REGARDS CROISES SUR L’ENTREPRISE : « NOUVELLES NORMES COMPTABLES ET PME » Jeudi 26 janvier 2006 Centre de conférences Pierre Mendès-France Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie
Catherine Gras, Chef de service de la DCASPL, présente le séminaire de « Regards croisés sur l’entreprise » Les premiers bilans et comptes des entreprises françaises paraîtront dans quelques mois en application de nouvelles normes comptables internationales. En quoi consistent les évolutions introduites par la nouvelle réglementation ? Comment mesure t-on la valeur et l’activité des plus grandes sociétés françaises ? Le séminaire « regards croisés » propose un premier point sur la situation et examine notamment les problèmes que pose l’application de ces nouvelles normes aux experts comptables et aux entreprises. Ce séminaire, préparé avec la Direction de l’administration fiscale, sera clos par Jérôme Haas, chef de service à la DGTPE, ancienne direction du Trésor. Tous les réseaux d’appui et de soutien aux entreprises sont extrêmement attentifs à la réforme des règles comptables introduite dans la perspective d’une convergence progressive des prescriptions du plan comptable général français vers les normes IFRS (International Financial Reporting Standards), i.e. le standard international en matière de règles comptables. L’entrée en vigueur de ces normes depuis le premier janvier 2005 répond pour la France aux besoins d’établir des comptes comparables dans différents pays (notamment pour les grandes entreprises internationalisées). Cette réforme a lieu à l’échelle mondiale et permettra de mieux connaître la juste valeur des actifs dorénavant évalués au prix du marché et non plus au coût historique. Une analyse économique des performances des entreprises sera dorénavant préférée à l’ancienne approche, davantage fiscale et juridique. La comparabilité entre les entreprises sera facilitée et les marchés financiers bénéficieront d’une information plus fiable et plus complète. La transparence dans les informations entre sociétés économiques et financières s’en trouvera favorisée. Ces normes ont été retenues suite à un examen de la commission européenne. Concrètement les règles prévues en matière d’évaluation, de définition, de comptabilisation, de dépréciation, amortissement des actifs ont été modifiées de façon substantielle. Les effets de ces modifications sont importants notamment sur le plan fiscal. L’administration fiscale s’est alors engagée sur trois axes de réforme : - maintien de la connexité de la fiscalité avec la comptabilité ; - préservation de la neutralité fiscale ; - simplification des retraitements fiscaux. L’un des enjeux porte sur les conditions de l’application de cette réforme aux Pme : le sujet de cette séance. Changer de normes comptables amène à des retraitements comptables importants, d’éventuels surcoûts d’honoraires d’experts comptables, une transformation de l’information économique d’où un risque de perte de visibilité des grands indicateurs économiques qui sont issus de la comptabilité. Les Pme doivent s’adapter à ce nouveau cadre comptable dans un contexte législatif complexe. Tous les accompagnateurs des Pme (experts comptables, associations de gestion agréées, commissaire aux comptes ou organismes consulaires) ont un rôle d’information et d’explication à jouer auprès des Pme et des Tpe.
Propos d’introduction de la présidente de séance Mme Nadine Levratto, Chargée de recherche au CNRS, Ecole Normale Supérieure de Cachan Je me bornerai en guise d’introduction à un petit rappel historique et institutionnel du processus qui a conduit à l’adoption des normes IAS (International Accounting Standards) / IFRS. En juillet 2002, l’Union européenne a décidé que l’ensemble des sociétés cotées européennes devrait adopter, à partir de l’année 2005, un nouveau référentiel comptable pour la production de leurs comptes consolidés. Ce référentiel international est produit par un organisme de droit privé l’International Accounting Standards Board (IASB), dénué jusqu’alors de tout mandat public. La décision de l’Europe est l’aboutissement d’un processus de transformation majeur concernant les questions de normalisation comptable : dès les années soixante-dix en effet l’union européenne commence à engager une réflexion sur le besoin d’harmonisation des normes comptables. Finalement, suite à la publication de diverses directives, l’union préférera recourir à la sous-traitance de ces règles. Comment en est-on arrivé là ? De 1978 – date de la quatrième directive portant sur les comptes sociaux – à 1984, un certain nombre de directives européennes sont publiées afin de mettre en œuvre un processus d’harmonisation comptable. Ce dernier échoue au moment où le besoin devient de plus en plus pressant du fait de l’internationalisation des entreprises et de leurs modes de financement. Alors que les marchés financiers, de plus en plus présents dans le financement des entreprises, considèrent que les comptes établis dans des normes nationales ne procurent pas une information financière satisfaisante, les instances européennes n’aboutissent pas à la mise en place d’un processus de normalisation. Au début des années quatre-vingt dix, la commission relance le processus d’harmonisation des normes. Mais du fait de la méfiance des Etats devant déléguer le pouvoir de normalisation comptable à la commission, le succès n’est à nouveau pas au rendez-vous. Dans le même temps, les entreprises levant de plus en plus de fonds sur les marchés internationaux étaient de plus en plus nombreuses à adopter les normes américaines ou les normes internationales de l’époque publiées par l’International Accounting Standards Committee (IASC), l’ancêtre de l’IASB. En 1995, le processus d’harmonisation est délégué à l’IASC, celui-ci se positionnant comme un organisme indépendant, composé d’experts ayant vocation à agir dans un environnement transparent en concertation avec les instances professionnelles et nationales. Le 13 juin 2002, la commission européenne annonce qu’il importe d’œuvrer « à la réalisation d’un marché des valeurs mobilières de l’union, unique, efficient et compétitif […] Cela passe par l’amélioration de la comparabilité des états financiers ». C’est ainsi que l’IAS s’est trouvée légitimé par l’union européenne, même si l’union européenne exerce et cherche à renforcer ses contrôles sur cet organisme. Pourquoi ce double pôle de compétence en matière de production international de normes ? L’Europe cherche à maîtriser l’introduction des normes IFRS, construites par l’IASB, dans le cadre communautaire. Deux organismes européens encadrent l’adoption des normes : - L’Accounting Regulatory Committee (ARC), où siègent les représentants des Etats membres, constitue le niveau politique. - L’European Financial Reporting Advisory Group (EFRAG) constitue le niveau technique. Ce dispositif a fonctionné lorsque sur les 41 normes l’IAS, deux normes (IAS 32 et l’IAS 39 concernant les banques et les assurances) ont été rejetées par les instances européennes. Elles ont été révisées et acceptées à la fin de l’année 2004. L’union européenne est en quête de reconnaissance dans un système qui doit favoriser l’indépendance d’un organisme doté du pouvoir de décision, « hautement professionnel et adéquatement protégé des demandes liées à des intérêts nationaux ou particuliers » pour reprendre une citation de Paul Volker (ancien président de l’IASB). Les statuts de l’IASB ont été récemment révisés. L’union européenne en tant que telle n’a aucun pouvoir dans cet organisme : la désignation des trustees est interne. Certains auteurs dénoncent dans ce mode de désignation une domination des grands cabinets d’audit et du monde anglo-américain et une forme de cooptation qui tend à favoriser une forte reproduction sociologique des membres de l’IASB. La situation étant brièvement posée, les interventions qui suivent entrent dans les détails techniques de l’élaboration des nouvelles normes.
