Le Saviez Vous?

  • December 2019
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n° 1 LE SAVIEZ-VOUS ? ANTHROPONYMES ET NOMS DE PLANTES Que ce mot ne nous fasse pas peur, « anthroponyme » signifie tout simplement « nom de personne ». Le saviez-vous ? Les botanistes au cours de l’histoire ont souvent donné le nom d’une personne à une plante, à une fleur, à un arbuste. Certains de ces noms, vernaculaires ou scientifiques, nous sont tellement familiers que nous ne nous préoccupons guère de leur origine. Nos jardins d’hiver ou d’été sont fleuris de camélias, de bégonias, de fuchsias, d’amaryllis, de pivoines ; nous aimons humer la subtile odeur des daphnés, des narcisses et des jacinthes ; nos crèches de Noël s’ornent de poinsettias, alors que nous rêvons des splendeurs tropicales du bougainvillier, du frangipanier ou de l’alpinie ; les feuilles d’acanthe et les magnolias ne sont pas étrangers quant à eux à nos climats tempérés. Pour ne citer qu’un fruit, qu’elle est délicieuse en saison la clémentine ! Mais convient-il encore de mentionner les effluves interdits de l’herbe à Nicot ? Remontons le temps... L’élégante acanthe tient son nom d’une nymphe de la mythologie grecque, Acanthe, poursuivie par __________________________________________________________________ 1 - collection

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le dieu Apollon qui tente de l’enlever ; elle le griffe au visage, il la métamorphose en une plante épineuse qui aime le soleil ! Non moins farouche et poursuivie par le même dieu-galant, la chasseresse Daphné se transforme en un bel arbuste dont le soupirant éconduit se contentera de respirer le feuillage odorant. L’histoire d’Amaryllis est moins tragique, il s’agit d’une aimable bergère de l’antiquité ; Virgile en ses Bucoliques nous raconte que les forêts chantent sa beauté. Nous avons entendu parler du beau Narcisse s’admirant dans l’eau d’un lac puis transformé dans la fleur qui porte son nom. Le jeune Hyacinthe eut moins de chance ; blessé à mort sur un terrain de sport par le jet d’un disque, son sang donna naissance à la jacinthe. Terminons ce petit voyage antique avec la pivoine ; fleur vive d’été à l’origine de l’expression « rouge comme une pivoine », nous la tenons de Paeon, médecin des dieux de l’Olympe qui aurait guéri grâce à elle Apollon - encore lui - victime d’une blessure ; réputée en Chine, elle guérit aussi l’épilepsie. Les XVIIe et XVIIIe siècles, pour leur part, furent «florissants» en botanistes et naturalistes. A tout seigneur, tout honneur, on conçoit que ceux-ci aient souvent donné le nom de l’un des leurs aux plantes découvertes dans les Indes occidentales ou orientales. Le magnolia aux superbes corolles blanches honore ainsi Pierre Magnol, médecin protestant de Montpellier qui dut se convertir au catholicisme pour accéder aux fonctions de directeur du Jardin botanique royal puis de l’Académie des sciences. Le R.P. Joseph Kamel, jésuite morave né à Brno et mort à Manille, nous a laissé le camélia qui illumine l’hiver de rouge ou de blanc et permit à Alexandre Dumas d’écrire son inoubliable « Dame aux camélias». Nous devons à un autre membre de la compagnie de Jésus, le R.P. Clément, directeur d’un orphelinat près d’Oran en Algérie, la __________________________________________________________________ 2 - collection

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succulente clémentine, hybride naturel de la mandarine et de l’orange amère amélioré par le bon père. Les clochettes « rouge soutane d’évêque » du fuchsia tirent leur nom d’un médecin allemand luthérien, professeur de botanique et de pharmacie à l’université de Tübingen, Leonard Fuchs. L’alpinie nous est moins familière ; il ne s’agit pas d’une marque de voiture mais du gingembre ornemental, baptisé ainsi en hommage au savant italien Alpini, qui aurait pour sa part introduit en Europe le café et la banane. Quelques autres personnages méritent une mention, parmi lesquels deux ambassadeurs, un intendant général et un explorateur. Premier ambassadeur américain au Mexique, John Poinsett envoya en cadeau de Noël à sa famille une très belle plante aux feuilles rouges déjà connue des aztèques, qui en extrayaient une teinture cramoisie ; les mexicains l’appelaient « étoile de Noël », elle nous est connue sous le nom de poinsettia. Ambassadeur de France à Lisbonne, Jean Villemain, seigneur de Nicot, ramena à la Cour le tabac qui fit miracle pour soigner les migraines de la reine Catherine de Médicis : si l’on baptisa la plante nicotiana tabacum, on retient surtout hélas l’appellation de nicotine, remède alors, poison aujourd’hui ! Intendant général à Saint-Domingue, puis intendant des galères du roi à Marseille, le sieur Michel Bégon fut chargé d’explorer les plantes du Nouveau Monde ; il en ramena le bégonia multicolore dont il fleurit sans doute les parterres de Rochefort, où il devait terminer sa carrière comme intendant de la marine ; intendant un jour, intendant toujours ! Louis-Antoine de Bougainville, capitaine au long cours et explorateur, mena son entreprise autour du monde, ramenant du __________________________________________________________________ 3 - collection

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Brésil le bougainvillier, ou bougainvillée, géant multicolore des tropiques ou modeste tuteur sur nos balcons. Il faut conclure. Géant de la botanique, né à Marseille en 1646 et mort à Cadix en 1704, le R.P. Charles Plumier, membre de l’Ordre des Minimes, s’initia à la science des plantes au couvent de la Trinité des Monts à Rome. Il participa à trois expéditions aux Amériques et rendit l’âme à l’aube de la quatrième, après avoir publié de nombreux ouvrages, recensé 106 nouveaux genres de plantes, laissé de nombreux manuscrits et plus de 6000 dessins. Point de plante dont le nom vernaculaire soit le « plumier » ; le naturaliste suédois Linné dédiera toutefois au savant religieux le plumeria alba, nom scientifique du frangipanier, arbuste aux fleurs capiteuses que l’on enfile en couronnes pour honorer les hôtes de marque en Orient. Hommage délicat rendu à l’ami de la nature dans sa beauté et sa perfection, mais aussi dans sa bonté, puisque le P. Plumier identifia la vanille !

