimulés. D'autre part, les activateurs polyclonaux qui peuvent stimuler un ensemble de lymphocytes B, indépendamment des spécificités reconnues par leur sIg. Les activateurs sont des lectines d'origine végétale, des extraits bactériens, ou bien le virus de la mononucléose infectieuse (virus d'Epstein-Barr), qui permet d'obtenir des lignées lymphoblastoïdes B immortalisées, ou bien des interleukines (IL2, IL4, IL5, IL6), glycoprotéines produites par les cellules T ou, enfin, des anticorps (CD40).

    La réponse aux antigènes et aux activateurs polyclonaux nécessite la présence de cellules accessoires exerçant une fonction régulatrice. Des monocytes ou des cellules dendritiques assurent la présentation de l'antigène aux cellules B et produisent des médiateurs ou messagers intercellulaires, tels que l'interleukine-1, permettant l'activation des cellules B. Des cellules T auxiliaires ou amplificatrices (T « helper ») sont indispensables à la réponse à certains antigènes ou activateurs polyclonaux, appelés pour cette raison « T dépendants » [cf. ANTIG‫ب‬NES] . Leur effet s'exerce à la faveur d'un contact direct avec les cellules B ou bien par l'intermédiaire de substances solubles, spécifiques de l'antigène ou non spécifiques. La régulation négative, ou suppression, est assurée d'une part par des monocytes ou macrophages, d'autre part par des cellules T suppressives (Ts). Amplification et suppression s'exercent de façon séquentielle sur les différentes étapes de la différenciation terminale des lymphocytes B en plasmocytes. La complexité de ces phénomènes de régulation est nécessaire pour assurer la parfaite adaptation de la réponse anticorps dans l'organisme.     Un deuxième niveau de régulation, d'ordre qualitatif, concerne la classe d'immunoglobuline synthétisée par le lymphocyte B, une même cellule ou un même clone pouvant produire d'abord des anticorps IgM, puis IgG, IgA ou IgE. Le passage d'une classe à l'autre, ou commutation, implique un réarrangement des gènes des chaînes lourdes (cf. supra, Immunoglobulines).

Chaque classe d'anticorps a des fonctions biologiques particulières. On conçoit, dès lors, l'importance des mécanismes de contrôle qui aboutissent, après contact avec le même antigène, à la production d'anticorps IgG ou IgA protecteurs, ou bien d'anticorps IgE, responsables de phénomènes allergiques.     La commutation isotypique a lieu au sein des centres germinatifs des ganglions. ‫ ہ‬ce niveau, les cellules B font l'objet de mutations somatiques des gènes VL et VH puis d'une sélection par l'antigène.   Différenciation des lymphocytes T

    ‫ ہ‬partir du pool des cellules souches hématopoïétiques, des cellules pré-T migrent vers le thymus, où elles se multiplient, tandis que s'effectue leur différenciation au contact des cellules réticuloépithéliales. La maturation se fait progressivement depuis la périphérie de l'organe, ou corticale, vers le centre, ou médullaire. Une petite partie des cellules nées par division dans le thymus achève sa différenciation et migre par voie sanguine vers les organes lymphoïdes périphériques et la circulation hémolymphatique.     La différenciation intrathymique des lymphocytes T se manifeste par l'expression de nouveaux antigènes sur la membrane de ces cellules et par l'acquisition de propriétés fonctionnelles.

    On connaît aujourd'hui plusieurs marqueurs ou antigènes de différenciation des cellules T. Ils sont repérés à l'aide d'anticorps monoclonaux obtenus par hybridation somatique de cellules B avec des cellules tumorales, puis clonage des hybridomes ainsi formés. Ces anticorps sont donc parfaitement homogènes et ne se combinent qu'à un seul déterminant antigénique.     Il ont permis d'identifier un ensemble de molécules fonctionnelles qui interviennent dans l'activation des cellules T (CD2, complexe TcR-CD3) dans l'adhésion intercellulaire (CD2, CD4, CD16, CD32) ou comme récepteurs d'interleukine-2 (CD25), de complément (CD21) ou de la région Fc de molécules d'anticorps (CD7, CD23). La plupart de ces molécules, à l'exception du complexe CD3-TcR, ne sont pas présentes exclusivement sur les cellules T. Ainsi, la molécule CD4, qui interagit avec les antigènes HLA de classe II, est aussi le récepteur de la protéine d'enveloppe gp 120 du virus HIV1 responsable du sida. Cette molécule CD4 est présente sur 40% des monocytes, les cellules de Langerhans de l'épiderme et 5% des lymphocytes B. Les anticorps permettent alors d'identifier les cellules portant l'antigène correspondant, d'étudier leurs variations dans divers états pathologiques, d'isoler ou bien d'éliminer ces cellules au sein d'une suspension hétérogène, enfin de modifier la réponse immunitaire dans des expériences chez l'animal et peut-être en thérapeutique humaine.

 Cellules T : antigènes de différenciation Principaux

antigènes

de

différenciation des cellules T (le terme CD, en nomenclature internationale «Cluster of differenciation», sert à la désignation de ces antigènes).

    Les propriétés fonctionnelles acquises par chaque cellule T au cours de sa maturation intrathymique concernent d'une part la reconnaissance de l'antigène et d'autre part des fonctions régulatrices ou effectrices. On retrouve donc au niveau de la cellule T la dualité fonctionnelle caractéristique de la molécule d'anticorps (cf. supra, Immunoglobulines).     La structure des récepteurs spécifiques des cellules T (TcR) est aujourd'hui parfaitement connue. Deux types de récepteurs sont présents sur des

populations distinctes de lymphocytes T. Chaque récepteur TcR est un hétérodimère formé de deux chaînes polypeptidiques a et b ou g et d. La structure du TcR est donc analogue à celle d'un fragment Fab d'anticorps.     Ces polypeptides comportent, après clivage du peptide signal N-terminal nécessaire au transport intracellulaire de la chaîne, une séquence V (ou V + D pour les chaînes b et d), une séquence J de 15 résidus, une séquence C de 140 résidus, une séquence hydrophobique transmembranaire de 20 aminoacides et une très courte queue intracytoplasmique de 5 résidus.     Chaque séquence est codée par un exon différent. Ces gènes (V, D, J et C) se trouvent sur deux chromosomes : 4 et 7. Pour devenir fonctionnels, les gènes en disposition germinale doivent subir un réarrangement qui a lieu lors de la différenciation intrathymique. Comme pour les gènes des immunoglobulines, ce processus nécessite l'appariement de séquences de reconnaissance (heptamère et nonamère séparés par 12 ou 23 paires de bases) localisés en 3´ des gènes Vb et en 5´ de Jb et Db, sous l'influence d'une recombinase. La jonction Jb et Db induit l'activité d'un promoteur situé en 5´ de Db et initie la transcription du gène réarrangé. L'ordre de réarrangement des gènes dans le thymus est g d b a. Beaucoup de recombinaisons aboutissent à des gènes non fonctionnels. Le nombre de mutations somatiques

est très faible au niveau des gènes du récepteur T, contrairement aux gènes d'immunoglobulines où il est beaucoup plus élevé que dans tout le reste du génome. Les récepteurs g-d comprennent deux catégories selon qu'existe ou non un pont S-S interchaîne. Ces récepteurs sont présents sur 2 à 5% des lymphocytes circulants du sang, en particulier sur des cellules tueuses NK. Les récepteurs a-b sont présents sur la plupart des lymphocytes circulants. Leur interaction avec un peptide, fragment d'antigène, en association avec un antigène HLA de classe I ou II aboutit à  l'activation du lymphocyte T : passage en phase G1 du cycle cellulaire avec induction de la synthèse de lymphokines (ou de protéines cytotoxiques) puis synthèse d'ADN (phase S-G2) et division cellulaire. La transduction d'un signal activateur met en jeu le complexe moléculaire CD3 associé au TcR.     L'antigène CD3 comprend 6 polypeptides (g, d, e, y, p21 et z). Ce complexe active une tyrosine kinase permettant la phosphorylation des protéines, et une phospholipase C responsable de la synthèse de diacylglycerol et de l'ouverture de canaux ioniques. L'activation nécessite en outre une stabilisation de la liaison entre cellule T et cellule présentant l'antigène. Cette fonction est assurée par des molécules d'adhésion dont les plus importantes sont CD4, qui se lie aux antigènes HLA de classe II, CD8 qui interagit avec les molécules HLA de classe I et LFA-1 qui se lie à  la protéine membranaire ICAM (cf. r‫ة‬cepteurs membranaires, FIG. 11).

    Les fonctions régulatrices des lymphocytes T sont décrites selon le sens de leur effet, en termes d'amplification (T « helper », ou TH) ou de suppression (Ts). Elles s'exercent vis-à-vis de différentes formes de réponse immunitaire : production d'anticorps, réactions d'hypersensibilité retardée ou rejet d'allogreffe, différenciation des cellules cytotoxiques, ce qui correspond à des phénomènes de coopération cellulaire T-B, T-T, ou T-macrophage, par contact direct ou par l'intermédiaire de médiateurs. Ces propriétés régulatrices peuvent être spécifiques vis-à-vis d'un antigène ou bien non spécifiques.     Les propriétés effectrices des lymphocytes T peuvent être classées en deux catégories : la production de médiateurs et la cytotoxicité. En présence d'antigènes spécifiques ou d'activateurs polyclonaux, les cellules T libèrent différents médiateurs, appelés lymphokines, qui agissent sur plusieurs catégories de cellules (monocytes et macrophages, lymphocytes T et B, polynucléaires, ostéoclastes, etc.) et participent à la réaction inflammatoire de l'hypersensibilité retardée et à la résistance vis-à-vis des infections par des microorganismes dont le cycle biologique comporte une étape dans les macrophages (mycobactéries, etc.). Les cellules T cytotoxiques détruisent par contact direct les cellules cibles allogéniques ou syngéniques infectées par un virus. Elles interviennent donc dans le rejet des allogreffes et dans la résistance vis-à-vis d'infections virales.     Les cellules T auxiliaires CD4 sont actuellement

classées en deux populations selon les cytokines qu'elles produisent après stimulation par l'antigène : les cellules CD4 TH1 sécrètent l'IL-2 et l'IFNg, et contrôlent les réactions d'hypersensibilité retardée ; les cellules TH2 produisent l'IL-4, l'IL-5, l'IL-6 et l'IL-10, et contrôlent la production d'anticorps et les réactions d'hypersensibilité dues aux anticorps IgE, aux mastocytes et aux éosinophiles. Organisation du tissu lymphoïde et   circulation des lymphocytes

    L'organisme humain adulte contient environ 1012 lymphocytes (mille milliards), répartis de façon diffuse dans le sang, la lymphe et les tissus, ou bien rassemblés au sein de structures favorisant les interactions cellulaires nécessaires au développement de la réponse immunitaire et à sa régulation. Ces structures lymphoïdes constituent les organes lymphoïdes secondaires ou périphériques : ganglions lymphatiques, pulpe blanche de la rate et formations lymphoïdes associées aux muqueuses. C'est au sein de l'une de ces structures, en fonction de la voie de pénétration de l'antigène, que s'effectue la réponse immunitaire, d'abord locale, puis étendue à l'ensemble de l'organisme du fait de la diffusion des anticorps dans les liquides biologiques et de la circulation des lymphocytes dans les tissus.     Les lymphocytes que l'on trouve à un instant précis dans le secteur intravasculaire - soit 1010 environ chez

l'homme adulte - n'y font qu'un bref passage. La plupart quittent le sang en franchissant les veinules postcapillaires pour gagner le cortex profond (zone thymo-dépendante) des ganglions, migrer par les vaisseaux lymphatiques à travers d'autres relais ganglionnaires, pour rejoindre finalement le canal thoracique et la circulation sanguine. Cette circulation hémolymphatique se répartit en deux circuits relativement indépendants, l'un par les ganglions périphériques, l'autre par les formations lymphoïdes associées aux muqueuses. Par ailleurs, les lymphocytes passent de la pulpe blanche de la rate vers le sang, et vice versa. Cette circulation permanente des lymphocytes dans l'organisme est l'un des mécanismes essentiels au fonctionnement des réactions d'immunité à médiation cellulaire : la reconnaissance de l'antigène étant assurée par un récepteur de la membrane des cellules T, il est nécessaire que ces lymphocytes se déplacent pour pouvoir identifier un antigène localisé dans un tissu ou dans une cellule. Jean-Pierre REVILLARD

4. Typologie et caractéristiques de la   réaction immunitaire globale

    Chez les Vertébrés (Poissons, Amphibiens, Reptiles, Oiseaux et Mammifères), la réaction immunitaire est

polymorphe. Elle englobe deux processus physiologiques très différents : la réponse immunitaire et la tolérance immunitaire.   La réponse immunitaire

    La réponse immunitaire est elle-même dichotomique et comprend deux volets distincts : la réponse humorale et la réponse à médiation cellulaire.   Réponse humorale

    Les effecteurs moléculaires de cette réponse sont les anticorps constitués par les immunoglobulines présentes à l'état soluble dans le plasma et la plupart des autres liquides biologiques de l'organisme, y compris le colostrum et le lait. Les anticorps sont synthétisés et sécrétés souvent en quantités élevées, voire massives, par les plasmocytes, qui peuvent produire jusqu'à 2 000 molécules par cellule. Les plasmocytes dérivent de la division cellulaire et de la différenciation des clones de lymphocytes B activés par l'interaction des pitopes de l'antigène avec les récepteurs immunoglobuliniques spécifiques de ces épitopes présents à la surface de ces cellules. Les anticorps sécrétés sont une forme légèrement modifiée de ces immunoglobulines membranaires mais possèdent une même spécificité vis-à-vis des épitopes.