Muriel Nahmias, Rédactrice en chef au cabinet conseil international bfinance : « Quels sont les principaux changements de la doctrine comptable introduits par l’adoption des normes IFRS ? » Mon intervention ne portera pas spécifiquement sur les Pme. Je présenterai davantage le contexte dans lequel a lieu la réforme comptable qui nous occupe aujourd’hui et les différences majeures avec la comptabilité française telle qu’elle existait jusqu’alors. Ma présentation pourra vous sembler « jargonnesque » mais je m’efforcerais d’être pédagogique ; de même certains de mes propos vous paraîtront lapidaires : ils permettent de forcer le trait de l’évolution en cours. Le contexte des « nouvelles » normes comptables Quatre grands points marquent le contexte dans lequel ces normes comptables apparaissent : - Crise de confiance dans l’information financière et comptable. - Crise de confiance dans le gouvernement des entreprises : les marchés financiers ont été nourris de divers conflits d’intérêt entre les partenaires des entreprises (auditeurs, analystes financiers, agences de notation). - Emergence de « choses cachées » : la Bourse « découvre la dette ». Durant de nombreuses années, une séparation assez nette existait entre les marchés financiers action et les marchés de dettes. Le travail des analystes financiers était très cloisonné, les instruments d’analyse financière différaient fortement. Or la Bourse s’est de plus en plus intéressée à la dette et à ses composants financiers. - La comptabilité a perdu de sa crédibilité. Avec l’existence de ce qu’on a appelé les « bulles du bilan » – comptabilisation des fusions acquisitions, « goodwill » (mesure de la différence entre le prix d’acquisition d’une entreprise et la sommes des coûts des actifs) – et les « bulles du hors bilan » – l’importance des opérations qui sortent du bilan (explosion des marchés dérivés et marchés de titrisation). De plus les systèmes comptables sont basés sur des règles fiscales et juridiques facilement contournables (y compris légalement, par exemple via les règles d’amortissement des véhicules de titrisation). De ce point de vue les normes IFRS ont établi un ensemble de principes où le jugement de l’auditeur et du comparateur de comptes sont pris en compte. Objectifs et processus du passage aux normes IAS/IFRS : Plusieurs points ont déjà été abordés. Je rappelle le règlement IAS du 7 juin 2002 dont l’objectif est d’assurer la transparence, l’homogénéité, la comparabilité des comptes et la sécurité des marchés financiers. Les normes IFRS s’appliquent aux comptes consolidés des groupes cotés en action et/ou en dette à partir du 1er janvier 2005 avec un exercice antérieur comparable. La commission a créé trois comités pour favoriser l’adoption des normes : un comité de contact qui est organe facultatif, l’ARC (Comité de réglementation comptable) qui est un organe politique présidé par la commission et qui in fine approuve les normes qui lui sont proposées par l’EFRAG, niveau technique de l’installation de ces normes, dans lequel siègent les professionnels de la comptabilité qui donnent leur avis, proposent des amendements sur les normes ou leur interprétation technique. Il est à noter qu’une importante responsabilité pèse dorénavant sur le directeur général et financier de l’entreprise (qui signe la comptabilité et devient responsable, parfois pénalement, des comptes) et les auditeurs (responsables a priori des comptes, ce qui n’est pas sans poser problème). Enfin la mise en place des IFRS a lieu dans un contexte de transparence, autour des marchés financiers, concernant notamment : - l’information accessible par les parties prenantes à l’entreprise (en langage anglo-saxon les « shareholders » : salariés, investisseurs, fournisseurs…) - les règlementations et le contrôle interne du gouvernement d’entreprise (notamment la loi de sécurité financière en France : contrôle du processus de production des états financiers) - l’ensemble des données extra financières relatives au développement durables, la loi NRE en France…
Qu’est-ce que l’IASB ? Il s’agit d’un organisme indépendant des pouvoirs publics, réunissant des professionnels de la comptabilité. Il produisait avant 2001 les normes IAS (International Accounting Standards), devenues IFRS (International Financial Reporting Standards, en français : normes d’information financière internationales). Cet organisme n’a pas de tutelle publique, il possède un organisme de surveillance, et des trustees. L’approbation des normes s’opère par un système de « due process » par des descentes et remontées d’information au sein de l’organisme avec des documents commentés par toutes les parties prenantes, des auditions… Le sujet est complexe mais la prise de décision ellemême est compliquée et longue de façon à produire un ensemble de principes communs. Quelles sont les différences entre le système IFRS et le système français de comptabilité ? L’IFRS ne renvoie plus à de la comptabilité mais à de l’information financière. Celle-ci est destinée aux parties prenantes de l’entreprise : principalement l’investisseur mais également les salariés… Tous doivent pouvoir accéder à une information financière « vraie » sur l‘entreprise. Les états financiers sont beaucoup plus lourds. Au bilan et compte de résultat viennent s’ajouter le tableau des flux de trésorerie, auparavant facultatif, et surtout un volume d’annexes extrêmement volumineux. A cela il faut ajouter « tout autre document utile à la compréhension des comptes ». En théorie toutes les écritures comptables doivent être expliquées. Une différence philosophique essentielle est la prééminence du fond sur la forme : chaque opération est analysée dans sa véritable finalité. Actif et passif sont décomposés très précisément, ligne à ligne. Pour l’ensemble des opérations structurées complexes (comme la titrisation), les conséquences sont importantes. Les états financiers sont destinés en premiers lieux aux investisseurs et créanciers de l’entreprise alors qu’en France les comptes étaient essentiellement destinés aux directions fiscales. Le système est essentiellement tourné vers l’avenir (abandon des coûts historiques) et du type « tout ou rien » : il n’est pas envisageable de l’utiliser à la carte. Certes les nouvelles normes laissent ouvertes de nombreuses opérations pour le traitement des opérations mais toutes les IFRS doivent être appliquées. Les normes IFRS ont une notion beaucoup plus élargie de la dette, à un point tel quel les capitaux propres sont calculés par différence avec la dette. Ceux-ci apparaissent dès lors comme un résidu. La dette concerne l’ensemble des engagements de l’entreprise : dette bancaire, engagement auprès des salariés (plans de retraite…), stock options… Le concept de la « juste valeur » s’oppose aux « coûts historiques » et au principe de prudence. Toutes les opérations sont évaluées à la « juste valeur ». S’agit-il des prix de marché ? Que se passe t-il lorsqu’il n’existe pas de marché ? Je ne peux entrer dans les détails. L’information financière doit être parfaitement décrite et documentée : prise de risques, provisions, couverture de taux de change… Le périmètre de consolidation a changé : le « hors bilan » entre dans le bilan, ce qui correspond à des masses financières extrêmement importantes. Les instruments financiers sont tous classés à la juste valeur. Notons qu’une nouvelle classification des instruments financiers apparaît. Ainsi en France existaient des « quasi fonds propres » qui correspondaient aux titres hybrides (obligations convertibles…) Les nouvelles normes séparent la partie « dette » de la partie « action ». L’évaluation des stocks et des immobilisations se fera à la juste valeur… Les produits dérivés, les montages consolidant (titrisation) remonteront en bilan. De même les plans de retraites apparaissent au passif financier. Les impacts de ces modifications sont considérables. Les IFRS pour tout le monde A terme, vers 2010 ?, les IFRS s’appliqueront a priori à toutes les sociétés, cotées ou non, quel que soit leur taille. Les 25 pays membre de l’UE adaptent leur comptabilité à des rythmes différents. Les « jeunes » Etats de l’ union européenne ont tout de suite adopté les IFRS, même pour leurs comptes individuels. La France a fait le choix de la convergence, à savoir une refonte complète du plan comptable général. Celle-ci est en cours en cours. Enfin, les effets des IFRS ne se font pas sentir uniquement sur le plan comptable. Ainsi, la loi de sécurité financière a changé les critères de consolidation, obligeant dès maintenant la consolidation des véhicules de titrisation.
