Retrouvez la retranscription de l’intervention du général de Gaulle concernant l’Otan : "Beaucoup croyaient impossible, il y en a même qui disaient que c’était ridicule, dangereux pour notre sécurité, ou bien de nature à compromettre notre situation internationale, le fait que la France recouvrerait son indépendance en matière de Défense. Elle le fait pourtant bel et bien. Et on ne voit pas jusqu’à présent quel drame cela a pu entraîner. Dès à présent, bien que l’Alliance Atlantique demeure telle que nous l’avons conclue en 1949, il ne subsiste pour nous aucune subordination ni actuelle, ni éventuelle de nos forces à une autorité étrangère. Dans 5 mois, aucun état-major, aucune unité, aucune base d’aucune armée alliée, ne resteront sur notre territoire. Les militaires, les matériels, les navires, les avions qui souhaiteront passer par chez nous, le feront en vertu d’une autorisation que nous leur donnerons au cas par cas, et pour le temps limité où ils seront en France, ou dans nos eaux ou dans notre ciel, et bien ils référeront aux ordres du commandement français. En même temps, nous faisons notre force atomique [...] Nous rendons leur caractère complètement national à nos armées de terre, de mer, de l’air en fait de commandement, d’opération, de formation, tout en les modernisant à tous égards, et en les dotant de matériel fabriqué chez nous ou pour certains avec la participation d’un autre pays d’Europe. On ne voit pas que le pays soit ruiné puisque, par rapport à son budget total, il ne dépense pas plus qu’il ne dépensait avant. On ne voit pas, non plus, qu’il soit plus menacé, personne ne croit que le danger d’invasion grandisse. Et on ne voit pas que nous en soyons déconsidérés, car bien au contraire, tous les jours, partout, tous les signes démontrent l’impression salutaire que produit la réapparition de la France au rang des grandes puissances. Et d’ailleurs, c’est là le fond de la question. Une situation internationale dans laquelle deux super états auraient seuls les armes susceptibles d’anéantir tout autre pays, auraient seuls les moyens par la dissuasion d’assurer leur propre sécurité, tiendraient seuls sous leur obédience chacun son camp de peuples engagés, cette situation à la longue ne pourrait que paralyser et stériliser le reste de l’univers placé ou bien sous le coup d’une concurrence écrasante ou bien sous le joug d’une double hégémonie qui serait convenue entre les deux rivaux [...]. L’accession de la France à la puissance atomique et son accession à son indépendance en matière de Défense sont pour elle désormais une garantie essentielle et sans précédent de sa sécurité propre." Concernant l’indépendance de la France : "Si les circonstances changent autour de nous, en vérité, il n’y a rien de plus constant que la politique étrangère de la France [...]. Cette politique tend essentiellement à ce que la France soit, et demeure, une nation indépendante. Pourquoi ? Pour qu’elle joue son rôle à elle dans le monde. En vue de quoi ? En vue de l’équilibre, du progrès, et de la paix. Ça ne veut pas dire, bien entendu, contrairement à ce que certains affirment, que nous voulions rester isolés. Et que jamais nous ne devions, nous ne voulions lier notre action à celle des autres. Bien au contraire ! Nous n’avons pas vécu aussi longtemps et aussi durement comme peuple au milieu des peuples sans avoir appris que nos moyens ont leurs limites, que notre géographie nous expose à de grands périls, que notre économie exige des échanges, que notre progrès est conjugué avec celui de l’humanité, que par conséquent, il nous faut nécessairement coopérer avec des partenaires. L’indépendance, cela signifie que ce que nous jugeons bon de faire, et avec qui, nous en décidions nous-mêmes, sans que cela nous soit imposé par aucun autre État et par aucune collectivité.
Il est vrai que parmi nos contemporains, il y a beaucoup d’esprits, et souvent non des moindres, qui ont envisagé que la France renonçât à son indépendance, sous le couvert de tel ou tel ensemble international. Ayant ainsi remis à des organismes étrangers la responsabilité de notre destin, nos gouvernants n’auraient plus, selon l’expression consacrée par cette école de pensée, qu’à y plaider le dossier de la France . Il faut dire que l’affaiblissement relatif que nous avions subi à la suite des deux guerres avait l’air de donner un argument à ces champions de notre effacement. Et d’autre part, il y avait des idéologues qui enrobaient l’abandon dans de plus ou moins séduisantes théories. Ainsi certains, s’exaltant au rêve de l’international, voulaient-ils voir notre pays se placer comme eux-mêmes se plaçaient, sous l’obédience de Moscou. Ainsi, d’autres, évoquant le mythe supranational, ou bien le péril de l’Est, ou bien l’avantage que pourrait trouver l’Occident atlantique à unifier son économie, ou bien encore l’utilité grandiose d’un arbitrage universel. Prétendaient-ils que la France laissât sa politique se fondre dans une Europe fabriquée tout exprès, sa défense dans l’Otan, sa conception monétaire dans le fonds de Washington, sa personnalité dans les Nations Unies, etc. Certes, il est bon que ces institutions existent, et nous avons souvent avantage à en faire partie. Mais si nous avions écouté leurs apôtres excessifs, ces organismes où prédominent, tout le monde le sait, la protection politique, la force militaire, la puissance économique, l’aide multiforme des ÉtatsUnis, ces organismes n’auraient été pour nous qu’une couverture pour notre soumission à l’hégémonie américaine. Ainsi, la France disparaîtrait, emportée par les chimères. Au contraire, pour ma part, qui ne le sait, je n’ai jamais cessé d’inciter notre pays à assumer son indépendance et c’est cela qui fait l’unité d’une politique depuis l’origine, d’une politique qui est devenue, par la volonté du peuple celle de la République. On ne voit pas d’ailleurs que la France et le monde s’en trouvent mal. Et même, il semble que ce que nous entreprenons au-dehors et les attitudes que nous prenons sont en définitive utiles à tous, et notamment à nos amis américains." Lire aussi :