    Comme il a été exposé dans le paragraphe 2. Immunoglobulines, chez l'homme et les Mammifères supérieurs, les immunoglobulines sont regroupées en cinq classes sur la base des déterminants antigéniques (isotypes) de leurs chaînes lourdes : IgG, IgA, IgM, IgD et IgE par ordre de concentration décroissante dans le plasma humain. Les molécules d'anticorps spécifiques d'un épitope donné peuvent appartenir à une ou plusieurs classes (sauf, peut-être, pour les IgD, où on connaît un très petit nombre d'anticorps de cette classe) et, en ce qui concerne les IgG et les IgA, à une ou plusieurs de leurs sous-classes respectives : IgG1, IgG2, IgG3, IgG4 ; IgA1, IgA2. Les anticorps d'isotypes différents spécifiques d'un épitope seront bien entendu identiques quant à la région V constitutive du site anticorps (paratope selon la terminologie de Jerne) de la molécule d'immunoglobuline concernée.     L'anticorps produit par un clone de lymphocyte B est appelé monoclonal. ‫ة‬tant donné la nature multiépitopique des antigènes, un même antigène induira la production de plusieurs anticorps différents, chaque type étant spécifique d'un épitope. Pour cette raison, la réponse à un antigène sera qualifiée de polyclonale. Il en découle que les anticorps spécifiques d'un antigène donné présents dans un immunsérum (sérum provenant d'un individu immunisé avec l'antigène) seront constitués par un nombre (souvent indéterminé) d'immunoglobulines variées et hétérogènes, certes toutes spécifiques de l'antigène

mais différant par leurs spécificités individuelles vis-àvis de chacun des différents épitopes et par de nombreuses autres caractéristiques structurales (isotypes, idiotypes) ou thermodynamiques (affinité). Pour cette raison, la réponse humorale à un antigène est qualifiée de dégénérée.     L'immunité humorale, contrairement à l'immunité à  médiation cellulaire, peut être transférée passivement d'un individu immunisé contre un antigène donné à un individu non immun par injection de l'immunsérum (ou des Ig purifiées) du premier au second. Cette propriété  constitue le fondement de la sérothérapie (par exemple, dans le cas du tétanos ou contre des virus). Les deux types d'immunité diffèrent également par le fait que, en raison de leur diffusibilité dans l'ensemble de l'organisme, les anticorps peuvent agir sur leurs cibles loin de leurs sites cellulaires de production. Reconnaissance des antigènes par les   anticorps

    Du fait de leur dualité structurale (cf. supra, Immunoglobulines, structure des IgG), les anticorps sont des molécules bifonctionnelles qui assurent d'une part la fonction de reconnaissance spécifique des épitopes et d'autre part des fonctions effectrices, non spécifiques de l'antigène. La reconnaissance de l'épitope s'effectue au niveau de la région variable (domaine V) situé à l'extrémité amino-terminale des

chaînes lourde et légère, c'est-à-dire la partie appelée Fab, comportant le « site anticorps » (paratope) propre à chaque molécule d'immunoglobuline, dissemblable d'un anticorps à l'autre et, de ce fait, spécifique d'un épitope donné (ou d'épitopes structuralement apparentés).     L'interaction in vivo (au sein de l'organisme) ou in vitro des anticorps spécifiques d'un antigène se traduit par la formation de complexes immuns macromoléculaires constitués par l'antigène et les immunoglobulines qui se sont combinées aux différents épitopes de l'antigène. Cette réaction peut se manifester de différentes manières selon la nature et l'état physique des antigènes mis en présence avec l'immunsérum ou les immunoglobulines purifiées spécifiques de l'antigène [cf. IMMUNOCHIMIE] .     Les fonctions effectrices sont assurées par la région constante des chaînes lourdes (partie Fc de la molécule d'Ig) dénuée de toute activité anticorps. Elles confèrent la capacité du passage transplacentaire des IgG (uniquement), la fixation des Ig sur diverses cellules du système immunitaire (basophiles, mastocytes, monocytes-macrophages, polynucléaires, lymphocytes), la libération par les mastocytes et les basophiles des médiateurs de l'hypersensibilité  immédiate - provoquant alors des manifestations allergiques comme l'asthme, l'urticaire ou le rhume des foins et la fixation des constituants du système du complément. Ce système est un ensemble

enzymatique complexe d'une vingtaine de protéines plasmatiques circulantes qui joue un rôle essentiel dans les mécanismes effecteurs de l'immunité  humorale en raison de la fixation du composant C1 du système sur les complexes immuns antigène-anticorps au niveau de la partie Fc des IgG et des IgM [cf. COMPL‫ة‬MENT (immunologie)] . Effets protecteurs des interactions antigène-anticorps dans l'immunité    spécifique

    La réponse humorale constitue l'élément défensif essentiel contre certains virus et les bactéries à  multiplication extracellulaire (la plupart des bactéries pathogènes, notamment les staphylocoques et les streptocoques, les clostridies et de nombreux germes à Gram négatif). En revanche, les défenses contre de nombreux virus, les bactéries à développement intracellulaire (multiplication dans les phagocytes), les tumeurs et les greffes d'organes seront essentiellement assurées par la réponse à médiation cellulaire. Les anticorps produits au cours de la réponse humorale se distinguent par des aspects structuraux (classes et sous-classes des Ig impliquées) et des propriétés fonctionnelles différentes selon la nature des antigènes reconnus, selon les micro-organismes ou les cellules portant ces antigènes, leur mode et voie d'entrée et leur localisation dans l'organisme de l'hôte. Ainsi, les anticorps, formés contre les antigènes des micro-

organismes localisés dans les muqueuses (immunité  locale), sont dans leur majorité les IgA sécrétoires (dimériques). Les anticorps suscités contre de nombreux parasites, notamment les helminthes et les allergènes (pollens, antigènes des acariens, etc.), appartiennent à la classe des IgE.     Les anticorps de l'isotype IgM apparaissent en premier au cours de la réponse à un antigène entrant en contact pour la première fois avec le système immunitaire de l'hôte (réponse primaire). Ultérieurement apparaissent les IgG ou d'autres isotypes. Les IgM représentent également la classe d'anticorps prépondérante, et souvent exclusive, qui sera suscitée contre les antigènes thymo-indépendants (cf. infra) tels que les antigènes polyosidiques, très fréquents à la surface des micro-organismes, et celle de nombreuses cellules eucaryotes. Elles interviennent efficacement dans les infections bactériennes et virales. Présentes essentiellement dans le plasma, elles forment une première ligne de défense dans les septicémies provoquées par ces germes et sont les plus efficaces pour l'agglutination des micro-organismes ou de cellules (les hémagglutinines anti-A et anti-B du système sanguin ABO sont de ce type) et dans la fixation du complément. Les IgG interviennent de différentes manières dans     l'immunoprotection, comme explicité plus loin. Elles jouent un rôle capital grâce à la propriété de fixer le complément (les plus efficaces sont les IgG3, suivies

des IgG1 et des IgG2 ; les IgG4 sont inactives) et de traverser le placenta, et donc de protéger le fœtus. De ce fait, les IgG seront la première ligne de défense du .nouveau-né avec les IgA transmises par le lait

 Immunoglobuline Ig L'immunoglobuline G1, la plus commune des protéines du sang maternel, peut traverser le placenta afin d'apporter au fœtus une défense immunitaire. Image virtuelle.

    Les différentes modalités d'intervention des anticorps spécifiques sans ou avec l'intervention du complément dans les défenses de l'hôte peuvent être résumées comme suit :

      Neutralisation par les anticorps de l'activité  biologique (blocage du site actif) d'antigènes solubles circulants tels que les toxines, les enzymes et autres agressines produits par les micro-organismes dans certaines maladies infectieuses (diphtérie, tétanos, scarlatine, etc.). Les complexes antigènes-anticorps (du type IgG essentiellement) formés perdant ainsi l'aptitude à diffuser rapidement, le complexe immun devient sensible à la phagocytose et pourra être éliminé, surtout si la taille de ce complexe est augmentée par fixation d'auto-anticorps naturels (cf. infra) anti-IgG et anti-fragments C3b du complément (appelés parfois facteur antiglobulines et antiimmunoconglutinines). L'interaction toxines bactériennes-anticorps antitoxines a été un des meilleurs modèles dans l'étude immunochimique quantitative théorique et expérimentale de la réaction antigène-anticorps en milieu liquide [cf. IMMUNOCHIMIE] .       Potentialisation de la phagocytose : ce processus, appelé opsonisation, concerne de nombreuses bactéries entourées de capsules polyosidiques ou polypeptidiques (pneumocoques, formes « smooth »  du bacille typhique et d'autres salmonelles, Haemophilus, etc.) ou porteuses de pili (cils) tels les streptocoques et les méningocoques. Ces structures, qui repoussent les macrophages et les polynucléaires, rendent très difficile la phagocytose des germes. Mais celle-ci devient remarquablement efficace après fixation, sur les antigènes de surface de ces microorganismes, d'anticorps IgG1 et IgG3 spécifiques de

ces antigènes. Les complexes bactéries-anticorps (qualifiés d'opsonisants) se lient alors aux phagocytes par l'extrémité du fragment Fc de ces anticorps, resté  libre, aux récepteurs de ce fragment porté par ces cellules. Cette interaction entraîne une baisse de l'hydrophobicité des constituants de surface de la bactérie, ce qui en facilite l'ingestion. Celle-ci sera en outre considérablement renforcée par l'activation du complément par les complexes immuns formés, qui génèrent le fragment C3b - qui se fixe alors par une extrémité à la surface bactérienne et par l'autre aux récepteurs de ce fragment sur les phagocytes. La bactérie est alors internalisée et détruite à l'intérieur de ces cellules. Ce processus a été également observé  pour certains parasites (plasmodiums, trypanosomes) et virus. On peut rapprocher de ce mécanisme l'agglutination des bactéries, de certains parasites (forme mérozoïte du plasmodium) ou d'autres particules (par exemple les érythrocytes) par les anticorps (appelés parfois agglutinogènes), qui entraîne leur immobilisation et, de ce fait, leur endocytose puis leur destruction par les cellules phagocytaires.     - Inhibition par les anticorps (IgA sécrétoires) de l'adhérence de nombreuses bactéries (streptocoques, bacille coquelucheux, gonocoques, vibrion cholérique, Haemophilus influenzae, etc.) sur la surface externe des muqueuses digestives, respiratoires, génitales (immunité locale). Ces anticorps peuvent également intervenir dans l'opsonisation des bactéries par

activation de la voie alterne du complément.     - Inhibition par les anticorps du pouvoir infectant de certains virus (entérovirus, arbovirus, etc.) qu'ils empêchent de pénétrer dans les cellules-cibles en inhibant leur fixation sur leurs récepteurs cellulaires. C'est le cas pour les virus de la poliomyélite, de la rage, de la rubéole, de la rougeole ou de la grippe. La neutralisation des virus intervient lorsque ces particules se déplacent à l'état libre dans la circulation sanguine avant d'atteindre leur cible finale. Les anticorps sont particulièrement importants pour prévenir la réinfection virale.     - Destruction (bactériolyse) de certaines bactéries Gram négatif (E. coli, Neisseria) par les anticorps et activation concomitante de l'intégralité de la cascade du complément jusqu'aux stades C8 et C9, qui entraînent la rupture de la membrane bactérienne par formation de pores transmembranaires. Un exemple typique est la bactériolyse du vibrion cholérique introduit dans le péritoine du cobaye vacciné contre cette bactérie.     - Destruction de cellules eucaryotes et de certains parasites par le phénomène appelé cytotoxité à  médiation cellulaire dépendante des anticorps (antibody dependent cytotoxicity ou ADCC). Dans ce processus, qui n'est pas dépendant du complément, des cibles cellulaires variées (y compris certaines tumeurs et cellules leucémiques) recouvertes uniquement d'anticorps en faibles concentrations (de

la classe des IgG uniquement) sont lysées par contact avec des cellules mononucléées, des polynucléaires ou des plaquettes sanguines appelées cellules K (pour killer) possédant à leur surface des récepteurs de haute affinité pour le fragment Fc (domaine Cg2 et Cg3) des IgG. Les anticorps se fixent par leurs sites aux épitopes spécifiques des antigènes de surface des cellules-cibles et par leur fragment Fc aux cellules K. Le pont ainsi établi entre ces cellules et les cellulescibles déclenchent la lyse de ces dernières. Le phénomène de l'ADCC est impressionnant in vitro, mais son rôle éventuel au sein de l'organisme n'est pas encore bien établi ; il pourrait être important dans le rejet des greffes ou de certaines tumeurs ainsi que dans le développement de certaines maladies autoimmunes. Son intervention in vivo dans diverses infestations parasitaires (schistosomes, trypanosomes, filaires) semble réelle. Les polynucléaires neutrophiles et surtout éosinophiles, recouverts d'IgG et le plus souvent d'IgE, se sont avérés effectivement cytotoxiques par ADCC vis-à-vis des parasites. Effets nocifs des interactions antigène-anticorps

    La réponse humorale n'est pas toujours bénéfique pour l'hôte. Dans certains cas, elle peut s'avérer néfaste, voire mortelle. Les exemples sont nombreux : allergie, choc anaphylactique, allo-immunisation fœtomaternelle et maladie hémolytique périnatale, allo-

immunisation post-transfusionnelle, maladies autoimmunes par auto-anticorps, maladie sérique, lésions organiques par dépôt de complexes immuns (glomérulonéphrites), vascularites allergiques, etc.   Réponse à médiation cellulaire

