Travail pratique 2 Question 4- Vous approfondissez à l’aide d’un article de votre choix, un des concepts reliés à l’abus/négligence chez les personnes âgées. Votre apport consiste à faire ressortir les points principaux de l’article et de nous montrer comment ces connaissances vous aident à mieux comprendre le phénomène de l’abus/négligence auprès des personnes âgées. L’article choisi est celui intitulé Les mauvais traitements et la négligence à l’égard des personnes âgées écrit par Daphne Nahmiash (1998) La recherche sur la violence subie par les personnes âgées s’inscrit dans un cadre de sensibilisation plus large de violence familiale et sociétale en général. La violence conjugale, la violence subie par les enfants, la violence dans les médias sont autant de points sensibles sur lesquels l’on s’est attardé depuis une trentaine d’années. Cependant, la violence face aux personnes âgées est un peu différente des autres types de violence et c’est la raison pour laquelle elle sera explicitée plus en détail. La seule recherche empirique effectuée au Canada en 1990 sur ce phénomène montre qu’une personne âgée de 65 ans et plus sur 25 subit de la violence ou est maltraitée. Le plus inquiétant c’est le fait que la plupart du temps l’aidant naturel de l’aîné exerce de la violence ou fait preuve de négligence envers celui-ci. Pire encore, il est démontré que dans la majorité des cas, la personne qui exerce cet effet néfaste sur la personne âgée habite souvent avec elle, c’est à dire qu’elle est en contact très direct avec elle et la violence a plus de chance de rester cachée. Avant de traiter plus en détail de ce phénomène qui, soit dit en passant, n’est pas nouveau, il faut opérer une distinction entre la violence active et la violence passive (négligence). La violence active peut prendre plusieurs formes comme la violence physique, l’abus psychologique (humiliation, menaces, infantilisation, privation d’affection), l’exploitation financière et matérielle (usage abusif des biens de la personne âgée) et la violence à connotation sexuelle qui est très difficile à évaluer parce que les personnes âgées ont de la difficulté à en parler.. Il existe, également, un autre type de mauvais traitement dont la société tout entière est responsable; il s’agit de l’âgisme et tout comportement qui porte atteinte à la dignité de la personne. La répugnance que certains jeunes et adultes ressentent face à la vieillesse, à la maladie et à l’incapacité se fait sentir et cela est très blessant pour la personne âgée. Enfin, un autre type de violence active est 1
l’auto négligence, c’est à dire que c’est la personne âgée se prive elle-même de ce dont elle a besoin (nourriture, médicaments). Ce type de violence est différent des autres, car il n’y a pas d’agresseur, mais peut être dû à une dépression ou à un sentiment d’impuissance. Quant à la violence passive, elle consiste à refuser à la personne des soins nécessaires, de la nourriture ou d’autres articles nécessaires. Même passive, la négligence peut avoir des effets néfastes ou même fatals pour la personne âgée. Le pourquoi de la violence Il est très difficile de comprendre les causes des mauvais traitements et de la négligence à l’égard des personnes âgées. Plusieurs théories tentent d’expliquer les causes de violence à l’aide de divers modèles. Le modèle le plus répandu est le modèle situationnel selon lequel «les actes de mauvais traitements sont une réponse irrationnelle aux conditions environnementales et à une crise situationnelle» (Nahmiash, p.201). Cela implique que les facteurs de l’environnement (stress, problèmes familiaux) peuvent se combiner avec un passé de violence dans le cas de la personne soignante et à une dépendance accrue dans le