Discussion avec la salle Pierre-François Couture, MINEFI/CGEFI : Quel est le niveau de convergence actuel des IFRS applicables en France à partir de 2005 avec les normes américaines notamment sur la juste valeur et la valorisation des titres, placements ou participations ? Muriel Nahmias : C’est une question assez technique. La convergence IFRS – US Gaap (normes comptables américaines) est à ma connaissance un des grands chantiers actuels des deux bords. Il me semble qu’on balance sans cesse entre la convergence et la reconnaissance mutuelle entre les deux systèmes… La SEC (Securities and Exchange Commission1) semblait prête à la reconnaissance mutuelle d’ici 2009, c’est-à-dire à reconnaître les IFRS. Plus récemment on a assisté à une certaine inflexion de ton… Concernant les instruments financiers, j’ai lu ce matin que le FASB (Financial Accounting Standards Board)2 aurait adopté la juste valeur. Christophe Marion : Il me semble que, concernant la juste valeur, il y a débat au sein du FASB. Une mise au point s’impose : les IFRS ce n’est pas la juste valeur. Ainsi les stocks ne sont pas évalués à la juste valeur, ni dans le référentiel américain, ni dans le référentiel IFRS. Il y a bien des éléments dans un bilan où la juste valeur peut intervenir, plus ou moins directement, mais il n’est pas question à ce stade de tout évaluer à la juste valeur. Le normalisateur américain et l’IASB lancent des consultations sur cette notion. C’est ce texte là qui est en train d’aboutir. Jean-Marc Beguin, Directeur des statistiques d’entreprise à l’INSEE : Que devient la valeur ajoutée dans le système des IFRS ? Henri Giot, directeur des relations internationales au Conseil supérieur de l’ordre des experts comptables : Dans le cadre de ces nouvelles normes, la valeur ajoutée n’est pas un élément que les entreprises doivent faire figurer. Il est toujours possible de la reconstituer grâce aux éléments présents en annexe mais on ne dispose plus d’une lecture directe de la valeur ajoutée comme dans le plan comptable français. Jean-Marc Beguin : Je vous laisse imaginer les conséquences en terme de calcul de PIB, voire les conséquences fiscales… Christophe Marion : Il me semble important à nouveau de relativiser ce point. Les anglo-saxons ont l’habitude présenter le compte de résultat par destination. L’Europe occidentale est plutôt dans une logique d’analyse du compte de résultat par nature. Le board de l’IASB essayant de faire converger tout le monde, un compromis doit être trouvé. Les IFRS, à ce stade, n’ont pas tranché le débat. Mais il n’est pas interdit dans la comptabilité IFRS de présenter son compte de résultat par nature et donc de continuer si on le souhaite de le présenter « à la française ». Nadine Levratto : Nous allons pouvoir entrer dans le détail des effets des IFRS sur la population des Pme. Se discutent actuellement au sein de l’IASB, les normes d’informations financières internationales à adopter pour les Pme. Ce sujet est en permanente évolution. Un propos d’étape va nous être livré ici.
Henri Giot, directeur des relations internationales au Conseil supérieur de l’ordre des experts comptables : « Les nouvelles normes comptables ont-elles un effet sur les Pme ? Le point de vue de l’expert comptable »3 Je vais tenter d’exposer les problèmes que rencontre la France dans l’application des normes IAS / IFRS ; quelles sont les difficultés au niveau européen ; et enfin quelques commentaires sur un projet de norme IAS pour les PME. Quels sont les référentiels comptables en usage en France à la date d’aujourd’hui ? - Pour les sociétés faisant appel à l’épargne publique, les normes IFRS sont obligatoires.
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La Securities and Exchange Commission est l’autorité américaine chargée de la surveillance des marchés financiers (équivalente à l’Autorité des Marchés Financiers française). 2 Le Financial Accounting Standards Board (FASB) est l'organisation chargée de l'élaboration des normes de comptabilité générale et de reporting du secteur privé aux Etats-Unis. 3 Les parties très techniques de la présentation de M. Henri Giot (présentation poussée de certaines normes IAS) n’ont pu être retenues dans cette synthèse.
- Pour les sociétés non cotées qui doivent publier des comptes consolidés, le règlement français CRC4 99-02 est obligatoire ; une option existe pour ces sociétés de retenir les normes IAS / IFRS. - Pour les sociétés non astreintes à la publication de comptes consolidés mais qui publient volontairement des comptes consolidés, le règlement CRC 99-02 s’applique avec également une option IAS / IFRS. Ce point est important car il s’agit généralement des Pme. Concernant les comptes sociaux, le régime général quel que soit la taille, la forme ou le statut de l’entreprise, le plan comptable général s’applique (règlement CRC 99-03). Notons l’existence de dérogations pour les petites entreprises (simplification de présentation du bilan et du compte de résultat et non d’une simplification des règles comptables, il en va de même pour une simplification des annexes), les entreprises sous une forme individuelle ou les « micro entreprises ». En résumé, la situation en France est la suivante : - obligation ou option des normes IFRS pour les comptes consolidés - option non retenue pour les comptes individuels de toutes sociétés Pourquoi cette option n’a-t-elle pas été retenue pour les comptes individuels ? Plusieurs solutions ont été étudiées. Le CNC (Conseil National de la Comptabilité) avait envisagé que les sociétés filiales d’un groupe APE pouvaient tenir leur comptabilité, établir des comptes annuels conformément aux IAS / IFRS puis revenir au référentiel national par le biais d’un « tableau de passage ». Cette solution n’a pas été retenue pour des raisons de variations de périmètre. Le principal obstacle à une généralisation des IAS à toutes les entreprises réside dans leur coût élevé. Celui-ci est d’ores et déjà chiffrable mais les avantages retirés du passage aux IFRS sont incertains. Ce dernier se traduirait la plupart du temps par une augmentation du résultat donc par un impact fiscal très fort. Avant tout effort de généralisation, il est impératif de mesurer l’impact de ce passage sur l’ensemble des domaines du droit et des relations entre l’entreprise et les parties prenantes (tiers créanciers, salariés, administrations sociales fiscales, juridictions de toute nature…). Il a dès lors été jugé préférable de distiller progressivement les principes de l’IAS dans le plan comptable afin de le rendre convergent, en se donnant le temps de résoudre les difficultés d’intégration. Lorsque la comptabilité sert de base à la constitution de l’assiette fiscale, l’administration ne peut rester indifférente au basculement de la comptabilité vers les IFRS. Deux principes doivent être assurés : - la neutralité fiscale : les nouvelles règles comptables ne remettent pas en cause le montant de l’impôt précédemment perçu ; - la stabilité fiscale : aucune volatilité n’est introduite par les nouvelles règles. Or il est possible de relever un certain nombre de divergences entre la doctrine fiscale française et l’application des IFRS : Obstacles fiscaux En matière d’amortissement les IFRS requièrent la durée d’utilisation (et non une durée de vie) une valeur résiduelle variable et révisable chaque année (chose que ne reconnaît pas l’administration fiscale), une dotation qui n’est plus rectiligne mais peut fluctuer au gré de la consommation des avantages économiques. Le fisc accepte au contraire des amortissements d’usage sur des durées de vie plus courtes. La durée de déductibilité d’une charge étant sa constatation en comptabilité, comment procéder pour maintenir un amortissement similaire tout étant conforme aux IFRS ? Une des solutions proposées par l’administration fiscale dans une instruction du 3 janvier 2006 est la création d’un amortissement dérogatoire. En matière de provision, les conditions différentes de déductibilité entre le fisc et les IFRS sont aggravées par la problématique entre date de clôture et date d’arrêté : selon les IFRS les provisions sont constituées sur la base de l’existant à la date de la clôture des comptes et non à la date d’arrêté. Concernant les frais de démantèlement, ces frais à engager en fin de vie du bien sont à immobiliser en contre partie d’une provision. Cette majoration des valeurs immobilisées augmente ipso facto la
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Comité de la Réglementation Comptable.