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Frangipanier (plumeria alba)

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Auguste-Émile Bellet - Vendée 93

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n° 2 LE SAVIEZ-VOUS ? HISTOIRE ET GUERRES DE VENDEE « Le talent de l'historien consiste à faire un ensemble vrai avec des traits qui ne sont vrais qu'à demi ». Réflexion de Renan qui s’applique particulièrement bien à tant d’historiens de nos guerres de Vendée ; pensons à Jules Michelet que l’on n’a pas hésité à qualifier de « père fondateur de la science historique moderne ». Excusez du peu, il s’agit tout bonnement de la publicité pour un nouveau CD-ROM qui regroupe les 27 volumes de l’ « Histoire de France » rédigés par le prolixe auteur au XIXe siècle. Le saviez-vous ? Jules Michelet naquit le 27 août 1798 dans le chœur d’une église désaffectée de Paris où son imprimeur de père avait installé un atelier en pleine Terreur. Ayant goûté la ferveur révolutionnaire au berceau, qui plus est sous les voûtes d’un sanctuaire, on ne s’étonnera guère que ses recherches historiques aient été teintées d’un léger parti-pris. On connaît surtout son Histoire de France, mais ses autres ouvrages n’en sont pas moins édifiants ; citons parmi eux « Des jésuites », « La Bible de l’humanité », « La femme, le prêtre et de la famille », dont la lecture décapante nous fera apparaître comme de l’eau de rose les écrits de nos aimables anticléricaux modernes ! Sans oublier son « Richelieu et la fronde », à recommander en cette année jubilaire de __________________________________________________________________ 7 - collection

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l’arrivée en nos murs de Monseigneur de Luçon – sinon pour son objectivité du moins pour le pittoresque de ses portraits ! Mais revenons-en à l’historien de la Vendée. Son « Histoire de la révolution française » parut en sept volumes, entre 1847 et 1853. Ouvrage fort bien documenté, puisque Michelet fut de 1830 à 1852 chef de la section historique des Archives Nationales. Sans méconnaître l’érudition de l’auteur, les chapitres consacrés aux guerres de Vendée donnent une bien piètre image de nos ancêtres, qui sera « religieusement » véhiculée jusqu’à notre époque. Eux qui n’avaient alors que leurs faux, fourches et bâtons pour se défendre, comment auraient-il pu résister par la suite aux savants assauts du « père de la science historique moderne » ? Foin de polémique, relisons simplement les écrits de Michelet, ils sont plus parlants que cent discours. C’est après avoir exalté les faits d’armes libérateurs des armées de la jeune République qu’il s’en prend à la Vendée, jouant du contraste qui peut exister entre la lumière et les ténèbres : « Le drapeau de la France était constitué celui du genre humain, celui de la délivrance universelle… L’Europe, émue d’amour et de terreur, voyait briller ses trois couleurs sur sa tête dans les neiges éternelles, dans le ciel et dans le soleil. Le monde des pauvres et des esclaves, le peuple de ceux qui pleurent, tressaillaient à ce grand signe ; ils y lisaient distinctement ce que lut jadis Constantin : Par ce signe tu vaincras.» La suite vaut son pesant d’or : «Il n’y eut qu’un peuple aveugle, hélas ! Faut-il le dire ? Nous voudrions nous arrêter ici. Et pourtant, que le cœur soit oppressé ou non, il faut ajouter cette chose. Au moment où le monde se lance vers la France, se donne à elle, devient Français de cœur, un pays fait exception ; il se rencontre un peuple si étrangement aveugle et si bizarrement __________________________________________________________________ 8 - collection

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égaré qu’il s’arme contre la Révolution, sa mère, contre le salut du peuple, contre lui-même. Et, par un miracle du diable, cela se voit en France ; c’est une partie de la France qui donne ce spectacle : ce peuple étrange est la Vendée. » Michelet met en parallèle le 25 août 1792, date de la suppression par la Constituante de tous les droits féodaux et redevances seigneuriales, avec le début de l’insurrection en Vendée. Il n’hésite pas à écrire : « Chose remarquable, ce fut le 25 août, le jour même où le paysan vendéen attaquait la Révolution, que la Révolution, dans sa partialité généreuse, jugeait en faveur du paysan le long procès des siècles, abolissant les droits féodaux sans indemnité…Sainte décision, humaine, charitable autant que raisonnable, selon Dieu et selon l’esprit. Que le monde se taise et admire. Qu’il tâche à profiter. Qu’il reconnaisse le caractère vraiment religieux de la Révolution. La Vendée ne lui fit la guerre que par un malentendu monstrueux, par un phénomène incroyable d’ingratitude, d’injustice et d’absurdité. La Révolution, attaquée comme impie, était ultra-chrétienne ; elle faisait les actes qu’aurait dû faire le christianisme. Et le prêtre, que faisait-il ? Il faisait, par le paysan, la guerre ultra-païenne, qui aurait rétabli la féodalité, la domination de la terre sur l’homme et de la matière sur l’esprit. » « Cruel malentendu ! Ces Vendéens étaient sincères dans leurs erreurs. Ils sont morts dans une foi loyale. L’un d’eux, blessé à mort, gisait au pied d’un arbre (plus exactement au pied d’un calvaire détruit !). Un républicain lui dit : «Rends-moi tes armes» ! L’autre dit : «Rends-moi mon Dieu» ! Ton Dieu ? pauvre homme ! Eh ! n’est-ce pas le nôtre ? Il n’y en a pas deux. Il n’y a qu’un Dieu, celui de l’égalité et de l’équité, celui qui vient, au bout de mille ans, te faire réparation, celui qui a jugé pour toi, le 25 août, le jour même, insensé, où tu as levé le bras contre lui. » __________________________________________________________________ 9 - collection

