M5.1 – LE CADRE JURIDIQUE DES PRATIQUES ARCHITECTURALES Enseignant : M . Lorenzo ROCCARO Architecte d.p.l.g – Juriste Maître-assistant titulaire
26 Nov. 2006
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LES SOCIETES Chapitre 1 – Présentation générale Les sociétés sont nées de la nécessité de réunir l’activité de plusieurs personnes ou de mettre en commun des capitaux importants que le patrimoine d’une seule personne ne pourrait suffire à fournir. Le choix de se grouper n’est pas nouveau, on trouve déjà dans le droit romain, différents types de contrats de sociétés, lorsque par exemple les héritiers d’un « Paterfamilias » veulent exploiter en commun les biens hérités, ils se constituaient en société. Au moyen âge, a été créée la commandite, notamment pour les besoins du commerce maritime, (l’aventurier partait et le bourgeois investissait). Elle permettait aux nobles et aux ecclésiastiques de contourner l’interdiction qui leur était faite de faire le commerce. Puis le contrat de société est progressivement réglementé et l’Ordonnance de Colbert de 1673 rend obligatoire la rédaction d’un acte écrit et sa publicité. A partir du XVIIè siècle, les sociétés de capitaux se sont développées, particulièrement pour la mise en valeur des territoires d’outres-mer et au XIXè siècle pour favoriser l’essor industriel. Mais jusqu’en 1867, la création des sociétés anonymes est soumise à autorisation du gouvernement. Jusqu’en 1966, le droit des sociétés était disséminé dans : - Le code civil : art. 1832 et 1873 - Le code du commerce énonçait quelques brèves dispositions - Une loi de 1867 sur les sociétés par actions - Une loi de 1925 sur les Sarl. Puis le législateur est intervenu à la requête des professions libérales, des commerçants, agriculteurs, etc…, pour protéger des intérêts légitimes. Ainsi concernant : 1) Les Sociétés Civiles Professionnelles : Elles sont réglementées depuis par la Loi du 29 novembre 1966 De nombreux décrets d’application ont complété cette loi : - 02 Octobre 1967 : concerne les notaires, modifiés en 1971, 1975, 1978 - 24 Juillet 1969 : concerne les commissaires priseurs - 20 Novembre 1969 : concerne les avoués - 28 Décembre 1977 : concerne les géomètres-experts - 28 Décembre 1977 : concerne les médecins - 28 Décembre 1977 : concerne les architectes La Société Civile a été spécifiquement réglementée dans le domaine immobilier pour protéger le particulier des promoteurs ou des financiers peu scrupuleux qui défrayèrent la chronique par de nombreux scandales entre 1960 et 1970. Loi du 31 déc. 1970 et le décret du 1er Juil. 1971 : sur les SCPI (placement immobilier) Loi du 16 juil. 1971 et le décret du 29 déc. 1972 : sur les SCCV (construction vente) Loi du 06 janv.1986 : sur les Sociétés Civiles d’Attribution d’Immeubles en jouissance à temps partagé). Lorsque la société n’est pas régie par des lois spécifiques en la matière, elle est soumise au droit commun (titre IX livre 3 C.Civ. soit de l’art. 1832 à 1870-1). Ce titre a été entièrement refondu par la Loi du 4 janv. 1978 et le DECRET du 3 juil. 1978. * Les articles 1832 à 1844-17 + Art.1 à 29 décret 17 ventose an XII (8 mars 1804) - Concerne toutes les sociétés quelles que soient leurs formes * Les articles 1845 à 1870-1 -
+ Art. 30 à 57 décret 17 ventose an XII (8 mars 1804) - Ne concerne que les sociétés Civiles.
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2) Les Sociétés Commerciales : Elles sont réglementées depuis la Loi impérative du 24 juillet 1966 complétée par le décret du 23 mars 1967 puis par la loi du 4 janvier 1978 et celle du 11 juil. 1985 qui crée l’EURL… La Loi Madelin du 11 fév. 1994 a apporté quelques modifications. Comme nous pouvons le constater depuis le début du siècle, les textes prolifèrent en la matière. Revenons aux motivations du recours à la société pour l’exploitation d’une entreprise (prise au sens large).