    Les effecteurs moléculaires de ce deuxième volet de la réponse immunitaire spécifique sont les récepteurs TcR présents à la surface des lymphocytes T. Contrairement à la réponse humorale, dans la réponse à médiation cellulaire (ou, plus brièvement, réponse cellulaire), il n'existe pas de forme soluble et diffusible du récepteur T similaire à l'anticorps. Ce récepteur reste en permanence lié au lymphocyte T, les deux chaînes polypeptidiques qui le constituent étant solidement ancrées par leur extrémité carboxyterminale dans la membrane cytoplasmique de cette cellule.     L'interaction spécifique antigène-lymphocyte T s'effectue encore par les liaisons non covalentes qui régissent l'interaction antigène-anticorps (épitopeparatope immunoglobulinique). Une reconnaissance mutuelle et stéréospécifique s'établit entre des structures épitopiques de l'antigène appelées épitopes T (décrits plus loin) et les TcR correspondants. Cette interaction est toutefois nettement plus complexe que pour les immunoglobulines. La différence entre les deux systèmes tient au fait que le TcR ne reconnaît l'épitope

qu'à la condition que celui-ci lui soit présenté en étroite association avec une molécule de classe I ou de classe II du complexe CMH (cf. infra) et que ces deux entités soient exposées côte à côte à la surface (membrane cytoplasmique) d'une cellule présentatrice. Celle-ci peut être un monocyte, un macrophage, un lymphocyte B, une cellule tumorale ou toute autre cellule eucaryote (par exemple, une cellule infectée par un virus). Ce processus de reconnaissance nécessaire au déclenchement de la réponse à médiation cellulaire implique donc obligatoirement un contact cellule-cellule étroit. Cette interaction intercellulaire nécessite la participation de glycoprotéines membranaires appelées molécules d'adhésion qui, par leurs interactions mutuelles à la surface des cellules réagissantes, permettent l'établissement du contact requis. Ces adhésines sont la LFA-1 (lymphocyte associated antigen-1) et les molécules CD2 CD4 et CD8 (CD : cluster of differenciation) pour les lymphocytes T et l'ICAM 1 (intracellular adhesion molecule, également appelée CD54) et LFA-3 (CD58) pour les cellules présentatrices de l'antigène. Les couples d'interaction sont les suivants : CD2-LFA-3, LFA-1-ICAM 1 et CD4/CD8antigènes de classe II/antigènes de classe I du CMH (cf. r‫ة‬cepteurs membranaires, FIG. 10). Par suite de l'interaction TcR-épitope T, les lymphocytes T sont stimulés et entament leur division cellulaire (prolifération clonale) qui aboutit à la génération des lymphocytes effecteurs portant le même TcR. Ces cellules effectrices assureront, par les mécanismes

décrits ci-après, l'élimination de l'agresseur vis-à-vis des antigènes duquel cette réponse immunitaire était suscitée.     Un exemple typique de ce processus est celui mis en jeu dans la réponse cellulaire antivirale. Après pénétration du virus dans la cellule-cible, les antigènes seront dégradés en petits fragments peptidiques, les épitopes T. Chaque épitope T migrera à la surface cellulaire, associé à la molécule HLA de classe I, pour se lier au TcR spécifique qui reconnaîtra conjointement ces deux entités (cf. R‫ة‬CEPTEURS MEMBRANNAIRES, fig. 9).     La condition indispensable pour cette reconnaissance est l'identité entre les molécules du CMH (variables d'un individu à l'autre en raison du polymorphisme génétique) du lymphocyte T et celles exprimées à la surface des cellules présentatrices. Il s'agit du phénomène de restriction allogénique découvert en 1975 par R. Zinkernagel et P. Doherty. Manifestation de la réponse à médiation   cellulaire

Mise en œuvre dans l'immunité contre de nombreux     virus, la manifestation de la réponse à médiation cellulaire l'est également vis-à-vis d'un certain nombre de bactéries (bacille tuberculeux et autres

mycobactéries, certaines corynebactéries, Brucella, Listeria , Legionella, Chlamydiae, Rickettsia...), de certains protozoaires (Leishmania, toxoplasmes, trypanosomes) et de micro-organismes fongiques (Candida, Aspergillus...). Ces agents infectieux  survivent et se développent comme les virus non pas à la surface des cellules ou dans les espaces intercellulaires de l'hôte, mais à l'intérieur de ses cellules phagocytaires et parfois de ses cellules non phagocytaires. De ce fait, ils sont inaccessibles aux  anticorps et survivent dans les macrophages grâce à leur capacité de contrer les processus habituels de .destruction des micro-organismes par les phagocytes

 La listeria Listeria monocytogene, la bactérie responsable de la listériose, au microscope à  balayage électronique (x 925).

    La réponse à médiation cellulaire est également le mécanisme majeur dans la réaction de l'organisme contre l'intrusion de cellules allogéniques et, a fortiori, xénogéniques apportée par les greffes de tissus d'organes ou de cellules, donnant lieu au phénomène du rejet des greffes. Ce même type de réponse concerne égalemet la destruction de certaines tumeurs, notamment les tumeurs viro-induites (immunité tumorale), et la réaction du greffon contre l'hôte (graft versus host reaction), qui peut être considérée comme l'inverse de la réaction du rejet des greffes. Elle implique l'attaque du receveur par des cellules immunocompétentes injectées à un hôte incapable de les rejeter. Cette réaction est la complication la plus grave des greffes de moelle osseuse allogéniques chez des sujets leucémiques ou souffrant de déficits immunitaires.     Certaines maladies auto-immunes expérimentales relèvent aussi de ce type de réponse consécutif à  l'introduction de certains antigènes tissulaires chez l'hôte. C'est le cas de l'encéphalomyélite allergique expérimentale déclenchée par la protéine basique encéphalitogène de la myéline, de la thyroïdite allergique et de l'arthrite provoquée par certains adjuvants (notamment l'adjuvant de Freund) et par des antigènes de membranes bactériennes (par exemple, streptococciques).

Une autre manifestation majeure de la réponse     cellulaire concerne le phénomène biologique très  important appelé hypersensibilité de type retardé (HSR). Un exemple typique de HSR est la réaction à la tuberculine injectée par voie intradermique (réaction décrite par Mantoux) chez un sujet présentant une infection tuberculeuse évolutive ou guérie, et chez les individus vaccinés par le bacille de Calmette et Guérin (BCG). Cette réaction, qui s'observe également chez l'animal (notamment le cobaye), décrite pour la première fois en 1890 par Robert Koch (phénomène de Koch), se manifeste vingt-quatre à quarante-huit heures après l'injection de l'antigène (BCG, tuberculine ou son dérivé protéique purifié appelé PPD) par une induration, une inflammation et un érythème autour de la zone d'injection. L'HSR n'est pas transmissible par le sérum d'un donneur sensibilisé à un receveur neuf (non sensibilisé). En revanche, le transfert peut être effectué par les lymphocytes T du même donneur, démontré dès 1942 par les travaux remarquables de M. Chase et K. Landsteiner. L'HSR déclenchée par un antigène approprié s'observe dans diverses infections bactériennes -  notamment la tuberculose, la lèpre, la brucellose (détectée par le test à la mélitine), etc. -, virales (variole, rougeole, herpès), fongiques (candidose détectée par le test à la candidine, histoplasmose) et parasitaires (leishmaniose, bilharziose). Une autre modalité de l'HSR est la dermite allergique de contact (hypersensibilité de contact) vis-à-vis de nombreuses substances chimiques sensibilisantes (dérivés halogénés du

benzène, oxazolones, etc.), de médicaments, de colorants et de métaux (chrome, nickel). De nombreuses dermatoses professionnelles relèvent de .ce phénomène

 Robert Koch Le savant allemand Robert Koch (1843-1910), Prix Nobel de médecine en 1905, a découvert le bacille qui porte son nom, l'agent de la tuberculose, ainsi que le vibrion cholérique.

    Un certain nombre de tests de laboratoire reflètent in vitro les réponses à médiation cellulaire, notamment les tests de transformation lymphoblastique et d'inhibition de migration des macrophages. Un autre test, la réaction lymphocytaire mixte, se traduit par une transformation des lymphocytes en lymphoblastes et par leur prolifération lorsqu'on met en présence des lymphocytes provenant d'individus génétiquement différents. Ce test a été utilisé pour le typage de la région D du système HLA chez l'homme.   Modalités fonctionnelles

    Deux types de mécanismes opérationnellement distincts caractérisent la réponse à médiation cellulaire :     - la destruction directe par les lymphocytes T des cellules porteuses de l'antigène étranger ;     - la mise en jeu de lymphokines et de macrophages activés dans la destruction de l'agresseur antigénique et le déclenchement de la réaction d'hypersensibilité  retardée.     Le

premier

de

ces

mécanismes,

la

destruction

directe, a pour effecteurs les lymphocytes T appelés cytotoxiques (abréviation : CTL, pour cytotoxic T lymphocytes). Ceux-ci provoquent, par un contact intercellulaire direct, la lyse des cellules de l'hôte présentant à leur surface les épitopes des antigènes de l'agresseur (cellules infectées par un virus, cellules allogéniques, tumeurs) reconnus par les récepteurs T spécifiques de ces épitopes. Les CTL appartiennent (sauf exception) à la sous-population de lymphocytes T exprimant habituellement à leur surface les molécules de l'antigène CD8 (antérieurement désigné T8) chez l'homme et Ly2 chez la souris. Leur prolifération clonale sous l'effet de l'antigène requiert obligatoirement la coopération des lymphocytes T auxiliaires (helper) possédant à leur surface les molécules de l'antigène CD4 (L3T4 chez la souris) et producteurs de l'interleukine-2 (IL-2). L'interaction CTL-cellule-cible provoque la destruction de cette dernière par des mécanismes impliquant une série de molécules lytiques, notamment la perforine, stockée dans des organites présents à l'intérieur du cytoplasme du CTL et libérée par exocytose. Les molécules de perforine s'insèrent alors dans la membrane cytoplasmique de la cellule-cible, créant ainsi des pores transmembranaires aboutissant à  l'éclatement de la cellule par choc osmotique.     Le second type de mécanisme, la destruction indirecte, impliqué dans la réponse à médiation cellulaire a pour effecteurs les lymphocytes T auxiliaires. Il concerne les défenses contre les agents

infectieux à développement intracellulaire et l'HSR contre ces agents et leurs antigènes solubles, ou contre les substances organiques et minérales exogènes sensibilisantes.     Pour les micro-organismes infectieux localisés dans les macrophages, de petits fragments antigéniques dits épitopes T (provenant probablement des microorganismes déjà morts et dégradés par les enzymes des compartiments intracytoplasmiques des macrophages) seront exposés à leur surface, associés cette fois-ci aux molécules de classe II du CMH. Les deux entités sont alors présentées aux lymphocytes T auxiliaires (CD4+) possédant les récepteurs T appropriés. Comme pour les lymphocytes T cytotoxiques, la reconnaissance est restreinte (compatibilité des antigènes de classe II du CMH des macrophages et du lymphocyte T). Cette reconnaissance des épitopes provoquera les deux événements majeurs de la réponse : en premier lieu la prolifération clonale des lymphocytes T sous l'influence notamment de l'interleukine-1 (IL-1), cytokine produite par les macrophages, et de l'IL-2 produite par les lymphocytes T CD4+ eux-mêmes ; en second lieu la production par ces derniers d'une série de médiateurs solubles de la réaction inflammatoire, les lymphokines.     Contrairement aux mécanismes d'action des CTL, les lymphocytes T sensibilisés ne participent pas directement par un contact cellule-cellule à  l'élimination des micro-organismes dans les

macrophages infectés. Celle-ci sera assurée conjointement par les lymphokines libérées au cours de la prolifération des lymphocytes T et par les macrophages hébergeant les micro-organismes infectieux. Il s'agit du phénomène connu sous le nom de recrutement et d'activation des macrophages. Ces cellules seront attirées par chimiotactisme, sous l'effet des lymphokines, vers le site infectieux (ou, dans le cas de l'HSR, au site de localisation de l'antigène introduit), où ils s'accumulent et s'immobilisent. Ce recrutement est alors suivi du processus complexe de l'activation par ces mêmes lymphokines, qui se traduit par l'augmentation importante du pouvoir bactéricide des macrophages, et, de ce fait, d'une destruction plus rapide et plus intense des micro-organismes infectant ces cellules.     Parmi les lymphokines produites, deux d'entre elles sont les plus importantes : l'interféron g [cf. INTERF ‫ة‬RON] et le facteur d'inhibition de la migration des macrophages (MIF pour macrophage inhibition factor) qui a pour effet d'amplifier le pouvoir bactéricide, cytotoxique et éventuellement tumoricide de ces cellules. Le MIF possède le pouvoir in vitro (et probablement in vivo) de bloquer le déplacement des macrophages, et donc de provoquer leur accumulation au niveau de la zone de localisation de l'antigène.     Les mécanismes intimes de l'activation macrophagique restent incomplètement élucidés. On observe essentiellement une augmentation de l'activité du voile membranaire, un accroissement du

métabolisme énergétique (consommation accrue de glucose et d'oxygène), du contenu lysosomial, de l'activité du réticulum endoplasmique, de la synthèse des protéines et des lipides, de la capacité d'ingestion de particules inertes et de la production de composés oxygénés toxiques (péroxyde d'oxygène, anion superoxyde, radical hydroxyle et le singulet d'oxygène).     Il est important de souligner que les lymphokines mises en jeu dans le recrutement et l'activation des macrophages ne sont pas spécifiques des antigènes du micro-organisme inducteur de la réponse concernée, et que seule leur production découle de l'interaction spécifique des lymphocytes T avec l'antigène sensibilisant. L'activation des macrophages par les lymphokines et la bactéricidie qui s'ensuit pourront donc intéresser d'autres germes intracellulaires infectant ces cellules. Toutefois, cette activation sera plus efficace vis-à-vis des micro-organismes à l'origine de la sensibilisation, et seuls ceux-ci seront capables de réinduire (réponse secondaire) l'immunité à  médiation cellulaire. Cela explique le maintien de celle-ci pendant de très longues périodes par des contacts successifs de l'hôte avec l'agent pathogène.   La tolérance immunitaire

    Ce troisième volet de la réaction immunitaire spécifique d'un antigène est en quelque sorte l'inverse

de la réponse immunitaire. Dans son acception la plus large, la tolérance peut être définie comme l'inhibition spécifique, centrale, totale ou partielle de la réponse immunitaire, humorale et/ou à médiation cellulaire, vis-à-vis d'un antigène donné ou de certains épitopes de celui-ci, consécutive à un contact préalable de l'hôte avec l'antigène contre lequel il aurait pu développer une réponse immunitaire dans d'autres conditions. La tolérance concerne généralement l'inhibition simultanée des réponses humorales et cellulaires, mais l'inhibition d'une seule de ces réponses peut également s'observer dans certaines circonstances.     L'individu rendu tolérant vis-à-vis d'un antigène donné (désigné par le terme générique de tolérogène) garde sa capacité de répondre normalement à d'autres antigènes administrés en même temps que le premier à  la condition de ne pas être antigéniquement apparenté  à celui-ci. Il ne s'agit donc nullement d'un blocage du potentiel de réponse immunitaire de l'individu. En d'autres termes, l'état de tolérance immunitaire est aussi spécifique d'un antigène que l'est la réponse immunitaire. Il est aussi fondamental que celle-ci pour le fonctionnement normal du système immunitaire et le maintien de l'homéostasie de l'organisme. Sa fonction essentielle est de préserver l'individu de l'autoréactivité immunologique vis-à-vis de ses antigènes constitutifs (antigènes du soi) dont les conséquences (auto-immunité) pourraient être désastreuses.

