Montage De Projet Cadre Logique

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Les documents de travail de la Direction scientifique mars 2005

Coopérer aujourd’hui no 43

➤ Daniel Neu (Gret)

Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre Un outil pour faciliter la conception, la présentation et la conduite d’un projet

Les « tableaux logiques simplifiés », Tome 1

Représenter de façon synthétique la logique interne d'un projet est un exercice utile, voire indispensable : pour le concevoir, pour le présenter à d'autres acteurs, pour le piloter. Cela permet de confronter les points de vue et analyses des acteurs concernés, de se mettre d'accord sur ce que l'on veut faire et comment. « Le tableau logique » ressemble au « cadre logique » de l'Union européenne, mais il n'en a pas la rigidité. C'est un outil polyvalent et souple d'utilisation. Pratique, il peut avoir sa place dans la boîte à outils des acteurs de tout projet. Mais il se suffit rarement à lui-même : il sert aussi à fabriquer d'autres outils utiles à la programmation, au suivi et à l'évaluation de projet. Il facilite la construction de « cadres logiques » des bailleurs de fonds.

Groupe de recherche et d’échanges technologiques

Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

Sommaire Synthèse............................................................................................................................... 3 Introduction ........................................................................................................................ 5 I.

Définition, allures, principaux usages et limites....................................................... 7

1.

Définition et allures................................................................................................. 7 1.1 La logique d’intervention d’un « projet » ............................................................. 7 1.2 Un mode de représentation simplifiée................................................................... 9 1.3 L’allure des tableaux logiques simplifiés............................................................ 10

2.

Principaux usages.................................................................................................. 13 2.1 Débattre, vérifier la cohérence et fabriquer d’autres outils................................. 13 2.2 Un outil certes pratique et polyvalent, mais limité ............................................. 15

3.

Son usage aux premiers stades de la conception d’un projet............................ 17 3.1 Aux différentes étapes du « cycle des projets » .................................................. 17 3.2 Illustration : le projet « la santé c’est le savoir »................................................. 19

II. Notice de construction .............................................................................................. 29 1.

Méthode générale .................................................................................................. 29 1.1 Le principe de construction en théorie ................................................................ 29 1.2 Le principe de construction illustré..................................................................... 31

2. Conseils pratiques : « Le tableau logique simplifié » en deux temps et dix mouvements....................................................................................................................... 33 2.1 Commencez par finaliser un morceau................................................................. 33 2.2 Si nécessaire, complétez votre première version incomplète.............................. 34 2.3 Objectifs visés, résultats attendus, activités prévues........................................... 38 3.

Petite Cuillère sans Frontière : le retour ............................................................ 41 3.1 Le tableau logique simplifié du projet « la santé c’est le savoir » ...................... 41 3.2 Un dernier conseil : ne confondez pas clef anglaise et boîte à outils.................. 45

Gret - Coopérer aujourd’hui n° 43

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Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

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Coopérer aujourd’hui n° 43

Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

Synthèse

« Ce qui se conçoit clairement s’énonce clairement », dit-on. Représenter de façon synthétique la logique interne d’un projet est un exercice utile, voire indispensable : pour le concevoir, pour le présenter à d’autres acteurs, pour le piloter. Cela permet de confronter les points de vue et analyses des acteurs concernés, de se mettre d’accord sur ce que l’on veut faire et comment, de vérifier la cohérence interne de l’action prévue, d’agir à plusieurs dans une direction commune. Garder à l’esprit cette logique, et les hypothèses qui la sous-tendent, est nécessaire en cours d’action lorsqu’on s’affronte à la complexité du réel, pour pouvoir garder le cap ou au contraire réviser la stratégie. Avec le « cadre logique », les bailleurs de fonds, à la suite de l’Union européenne, ont mis en place un outil censé jouer ce rôle. De fait, le cadre logique a l’avantage de donner une telle vision synthétique, avantage qui a souvent été nié par les opérateurs, qui n’y voyaient qu’un outil pour rigidifier les procédures et accroître le contrôle bureaucratique. De fait, gérant de nombreux dossiers de nature très différente, les bailleurs de fonds ont besoin de procédures normalisées et d’outils standardisés. Les cadres logiques des bailleurs couplent ainsi plusieurs objectifs, celui d’une représentation synthétique (dont ont aussi besoin les opérateurs), et celui d’une gestion administrative des dossiers. Ce mélange des finalités est une des raisons, et de la rigidité du modèle (dès lors que l’on prétend en déduire une programmation précise sur trois ans et supprimer les aléas et ajustements qui sont le lot de toute intervention sociale), et des réticences des Ong à l’utiliser (réticence aussi parfois due à un refus implicite d’expliciter - et donc de rendre possible à discuter - la stratégie d’action). Le fait qu’il soit obligatoire chez certains bailleurs induit aussi deux types d’effets pervers, dès lors que l’outil n’est pas maîtrisé suffisamment : soit une rédaction bâclée parce qu’il faut le faire, déconnectée du « projet » réel conçu par l’opérateur, soit une conception de projet purement théorique « en salle », loin de la réalité du terrain, qui peut ensuite contraindre l’action. Le « tableau logique simplifié » proposé dans ce texte ressemble au « cadre logique » de l’Union européenne. Il en diffère principalement sur trois points : Ce n’est pas une procédure normée. Sa structure, son degré de détails, varient d’un cas à l’autre. L’enjeu n’est pas de bien remplir des cases prédéfinies, mais d’avoir un support opératoire, dans lequel les protagonistes de l’action se retrouvent ; Il se concentre sur l’amont, la partie gauche du tableau : les grands objectifs, la façon dont ils s’articulent, les grands champs d’activités, les grands résultats attendus. Le détail des activités et des résultats, la programmation (quelles activités dans une période donnée, en fonction des objectifs - éventuellement ajustés en cours d’action - et des résultats des périodes antérieures) sont un autre exercice, qui s’appuie certes sur le tableau logique, pour le dérouler plus complètement, mais n’en sont pas partie intégrante. Entre les objectifs et le détail des activités, il y a donc place pour la stratégie, la réactivité, la flexibilité ;

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Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

Il n’est pas gravé dans le marbre. En fonction du déroulement de l’action et des évolutions du contexte, les activités, voire les objectifs spécifiques, peuvent être revus. On reformule alors le tableau logique, dont la nouvelle version sert désormais de référence. Bien sûr, on n’ajuste pas les activités de la même façon qu’on change les objectifs ! Entre autonomie de l’équipe opérationnelle et réorientations stratégiques relevant des instances de pilotage du projet, la distinction des niveaux logiques permet de clarifier les responsabilités, et donc les modalités de réajustement et les niveaux de décision. C’est un outil polyvalent et souple d’utilisation. Avant même de servir à présenter la logique d’un projet « bouclé » dans sa conception, il sert à l’élaborer, à le concevoir, à plusieurs. Tout projet représente en effet un compromis entre les acteurs parties prenantes, entre des logiques différentes. Élaborer en commun le projet, en construire ensemble, par aller et retour, le tableau logique, peut être un puissant outil pour expliciter et négocier les choix, les compromis, tout en vérifiant la cohérence d’ensemble, et améliorer ainsi la conception des projets. Ce cadre de référence sert aussi à élaborer d’autres outils, pour la programmation des activités, leur suivi évaluation, leur évaluation. Il facilite la construction des « cadres logiques », les « vrais », ceux des bailleurs de fonds. Pratique, il peut avoir sa place dans la boîte à outils des acteurs de tout projet. Ce n’est pas pour autant un outil miracle. Il se suffit rarement à lui-même et s’opérationnalise à travers d’autres outils pour la programmation et le suivi. D’autre part, s’il permet de montrer la logique interne d’un projet et de discuter sa cohérence interne, il ne dit rien de sa pertinence, ni de sa cohérence externe : la rédaction d’un tableau s’appuie sur un diagnostic, il ne le remplace pas. Enfin, comme tout outil, son usage demande un peu de pratique. Ce document a pour objectif de présenter et rendre accessible cet outil, et d’en faciliter l’usage. Il est organisé en deux volumes. Celui-ci, le premier, présente les tableaux logiques simplifiés, leur allure, leurs principaux usages. Il en explicite les modalités d’élaboration, à travers des illustrations pratiques. Le second traite des usages du tableau logique, pour la programmation, le suivi, l’évaluation, et la rédaction des cadres logiques.

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Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre Un outil pour faciliter la conception, la présentation et la conduite d’un projet Les « tableaux logiques simplifiés », Tome 1. Daniel Neu

INTRODUCTION Maîtriser « la cuisine », pour mieux débattre des vrais enjeux La collection « Coopérer Aujourd’hui », publiée par le Gret, réunit des analyses d’expériences concrètes et des guides méthodologiques pratiques. Ces guides s’adressent à des nonspécialistes. Ils s’efforcent de leur faciliter l’accès des concepts, méthodes et outils utiles pour la conduite d’une intervention de coopération au développement. Le succès de ces guides semble confirmer qu’ils répondent à une réelle demande : le développement est une affaire trop sérieuse pour n’être confié qu’à des professionnels. Certes, cette « cuisine », « la projetologie » comme certains l’appellent, est un peu subalterne au regard des véritables enjeux de ces interventions : Comment une action, en partie impulsée de l’extérieur, peut-elle être appropriée par les acteurs locaux ? Comment les changements sociaux qu’elles visent à introduire peuvent-ils être « acceptés » par des « pouvoirs locaux » qui n’y ont pas toujours intérêt ? Comment articuler des démarches locales fondées sur « la demande » des populations avec des politiques sectorielles ou territoriales conçues sur de plus vastes échelles ? Comment s’affranchir des limites des démarches projets, inévitablement étroitement bornées dans le temps, et contraintes par l’obligation de programmer utilisation des moyens et obtention des résultats ? Etc. Mais le subalterne n’est pas à négliger : la bonne maîtrise de la « cuisine » permet d’être plus attentif à ces enjeux et de mieux débattre. Or, en matière de « cuisine projet », beaucoup d’ustensiles ont été mis au point à partir des concepts des projets industriels. Les projets de développement sont d’une toute autre nature. Ils sont eux-mêmes des processus sociaux, qui mettent en jeu des acteurs multiples dans des réalités complexes. Ils nécessitent donc des ustensiles adéquats… « Sans technique, un don n’est rien qu’une sale manie »1.

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Georges Brassens… Qui, il est vrai, évoquait alors un tout autre sujet.

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Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

Les « tableaux logiques simplifiés », des outils pour le dire Concevoir et conduire un projet, cela consiste, en résumé, à dire à l’avance pourquoi on veut le faire, ce qu’on veut faire, et comment on va le faire : Cet exercice de « prédiction » peut être accompli pour toute la durée d’un projet « classique » ou s’effectuer à chaque étape d’un projet « processus » conduit de façon itérative. Il peut aboutir à une prévision très détaillée du déroulement du futur projet, ou se limiter à en définir les paramètres incontournables et les principales étapes. Il peut être simple comme la prose de Monsieur Jourdain, ou compliqué comme des règles de versifications anciennes, selon la complexité du projet.

Des outils pour en débattre Les « projets de développement » sont souvent des démarches collectives. Ils sont presque toujours le fruit de constructions qui associent plusieurs partenaires de cultures différentes. Non seulement chacun d’entre eux a besoin de « se dire à l’avance » ce qu’il veut, pourquoi et comment, mais ils ont collectivement besoin de s’accorder sur leurs objectifs et leurs stratégies communes. Au-delà d’un certain seuil de complexité de leurs projets, ils ont besoin d’outils, non seulement pour concevoir leurs projets, mais aussi (et surtout) pour représenter « simplement » cette conception et la mettre en discussion. Ce que nous appelons les « tableaux logiques simplifiés » sont, parmi d’autres, des outils qui permettent de représenter de façon simplifiée « la logique d’un projet ». Ils constituent des instruments certes un peu primitifs, mais faciles à manier et polyvalents. Ils peuvent être utiles à ceux dont le premier métier n’est pas « la démarche projet », aux bénévoles d’Ong ou aux techniciens qui abordent cette démarche à partir de leurs compétences spécifiques. Les « professionnels » qui élaborent ou conduisent des projets complexes ont leurs propres outils spécialisés et n’en auront pas forcément l’usage.

Un outil pour en fabriquer d’autres Les « tableaux logiques simplifiés » permettent donc de représenter simplement la logique d’intervention d’un projet, c’est-à-dire le fil qui conduit des objectifs globaux auxquels ce projet veut contribuer, jusqu’aux activités à programmer pour contribuer à les atteindre. Cette représentation facilite la lecture de la cohérence de l’ensemble, puis la fabrication de « tableaux » susceptibles d’aider la programmation initiale, le suivi et l’évaluation des activités et de leurs résultats.

Un matériel intermédiaire pour confectionner « le cadre logique » La plupart des praticiens de la coopération pour le développement, bénévoles ou professionnels, ont eu affaire, ou ont tenté d’avoir affaire avec l’Union européenne qui est le principal bailleur du développement. Ils ont été confrontés au « cadre logique » que celle-ci impose à tous ceux qui veulent monter des projets avec son aide. Les « tableaux logiques simplifiés » peuvent aussi faciliter l’élaboration de cet outil très codifié.

Deux textes, une notice de construction et des recommandations d’usage, puis un mode d’emploi Ce guide est composé de deux parties publiées séparément :

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Coopérer aujourd’hui n° 43

Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

Vous avez sous les yeux la première. Elle présente l’outil « tableaux logiques simplifiés », propose des recommandations pour son usage et une notice pour leur construction. La seconde, publiée très prochainement, est consacrée au mode d’emploi de ces tableaux logiques. Ils peuvent être utilisés pour la programmation et la supervision de projets, leur suivi et leur évaluation, et enfin pour faciliter la fabrication de cadres logiques, des « vrais », conformes, ceux-là, aux normes des bailleurs. Ne pas confondre « tableau logique simplifié » et « cadre logique » « Les tableaux logiques simplifiés » ne sont pas une invention révolutionnaire. Proches de « l’arbre des objectifs » proposé par l’Union européenne pour construire son fameux « cadre logique », ils ressemblent à ce dernier. Mais ils n’en ont pas la rigidité. Ils ne sont qu’une simple façon de faire que chacun peut accommoder à sa propre sauce, en fonction de ses besoins. Les utilisateurs peuvent élaborer et présenter leurs projets comme ils l’entendent, et n’y avoir recours que quand ils en ressentent le besoin, notamment dans quelques circonstances particulières repérées ci-après. Il ne faut donc pas confondre les tableaux logiques et « Le » cadre logique de l’Union européenne. Celui-ci est un outil très codifié, dans sa forme, avec ses quatre lignes et colonnes, et dans son usage, au sein du cycle des projets tel que l’administration européenne le met en œuvre… Mais un tableau logique peut servir de brouillon pour faciliter la construction d’un cadre formellement correct.

I.

DEFINITION, ALLURES, PRINCIPAUX USAGES ET LIMITES

1.

Définition et allures

1.1 La logique d’intervention d’un « projet »

Qu’est ce qu’on veut faire, pourquoi, comment ? Pourquoi ?

Un « projet de développement » concrétise une démarche « politique » qui s’exprime à travers une ou plusieurs finalités. Il s’inscrit dans des perspectives qui le dépassent. Il s’efforce de concourir à des évolutions plus globales, qui vont au-delà de ses seuls effets directs. Ces évolutions visent des « objectifs globaux », ou « des objectifs finaux », auxquels il ne peut que contribuer, à sa mesure. Quoi ?

