Faculté de Médecine ULP Strasbourg France Année 2002 (Obj 106) III PNEUMONIE BACTÉRIENNE CHRONIQUE : LA TUBERCULOSE.
1) Les lésions de la primo-infection tuberculeuse. a) Stade précoce. L'infection se fait par inhalation de bacilles provenant d’un malade porteur d’une lésion infe ctante. On ne connaît que par l'expérimentation la période toute initiale de l'inflammation : les germes provoquent dans les alvéoles un exsudat minime et transitoire de polynucléaires ne utrophiles. Après deux jours s'observe une diapédèse de macrophages ingérant les bacilles de Koch, également phagocytés par les macrophages résidents. Les bacilles n’y sont pas détruits : ils survivent, sans doute en inhibant par leurs sulfatides (glycolipides membranaires) la fusion lysosomes-phagosomes. Après quelques jours de multiplication bactérienne intra-cellulaire les macrophages et sans doute des bacilles extracellulaires migrent
passivement vers les ganglions régionaux par les vaisseaux
lymphatiques. D’où deux phénomènes: 1- un passage via le système lymphatique dans le sang, responsable d’une migration à distance, avec arrêt possible des bactéries dans des sites favorables (apex pulmonaire, reins, épiphyse des os longs, corps vertébraux, méninges) et éventuellement multiplication bactérienne; 2- dans les ganglions, présentation des antigènes aux cellules T compétentes. Après quelques semaines une immunité cellulaire (retardée) T se développe, démontrée par les tests cutanés à la tuberculine.
Morphologiquement on observe que ces macrophages vont s'agréger, se collecter. Après 15 jours s'observe la fusion de quelques macrophages aboutissant à la formation de cellules géantes de Langhans, tandis que le nodule est entouré d'un manteau de lymphocytes T essentiellement suppresseurs, partiellement helper, puis d’une couche fibroblastique. Le granulome est ainsi constitué à la troisième semaine de l'inflammation. De couleur grise, il mesure de que lques mm à 2 cm et constitue le tubercule. A ce moment, le centre du granulome présente une nécrose infarctoïde (nécrose caséeuse) provoquée par les T suppresseurs CD8+ qui détruisent les macrophages infectés de BK : c'est la réaction d'hypersensibilité retardée, cellulaire. Les BK sont rares dans cette lésion et ne peuvent s'y multiplier, l'infection étant donc contrôlée. En périphérie s'observe une persistance du tissu granulomateux fusionnant avec les granulomes adjacents, la lésion augmentant ainsi lentement de taille. Des bacilles survivent dans les cellules du granulome.
Cette lésion pulmonaire de primo- infection peut siéger dans n'importe quel territoire du poumon. Cependant le risque est maximal dans les régions les plus ventilées (haut du lobe
Faculté de Médecine ULP Strasbourg France Année 2002 inférieur, bas du lobe supérieur). La lésion est unique et se trouve le plus souvent sous un épaississement fibreux de la plèvre. Il s'y associe une atteinte des ganglions lymphatiques du hile pulmonaire où s'observeront des lésions granulomateuses de même structure mais souvent plus volumineuses. Ces lésions ganglionna ires sont dues au drainage des bacilles de Koch dans les lymphatiques. L'ensemble de la lésion pulmonaire, de la lésion ganglionnaire et éventuellement de lésions situées sur le trajet lymphatique, constitue le complexe de primoinfection.
b) Evolution . Deux sont possibles : - La réparation. Elle se fait selon le cas par : -la résorption complète de la lésion. Elle est sans doute assez fréquente et correspond à l'ainsi nommée tuberculose infra-clinique. (On en soupçonne l'existence en raison d'une prévalence de la maladie supérieure à ce que suggèrent ces manifestations cliniques, à celle des tests tuberculiniques positifs, enfin à l'existence de lésions résiduelles décelées lors des autopsies);
-la formation d'une coque fibreuse autour du granulome et la calcification de la nécrose. Cette calcification survient 12 à 16 mois après la primo-infection. Compte-tenu de l'existence de la coque, les bacilles ne peuvent plus disséminer mais ils subsistent fréquemment dans cette lésion. Au total, dans 90% des cas, la primo-infection est simple et suivie de guérison, sachant que les bacilles peuvent subsister dans la lésion initiale ou dans telle ou telle localisation à distance.