base imposable de certaines taxes en particulier la TP. A ce sujet l’administration a reconnu qu’elle serait bienveillante à l’égard des entreprises. Concernant la juste valeur, les variations de la juste valeur quel que soit leur sens (profit ou perte) concourent à la formation du résultat imposable… Elles n’ont cependant qu’un caractère provisoire : comment différer leur prise en compte fiscale ? Enfin, notons également un décalage entre la date de prise en compte comptable du résultat selon les IFRS (date de transfert de la majorité des risques et avantages) et celle de prise en compte fiscale (date de réalisation). Obstacles juridiques Avec les IAS / IFRS, on passe d’une représentation patrimoniale (ou prudentielle) de l’entreprise à une représentation financière et économique (image de la performance économique). L’IAS privilégie une représentation axée sur une forte différenciation entre le financier et le non financier. Repérons une forte divergence entre l’évaluation d’une situation en terme de patrimoine et en terme de situation financière : la définition des actifs selon IAS / IFRS est différente de celle du droit de propriété et de ses démembrements. Cette approche est plus globale, incorporant tous les décaissements passés et à venir. L’IAS intègre dans la définition des passifs tout ce qui est « passif implicite », c’est-à-dire, en langage anglo-saxon les « constructive obligations », ce qui n’existe pas en droit français. Le caractère éminemment variable et résiduel des capitaux propres a déjà été mentionné ; de plus un certain nombre de charges ont trouvé leur contrepartie directement en capitaux propres (comme par exemple les stock options). La notion comptable d’opération est totalement différente de la notion juridique de contrat. Une opération doit regrouper tous les engagements liés à celle-ci, indépendamment de son traitement juridique, en particulier de son fractionnement. Tout montage déconsolidant doit être pris dans son ensemble et non élément par élément. La notion de prix évolue : autrefois manifestation contractuelle de l’accord des parties, elle tend vers celle de juste valeur, vue globale et probabilisée. De nouveaux paramètres techniques et instruments de mesure sont privilégiés : les flux futurs de trésorerie, qui permettent de déterminer de manière permanente la valeur d’une actif ou d’un passif, et l’actualisation qui permet la prise en compte du facteur temps. De plus l’approche bilancielle est privilégiée d’où des imputations directes en capitaux propres qui remettent en cause le droit des seuls actionnaires à mouvementer ces postes, ce qui pose un problème juridique assez important. Enfin, rappelons le renforcement de la date de césure de l’exercice : la date de clôture est privilégiée par rapport à celle de l’arrêté des comptes. Les conséquences de ce qui précède doivent être analysées dans trois directions : - Droit comptable : Une réécriture est à mener sur les règles comptables. Il importerait notamment de préciser des formats standard d’états de synthèse qui ne sont pas prévus par les IFRS dans le respect de la hiérarchie des textes. Le rôle de la preuve apportée par la comptabilité est à revoir du fait de la volatilité introduite par la juste valeur. Un nouveau jeu de compte, purement patrimonial, pourrait être utilisé en justice. On évolue d’une notion de chef d’entreprise prudent et avisé à celle de jugement professionnel et une interprétation stricte rendue nécessaire par le volet répressif des règles comptables ne permet pas de privilégier la substance sur la forme et le raisonnement par analogie. Dans les IFRS on privilégie le jugement du préparateur et des données de gestion. Cette évolution vers davantage de subjectivité peut conduire à aggraver la responsabilité des émetteurs et de leurs contrôleurs. - Droit des affaires en général et comportement des acteurs juridiques Toutes les disciplines du droit des affaires doivent être analysées. Un passage aux IAS / IFRS aura un impact sur le droit civil, droit commercial, droit du travail, droit des sociétés… Il importera d’examiner les problèmes liés au changement de règles. Il y aura forcément des modifications à apporter aux contrats en cours, des remises en causes d’accords collectifs à renégocier.
Convergence Plan Comptable Général / IAS Depuis 1997, une introduction progressive des IAS / IFRS est en cours : Avis du 18 juin 1997 du CNC sur les changements comptables Règlement sur les passifs de 2001 ; Règlements sur les actifs de 1997 et 2004 Nouveau règlement sur les fusions adopté en 2004. Situation vis-à-vis des IAS dans les différents Etats de l’union L’option de l’article 5 – comptes consolidés non APE : la France fait partie des 21 pays pour lesquels l’option est facultative, trois pays l’ont rendue obligatoire. L’option de l’article 5 – comptes individuels des sociétés APE : obligatoire dans 10 pays, non possible dans 6 pays dont la France. L’option de l’article 5 – comptes individuels des sociétés non APE (majorité des PME française) : pas possible dans 8 pays dont la France, 14 pays l’ayant rendue facultative. Pour que les IAS soient applicables en Europe, elles doivent être homologuées par un règlement européen. Le fonctionnement de l’IASCF5 : Le financement du comité international est assuré par des engagements de 3 à 5 ans des utilisateurs (entreprises et grands cabinets). Nous arrivons au bout de la période : les financements seront-ils renouvelés ? Structure des normes internationales Il importe de noter qu’il existe un cadre conceptuel qui définit les grandes règles du référentiel : - Quels utilisateurs ? Principalement les investisseurs. - Quels objectifs ? Fournir une information sur la situation, la performance et les changements dans la situation financière d’une entité qui soit utile aux utilisateurs ayant à prendre une décision économique. - Quelles hypothèses de base ? Comptabilités d’engagement et continuité d’exploitation. - Plus un certain nombre de caractéristiques qualitatives dont la compréhensibilité, la fiabilité, la neutralité, la prudence et l’exhaustivité ; des contraintes dont la ponctualité et l’équilibre coûts avantages. Les normes sont généralement basées sur une structure trinaire : les éléments des états financiers (un bilan, un compte de résultat, un tableau de flux de trésorerie, de variation des capitaux propres et une annexe), leur comptabilisation et leur évaluation. Un rappel sur la plateforme 2005 : celles-ci comptait 36 normes et 11 interprétations. Projet IAS - PME L’IAS envisage de faire un exposé sondage courant 2006 sur ce projet avec comme objectif de sortir une norme applicable au Pme en 2008. Elle est fortement poussée en ce sens par la Banque mondiale, le Fmi et la Commission européenne. Des allègements seraient à fournir dans les calculs et l’information à livrer. Le sujet reste très controversé notamment son champ d’application : les Etats resteraient libres de fixer le seuil d’application de ces normes. Enfin le niveau d’autorité de la norme reste inconnu : la norme sera-t-elle obligatoire ou les Etats pourront-ils la modifier ?
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L’IASCF (International Accounting Standards Committee Foundation) a été créée en février 2001, sous la forme d'une entité à but non lucratif enregistrée dans l'Etat du Delaware (USA), après la profonde restructuration engagée au sein de l'IASC, devenu l'IASB. L'IASCF est l'entité mère de l'IASB.