Chapitre 2 – Motivations de création d’une société Les motivations peuvent être de plusieurs natures : Motivations psychologiques et intellectuelles : - Réunir des compétences diverses et complémentaires à l’exploitation d’une entreprise commune, - Survie de l’entreprise en cas de maladies ou de décès du dirigeant. Motivations matérielles et financières : - Disposer d’équipement important - Disposer de capitaux plus importants en tant qu’élément de sécurité et de crédibilité vis-àvis des créanciers - Considérations fiscales et sociales (ex. : quelqu’un dont l’épouse ou l’époux travaille et gagne beaucoup, pour éviter de basculer dans les tranches à 50 % recours à société où l’on est à imposé à 33% ou selon les années on capitalise). La limitation de la responsabilité de l’entrepreneur et la protection du patrimoine personnel. - Atténuer la responsabilité de l’entrepreneur mieux protégé, la société faisant « écran » par rapport aux tiers. - Mettre à l’abri son patrimoine personnel. Mais nous verrons que cela est très relatif, car selon le type de société ou la nature des actes accomplis par le dirigeant notamment frauduleux, la société n’est plus une protection. NB : Le patrimoine constitue en France l’ensemble des droits (l’actif) et obligations (le passif) à caractère pécuniaire détenu par une personne. Il constitue une unité « le contenant » composé de plusieurs éléments (Droits réels, droits personnels…) « le contenu » mais qui ne peut pas être divisé, contrairement à d’autres pays comme l’Allemagne, où l’on peut affecter une partie du patrimoine à son exploitation et une autre réserve personnelle à l’abri. Ainsi, faute de pouvoir utiliser la technique du patrimoine d’affectation, on a recours en France à la Technique sociétaire.
Chapitre 3 – Définition de la société Elle est donnée par le Code civil dans son art. 1832 « al 1 : La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue d’en partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. » « al.2 : Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l’acte de volonté d’une seule personne ». « al.3 : Les associés s’engagent à contribuer aux pertes » Il convient de rajouter un autre élément non précisé dans le texte qui est « l’affectio sociétatis », c’est-à-dire la volonté de tous les associés de collaborer à l’entreprise sur un pied d’égalité et d’en accepter les aléas. Reprenons la définition pour en retirer les éléments déterminants.
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A) LA SOCIETE CONTRACTUELLE C’est un contrat qui résulte de l’accord de deux ou plusieurs personnes, le consentement est donc nécessaire à la création de la société. À ce titre, les règles de validité des contrats définis dans l’art. C.Civ. s’appliquent : - l’existence d’un consentement non vicié, - la capacité des parties, - l’existence d’un objet déterminé, possible, non contraire à l’ordre public, - l’existence d’une cause licite et morale. Nous aborderons plus en détail dans les prochaines séances l’étude des contrats. Vous constaterez que le droit est un enchevêtrement de règles d’essence diverses, loi, règlement, jurisprudence… où toutes les notions aussi différentes soient elles et quelles que soient les branches du droit concernées, reposent souvent sur des structures textuelles de base communes. L’art. 2, 4, 5, 6, 9, 1134, 1382 à 1384… Généralement les contrats instaurent des relations inégalitaires entre les co-contractants, il est en fait un compromis entre des intérêts contraires. Ex : Le vendeur a intérêt à vendre le plus cher possible, et l’acheteur à acheter le moins cher possible. En matière de contrat de société, les intérêts des associés vont dans le même sens, la réalisation et le partage des bénéfices. Ils ont les mêmes droits et obligations. L’art.1833 C.Civ nous dit : « toute société doit être constituée dans l’intérêt commun des associés ». Bien des difficultés des sociétés viennent de ce que l’un ou plusieurs parmi les associés perdent de vue ce principe fondamental, en se livrant à des actions qui viennent contrarier l’équilibre des intérêts. Ce qui provoquent tout naturellement la réaction des associés lésés et à terme la dissolution de la société avec tout le cortège de disputes, tracasseries administratives et comptables et voire même des condamnations pénales pour abus de biens sociaux, escroquerie et autres.
B) LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DU CONTRAT DE SOCIETE
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a) Les apports L’apport est le bien que chaque associé s’engage à mettre à la disposition de la société en vue de l’exploitation commune en contrepartie duquel il reçoit des parts sociales ou des actions. - Il est obligatoire pour chaque associé mais pas nécessairement d’égale importance ou de même nature. - Il doit être effectif, c’est-à-dire représenter une valeur certaine. S’il est nul il entraine la nullité de la société. Le capital social constitue à la fois : - L’expression du pouvoir des associés - Le gage des créanciers sociaux. 1) L’apport en numéraire On entend par apport en numéraire, tout apport en argent. Il donne lieu à souscription : promesse de réalisation de l’apport. à libération : versement effectif des fonds. 100 % dans Sarl- ½ dans SA 2) L’apport en nature Ce sont les biens corporels ou incorporels, mobiliers ou immobiliers (véhicules, fonds de commerce, immeubles, brevets…). Leur évaluation est faite, dans les S.A. et les S.A.R.L., par un commissaire aux apports. L’apport peut être fait : - En propriété : le droit portant sur le bien est transmis à la société dans sa totalité, - En jouissance : l’apporteur reste le propriétaire du bien, qu’il récupère à la dissolution de la société. La loi du 11 juillet 1982 permet dans les S.A.R.L. l’apport en nature d’un fond de commerce ou une exploitation artisanale. 3 )L’apport en industrie Consiste dans l’engagement pour un associé d’accomplir une prestation dans un domaine précis (faire profiter la société de sa compétence technique, de son travail, de ses relations). Ce type d’apport n’est pas susceptible d’une réalisation forcée auprès des créanciers. Il ne peut pas de ce fait constituer un élément du capital social. C’est pourquoi ce type d’apport n’est possible que dans les sociétés civiles et les SNC où le capital peut être réduit. Si pour une raison quelconque l’apporteur en industrie ne peut continuer son activité, son apport est caduque, ainsi que ses droits.
b) Le partage du bénéfice ou le profit de l’économie L’article 1844-1 du Code Civil interdit les clauses “léonines” du latin « léo » (lion) « la part du lion ». En effet, il énonce que la stipulation : - Attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou l’exonérant de la totalité des pertes, - Celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes sont réputées non écrites. - Cependant la répartition inégale des profits ou des pertes, peut être modulée dans les statuts. Mais si les statuts sont muets, la répartition se fera proportionnellement à la part de chaque associé dans le capital social. 1) La distribution des bénéfices Au XIX è Siècle, la société avait pour seul but le partage des bénéfices. D’ailleurs, la C.Cass avait défini le bénéfice dans un célèbre arrêt : MANIGOT du 11 mars 1914 « constituait un bénéfice tout gain pécuniaire ou matériel qui ajoute à la fortune des associés… Dès lors, il n’était pas possible de constituer une société pour la simple réalisation d’une économie ou d’un groupement de moyens. Caractère Lucratif et Partage de bénéfices = SOCIETE Caractère non lucratif et pas de partage de bénéfices = ASSOCIATION Depuis la loi de 1978 (qui ajoute dans l’article 1832 la notion de réalisation d’une économie), la différence se fait beaucoup moins nettement : - Certaines sociétés ne font pas de bénéfices ou ne désirent pas les distribuer ;
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Des sociétés se constituent avec pour seul objet de permettre à leurs membres d’éviter des dépenses. Exemples : les G.I.E. (ordonnance de 1967, les SCM, les associations…)
c) La participation aux pertes Nous l’avons vu, chacun contribue aux pertes proportionnellement à la fraction du capital qu’il détient, sauf stipulation contraire des statuts. Cependant, dans la SNC et SCP, les associés sont tenus de dettes de la société indéfiniment et solidairement. C’est ce qui explique que pour ces sociétés, le législateur n’a pas imposé de capital minimum en garantie des créanciers.
d) Volonté de collaboration : « l’affectio societatis » C’est la volonté de collaborer d’une façon active et sans aucune subordination des uns avec les autres. Cette collaboration doit présenter deux caractères : - Elle doit être active, c’est-à-dire participer à l’entreprise sociale au niveau du contrôle des affaires sociales, de donner son avis et le faire si une majorité des associés y adhère. - Elle doit être égalitaire, c’est-à-dire exclusive de tout lien de subordination juridique, c’est une égalité de droit et non pas de fait. L’actionnaire majoritaire ne peut donner d’ordre à l’actionnaire minoritaire.