Pour contribuer à ces objectifs globaux ou finaux, les promoteurs d’un projet, au sens où nous l’entendons ici, lui assignent des objectifs plus précis, plus concrets. Ils prévoient d’atteindre ces objectifs dans un laps de temps et avec des moyens qu’ils définissent à l’avance (cette

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Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

prévision est plus ou moins précise et directive des projets et de leurs « objectifs spécifiques », simples ou complexes) 2. Ce ou ces objectif(s) spécifique(s) vont être le fruit de « résultats » concrets, obtenus pendant le déroulement du projet. Comment ?

Ces résultats sont les produits immédiats des « activités » programmées et conduites durant le projet. Celles-ci nécessitent la mobilisation et la combinaison de moyens techniques, financiers, humains. La logique d’intervention On peut dire que les termes « finalité », « objectifs globaux ou finaux », « objectifs spécifiques » ou « objectifs intermédiaires », « résultats », « ensemble d’activités » ou « activités », correspondent aux différents « niveaux » d’une logique d’intervention 3. Nous allons en tous cas utiliser ce terme de « niveaux » pour les désigner dans la suite de ce document. Chaque niveau logique peut être décrit par un ou en général plusieurs « éléments » : autrement dit, la plupart des projets s’efforcent de contribuer à plusieurs objectifs, visent une série de résultats obtenus grâce à plusieurs types d’activités (mais on peut aussi bâtir des projets autour d’une seule finalité et d’un seul objectif spécifique). Figure 1 : La logique d'intervention

Pourquoi on veut le faire S’inscrire dans des finalités

Contribuer à des objectifs globaux

Ce qu’on veut faire Atteindre des objectifs spécifiques

Obtenir des résultats

Comment on veut le faire Mettre en œuvre des activités

Mobiliser des moyens

La description de la logique d’un projet consiste à expliciter, identifier ses différents « niveaux logiques », à les décrire en présentant leurs différents éléments et à préciser les liens reliant ces derniers entre eux. La difficulté de cet exercice dépend en partie de la complexité des projets eux-mêmes. Il peut aboutir à une description plus ou moins synthétique ou détaillée, complète ou partielle selon l’usage réservé à cette description. Il peut s’attacher à expliciter plutôt les liens entre les objectifs finaux et les objectifs spécifiques, et faire apparaître ainsi la cohérence stratégique du projet. Il peut détailler plutôt les relations entre moyens, activités et résultats, et vérifier ainsi sa cohérence opérationnelle.

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3

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Cf. ci-après ce que nous appelons des projets-processus, ou les différences que certains introduisent entre la notion de projet et de programme. Vous avez besoin dès ce stade, d’une définition « d’objectifs finaux », « d’objectifs spécifiques » et de « résultat » ? Alors rendez-vous page 37.

Coopérer aujourd’hui n° 43

Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

1.2 Un mode de représentation simplifiée

Des schémas Une des façons les plus simples de représenter une logique d’intervention consiste à dessiner des schémas qui ont l’allure suivante : Figure 2 : Le schéma logique Niveau logique(n)

Niveau logique (n+1)

Niveau logique (n+2)

Objectif final 1

Objectif final 2

Niveau logique (n+3)

Résultat 1 Objectif spécifique détaillé 1 Objectif spécifique 1

Objectif final 3

Ensemble d’activités 1

Résultat 2

Résultat 3 Objectif spécifique détaillé 2

Niveau logique (n+4)

Résultat 4

Résultat 5

Ensemble d’activités 2

Ensemble d’activités 3

Niveau logique (n+5)

Type de Moyens 1

Type de Moyens 2

Type de Moyens 3

Type de Moyens 4

Les différents « éléments logiques » sont présentés en colonnes de niveaux homogènes. Les liens logiques qui expriment des relations de cause à effet sont figurés par des flèches. Un même « niveau logique » peut être décrit par un ou plusieurs éléments : objectifs, résultats, ensembles d’activités. Chacun d’entre eux peut être le produit ou l’effet d’un ou plusieurs « éléments logiques » de niveau inférieur, et lui-même contribuer à un ou plusieurs objectifs ou résultats de niveau supérieur.

Des tableaux Ce mode de représentation utilise la fonction « dessin » des logiciels de traitements de textes. Elle peut faire perdre beaucoup de temps à ceux qui ne maîtrisent pas complètement cette fonction, d’autant que l’élaboration de ces « schémas logiques » procède souvent par la méthode des erreurs corrigées. Il est donc plus simple d’utiliser la fonction « tableau » de ces mêmes logiciels. On dessine alors ce que nous appelons dans ce document des « tableaux logiques simplifiés », en jouant sur l’ajout de colonnes et de lignes et le fractionnement ou la fusion de cellules (on peut aussi utiliser les tableurs). Le tableau logique simplifié qui correspond au schéma précédent a l’allure suivante :

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Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

Figure 3 : L'allure d'un tableau logique simplifié Niveau logique (n)

Niveau logique (n+1)

Objectif Final 1

Objectif Final 2 Objectif Final 3

Niveau logique (n+2)

Objectif spécifique détaillé 1

Niveau logique (n+3)

Niveau logique (n+4)

Résultat 1

Ensemble d’activité 1

Résultat 2 Résultat 3

Objectif spécifique 1

Ensemble d’activité 2

Résultat 4 Objectif spécifique détaillé 2

Résultat 5

Ensemble d’activité 3

Niveau logique (n+5) Types de Moyens 1 Types de Moyens 2 Types de Moyens 3 Types de Moyens 4 Idem TM 2

Idem R3

1.3 L’allure des tableaux logiques simplifiés

Exemples Le projet dit de « la Rivière des baies » vise à installer des agriculteurs sur les terres récemment mises en valeur de ce lieudit, puis à permettre à ces derniers de s’organiser au sein d’une coopérative de production agricole. Il peut être résumé par le « tableau logique simplifié » ciaprès. Ses « niveaux logiques » successifs sont relativement précis. Ils décrivent un chemin qui relie un objectif spécifique concret aux activités qui vont permettre de l’atteindre. Ce tableau logique peut conduire rapidement à un plan d’action et à une programmation.

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Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

Figure 4 : L'exemple de la rivière des baies

Le « tableau logique simplifié » du projet d’appui au lotissement et à la création de la coopérative agricole de « la Rivière des baies » (1ère phase) Niveau logique 1

Niveau logique 2

Niveau logique 3 Vérifier qu’il n’y a pas de litige sur la délimitation du terrain attribué « légalement » aux propriétaires coutumiers par le jugement du 3 avril 1971

a) Vérifier la disponibilité effective du Confirmer l’accord des propriétaires coutumiers, et vérifier que leurs conditions pour la mise à disposition des terres sont compatibles avec les contrainfoncier attribué à la tes de la coopérative. coopérative Traduire l’accord entre les propriétaires coutumiers par un acte légalement enregistré

Accompagner l’installation des attributaires, la création puis le développement de leur coopérative

b) Aménager le lotissement et répartir les lots

Finaliser le plan d’aménagement du site

c) Aider les agriculteurs à s’installer

Aider chaque famille à programmer et à préparer son installation

d) Permettre à la coopérative de devenir fonctionnelle

Réaliser les premières infrastructures indispensables

e) Accompagner le développement économique des exploitations et de la coopérative

Réaliser les infrastructures Attribuer officiellement les lots Faciliter l’accès de ces familles au crédit Aider à l’organisation de la mise en valeur et de la première campagne agricole Mettre en place progressivement l’organisation fonctionnelle de la coopérative Définir progressivement le rôle opérationnel de la coopérative Actualiser et rendre accessibles les références locales et les conclusions de l’étude de milieu Aider les producteurs à choisir les axes de développement de leur exploitation et de leur coopérative Finaliser les procédures d’accès au crédit de campagne avec la banque Aider le conseil d’administration à définir ses orientations et à élaborer un plan d’action

Au contraire, les promoteurs du projet de développement local de l’île de Rivabella ont conçu un « tableau logique simplifié » qui reste assez conceptuel. Ses trois « niveaux logiques » sont exprimés en termes très généraux.

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Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

Figure 5 : L'exemple de l'île de Rivabella Le « tableau logique simplifié » du projet de développement local de l’île de Rivabella Niveau logique 1

Niveau logique 2

Niveau logique 3 111 L’augmentation durable des revenus agricoles 112 L’augmentation durable des autres revenus liés à

11 L’amélioration des revenus l’exploitation des ressources naturelles

113 Le développement des différentes catégories d’entrepreneurs économiques

1 Contribuer à l’amélioration des conditions de vie des populations

12 La préservation du potentiel économique et du cadre de vie

13 L’amélioration de l’accès aux services essentiels

121 La préservation des ressources naturelles et du potentiel agricole en particulier. 122 L’arrêt de la dégradation de l’environnement des villages et de ses impacts négatifs sur les conditions de vie de leurs habitants. 131 L’amélioration du niveau d’équipement des villages en infrastructures de base 132 L’amélioration de la gestion de ces équipements par les communautés 211 L’amélioration des ressources humaines des institutions locales

21 L’accroissement des capacités des communautés et des acteurs villageois

2 Permettre aux communautés d’être davantage les actrices d’un développement durable de leur territoire.

22 L’amélioration des références à la disposition des acteurs locaux

212 L’amélioration de l’organisation institutionnelle des acteurs locaux 213 L’accroissement des capacités des acteurs locaux à passer à l’action (capacité d’analyse, capacités opérationnelles) 221 L’amélioration du diagnostic que les acteurs locaux portent sur leur situation, le contexte local et leur environnement régional. 222 L’amélioration des outils d’intervention et du référentiel technique à la disposition des acteurs locaux 231 L’amélioration de la coordination des acteurs et de la complémentarité entre l’échelon local et l’échelon, régional

23 L’amélioration de 232 L’accroissement des capacités des acteurs régiol’environnement institutionnel naux. des acteurs locaux 233 L’amélioration de la coordination entre acteurs régionaux et la pertinence des interventions au plan régional

Ces deux « tableaux logiques simplifiés » correspondent donc à deux projets de natures différentes : le premier a un objectif précis (au moins en ce qui concerne l’installation des attributaires). Le second s’efforce de fixer un cadre d’action commun et cohérent à un ensemble d’acteurs et d’initiatives. Ils sont de fait construits pour répondre à deux usages un peu différents. Le premier permet d’amorcer un exercice de programmation des activités. Le second propose un cadre plus général qui doit permettre aux différents acteurs d’un projet de développement local de se référer aux mêmes objectifs communs. Les « tableaux logiques simplifiés » sont des outils souples, polyvalents, pratiques, qui peuvent s’adapter à un peu tous les types de projets… tant qu’on ne cherche pas à les définir avec trop de rigueur ou à les inclure dans des démarches trop rigides. Mais ce sont aussi des outils qui atteignent vite leurs limites. Ils ne conviennent pas forcément à des projets trop complexes, où ils perdent alors certaines de leurs qualités.

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Coopérer aujourd’hui n° 43

Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

2.

Principaux usages

2.1 Débattre, vérifier la cohérence et fabriquer d’autres outils

Un support pour débattre avant et pendant l’action Les projets de développement sont toujours des œuvres collectives. Ils peuvent associer de multiples acteurs : des bailleurs, des maîtres d’ouvrage, des maîtres d’œuvre, des prestataires de services, des usagers ou des « bénéficiaires ». Ces acteurs, étrangers au contexte du projet ou acteurs locaux, n’ont pas toujours la même culture. Ils sont eux-mêmes souvent « pluriels » : communautés, associations, collectivités territoriales, administrations composées de multiples services et aux nombreux échelons hiérarchiques. Ces différents acteurs, parfois associés au sein de comités de pilotage, ont besoin de débattre, de vérifier leurs accords, ou d’expliciter le mieux possible leurs désaccords, sur les différents aspects du projet qui les réunit. Ils ne peuvent le faire qu’à partir d’une représentation de ce dernier. Beaucoup d’entre eux sont des lecteurs pressés. D’autres peuvent être des lecteurs malhabiles, d’autant que les documents projets sont souvent rédigés dans la langue des précédents. Une représentation simplifiée, qui met en exergue les principaux points du projet qui les rassemble, leur est donc souvent bien utile. Le « tableau logique simplifié » peut avoir cette utilité.

Un support pour échanger ses expériences L’échange d’expériences est un puissant moteur pour progresser. Mais, à l’usage, on s’aperçoit qu’il n’est pas si facile de présenter clairement et rapidement « son » projet de développement, pour en débattre ensuite avec d’autres. Quelques outils de présentation synthétique et systématique sont bien utiles, surtout quand ils sont d’un usage déjà largement partagé parmi les opérateurs de projets. Le « tableau logique simplifié » est un de ces outils.

Un exercice d’appropriation de la logique d’un projet par une petite équipe Les interventions pour le développement reposent souvent sur la dynamique de petits groupes qui jouent un rôle moteur dans leur mise en œuvre, sans avoir été forcément associés à leur conception initiale : une équipe terrain, le bureau d’une association ou d’une organisation professionnelle, etc. Sauf projets très courts ou très programmés, ces équipes ont souvent besoin de se réapproprier régulièrement la logique de leurs actions, de vérifier qu’elles en ont toujours la même compréhension, et d’actualiser la formulation de leurs objectifs. C’est notamment le cas sur des projets organisés en phases successives, chacune conçues au fur et à mesure en fonction des résultats de la précédente. L’actualisation ou l’élaboration en groupes du « tableau logique simplifié » d’une phase à venir ou en cours d’un projet peuvent faciliter cette (ré) appropriation. Il est souvent bien utile aux équipes terrains accaparées par leurs activités quotidiennes de faire le point. Celles-ci perdent parfois de vue les résultats et les objectifs qu’elles poursuivent, et accessoirement, la façon dont elles vont les évaluer. L’élaboration ou l’actualisation d’un « tableau logique simplifié » en petits groupes peuvent être un bon outil pour faciliter l’animation de réflexion. Il peut être utilisé séparément par volets ou par composantes d’un même projet.

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Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

Un outil pour vérifier la cohérence d’un projet au cours de sa conception La conception d’un projet résulte souvent d’un long processus de discussions et de négociations entre acteurs, aux attentes et aux contraintes différentes. Ce cheminement aboutit à des compromis entre demandes, discours politiques, propositions techniques et méthodologiques, contraintes administratives et financières… Ces compromis ne produisent pas spontanément des projets cohérents, et il est important de vérifier cette cohérence dans la phase finale d’écriture et de négociation des projets. Le « tableau logique simplifié » à lui seul ne suffit pas toujours à s’assurer de la cohérence d’un projet. Mais il permet très souvent de poser les bonnes questions qui permettront de le faire, en explicitant les différents « niveaux logiques » et leurs liens théoriques : Quels sont les objectifs visés par ce projet ? Les résultats attendus ? Les activités prévues ? Les moyens mobilisés ? Ces moyens sont-ils cohérents avec ces activités ? Celles-ci suffiront-elles à obtenir ces résultats ? Ceux-ci vont-ils permettre d’atteindre les objectifs spécifiques visés et, par là, de contribuer aux objectifs globaux annoncés ?