Christophe Marion, Directeur de la société Finharmony : « IFRS : les impacts sur l’organisation » Je vous présenterai quelques impacts des IFRS sur l’organisation des entreprises tels que j’ai pu les constater comme dirigeant d’une entreprise de conseil et de formation. Il n’existe pas de liste toute faite des différences entre les IFRS et la comptabilité française, celles-ci dépendront de la réalité de l’entreprise, des choix comptables… L’impact n’est donc pas uniforme. Je retiendrai deux dimensions pour analyser les impacts possibles : les états financiers et les systèmes d’information. Le croisement de ces deux dimensions permet d’affiner les impacts de certaines normes. A titre d’exemple, avec IFRS les actifs incorporels ne sont plus amortis, dès lors l’impact sur les états financiers est fort (augmentation du résultat des entreprises). Le système d’information, lui, est faiblement impacté. A contrario, prenons l’exemple d’une grande enseigne de distribution disposant de nombreux de points de vente en location ; la part variable de ses loyers doit dorénavant être informée. L’impact sur le système d’information sera fort, les états financiers ne seront pas modifiés. Concernant la problématique de la juste valeur il importe de rappeler que les IFRS ne comptabilisent absolument pas tout à la juste valeur. Mais en matière de communication financière et de systèmes d’information, l’impact sera fort (par exemple la réintégration d’éléments hors bilan dans le bilan). Bien évidemment les deux dimensions ne sont pas neutres mais s’auto influencent. Ces impacts dépendront donc des réalités économiques de l’entreprise et des options comptables retenues dans l’ancien et le nouveau système. J’insiste sur l’existence de telles options. En matière de communication financière, les IFRS peuvent conduire à une diminution ou une augmentation des capitaux propres. Ce changement pourra être obligatoire ou optionnel : au moment du passage aux IFRS, il est possible de réévaluer certains actifs, en revanche la comptabilisation des engagements sociaux ou actions propres diminuera les capitaux propres. En moyenne l’impact des IFRS sur les capitaux propres des sociétés du CAC 40 produit une diminution de 1.5% de façon non homogène : pour 14 entreprises l’impact a été supérieur à 10%. Les deux extrêmes sont Publicis, dont les capitaux propres ont cru de 180% (rôle des instruments financiers hybrides : dettes plus capitaux propres), et Michelin qui a connu une réduction de ses capitaux propres de 31% (du fait de la comptabilisation des écarts actuariels, hypothèses sur les engagements sociaux). En terme d’organisation le premier impact est un alignement de la communication interne sur la communication externe. Notons toutefois que cette évolution était en cours avant les IFRS notamment avec la mise en place de progitiels de gestion intégrée dans l’entreprise : le système interne et le système externe renvoient à la même base de données qu’on interroge de façon différente. Second impact, certaines normes ayant des effets sur les systèmes d’information, l’équilibre des systèmes est remis en cause. Certaines transactions sont clairement moins intéressantes qu’auparavant : ainsi les instruments financiers hybrides font désormais totalement ressortir les frais financiers. Certaines normes ont des effets plus importants que d’autres sur les systèmes d’information. Ainsi IAS 14 traitant de l’information sectorielle exige qu’on présente l’information financière selon deux axes d’analyse : secteur d’activité et géographique ; de même la note sur les instruments financiers IAS 39 oblige à créer de nouveaux comptes ; enfin de même l’IAS 17 portant sur les contrats de location. Notons que les nouveaux règlements français, qui ont déjà été rapidement cités (CRC 02-10, 04-06…) modifient également le mode de comptabilisation des actifs et influencent évidemment le système d’information. Autres impacts opérationnels des IFRS : certaines opérations ne sont plus aussi intéressantes qu’avant. Par exemple les systèmes de financement dans lesquels existent des franchises d’intérêt. Avec IFRS, la reconnaissance des intérêts ne peut plus être différée ; il en va de même pour certains contrats de location où les loyers étaient moins élevés au cours de la première année. C’est également le cas pour les montages « déconsolidants » puisque dorénavant l’ensemble de la transaction doit être analysée ; le coût des stocks options devient visible… Dernier impact très important : les entreprises sont amenées à communiquer plus d’informations financières plus vite, plus souvent : les états financiers seront plus volumineux, avec un volet explicatif
plus important, les délais de clôture seront raccourcis. Dans ces conditions les entreprises s’interrogent sur leurs choix de stratégie interne : doit-elle se conformer à cette nouvelle pratique de manière automatique ou manuelle ? Les états financiers doivent-ils être réalisés dans un premier temps en IFRS puis convertis en normes françaises ? Les comptes en IFRS doivent-ils être réalisés au niveau local (au niveau des filiales) puis retraités au niveau central (stratégie dite « série ») ? Au deux niveaux en même temps par la création d’une vaste base de données (stratégie « parallèle ») ? Pour conclure : - Les IFRS concernent tout le monde et sont obligatoires pour une partie des entreprises, optionnels pour d’autres mais en fait obligatoires indirectement par le biais des nouveaux règlements du CRC. - Les impacts pourront être extrêmement différents d’une entreprise à l’autre, d’où la nécessité de diagnostiques précis : quelles transactions, quelles options comptables, quel système en place ?
Discussion avec la salle Nadine Levratto : Je me permettrais une première question polémique : les spécialistes du droit comptable semblent consacrer l’idée que nous serions passés d’une comptabilité visant à protéger les créanciers à une comptabilité se préoccupant au premier chef des actionnaires. Suivant certains travaux universitaires, les IFRS apportent des compléments d’information qui auraient pu être envisagés dans le système comptable traditionnel. Les IFRS auraient surtout pour conséquence la distribution plus facile de dividende aux actionnaires. Quels sont vos avis sur cette question ? Henri Giot : Il est évident que les IFRS favorisent l’investisseur au détriment du créancier. C’est clairement spécifié dans la préface, cela figure dans le cadre conceptuel. Mais je ne pense pas que cela facilite la distribution de dividendes ; celle-ci est soumise à des règles différentes des règles comptables : c’est le droit commercial qui s’applique, le résultat de l’entreprise doit être suffisant, ce qui pose un problème de l’adaptation de l’IAS au droit français. Edouard Salustro, Vice président de la Commission des Comptes des Services, Président d’honneur du Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts Comptables : Les IFRS résultent d’une pression des marchés financiers à la recherche d’un minimum de comparabilité, cherchant à s’assurer de certain points, notamment de la « fair value » pour quelques postes clefs. La question du dividende est hors de ces considérations. Je ferai remarquer que le dividende en France est encore calculé sur le bilan social, d’où une confusion des genres qu’il importerait de lever. Christophe Marion : La rémunération des actionnaires ne provient pas essentiellement du dividende : les actionnaires attendent du rendement avec des plus values. Le cadre conceptuel des IFRS reconnaît explicitement qu’existent de nombreux utilisateurs de l’information financière, que l’objectif de celle-ci est d’être utile à la prise de décision économique des utilisateurs. Qui sont-ils ? La direction de l’entreprise a tous les moyens d’accéder à l’information voulue ; les banques demanderont de l’information avant de prêter de l’argent, l’Etat passera un règlement. Quels utilisateurs ont un fort besoin d’un normalisateur ? Principalement les investisseurs. Il est évident que si le cadre conceptuel avait été négocié en France, en Allemagne… cette approche n’aurait pas été retenue. Il est clair que les IFRS servent les marchés financiers, mais ceux-ci n’ont pas attendu 2005 pour obtenir une information financière qui les satisfasse. La question fondamentale est politique. Lorsqu’en 1995, l’Europe reconnaît l’échec de ses efforts de normalisation comptable, certains avancent l’idée d’adopter les US Gaap (les normes comptables américaines). Celle-ci n’a pas été retenue et les IFRS ont été adoptés. Il s’agit là d’un compromis fortement inspiré par les anglo-saxons. Pierre-François Couture : Je souhaiterais revenir sur un sujet plus technique. Je n’ai pas compris si les règlements du CRC imposaient l’amortissement par composant aux Pme dès 2005, ou si cette application était différée pour les Pme. Que deviennent dans ce cadre, les provisions pour grosses réparations, gros entretiens… Il me semble qu’elles sont impactées par l’amortissement par composant. Henri Giot : L’amortissement par composant entre en application au 1er janvier 2005 pour tous. Pour les Pme, on note une exception pour les immobilisations non décomposables. Le principe de la décomposition par composant n’est, paradoxalement, pas repris dans les normes IAS / Pme… Les provisions pour grosses réparations vont disparaître, elles entrent dans le cadre de la réforme des composants.
Jean-Marc Beguin : Ma question porte à nouveau sur le traitement des amortissements. Un règlement dérogatoire du 2 janvier 2006 a été évoqué. Quel est le sens de la dérogation : les impôts abandonnent-ils leur règle au profit des IFRS ou au contraire celles-ci doivent déroger à leur propre règle pour l’application de la règle précédente de l’amortissement ? Henri Giot : La dérogation porte sur la possibilité pour les Pme, pour l’amortissement des immobilisations non décomposables, de retenir la durée de vie fiscale et non la durée d’utilisation. Christophe Marion : La comptabilité va s’appliquer avec les composants (il s’agit du règlement français). Pour assurer la neutralité fiscale, les entreprises pourront constituer des amortissements dérogatoires : un amortissement complémentaire sera passé si l’amortissement fiscal est plus court que l’amortissement comptable. Ce mécanisme est bien connu et permet de mettre en place la neutralité fiscale. Différents seuils existent, les entreprises d’une certaine taille ne sont pas tenues de l’appliquer. Dans le cas où l’enjeu fiscal est faible, l’instruction fiscale prévoit diverses options. Le principe toutefois est bien que ce nouveau règlement s’applique à toutes les entreprises commerciales.