cas de la personne âgée. Cette combinaison de stress personnel et d’autres facteurs autant personnels qu’environnementaux (de circonstance) peut mener à un climat de violence difficilement explicable autrement. Une autre théorie qui tente d’expliquer les causes de la violence c’est la théorie de l’échange social qui montre qu’il existe un déséquilibre croissant entre la personne âgée et l’aidant naturel à cause d’un moindre accès au pouvoir de la personne âgée. Donc, la personne âgée devient de plus en plus dépendante de l’aidant. Cependant, cette dépendance peut s’opérer dans le sens contraire également (Pillemer et Wolf, 1986), donc c’est l’agresseur qui est impuissant par rapport à sa victime. La présente étude effectuée en 1998 montre plutôt une relation de codépendance. La théorie de l’interaction symbolique est moins répandue que la première théorie mentionnée (le modèle situationnel). Cette théorie veut que la violence soit un phénomène cyclique et récurrent comprenant des étapes qui se répètent constamment, donc qui peuvent être prévisibles. Vésina (1996) va au-delà des trois théories mentionnées pour en ajouter une quatrième, soit l’apprentissage social. En effet, la violence peut être un comportement appris en société, qu’il s’agisse de la violence
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conjugale ou envers les personnes âgées. Une fois acquis, ce comportement peut se transmettre de génération en génération et il est quelques fois difficile de briser cette chaîne, surtout que la violence est souvent cachée des yeux des autres. Pour se sortir de la violence, la personne âgée devrait s’approprier son propre pouvoir (empowerment), ce qui est souvent difficile, car elle est plus vulnérable qu’une personne plus jeune : elle a des pertes de mémoire, des incapacités physiques et une confiance en soi déficiente. Donc, cette prise en main visant à briser le cercle de la dépendance et de la violence s’avère très difficile et c’est là que notre rôle d’infirmière et d’intervenante peut s’avérer très important. Les facteurs de risque pour les mauvais traitements et la négligence Avant de se lancer dans cette entreprise, il convient de connaître les facteurs de risque pour les mauvais traitements et la négligence. Une revue de littérature faite par Nahmiash (1998) permet de diviser les facteurs de risque en quelques catégories que voici : les facteurs de risque se rapportant aux personnes abusives sont l’alcoolisme, la toxicomanie, les troubles mentaux et affectifs, des antécédents de violence, le manque d’expérience dans l’octroi des soins et le fardeau que cette aide implique, ainsi que la dépendance (surtout d’ordre monétaire). Les facteurs de risque se rapportant au contexte social sont : les problèmes financiers, la violence familiale, l’absence de soutien social, les conflits familiaux, le logement inadéquat et la violence transmise d’une génération à l’autre. Quant aux facteurs liés aux normes culturelles, mentionnons l’âgisme, le sexisme, les attitudes culturelles face à la violence, les réactions aux comportements violents et les attitudes face aux personnes atteintes d’incapacité. Enfin, un dernier groupe de facteurs de risque se trouve à être lié au contexte socioéconomique : la pauvreté, le chômage et les lacunes qui existent dans le réseau de services sociaux et de la santé et dans les réseaux informels (organismes communautaires). L’on constate que les facteurs de risque peuvent être très nombreux et dans un cas réel, une combinaison de quelques-uns uns de ces facteurs peut engendrer la violence envers l’aîné. Pour simplifier la tâche des intervenants, six facteurs principaux de risque pour les mauvais traitements et la négligence ont été ressortis.