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Le chapitre le plus passionnant sans doute se trouve au Livre VIII de l’ « Histoire de la Révolution française », repris par l’historien dans un petit livre publié en 1854, « Les femmes de la Révolution ». Ce chapitre, qui a pour titre « Le prêtre, la femme et la Vendée », développe une théorie passionnante, celle d’un complot « savamment préparé par un travail habile. Dans ce coin de terre, obscur, retiré et sans routes, le prêtre avait trouvé un admirable élément de résistance, un peuple naturellement opposé à toute influence centrale. Là, bien aidé des femmes, il avait pu longuement, à loisir, créer une œuvre d’art, étrange et singulière : une révolution contre la Révolution, une république contre la République ». La femme et le prêtre - obsession constante de Michelet - ont bien été selon lui ces conspirateurs de l’ombre ; voici quelques titres de chapitres que nous n’avons pas le temps de parcourir mais que l’on retrouvera avantageusement sur CD-ROM ou dans l’édition complète de l’ « Histoire de France » parue en format de poche : « La femme fut l’agent de la Vendée - Attachement passionné des femmes de l’Ouest pour le prêtre - Désespoir des femmes lorsque la loi éloigne le prêtre - Les couvents foyers de conspiration – Les prêtres annoncent la guerre civile et la fomentent ». Terminons par cette perle du grand historien que les chères sœurs de la Sagesse nous pardonneront de citer, mais elles savent combien elles sont appréciées et aimées en Vendée et bien au-delà. « Les Filles de la sagesse, dont la maison mère était à Saint-Laurent, près Montaigu ( !), allaient soufflant le feu ; ces bonnes sœurs infirmières, en soignant les malades, inoculaient la rage. »

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n° 3 LE SAVIEZ-VOUS ? ET QUE LA FETE COMMENCE

!

Discrètement située dans le déambulatoire de la cathédrale de Luçon, la « Descente de croix » peinte par Lubin Baugin au milieu du XVIIe siècle est une œuvre fort intéressante ; elle offre un détail frappant, dont nous parlerons plus loin : le linceul « démesuré » qui attend le corps de Jésus. Le saviez-vous ? L’auteur de cette toile de grande dimension - environ quatre mètres sur trois - a été « redécouvert » il y a très peu d’années. Il a fait l’objet de deux expositions en 2002, au Musée des Beaux-Arts d’Orléans puis à celui des Augustins à Toulouse. Longtemps méconnu, pour ne pas dire ignoré, et par la plupart d’entre nous peut-être, Lubin Baugin doit sa seconde naissance à Jacques Thuillier, professeur au Collège de France et spécialiste des peintres du XVIIe siècle. Né en 1610 à Pithiviers, près d’Orléans, notre artiste commence sa carrière à Paris, à l’abbaye de Saint-Germain-desPrés. Il s’adonne en ses débuts à la nature morte et on lui doit quelques petits formats dans cette veine, qui sont de purs chefs d’œuvre. Allons vite découvrir sur le catalogue de l’exposition de 2002 qui lui fut consacrée, ou au Musée du Louvre, ou encore, __________________________________________________________________ 11 - collection

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pourquoi pas, sur internet, « La nature morte à l’échiquier » et « Le dessert aux gaufrettes ». Ce dernier tableau est une petite merveille, où le jeu de l’étain, de la paille et du verre nous attire inexorablement vers le vin couleur d’ambre et les délicieuses gaufrettes d’or pâle ; celles-ci ressemblent d’ailleurs à s’y méprendre à des « cigarettes russes », mais l’expression ne date que du second Empire. Rien à voir en apparence avec l’auteur de la « Descente de croix » luçonnaise, et pourtant… nous y reviendrons ! A noter au passage, pour ceux qui auraient vu le très beau film inspiré du roman de Pascal Guignard, « Tous les matins du monde », tourné en 1991 par Alain Corneau, que l’on y retrouve le peintre Baugin et son « Dessert de gaufrettes ». Après Saint-Germain, Baugin se fixe à Rome ; il découvre les grands maîtres de la Renaissance italienne qui inspireront ses œuvres ultérieures, entre autres Le Corrège et Raphaël. Il en ramènera également une belle romaine qui sera sa première épouse. De retour en France il est reçu dans la corporation des maîtres-peintres parisiens, à l’âge de trente-trois ans. Pendant les vingt années que durera sa carrière artistique, jusqu’à sa mort en 1663, le peintre se consacrera principalement à l’art religieux. Il réalise pour plusieurs églises de Paris, dont Notre-Dame, mais aussi de province, comme à Pithiviers, sa ville natale, de grandes toiles inspirées de la vie du Christ : Nativité, Sainte Famille, Descente de Croix, Déploration, « toutes de douceur et de délicatesse » selon les critiques du temps. Une bonne partie de ces œuvres, exposées en 2002 à Orléans puis à Toulouse, n’a pas recueilli cependant le suffrage de tous. Non pas à cause du manque de talent de l’auteur, mais à cause d’une restauration qualifiée de « sauvage » par le Figaro (22 mars __________________________________________________________________ 12 - collection