François Mouriaux, adjoint au directeur des entreprises à la Banque de France : « Risques et opportunités d’une extension des normes IFRS aux Pme : le point de vue du banquier » La normalisation comptable intéresse la Banque de France au plus haut point. Celle-ci est en effet en lien direct avec les conditions d’exercice de la politique monétaire et sa mission de surveillance de la stabilité financière. Pourquoi s’intéresser à la normalisation comptable ? Pour exercer ses missions de préparation et d’évaluation de la politique monétaire la Banque de France mobilise des statistiques monétaires qui sont extraites du bilan des banques, d’où un intérêt très fort sur les conditions d’établissement de la comptabilité bancaire. La Banque centrale suit également l’économie « réelle » et les structures de financement des entreprises qui contribuent à mieux évaluer les sources de pression financière qui influencent l’activité économique. D’où la question fondamentale : la normalisation comptable traduit-elle une image de la réalité des entreprises qui puisse donner lieu à une politique monétaire « pertinente » ? La normalisation comptable est également importante dans la mesure où elle peut influencer le jeu des canaux par lesquels les impulsions des politiques monétaires peuvent se transmettre. A titre d’exemple, entre le moment où la banque centrale fait varier les taux d’intérêt à court terme et le moment où les agents économiques modifient leurs décisions (par exemple en matière d’investissement), s’écoule un certain délai. Celui-ci renvoie à la perception d’une modification du coût du capital. La façon dont les états comptables sont construits peut donner un degré de réaction plus ou moins rapide. Les banques centrales ont une mission de surveillance de la stabilité financière qui prend une importance accrue avec le développement des marchés financiers, l’ampleur des mouvements cycliques. Pour cela il importe de mesurer l’évolution de la qualité du risque. Dans ce cadre, la Banque de France gère une base de données d’entreprises comprenant un peu plus de 200 000 bilans. La cotation Banque de France est une évaluation du risque de crédit de chaque entreprise et son évolution dans le temps. A ce titre la Banque de France peut apporter son expérience de praticienne de la notation d’entreprise pour mettre en évidence les systèmes de normes les mieux adaptés à la mesure du risque de crédit.
Quels sont les besoins du banquier pour analyser le « risque de crédit » ? Trois catégories peuvent être repérées : - Fiabilité des comptes. Lorsque le banquier reçoit les comptes d’une entreprise, il souhaite n’avoir à émettre aucun doute sur la qualité de l’image de l’entreprise et ne pas devoir lancer des recherches d’informations complémentaires. La rapidité d’analyse est essentielle : les frais généraux sont diminués d’autant, ce qui se répercute sur le coût du crédit. - Comparabilité. Elle s’impose pour aborder deux dimensions d’analyse crédit qui sont universelles et incontournables : la trajectoire de l’entreprise (analyse pluriannuelle – comparaison des états d’une entreprise dans le temps) et son positionnement (référentiels sectoriels – comparaison des
entreprises entre elles). La permanence des méthodes de comptabilité d’une année sur l’autre doit être assurée ; le référentiel comptable doit se prêter à l’établissement de référentiels sectoriels d’où une grande homogénéité dans le traitement des entreprises de façon à favoriser leur comparaison. - Transparence. Pour un banquier, les états de synthèse (bilan, compte de résultat, tableau de flux) doivent posséder un niveau de détail suffisant pour donner d’emblée une image précise de la situation de l’entreprise. Cela permet l’intégration immédiate, sans retraitements ou recherches coûteuses de compléments, des états de synthèse dans des bases de données dont la constitution est indispensable pour calibrer des démarches objectives et justes d’analyse du risque de crédit. On peut également noter l’importance de normes de présentation permettant de disposer d’une grande variété d’indicateurs, stimulant une diversification des méthodes d’analyse du risque, une diversité des opinions, indispensables au bon fonctionnement du marché du crédit.
Quels progrès attendre d’une extension du référentiel IFRS aux Pme ? Je m’intéresse ici aux perspectives de l’évolution comptable pour les cinq années à venir. Dès aujourd’hui existe une application partielle des normes IFRS aux Pme, une dynamique est à l’œuvre avec un objectif, non consensuel, d’extension du référentiel aux Pme. Par souci de simplification, je me situerai dans la perspective d’une extension du référentiel IFRS complet aux Pme. Ce dernier présente deux éléments intéressants pour l’analyse du risque de crédit : - L’angle d’analyse est économique Ceci n’est pas une nouveauté concernant la Banque de France. De nombreux concepts sont d’ores et déjà partie intégrante de la méthode d’analyse de la Banque de France tels que l’intégration à l’endettement financier du crédit bail, des effets escomptés non échus… Abstraction faite du concept de juste valeur, la prégnance de cette conception économique de la comptabilité pourrait conduire à penser que le référentiel IFRS n’est ni plus ni moins qu’une convergence laborieuse de la comptabilité anglo-saxonne vers les concepts mis en œuvre par la centrale des bilans de la Banque de France il y a une trentaine d’années ! Vue du banquier, l’approche des immobilisations par composantes donne une image plus économique ; la prise en compte du crédit bail, la location financière, le concept d’amortissement économique, la comptabilisation des travaux à l’avancement… sont intéressantes. - Des normes présentent un gain en rigueur L’approche IFRS est systématique. Ainsi une approche plus complète des engagements à provisionner (retraites, risques environnementaux) est intéressante pour l’analyse du risque de crédit. Il en va de même pour la réintégration de montages déconsolidés. Quels risques ? Ne cachons pas que les risques attachés à une transposition en l’état des normes IFRS concernant les Pme sont extrêmement importants : - Risques sur la qualité des états comptables. La qualité des états comptables est dépendante de la stabilité d’un référentiel. Or aujourd’hui le référentiel IFRS n’est pas stabilisé ; il est dès lors hasardeux d’envisager son extension aux Pme qui ne peuvent disposer de l’infrastructure des grandes entreprises pour suivre en continu l’évolution des normes et de leurs interprétations. - Disponibilité de l’expertise. L’établissement de comptes IFRS est complexe ; les Pme n’auront sans doute pas les moyens de s’assurer qu’elles appliquent correctement les normes IFRS. - La question des hypothèses. Pour un certain nombre de comptes, des hypothèses doivent être posées et leur choix dépend dans certains cas du degré d’optimisme ou d’aversion au risque du chef d’entreprise. On peut tout à fait imaginer que des entreprises évoluant dans un environnement économique comparable retiendront en toute bonne foi des hypothèses différentes sur leur environnement, déterminantes par exemple pour actualiser des provisions ou choisir une durée d’amortissement d’un actif spécifique. Il peut devenir dès lors beaucoup plus difficile de construire des référentiels sectoriels et de comparer les
entreprises les unes par rapport aux autres. Ce ne serait pas le moindre des paradoxes pour une méthode qui vise à améliorer la comparabilité des comptes. Les comparaisons internationales entre grandes entreprises seront certainement facilitées car on part d’une situation où les normes comptables sont hétérogènes entre pays..Pour les PME françaises en revanche on part d’une situation où de nombreuses règles garantissent une homogénéité des présentations, des modalités d’établissement des différents postes. Or pour les PME n’est-il pas plus intéressant de pouvoir compter sur des comparaisons robustes avec des référentiels nationaux présentant quelques limites au regard d’une mesure réellement économique, plutôt que de disposer d’un référentiel complexe, orienté sur l’amélioration des comparaisons internationales, mais susceptibles d’entraîner une hétérogénéité accrue (par rapport à la situation actuelle) lorsqu’il s’agit de comparer des entreprises d’un même pays ? En matière de risque les hypothèses IFRS autorisent à modifier les hypothèses d’une année sur l’autre. Même si cette modification doit être explicitée dans l’annexe, une gestion quantitative de comptes pourra difficilement intégrer cette dimension qualitative… Comment analyser alors les trajectoires d’entreprises dont la connaissance est essentielle aussi bien dans une approche préventive de la défaillance que pour repérer les entreprises à fort potentiel de croissance ? - Perte de diversité des indicateurs. L’apport important du Plan Comptable Général de 1982 est une cascade riche en matière de soldes intermédiaires de gestion : valeur ajoutée, excédent brut… Les concepteurs des normes IFRS ont cherché la meilleure manière d’évaluer les différents postes d’actifs et de passif du bilan pour donner une juste valeur des capitaux engagés par un investisseur extérieur dans l’entreprise. D’où un intérêt moindre pour la finesse des indicateurs pouvant être tirés du compte de résultat. Or une bonne analyse du risque comporte nécessairement une confrontation importante des opinions sur la base de l’utilisation de différents indicateurs. Une réduction du nombre d’indicateurs serait extrêmement pénalisante, qu’il s’agisse de préserver la diversité des opinions, ou de favoriser le recherche en sciences de gestion et la richesse des outils d’aide à la gestion sur lesquels peuvent s’appuyer les chefs d’entreprise. Précédemment l’importance de la valeur ajoutée pour l’analyse macroéconomique a été soulignée. Elle est également un indicateur extrêmement important pour l’analyse individuelle d’entreprise. - La question de la juste valeur. La Banque de France comme la BCE ont pris des positions très nettes attirant l’attention sur les risques d’application de la juste valeur aux créances et aux dettes. Pourquoi ces réserves ? Les enjeux sont particulièrement importants pour la comptabilité bancaire dont il n’est pas propos ici. Ces enjeux concernent aussi la comptabilité d’entreprise. Si des fluctuations de valeur importantes sont constatées, le suivi de la trajectoire d’entreprise devient problématique : les évolutions sont-elles imputables à des variations organiques de l’entreprise ou des variations de valeur ? De plus le recours aux annexes pour comprendre les méthodes d’évaluation des entreprises augmente le coût unitaire d’analyse du risque de crédit ce qui se retrouve sur le coût du crédit. Enfin, avec la juste valeur généralisée, si elle devait s’appliquer, on peut se demander comment les managers d’entreprises pourront gérer les incitations, notamment sur quelle base économique établir le juste dividende à payer aux actionnaires ? Comment établir une politique salariale sans compte de résultat mais avec un compte de performance ? Les salariés doivent-ils profiter d’une part d’augmentation de la valeur des actifs ? Ainsi, alors qu’il est possible de mettre en œuvre des politiques salariales sur la base d’un partage de la valeur ajoutée, indicateur non affecté par les variations de juste valeur, il n’existe plus de référence objective en matière de discussion salariale autour d’un concept de juste valeur… On se trouve face à un nouveau paradoxe : alors que les normes IFRS privilégient les marchés financiers comme récipiendaires de l’information financière, considérant, souvent à juste titre, que c’est le lieu privilégié de l’obtention de l’optimum économique, des agences de notation se spécialisent dans le risque « éthique » ou « environnemental » de l’entreprise. De nouvelles approches de l’entreprise apparaissent, fondées sur des informations non comptables et relativisant la place centrale qui est conférée aux états comptables comme source d’information des marchés financiers.