Un outil pour animer des démarches de conception collective On peut aussi utiliser le « tableau logique simplifié » pour rythmer la conception collective d’un projet. Il permet de vérifier l’accord des différentes parties prenantes au cours de cet exercice. Mieux vaut qu’elles s’accordent d’abord sur les objectifs « politiques » et les principales orientations du projet avant que celles-ci ne soient traduites en programmation opérationnelle et en prévisions budgétaires. Cet accord peut se matérialiser par les premières colonnes (en partant de la gauche) d’un « tableau logique simplifié ». À partir de ce consensus sur les objectifs finaux du projet et leur première déclinaison en objectifs plus concrets et plus spécifiques, elles peuvent travailler sur la façon d’atteindre ces derniers, avec moins de risque de « revenir en arrière ». Le « tableau logique simplifié », complété au niveau des résultats concrets attendus et des types d’activités nécessaires pour les atteindre, permet de conclure une seconde étape du travail collectif. Les « techniciens » peuvent alors travailler de façon plus autonome pour préparer un travail de programmation technique et financière. Les résultats de leurs travaux pourront alors être plus facilement « relus » par le collectif, qui pourra se référer aux grandes lignes et à la logique d’ensemble résumées par le « tableau logique simplifié » et s’assurer de la cohérence entre les objectifs qu’il a fixés au départ et cette programmation opérationnelle (cf. aussi l’usage du tableau logique dans le cycle des projets page 17).

Fabriquer d’autres outils pour planifier, programmer, suivre et évaluer La nécessité de se référer à ce que nous avons appelé « la logique d’intervention » d’un projet ne se manifeste pas seulement au moment de sa conception opérationnelle. Elle reste présente tout au long de son exécution qui va être guidée par un certain nombre d’outils de planification et de programmation, eux-mêmes tributaires, en général, d’un dispositif de suivi évaluation. L’élaboration de ces outils est donc, elle aussi, facilitée par une représentation simplifiée de cette « logique d’intervention ». Tant que ces outils peuvent rester relativement simples, on peut imaginer des passages assez directs entre les « tableaux logiques simplifiés » et les différents tableaux qui servent de base à ces outils de programmation et de suivi. Une deuxième note, qui fait suite à ce document, est consacrée au mode d’emploi du « tableau logique ». Elle propose quelques idées pour fabriquer de tels outils.

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Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

En particulier pour conduire des « projets processus » Elle traite en particulier des outils fabriqués à partir des « tableaux logiques simplifiés » et destinés à faciliter le pilotage des « projets processus ». Ce sont des projets dont le cheminement ne peut être défini à l’avance, leur déroulement dépend de trop d’impondérables et de dynamiques d’apprentissage collectifs difficilement planifiables. Ils mettent généralement à l’œuvre plusieurs volets interdépendants. Les différents acteurs de ces projets ont besoin de se référer à un corpus d’objectifs globaux communs et invariants, puis de décliner ces invariants en objectifs plus précis et plus concrets, spécifiques à une phase donnée ou à un volet particulier. Leurs « tableaux logiques simplifiés » se présentent donc comme une série de tableaux. Les premiers sont fixes, les derniers évolutifs. Les dernières colonnes des premiers servent de premières colonnes aux suivants (cf. schéma page 37). 2.2 Un outil certes pratique et polyvalent, mais limité

Un outil de représentation ne remplace évidemment pas la conception proprement dite et les outils qu’elle requiert Les quelques exemples d’utilisation évoqués ci-dessus soulignent les limites du « tableau logique simplifié » : ce n’est qu’un mode de représentation. Il est donc est bien utile pour présenter, débattre, relire la logique d’intervention d’un projet. Mais il ne suffit pas à construire cette logique. Il ne remplace évidemment pas le travail préalable à toute écriture de projet : les rencontres, les acquisitions ou les associations de connaissances, les diagnostics et les négociations qui doivent précéder ou accompagner cette conception. Le champion du monde des tableaux logiques simplifiés ne produira rien de bien à partir d’un mauvais travail de conception ou d’une conception inachevée.

Une représentation simple, donc incomplète Le « tableau logique simplifié » suffit rarement à représenter, à lui seul, l’ensemble des éléments nécessaires pour décrire et apprécier la conception d’un projet. Il permet de mettre en évidence les liens qui conduisent du « pourquoi ? » au « comment ? » d’un projet, et qui relient sa finalité à ses activités. Il facilite donc ainsi l’examen de ce qu’on appelle parfois la « cohérence interne » d’un projet. Mais il ne fait pas forcement apparaître clairement les raisonnements qui conduisent du diagnostic initial au choix stratégique essentiel. Le diagnostic permet, théoriquement, d’expliciter les éléments déterminants du contexte du projet (acteurs, territoires, dynamiques sociales, etc.). Le lien entre ces éléments et les principales composantes de la stratégie adoptée pour le projet est une des clés essentielles pour apprécier la qualité de sa conception. Le tableau logique ne permet de lire ni la « pertinence » des objectifs adoptés, ni l’adéquation entre les méthodes ou les options techniques retenues et les principales caractéristiques du contexte (on appelle souvent cette adéquation « cohérence externe »).

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Les tableaux logiques ne permettent pas de représenter la pertinence d’un projet Les outils méthodologiques sont la meilleure et la pire des choses : ils facilitent le travail mais ils peuvent générer des automatismes qui n’aident pas à la réflexion. Les tableaux logiques bien utilisés permettent de discuter et de relire la cohérence interne d’un projet. Mais ils ne permettent pas d’examiner sa pertinence et sa cohérence externes, son adéquation avec la réalité dans laquelle il intervient et qu’il se propose de faire évoluer. Ils sont rarement suffisamment détaillés pour permettre la relecture rapide de la faisabilité effective des logiques d’intervention qu’ils décrivent. Hé non, les tableaux logiques ne sont donc pas l’outil miracle qui résout tout !

Une représentation simple, utilisée parfois de façon trop simpliste Un « tableau logique simplifié » qui tient en une ou deux pages format A4 est bien pratique pour présenter et débattre de la logique d’ensemble d’un projet. Il peut suffire au représentant d’un bailleur, pressé par ses propres critères de productivité, qui l’obligent à examiner et à jauger dix projets à l’heure. Mais ce niveau de présentation est insuffisant pour vérifier la cohérence entre les ambitions d’un projet et les moyens qu’il se propose de mobiliser. Cette vérification implique d’une part une description plus détaillée des activités prévues et des moyens nécessaires pour conduire ces dernières, et d’autre part un repérage minimum des conditions préalables indispensables à leur mise en œuvre. Faute d’aller suffisamment loin dans la prévision opérationnelle, les concepteurs de projets produisent des esquisses élégantes, séduisantes aux yeux des décideurs bureaucrates… et impossible à mettre en œuvre. Les concepteurs s’en moquent un peu, lorsque « leurs » projets démarrent, ils voguent déjà vers d’autres missions… Et les équipes terrain pleurent…

Polyvalent, mais pas universel Le « tableau logique simplifié » permet de visualiser assez simplement la logique d’un projet ou du plan d’action d’une association. C’est parfois bien utile pour animer la réunion d’un comité de pilotage ou d’un conseil d’administration qui doivent en débattre. Mais il faut parfois une ou deux réunions pour qu’un public non averti s’approprie ce mode de représentation. Cette appropriation est plus facile quand l’arbre logique est construit colonne par colonne en cours de réunion, au lieu d’être présenté d’un seul tenant : comme tout outil d’animation, le « tableau logique simplifié » ne fonctionne bien que quand il est au service de pratiques et de scénarios d’animation suffisamment élaborés. Il n’est adapté que pour des participants qui ont tous recours à l’écrit (dans la même langue), et qui ont déjà une certaine habitude de la lecture des tableaux. L’arbre logique n’est pas un outil participatif « tout terrain » pour consultant pressé.

Un outil intermédiaire, rarement « un produit fini » à lui tout seul En matière de programmation, de suivi ou d’évaluation, le tableau logique n’est qu’un outil intermédiaire. Il ne sert pas à grand chose à lui tout seul. Il est utile parce qu’il facilite la construction d’autres outils.

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Le tableau logique n’est qu’une façon de représenter de façon synthétique la logique interne d’un projet. Il facilite la mise en débats et la réflexion collective autour de cette logique. Mais il ne fait que traduire, à un moment donné, le degré d’avancement d’un travail de conception ou d’un processus de concertation. Il n’a de sens que s’il est utilisé dans cette optique. Il ne se suffit pas à lui-même.

3.

Son usage aux premiers stades de la conception d’un projet

3.1 Aux différentes étapes du « cycle des projets »

Le tableau logique n’est qu’un outil de représentation. Il est utilisé pour formaliser ou mettre en débats les conclusions de différentes phases d’élaboration ou d’ajustement d’un « projet ». Il ne remplace pas les outils qui permettent d’aboutir à ses conclusions.

Le cycle des projets Ces différentes phases d’élaboration sont souvent représentées sous la forme de « cycles de projets ». Dans la conception la plus fréquente actuellement, les projets de développement, dont la durée ne dépasse pas trois/quatre ans, sont conçus pour atteindre des objectifs précis, cohérents, mais limités. Une succession de projets permet d’atteindre des objectifs plus généraux ou plus globaux. Les projets devraient donc s’enchaîner comme des cycles successifs, les conclusions de l’un servant de point de départ aux suivants. Chaque auteur ou presque a « sa » conception du cycle des projets. Chaque institution définit le sien, son découpage en différentes étapes, le contenu de chacune d’entre elles, les procédures qui permettent de les engager et de les conclure, et enfin les outils standardisés qui permettent de mettre en œuvre ces procédures 4. Mais tous ces cycles se ressemblent : -

Des acteurs, qui deviendront les « promoteurs » du projet, se rencontrent et s’accordent sur une « idée de projet » ;

-

Cette idée sert de ligne directrice à un travail de conception ;

-

Cette conception, après une phase de négociation, aboutit à une décision ;

-

Celle-ci permet de démarrer la mise en œuvre du projet ;

-

Les effets de ce projet et son évaluation suscitent d’autres initiatives.

4

Cf. le second texte de ce guide, qui évoque le cycle de projet de l’Union européenne et son principal outil : le cadre logique.

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Figure 6 : La construction du tableau logique aux différentes étapes d'un cycle de projet

La gauche du tableau logique : finalité et objectif Un diagnostic paricipatif

Une idée de projet partagée

Un diagnostic ciblé

Un processus de connaissance mutuelle

Une étude préalable

Des acteurs éventuels, associés et impliqués dans une même réalité

Une intention de projet, précisée et validée Une étude de faisabilité

Un nouveau processus de concertation

Une conception Des négociaions avec de nouveaux partenaires (financiers)

Des effets évalués

Une évaluation ex post Une appréciation de l’impact

Une première version du tableau, encore peu détaillée à droite, du côté des activités et des moyens

Un document projet construit et validé, La mise en oeuvre Des résultats appréciés

Une deuxième version, plus détaillée mais encore provisoire

Le suivi - évaluation

La version définitive

Le schéma ci-dessus propose un cycle en six étapes et liste les outils qui permettent de passer d’une étape à l’autre. Il prétend être adapté aux projets d’Ong. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres 5. La logique d’intervention du projet devrait se construire progressivement, le tableau logique ne se construit pas d’entrée On ne retiendra que trois idées de ce cycle : 1. La logique d’intervention d’un projet s’établit progressivement. Assez logiquement, il faut d’abord savoir « pourquoi on veut le faire » avant de décider « qu’est-ce qu’on va faire », puis « comment on veut le faire ». Cela paraît évident. Mais dans la réalité ça ne se passe pas toujours comme ça. Les projets de développement sont plus souvent initiés par des agences de développement publiques ou privées, dont le point de départ est leurs idées préconçues ou leur propre savoir-faire en matière de « comment » ou de « quoi ». On connaît le questionnement célèbre : « Vous n’auriez pas des problèmes, parce que moi j’ai des solutions ? »… 6

5

6

18

Tableau utilisé lors d’une formation à « l’étude préalable » conçue à la demande du F3E, le Fonds pour la Promotion des études préalables, études transversales et évaluations. Cf. « Trouver des problèmes aux solutions », D. Naudet (OCDE/Club du Sahel, 1999).

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2. Un projet de développement se bâtit sur des accords ou des consensus entre acteurs qui eux aussi se construisent progressivement. Mieux vaut que les différents partenaires s’accordent d’abord sur leurs objectifs communs, complémentaires ou conciliables avant de négocier des détails de mise en œuvre, qu’ils actent les « pourquoi » avant de discuter du « comment ». Le tableau logique (éventuellement) utilisé pour résumer leurs accords se construit donc tout aussi progressivement de gauche à droite. 3. Le tableau logique est utilisé pour représenter les conclusions auxquelles aboutissent les premières étapes du cycle. Mais chacune d’elles est le fruit de démarches spécifiques de diagnostic, de faisabilité, de négociation, qui utilisent des outils spécifiques. Les « méthodologues » rêvent d’un système intégré universel où les conclusions d’un diagnostic seraient formalisées sous une forme qui permettrait de produire automatiquement un tableau d’objectifs, qui conduirait à son tour à la définition quasi automatique des termes de références d’une étude de faisabilité dont les résultats… Il faut les laisser à leur rêve, d’autant que les organisations à taille humaine comme les nôtres n’ont pas vraiment besoin d’un tel système. Mais il peut être instructif de voir à partir d’un cas concret comment le début d’un « cheminement de projet » conduit à une première ébauche de son tableau logique. Le cas ci-dessous correspond à un cas réel… à peine transformé par souci de discrétion, besoins pédagogiques, et envie d’embellir un peu la réalité… Toute ressemblance avec des personnes ayant réellement existé… 3.2 Illustration : le projet « La santé c’est le savoir »

En amont un promoteur, ses principes d’intervention et ses choix stratégiques L’Ong « Petite Cuillère sans Frontière » PCSF est une Ong spécialisée sur les questions de nutrition infantile. Son action, très professionnalisée, s’appuie sur une collaboration étroite avec des chercheurs, nutritionnistes et anthropologues. Elle s’est donné trois principes d’actions : 1. Une posture de recherche-action et d’innovation : PCSF intervient en mettant au point des innovations spécifiquement adaptées aux contextes où elle intervient et aux publics spécifiques qu’elle vise. 2. Une exigence de résultats exprimée en terme de « durabilité » : Elle ne se borne pas à tester des prototypes ou à conduire des expérimentations ponctuelles. Son ambition est d’accompagner l’innovation jusqu’au stade où elle se diffusera par elle-même, ou aura abouti à un « système » reproductible ou pérenne. 3. Une attention aiguë à l’impact social de ses actions : PCSF n’est pas un fan de lutte contre la pauvreté en faveur des plus pauvres d’entre les plus pauvres. Mais elle cible ses actions sur les situations sociales les plus critiques, et surtout veille à mesurer l’impact de ses actions sur les processus de différenciation sociale (autant qu’il est possible de le faire raisonnablement). Elle assume par ailleurs ses contradictions d’entreprise à but non lucratif, dont les moyens d’actions ne dépendent que des résultats de son activité. Elle conduit son développement autour de deux axes :

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Une spécialisation fine sur les filières « farines infantiles » constitue sa clef d’entrée pour s’implanter dans des pays où elle n’est pas encore présente ; Une diversification à d’autres questions nutritionnelles lui permet de capitaliser une réputation et un tissu de relations déjà acquis dans un pays où elle est déjà installée.