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La codépendance entre les personnes maltraitées et les personnes abusives
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L’isolement social, la manque de soutien social et le secret familial
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L’alcoolisme et la toxicomanie
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Le mode de logement
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Le sexe
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La dépression et la perte d’identité
(Source : Nahmiash, 1997)
Il convient, comme intervenant, de connaître chacun des facteurs afin de pouvoir intervenir plus efficacement dans les cas qui nous sont soumis. La codépendance : souvent, la personne âgée est dépendante de la personne qui l’aide, car elle ne peut pas faire ses courses toute seule et une foule d’autres activités nécessaires. Cependant, cette dépendance peut se manifester dans le sens inverse, c’est à dire que c’est l’enfant de cette personne qui est dépendant d’elle : il habite chez l’aîné et a besoin d’argent, quelques fois pour de la boisson ou de la drogue. La mère, de son côté, est aussi dépendante de cet enfant, car elle a peur de dormir seule la nuit et, en plus, elle se sentirait coupable si elle ne prenait pas soin de son enfant. Donc, cette codépendance est une situation risquée pour l’éclatement de la violence. L’isolement social : Il arrive souvent que la personne âgée soit isolée et ne parle des problèmes de violence à personne par peur de représailles. Quelques fois, il arrive qu’elle ait des amis, mais qu’elle persiste à se décrire comme isolée. Cette personne souffre d’isolement social et d’impuissance à dénoncer les actes violents dont elle est la victime à cause de la honte et de la peur de l’agresseur. L’alcoolisme et la toxicomanie : L’aidant naturel toxicomane ou dépendant de l’alcool a souvent une relation de dépendance financière avec l’aîné (mère ou père). De son côté, la personne âgée a peur de se retrouver seule et de faire du tort à la personne à laquelle elle tient et qui est financièrement dépendante d’elle. Les problèmes de toxicomanie et d’alcoolisme impliquent la codépendance en général et peuvent être résolus à l’aide des ressources spécialisées. Comme intervenant, il faut diriger les agresseurs vers les ressources spécialisées dans ce domaine pour ainsi s’attaquer au cœur du problème. Le mode de logement : Le fait d’habiter dans la même maison constitue un facteur de risque quant à l’éclatement de la violence. De plus, lorsque le logement est surpeuplé, les
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éclats de violence sont plus fréquents, surtout envers la personne dépendante, en occurrence la personne âgée. Habiter dans la même maison ou tout près de l’agresseur permet à cette violence ou négligence d’être cachée et difficile à déceler. Le sexe : Les femmes âgées courent plus de risques d’être maltraitées que les hommes du même âge (Nahmiash & Reis, 1998), cependant les hommes sont aussi maltraités et abusés financièrement. Les mauvais traitements physiques sont plus violents chez les femmes que chez les hommes. La dépression et la perte d’identité : Souvent, la personne âgée maltraitée ainsi que l’agresseur peuvent faire état de dépression. Phénomène plus fréquent chez les femmes, la perte d’identité survient après des années passées à s’occuper des autres, comme un mari ou un enfant abusif. Ce sentiment de manque d’identité survient surtout après que la personne maltraitée ait été séparée de son agresseur. Le rôle de l’infirmière intervenante En première instance, l’infirmière intervenante se doit de mettre un terme à la situation d’impuissance vécue aussi bien par l’agresseur que par la personne maltraitée. L’auteur propose un schéma d’action dont nous, comme intervenants, ferons l’expérience puisque les étapes décrites n’ont pas encore été validées empiriquement. Nous avons, donc, comme rôle de vérifier l’efficacité de ces interventions. Voici, donc, les sept étapes proposées afin que la personne âgée ainsi que son aidant puissent s’approprier leur pouvoir personnel et sortir de cette codépendance, si risquée pour l’engendrement de la violence. 1- En première instance, il faut que les personnes en cause, soit la personne victime des mauvais traitements et celle qui les lui inflige volontairement ou involontairement, entrent en contact avec un intervenant. L’infirmière est souvent celle qui détecte cette situation et peut référer les deux personnes aux ressources appropriées. Il s’agit, pour l’infirmière intervenante, de faire comprendre aux deux personnes quels sont les facteurs qui favorisent la situation de codépendance et d’abus. 2- Deuxièmement, il faut donner l’occasion aux personnes en jeu de raconter leur histoire. Il faut les inciter à parler de leur vie, de leur perception de la violence