- La tuberculose primaire évolutive. Elle se voit en particulier quand l'immunité naturelle est faible (tiers monde) Dans ce cas la réparation des él sions de primo- infection échoue : les bacilles de Koch survivant en abondance dans les cellules du granulome celui-ci s'étend, qu'il s'agisse des poumons ou des ganglions lymphatiques. Cette persistance de l'affection pourra se manifester d'une des manières suivantes : - le tuberculome . Il s’agit d'une lésion nodulaire et pseudo-tumorale à l'examen radiologique, représentant une lésion résiduelle du type précédent mais de plus grande taille. Des bacilles de Koch persistent au centre de la lésion, pourvue par ailleurs d'une coque scléreuse épaisse. En dehors des difficultés diagnostiques que provoque cette lésion pseudotumorale, elle représente donc une tuberculose dormante. Après quelques années ou quelques
Faculté de Médecine ULP Strasbourg France Année 2002 dizaines d'années, elle peut être à l'origine d'une dissémination secondaire des bacilles tuberculeux dans les bronches ou les vaisseaux. - le passage de caséum dans les bronches, peut provoquer la diffusion dans l'arbre bronchique lors de l'inspiration profonde consécutive à la toux provoquée par l'expectoration de caséum. Les fragments caséeux vont atteindre l'arbre bronchique en périphérie, ulcérer son revêtement et provoquer de multiples abcès tuberculeux, s'étendant ensuite au tissu pulmonaire adjacent : c'est la bronchopneumonie tuberculeuse.
- La dissémination hématogène. En début de primo -infection, la bactériémie paraît fréquente. En général les bacilles sont détruits par les macrophages, mais certains peuvent persister dans des sites favorables énumérés plus bas. Ces localisations sont à l'origine de la plupart des tuberculoses extra-pulmonaires.
2. Les lésions de la tuberculose secondaire.
Compliquant moins de 10 % des précédentes, c'est par définition une affection touchant un sujet déjà sensibilisé. (L'origine des germes donne lieu à un débat ancien et qui n'est pas clos : il peut s'agir de germes dormants datant de la primo -infection, notamment en cas de tuberculome résiduel, (« tuberculose de réactivation ») ou d'une nouvelle contamination (« tuberculose de réinfection »). Il est raisonnable d'admettre que dans les pays à incidence tuberculeuse faible, la tuberculose secondaire est endogène, la réactivation d’un « nidus » bactérien ancien pouvant se faire à l’occasion d’une immunodépression, tandis qu'à l'inverse elle est exogène dans les pays à incidence forte (tiers-monde).
La lésion initiale de la tuberculose secondaire est à peu près toujours située à l'apex d'un lobe supérieur : le BK étant un aérobie strict se développe dans les territoires où la tension d'oxygène est élevée (localisations rénales, méningées, etc...). Au cours de la dissémination hématogène qui s’est produite lors de la primo-infection, les bacilles se sont arrêtés à l'apex des poumons, région où la tension d'oxygène est la plus élevée, (celle-ci dépendant du rapport ventilation/perfusion, rapport augmentant de la base vers l’apex, ce qui paraît paradoxal car l'apex est la région la moins ventilée et la moins perfusée du poumon : en fait la perfusion diminue plus que la ventilation lorsqu'on se dirige des bases vers les régions apicales).