Au départ, une dynamique, des constats ou des hypothèses, et des opportunités PCSF est implantée au San Theodoros depuis quatre ans. Elle y a développé un projet « filière farines infantiles ». Elle a mis au point de nouvelles recettes de farines, équilibrées et nourrissantes, valorisant des ingrédients locaux et de meilleur marché que ses concurrentes importées. Elle en a prouvé les qualités nutritionnelles. Elle a convaincu un industriel de les fabriquer et mis sur pied un réseau de « gargotes » qui assure la vente de la bouillie pour les nourrissons de plus de six mois de sept quartiers défavorisés de la capitale, Alcazar City. Ce réseau est organisé avec l’appui de la municipalité et la participation des organisations de quartiers. Il est en passe de devenir autonome. Sa mise en œuvre s’est accompagnée d’actions de formations et de sensibilisation. Son extension à d’autres quartiers de San Theodoros ne nécessite plus la présence active de PCSF. Les actions d’éducation nutritionnelle et de marketing social désormais relayées par d’autres acteurs doivent permettre le développement spontané de l’usage des bouillies pour nourrissons. L’équipe locale de PCSF cherche à valoriser ses acquis et à maintenir son niveau d’activités tout en respectant les trois principes de l’association. Elle se fixe deux objectifs opérationnels : -

Étendre le dispositif « gargotes » à des villes secondaires du San Theodoros, voire à des bourgs ruraux, ce qui implique des adaptations du modèle mis au point à Alcazar City et de nouvelles alliances ;

-

S’intéresser aux problèmes de « mal alimentation » des enfants des classes sociales les plus défavorisées, à partir de son implantation dans les quartiers d’Alcazar City, et d’une entrée via les écoles publiques.

Trois considérations sont à l’origine de ce deuxième objectif : La pratique de PCSF San Theodoros lui laisse penser qu’il existe des problèmes latents de mal alimentation, sources de mal nutrition chronique chez les jeunes enfants et les adolescents de ces quartiers. Ils se transforment en situations de mal ou de sous-nutrition dans les périodes de crises économiques. Leur nature et leurs effets sur la santé des enfants, et par là leur réussite scolaire, restent cependant à préciser. Les études conduites lors de l’élaboration du Programme national de Lutte contre la Pauvreté identifient ce groupe social comme un groupe « cible », au regard d’une des deux grandes priorités de ce programme : l’accès des plus pauvres aux services publics. L’entrée à l’école publique au San Theodoros offre trois « avantages » : -

Elle « sélectionne » effectivement les enfants les plus pauvres. Sa réputation est telle que dès qu’elles le peuvent, les familles les plus aisées envoient leurs enfants à l’école privée ;

-

Elle devrait être réactive à des actions « locales ». Elle se situe désormais dans le domaine de compétence des mairies. Elle a suscité à Alcazar City un mouvement d’associations de parents d’élèves assez structurées ;

-

Elle devrait bénéficier de gros programmes de la Banque mondiale et de l’Union européenne, dont une partie transitera par les communes.

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Mais il est clair que les questions de nutrition stricto sensu n’ont pas la même prévalence chez les enfants d’âge scolaire que chez les nourrissons et les très jeunes enfants. Dès lors, PCSF doit penser son intervention dans un cadre plus vaste d’accès à l’éducation et à la santé.

L’exploration préalable du projet « la santé c’est le savoir » permet de découvrir un autre outil de représentation : l’arbre à problèmes PCSF San Theodoros décide donc d’initier la préconception d’un projet qu’elle baptise provisoirement « la santé c’est le savoir ». Son équipe connaît déjà bien le contexte local et l’environnement institutionnel. Elle souhaite clarifier son approche avant d’entamer les concertations et les diagnostics nécessaires. L’une et l’autre doivent être ciblés à un premier cadrage, qui doit pouvoir être précisé en deux ou trois réunions qui rassembleront l’équipe et quelques-uns de ses proches partenaires sur le projet farines infantiles. La « chargée de projet » responsable de l’animation propose d’utiliser « l’arbre à problèmes » pour animer la première de ces réunions. Elle cible la seconde sur l’analyse sommaire du jeu des acteurs locaux, et prévoit de conclure la troisième par une synthèse et un premier tableau logique simplifié « côté gauche ». L’arbre à problèmes

« L’arbre à problèmes » est un mode de représentation simplifiée d’une problématique donnée. Il fait apparaître le classement hiérarchique des différents problèmes qui la composent. Chaque « problème » y est figuré en quelques mots et est relié d’une part à ceux dont il est la conséquence ou l’effet (ils sont placés en dessous de lui), et d’autre part à ceux dont il est la cause (ils sont placés au-dessus de lui). Des méthodes d’animation assez simples peuvent être utilisées pour conduire à ce que certains appellent des « ateliers de planification participative ». Ces ateliers permettent à un groupe d’établir un « arbre à problèmes » en identifiant d’abord ces problèmes « en désordre », puis en les classant ensuite par ordre de cause à effet. C’est un outil assez fruste. Il peut même être toxique quand il est utilisé comme « le principal outil » de synthèse d’un diagnostic, même si ce diagnostic a été « participatif » : Il représente en effet une réalité comme une somme de problèmes et conduit à concevoir un « projet » comme une machine à les résoudre, ce qui est très réducteur. Les méthodes participatives rapides donnent parfois des résultats bien contestables. Elles fonctionnent mal quand elles réunissent des acteurs qui partagent ni des référentiels communs ni une bonne connaissance des situations dont ils débattent. Leurs résultats dépendent de dynamiques de groupes parfois bien complexes. Elles sont rarement indemnes des stratégies d’adaptation que les acteurs locaux bâtissent à l’égard des intervenants extérieurs qui annoncent la venue d’un « projet »… Au final, elles ne sont pas forcément très simples à mettre en œuvre, contrairement à ce qu’il en est dit parfois 7. Mais « l’arbre à problèmes » utilisé à bon escient, dans le courant d’une démarche globale, permet de visualiser les difficultés que l’on cherche à résoudre, leurs causes et leurs conséquences. Il peut être utile aux Ong qui, comme PCSF, tentent d’inscrire leur entrée spécifique, ici technique, dans une problématique plus globale. 7

P. Lamballe et N. Gauthier « La planification des interventions par objectifs, un parcours semé d’embûches », Coopérer aujourd’hui n° 24, GRET.

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PCSF l’utilise ainsi en commençant à travailler sur la problématique très large de l’inégalité des « chances à l’école ». En deux heures de réunion, l’équipe aboutit au schéma suivant : Figure 7 : L'arbre à problèmes de l'inégalité des chances de réussite à l'école

Les chances de réussite scolaire des enfants les plus pauvres sont très faibles

Très peu de ces enfants fréquentent régulièrement l’école malgré sa proximité géographique à Tana

Les enfants les plus pauvres travaillent

Les revenus familiaux sont insuffisants

Les frais d’écolages sont élevés

L’école publique à laquelle ces enfants ont accès est peu efficace

Les parents ne sont pas motivés pour envoyer les enfants à l’école

Les programmes de l’école publique ne sont pas adaptés

Les parents ne sont pas persuadés de l’intérêt de l’école

L’école publique n’est pas assez insérée dans son milieu

L’école n’apporte aucune réponse aux problèmes quotidiens des familles

Les enfants pauvres qui fréquentent régulièrement cette école réussissent moins biens que les autres

L’école publique manque de moyens

L’Etat n’a ni les moyens ni la volonté politique suffisante pour soutenir l’école

Ces enfants ne bénéficient pas du soutien de leur famille

Et aucune autre forme d’activité péri solaire n’est accessible à ces enfants

Les collectivités locales ne se mobilisent pas suffisamment en faveur de l’école Publique

Les problèmes de santé et de malnutrition empêchent les enfants de bien suivre à l’école

Les familles les plus pauvres n’ont pas accès au système de santé

Les enfants ne bénéficient pas d’une alimentation équilibrée

À partir du premier « arbre », l’équipe décide d’approfondir la problématique qui la concerne plus directement. Elle décline plus en détail l’item : « Les problèmes de santé et de malnutrition empêchent les enfants de bien suivre à l’école » en ne creusant que les « problèmes » qui ont à voir avec l’alimentation. Toujours sur le mode de la « réflexion à bâtons rompus », sans chercher à approfondir la formulation des problèmes, elle trace donc un deuxième « arbre à problèmes ».

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Figure 8 : L'arbre aux problèmes de santé des enfants scolarisés

Des problèmes de santé et de malnutrition empêchent les enfants de bien suivre à l’école

L’insalubrité des quartiers favorise les maladies infectieuses

Les réseaux d’assainissement sont défectueux, les services de ramassage des ordures inopérants

La méconnaissance des règles d’hygiène aggrave les conséquences d’un environnement désastreux

Les familles pauvres n’ont pas accès à un système de santé efficace

Les centres de santé publics accessibles dans les quartiers sont peu opérants

En période de crise les familles n’ont pas les moyens d’acheter de la nourriture en quantité suffisante

Les aliments qui apportent les protéines et certains nutriments indispensables sont coûteux ou irrégulièrement disponibles

Les enfants ne bénéficient pas d’une alimentation équilibrée

Ces familles n’ont pas les moyens de se soigner ailleurs que dans les centres publics

Les plats habituellement consommés en famille ne sont pas équilibrés

Les enfants mangent rarement le matin et ne peuvent pas rester attentifs toute la matinée

Les mères de famille ne connaissent pas les notions de base qui leur permettraient, à dépense égale, de confectionner des repas mieux équilibrés

La plupart des mères de familles travaillent. Le temps de préparation des aliments est une contrainte forte

Les enfants scolarisés mangent parfois peu à midi parce qu’ils mangent très souvent en dehors de chez eux

Dans une ville où l’énergie est rare et chère le temps de cuisson des aliments est également une contrainte

Première synthèse

L’équipe de PCSF laisse reposer « ces deux arbres à problèmes ». Elle les relit le lendemain en essayant d’en tirer les principales conclusions susceptibles d’orienter la conception de son projet. Ces premières conclusions sont les suivantes : 1. Les problèmes de santé ne sont qu’un facteur parmi d’autres d’échec scolaire, la mal alimentation n’est qu’une cause parmi d’autres aux problèmes de santé. L’entrée « nutrition » n’assure pas forcément à elle seule la cohérence d’un projet qui s’affiche sous un objectif « accès à la réussite scolaire des plus pauvres ». Pour être cohérent, le projet devra rechercher un impact plus global sur l’école… ce qui implique une vraie recherche pour PCSF et sans doute des alliances nouvelles (un impact

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plus global sur les autres « problèmes », identifié sur l’arbre « santé », semble hors de portée de l’action de PVLS). 2. « L’arbre » éducation met en évidence cinq leviers : le revenu, la politique nationale en faveur de l’éducation, l’action des collectivités locales, celle des autres acteurs les plus impliqués « localement » dans l’école, et enfin les familles. PCSF ne peut jouer ou espérer jouer directement que sur les trois derniers. 3. Mais, faute de pouvoir jouer sur le levier « revenus », un projet qui se propose de lutter effectivement contre la mal nutrition des enfants les plus pauvres conduira inévitablement à un dispositif qui devra être « durablement subventionné ». Un tel dispositif n’est envisageable qu’à trois conditions : - Il devra être porté par une institution publique importante et donc des politiques puissants. - Son efficacité, son efficience et sa fiabilité devront être suffisamment prouvées pour convaincre des bailleurs institutionnels de s’y engager. - Il devra reposer sur un système durable de subventions porté par l’État ou par les collectivités locales. L’hypothèse d’un impact fort du facteur « alimentation » doit donc être démontrée très explicitement avant d’espérer un « changement d’échelle : le projet devra rester à la fois expérimental et de taille modeste tant que cette corrélation ne sera pas mieux établie. Il devra permettre de réunir plus de références sur cette question. Son extension dépendra de la mesure de son efficacité et son efficience, preuves de sa pertinence. 4. Enfin, les deux arbres pointent que la méconnaissance des principes de base en nutrition est aussi un obstacle à l’amélioration de l’alimentation.

Les premiers fruits des arbres à problèmes invitent à recourir à un autre outil, le tableau des acteurs L’idée serait donc de commencer par un projet expérimental de cantines scolaires dans quelques écoles de quartiers d’Alcazar City. Avant de se lancer plus avant dans la conception de ce projet, l’équipe de PCSF passe en revue les acteurs susceptibles d’être concernés et associés à un tel projet, en distinguant les acteurs locaux (dans les quartiers) et les acteurs institutionnels (municipalité d’Alcazar City, administrations publiques). Elle veut définir les grandes lignes de sa stratégie avant d’aller discuter, au moins avec certains d’entre eux, de cette idée de projet… quitte à faire évoluer cette première esquisse stratégique après une première série de rencontres. Elle utilise, pour faire cette revue stratégique des acteurs, un outil « classique » : le tableau des acteurs. Sur quatre colonnes et pour chaque catégorie d’acteurs, elle décrit en une ou deux phrases : - Ses caractéristiques essentielles (du point de vue du projet) ; - Son intérêt supposé pour le projet ; - Ses éventuels oppositions au projet ; - Les éléments qui en résultent pour le positionnement du projet à leur égard. Cette revue des acteurs est produite par un brain storming rapide. Elle se fonde sur une connaissance implicite du contexte. L’exercice n’exonèrera pas PCSF d’une analyse de terrain plus ciblée et plus documentée si elle décide finalement de passer à l’action.

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Figure 9 : Tableau des acteurs : 1. Les acteurs locaux Leurs caractéristiques

Leurs intérêts supposés

Les éventuelles tensions

Les élus souvent réellement attentifs aux questions scolaires (beaucoup d’élus ex enseignants).

Risque d’un discours démagogique contradictoire avec la participation financière des parents.

Eléments de positionnement

Les élus de quartiers Des personnalités et des « qualités » très diverses (problèmes de corruption réels mais non systématiques). Souvent effectivement bien « implantés » et influents. Connexion forte entre élus du parti au pouvoir et appareil d’Etat. Les maires dominent les conseils municipaux.

Intérêt à « capitaliser » tout ce qui se fait dans leur quartier.

Risque de comportements clientélistes et de lecture « politicienne » (les Comportement discipliné de opposants se recrutent chez les enseignants). la majorité autour des

Acteurs incontournables. Peut avoir un rôle positif ou négatif Importance de bien les informer et de les associer. La personnalité des élus est un critère (secondaire) dans le choix des quartiers.

leaders des grands partis politiques.

Risque de tensions entre élus et associations de quartiers concurrents pour le leadership local.

L’école primaire fait désormais partie des compétences des communes.

Tout projet consommateur de ressources propres est mal venu.

Acteurs inévitables, mais peu moteurs.

Mais leurs éventuelles interventions concernent plus l’entretien des bâtiments que ce qui se passe dans l’école.

Les projets qui facilitent l’accès à des financements externes sont des enjeux pour des services municipaux parfois prédateurs et concurrents entre eux.

N’associer qu’en cas de besoin (aménagement de bâtiment).

Les services des mairies de quartiers Très peu de ressources propres, recherche de financements extérieurs. Des moyens logistiques et humains très faibles dans les quartiers, bénéficiaires théoriques d’une politique de décentralisation active, plus bruyante qu’effective. Mais acteurs incontournables de toute action « locale ». Concurrence entre mairies de quartiers et Communauté urbaine d’Alcazar City, plus ou moins vive selon la couleur politique des élus.

Tout projet qui facilite l’accès à des financements externes est bienvenu.

Informer (via les élus).

Les enseignants et les directeurs d’écoles Salaires très faibles. Doivent trouver d’autres sources de rémunération pour survivre. Compétences en moyenne très limitées mais aussi très hétérogènes. Motivations extrêmement hétérogènes : il existe encore des « saints laïcs » parmi ces instituteurs sous-payés.

Un intérêt sans doute inégal mais « collectivement réel » pour contribuer à l’amélioration de l’école.