La tolérance est un processus très complexe dont les     mécanismes sont encore imparfaitement connus et font actuellement l'objet de recherches intensives. Celles-ci doivent beaucoup aux travaux expérimentaux remarquables des pionniers de ce domaine entrepris en 1953-1954 par P. B. Medawar , L. Brent et R. E Billingham en Grande-Bretagne, M. Hasek en Tchécoslovaquie et, ultérieurement, par d'autres biologistes, notamment sur les chimères de poulet et .de caille par N. Le Douarin en France

 Peter Medawar Le biologiste britannique Peter Brian Medawar (1915-1987). Spécialiste de l'immunologie, il reçoit le prix Nobel de médecine en 1960, qu'il partage avec l'Australien Franck Burnet (1899-1985), pour la découverte du phénomène de tolérance.

    Depuis 1988, deux nouvelles voies d'approche ont permis des progrès décisifs : l'utilisation des souris transgéniques, notamment les souris SCID (pour severe combined immunodeficiency), et des superantigènes (certaines toxines bactériennes protéiques et les produits des gènes Mls-1 murin) spécifiques de séquences particulières de la région variable de la chaîne b du récepteur des lymphocytes T. Caractéristiques générales de la tolérance

    L'état de tolérance est un phénomène central, car il relève directement d'une perturbation de populations lymphocytaires B et (ou) T normalement effectrices, ce qui le distingue des défaillances contingentes de la réponse immunitaire, telles celles découlant de transferts passifs d'anticorps qui neutraliseraient les antigènes correspondants ou d'un défaut de présentation de ceux-ci aux lymphocytes par blocage de leur apprêtement (cf. infra), comme c'est le cas dans l'injection expérimentale de carbone colloïdal chez l'animal (blocage du système réticuloendothélial).

    Certaines situations de non-réponse ne relèvent pas de la tolérance, notamment l'incapacité innée génétiquement déterminée de la reconnaissance par l'hôte de certains antigènes ou l'absence de réponse due à la non-immunogénicité du produit administré. Il faut, par ailleurs, distinguer la tolérance du phénomène de l'immunosuppression (non spécifique d'antigène) d'origine pathologique (cancer, sida, etc.) ou provoqué par l'administration d'immunosuppresseurs (médicaments cytotoxiques, sérums antilymphocytaires, etc.) ou par l'exposition à  des radiations ou à des particules ionisantes.     L'état de tolérance peut se présenter sous deux aspects : la tolérance naturelle (spontanée), qui se rapporte à l'absence habituelle mais non absolue (cf. infra) d'auto-immunité vis-à-vis des antigènes propres à l'individu, et la tolérance acquise, induite expérimentalement. Cette induction artificielle de l'état de tolérance chez l'animal (souris, lapin, autres espèces) est relativement difficile. Les tolérogènes utilisés peuvent être des haptènes, des polyosides bactériens (dextranes, lévanes, nombreux hétéropolyosides), des allo-antigènes ou, de préférence, des xéno-antigènes protéiques, solubles, ou des cellules xénogéniques ou allogéniques (cellules spléniques dans les expériences de Medawar).   Induction expérimentale de la tolérance

    Cette induction dépend étroitement du receveur, de l'antigène et de facteurs contingents (dose d'antigène, durée et conditions de la stimulation, adjonction d'immunosuppresseurs, etc.). En ce qui concerne le receveur, elle est étroitement liée au niveau de maturité du système immunitaire (immunocompétence) de celui-ci. Plus ce niveau est élevé, plus la tolérance est difficile à induire. Celle-ci pourra donc être beaucoup plus facilement établie au cours de la vie fœtale ou chez le nouveau-né (système immunitaire immature). Chez l'adulte, on devra recourir à l'administration de doses élevées d'antigène associée à une immunosuppression. Chez un animal pré-immunisé, contre un antigène donné, l'établissement d'une tolérance vis-à-vis de celui-ci est toujours très difficile.     L'induction de la tolérance dépend étroitement de la nature chimique et parfois de l'état physique des antigènes aussi bien thymo-dépendants que thymoindépendants (cf. antig‫ب‬nes, ). Ces derniers, qui comprennent notamment les polyosides bactériens et les polymères synthétiques d'acides a-aminés de la forme chirale D (ceux constitutifs des protéines sont de la forme L), sont fortement tolérogènes (aux doses appropriées), en raison de leur catabolisme très lent ou quasi nul qui permet leur persistance très longue dans l'organisme. Selon l'état physique de certains antigènes protéiques, ceux-ci seront immunogènes ou tolérogènes. Ainsi, les formes agrégées des

immunoglobulines et de l'albumine sérique xénogénique, ou la flagelline polymérique bactérienne sont immunogènes (il en sera de même pour divers antigènes adsorbés sur des particules inertes, telles l'hydroxyde d'aluminium dans les vaccins). En revanche, les mêmes molécules administrées sous leur forme monomérique soluble seront tolérogènes en raison de leur faible phagocytabilité et de leur diffusibilité dans tout l'organisme. La modification chimique de certains antigènes protéiques (acétoacétylation ou autres traitements) les rend également tolérogènes.     La dose d'antigène est un des facteurs critiques conditionnant l'induction de la tolérance. Celle-ci sera ainsi d'autant plus aisée à réaliser et durable que la dose administrée sera plus élevée et supérieure aux concentrations optimales immunogènes. Il sagit du phénomène de tolérance de haute dose qui concerne la tolérisation des lymphocytes B et T. ‫ ہ‬l'inverse, on réalise une tolérance de base dose en injectant des doses infra-immunogéniques de 100 à 1 000 fois inférieures à celles utilisées pour induire la tolérance de haute dose. La tolérance de basse dose concernera uniquement les lymphocytes T. La voie d'administration de l'antigène est également un facteur important. L'injection intramusculaire ou sous-cutanée de celui-ci favorise l'immunogénicité, alors que les voies orale et intraveineuse sont plus propices à l'induction de la tolérance. Celle-ci pourra être rompue par l'injection de molécules ayant une réactivité antigénique croisée avec le tolérogène.

    La tolérance induite expérimentalement persiste tant que l'antigène reste dans l'organisme et s'atténue avec son élimination progressive, sauf relance par de nouvelles injections de tolérogène. Dès l'élimination totale de celui-ci, les lymphocytes T et B nouvellement générés par le thymus et la moelle osseuse rétabliront la situation antérieure à l'état de tolérance induite, sauf, bien entendu, pour la tolérance naturelle aux antigènes du soi présents en permanence.     La tolérance aussi bien aux tolérogènes exogènes qu'aux antigènes du soi n'est pas toujours totale, car l'interaction de ces molécules avec les lymphocytes peut ne concerner que ceux ayant une forte affinité  pour le tolérogène ; les autres lymphocytes, d'affinité  moindre, seront peu ou pas tolérisés. Cela expliquerait, en ce qui concerne les antigènes du soi, la production physiologique d'auto-anticorps, comme l'ont montré S. Avraméas et d'autres immunologistes. Cette reconnaissance normale du soi au sein du système immunitaire aurait, d'après P. Grabar [cf. IMMUNOLOGIE] , des fonctions homéostasiques bénéfiques pour l'organisme, en assurant, notamment, un effet de déblayage des cellules mortes par les phagocytes. Ce qui doit être en effet évité est l'autoréactivité excessive humorale ou cellulaire qui dépasserait le seuil physiologique en affinité, en intensité ou en durée, créant alors la situation pathologique caractéristique des maladies auto-

immunes. Les causes du dérèglement de l'autoréactivité normale restent peu claires (rupture de la tolérance naturelle par des agents pathogènes ayant une analogie de structure avec un antigène du soi ?). Les maladies auto-immunes, dont la liste ne cesse de s'allonger, sont classées en maladies spécifiques d'organes (thyroïdite d'Hashimoto, myasthénie, diabète insulino-dépendant, anémie pernicieuse, etc.) et en maladies à expression clinique multifocale (lupus érythémateux disséminé, polyarthrite rhumatoïde qui concerne environ 600 000 personnes en France).   Mécanismes de la tolérance

    Les théories n'ont pas manqué depuis cinquante ans pour expliquer ce phénomène fondamental dont on sait actuellement, grâce aux progrès réalisés à partir de 1986, qu'il implique plusieurs processus non exclusifs les uns des autres, mais dont les mécanismes fins et leur régulation sont loin d'être élucidés.     Selon la théorie dite de la délétion clonale (formulée par M. F. Burnet et F. Fenner dès 1949, qui a servi de base à la théorie de sélection clonale de Burnet et N. K. Jerne en 1954), c'est au cours de la vie fœtale que le système immunitaire encore immature de l'embryon apprend à distinguer le soi du non-soi par l'élimination (délétion) des clones lymphocytaires, qui rencontrent

et reconnaissent, par leurs récepteurs de surface, les antigènes du soi (clones autoréactifs). Seuls surviveraient les clones dont les récepteurs seraient spécifiques des antigènes exogènes (non-soi) susceptibles d'entrer en contact avec l'individu tout au long de sa vie. Medawar et ses collègues, en 1953, montraient effectivement, dans leurs expériences de tolérance expérimentale, que l'injection de cellules spléniques d'une souris A à un souriceau nouveau-né B d'une autre lignée le rendait tolérant aux antigènes de A. ‫ ہ‬l'âge adulte, la souris B n'était plus capable de rejeter une greffe de peau de la souris A, ce qui aurait dû être normalement le cas.     La délétion clonale des lymphocytes T et B a été  expérimentalement confirmée depuis 1976, et les mécanismes de ce processus, qualifiés de sélection négative, ont été de mieux en mieux compris, surtout à  partir de 1988, grâce à l'utilisation des souris transgéniques et des superantigènes, et à une meilleure compréhension des signaux de régulation et des interactions cellulaires au sein du système immunitaire. L'élimination des clones T autoréactifs s'effectue dans le thymus (région centrale des lobules thymiques appelée medulla) et celle des clones B autoréactifs dans le foie et la moelle osseuse fœtale.     Depuis quelques années, on sait que la délétion clonale n'est pas le seul mécanisme mis en jeu dans la tolérance, mais qu'un autre processus aussi important, sinon plus important, l'anergie clonale des

lymphocytes B et T, est impliqué, et peut-être d'autres phénomènes suppresseurs. Ces nouveaux mécanismes permettent de rendre compte de la tolérance vis-à-vis des auto-antigènes qui n'atteignent jamais le thymus ou de ceux synthétisés tardivement au cours de la vie fœtale. L'anergie clonale a été expérimentalement démontrée. Elle n'implique pas l'élimination de clones lymphocytaires. Ceux-ci restent détectables dans la circulation et les tissus lymphoïdes, mais s'avèrent fonctionnellement inactifs. Les mécanismes moléculaires de l'anergie restent pratiquement inconnus. Il est évident que tout déréglement de cette « réduction au silence » des clones entraînera leur réactivation parfois brutale et, consécutivement, une situation auto-immunitaire pathologique. Joseph ALOUF