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2002) : « L’exposition Lubin Baugin est exemplaire. Pour deux raisons : elle nous fait découvrir un peintre sublime et mal connu du XVIIe siècle français… et elle nous offre un désastre commis par des restaurateurs qui ont saccagé la presque totalité de l’œuvre… On dirait que ce peintre, qui fréquenta une grande partie de sa vie les anges, les apôtres, la Sainte Famille et les madones, passa à côté de Dieu sans le voir. » Dieu merci, c’est le cas de le dire, nous l’avons échappé belle ! La « Descente de Croix » de Luçon, peut-être en raison de ses dimensions, ne figurait pas parmi les œuvres exposées en 2002 et « sauvagement » restaurées. Elle le fut certes, un peu plus tard, mais par des mains expertes qui ont su préserver « les jeux d’arabesque et les accords de couleurs », et encore « le raffinement des valeurs, des nuances et des rythmes » propres à l’artiste. Revenons donc à notre tableau. S’il est avéré qu’il est bien de Baugin, on ignore ses origines. Fut-il commandé pour Paris, puis donné par le cardinal de Richelieu lui-même à la cathédrale de Luçon, dont il fut l’évêque à cette époque ? Nous ne retrouvons que le compte-rendu des délibérations du conseil de fabrique qui décida en 1837 de sa restauration par le sieur Sotta. « Sur les représentations qui nous ont été faites par des gens de l'art que le tableau de la Descente de croix était d'un grand maître et méritait d'être conservé, le conseil a été d'avis, à l'unanimité, de le faire restaurer et d'en confier le travail à M. Sotta, peintre distingué, moyennant la somme de trois cents francs que M. le trésorier a été autorisé à lui compter en temps opportun. » Classée en 1923, l’œuvre a fait l’objet d’une seconde restauration qui nous permet de l’admirer dans sa beauté presque originelle, effectuée en 2004 par Patrick Buti. __________________________________________________________________ 13 - collection

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Dans leur ouvrage « Patrimoine religieux en Vendée », publié en 2003, Joseph Renaud et Claude Arrignon consacrent une page à la « Descente de Croix » de Baugin et font ce commentaire : «Les femmes préparent le linceul avec des gestes de ménagères, précis, méticuleux… Le linceul est blanc, comme la nappe de nos autels, comme la robe du baptême, comme l’aurore du matin de Pâques. » C’est une ébauche de l’interprétation qui est la nôtre. La place que ce grand linge occupe dans le tableau, sa forme, son blanc éclatant, la façon dont les trois femmes le déploient, autant d’éléments qui nous font penser à la nappe d’un repas de fête qui se prépare sur l’herbe ! Baugin fut en sa jeunesse un peintre de nature morte : le voici dans cette œuvre qui fait « le saut de l’ange » en passant du « Dessert aux gaufrettes » à la « Descente de croix ». Ne voyons aucune irrévérence dans cette comparaison d’un dessert immobile et futile avec le banquet de la vie auquel le Christ ressuscité invite ses amis. Et que la fête commence !

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Lubin Baugin - Descente de Croix

L. Baugin - Dessert aux gaufrettes __________________________________________________________________ 15 - collection

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Église de Péault - Vendée

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n° 4 LE SAVIEZ-VOUS ? CURE, FERMIER ET SOUS-PREFET Parmi les prêtres vendéens qui prêtèrent serment à la Constitution civile du clergé en 1791, certains se distinguèrent dans le domaine politique et public et abandonnèrent pour la plupart l’état ecclésiastique ; d’autres revinrent sur leur décision et moururent en martyrs de la foi ; d’autres encore disparurent dans l’oubli. L’un de ceux qui mirent au service de la République puis de l’Empire leurs talents et leur connaissance de la réalité vendéenne connut un destin hors du commun, même si son état de « prêtre jureur » ne lui permit guère de jouir de la bienveillance de ses compatriotes. Le saviez-vous ? Jean-Alexandre Cavoleau, né à Legé en 1754 et mort à Fontenay-le-Comte en 1839, fut prêtre, fermier et fonctionnaire de l’État sous trois régimes différents ! Des traces de cet homme érudit et compétent, vous ne trouverez en Vendée qu’une pierre de granit dans le cimetière de la paroisse NotreDame à Fontenay-le-Comte et quelques rues qui portent encore son nom. Jean-Alexandre fait ses études au grand séminaire de Luçon, qualifiées de brillantes par son biographe et admirateur, Hélie de __________________________________________________________________ 17 - collection

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Sainte-Hermine, qui sera plus tard son successeur comme Secrétaire général de la Vendée. Après être passé pendant quelques années par « le stade déplaisant du vicariat » (dixit Philippe Bounolleau, auteur d’une maîtrise d’histoire sur Cavoleau en 1996), le jeune abbé est nommé en 1784 curé de Péault. C’est une petite bourgade rurale située près de Mareuilsur-Lay où l’on dénombre à l’époque 500 habitants ; le chiffre n’a guère varié, ils sont actuellement 518 ! Les loisirs de son ministère permettent au nouveau curé d’exploiter lui-même la ferme de son bénéfice. Son ingéniosité et son influence sur ses paroissiens sont telles que « les plaines autour du clocher de Péault furent bientôt mieux cultivées, les moissons plus abondantes, les prairies plus nombreuses et plus vertes, et les troupeaux mieux soignés et plus féconds ». Bon pasteur, il ne veille pas seulement sur les ouailles qui lui sont confiées, il se préoccupe d’améliorer la race du mouton vendéen, tout en s’ouvrant aux idées philosophiques et libérales du temps. C’est dans cet état que le trouve la Révolution de 1789, à laquelle il s’empresse d’adhérer. Il prête en 1791 le serment de fidélité à la Constitution civile du clergé et obtient du Directoire du tout nouveau département de la Vendée la charge d’une bergeriemodèle installée à Péault. Bien lui en prend, car dès l’année suivante, la cure de Péault est supprimée. Le pasteur assermenté perd son troupeau spirituel mais conserve pour un temps le soin des 18 béliers et des 25 brebis de sa bergerie. Les événements vont alors se précipiter pour notre prêtre-éleveur qui doit choisir entre les deux carrières qui s’ouvrent à lui. L’évêque constitutionnel de Luçon, François-Ambroise Rodrigue, élu par les représentants des districts en 1791, le choisit __________________________________________________________________ 18 - collection