Quelle démarche adopter pour maîtriser les risques attachés à une transposition non maîtrisée des normes IFRS aux PME ? Comment transformer les risques en opportunités ? Le cadre comptable actuel correspond plutôt bien aux besoins des banques en matière d’analyse du risque de crédit des Pme. L’extension des normes aux Pme entraîne des coûts de changement. C’est également vrai pour les banques. Comment les maîtriser ? Le débat autour de l’extension des normes IFRS aux Pme doit se poursuivre autour de trois idées : - Nécessité d’un raisonnement en terme de coûts – avantages. Le système français est moins sophistiqué à certains égards que le système IFRS, en revanche il s’applique à toutes les entreprises. Les normes IFRS s’appliquent à un petit nombre d’entreprises, celles qui font appel aux marchés financiers. Aux USA, la majorité des entreprises n’est pas concernée par le référentiel IFRS. Nous avons donc un compromis à faire entre un petit nombre d’entreprises susceptibles d’établir des comptes très sophistiqués ou un grand nombre d’entreprises susceptibles d’établir des comptes robustes mais peu sophistiqués. - Les principaux utilisateurs des comptes des Pme aujourd’hui sont les chefs d’entreprise euxmêmes, l’administration fiscale pour calculer l’impôt et les banques. Un raisonnement « démocratique » consisterait à dire que les catégories qui utilisent le plus les comptabilités d’entreprises devraient également peser le plus lourd dans la mise en place des normes comptables… - Enfin, du fait des limites des comptes IFRS, beaucoup d’arguments plaident en faveur du maintien d’un cadre conceptuel spécifique pour les entreprises ne faisant pas appel public à l’épargne. On peut s’interroger à cet égard sur l’idée d’application d’un cadre IFRS « allégé » qui conserve le cadre conceptuel IFRS mal adapté aux besoins spécifiques des Pme.
Edouard Salustro, Vice président de la Commission des Comptes des Services, Président d’honneur du Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts Comptables : « Les normes IFRS favorisent-elles la transition vers un capitalisme financier ? » Je commencerai par m’appuyer sur les réflexions d’un des plus grand spécialiste de la financiarisation, Michel Aglietta, pour lequel la montée en puissance de la finance de marché au milieu des années soixante-dix a largement remodelé les caractéristiques du capitalisme contemporain. Les IFRS amplifient-ils le mouvement vers une financiarisation ou constituent-ils simplement une étape dans la vie de l’information financière ? Toujours selon Aglietta, ce processus de financiarisation procède d’un double mouvement – croissance de la liquidité des marchés et profondeur des marchés – avec l’apparition puis le renforcement des fonds d’investissement et d’un ensemble de structures et d’instruments qui produisent une donne financière nouvelle. En l’espace de 25 ans nous sommes passés d’une économie dont le financement était largement influencé par les banques à un financement faisant désormais appel aux fonds propres et autres produits dérivés, au point que la partie non réglementée des marchés l’emporte sur la partie réglementée. Les risques systémiques qui en découlent marquent à l’évidence l’importance du débat sur les IFRS. Dans ce contexte, le besoin de communication financière sur lequel ont insisté les communications précédentes apparaît extrêmement pressant. Les projections à court terme des investisseurs sont aujourd’hui une réalité avec des risques non négligeables. Durant de nombreuses années, une économie basée sur le financement d’endettement se satisfaisait d’une comptabilité rendant compte des activités, cherchant à en apporter des preuves. Il ne s’agissait en aucun cas de se projeter vers l’avenir. La doctrine comptable évolue et assimile peu à peu les normes internationales : une appropriation continue a lieu car le besoin est là. L’union européenne a peu fait pour qu’un tel processus s’enclenche ; bien au contraire elle s’est révélée totalement inapte à assurer un processus de normalisation comptable. Ainsi il était très difficile d’introduire des modifications des normes choisies. C’est pourquoi la commission européenne a longtemps lutté contre l’IASC. Aujourd’hui les IFRS sont devenus un instrument communautaire au service du marché unique et de l’économie européenne. Nous avons vu au cours de ce séminaire un aperçu des changements introduits sous la forme substantielle et formelle, mais des transformations importantes ont lieu pour nos institutions telles le code de commerce, le code civil… Bref l’édifice français dans son ensemble.
Concernant les PME et les IFRS le centre national des professions financières a produit une petite étude à ce sujet dont je vous livre les conclusions. Il importe de redire que seules les entreprises qui opèrent sur les marchés sont concernées par le débat. L’IASB reste discrète sur le sujet de l’extension des normes à l’ensemble de la population d’entreprises. Que pourrait-il advenir ? - Le passage aux normes IFRS de toutes les entreprises parait tout bonnement infaisable car beaucoup trop coûteux pour certaines Pme (retraitements comptables…) - Pourrait-on accepter le fait accompli de deux populations d’entreprises différentes ? Pas davantage. - La progressive assimilation par les Pme de certaines normes, notamment celles qui leur permettraient de jouer le jeu de la concurrence est envisageable. Je pense notamment aux Pme travaillant dans le secteur « high tech », ou ayant d’importantes relations internationales. Notre système doit permettre de trouver une solution intermédiaire qui concilie la stabilité du cadre réglementaire des Pme et une prise en compte de la globalisation comptable. La France devrait ainsi entreprendre une action de lobbying en amont auprès de l’IASB et des institutions européennes et en aval via l’élaboration par le CNC de normes dérivées appliquées aux Pme françaises, d’où la nécessité d’un important travail d’interprétation qui n’a pu être abordé cet après-midi. Les Pme auraient alors sans doute les moyens de s’approprier les normes intéressantes des IFRS et pourraient ainsi, pour les plus dynamiques d’entre elles, accéder à de nouveaux marchés financiers. Dans ce contexte, les autorités régulatrices, les organisations professionnelles et l’Etat doivent accompagner ces entreprises dans le but de faciliter le passage aux normes IFRS. Cela appelle bien évidemment une décision de nature politique.