  5. Immunités locales

  Le concept d'immunité locale

    La réponse immunitaire d'un organisme à un antigène de l'environnement dépend de la voie d'introduction de la substance antigénique. Injectée

par voie sous-cutanée, une molécule protéique pourra déclencher la production d'anticorps spécifiques. Introduite dans la peau par voie intradermique, cette même protéine induira une réaction d'hypersensibilité  de type retardé. Enfin, administrée par voie orale, elle pourra au contraire entraîner la production d'anticorps au niveau des muqueuses, ou encore une tolérance immunitaire spécifique, définie par l'absence de réaction d'hypersensibilité et de production d'anticorps sériques.     C'est à Besredka, chercheur russe travaillant à  l'Institut Pasteur de Paris sous la direction de Metchnikoff, que l'on doit le concept d'immunité  locale, initialement décrit comme immunité tissulaire ou « immunité sans anticorps ». Besredka avait démontré l'effet protecteur de l'administration orale du bacille de Shiga, agent de la dysenterie, et la possibilité de protéger le cobaye par inoculation intradermique, mais non souscutanée, du bacille du charbon. Pour Besredka, « chaque virus a son organe et chaque organe a son immunité ». Ce concept fut ensuite étendu à l'immunité contre le cancer, lors d'expériences où Besredka montra que l'inoculation intradermique de cellules de sarcome chez la souris aboutissait à la guérison de la tumeur, tandis que l'injection sous-cutanée du même nombre de cellules tumorales induisait un cancer de forme extensive et rapidement mortelle.     C'est au cours des dernières années que le concept d'immunité locale, longtemps critiqué, a pris une place

importante dans l'étude des mécanismes immunologiques de protection de l'organisme. Les expériences chez l'animal et l'étude de la pathologie humaine ont montré que les revêtements cutanés et muqueux ne fonctionnaient pas seulement comme des barrières empêchant la pénétration d'agents infectieux et de macromolécules. Ces revêtements sont aussi des sites de « présentation » de l'antigène, à  l'origine de réactions immunitaires particulières qui mettent en jeu deux secteurs du système immunitaire. Le premier, désigné par le sigle M.A.L.T. (mucocaeassociated lymphoid tissue), est propre aux muqueuses et le second, appelé S.A.L.T. (skinassociated lymphoid tissue), ou encore S.I.S. (skin immune system), correspond à la peau. Il conviendrait d'y ajouter certains territoires où les réactions immunologiques diffèrent de celles qui sont observées dans le reste de l'organisme, notamment le placenta et le système nerveux central.     La peau est exposée à un grand nombre de substances chimiques de notre environnement (cosmétiques, produits naturels, substances chimiques impliquées dans les dermatoses professionnelles, allergènes, etc.). Ces molécules pénètrent dans l'épiderme et peuvent se lier aux protéines membranaires des cellules de la peau, en particulier aux molécules HLA, qui vont présenter ces substances étrangères aux lymphocytes T et induire une réaction immunitaire à médiation cellulaire dont le modèle est la dermite de contact ou eczéma. Par ailleurs, les cellules de la peau peuvent être infectées

par certains virus tels que les Papilloma virus, responsables des verrues. Cette infection est latente dans la plupart des cas. Cependant, en cas de déficit immunitaire consécutif à un traitement immunosuppresseur prolongé, par exemple chez les malades porteurs d'une allogreffe, le contrôle de l'infection virale est défaillant. Les verrues s'étendent, et un cancer cutané peut apparaître surtout dans les zones soumises à une forte exposition aux rayons ultraviolets. La peau intervient donc dans les réactions d'immunité antitumorale et antivirale.     L'initiation de la réponse immunitaire dans l'épiderme fait intervenir essentiellement des cellules ayant pour fonction de capter l'antigène et de le présenter aux lymphocytes T. Il s'agit des cellules de Langerhans, issues de la moelle hématopoïétique, localisées dans l'épiderme et susceptibles, après stimulation antigénique, de pénétrer dans le derme et de migrer vers le ganglion lymphatique régional où  elles forment les cellules interdigitantes dans le cortex profond. En outre, les autres cellules épidermiques, les kératinocytes, peuvent produire un ensemble de médiateurs ou cytokines (analogues des interleukines 1 et 3, des interférons, des facteurs stimulant les colonies granulocytaires et monocytaires) ainsi que des anticytokines. Les unes ont un rôle amplificateur, les autres un effet suppresseur de la réaction des lymphocytes T ou des cellules tueuses naturelles NK.     Le microenvironnement cutané, qui a souvent été 

comparé à celui du thymus, crée des conditions très favorables au développement d'une réponse immunitaire cellulaire, T-dépendante, sans production d'anticorps. Il y a de nombreux exemples de pathologie infectieuse (lèpre, leishmaniose, etc.) où la mise en jeu de cette réponse aboutit à une maladie asymptomatique ou d'extension limitée. Sa défaillance, en revanche, est responsable d'une infection généralisée où, malgré la production de taux élevés d'anticorps, l'organisme est incapable d'éliminer l'agent pathogène.     Les muqueuses sont le site principal de pénétration des agents infectieux. Chaque muqueuse dispose d'un ensemble de mécanismes non spécifiques destinés à  éliminer ou à détruire ces agents pathogènes : mouvements ciliaires de l'arbre respiratoire, acidité  gastrique et enzymes des glandes digestives, flore microbienne intestinale, acidité vaginale, flux des liquides de sécrétion. Les anticorps contenus dans le sang ne passent pas dans les sécrétions muqueuses. Ces dernières contiennent des anticorps sécrétoires produits par des plasmocytes localisés dans la muqueuse ; ils sont issus de lymphocytes B provenant des organes lymphoïdes du tube digestif. Le système immunitaire des muqueuses fait l'objet d'une régulation très particulière. Certains sites anatomiques sont spécialisés dans la pénétration de l'antigène et l'induction d'une réponse immunitaire : anneau de Waldeyer (amygdales, végétations adénoïdes) au carrefour aérodigestif, plaques de Peyer dans

l'intestin grêle. Les autres territoires muqueux sont recouverts d'un film d'anticorps sécrétoires destinés à  empêcher la pénétration des antigènes. Par ailleurs, le système immunitaire des muqueuses doit permettre la production d'anticorps contre les agents infectieux sans induire de réactions pathologiques (allergies) vis-à-vis de tous les antigènes apportés chaque jour dans notre alimentation.     La glande mammaire est associée au système immunitaire des muqueuses. Les antigènes pénétrant dans l'intestin maternel induisent la stimulation de lymphocytes B puis leur maturation en plasmocytes qui vont se localiser dans la glande mammaire et qui produisent les anticorps IgA sécrétoires du lait maternel. Ainsi est assurée la protection passive du nouveau-né, d'une manière spécifique, adaptée à  l'environnement maternel.     Le placenta est situé à l'interface entre l'organisme maternel et le fœtus. Il exerce des fonctions de barrière, de filtre sélectif et de régulation locale de la réponse immunitaire. Les cellules du trophoblaste assurent le transport des anticorps maternels vers la circulation fœtale, par liaison à des récepteurs spécifiques et passage sans dégradation à travers ces cellules. Seuls les anticorps de classe IgG sont transmis au fœtus. Si l'on trouve à la naissance dans le sang du cordon des anticorps d'autres classes (IgM, IgE...), ils ont été produits par le fœtus. Par exemple, si la mère a été exposée pendant le premier trimestre de sa grossesse à la rubéole ou à la toxoplasmose, la

présence d'anticorps IgM dans la circulation fœtale montre que l'agent pathogène a bien été transmis au fœtus. Si ces anticorps sont exclusivement de classe IgG, ils sont probablement d'origine maternelle. La mère peut aussi transmettre au fœtus des anticorps pathogènes tels que des auto-anticorps ou encore des allo-anticorps antiérythrocytes dans le cas de la maladie hémolytique périnatale. Les mécanismes permettant l'acceptation temporaire de l'allogreffe fœtale par le système immunitaire maternel ne sont que partiellement élucidés. Les anticorps anti-HLA, présents chez 10% des primigestes et chez 35% des femmes ayant eu plus de trois grossesses, ne diminuent pas la fécondité et ne sont pas pathogènes pour le fœtus, probablement du fait de leur absorption et de leur dégradation par le placenta. Le fœtus dispose de mécanismes suppresseurs très puissants empêchant la prolifération des cellules maternelles, évitant ainsi le développement d'une réaction du greffon contre l'hôte, c'est-à-dire l'attaque des tissus fœtaux par les lymphocytes T de la mère. Ces fonctions suppressives mettent en jeu différentes cytokines produites par le placenta.     Le système nerveux central est séparé du tissu lymphoïde par la barrière hémato-méningée, imperméable aux anticorps. Les anticorps du liquide céphalorachidien sont donc produits au sein du système nerveux central, par un petit nombre de clones de cellules B, ce qui explique la restriction

d'hétérogénéité de ces anticorps. On les observe dans les méningo-encéphalites et dans la sclérose en plaques. Le système nerveux central contient des macrophages et des cellules gliales qui possèdent certaines propriétés des macrophages. Les lymphocytes T stimulés localement par des antigènes de virus peuvent induire des réactions d'hypersensibilité (ex. : leuco-encéphalite sclérosante subaiguë due au virus de la rougeole). Des modèles expérimentaux de maladies auto-immunes relevant des mêmes mécanismes ont été décrits, mais dans ces cas les lymphocytes T reconnaissent des constituants normaux du système nerveux tels que le peptide de la myéline dans l'encéphalite allergique expérimentale. Des réactions d'immunité locale comparable à celles du système nerveux central peuvent être observées au niveau de l'œil.     Le concept d'immunité locale conduit à étudier les modalités de mise en jeu des réactions immunitaires particulières à chaque organe ou à chaque tissu. Il a permis de découvrir de nouvelles molécules immunorégulatrices (cytokines) produites localement par différents types cellulaires, d'analyser les phénomènes de migration et de localisation préférentielle (écotaxie) des cellules immunitaires. La connaissance des mécanismes de l'immunité locale est indispensable à une meilleure compréhension des réactions immunopathologiques.   Peau et réactions immunitaires

    La peau possède des fonctions variées. Elle peut notamment jouer un rôle important dans beaucoup de réactions immunologiques. Citons les eczémas consécutifs à l'exposition à diverses substances (ciment, teintures, etc.). L'étude de ces eczémas de contact a attiré l'attention sur le rôle d'une cellule découverte par Paul Langerhans, il y a plus d'un siècle. Les cellules de Langerhans ne représentent que 2 ou 3% du total des cellules de l'épiderme. Disséminées parmi les cellules épidermiques proprement dites ou cellules kératinocytes, elles étendent entre celles-ci des prolongements dendritiques formant un véritable réseau. Cela leur permet de capter aisément les molécules chimiques appelées haptènes, qui déclenchent les eczémas de contact, et aussi de prendre contact avec les virus et bactéries traversant l'épiderme. La cellule de Langerhans présente ensuite ces matériaux exogènes chimiques, viraux ou bactériens - qui vont être reconnus comme antigènes aux lymphocytes, agents des réactions immunitaires et allergiques. La cellule de Langerhans est donc la sentinelle de l'épiderme. Les lymphocytes luttent contre les antigènes captés par les cellules de Langerhans par une cascade de réactions de cytotoxicité et de rejet.   Mécanismes de l'immunité cutanée

    Ce rôle de cellule présentatrice des antigènes peut être étudié au laboratoire, en utilisant les cultures mixtes de cellules épidermiques et de lymphocytes (C.M.E.L.). Cela est valable d'abord pour les haptènes mais aussi pour les réactions des lymphocytes aux antigènes dits d'histocompatibilité HLA portés par des cellules d'individus différents (allo-antigènes). Les antigènes HLA qui définissent l'identité, le « moi » de chaque individu, sont ceux qui déclenchent les rejets de greffe cutanée.     Dans les C.M.E.L. entre cellules épidermiques de la peau obtenues par traitement par la trypsine et lymphocytes du sang de deux individus différents allogéniques, les lymphocytes reconnaissent les kératinocytes étrangers en se multipliant fortement (index mitotique élevé). Or, si l'on répète ces C.M.E.L. avec des cellules épidermiques qui, après isolement, ont été cultivées in vitro, la réponse des lymphocytes devient faible ou même nulle. En outre, au cours de ces cultures, les cellules de Langerhans, qui ne sont pas cultivables in vitro, diminuent et disparaissent. La diminution de la réponse lymphocytaire est parallèle à  la diminution du nombre des cellules de Langerhans. La présentation des allo-antigènes HLA de classe I ne se fait donc plus faute de cellule de Langerhans.   Applications aux greffes cutanées

    Ces résultats nous ont conduits à étudier le comportement immunologique des feuillets épidermiques obtenus par culture. En effet, les progrès réalisés dans la culture de kératinocytes permettent, en mettant en culture selon certains procédés les kératinocytes obtenus à partir de biopsies de peau humaine, de produire des feuillets épithéliaux pluristratifiés qui peuvent être greffés sur une plaie. Ces greffes d'épiderme de culture prennent bien, se différencient in vivo et reproduisent un épiderme satisfaisant après quelques semaines. Ce procédé a été  appliqué pour fournir aux grands brûlés des autogreffes de grande surface. Il a permis de traiter efficacement des dizaines de patients grâce à des cultures de petits fragments de leur propre peau prélevée sur les quelques zones épargnées par la brûlure qui permettent de recouvrir leurs plaies de feuillets épidermiques autologues obtenus en 3 ou 4 semaines au laboratoire. L'utilisation industrielle de ce procédé est limitée par le fait que la production n'est utilisée que pour le brûlé lui-même.     Les épidermes de culture sont totalement dépourvus de cellules de Langerhans, et l'on pouvait espérer que la greffe en situation allogénique, c'est-à-dire comme allogreffe entre deux individus différents, n'induirait qu'une réponse immunitaire faible ou nulle.     Le développement d'un modèle humain acceptable sur le plan éthique n'a pas permis de vérifier cette hypothèse. Néanmoins, les épidermes allogéniques de

culture bien tolérés pendant antant peuvent être utilisés pour le traitement d'ulcérations chroniques. Ils agissent en fournissant des facteurs solubles qui stimulent la cicatrisation. Il s'agit de cytokines, notamment l'interleukine 1, produites par les kératinocytes et pouvant provoquer la multiplication des kératinocytes eux-mêmes ou des fibroblastes du derme. D'autres facteurs solubles peuvent jouer un rôle, comme l'epidermal growth factor ou le fibroblast growth factor.   Induction des effets de tolérance

    Au-delà d'applications pratiques importantes, notamment la possibilité de constituer des banques d'épidermes de culture conservés à très basse température dans l'azote liquide, l'analyse des mécanismes de la tolérance des épithéliums dépourvus de cellules de Langerhans est intéressante. En effet, parmi les lymphocytes des sujets qui ont reçu des greffes d'épidermes de culture allogéniques apparaissent des lymphocytes T suppresseurs. ‫ہ‬ l'opposé des lymphocytes T inducteurs de la réponse immunitaire, les lymphocytes suppresseurs sont capables de bloquer et de supprimer cette réponse. La tolérance s'expliquerait donc d'une part par l'absence des cellules de Langerhans présentatrices mais aussi, d'autre part, par un mécanisme actif, une suppression du rejet par une sous-population de lymphocytes T suppresseurs.