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en 1792 comme vicaire épiscopal. Sollicité également par les autorités du département, installées à Fontenay-le-Comte depuis peu, notre grand vicaire franchit un pas décisif et devient Président du Conseil Général de la Vendée. Son choix est fait, il renonce à l’état clérical en 1793 et se consacre dorénavant à la chose publique. L’élu républicain se révèle modéré et compétent, s’efforçant de pallier à la famine causée par la guerre civile qui fait rage en Vendée, visitant les départements voisins pour obtenir des vivres. On se souvient de son intervention en faveur de quatre-vingts ecclésiastiques emprisonnés à Fontenay-le-Comte où ils attendent d’être déportés à Cayenne. Alors qu’un bataillon de soldats révolutionnaires envoyés pour ‘pacifier la Vendée’ se préparent à massacrer les prisonniers, le citoyen Cavoleau s’interpose au péril de sa vie, leur déclarant « qu’ils n’iront pas plus loin sans lui passer sur le corps » et il obtient le départ des soldats sans acte de violence. La paix revenue, Jean-Alexandre Cavoleau s’emploie à développer l’instruction publique ; il est l’un des organisateurs de ce service en Vendée, tout en continuant de s’intéresser au progrès de l’agriculture. Lorsque Bonaparte, Premier Consul, crée en l’an IX de la République le corps des préfets et nomme à Fontenay-le-Comte le citoyen Lefaucheux (ci-devant baron JeanBaptiste-Antoine Le Faucheux des Aulnois), Cavoleau devient Secrétaire général de la Préfecture avec rang de sous-préfet, charge qu’il exercera de 1800 à 1814, à Fontenay-le-Comte puis à la Roche-sur-Yon ou plutôt « Napoléon », devenu en 1804 cheflieu du département par décision de l’empereur. Le secrétaire général de la Préfecture de la Vendée est très actif, et dans des domaines fort divers. Au service du département et en particulier de l’agriculture, à preuve sa __________________________________________________________________ 19 - collection

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nombreuse correspondance conservée aux archives de la Vendée, mais aussi comme écrivain et statisticien. Il publie dès novembre 1800 sa « Description abrégée du département de la Vendée », qu’il continuera d’améliorer sans cesse et qui deviendra en 1818 la « Description du Département de la Vendée et considérations générales sur la guerre civile de 1793, 1794 et 1795 », ouvrage annoté et augmenté par Armand-Désiré de la Fontenelle de Vaudoré en 1844, réédité en trois tomes aux Éditions Laffitte en 1978. Cavoleau publie aussi un journal littéraire et politique, il écrit des annuaires, des mémoires sur la mise en valeur des marais, les « ravages des campagnols dans la Vendée », les moutons espagnols et les vaches suisses, et porte un jugement clairvoyant sur les causes de la guerre civile: «Ce n’est point l’humiliation de la noblesse ni la chute de la monarchie qui leur mirent les armes à la main. Ils seraient toujours restés tranquilles, si une loi impolitique n’eût condamné leurs prêtres à l’exil… Les maux effrayants qu’ils ont soufferts leur ont inspiré contre la révolution une aversion profonde, qui ne peut s’affaiblir que par l’effet du temps et d’une administration juste et paternelle. » Destitué lors du retour de la monarchie en France en 1814, Jean-Alexandre Cavoleau continue de se livrer aux expériences agricoles et d’écrire ; son dernier ouvrage publié en 1827 traite de l’ « Œnologie française ». Après avoir quitté les ordres en 1793, il avait épousé une ancienne ursuline de Poitiers en 1796. En 1803, sur sa demande, Rome régularise sa situation. L’abbé sous-préfet mourra en paix à Fontenay-le-Comte le 1er août 1839.

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n° 5 LE SAVIEZ-VOUS ? LA VIERGE MARIE EN ISLAM « Rappelle-toi quand les anges dirent : Ô Marie, certes Dieu t'a élue au-dessus des femmes des mondes. » Le saviez-vous ? Marie est la seule femme qui soit appelée par son nom dans le Coran, où elle est mentionnée 34 fois. Elle y est considérée comme vierge et mère - par intervention divine – de Jésus. Le Concile Vatican II prend acte de cette place de Marie en Islam quand il déclare : « Bien qu'ils ne reconnaissent pas Jésus comme Dieu, les musulmans le vénèrent comme prophète ; ils honorent sa mère virginale, Marie, et parfois même l'invoquent avec piété. » Le Coran et la tradition islamique donnent sur l’enfance de Marie des détails plus nombreux que les quatre évangiles et dans un langage très riche de sens, s’appuyant probablement sur des écrits apocryphes des premiers siècles du christianisme. Mais ils évoquent aussi les évènements majeurs de sa vie tels que nous les connaissons et les célébrons dans l’Église catholique : la nativité de Marie, sa présentation au Temple, l’annonciation : « Rappelletoi, quand les Anges dirent : "Ô Marie, voilà que Dieu t'annonce une parole de Sa part : son nom sera le Messie, Jésus, fils de __________________________________________________________________ 21 - collection