Intervention de Jérôme Haas, MINEFI / DGTPE On aura compris que le domaine de la fabrication et de l’application des normes comptables est aujourd’hui extraordinairement mouvant. Que fait le ministère des finances dans ce domaine qui relève de sa responsabilité ? Je souhaite avant tout faire passer un message fort. Le choix qui a été fait est un changement majeur avec des objectifs clairs : des normes comptables modernes, efficaces, comparables, internationales mieux adaptées à la réalité des entreprises. La manière dont le système de fabrication et de mise en œuvre des normes comptables s’est transformé en passant des normes nationales aux normes internationales est un choc plus important que ce que nous avions anticipé. Nous devons tenter de piloter ce changement à l’international comme en France de façon à ce que les promesses des normes IFRS – comparabilité efficacité technique, meilleure prise en compte de la réalité financière – soient tenues. Quelles évolutions ont déjà eu lieu ? Une première évidence : ce n’est plus le régulateur national qui fait les règles ! Dorénavant les accords doivent avoir lieu à 25 ; de plus nous sommes dans une situation de pilotage d’un système privé global (l’IASB) ce qui est tout à fait nouveau. Il a déjà été dit que le point de vue dominant est dorénavant celui de l’investisseur et du marché. L’approche est financière et seuls comptent les bilans établis à des dates de plus rapprochées… Les références et le vocabulaire ont totalement changé. Je ne reviendrai pas sur la question de la juste valeur. Les changements apportés sont considérables. Ainsi il faut dorénavant être capable calculer la valeur sur la base d’un calcul mathématique actualisé. De véritables chocs conceptuels ont eu lieu, qui ont posé la question du pilotage du système (norme IAS 39, systèmes des concessions…) S’il est vrai que le changement est considérable, il est pour l’heure circonscrit aux entreprises cotées et à leurs comptes consolidés. Quels sont les enjeux à venir et comment les aborde t-on ? - La question internationale : l’articulation entre la partie du monde qui a déjà choisi les IFRS et le reste du monde. Une certaine compétition a lieu entre les normes américaines et les normes IFRS. D’où le risque que les normes IFRS changent encore par attraction des normes américaines. - Les questions de stabilité financière : plus la juste valeur est appliquée dans les comptes, plus les résultats sont volatiles, d’où un risque de volatilité des marchés qui peut se transformer en risque systémique. Autre exemple comment trouver la pertinence de ces normes lorsqu’il s’agit de mesurer des instruments financiers extrêmement complexes ? - De façon plus juridique et plus classique, comment organiser la reconnaissance mutuelle avec les américains, les japonais… et les modalités d’interprétation des comptes ?
- Sur la question de l’interprétation de façon générique : qui fait quoi au plan international, européen, national ? Les normes IFRS sont basées sur des principes dont l’application est libre. Comment rendre cela compatible avec la promesse de comparabilité des comptes ? - Sur le sujet des Pme : beaucoup de changements ont déjà eu lieu au sein du plan comptable général. L’idée est sans doute moins de favoriser une convergence avec les normes internationales que d’utiliser dans ces normes tout ce qui favorise une opération de modernisation du système français qui avait de vrais défauts. Cette démarche a été encadrée afin d’éviter de déstabiliser l’équilibre d’ensemble, notamment sans créer de risques juridiques ou fiscaux. Le projet de l’IAS actuellement proposé pose problème : il n’est pas réellement simplificateur et laisse présente toute une série de risques qui ont déjà été évoqués. Il importe donc d’entreprendre un vrai travail : toutes les entreprises ont-elles besoin de comptes sophistiqués, comparables à l’international ? Sans doute pas. D’où la nécessité de travailler sur une nouvelle catégorisation d’entreprises même si cela est contraire à l’esprit de notre droit. Quel est le degré de plus ou moins grande simplification jugé utile ou possible ? Quels sont les concepts qu’il est acceptable d’importer en droit français ? Quelles sont les conséquences sur toutes les autres branches du droit ? Comment favoriser la compétitivité de nos entreprises sur les marchés ? Ces réglages restent à faire. Il importe qu’un débat s’instaure en France afin que l’intérêt général soit déterminé de façon à aborder efficacement les débats européens et internationaux. Discussion avec la salle. Pierre-François Couture : Dans le projet de réflexion au niveau européen sur la déclinaison aux Pme des nouvelles normes, le seuil de 250 salariés est-il maintenu ? Sur la perte de l’outil de mesure de la valeur ajoutée : pourquoi serait-ce le cas en gardant des comptes de résultat par nature de charge ? Jérôme Haas : Sur le premier point aujourd’hui rien n’est décidé. Ce que produit l’IASB n’est rien d’autre qu’une maquette sur ce que seraient les normes applicables aux Pme, la définition de celles-ci est en suspens. Christophe Marion : Rien n’interdit de conserver l’indicateur lorsque le compte de résultat est présenté par nature. Sur la question de la Pme, le cadre d’information des IFRS n’est pas applicable à cette catégorie d’entreprise où l’investisseur, qui est souvent la même personne que le dirigeant, n’a pas besoin des IFRS… Les Pme ont surtout besoin de croître afin d’accéder aux marchés financiers ; les normes doivent viser une « compatibilité ascendante ». Concernant la valeur ajoutée, le cadre IFRS n’a pas tranché sur la présentation du compte de résultat. François Mouriaux : Le souci vient du fait que précisément l’option est ouverte. Certaines entreprises auront une préférence pour la présentation des comptes par destination, d’autres opteront pour une présentation par nature de charge. Deux modes de présentation du compte de résultat apparaissent ce qui est une catastrophe pour un gestionnaire de bases de données. La discussion est ouverte, c’est pourquoi il importe de sensibiliser autour de cet enjeu. Christophe Marion : Il existe d’autres moyens que des plans de compte figés tels qu’on a eu besoin de les élaborer à certaines époques pour faire apparaître des informations intéressantes. Il serait possible de s’accorder sur les informations dont nous avons besoin, leur stockage dans un système de type « base de données » sur lequel on se mettrait d’accord et qui pourrait être « lu » de différentes manières. Un projet de ce type existe déjà : le projet XBRL (eXtensible Business Reporting Language). L’IASB promeut ce projet de façon importante et propose sur son site des démonstrations. Jérôme Haas : Le projet XBRL est un projet SEC (l’AMF américaine) et n’est pas neutre. Au fonds il n’existe pas de présentation neutre. Il importe donc d’être très clair sur nos besoins et débattre pour obtenir leur prise en considération. La technologie ne résoudra pas les problèmes. Considérant la segmentation des entreprises, celles qui émettent sur les marchés ont déjà l’obligation de produire leurs comptes en IFRS et les autres peuvent le faire en travaillant leur stratégie progressivement. Jean-Marc Beguin : Concernant ces débats autour de la segmentation, est-il clair pour tout le monde que l’appartenance à un groupe est un critère évident ? Ou le raisonnement s’opère t-il exclusivement sur un critère de taille ce qui reviendrait in fine à reprendre le découpage purement juridique des entreprises ? Jérôme Haas : 100% des sociétés qui sont dans un groupe dont la mère est cotée sont soumises aux IFRS. Reste la question des groupes dont la mère n’est pas cotée, ce que j’appelle la consolidation à la française. Doit-elle ou non adopter les IFRS. Le débat n’est pas tranché. M. Vannier, Dge : Ne faut-il pas déconnecter la comptabilité et la fiscalité ? Edouard Salustro : Le sujet est trop vaste pour être traité maintenant… Juste un témoignage : j‘ai présidé un groupe sur ce thème à l’OCDE. J’avais appris l’existence de pays totalement alignés sur la fiscalité, d’autres étaient totalement déconnectés (comme les USA). La position médiane de la France me semble satisfaisante…
Nadine Levratto lève la séance et rappelle que la prochaine séance du séminaire aura lieu à l’IGPDE et traitera de l’internationalisation des Pme.