    Chez la souris, des expériences sont en cours pour prolonger la survie des greffes de peau totale provenant d'une souche A et greffées à une souche B en traitant au préalable les souris B par des injections intraveineuses de kératinocytes de culture A. Ce conditionnement par exposition préalable à des antigènes de classe I purs, non associés à des antigènes de classe II et à des cellules présentatrices, est susceptible d'assurer une meilleure survie d'organes greffés. Il est à rapprocher de la méthode d'application chez l'homme, qui consiste à utiliser des transfusions de plaquettes sanguines avant de réaliser les greffes de rein. Les plaquettes n'expriment en effet pas les antigènes de classe I. Ainsi ces méthodes pourraient-elles compléter le conditionnement, c'est-à-dire la préparation par les médicaments immunosuppresseurs des malades devant recevoir des greffes d'organes. Conséquences pratiques des caractéristiques biologiques des   cellules de Langerhans

    En apprenant à mieux connaître et à mieux contrôler la cellule de Langerhans, il est donc possible d'intervenir dans beaucoup de phénomènes physiologiques et de maladies. La cellule de Langerhans reste malheureusement encore pleine d'inconnues. Sa culture in vitro n'est pas encore réalisable. On doit donc la séparer des autres cellules épidermiques à partir de spécimens de peau humaine

normale, et enrichir ensuite les supensions par divers procédés, notamment le tri des cellules au cytofluorimètre. Des suspensions enrichies ont déjà  permis de mieux connaître les cellules de Langerhans. Leurs antigènes de membranes sont d'une grande complexité. Certains font partie du groupe des antigènes CD1 (cluster de différenciation 1), communs avec les cellules du thymus, ou thymocytes, et les lymphocytes. D'autres sont communs avec les histiomonocytes, une lignée cellulaire dont dérivent sans doute les cellules de Langerhans. Les précurseurs des cellules de Langerhans sont repérables en petit nombre dans le sang périphérique et surtout dans le sang du cordon ombilical chez le nouveau-né. Il dérivent de la moelle osseuse à partir de laquelle on a pu réaliser des cultures de cellules qui pourraient être les précurseurs des cellules de Langerhans. En traitant les précurseurs médullaires en culture par certaines cytokines, on a pu transformer ces cellules et leur faire exprimer les marqueurs du phénotype des cellules de Langerhans, notamment les granules de Birbeck et l'antigène T6 du CD1. Enfin, en utilisant la transfection des précurseurs avec des virus, on a pu obtenir de véritables lignées de cellules de Langerhans cultivées in vitro.     Au-delà des descriptions analytiques des caractéristiques membranaires des cellules de Langerhans, des travaux plus physiologiques sont engagés pour établir le rôle des antigènes de membrane. L'antigène T6 du CD1 peut s'internaliser sous l'action d'anticorps anti-T6. L'antigène T4 est

étroitement associé à l'antigène DR sur la membrane de la cellule de Langerhans, au cours des phénomènes d'interaction entre cellule de Langerhans et lymphocytes, dans les C.M.E.L. Ces deux antigènes sont étroitement associés aux fonctions de reconnaissance et de présentation. On a découvert récemment que l'expression de cet antigène T4 est très majorée sur les cellules de Langerhans des sujets infectés par le virus HIV provoquant l'immunodéficit du sida. Cela est à rapprocher du fait que le virus HIV se fixe sur T4, qui est son récepteur cellulaire. Il est donc possible que la cellule de Langerhans participe au cycle de l'infection par le virus du sida, notamment dans les muqueuses buccales ou génitales, où ces cellules sont nombreuses. L'infection des cellules de Langerhans a été obtenue in vitro en les cultivant en présence de fibroblastes infectés, et même de suspensions de particules de virus VIH1. Celles-ci pénètrent dans les cellules qui commencent à produire des virions après soixante-douze heures.     La pharmacologie de la cellule de Langerhans fait aussi l'objet de recherches qui pourraient apporter des médicaments capables d'agir sur cette cellule pour la détruire, l'inhiber ou la stimuler. Les rayons ultraviolets A inhibent et/ou détruisent la cellule de Langerhans. Ce procédé physique a été utilisé  expérimentalement pour montrer que, chez la souris, la peau débarrassée des cellules de Langerhans par prétraitement par rayons UVA (puvathérapie) montre une diminution des réactions locales par la moutarde à  l'azote, médicament topique efficace dans le psoriasis.

    Cellules de Langerhans, immunologie des greffes, cellules présentatrices des antigènes, immunocontrôle des réactions immunitaires : toutes ces recherches permettent de mieux connaître le rôle immunitaire de la peau et apportent aussi beaucoup de données intéressant l'immunologie générale. Immunité des muqueuses et anticorps   sécrétoires

    Les muqueuses représentent le plus grand site d'exposition du système immunitaire aux antigènes de notre environnement et la principale voie de pénétration d'agents infectieux bactériens, viraux, parasitaires ou fungiques. Les mécanismes de défense des muqueuses comprennent des éléments cellulaires et moléculaires, les uns spécifiques de l'antigène (anticorps et lymphocytes T), les autres non spécifiques. Malgré leur dispersion anatomique dans l'organisme, les muqueuses disposent d'un même système immunitaire interconnecté par un trafic de cellules lymphoïdes et caractérisé par des mécanismes régulateurs communs. L'immunité humorale spécifique est assurée par un film protecteur d'anticorps sécrétoires, produits par des plasmocytes au contact des épithéliums muqueux et transportés par les cellules épithéliales vers les sécrétions glandulaires ou muqueuses. Ainsi l'immunisation par voie orale

pourra-t-elle induire une réponse immunitaire au niveau des formations lymphoïdes de l'intestin grêle, les plaques de Peyer, aboutissant à la migration des cellules B et à la production d'anticorps sécrétoires dans les larmes, la salive, les voies respiratoires, le tube digestif et les voies génito-urinaires. Le tissu lymphoïde associé aux muqueuses est désigné par le sigle M.A.L.T. La partie associée à l'intestin (gut) est appelée G.A.L.T., celle qui est localisée dans les bronches B.A.L.T.   Les IgA sécrétoires

La principale classe d'anticorps dans les liquides de     sécrétion est formée par les IgA sécrétoires. Les IgA ont été découvertes par J. F. Heremans et ses collaborateurs en 1959. Les IgA du sérum sont pour la plupart (90%) des monomères formées de deux chaînes lourdes a et de deux chaînes légères k ou l. Il existe deux isotypes de chaînes lourdes a1 et a2 définissant les deux sous-classes IgA1 et IgA2, qui diffèrent essentiellement par une séquence peptidique de la région charnière présente dans les IgA1 et absente des IgA2. Cette séquence possède les sites spécifiques d'attaque de nombreuses protéases d'origine bactérienne qui dégradent les IgA1 mais pas  les IgA2. Environ 10% des IgA du sérum et la totalité des IgA sécrétoires sont des dimères ou des polymères de molécules d'IgA, associées de façon covalente par

une chaîne de jonction » J » . Les IgA2 représentent de 10 à 20% des IgA du sérum et de 26 à 40% des IgA .sécrétoires

 IgA, sécrétoire du colostrum Représentation schématique de la structure d'IgA sécrétoire du colostrum. Chaque molécule d'IgA sécrétoire est formée de deux molécules d'IgA monomérique de constante de sédimentation 7S. Elles sont...

    Les Ig dimériques ou polymériques (IgM, IgA) produites localement font l'objet d'un transport par la cellule épithéliale : elles se lient avec une forte affinité  (2,5 × 108 L/M) à une glycoprotéine membranaire - le récepteur poly-Ig. Celui-ci est une protéine de 110 kDa, très fortement glycosylée, organisée en domaines de structure homologue à ceux des Ig et des autres

membres de la « superfamille » des protéines membranaires. Le complexe IgA (ou IgM)-récepteur est endocyté pour former des vésicules dites « recouvertes » qui fusionnent pour devenir des inclusions, les endosomes. Ceux-ci migrent vers le pôle apical tandis que l'IgA contracte une liaison covalente avec le récepteur. Ce dernier fait l'objet d'une protéolyse qui aboutit à la libération d'Ig dimériques ou polymériques liées au composant sécrétoire. Ce transport actif explique la prédominance des IgA et IgM dans les sécrétions. Les autres Ig dépourvues de chaîne J (IgA monomérique, IgG et IgE) passent par diffusion passive à travers les complexes jonctionnels des cellules épithéliales. Cette diffusion est augmentée dans les réactions inflammatoires ou en cas de synthèse locale. L'expression du composant sécrétoire est augmentée par l'interféron g et, en certains sites, par les stéroïdes sexuels, ce qui entraîne vraisemblablement une augmentation du transport des IgM et IgA. La présence de composant sécrétoire libre dans les sécrétions permet de penser que ce processus de transport actif n'est pas limitant dans les conditions physiologiques.     Le taux de synthèse d'IgA par la moelle, la rate et les ganglions est de l'ordre de 1 200 mg/j chez l'adulte, dont seulement 20 mg passent dans les sécrétions, le reste étant catabolisé par le foie et peutêtre d'autres sites (rein, peau ?). L'excrétion d'IgA plasmatiques dans la bile n'excède pas 50 mg/j, alors qu'elle est très importante chez le rat, la souris et le

lapin. Le taux de synthèse d'IgA par les plasmocytes des muqueuses et des glandes salivaires et lacrymales est de l'ordre de 3 200 mg/j, dont plus de 90% sont excrétés et moins de 10% passent dans la circulation sanguine. Ces données métaboliques, établies par Delacroix, sont essentielles pour comprendre la dualité anatomique du système producteur d'anticorps, dont une partie est orientée vers la circulation sanguine et une autre vers les muqueuses et les glandes exocrines. Les formations lymphoïdes associées   aux muqueuses

    Les muqueuses contiennent des leucocytes intraépithéliaux constitués de lymphocytes T, pour la plupart CD8+ (cf. Immunocytes) et de cellules tueuses naturelles ou lymphocytes NK. Ces cellules lymphoïdes interagissent avec l'épithélium muqueux et produisent des lymphokines qui contrôlent la prolifération et la différenciation des cellules épithéliales.     La lamina propria de l'intestin et le tissu conjonctif des muqueuses contiennent plusieurs types de leucocytes. Les mastocytes jouent un rôle essentiel dans les phénomènes d'allergie (conjonctivite, rhinite spasmodique, asthme, allergie digestive) et dans la défense contre les parasites. Leur production par la moelle osseuse est contrôlée par l'interleukine-4. Les

polynucléaires éosinophiles, très peu nombreux à l'état normal, sont produits par la moelle osseuse sous le contrôle de l'interleukine-5. Ils interviennent aussi dans l'allergie et l'immunité antiparasitaire. Leurs granules intracytoplasmiques contiennent une protéine basique très toxique, génératrice de lésions tissulaires lorsqu'elle est libérée dans le milieu extracellulaire. Des lymphocytes T, portant des récepteurs pour l'antigène de type ab ou gd (cf. Immunocytes) peuvent assurer une production locale d'interleukines. Les cellules de la lignée B sont des plasmocytes producteurs d'IgA (85%), d'IgM (10%) ou d'IgG (5%). Les plasmocytes à IgE, normalement très peu nombreux, augmentent en cas d'allergie ou de parasitose.     ‫ ہ‬côté des leucocytes disséminés, les muqueuses contiennent des formations lymphoïdes agrégées : follicules lymphoïdes isolés, formations lymphoïdes de l'anneau de Waldeyer au carrefour aérodigestif (amygdales et végétations adénoïdes) et de l'appendice, et surtout plaques de Peyer de l'intestin grêle. Au nombre de 200 chez l'homme, ces dernières sont formées de gros follicules lymphoïdes, comportant pour 30 à 50% d'entre eux des centres germinatifs, entourés de lymphocytes T. Ces plaques sont recouvertes d'un dôme épithélial avec des cellules M qui assurent le transport de l'antigène vers les cellules dendritiques et les lymphocytes. Les cryptes des amygdales, comme les dômes des plaques de Peyer, sont les seules zones muqueuses dont les cellules soient dépourvues de récepteurs poly-Ig, donc

d'IgA sécrétoires. Cela permet la pénétration des antigènes dans ces territoires lymphoïdes et l'induction d'une réponse immunitaire. Amygdales et plaques de Peyer n'ont pas de vaisseaux lymphatiques afférents. Les cellules qui les constituent naissent sur place par division ou bien proviennent du sang par passage à travers les veinules postcapillaires. Les lymphocytes issus des plaques de Peyer migrent par des lymphatiques afférents vers les ganglions mésentériques. Le développement des formations lymphoïdes associées aux muqueuses dépend de la flore microbienne. En l'absence de colonisation bactérienne de l'intestin, le système lymphoïde intestinal demeure atrophique. Par ailleurs, la production d'anticorps IgA est strictement dépendante de l'action du thymus et des lymphocytes T ; elle est absente chez les souris thymoprives.   L'immunisation par voie orale