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Marie, illustre ici-bas comme dans l'au-delà, et l'un des rapprochés de Dieu. Elle dit : "Seigneur ! Comment aurais-je un enfant, alors qu'aucun homme ne m'a touchée ?" - "C'est ainsi !" dit-Il. Dieu crée ce qu'Il veut. Quand Il décide d'une chose, Il lui dit seulement : "Sois", et elle est aussitôt. Et Dieu lui enseignera l'écriture, la sagesse, la Thora et l'Évangile, et Il sera le messager aux enfants d'Israël. » Quant à la naissance de Jésus, Marie accouche en un lieu lointain, seule sous un palmier qui la nourrit de « ses dattes fraîches et mûres », pendant qu’une source jaillit sous ses pieds pour apaiser sa soif. L’enfant au berceau s’exprime déjà pour défendre sa mère, en bute aux critiques de ses proches : « Le bébé dit : Je suis vraiment le serviteur de Dieu. Il m'a donné le Livre et m'a désigné Prophète. Et que la paix soit sur moi le jour où je naquis, le jour où je mourrai, et le jour où je serai ressuscité vivant. » Le Coran précise toutefois que si Jésus est bien le fils de Marie, il ne peut être fils de Dieu, « car il ne convient pas à Dieu de s'attribuer un fils ».Certaines interprétations du Coran et des « hadiths » (paroles et actes de Mahomet qui ne figurent pas dans le Coran) permettent d’y voir également de discrètes allusions à l’Immaculée Conception et à l’Assomption de Marie. S’il a fallu plusieurs siècles à la théologie chrétienne pour aboutir à la reconnaissance de « la maternité divine de Marie », proclamée par le concile d’Éphèse en 431, on sait qu’un courant de pensée guidé par le patriarche de Constantinople Nestorius s’est longtemps opposé à ce dogme. « Je refuse de voir un Dieu formé dans le sein d'une femme », écrivait ce dernier, pour qui Marie était la mère de l’homme Jésus mais non du Verbe éternel. L’influence probable des moines nestoriens qui initièrent Mahomet au christianisme permet de comprendre le rejet très __________________________________________________________________ 22 - collection

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clairement exprimé dans le Coran de la maternité divine de Marie. De fait, le Livre insiste sur les nombreuses qualités humaines de Marie, comme il le fait sur celles de Jésus, toujours désigné par le Coran comme « le fils de Marie », sa filiation divine demeurant cependant inconcevable et inacceptable pour le vrai croyant : « Ce sont, certes, des mécréants ceux qui disent : En vérité, Dieu c'est le Messie, fils de Marie. Alors que le Messie a dit : Ô enfants d'Israël, adorez Dieu, mon Seigneur et votre Seigneur. Le Messie, fils de Marie, n'était qu'un Messager. Des messagers sont passés avant lui. » Mère d’un homme et non d’un Dieu, du « messager », Marie est toutefois considérée comme un modèle pour l'humanité. Le Coran indique qu’elle a été spécialement choisie par Dieu, rendue pure, qu'elle est une sainte femme, un modèle de foi en Dieu, de confiance en la providence, d'abandon à sa volonté, de piété et de recueillement, de silence respectueux et de prière. Peut-on envisager plus grande estime pour celle que les chrétiens considèrent eux aussi comme un modèle de foi et d’amour ? Au-delà des textes, certains comportements de Mahomet ainsi que de musulmans d’hier et d’aujourd’hui, soulignent la place privilégiée de Marie en Islam. Lors de la restauration de la « Kaaba » à La Mecque vers 630 et de la destruction des images de divinités païennes qui y figuraient jusque-là, Mahomet aurait demandé que soit préservée une fresque représentant la Vierge Marie avec l’Enfant-Jésus. En 634, lors de l’invasion arabe de la Palestine alors tenue par les byzantins, le calife Omar s’empare de Bethléem avant de prendre Jérusalem en 638. Depuis cette date, les musulmans vénèrent Marie au lieu même où elle aurait donné naissance à __________________________________________________________________ 23 - collection

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Jésus. Ceux qui ont visité la basilique de la Nativité ont pu constater la présence, en un lieu précis de l’édifice, de musulmans en prière. Ceux-ci visitent aussi avec assiduité les sanctuaires mariaux du Proche-Orient, en Égypte, au Liban, en Syrie, la maison de Marie à Éphèse en Turquie. Il n’est pas rare de les voir également chez nous se recueillir devant les images de la Vierge Marie, mère de Jésus, que l’on appelle en arabe, langue du Coran, « Sittna Maryam », Notre Dame Marie. On ne s’étonnera pas que tout récemment, lors du 150° anniversaire des apparitions de Lourdes, des musulmans aient participé à diverses rencontres organisés à cette occasion. Deux participants au pèlerinage mondial des journalistes se sont exprimés ainsi : « Marie représente la créature à l’écoute de Dieu, enveloppée de sa tendresse : elle est un modèle pour que grandisse aujourd’hui la fraternité universelle. » « La seule femme citée dans le Coran, vierge et mère, nous montre les fruits d’une vraie relation à Dieu, vécue dans la foi. »

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Icône de la Vierge aimante – Mont Athos

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Ile de la Dominique - Antilles

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n° 6 LE SAVIEZ-VOUS ? MISSIONNAIRE A LA DOMINIQUE «Il y a exactement trois semaines ce matin que j’ai quitté la Choletière définitivement, le cœur un peu gros, je l’avoue, mais heureux tout de même de pouvoir me dire : je vais où le Bon Dieu m’appelle, je vais sauver des âmes. » Le saviez-vous ? Né aux Herbiers le 16 juin 1878, mort à La Dominique le 24 août 1908 à l’âge de 30 ans, le père René Suaudeau est l’un de ces missionnaires pleins d’élan que la ferveur religieuse du XIXe siècle a dispersés aux quatre coins du monde. Originaire d’une famille de paysans établie au village de La Choletière, sur les pentes du mont des Alouettes, René est ordonné prêtre en 1903 dans la Congrégation des Fils de Marie Immaculée, fondée par le Vénérable père Louis-Marie Baudouin en 1800. Dès 1872, les « pères de Chavagnes », comme on a coutume de les nommer, ont été appelés à exercer une activité missionnaire aux Antilles, qui commencera à La Dominique pour se poursuivre à Sainte Lucie, puis en Martinique. C’est à La Dominique que sera envoyé le père Suaudeau. Quand notre jeune religieux de 26 ans débarque le 1er décembre 1904 au port de Roseau, après un voyage de près d’un __________________________________________________________________ 27 - collection