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familiale. Tous les moyens sont bons pour amener les personnes à s’exprimer : le chant, la poésie, les dessins ou tout moyen qui permet à l’infirmière intervenante à comprendre ce qui se passe dans la vie des personnes concernées. 3- En s’exprimant, la personne abusée prend conscience des images négatives qu’elle a intériorisées pendant toute sa vie. L’énergie qui s’en dégage est négative, mais cette prise de conscience, bien que déplaisante, est nécessaire dans ce processus. Cette énergie négative devra être changée en énergie positive une fois les démons du passé dévoilés. De cette manière, elle pourra débuter par s’approprier son pouvoir personnel. 4- Maintenant que la personne abusée a pris conscience de ce qui ne va pas dans sa vie, une action s’impose. Le rôle de l’infirmière intervenante est important à cette étape, car il doit aider la personne à briser son isolement. La référer à un groupe d’entraide pour personnes ayant aussi subi des mauvais traitements peut constituer un bon moyen pour que la personne ne se sente plus seule et isolée. Les personnes en difficulté ont besoin de soutien et d’accompagnement, qu’il s’agisse de la personne abusée ou de celle qui abuse. 5- À cette étape, il s’agit de ramasser tous les éléments de preuve concernant l’abus pour les présenter devant le tribunal, si tel est le cas, ou pour prendre d’autres mesures pour résoudre le problème. Une bonne connaissance du dossier permet à l’infirmière intervenante d’avoir une vision claire sur ce que doit être fait pour que la situation difficile cesse. Des moyens simples comme de dépôt direct des chèques de pension (pour enrayer l’exploitation financière) ou le changement de serrure peuvent s’avérer des solutions efficaces. 6- Il faut utiliser le plus possible les ressources disponibles comme les services de répit, les Alcooliques anonymes ou les centres de désintoxication, selon le cas. Les groupes d’entraide peuvent aider énormément les personnes en cause et la personne qui a réussi à résoudre ses problèmes est encouragée à rester dans le groupe pour donner l’exemple d’une démarche réussie d’appropriation du pouvoir personnel, malgré la situation d’abus. Cette intervention visant l’appropriation du pouvoir se fait sur le plan individuel, interpersonnel (en groupe) et collectif et ces
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interventions se font dans l’ordre mentionné. Il importe que les personnes traitées passent par les trois étapes mentionnées. 7- Cette dernière étape constitue la synthèse de toutes les autres : il faut que la personne abusée maîtrise sa vie. Il s’agit de prendre ses décisions librement, de participer aux activités qui lui conviennent et, surtout, d’arrêter à se sacrifier indûment pour les autres. Cette dernière étape implique une lutte importante, surtout pour les femmes âgées qui ont fait des sacrifices pour les autres toute leur vie. Mais il existe des solutions, il s’agit de sortir, de faire des activités valorisantes afin d’arriver à se percevoir comme un individu indépendant et à part entière. Le phénomène d’abus envers les personnes âgées est assez difficile à analyser à cause, notamment, des formes multiples que peut prendre la violence. D’où la nécessité d’opérationnaliser les concepts et de proposer des définitions des facteurs de risque qui peuvent mener à la violence. Ainsi, dans cet article, six facteurs de risque ont été retenus, d’où le plus important c’est la codépendance entre les personnes maltraitées et les personnes abusives. En ayant une vision plus claire des facteurs de risque, l’on peut intervenir plus efficacement dans le cas d’un abus. L’intervention qu’on devrait privilégier vise, notamment, à mettre un terme à la situation d’impuissance sentie par la personne abusée et, quelques fois, par la personne qui abuse également. L’article m’a été d’une grande aide, car il a mis l’accent sur les étapes d’intervention que je devrai utiliser dans le cas d’un abus. Ces étapes sont très importantes dans le cheminement difficile de la personne qui doit, souvent à un âge avancé, à s’habituer à prendre sa vie en main. Heureusement, l’existence d’un certain nombre de ressources et de groupes d’entraide peuvent faciliter la tâche. L’appropriation du pouvoir personnel doit se faire, cependant, sur le plan individuel en premier, avant de passer au plan interpersonnel et collectif, d’où le rôle crucial de l’infirmière comme intervenante.
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