    Quelques expériences chez l'homme ont montré que l'on pouvait induire la production d'anticorps sécrétoires par application locale de virus herpès ou polio inactivés dans le vagin ou le colon. La réponse est alors strictement locale. Chez le singe, l'application sur la lèvre de Streptococcus mutans (bactérie responsable de la formation de la plaque dentaire à l'origine des caries) ou l'inoculation intranasale de différents virus ont permis d'obtenir

des anticorps IgA salivaires. Chez l'homme, l'immunisation par voie orale est réalisée par le vaccin polio vivant atténué de Sabin et, à titre expérimental, avec des bactéries ou virus inactivés (Vibrio cholerae, Haemophilus influenzae, Streptococcus mutans, Virus influenzae). Cette immunisation aboutit à la synthèse d'anticorps sécrétoires, principalement de classe IgA, dans différentes muqueuses et glandes exocrines. Les mécanismes de ce type particulier de réponse immunitaire ont été étudiés par les expérimentations animales d'immunisation par voie orale.     L'antigène natif, ou partiellement dégradé par l'action des enzymes digestifs et de l'acidité du suc gastrique, est capté par des cellules qui présentent l'antigène (CPA) aux lymphocytes T et B. Plusieurs types cellulaires sont des candidats possibles pour cette fonction : les cellules M des cryptes des amygdales et du dôme des plaques de Peyer, les cellules dendritiques des plaques de Peyer qui interagissent avec les lymphocytes T, les macrophages et les entérocytes eux-mêmes à l'apex des villosités intestinales. Les antigènes protéiques sont associés sous forme de peptides aux antigènes HLA de classe II et présentés aux lymphocytes CD4+. D'autres épitopes de l'antigène sont reconnus par des lymphocytes B. Sous l'action de l'IL-10, du TGFb et d'autres médiateurs produits par les cellules T et non encore caractérisés, la majorité des lymphocytes B matures des plaques de Peyer ont des anticorps IgA de surface comme récepteurs pour l'antigène. La stimulation de ces cellules aboutit à leur expansion

clonale et leur différenciation favorisée par différentes interleukines et par l'interaction directe avec des lymphocytes T ayant à leur surface des récepteurs d'IgA. Parallèlement, d'autres lymphocytes T, dits suppresseurs, inhibent sélectivement l'expansion des clones de cellules B productrices d'IgM, d'IgG et d'IgE. Les lymphocytes B à IgA de surface migrent par les vaisseaux lymphatiques efférents vers les ganglions mésentériques, puis par le canal thoracique vers la circulation sanguine pour aller se localiser dans la lamina propria de l'intestin, au contact de l'épithélium des voies biliaires, des glandes lacrymales, salivaires, bronchiques, de la glande mammaire, des voies urogénitales et peut-être des amygdales. Dans ces différents sites, ils achèvent leur maturation en plasmocytes sécréteurs d'anticorps IgA polymériques qui seront transportés par les cellules épithéliales vers les fluides sécrétoires. Ces plasmocytes ont une durée de vie de quelques jours, de sorte que le maintien de la production d'anticorps sécrétoires nécessite la mise en jeu permanente de ce processus de prolifération, différenciation et circulation des cellules productrices d'anticorps. La localisation des lymphocytes dans les muqueuses fait intervenir des interactions entre des molécules d'adhésion à la surface des lymphocytes et des cellules endothéliales des veinules postcapillaires. Régulation de l'immunité des   muqueuses

    Les muqueuses sont en contact avec une myriade de substances antigéniques, ayant des propriétés immunostimulantes ou immunomodulatrices. Dans un tel environnement, le système immunitaire pourrait subir une stimulation excessive et inappropriée et pourrait ainsi être rendu incapable de développer des moyens de défense efficaces contre des agents infectieux. Ce système immunitaire doit donc posséder des mécanismes de régulation très puissants et très sélectifs, permettant le développement d'une réponse locale et l'inhibition des réactions systémiques. L'immunisation par voie orale induit une immunisation locale avec une production d'anticorps sécrétoires, associée à une absence de réponse ou tolérance vis-à-vis du même antigène administré par voie parentérale. Cet état de « tolérance par voie orale » a été démontré avec des antigènes particulaires et des antigènes solubles. Il s'applique à la synthèse d'anticorps, y compris celle des anticorps anaphylactiques de classe IgE, et à l'hypersensibilité  de type retardé. L'administration d'un haptène, le chlorure de picryle, mélangé à l'alimentation, empêche l'induction d'une hypersensibilité de contact par application percutanée de la même substance (phénomène de Schulzberger et Chase). L'administration orale d'albumine d'œuf empêche, chez la souris, la production d'anticorps anaphylactiques vis-à-vis de ce même antigène. L'immunisation par voie orale avec des érythrocytes de mouton induit d'abord la production d'anticorps IgA sécrétoires puis la suppression de la production d'anticorps IgM et IgG

vis-à-vis de ces mêmes antigènes. Selon les modèles expérimentaux, différents mécanismes participent à  cet état de tolérance ou de suppression spécifique : l'antigène lui-même ou ses produits de dégradation en solution dans le sérum, les anticorps IgA libres ou complexés à l'antigène, des lymphocytes T suppresseurs ou bien, dans le cas de l'hypersensibilité  cutanée de contact, des lymphocytes B suppresseurs. Cet état de tolérance peut être lui-même abrogé par l'action de lymphocytes T « contrasuppresseurs ». La complexité de ces mécanismes de régulation rend compte de la difficulté de développer des vaccins par voie orale. En effet, la répétition des immunisations avec le même antigène par voie orale peut induire un état de désensibilisation, alors que par voie parentérale des injections de rappel sont nécessaires pour obtenir une bonne production d'anticorps. Effets protecteurs des anticorps IgA   sécrétoires

    ‫ ہ‬la différence des IgM et des IgG1 et 3, les IgA sont de très faibles activateurs du système du complément et de médiocres inducteurs de la phagocytose par les polynucléaires et les macrophages. Leur effet protecteur au niveau des sécrétions est la conséquence directe de leur liaison à l'antigène. La stabilité de cette liaison (avidité) est favorisée par le caractère multivalent des IgA dimériques et

polymériques. Les IgA sécrétoires sont susceptibles de neutraliser certains virus in vitro (polio, rotavirus, etc.) en empêchant par compétition la fixation du virus sur le récepteur de la cellule épithéliale. Le rôle des IgA dans les mécanismes de défense antiparasitaire n'est pas clairement démontré en dehors du modèle de l'infection par le Taenia chez la souris.     L'activité antibactérienne des IgA au niveau des muqueuses fait appel à l'inhibition d'adhésion des bactéries pathogènes. Ce mécanisme est démontré pour de nombreuses entérobactéries pathogènes et pour des pathogènes des voies génito-urinaires. Un autre mécanisme effecteur, démontré in vitro par Tagliabue et ses collaborateurs, est la lyse de bactéries recouvertes d'anticorps IgA par des cellules lymphoïdes cytotoxiques dépendantes d'anticorps IgA. Enfin la démonstration, dans le lait de porc, d'anticorps sécrétoires susceptibles de neutraliser de façon durable l'action des plasmides K88, codant pour une adhésine responsable du pouvoir pathogène d'Escherichia coli, ouvre une nouvelle voie dans l'analyse des effets protecteurs des anticorps sécrétoires vis-à-vis des infections bactériennes.     La plupart des bactéries anaérobies de la flore intestinale normale ne donnent pas lieu à la production d'anticorps sécrétoires et sont très peu immunogènes par voie parentérale chez leur hôte, suggérant l'existence d'un mécanisme de tolérance spécifique active. En revanche, les entérobactéries pathogènes, telles que E. coli, sont en règle excrétées

dans les fèces recouvertes d'anticorps IgA et différents sérotypes successifs se succèdent spontanément chez le même hôte. Des travaux récents permettent d'envisager un contrôle de la flore bactérienne normale par le système immunitaire. Les étapes initiales de colonisation et les anticorps du lait maternel auraient une influence déterminante sur la composition ultérieure de la flore bactérienne intestinale.   Vaccins par voie orale

    Le seul vaccin couramment administré per os est le vaccin polio de Sabin qui induit à la fois des anticorps sécrétoires et sériques. Son efficacité apparaît moins bonne dans les pays du Tiers Monde que dans les pays économiquement développés, ce qui exige des recherches d'autres modes d'immunisation, combinant, par exemple, les deux vaccins par voie orale et parentérale. Il y a actuellement un consensus sur le pouvoir immunogène supérieur des vaccins vivants par rapport aux vaccins inactivés. Ce principe a conduit au développement de vaccins contre les entérobactéries pathogènes utilisant des souches mutantes : souche Ty 21 de Shigella typhi, souche Ty 21 transfectée avec le gène plasmidique d'antigène somatique de S. sonneri, ou bien souche de E. coli K12 transfectée avec des gènes de S. flexneri. La même stratégie, appliquée au choléra avec le mutant Eltor Ogawa 3093 (Texas star) produisant une

toxine dépourvue de sous-unité B, a été décevante. En revanche, des vaccins inertes associant des bacilles tués à la sous-unité B, ou bien des extraits protéiques associés au lipopolysaccharide de Vibrio cholerae ont donné des résultats encourageants. La vaccination par voie orale ne concerne pas seulement les défenses anti-infectieuses. On étudie actuellement de nouvelles stratégies de désensibilisation par voie orale dans les allergies. Jean-Pierre REVILLARD Jean THIVOLET Dominique KAISERLIAN-NICOLAS

  6. Origine et évolution

    ‫ة‬tant donné l'universalité et la permanence des pressions exercées sur les individus par les organismes pathogènes, les virus, les parasites, on peut s'attendre à une certaine universalité du système immunitaire. Cela ne veut pas dire que tous les éléments du système des Vertébrés seront présents dans tous les embranchements du règne animal, mais il est possible qu'on y détecte certains éléments, qui seront à l'origine de ceux qui sont utilisés par le système immunitaire des Vertébrés. L'étude des

éléments du système, abordée dans la première partie, devrait nous renseigner sur ce point.     Une fois constitué ce qu'il convient d'appeler un système immunitaire élémentaire de Vertébré, comprenant la plupart des éléments de celui des Mammifères : immunoglobulines, récepteurs des cellules T, complexe majeur d'histocompatibilité, complément, cytokines, lymphocytes et organes lymphoïdes, ce système va se complexifier par de nombreuses duplications et occuper une fraction relativement importante du génome (plusieurs centaines de gènes). Les différents éléments vont coévoluer, et l'étude phylogénétique présentera alors de multiples intérêts. D'une part, elle nous aidera à  distinguer l'essentiel de l'accessoire au milieu de la foule d'éléments intervenant dans le système, et qui, en fonction des caprices de l'évolution, seront modulés différemment dans les différentes classes de Vertébrés. D'autre part, la multiplicité des gènes va jouer un rôle dans l'évolution même, car deux types principaux de mécanismes évolutifs seront à l'œuvre : d'un côté une évolution adaptative normale avec un rôle important accordé à la sélection, d'un autre côté une évolution neutre liée aux propriétés du génome lui-même et à la redondance de ses éléments. Enfin, le système immunitaire évolue aussi somatiquement, et ses populations de lymphocytes sont soumises au jeu des mutations et des sélections comme les individus d'une espèce.     On verra que l'étude de l'évolution du système

immunitaire nous révèle un monde particulièrement dynamique et varié. La comparaison des solutions choisies par les différentes espèces devrait nous permettre de mieux distinguer l'essentiel de l'accessoire dans l'étonnante multiplicité des éléments qui entrent en jeu. De ce point de vue, l'approche phylogénique n'a pas seulement un intérêt fondamental, mais aussi un intérêt appliqué qui pourra éventuellement suggérer des solutions aux praticiens lorsqu'ils auront à faire face à des problèmes de carences du système immunitaire chez l'homme. Origine du système immunitaire : les   éléments

    Au niveau général des embranchements du règne animal, il faut se satisfaire de définitions elles-mêmes assez générales, et ce que nous appellerons les éléments du système risquent parfois d'être des entités mal définies en raison soit de l'absence de données, soit du caractère strictement fonctionnel de certains éléments. Reconnaissance spécifique des « non  soi »

    Un

des

caractères

particuliers

du

système

immunitaire des Vertébrés est sa capacité de reconnaître spécifiquement, au moyen de récepteurs, les différents « non-soi » qui l'agressent. Cette façon de se distinguer du monde environnant n'est pas la seule possible. En effet, on peut se distinguer d'une foule soit en reconnaissant individuellement tous les étrangers, soit en trouvant qu'aucun membre de la foule ne possède les marqueurs de notre « soi ». Pour distinguer quel mode de reconnaissance est à l'œuvre, les expérimentateurs ont utilisé un artifice expérimental : la recherche d'une mémoire immunologique spécifique, laquelle est nécessairement consécutive à un événement de reconnaissance spécifique du non-soi. Les embranchements où une réponse aux allogreffes a été  détectée sont les Cnidaires et les Porifères, les Némertes, les Sipunculiens et les Annélides, les Mollusques, les Antennates (mais pas les Chélicérates), les Urocordés, les ‫ة‬chinodermes et les Vertébrés. La mémoire immunologique dans le cas d'expériences d'allogreffes, c'est-à-dire entre individus de la même espèce, n'est connue, hormis les Vertébrés, que chez les ‫ة‬chinodermes et les Antennates.     Des expériences d'immunogénétique ont d'autre part montré que, dans de nombreux embranchements, un locus (autrement dit, un site chromosomique porteur de gènes impliqués dans ce phénomène) polymorphique principal - analogue, sinon homologue, du complexe majeur d'histocompatibilité - est à  l'origine des réactions de rejet étudiées plus haut.