La « vente » de services aux élèves, notamment de nourriture à l’école, est une source de revenu pour Un intérêt également inégal certains enseignants. Ils mais « collectivement réel » percevront le projet comme un concurrent. pour ce qui contribue à

valoriser leur profession et l’image de l’institution Majoritairement syndiqués, syndicats actifs, corporatistes scolaire. et puissants. Motivés par ce qui Les directeurs sont parfois imbus de leur autorité. différencie leur école des Ils peuvent influer assez fortement, en bien comme en autres. mal, sur « l’ambiance » d’un établissement.

Acteurs essentiels, rien ne sera organisé dans l’école « contre eux ».

Ils doivent avoir un intérêt à la réussite du projet qui doit valoriser leur rôle et leur Les projets qui renforcent le institution. « pouvoir » des parents Associer les syndicats d’élèves, et qui d’une à la réflexion peut être manière générale touchent un plus. à leurs prérogatives, ne La personnalité du sont pas forcément bien directeur est un critère vus. (secondaire) dans le choix des écoles.

Les associations de parents d’élèves Présentes dans pratiquement toutes les écoles mais inégalement actives. Pratiquement aucune ressource monétaire, capacité à mobiliser du travail bénévole sur courte période, faible capacité de gestion (sauf exception). Structures actives malgré, parfois, des phases de dormance « prolongées ». Adhèrent à une fédération qui représente une force (et un enjeu) politique sur la ville. En général fortement connectées aux associations de quartiers.

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Devraient être a priori favorables au projet qui bénéficiera à leurs membres et renforcera leur légitimité. Elles devraient se mobiliser pour faciliter la mise en œuvre des cantines et assurer leur pérennité.

Peu de risque de tension avec ces associations si elles sont associées dès le départ. Leur donner des fonctions de gestion trop « lourdes » sans « les outiller » pour cela peut cependant être durablement « contre productif ».

Acteurs moteurs. Relais indispensables vers les familles. Prévoir de renforcer leur capacité. Mais aussi leur « vision » sur le sujet. Intérêt à établir des contacts avec la fédération des associations de la ville.

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Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

Les acteurs locaux (suite) Leurs caractéristiques

Leurs intérêts supposés

Les éventuelles tensions

Eléments de positionnement

Les associations de quartiers Existent dans tous les quartiers. Leur dynamisme spontané est inégal d’un quartier à l’autre, mais elles sont globalement très réactives à toute sollicitation externe. Relais incontournables de nombreuses interventions externes (projets, Ong..).

Idem que les associations de parents d’élèves.

Peu de risque de tensions. (Attention cependant aux contextes politiciens, et à d’éventuelles dérives « populistes ».

Historiquement « activées » il y a une vingtaine d’années par le parti des masses populaires, elles ont parfois gardé une forte capacité d’influence locale, au-delà de ce rôle de relais.

Acteurs moteurs forcément associés à la mise en œuvre des cantines. Incontournables pour d’éventuelles actions d’animations ou de mise en relations hors écoles. Mais le « mode d’emploi » local de ces associations nécessite un diagnostic préalable.

Reposent sur des fonctionnements sociaux contrastés d’un quartier à l’autre (selon les époques de création et d’urbanisation)… Selon leurs différents fonctionnements, elles n’assurent pas forcément la même représentation des intérêts des plus « pauvres des plus pauvres » ni la même fonction fédérative.

2. Les acteurs « institutionnels » Leurs caractéristiques

Leurs intérêts supposés

Les éventuelles tensions

Eléments de positionnement

La communauté urbaine et le maire d’Alcazar City La communauté urbaine (CUAC) dispose de cadres compétents, et au regard des autres administrations publiques de réelles capacités d’interventions et de gestion. Elle est cependant très dépendante des bailleurs de fonds… qui la soutiennent effectivement mais pèsent sur ses choix politiques. Le maire d’Alcazar City est un personnage important dans la vie politique du pays.

Le maire devrait être intéressé par tout projet de cantine scolaire. Mais il ne se mobilisera réellement que pour un projet de grande envergure susceptible d’être durablement financé par les bailleurs de fonds.

Les services de la commuC’est un politicien « moderne » qui a fait une partie de sa nauté urbaine devraient se carrière dans le privé, ambitieux et influent. Il sait que sa montrer réactifs à un projet carrière se jouera en partie sur le bilan de son mandat. innovant, sans pouvoir mobiliser beaucoup de moyens nouveaux.

Risque éventuel d’instrumentalisation politique (a priori mineur, sauf en période électoral). L’éventuelle participation financière directe de la Communauté Urbaine au financement du projet pourrait s’avérer indispensable et délicate à négocier.

Il n’y aura pas d’extension et de pérennisation possible sans le soutien du maire, ni la participation des services de la CUAC. Il est indispensable de les associer dès le départ.

Les services de l’E.N. Les services décentralisés ont très peu de moyens. Culture très bureaucratique.

A priori intéressés par ce qui valorise l’école.

Risque de vouloir monnayer Acteurs incontournaleur soutien au projet. bles mais peu moteurs.

Vivent assez mal la décentralisation qui contribue à les marginaliser.

Intérêt professionnel des services statistiques pour un projet qui utilisera et valorisera leurs données… et pourrait les associer à certaines études…

Risque de percevoir comme une atteinte à leur prérogative un projet qui interviendrait dans l’école en se passant de leur tutelle.

Personnels proches des enseignants… comme eux, mal payés et de qualité très hétérogène. Difficiles à contourner pour toute démarche inter établissements scolaires. Un pouvoir de blocage sur toutes les initiatives se déroulant à l’intérieur des établissements scolaires. Mais collaborent déjà avec des Ong, notamment des Ong internationales spécialisées sur l’enfance et sur l’éducation.

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Leur bienveillance est indispensable (notamment pour avoir accès aux statistiques scolaires). Alliance souhaitable avec les autres Ong qui interviennent sur l’école. Contacts préalables indispensables. Alliance au sein de l’Administration centrale indispensable.

Coopérer aujourd’hui n° 43

Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

Les acteurs « institutionnels » (suite) Leurs caractéristiques

Leurs intérêts supposés

Les éventuelles tensions

Eléments de positionnement

Les services de santé Particulièrement inefficaces au niveau des quartiers et jouissant d’une très mauvaise réputation.

En général peu réactifs.

Peu de risque de tensions.

Acteurs locaux plutôt mineurs. Importance d’associer les partenaires nationaux actifs sur les questions de nutrition.

Les acteurs actifs et efficaces sont les dispensaires religieux et quelques Ong inégalement et irrégulièrement présentes. (PCSF est déjà connectée avec les organismes qui travaillent sur les questions de nutrition).

3. Les familles Leurs caractéristiques Les écoles publiques accueillent effectivement les enfants des familles les plus pauvres. Mais il existe de grandes différences de revenus et des situations selon les quartiers et au sein d’un même quartier. Ces différences se traduisent par des insertions sociales différentes et notamment le lien aux « associations ». Tous les enfants pauvres d’âge scolaire ne vont pas à l’école. Il existe déjà des systèmes d’entraide entre familles pour le « gardiennage » des plus jeunes enfants scolarisés. Les traditions alimentaires (et les interdits) sont différentes d’une communauté à l’autre. Les mères de familles s’occupent seules (avec leurs filles aînées) du soin et de l’éducation des jeunes enfants.

Leurs intérêts supposés Intérêt évidemment fort pour un système de cantines subventionnées.

Les éventuelles tensions Les cantines perturberont certains arrangements entre familles (problème mineur). La question de la participation des parents aux frais des cantines sera délicate, surtout si le projet tente de différencier cette participation en fonction de la situation sociale des familles. Des résistances au changement dans l’alimentation (liées à l’identité culturelle) peuvent être fortes.

Eléments de positionnement Nécessité de mieux connaître les habitudes alimentaires, l’organisation des familles et les économies familiales. Entretenir la connexion forte avec les services sociaux et les Ong qui travaillent sur les questions de genre (connexion construite lors du projet « nutrition infantile).

Les éléments sont réunis pour construire une première version du tableau logique de la phase expérimentale du projet « la santé c’est le savoir » Le tableau des acteurs permet de commencer à imaginer la forme que pourrait prendre le projet « la santé c’est le savoir ». L’équipe de PCSF conclut ses réunions par un tableau qui résume le cahier des charges du projet 8. Avec ce dernier tableau (page 28), tous les éléments sont réunis pour élaborer le premier Tableau Logique Simplifié du projet « La santé c’est le savoir » - phase expérimentale. Alors, chers lecteurs, à vous de jouer maintenant. Exercez-vous à l’art, facile, de la construction des tableaux logiques. Ah ! Vous manquez, dites-vous, de pratiques et de méthodes ? La deuxième partie de cette note vous propose justement une notice de construction. 8

Eh oui, décidément PCSF aime bien les tableaux ! Elle a bricolé ce petit dernier pour mieux visualiser les conditions de pertinence, de faisabilité, de viabilité et d’extension d’un projet (et qui dit mieux visualiser, dit mieux discuter). En mettant ces conditions en exergue, ce tableau « cahier des charges » lui apparaît un complément utile au « tableau logique simplifié » qui lui permet essentiellement d’apprécier la cohérence d’un projet. Ah ! Vous n’êtes pas encore familiarisés avec les « Grands critères » de l’évaluation de projet ! Téléchargez vite la note « « Evaluer : Apprécier la qualité pour faciliter la décision » sur le site du Gret http://www.gret.org.

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Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

Figure 10 : Tableau « Cahier des charges » du projet « La santé c’est le savoir » Les problèmes majeurs à résoudre, les principaux potentiels à valoriser

La malnutrition a un impact négatif sur la santé des enfants d’âge scolaire et sur leur capacité d’apprentissage à l’école.

Les objectifs du service à mettre en œuvre

Permettre aux enfants d’âge scolaire des couches les plus pauvres de la population d’Alcazar City de bénéficier d’une alimentation équilibrée, à l’école et dans leur famille.

Les conditions de pertinence du service Les solutions en termes d’organisation ou d’institution

Elle a un effet négatif sur les chances de réussite scolaire des enfants les plus pauvres.

Un impact effectif entre l’amélioration de l’alimentation, les capacités d’apprentissage et la réussite scolaire. L’accessibilité durable des enfants les plus pauvres au service. Un service de cantines scolaires, mis en œuvre par des associations locales, soutenu et organisé par les services de la communauté urbaine (accompagné d’actions d’information sur la santé et l’alimentation). La qualité des plats servis par les cantines (qualités nutritionnelle et gustative, facilités de préparation, coûts…).

Les conditions de faisabilité et de viabilité

La fiabilité et l’efficience du dispositif final (organisation, gestion, approvisionnement des cantines). La participation des acteurs locaux et le soutien des acteurs institutionnels. Le bon équilibre dans la prise en charge des coûts entre subvention et participation. Les bailleurs de fonds sont convaincus que l’organisation de cantines scolaires est effectivement un outil efficace de lutte contre la pauvreté.

Conditions d’extension et de reproductibilité

L’administration de l’Education nationale soutient le projet. Les communes sont parties prenantes de l’organisation du service. Les solutions organisationnelles (l’organisation et l’approvisionnement des cantines) et techniques (la mise au point des aliments) sont suffisamment « documentées » pour faciliter leur transposition dans des contextes différents.

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Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

II.

NOTICE DE CONSTRUCTION

1.

Méthode générale

1.1 Le principe de construction en théorie

Par où commencer ? Les quelques formations organisées par le Gret sur les « tableaux logiques simplifiés » ont confirmé, si besoin en était, que chaque individu a sa propre logique, et ne fabrique pas spontanément l’arbre logique de son projet de la même façon : Les uns sont plus à l’aise en suivant une démarche qui part des activités et qui « remonte » vers les objectifs ; Les autres préfèrent commencer par les objectifs finaux et « descendre » vers les activités ; D’autres enfin partent de l’objectif spécifique de leur projet, et élaborent leur tableau logique simplifié en explicitant tantôt le « pourquoi », tantôt le « comment ». Figure 11 : Par où commencer ?

Du côté du « pourquoi »

Du coté du « quoi »

Du côté du « comment »

Du côté du « pourquoi »

Du coté du « quoi »

Du côté du « comment »

Du côté du « pourquoi »

Du coté du « quoi »

Du côté du « comment »

et des objectifs finaux

et de l’objectif spécifique

et des activités

et des objectifs finaux

et de l’objectif spécifique

et des activités

et des objectifs finaux

et de l’objectif spécifique

et des activités

A partir des activités

A partir des objectifs finaux

A partir de l’objectif spécifique

Quelle est la meilleure méthode ? À vrai dire, le mieux est de faire « comme on le sent ». Les personnes « pratiques » très impliquées dans l’exécution d’un projet en cours de réalisation peuvent être plus à l’aise en commençant par « les activités ». Celles dont l’esprit est plus « théorique », et qui travaillent à l’élaboration d’un projet, préfèrent en général commencer par les finalités. C’est aussi la solution recommandée aux hésitants. Commencer par le milieu peut convenir aux projets, construits à partir d’un objectif spécifique très cohérent et très prégnant comme « créer une institution de microfinance », « accompagner l’installation d’une coopérative agricole ». Mais qu’importe le point de départ pourvu qu’on arrive au bon résultat !

De gauche à droite, des objectifs généraux vers les objectifs de plus en plus détaillés Pour construire le « tableau logique simplifié » d’un projet à partir des objectifs finaux : On commence par décrire en quelques mots, dans la colonne de gauche du tableau, ce qui nous semble être notre objectif final, ou nos objectifs finaux, « le premier niveau logique ». Quel est le but du projet ? Quels sont ses objectifs finaux ? Quels sont les « grands objectifs auxquels il doit contribuer ? Pourquoi les promoteurs de ce projet ont-il décidé de le lancer ? On doit répondre à ces questions, à peu près équivalentes à ce stade, par trois ou

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Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

quatre « objectifs » maximum, et par pas plus de deux ou trois phrases par objectifs. Cette règle, strictement formelle, ne se justifie que par la pratique, mais à l’expérience, elle est incontournable. Inutile alors de se prendre la tête, pour se demander : « Est-ce bien un objectif final ? N’est-ce pas plutôt un objectif global, intermédiaire ou spécifique… ? ». On reviendra sur cette question-là plus tard. Ce qu’il faut, c’est commencer. Ensuite, on décline ce premier « niveau logique », ce ou ces objectifs finaux en un ou plusieurs objectifs de « niveau logique 2 », ou objectifs intermédiaires, que l’on inscrit dans la colonne suivante. Ces derniers sont les principales étapes, les points de passage obligés pour atteindre le ou les objectif(s) final (aux). Ils répondent aux questions : Que faut-il faire, par quelles étapes intermédiaires faut-il passer pour atteindre l’objectif final ? Quels sont les différents éléments de cet objectif final ? En quoi le projet va-t-il contribuer à ces objectifs finaux ? Chacun trouvera la formulation de la question avec laquelle il fonctionne le mieux. La règle formelle (pas plus de trois ou quatre objectifs et de deux ou trois phrases par objectif) s’applique tout au long du processus de fabrication. Comme toute règle bien faite, elle autorise des exceptions qui doivent rester rares. Ces objectifs intermédiaires sont à leur tour détaillés en plusieurs « sous-objectifs », avec la même méthode : « Que faut-il faire pour atteindre les objectifs décrits dans la colonne précédente ? En quoi le projet va-t-il contribuer à ces objectifs ? On peut ainsi décrire des niveaux logiques 2, 3, 4, etc. On peut développer le « tableau logique simplifié » jusqu’à un niveau de détails proche de l’outil de programmation des activités (cf. ci-après). Il suffit d’ajouter successivement des colonnes à l’arbre initial, toujours selon le même processus et le même type de questions, pour créer une nouvelle colonne : « Que faut-il faire pour atteindre les objectifs inscrits dans la colonne précédente » ? On aboutit ainsi à la description d’un ensemble d’activités ou des activités : on a construit un « arbre logique complet » qui va des « finalités » aux « activités prévues ». Pour les projets complexes, mieux vaut procéder par étapes, et finaliser un premier « tableau logique simplifié » partiel à trois, quatre ou cinq colonnes maximums, avant de vouloir aller plus loin (s’il est nécessaire d’aller plus loin).