La tuberculose secondaire peut revêtir les formes anatomiques suivantes :
a) Lésions tuberculeuses apicales circonscrites : c’est le plus habituel. Plus volumineuses que dans la primo- infection, elles sont caséeuses. Si elles ne dépassent pas 1 à 2 cm, elles peuvent régresser et cicatriser : ainsi se constitue la tuberculose scléro-calcifiée apicale, dite arrêtée, accompagnée d'un emphysème périlésionnel. Il est à
Faculté de Médecine ULP Strasbourg France Année 2002 noter qu'elle peut se comporter comme un tuberculome c'est-à-dire conserver des germes résiduels.
D’autre part cette lésion localisée peut naturellement se situer ailleurs : rein, squelette, épid idyme, surrénale, trompe utérine.
b) La tuberculose secondaire évolutive : Dans ce cas se forme une lésion caséeuse qui va s'ouvrir à une bronche et s'étendre. Ainsi les cavernes vont englober les nodules satellites et entraîner une perte tissulaire importante d'où altération de la fonction respiratoire. Ces lésions localement sévères sont le caractère distinctif de la tuberculose. La lenteur d'extension de la caverne explique la rareté des hémoptysies : les vaisseaux sont en effet oblitérés au fur et à mesure de la croissance de la lésion. Cependant si l'avance du front lésionnel est plus rapide, ou si les vaisseaux sont atteints latéralement, s'observent alors des distensions artérielles, les anévrysmes de Rasmu ssen, parfois accomp agnés de rupture.
- Complications locales : 1) Si la cavité est supérieure à 1 ou 2 cm, elle peut persister après guérison. Ainsi se forme un pseudo-kyste, pouvant se compliquer d’un abcès et éventuellement d’un aspergillome (10 % des cas). 2) L'évolution locale de la lésion tuberculeuse s'accompagne souvent d'une extension à l'arbre bronchique avec constitution d'une bronchopneumonie tuberculeuse dans le reste du poumon et notamment les lobes inférieurs. A l'autopsie, ces lésions de bronchopneumonie sont d'ordinaire bilatérales. 3) L'atteinte pleurale est à peu près constante. La fibrose pleurale évoluant en sclérose souvent calcifiée peut être très marquée : pachypleurite post-tuberculeuse. 4) - Certains néoplasmes apparaissent au contact d'une cicatrice ancienne de ce type : c'est le cancer sur cicatrice, généralement un adénocarcinome.
En contraste avec l'importance de toutes ces lésions, les adénopathies sont beaucoup moins marquées que dans la primo -infection.
- Complications à distance :
1) La miliaire, dissémination granulomateuse multi-organique, est fréquente dans la tuberculose cavitaire. 2) Par déglutiton, des BK résistant au suc gastrique peuvent provoquer des lésions dans la partie terminale de l'iléon.
3. La tuberculose "non réactive".
Faculté de Médecine ULP Strasbourg France Année 2002 Son type est classiquement la miliaire tuberculeuse du vieillard. Elle survient lors d'une baisse des défenses immunitaires accompagnée d'une réactivation d'une lésion primaire ou secondaire quiescentes. Dans 50 % des cas le tableau est celui d'une baisse de l'état général, tandis que la radiologie ne montre aucune image décelable. Il n’est pas rare que le diagnostic soit une découverte d’autopsie. Histologiquement, les granulomes sont nécrosants mais l'infiltrat inflammatoire est peu abondant. Cependant, à la coloration de Ziehl, les bacilles sont innombrables. Ce type de tuberculose s'observe également en tant que complication des SIDA, des lymphomes malins et notamment de la maladie de Hodgkin ainsi que des leucémies, des diabètes déséquilibrés et des traitements immuno-suppresseurs. Ceci étant, la miliaire est granulomateuse, c’est à dire qu’il s'y observe une réaction de l’individu.
Une autre forme de tuberculose aréactive est la pneumonie tuberculeuse. Dans ce cas l’atteinte est diffuse, massive, les granulomes sont mal formés ou absents, témoignant d’un déficit sévère de la réaction immune. Les bactéries sont innombrables.