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mois, il a déjà fait escale en Guadeloupe, en Martinique et à Sainte-Lucie où ses confrères vendéens l’ont accueilli à bras ouverts. Arrivé en Dominique, il est destiné tout d’abord à la paroisse de Vieille Case pour y assister le père Bellaudeau, puis promu curé de Wesley, à quatre heures de cheval, où il passe ses toutes premières fêtes de Noël. Avec l’énergie et l’humour qui caractérisent le jeune vendéen, dur au travail, et qui transparaissent tout au long des lettres envoyées à sa famille et à ses amis durant quatre ans, René Suaudeau s’attelle aussitôt à la tâche. S’il dispose d’un grand presbytère, encore vide, l’église n’est pas finie ; il lui faut faire la chasse aux chauves-souris, envoyer les hommes couper du bois dans la forêt ou tirer de la mer du corail pour en faire de la chaux. Il visite dès le début les descendants des indiens Caraïbes «qui ne sont pas noirs et ont une figure tout à fait à part », mais sans exprimer la moindre trace de mépris : « Là encore, chère maman, tranquillisez-vous. Ces gens-là sont plus civilisés que beaucoup de Français et Vendéens du Petit-Bourg et des Herbiers. » L’église, baptisée « Notre-Dame de la Soie », prend forme, grâce au travail de tous, y compris du curé qui ébahit ses paroissiens en fabriquant « une fourche, une pelle et une brouette». Mais il fait aussi des « bottereaux » pour la Chandeleur, sème des pois et s’entoure d’une cour des miracles dont la description est franchement désopilante : Marie-Antoinette, la vieille bonne peu douée d’esprit mais fort dévouée et qui aime soigner les malades ; Tine, le petit domestique dont il ignore le vrai nom ; deux chevaux, l’un « vieux comme le temps », l’autre sa petit jument prénommée Lisette ; sans oublier une chatte, un coq, une poulette et bientôt une petite chèvre. Le paysan sommeille sous le missionnaire : « Quand j’aurai vendu mon __________________________________________________________________ 28 - collection

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vieux cheval, j’achèterai une vache. J’ai bien du terrain pour nourrir tout cela, et je n’aurai plus besoin d’acheter du lait. » Les « chiques » qui s’infiltrent sous les orteils et l’obligent parfois à dire « la Sainte Messe nu-pieds », la fièvre et les maux de tête occasionnels, rien de tout cela n’altère la belle humeur du curé de Wesley. Il parcourt sa paroisse et l’île en tout sens, rend visite à ses confrères, chasse l’iguane et la tourterelle pour améliorer son ordinaire, voyage à pied, à cheval, en canot, ne ménage pas sa peine. En août 1907, alors qu’il ne reste plus qu’une année à vivre au missionnaire de 29 ans, il envoie au curé du Petit-Bourg des Herbiers une photographie des 32 membres « de la famille de Wesley » au nombre desquels, outre curé, servante et domestique, figurent chevaux, bourriques, chien, chat, canards, lapins et chèvres. Si les animaux ne lui manquent pas, il se désespère cependant de ne pas recevoir de France couteaux et outils maintes fois demandés et qui lui font défaut, « j’en ai tant besoin». Il propose d’envoyer en échange paniers et chapeaux tressés par les indiens Caraïbes et barils d’orange (un avant-goût du commerce équitable). Au mois de décembre 1907, le père Suaudeau reçoit sa nomination à La Plaine, au sud-est de l’île, où il devra se rendre pour le Nouvel An. Ayant finalement reçu les outils et les images demandés, il se prépare à expédier paniers et oranges comme promis ! A la fin du mois de juin, fête des saints Pierre et Paul, les marins-pêcheurs ont coutume « de faire chanter une grand-messe chaque année ce jour-là ». Ce sera l’objet de la dernière lettre adressée par le père René à ses chers parents, le 1er juillet 1908. Après la messe, il s’est rendu au bord de la mer à cheval sur sa __________________________________________________________________ 29 - collection

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Lisette « qui ne craint pas les fusils ni les bannières, ni les cornes dans lesquelles les marins soufflent à pleins poumons ». Le lundi 24 août 1908, René Suaudeau part de bonne heure pour visiter un malade à Boetica, un village de sa paroisse de La Plaine. Soudainement pris de fièvre et de délire, attribués par ses confrères à une « insolation » survenue quelques semaines auparavant (mais on pensera plutôt à la fièvre jaune), il est recueilli sur la route par trois bûcherons qui le portent dans une maison voisine : « C’est là qu’il mourut tout doucement, pendant que tous ces gens-là priaient pour lui et récitaient pour lui l’acte de contrition ». La mort inattendue du jeune prêtre cause une sincère désolation chez ceux qui l’ont connu et aimé, ses confrères, ses paroissiens de Wesley et de La Plaine, dont certains feront à pied de longues distances pour participer à ses funérailles célébrées dès le lendemain dans l’église paroissiale où il reposera désormais. Plusieurs lettres écrites après son décès par les prêtres qui le côtoyèrent nous disent à la fois l’enthousiasme missionnaire du jeune religieux et l’esprit d’enfance et de fraîcheur qui fut le sien, tel qu’il transparaît d’ailleurs sans cesse dans sa propre correspondance. Le père Martin, dans la notice nécrologique qui conclut la publication des lettres de René Suaudeau en 1927, rapporte que celui-ci avait emporté avec lui aux Antilles une touffe d’herbe cueillie sur la tombe de Chateaubriand. Il commente, avec un humour certainement involontaire : «Et je suis sûr que s’il avait pu prévoir, (et s’il avait eu le temps d’y songer), il aurait aimé le cadre du tombeau où il repose lui-même aujourd’hui, à l’ombre des palmiers, bercé par le flot de la mer des Caraïbes. »