De droite à gauche, des activités vers les objectifs finaux Le principe est le même quand on préfère construire le tableau logique simplifié à partir des activités : On commence par résumer la liste des activités mises en œuvre par le projet et trois, quatre ou cinq ensembles d’activités. On décrit ces ensembles en une ou deux phrases maximums (deux ou trois mots peuvent parfois suffire) que l’on inscrit dans la dernière colonne du tableau, la plus à droite. On s’interroge ensuite : Quels sont les résultats attendus de ces activités ? À quoi doiventelles directement aboutir ou servir ? Quels doivent être leurs effets immédiats ? Et on inscrit la réponse à ces questions, ensemble d’activités par ensemble d’activités, dans l’avantdernière colonne. La même règle formelle s’applique : pas plus de trois ou quatre « résultats » par activités, pas plus de deux ou trois phrases pour décrire un résultat. Et ainsi de suite, de droite à gauche, d’une colonne à l’autre, on explicite de façon synthétique le ou les effets attendus des « résultats » ou des « objectifs intermédiaires » qui figurent dans la colonne précédente. On arrive ainsi théoriquement aux objectifs finaux du projet.

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Coopérer aujourd’hui n° 43

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1.2 Le principe de construction illustré

Le service d’appui conseil aux exploitations familiales de la FOPPA Le potentiel de l’agriculture irriguée de la plaine de l’ARMEN est considérable et demeure sous-exploité. Les organisations paysannes villageoises et les groupements de producteurs de cette région se sont regroupés au sein d’une fédération, la FOPPA, la Fédération des Organisations Paysannes de la Plaine de l’ARMEN. Les services de l’État chargés de la vulgarisation agricole n’ont jamais été ni très efficaces, ni très appréciés. Ils sont quasi inexistants depuis le réajustement structurel. La FOPPA, qui offre déjà un service de conseils économiques et juridiques à ses membres, veut créer un service d’appui conseil aux exploitations familiales. Elle prépare un projet dans ce sens. Son principal soutien financier exige que ce projet soit débattu avec les bailleurs qui financent les aménagements hydro-agricoles, les services de l’État et les syndicats agricoles. Les représentants de ces partenaires potentiels se réunissent pour élaborer un premier draft du « tableau logique simplifié » du projet. 1) Chacun est invité à dire quels sont les objectifs finaux auxquels ils souhaitent que ce projet contribue. On ne retient là que les objectifs essentiels. Ces objectifs diffèrent selon les acteurs, mais ils ne sont pas contradictoires. 2) À partir de là chacun explicite ce qu’il faut faire, selon lui, pour atteindre ces objectifs. La question posée est plutôt : en quoi le projet peut-il y contribuer ? 9 Là encore, on résume les idées émises en ne gardant que l’essentiel. À ce stade le questionnement est encore organisé de façon très analytique, objectifs par objectifs. Chacun peut ainsi approfondir son « pourquoi » du projet.

9

1 Améliorer la situation des exploitations et augmenter le revenu des paysans 2 Valoriser le potentiel agricole de la plaine de l’ARMEN et optimiser la mise en valeur des aménagements 3 Renforcer le « pouvoir collectif » des paysans vis-à-vis des autres acteurs de l’économie agricole de la Plaine 4 Renforcer la FOPPA en temps qu’institution Contribuer à améliorer …

1 Améliorer la situation des exploitations, etc.

2 Valoriser le potentiel agricole de la plaine de l’ARMEN, etc 3 Renforcer le « pouvoir collectif » des paysans, etc.

4 Renforcer la FOPPA en temps qu’institution

11 La gestion des exploitations et donc les capacités de gestion des paysans 12 Les performances technico-économiques des exploitations 13 Les capacités de négociation des paysans notamment avec leurs partenaires économiques Idem 11 et 12 et Contribuer à : 22 L’intensification de la production rizicole 23 La diversification des systèmes de productions agricoles 24 Le développement de nouvelles activités de transformation des produits agricoles Idem 13 31 Développer une culture de la gestion au sein des responsables d’exploitations et d’OP 32 Contribuer à renforcer la cohésion des OP en favorisant les dynamiques de groupes 41 Améliorer la situation économique des exploitations, c’est améliorer celle des OP et donc la FOPPA 42 Mieux valoriser les compétences déjà rassemblées au sein des services de la FOPPA 43 Rendre un service apprécié à la base parce qu’il répond à ses préoccupations et attentes

On n'est pas ici dans un exercice « d’arbre à problèmes », ou de diagnostic participatif : il s’agit là de résumer la logique d’un projet déjà identifié, au moins dans ses grands principes, pour vérifier l’accord initial des différents partenaires et en tenir compte lors de la faisabilité proprement dite.

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Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

3) Le questionnement évolue vers le « quoi » et vers le ou les objectifs spécifiques du projet. Ici, cet objectif spécifique est le point de départ de la démarche. Le projet vise à créer un service d’appui conseil au sein de la FOPPA.

Le troisième niveau du « tableau logique simplifié » s’efforce de répondre à la question suivante : quelles caractéristiques, quelles particularités ce service doitil avoir pour répondre aux objectifs précédemment définis ?

Contribuer à améliorer … 1 Améliorer la situation des exploitations, etc. 2 Valoriser le potentiel agricole de la plaine de l’ARMEN, etc. 3 Renforcer le « pouvoir collectif » des paysans, etc.

11 La gestion des exploitations… 12 Les performances…. 13 Les capacités de négociations… 22 L’intensification rizicole 23 La diversification… 24 Nouvelles activités 31 Culture de gestion… 32 …Dynamiques de groupes…

42 Valoriser les 4 Renforcer la compétences… déjà FOPPA en tant rassemblées au sein des services de la FOPPA qu’institution 43 Un service apprécié …

Proposer des références techniques éprouvées et adaptées au contexte et à la situation des exploitations Associer alphabétisation, formation, conseil en groupes et appui individuel Accorder une importance particulière à la formation économique et au conseil en gestion. Un service « durable » pour accompagner des processus d’apprentissage longs et évolutifs Impliquer fortement les OP dans la mise en œuvre du service Organiser le conseil pour qu’il favorise les dynamiques de groupes Associer fortement les usagers dans l’organisation du service Rechercher les synergies entre conseils aux OP et services aux exploitations Proposer une gamme d’appui conseil adaptée aux différentes catégories d’exploitations, et notamment aux personnes « mal alphabétisées »

4) On obtient ainsi la première partie du tableau logique du projet de création d’un service d’appui conseil aux exploitations agricoles de la plaine de l’ARMEN (cf. page suivante). Il reste à compléter ces quatre premières colonnes en répondant successivement aux questions suivantes : Comment construire et mettre en œuvre tel service ? Quels objectifs intermédiaires ou partiels faut-il se fixer ? Quels résultats faut-il viser pour atteindre ces objectifs ? Quelles activités peuvent permettre d’atteindre ces résultats ?

32

Coopérer aujourd’hui n° 43

Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

Figure 12 : L'exemple du service d'appui conseil de la FOPPA Contribuer à améliorer … 1 Améliorer la situation des exploitations et augmenter le revenu des paysans

11 La gestion des exploitations et donc les capacités de gestion des paysans

2 Valoriser le potentiel agricole de la plaine de l’ARMEN et optimiser la mise en valeur des aménagements

Idem 11 et 12 et Contribuer à

3 Renforcer le « pouvoir collectif » des paysans vis-àvis des autres acteurs de l’économie agricole de la Plaine

4 Renforcer la FOPPA en tant qu’institution

2.

12 Les performances technico-économiques des exploitations 13 Les capacités de négociation des paysans notamment avec leurs partenaires économiques 22 L’intensification de la production rizicole 23 La diversification des systèmes de productions agricoles 24 Le développement de nouvelles activités de transformation des produits agricoles Idem 13 31 Développer une culture de la gestion au sein des responsables d’exploitations et d’OP 32 Contribuer à renforcer la cohésion des OP en favorisant les dynamiques de groupes 41 Améliorer la situation économique des exploitations, c’est améliorer celle des OP et donc de la FOPPA 42 Mieux valoriser les compétences déjà rassemblées au sein des services de la FOPPA 43 Rendre un service apprécié à la base parce qu’il répond à ses préoccupations et attentes

Proposer des références techniques éprouvées et adaptées au contexte et à la situation des exploitations Associer alphabétisation, formation, conseil en groupes et appui individuel Accorder une importance particulière à la formation économique et au conseil en gestion Un service « durable » pour accompagner des processus d’apprentissage longs et évolutifs

Impliquer fortement les OP dans la mise en œuvre du service Organiser le conseil pour qu’il favorise les dynamiques de groupes

Créer et mettre en œuvre, au sein de la FOPPA, un service d’appui conseil aux exploitations familiales

Associer fortement les usagers dans l’organisation du service Rechercher les synergies entre conseils aux OP et services aux exploitations Proposer une gamme d’appui conseil adaptée aux différentes catégories d’exploitations, et notamment aux personnes « mal alphabétisées »

Conseils pratiques : Le « tableau logique simplifié » en deux temps et dix mouvements

2.1 Commencez par finaliser un morceau

Une première version, assez vite faite, incomplète, qui tient sur une page 1. Bien savoir pourquoi on élabore un tableau logique : on ne le construira pas tout à fait de la même façon selon l’usage qu’on en a. 2. Ne pas se prendre la tête et commencer son « tableau logique simplifié » comme il vient, colonne par colonne. Élaborer une première version, sans chercher à dessiner un arbre complet. Au contraire, se limiter dans un premier temps à trois ou quatre colonnes maximums, c’est-à-dire à trois ou quatre « niveaux logiques », que l’on ait commencé par les « objectifs finaux » ou « les activités » (ce premier essai devrait obligatoirement tenir sur une seule page 21 X 29,7). Ne pas se fatiguer à trop « travailler » dès le départ la formulation des « objectifs ». 3. Laisser reposer et passer à autre chose.

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Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

Une première version finalisée mais incomplète 4. Se remettre à l’ouvrage en commençant par relire cette première version et par vérifier si chaque colonne contient des « niveaux logiques » de même rang. Sinon, essayez de réorganiser votre tableau pour y parvenir à peu près (cf. encadré ci-après). Les colonnes du « tableau logique simplifié » contiennent donc de gauche à droite des « éléments logiques », de niveaux différents. Les éléments de la colonne la plus à gauche sont exprimés en termes généraux ; ils décrivent les effets globaux que le projet doit générer, les finalités du processus complexe dans lesquelles il s’inscrit. Exemples : . Améliorer l’accès à l’eau potable des populations d’un district ; . Favoriser le développement des petites et moyennes entreprises d’une agglomération ; . Améliorer le revenu des paysans d’une province… Les éléments de la colonne la plus à droite décrivent des étapes ou des objectifs intermédiaires plus précis, plus concrets, souvent quantifiables, et qui vont contribuer aux premiers. Ce sont des objectifs ou des résultats « simples »… (simples n’est pas synonymes de faciles à atteindre). Exemples : . Construire six puits busés et rendre effectif le fonctionnement des comités « eaux » dans une dizaine de villages ; . Mettre en place une ligne de crédits « équipements » réservée aux PME, utilisés par une dizaine d’entre elles chaque année ; . Permettre la réalisation d’une dizaine d’aménagements hydro-agricoles visant à mettre en valeur une trentaine d’hectares. Pour que l’arbre logique fonctionne, chacune de ses colonnes doit être relativement homogène et contenir des éléments qui ont le même niveau de généralité ou de précision. Ce n’est pas toujours le cas d’un premier jet. On peut remédier en faisant passer un objectif d’une colonne à l’autre, en scindant dans une même colonne un objectif complexe en plusieurs objectifs simples, ou au contraire en synthétisant plusieurs objectifs simples en une seule formule.

5. Quand l’architecture de votre « tableau » vous semble satisfaisante, retravaillez la formulation de chacun des objectifs. Ils doivent être exprimés en deux/trois lignes maximums, de façon claire, sans mots inutiles. Mais ils doivent être aussi précis que possible : évitez les formulations trop vagues. Parfois, cet effort de formulation peut vous amener à modifier légèrement l’architecture de votre « tableau » : si vous réussissez, par exemple, à formuler plusieurs objectifs intermédiaires qui occupaient plusieurs « cases » en un seul, n’hésitez pas à simplifier votre « tableau ». 6. Quand vous avez abouti à un début de « tableau logique simplifié » qui vous plaît, si possible, faites-le relire par un « étranger » ! C’est le meilleur moyen de vérifier ses qualités ; il doit être compréhensible et cohérent. 2.2 Si nécessaire, complétez votre première version incomplète

Le tableau logique « complet » 7. Complétez ensuite ce début d’arbre logique. Selon le côté choisi pour commencer, ajoutez des colonnes sur la droite pour décliner ses objectifs en « résultats attendus » en « en activités prévues », ou ajoutez des colonnes sur la gauche pour remonter ces résultats ou objectifs spécifiques jusqu’aux objectifs finaux. Une ou deux colonnes supplémentaires suf-

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Coopérer aujourd’hui n° 43

Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

fisent pour des projets simples, comme pour le projet de « La rivière des baies » ci-dessus. Pour des projets complexes, vous pouvez utiliser l’architecture proposée par la figure 1 (cf. page 37) en construisant une suite au premier arbre que vous venez d’obtenir. Il suffit d’utiliser des segments de sa dernière colonne comme 1ère colonne de l’arbre suivant, et ainsi de suite. 8. Laissez reposer une deuxième fois. 9. Vérifiez que votre « tableau logique simplifié » est complet, ou plutôt qu’il convient bien à l’usage que vous lui réservez. Au début d’un travail de conception de projet, il sert à relire l’ébauche de la stratégie d’intervention et à vérifier la cohérence de ses objectifs. Il n’est alors pas utile (ni possible) de dessiner un tableau logique complet jusqu’à la description sommaire des activités (ou des ensembles d’activités) prévues. À la fin de ce travail, on peut avoir besoin de visualiser la liste des activités (ou des ensembles d’activités) prévues pour atteindre les résultats attendus du projet. Cette liste doit alors être suffisamment détaillée pour permettre de vérifier l’adéquation entre les moyens et les activités prévues, et commencer à prévoir l’organisation des activités (cf. note 2 ciaprès). La préparation d’une évaluation est facilitée par « un tableau logique » complet des objectifs finaux aux activités. 10. Relisez-le tout en affinant éventuellement les formulations que vous avez utilisées, et si possible faites relire une deuxième fois par un tiers.