Chapitre 4 – LA PERSONALITE MORALE Différentes personnes vont donc se lier par « un contrat de société » qui va donner naissance à une personne juridique appelée « personne morale ». ANALOGIE : un nouveau-né qui n’existera civilement qu’à la déclaration auprès du registre de l’état civil de la mairie du lieu de naissance. La personnalité morale existe à compter de son immatriculation au RCS et disparaît à la clôture de la liquidation. Dès lors, elles doivent donc pouvoir être identifiées et individualisées dans la société. A)
LES ATTRIBUTS DE LA PERSONNALITE MORALE :
(Comme les personnes physiques) Un nom : la dénomination sociale Un domicile : le siège Une nationalité : qui permet de déterminer la loi à laquelle la société est soumise. Un patrimoine : autonome, distinct de ses membres. Il faut comprendre que cette personne va avoir une réelle autonomie car elle sera titulaire de droits et obligations propres au même titre qu’une personne physique. Et il faudra bien se garder de confondre les intérêts de cette société avec ceux des personnes qui l’ont constituée. Une vie juridique propre : (par le mécanisme de la représentation) Dotée de la capacité civile elle : Peut passer des contrats, Ester en justice. Sa responsabilité peut être mise en jeu. En matière pénale : Le code pénal, art 121-2 prévoit la responsabilité pénale des personnes morales pour « les infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants ». De plus, celle-ci n’exclut pas celles des personnes physiques co-auteurs ou complices des mêmes faits. Les peines varient de l’amende quintuple de celles qui sont applicables à une personne physique, à la dissolution (peine capitale).
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5 – LA CLASSIFICATION DES SOCIETES A) SOCIETES CIVILES - SOCIETES COMMERCIALES Commenter le tableau de classification des sociétés 1) Les sociétés civiles Une société est civile : Lorsque son objet est civil Lorsqu’elle n’est pas commerciale par la forme Les sociétés civiles ne sont pas réglementées par les textes concernant les sociétés commerciales, notamment la loi du 24 juillet 1966 ; elles ne sont pas soumises aux règles de la comptabilité commerciale. Il existe : Des sociétés civiles de droit commun (SCM) Des sociétés civiles particulières réglementées par des textes spéciaux (ex. : sociétés civiles professionnelles et sociétés civiles immobilières). 2) Les sociétés commerciales Une société est commerciale : Par sa forme : la loi du 24 juillet 1966 a prévu cinq types de sociétés commerciales par la forme que l’on distingue traditionnellement en : Sociétés de personnes : SNC + commandite simple Sociétés de capitaux : SA + commandite par actions S.A.R.L. Par son objet : si elle accomplit des actes de commerce (ex. : une société qui aurait une activité commerciale, mais qui aurait été constituée sous la forme civile). Cependant, la distinction entre sociétés civiles et sociétés commerciales s’est fortement estompée. Dans la pratique : la distinction n’est pas toujours facile à faire, elle est parfois source de conflits (ex. : certaines sociétés à forme commerciale ont un objet civil) (ex. : La S.A.R.L d’architecture) ; Sur le plan juridique : toutes les sociétés sont soumises aux mêmes règles en ce qui concerne : L’immatriculation au R.C.S. ; Les obligations de publicité au moment de la constitution ; La loi sur le redressement et la liquidation judiciaire. B) CLASSIFICATION DES SOCIETES COMMERCIALES Sociétés de personnes- sociétés de capitaux (voir tableau annexe)
6 – LA PUBLICITE LEGALE ET LE R.C.S. Comme nous l’avons vue, l’immatriculation au RCS est la naissance civile de la société. Cela, ne se fait pas sans publicité. A) LA PUBLICITE LEGALE et
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Il ne faut pas confondre La publicité commerciale (la réclame, la « pub »), que le commerçant effectue afin d’attirer les clients, La publicité légale, qui fait l’objet de notre étude qui a rapport à la constitution des sociétés. But poursuivi : Renseigner : Les associés, auxquels il faut rendre des comptes.
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Les tiers, clients, fournisseurs, banquiers, qui ont intérêt à connaître la solvabilité du commerçant, ou de tout autre professionnel, d’autant plus que la pratique du crédit s’accroît. Les salariés, par l’intermédiaire du comité d’entreprise, leur sort étant lié à celui de l’entreprise. L’état, dans un but économique et fiscal.