Cellules

    Ces mécanismes sont mis en action via les cellules du système et, de fait, on trouve dans la phylogenèse (c'est-à-dire dans les différents embranchements) une association entre ladite mémoire et la présence de cellules mésodermiques spécialisées produites le plus souvent dans des organes associés aux tissus dérivés de l'endoderme comme il en est pour les lymphocytes des Vertébrés. De même, les cytokines, molécules solubles assurant la régulation de la prolifération et la différenciation des lymphocytes, se rencontrent dans plusieurs embranchements d'Invertébrés.   Bases moléculaires de l'immunité

    Rien ne laisse supposer dans ces travaux expérimentaux que les molécules réceptrices impliquées dans les phénomènes décrits ci-dessus soient homologues les unes des autres. Pour le savoir, plusieurs approches ont été tentées avec plus ou moins de succès : une réactivité croisée avec des anticorps reconnaissant des récepteurs de Vertébrés, et des sondes d'acides nucléiques provenant des gènes de ces mêmes structures ont été utilisées pour élucider la nature de ces molécules en dehors des Vertébrés, sans succès. En revanche, des études

abordant les mécanismes de défense du soi chez les Arthropodes ont révélé l'existence de nombreuses molécules appartenant à des familles différentes de la superfamille des immunoglobulines autrement dit des Ig, dont les descendants peuvent néanmoins se rencontrer chez les Vertébrés (défensines). D'un autre côté, des molécules appartenant à la superfamille des Ig ont été trouvées chez les Arthropodes et les Mollusques, plutôt engagées dans des phénomènes d'adhésion cellulaire (exception faite de l'hémoline, une protéine de défense antibactérienne sécrétée par les hémocytes d'insecte). On assiste ainsi à un chassécroisé de priorités et d'utilisations d'éléments apparentés.     ‫ ہ‬cheval sur plusieurs embranchements, on trouve aussi certains composants du complément, dont la voie alterne d'activation représente un mécanisme primitif de discrimination entre soi et non-soi. ‫ة‬volution du système immunitaire des   Vertébrés

    Plusieurs paramètres du système immunitaire classique semblent absents chez les Agnathes, puisque les deux représentants de cette classe ou sous-embranchement (les lamproies et les myxines) ont des lymphocytes, mais pas d'organes lymphoïdes bien définis comme le thymus et la rate. Leurs immunoglobulines n'ont pas été caractérisées, et leur

système de défense semble dépendre davantage de la voie alterne du complément que des anticorps. Les réponses indiquant la présence de cellules T (réaction lymphocytaire mixte et rejet de greffes) sont faibles et encore mal analysées.     C'est à partir des Gnathostomes qu'une homogénéité  est évidente et que pratiquement tous les éléments sont présents (organes lymphoïdes, lymphocytes, immunoglobulines, complexe majeur d'histocompatibilité, récepteur des cellules T), ce qui ne veut pas dire que leur multiplicité, leur organisation, leur fonctionnement seront les mêmes dans toutes les classes de Vertébrés     Organes lymphoïdes. L'hétérogénéité des populations de lymphocytes observable dès les Chondrichthyens est donc ancienne. Elle semble aller de pair avec l'existence d'un thymus et d'une rate. Les ganglions lymphatiques et la moelle osseuse lymphopoïétiques sont des acquisitions des Vertébrés supérieurs. La moelle hématopoïétique existe chez les Amphibiens, mais n'est active qu'en certaines saisons et n'est apparemment pas lymphopoïétique.     La structure des organes lymphoïdes peut varier considérablement d'une classe à l'autre. Ainsi, l'histologie du thymus peut ne révéler aucune organisation en cortex et medulla chez les Urodèles (Amphibiens), alors que cette subdivision est bien visible chez les Anoures. La présence de centres germinatifs, ainsi que de ganglions lymphatiques, semble spécifique des Vertébrés supérieurs

(Mammifères), chez lesquels elle a souvent été  associée à la maturation de la réponse immunitaire. Les facteurs solubles (cytokines), qui assurent la régulation de ces populations lymphocytaires, existent chez tous les Vertébrés analysés jusqu'à  présent et ont été retrouvés dans d'autres embranchements.     Complexe majeur d'histocompatibilité (CMH). Bien qu'il existe de nombreuses différences entre les CMH des Vertébrés à sang chaud, leurs éléments fondamentaux, les molécules de classe I et II (CMH I et II), sont présents, avec les mêmes caractéristiques structurales et fonctionnelles. Des travaux de biologie moléculaire montrent que les gènes qui codent pour les classes I et II pouvaient aussi être isolés du génome des Amphibiens, des Poissons osseux et des Poissons cartilagineux. Le CMH, comme les autres éléments du système immunitaire, est donc ancien et il faudra sans doute chercher ses origines au-delà du phylum des Chordés. Au sein des Vertébrés Gnathostomes, son évolution sera surtout une série de variations sur le même thème avec peu d'événements majeurs (surtout des duplications) et vraisemblablement de nombreux exemples de neutralité évolutive. Il est probable que le phénomène adaptatif majeur, c'est-à-dire la constitution de molécules capables de lier et de présenter les peptides à un autre récepteur (en l'occurrence celui des cellules T), a eu lieu avant la genèse des Vertébrés.     Cette molécule primordiale, d'où vient-elle ? ‫ة‬taitelle une molécule de type CMH I et II ? Les CMH I sont

constitués de deux chaînes : l'une, légère, b2 microglobuline, et l'autre, lourde, constituée de deux domaines a1 et a2 (qui se lient aux peptides antigéniques), ainsi que d'un domaine a3 appartenant à la superfamille des immunoglobulines, en relation avec la membrane et le cytoplasme. De même, les hétérodimères de classe II sont constitués d'un domaine a1 ou b1, sans homologie apparente avec les immunoglobulines, et d'un domaine a2 ou b2 faisant clairement partie de cette superfamille. Certains auteurs pensent trouver assez d'homologie entre les domaines immunoglobuliniques et les domaines non immunoglobuliniques pour proposer une filiation et suggérer que les domaines a1 et b2 dérivent d'un domaine immunoglobulinique primordial. D'autres auteurs pensent que les étapes nécessaires au passage d'un type à l'autre avaient peu de chances d'être sélectionnées, et donc maintenues, au cours de l'évolution, et ils proposent que les domaines a1 et a2 dérivent d'un autre système de protéines capable de se lier à des peptides, sélectionnées sur d'autres bases qu'une fonction CMH qui auraient été raccordées par remaniement génétique affectant des exons, de se lier à des structures immunoglobuliniques. On a proposé  pour cette fonction, à la suite de comparaisons structurales, la protéine de choc thermique HS P 70 dont le profil d'hydrophobicité rappelle celui des domaines a1 et a2 du CMH. Son gène fait d'ailleurs partie du CMH. Selon ce modèle, la molécule primordiale serait donc une molécule à trois domaines, donc une chaîne lourde de classe I, et non la b2 microglobuline, ou les CMH II comme des modèles

explicatifs plus anciens l'avaient suggéré.     L'évolution ultérieure des CMH a certainement compris de nombreuses duplications et spécialisations, engendrant un grand nombre de gènes exprimables de façon différentielle à la surface des cellules de différents tissus. Seuls certains antigènes du CMH I sont ubiquitaires.     Immunoglobulines (Ig). Diversité des anticorps, rapports avec le récepteur des cellules T. Tous les Vertébrés peuvent fabriquer des anticorps synthétisés par les cellules B, capables de reconnaître de façon spécifique un vaste spectre de déterminants antigéniques. Tous manifestent donc une certaine hétérogénéité du répertoire de leurs anticorps. Cependant, en considérant de plus près les différentes classes de Vertébrés, on se rend compte de l'existence de différences dans la façon dont cette diversité est acquise, ainsi que dans les degrés de cette diversité.     En ce qui concerne les régions constantes des chaînes Ig lourdes, la plupart des Poissons primitifs (Agnathes et Chondrichthyens, ainsi que les Téléostéens) ne possèdent que l'immunoglobuline macroglobuline polymérique de type IgM dont la chaîne lourde est composée de quatre domaines constants (C) et d'un domaine variable (V). Amphibiens, Reptiles et Oiseaux possèdent jusqu'à  trois ou quatre isotypes différents d'Ig et les Mammifères huit. Les différents domaines constituant ces isotypes semblent avoir évolué indépendamment,

car il est fréquent de trouver un isotype dont un domaine sera proche d'un domaine d'IgM de Mammifère, mais l'autre proche d'une IgG de Mammifère ; un autre enfin sera plus proche d'un domaine de récepteur des cellules T ou d'une molécule de classe II du CMH que d'une immunoglobuline.     En ce qui concerne les chaînes Ig légères, la situation est plus confuse, car les Vertébrés inférieurs peuvent disposer d'un plus grand nombre d'isotypes que les Mammifères. Les rapports entre ces isotypes et les chaînes k et l ne sont pas clairs, mais les données suggèrent cependant que la duplication ayant donné  lieu à Ck et Cl a eu lieu après la séparation des lignées conduisant aux Chondrichthyens et aux Mammifères, mais avant la séparation des lignées conduisant aux Amphibiens et aux Mammifères, c'est-à-dire il y a environ quatre cents millions d'années. En comparant les séquences des gènes des régions variables de Vertébrés, on se rend compte de l'extraordinaire conservation au cours de l'évolution des gènes des parties variables des immunoglobulines. Tous sont fondus dans le même moule : la protéine codée par ces gènes conservés consiste en trois régions hypervariables, ou CDR (Complementarity Determining Region), et trois régions « charpente »  assemblées en une succession de feuillets et d'hélices.     Dans toutes les espèces, la genèse somatique d'un gène fonctionnel obéit au même mécanisme de réarrangement : entre éléments V, D (pour diversité) et J (pour jonction) dans le cas des chaînes lourdes,

entre V et J pour les chaînes légères. La structure de chaque gène, fragmenté en plusieurs éléments pourvus de signaux de recombinaisons conservés (ADN à  heptamères et nonamères séparés, selon les cas, par 12 ou 23 bases), est pratiquement identique du requin à l'homme. Seuls les éléments de régulation semblent varier. Les différences importantes entre classes de Vertébrés sont surtout visibles au niveau de l'organisation générale des gènes et, par la suite, de leur utilisation. Une différence majeure semble marquer la divergence ChondrichthyensOstéichthyens. Tous les Chondrichthyens étudiés possèdent un assemblage linéaire, en cis, d'unités VDJC (au moins 200) ouVD1D 2JCc au sein desquelles les réarrangements ont lieu, et on n'observe pas de réarrangements inter-unités. Chez les autres Vertébrés, les loci d'Ig sont tous organisés selon un autre et même modèle : de nombreux éléments VH (chaînes lourdes) ou VL (chaînes légères) sont juxtaposés à  proximité de plusieurs éléments DH (dans le cas des chaînes lourdes seulement) bordant un certain nombre de segments JH ou JL situés eux aussi à courte distance d'un gène unique de région constante. Cette configuration permet des réarrangements combinatoires qui sont une source de très grande diversité.     La différence d'organisation des gènes d'Ig entre Chondrichthyens et Mammifères permet d'expliquer la différence observée depuis longtemps, au niveau de la production d'anticorps, entre les individus

appartenant à ces classes. Les requins ont une réponse beaucoup moins hétérogène que les souris. En effet, à nombre égal d'éléments, le requin, dépourvu de la capacité de recombiner librement tous ses éléments, produira un assortiment de parties variables beaucoup moins grand que la souris. Il est moins facile de comprendre la différence importante d'hétérogénéité entre les Poissons osseux et les Amphibiens, d'une part, les Vertébrés supérieurs, d'autre part, puisque l'organisation de leurs gènes d'immunoglobuline est très semblable. Chez les Vertébrés inférieurs, en effet, on sait depuis longtemps que l'hétérogénéité des anticorps est bien moins grande que chez les Oiseaux et les Mammifères. L'organisation n'explique donc pas tout. Il faut rechercher d'autres explications. Il semble, d'une part, que la complexité du pool des gènes VH puisse être moindre chez certaines espèces ; d'autre part, l'incidence et la sélection d'hypermutations somatiques dans les CDR 1 et CDR 2 sont loin d'être prouvées chez les Vertébrés inférieurs. Il y aurait plutôt évidence du contraire : les quelques études de biologie moléculaire dans ce domaine montrent une faible fréquence de mutations somatiques. Par ailleurs, l'augmentation d'affinité des anticorps liée à la production de nouveaux variants somatiques (maturation) est très faible chez les Chondrichthyens, les Amphibiens et les Reptiles (dix fois au lieu de mille fois chez les Mammifères). Chez les Oiseaux et les Mammifères, les processus de diversification somatiques (conversion et hypermutation) jouent au contraire un grand rôle.

    La coévolution des loci des chaînes lourdes et des chaînes légères est remarquable. Chez les Chondrichthyens, les Amphibiens et les Oiseaux, ces différents loci ont la même organisation génétique, bien qu'ils soient situés sur deux chromosomes différents. Chez les Mammifères, le locus de la chaîne l de la souris a une structure différente de celui des chaînes lourdes. Son organisation est plus proche de celle du locus contenant les gènes du récepteur des cellules T. On sait encore très peu de chose quant à  l'évolution de ce récepteur. Deux formes ab et gd existent chez les Mammifères et les Oiseaux. Son évolution, en raison de sa fonction, est étroitement liée à celle du CMH. Des résultats préliminaires suggèrent son existence chez les Amphibiens anoures.     En définitive, il convient de se garder, lorsqu'on étudie l'évolution du système immunitaire, de conclure trop vite au caractère primitif d'un système. En raison de l'effet « autocatalytique » des duplications, les loci génétiques codant pour les immunoglobulines et le CMH peuvent sans doute évoluer beaucoup plus rapidement que les autres loci d'une espèce. Il est donc difficile de rencontrer un système immunitaire primitif chez les Vertébrés actuels. Il est vraisemblable que toutes les organisations génétiques rencontrées sont toutes le produit d'une évolution très avancée, peut-être récente, fruit de leur adaptation aux conditions de production et à l'économie des cellules lymphoïdes.

Louis DU PASQUIER

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