Illustration : La Rivière des baies, le complément Figure 13 : L'exemple de la rivière des baies (suite) Le « tableau logique simplifié » du projet de « la Rivière des baies » complété du côté des activités Niveau logique 2

Niveau logique 3

Niveau logique 4 Vérifier que les limites cadastrales sont lisibles sur le terrain

Vérifier qu’il n’y a pas de litige sur la délimitation du terrain attribué « légalement » aux propriétaires coutumiers par le jugement du 3 avril 1971

a) Vérifier la disponibilité effective du foncier attribué à la coopérative

b) Aménager le lotissement et répartir les lots

Vérifier que l’ensemble des propriétaires coutumiers concernés par l’ancien litige, ont, entre eux et avec le cadastre, la même lecture de la répartition des parcelles Vérifier qu’aucun propriétaire ne conteste plus le jugement du 3 avril 1971. Dans le cas contraire, vérifier la solidité juridique de ce jugement

Confirmer l’accord des propriétaires coutumiers, et vérifier que leurs conditions pour la mise à disposition des terres sont compatibles avec les contraintes de la coopérative

Rencontrer séparément l’ensemble des propriétaires coutumiers des parcelles où doivent être installés les attributaires : connaître leurs intentions

Traduire l’accord entre les propriétaires coutumiers par un acte légalement enregistré

Etudier avec un « homme de loi » les possibilités de « baux » et les éventuels précédents en matière de « faire valoir indirect garanti »

Finaliser le plan d’aménagement du site

Etc.

Trouver un facilitateur et organiser des réunions de concertations avec ces propriétaires coutumiers Etc.

Etc.

Etc.

Etc.

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Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

Peu de temps après avoir pris ses fonctions, le responsable du projet de la rivière des baies souhaite avoir une vision plus précise des activités que va devoir mener sa petite équipe. Il devra commencer à programmer son activité. Il ajoute donc une colonne à droite du tableau de logique qui figure sur son document projet… page 11 et cela donne un « tableau logique simplifié » qui ressemble à celui ci-dessus (au passage il critique l’arbre logique initial, parce qu’il trouve que les éléments logiques de niveau 3 ne sont pas homogènes… Qu’en pensez-vous ?). Quelques années plus tard, un évaluateur prépare une note méthodologique destinée aux promoteurs du projet. Ces derniers lui demandent d’apprécier la cohérence du projet et la façon dont il a ou non atteint l’ensemble de ses objectifs. L’expert commence par relire le document projet et rajoute deux colonnes à gauche du tableau logique initial. Figure 14 : Le projet de la Rivière des baies (fin)

Le document projet explique que l’installation de la coopérative n’est pas une fin en soi. Le projet se déroule dans une région où l’agriculture est restée essentiellement vivrière, alors qu’un développement urbain, encore modeste mais appelé à s’amplifier, commence à offrir des débouchés aux produits agricoles locaux. Mais le développement d’une agriculture plus intensive et tournée vers ce marché se heurte à des problèmes de sécurisation foncière, d’accès au crédit et à un manque de références agronomiques. La création de la coopérative est conçue comme une action « pionnière » qui doit démontrer l’intérêt et la faisabilité d’une agriculture intensive dans cette région. L’amélioration des conditions de vie des futurs coopérateurs est un objectif en soi, mais aussi une preuve des avantages de l’agriculture intensive. Les deux colonnes rajoutées par l’évaluateur ressemblent à celles-ci : Les objectifs globaux Démontrer la faisabilité et l’intérêt du développement d’une agriculture plus intensive tournée vers le marché Produire des références utiles pour le développement d’une agriculture intensive

Objectif spécifique (ex niveau 1)

Démontrer que des exploitations agricoles, tournées vers le marché, peuvent procurer des meilleures conditions de vie pour les agriculteurs Démontrer que de telles exploitations agricoles peuvent être économiquement viables Expérimenter un type de bail respectueux du droit coutumier, et des contraintes des producteurs agricoles Expérimenter un système de crédit agricole adapté

Accompagner l’installation des attributaires, la création puis le développement de leur coopérative

Produire des références agronomiques sur les principales productions intéressant les marchés urbains en développement

En reprenant les ajouts du responsable de projet et ceux de l’évaluateur, le « tableau logique simplifié » complet du projet de la Rivière des Baies tient sur deux pages.

Les tableaux logiques des projets « complexes » Le tableau logique complet, partant de l’objectif final aux activités, est évidemment plus compliqué à bâtir pour des projets plus complexes (comme celui de Rivabella). On peut s’en sortir en construisant ce tableau sous la forme d’une série de tableaux emboîtés (cf. fig. 15). Les dernières cases du tableau « du côté des objectifs » servent de premières colonnes au tableau « du côté des résultats ». Les dernières cases de ce tableau « du côté des résultats » servent de premières colonnes au tableau « du côté des activités ».

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Coopérer aujourd’hui n° 43

Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

Ce système de tableaux qui s’emboîtent fonctionne bien pour construire le tableau logique d’un projet processus, ou d’un plan d’action, dont les objectifs généraux sont définis pour plusieurs années, et dont les objectifs plus concrets et les résultats attendus sont précisés d’années en années ou de phases en phases. Ce même système peut être utilisé pour les projets organisés en plusieurs volets opérationnels relativement indépendants. Ils contribuent chacun au même tableau « côté objectifs » mais le décline selon des tableaux différents et autonomes « côté résultats ». Et quand ces projets sont organisés en plusieurs équipes qui doivent contribuer ensemble aux mêmes objectifs concrets ou aux mêmes « résultats », mais qui se veulent autonomes et souhaitent disposer de leur propre tableau logique… alors ça se complique, il faut faire des croisements… Les lecteurs, fan des montages inter Ong complexes, ou mêlés malgré eux à des guerres internes à des dispositifs projets déraisonnablement conçus, trouveront quelques éléments là-dessus dans le tome II, consacré au mode d’emploi des tableaux logiques. Figure 15 : L'arbre logique à plusieurs « étages » « du côté des résultats » 3

4

Tableau « du côté des objectifs »

5 a b c d e … … …

6

7

8

6

7

8

… … d

1

2

3 A B C D E F G H I J

3

4

5

« du côté des activités »

Dernier conseil : Restez pragmatique « L’arbre logique » n’est pas un outil de précision. Il reste un « truc » de gens assez pressés qui ont besoin de visualiser la logique d’un projet pour en débattre avec d’autres afin de la valider, de l’ajuster, ou de la compléter pour la rendre plus opérationnelle. Il n’existe pas « d’arbre logique » unique et parfait pour un projet. On peut au contraire imaginer plusieurs types « d’arbres logiques » pour une même intervention. Chaque version permettra de décrire la logique de cette intervention de façon simple, synthétique et compréhensible par la plupart des acteurs concernés par le projet : on peut raconter la même histoire avec des mots différents.

Gret - Coopérer aujourd’hui n° 43

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Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

Construisez la version qui vous convient et qui « fonctionne » à peu près correctement avec vos interlocuteurs. Ne cherchez pas la perfection. En l’occurrence, elle n’existe pas. Au début, vous trouverez l’exercice difficile. Ne vous découragez pas, ça fonctionne comme un langage, avec un peu de pratique, la plupart des personnes qui s’en servent régulièrement finissent par l’utiliser sans y penser. 2.3 Objectifs visés, résultats attendus, activités prévues

Une distinction qui n’est pas indispensable pour commencer Les débutants qui s’essaient au cadre logique façon UE éprouvent souvent des difficultés à distinguer ce qu’est un objectif, un résultat, une activité… Cette distinction n’est pas indispensable pour vos premiers essais de « tableau logique simplifié ». En partant d’un objectif final et en construisant cet arbre selon la méthode indiquée, de gauche à droite, vous aboutirez forcément à une colonne dans laquelle vous inscrirez des activités ou des ensembles d’activités en passant par des résultats et des objectifs spécifiques. Ça « marchera » également en sens inverse. La question vous « tarabuste » quand même ? Vous ne pouvez vous contenter de distinguer des niveaux d’objectifs ?

Tentative d’explication et de définition Comment distinguer un « objectif visé » d’un « résultat attendu » et d’un « ensemble d’activités prévues » ? Qu’est-ce qui les différencie ? La lecture de la définition de ces trois termes dans le dictionnaire n’apporte pas de réponse définitive à ces questions 10. Mieux vaut peut-être laisser de côté la recherche de définitions absolues et prendre en considération les trois remarques ou propositions suivantes : Objectif, résultat et activités se définissent les uns par rapport aux autres selon un rapport de cause à effet : les activités produisent des résultats. Des résultats permettent d’atteindre des objectifs concrets, immédiats ; ceux-ci concourent partiellement à l’atteinte d’un objectif plus ambitieux, plus global ; Les résultats, c’est ce qu’on observe « facilement » et immédiatement à la fin d’une action. Les objectifs s’apprécient par les impacts, par les effets produits plus ou moins indirectement, plus ou moins rapidement par les résultats ; C’est donc autant la logique que la conception du projet qui permettent de classer un élément de l’arbre logique en objectif, résultat ou ensemble d’activités plus que la nature de l’élément lui-même.

Illustrations Ainsi, le même objet, la construction d’un forage, peut être classé, selon la nature du projet, parmi les objectifs, les résultats ou les activités de ce projet. Exemples :

10

Objectif : but, cible que quelque chose doit atteindre. Résultat : ce qui résulte d’une action, d’un fait, d’un principe, d’un calcul. Résulter : S’ensuivre, être la conséquence de. Activités : action d’une personne, d’une entreprise, d’une nation dans un domaine défini. Action : ce que l’on fait, manifestation concrète de la volonté de quelqu’un, d’un groupe ; acte - ou : effet produit par quelque chose ou quelqu’un d’une manière déterminée ; manière d’agir (in « Le petit Larousse illustré », 1997).

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Coopérer aujourd’hui n° 43

Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

Figure 16 : L'exemple de Sintiou-Veng L’association villageoise de développement de Sintiou-Veng a peu de moyens, mais le village est situé dans la zone d’intervention du Fonds d’appui au développement communautaire (FADC) de la province du Sud. Son objectif, pour améliorer l’approvisionnement en eau potable au village, est d’y faire réaliser deux forages supplémentaires avec l’aide du projet. Pour atteindre cet objectif, son action doit permettre au village de remplir les conditions posées par le projet : réunir 5 % en cash du coût total de l’investissement, désigner les quartiers qui doivent être desservis en priorité, élire un comité d’organisation et signer un contrat avec lui. Si l’association construisait le cadre logique de son projet, il pourrait être le suivant. La réalisation des deux forages y figurerait comme un objectif. Objectif final

Améliorer l’accès à l’eau potable au village pour améliorer la santé et alléger le travail des femmes

Objectif spécifique visé

Faire réaliser deux forages supplémentaires dans le village par le projet de développement local de la province du Sud

Résultat attendu

Activités prévues

La part d’autofinancement nécessaire est réunie



Le choix des deux quartiers prioritaires est validé par l’assemblée villageoise



Le choix des membres du comité d’organisation et de suivi est validé par l’assemblée villageoise



Le contrat entre le village et le projet est signé



Figure 17 : L'exemple du cercle de Krompf Une étude a été effectuée à la demande des élus du cercle de Krompf situé en zone sahélienne. Elle a confirmé le retard de ce département en matière d’accès des populations à l’eau potable, au regard des départements voisins. Ce retard pèse fortement sur les conditions de travail des femmes. Il apparaît comme un handicap majeur à l’amélioration de la situation sanitaire dans le département. Il a été décidé de mettre en œuvre un projet spécifique dédié à l’amélioration durable de l’accès à l’eau potable dans le département. Pour ce projet, la réalisation de nouveaux forages n’est qu’un des résultats parmi d’autres, qui permettra d’atteindre l’objectif qu’il s’est fixé. Objectif final

Contribuer à l’amélioration de la situation sanitaire et à l’allègement du travail des femmes dans le département sahélien de Krompf

Objectif spécifique visé

Résultat attendu

Activités prévues

La réalisation de 13 forages aménagés



La rénovation de 15 points d’eau



Rattraper le retard du La mise en place ou la réactivation des département en matière « comités eau » pour chaque point d’accès des populations à d’eau l’eau potable

Gret - Coopérer aujourd’hui n° 43

L’émergence d’une structure départementale qui offre aux « comités eau » les services nécessaires à leur efficacité et leur durabilité

… …

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Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

Figure 18 : L’exemple du département de Komémapa Le projet de développement local du département de Komémapa est bâti sur le modèle classique des « PDL » dans ce pays d’Afrique de l’Ouest caractérisé, entre autres, par la mise en œuvre d’un processus de décentralisation qui confie aux communes la maîtrise d’ouvrage des infrastructures sociales locales. En concertation avec les élus du département, il a été décidé de centrer une première phase de ce projet sur l’amélioration durable de l’accès des populations aux services publics essentiels, avant de diversifier ses actions et son dispositif. Les objectifs de cette première phase sont à la fois des objectifs d’améliorations concrètes, de mise en place d’un dispositif opérationnel et de renforcement des capacités des acteurs locaux. Objectif final

Objectif spécifique visé

Résultat attendu

Activités prévues La réalisation d’une vingtaine de forages (environ)

Une amélioration sensible de l’accès des populations aux services Favoriser l’action des publics essentiels « eau municipalités et des potable », services de associations du santé, éducation département et leur collaboration pour améliorer les conditions de vie des populations rurales L’augmentation de la du département de capacité collective des Komémapa acteurs locaux à intervenir efficacement pour améliorer l’accès des populations à ces services

75 % des familles ont un accès « durable » à un point d’eau situé à moins de 500 m de L’installation de dix adductions d’eau (environ) leur habitation Etc. Les centres de santé, jugés prioritaires par l’administration régionale et par les communes, sont réhabilités Etc. Création de cadres de concertation et d’outils financiers durables consacrés à l’amélioration des infrastructures sociales Amélioration des capacités des communes et des associations Amélioration de l’offre de services des maîtres d’œuvre et des prestataires…

Le résultat : une condition à réaliser pour atteindre un objectif, et non la manifestation de son atteinte Les néophytes du « cadre logique » ont parfois des difficultés avec le terme « résultats » qui, dans le langage courant, peut être utilisé dans deux sens différents : Il peut désigner les conséquences immédiates d’une action qui contribue à l’atteinte d’un objectif. On peut aussi l’utiliser pour décrire les évolutions concrètes qui prouvent qu’un objectif a été atteint. Exemple : Un ensemble d’actions (formations, démonstrations, échanges paysans) convainc des paysans de mieux utiliser l’engrais et plus souvent. Cette nouvelle pratique culturale contribue à un accroissement de productivité. Cet accroissement peut être mesuré par l’évolution de la marge brute moyenne par hectare de maïs. Si l’on parle en langage « cadre logique », cette nouvelle pratique (l’utilisation d’engrais) est un résultat des activités. Elle contribue à un objectif d’accroissement des performances économiques de la culture du maïs. L’atteinte de cet objectif est mesurée par un indicateur, ici l’évolution de la marge brute.

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Coopérer aujourd’hui n° 43

Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

Mais en langage courant, on peut aussi dire que l’augmentation de cette marge est un « résultat », un fruit de l’activité. Alors on pourrait dire « condition nécessaire à l’atteinte de l’objectif spécifique qui résulte directement de la mise en œuvre des activités » au lieu de « résultat au sens où on l’emploie quand on fabrique un cadre logique ». Mais ça serait bien trop long. Alors on continuera à parler de résultats… en essayant de ne pas faire de contresens.

3.

Petite Cuillère sans Frontière : le retour

3.1 Le tableau logique simplifié du projet « la santé c’est le savoir »

À vous de jouer Arrivés là, chers lecteurs, vous disposez du mode d’emploi pour construire un tableau logique simplifié du projet « la santé c’est le savoir » au stade de sa préconception. Tous les éléments nécessaires sur ce projet vous ont été fournis pages 19 à 27. À vous d’essayer avant d’aller plus loin. Un conseil : travaillez en deux temps ; dessinez d’abord un tableau logique « côté objectifs » puis un autre, à partir du premier, « côté résultats ».

Du côté des objectifs, discussions sur la stratégie Le chargé de mission de Petite Cuillère sans Frontière a abouti à un début de tableau logique qui a l’allure suivante : Figure 19 : Le TLS de « la santé c'est le savoir », côté objectifs Du côté des objectifs globaux

Améliorer les chances de Contribuer réussite à la lutte scolaire des contre la enfants les pauvreté plus pauvres à AlcazarCity

Accroître les capacités des élèves à suivre les cours

Accroître la fréquentation de l’école par les enfants des familles les plus pauvres Contribuer (indirectement ) à une plus grande motivation des enseignants

Du côté des objectifs spécifiques Améliorer la situation nutritionnelle des enfants les plus pauvres Associer à l’école un service attractif ciblé sur les plus pauvres

Améliorer durablement les pratiques alimentaires des familles Distribuer régulièrement des repas « équilibrants » à l’école

La mise en place d’un dispositif de cantines scolaires efficient, « durable » associé à des actions d’éducation nutritionnelle

Sa proposition d’arbre logique suscite un débat. D’un côté, les puristes reprochent à ce tableau logique de manquer de cohérence. Il passe bien vite, disent-ils, des chances de réussite des enfants les plus pauvres aux cantines scolaires. « Il faut être sérieux » ; « La lutte contre la pauvreté nécessite une approche globale » ; « Notre action aura bien peu d’effet sur « l’égalité des chances » si elle se cantonne aux questions de nutrition sous prétexte que là est la spécialité de notre organisation » ; « Nous devons chercher des alliances pour travailler plus globalement dans les quartiers, à la fois sur les questions d’accès au revenu et d’amélioration de l’enseignement primaire » ; « Nous devons élargir l’objectif spécifique, trop restrictif au regard de l’objectif global annoncé, concluent-ils.

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Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

Cette remarque fait tousser les nutritionnistes de l’équipe. « Les questions de cohérence ne sont pas en pauvreté et nutrition disent-ils ». « Ce tableau établit une relation bien rapide entre l’amélioration de l’alimentation et l’augmentation des capacités cognitives. La réalité est bien plus complexe que cela. La nutrition et son impact sur la santé sont suffisamment importants pour ne pas avoir à chercher des arguments dans le charabia des bailleurs de fonds. Inutile donc de se référer à un objectif global si large. N’argumentons pas en dehors de nos savoir-faire. Mais soyons rigoureux dans notre domaine. N’affirmons pas que l’éducation nutritionnelle aura à elle seule un effet bénéfique sur les comportements alimentaires sans avoir étudié les contraintes des populations et les alternatives à leurs modes alimentaires ». Le gestionnaire de PCSF n’est pas de cet avis. Pour lui, rien ne sert de concevoir des beaux projets s’ils ne sont pas financés par des bailleurs. Aujourd’hui, la mode est à la lutte contre la pauvreté et aux « filets de sécurité pour les plus pauvres ». C’est un argument pour vendre un dispositif de cantines scolaires. La contribution à un tel « filet » devrait donc, selon lui, figurer parmi les objectifs du programme. Mais l’équipe n’en est pas encore à l’écriture du projet. Elle conclut ce débat en décidant de rechercher des alliés éventuels pour élargir les objectifs de l’action et approfondir sa connaissance des modes et des contraintes alimentaires des familles les plus pauvres dans les quartiers où elle travaille déjà.

Du côté des résultats, discussions sur la faisabilité et la mise en œuvre L’idée de PCSF est donc de commencer le projet « la santé c’est le savoir » par une phase expérimentale. Le chargé de mission propose de travailler à la conception de cette phase à partir d’un tableau logique « côté résultats » qui fait suite au précédent. Il formule l’objectif spécifique ainsi : « Tester sur un nombre limité d’écoles et de quartiers un dispositif de cantines scolaires dont les résultats sont susceptibles de convaincre les acteurs institutionnels de généraliser l’expérience sur un nombre significatif de quartiers de San Theodoros ». Il décline cet objectif par le « segment » de tableau logique suivant : Figure 20 : Le TLS de « la santé c'est le savoir », côté résultats Du côté des résultats 1 Les bailleurs et les acteurs institutionnels sont convaincus et soutiennent « un changement d’échelle »

11 Les corrélations entre meilleure alimentation et aptitude à l’apprentissage, et les effets d’accès aux cantines sont « scientifiquement » établis

A Expérimentation et suivi scientifique

12 Les acteurs institutionnels ont été informés et associés à la mise en place du dispositif

C Organisation du pilotage, actions de communication

21 Le système d’approvisionnement des cantines en ingrédients subventionnés a été mis au point 2 L’organisation testée est fiable et efficiente. Elle 22 L’organisation locale des cantines est fiable et est appropriée par les appropriée par les « acteurs locaux » acteurs locaux

3 Le dispositif permet effectivement d’améliorer l’alimentation des enfants les plus pauvres

42

Du côté des grandes familles d’activité B Suivi évaluation

D Négociation avec les partenaires institutionnels, facilitation de leurs relations E Animation et appui aux organisations locales qui assureront la gestion des cantines

23 Le système de distribution est particulièrement efficient

RAS cf. actions B, D, E

31 Les « plats » proposés contribuent effectivement à l’amélioration de l’alimentation des enfants bénéficiaires au moindre coût

F Mise au point de recettes tests en « vraie grandeur » de la faisabilité et de l’appétence des plats

32 La mise en place des cantines contribue à G Actions d’éducation à l’alimentation l’amélioration des pratiques alimentaires des familles (conduites avec le corps enseignant)

Coopérer aujourd’hui n° 43

Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

Ce tableau logique plus « opérationnel » suscite moins de débats. Faut-il faire apparaître le résultat « 1 » en tant que tel ? Ne faut-il pas ajouter un résultat 31 bis qui stipule que le dispositif touche bien, de façon sélective, les enfants les plus pauvres ? Le résultat 12 n’est pas de même nature que les autres… Au-delà des questions de forme, l’équipe retient que son hypothèse « l’école publique permet de toucher les enfants les plus pauvres » mérite une vérification objective. Ce tableau « côté résultats », relu au regard de la synthèse des premiers « brain storming » conduits par l’équipe (cf. le tableau « cahier des charges » page 28 ), permet de commencer à structurer la suite du travail nécessaire à la finalisation de la conception du projet. Les différents éléments de cette « pré-faisabilité » ou « faisabilité » sont résumés par le premier tableau ci-dessous. Figure 21 : Des éléments pour la faisabilité de « la santé c'est le savoir » Résultats 11 Les effets sont prouvés 12 Les acteurs institutionnels sont convaincus

Activités

Eléments de la faisabilité

A Expérimentation et suivi scientifiques

a) Discussion préalable avec les chercheurs associés pour dimensionner le dispositif

B Suivi évaluation

b) Avancer la préconception de ce dispositif, explorer la qualité des statistiques scolaires et sociales

C Organisation du pilotage, actions de communication

c) Discussions préalables avec les principaux partenaires institutionnels, notamment le maire et les services de la communauté urbaine

D Négociation avec les 21 Le système partenaires d’approvisionnement et institutionnels, de subvention est en facilitation de leurs place relations 22 L’organisation E Animation et appui locale des cantines est aux organisations appropriée locales

d) Idem c) e) Nécessité de pouvoir avancer assez tôt des ordres de grandeur quantitatifs (volumes, coûts) f) Valider assez tôt le choix et l’accord d’un partenaire appelé à assurer l’achat et la distribution des ingrédients subventionnés h) Mettre au point la méthode de sélection des quartiers et des écoles i) Actualiser les données sur les acteurs qui interviennent dans les quartiers j) Regarder de plus près l’organisation des activités « péri scolaires » dans et autour des écoles

31 Les « plats » F Mise au point de proposés sont au point recettes

A priori RAS, PCSF sait faire !

32 L’amélioration des pratiques alimentaires des familles est en cours

k) Mieux connaître les pratiques alimentaires des familles les plus pauvres

G Actions d’éducation

Le gestionnaire de PCSF trouve que ce tableau « faisabilité » est bien joli. Mais il souligne que la pertinence et la faisabilité financières d’un projet test comme celui-là vont dépendre de ses dimensions et de l’ordre de grandeur de son budget : s’il intervient sur un nombre d’écoles trop restreint, sa démonstration sera peu crédible et le rapport entre les « coûts liés à l’expérimentation » et les « coûts des services organisés au bénéfice des enfants » sera trop défavorable pour obtenir le soutien des bailleurs « classiques ». S’il intervient rapidement sur un grand nombre d’écoles, son budget total risque d’être trop élevé. Il souhaite que l’équipe puisse assez vite discuter sur des hypothèses des moyens nécessaires et sur un ordre de grandeur des coûts budgétaires. Il utilise le tableau logique « côté résultats » pour identifier la nature des moyens nécessaires à la mise en œuvre du projet… et reste à les chiffrer.

Gret - Coopérer aujourd’hui n° 43

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Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

Figure 22 : La structure du budget du projet « la santé c'est le savoir » Résultats 11 Les effets sont prouvés 12 Les acteurs institutionnels sont convaincus

Activités

Moyens

A Expérimentation et suivi scientifiques

Une ligne budgétaire « participation » aux coûts des chercheurs associés au projet

B Suivi évaluation

Un chargé de SE / Une ligne budgétaire « Etudes »

C Organisation du pilotage, actions de communication

Une ligne budgétaire « Communication »

21 Le système d’approvisionnement D Négociation avec les et de subvention est partenaires institutionnels en place 22 L’organisation locale des cantines est appropriée

E Animation et appui aux organisations locales

31 Les « plats » proposés sont au point

F Mise au point de recettes

32 L’amélioration des pratiques alimentaires des familles est en cours

G Actions d’éducation

Un fonds pour l’achat des ingrédients Le responsable projet, un gestionnaire Un fonds pour l’équipement des cantines, petit matériel (voire rénovation de hangar) Une « petite » équipe d’animateurs et son budget de fonctionnement Une ligne budgétaire « formation et animation »

Coûts proportionnels au nombre d’écoles servies les autres coûts sont indépendants de ce nombre.

Une équipe « nutrition » et son budget de fonctionnement

Un responsable « pédagogie » et interface avec les enseignants Une ligne budgétaire « formation et production pédagogique » coûts variables selon le nombre d’écoles servies

À partir de là, PCSF va pouvoir vérifier ses hypothèses, tester ses bailleurs, négocier avec les parties prenantes du projet. Il pourra enfin finaliser la conception de celui-ci et décider des derniers arbitrages avec ses partenaires les plus impliqués dans l’action. Le tableau logique du projet « la santé c’est le savoir » va s’étoffer. Les intitulés, dans chacune de ces cases, vont devenir plus précis. Son contenu va traduire les choix et les compromis effectués au cours de la faisabilité du projet pour aboutir à une conception finale pertinente, cohérente… et « vendable ». Au stade où nous avons quitté PCSF, tous ces arbitrages n’étaient pas encore faits. Plusieurs compromis étaient encore envisageables, et donc plusieurs tableaux logiques « définitifs » étaient encore possibles pour décrire la « logique d’intervention » finalement définie pour contribuer aux objectifs souhaités. Conformément à notre déontologie, nous ne déciderons rien à leur place…

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Coopérer aujourd’hui n° 43

Représenter la logique d’un projet pour mieux en débattre

3.2 Un dernier conseil : ne confondez pas clef anglaise et boîte à outils

Les tableaux logiques sont des instruments bien utiles pour la boîte à outils des acteurs projet. Ils ne constituent pas cette boîte à eux tous seuls. L’utilisation du tableau logique simplifié par PCSF à ce stade de la préparation du projet « la santé c’est le savoir » illustre les qualités et l’emploi possible de l’outil ; Il permet de présenter de façon synthétique la logique d’intervention d’un projet ; Cette présentation est bien utile pour débattre de cette logique au sein d’une équipe ou entre partenaires. Elle facilite notamment la relecture de la cohérence d’un projet ; Mais comme tout outil de présentation, il n’assure pas à lui seul la qualité du contenu de ce qu’il représente ; Ce n’est pas un instrument « à tout faire ». Mieux vaut l’utiliser avec d’autres outils pour raisonner la logique d’intervention d’un projet (l’arbre à problèmes, le tableau des acteurs, le tableau de « cahier des charges », etc.) ; C’est un outil « déformable » qui peut s’adapter à peu près à tout type de projet et à n’importe quelle étape du cycle de projet ; Cette souplesse lui permet de faire le lien entre les outils « sur mesure » dont ont besoin les terrains et les outils normalisés dont ont besoin les gestionnaires au siège des agences et des bailleurs (le fameux cadre logique) ; Car c’est avant tout un outil qui permet de fabriquer d’autres outils utiles pour la planification, la programmation, le suivi et l’évaluation de projets.

Comment peut-on utiliser les tableaux logiques pour fabriquer d’autres outils ? C’est l’objet de la deuxième note méthodologique que lui consacre le Gret, également téléchargeable sur son site Internet : www.gret.org.

Gret - Coopérer aujourd’hui n° 43

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Coopérer aujourd’hui est disponible sur le site du Gret : www.gret.org/ressources en ligne

Le monde change, les façons de travailler en coopération aussi. Au Sud comme au Nord, effervescence associative, libéralisation économique et décentralisations administratives renouvellent le paysage institutionnel. Les revendications légitimes des citoyens à plus de prises sur leurs conditions de vie amènent à inventer des articulations originales entre démocratie participative et démocratie élective. Pour rompre les logiques d’exclusion, pour assurer un accès équitable aux services et aux opportunités économiques, de nouvelles articulations entre État, marché et société civile sont à créer, et à consolider institutionnellement et juridiquement. La légitimité d’actions de solidarité internationale est d’y contribuer, aux côtés des acteurs locaux engagés dans de telles démarches. Mais le système d’aide favorise trop souvent les modes, les impositions de problématiques, les solutions toutes faites. Coopérer aujourd’hui implique de travailler en phase avec les dynamiques sociales, politiques et institutionnelles locales, avec une exigence accrue en termes de qualité et d’efficacité à long terme. Publiée par la Direction scientifique du Gret, cette série souhaite contribuer au renouvellement de la réflexion stratégique et méthodologique sur l’intervention de développement et les pratiques de coopération, à partir d’une réflexion critique sur les pratiques. Principalement issue des travaux et actions menés au Gret, elle accueille volontiers des textes externes.

➤ Derniers titres parus no 39. « Consolider les médias africains. Une réflexion sur l’action des bailleurs de fonds » (Pierre Daubert [Gret], Gret/Direction scientifique, septembre 2004, 17 pages). no 40. « Façonner les règles du jeu : l’élaboration progressive d’une institution de microfinance dans le Chin State (Myanmar) » (Murielle Morisson [Gret], Gret/Direction scientifique, octobre 2004, 64 pages). no 41. « Identifier un projet en microfinance. Repères méthodologiques pour des projets réalistes » (Anne-Claude Creusot, avec la collaboration de Philippe Lavigne Delville, Gret/Direction scientifique, décembre 2004, 62 pages). no 42. « S’engager auprès d’une institution de microfinance en crise. Entre audace et prudence, premiers repères méthodologiques » (Frédéric de Sousa Santos [Gret], Gret/Direction scientifique, janvier 2005, 28 pages).

Groupe de recherche et d’échanges technologiques 211-213 rue La Fayette 75010 Paris, France Tél. : 33 (0)1 40 05 61 61. Fax : 33 (0)1 40 05 61 10 [email protected] - http://www.gret.org

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