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n° 7 LE SAVIEZ-VOUS ? CHRISTUS ORIENS « Visitavit nos Oriens ex alto : illumináre his, qui in ténebris et in umbra mortis sedent, ad dirigéndos pedes nostros in viam pacis. » - « Soleil levant qui vient nous visiter pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l'ombre de la mort, pour conduire nos pas au chemin de la paix. » (Luc, 1/78-79) Le saviez-vous ? Le nouvel évêque de Luçon, Mgr Alain Castet, ordonné en sa cathédrale le 29 juin 2008, a choisi comme devise « Christus Oriens », littéralement « Christ Levant ». Devise illustrée par son blason où figurent la croix du Christ et le soleil ; en langage héraldique, « d’argent à la croix de gueules cantonnée de quatre soleils d’or ». Il s’agit d’une image biblique traditionnelle, celle du Christ « soleil levant » tel qu’il est désigné par Zacharie, père de Jean-Baptiste, dans son cantique d’action de grâces rapporté par l’évangéliste Luc. Présent dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament, ce symbole sera souvent repris par les Pères de l’Église. Il s’agit cependant d’une image récurrente qui a été employée par de nombreux peuples et religions de l’antiquité. Pour ne citer __________________________________________________________________ 31 - collection

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que quelques exemples, les égyptiens adoraient le soleil sous le titre du dieu « Râ », en l’honneur duquel fut bâtie Héliopolis, en grec la « ville du soleil », qui est aussi depuis le début du XXe siècle le nom d’un faubourg du Caire. Adoré par les indo-perses et les chaldéens, le soleil figure au panthéon des dieux grecs et romains sous le nom de Phébus. Au troisième siècle de notre ère l’empereur Aurélien officialise le culte du soleil, « sol invictus », fixant sa fête au début du solstice d’hiver, le 25 décembre, et lui fait bâtir un temple à Rome sur le Champ de Mars. Les civilisations précolombiennes d’Amérique du Sud ont aussi vénéré le soleil. Aztèques, Mayas et Incas lui ont rendu hommage en bâtissant d’imposants édifices à sa gloire. Le plus impressionnant sans doute devait être le « Coricancha» - l’enceinte d’or en quechua - à Cuzco, au cœur des Andes, où se déroulaient les grandes cérémonies des souverains incas, appelés fils du soleil. Pillé par les conquérants espagnols puis rasé, il en demeure cependant les assises d’énormes blocs de pierre qui constituent désormais les fondements de l’église et du couvent des dominicains de la ville ! Pour en revenir aux temps bibliques, Moïse et ses successeurs à la tête du peuple hébreu durent souvent combattre le culte du soleil qui tentait aussi les croyants, sous l’influence des religions égyptiennes puis cananéennes. Le Deutéronome punit de mort ceux qui se prosternent devant le soleil ou les astres. Plus pédagogue, l’auteur du Livre de la Sagesse invite les croyants à découvrir le Créateur à travers la beauté de ses créatures : « Ils ont regardé le feu, le vent, l'air mobile, le cercle des étoiles, l'eau impétueuse, les flambeaux du ciel, comme des dieux gouvernant l'univers. Si, charmés de leur beauté, ils ont pris ces créatures pour des dieux, qu'ils sachent combien le Maître l'emporte sur __________________________________________________________________ 32 - collection

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elles ; car c'est l'Auteur même de la beauté qui les a faites.» Créature admirable parmi tant d’autres, le soleil est omniprésent dans le langage biblique, mais sans jamais obscurcir le visage de Celui qui l’a créé, qui l’a mis au firmament comme le « grand luminaire pour présider au jour ». C’est « frère soleil », que chantera plus tard François d’Assise dans son cantique des créatures, « lui, le jour dont tu nous éclaires, beau, rayonnant d'une grande splendeur, et de toi, ô Très-Haut, portant l'image ». Le soleil célèbre la gloire de Dieu et rythme la vie des hommes, il se lève et se couche, non sans avoir accompli son œuvre. Les justes lui sont comparés, ainsi que la bien-aimée du Cantique des Cantiques, « belle comme la lune, pure comme le soleil ». Parmi les prophéties messianiques, quelques textes laissent entrevoir la venue de celui qui illuminera le monde d’un jour nouveau. La splendide vision d’Isaïe au chapitre 60 est celle d’un Dieu lumière qui vient embraser la Jérusalem nouvelle : « Debout ! Resplendis ! car voici ta lumière, et sur toi se lève la gloire de Yahvé. Tandis que les ténèbres s'étendent sur la terre et l'obscurité sur les peuples, sur toi se lève Yahvé, et sa gloire sur toi paraît...Tu n'auras plus le soleil comme lumière, le jour, et la clarté de la lune ne t'illuminera plus : Yahvé sera pour toi une lumière éternelle, et ton Dieu sera ta splendeur. » Malachie annonce le « soleil de justice » qui fera bondir les justes, comparaison délicieuse, « comme les veaux d’une étable » ! La prophétie de Zacharie aux chapitres 3 et 6 est ainsi traduite dans la Vulgate de saint Jérôme : « Voici, je ferai venir mon serviteur, l’orient… Voici, un homme, dont le nom est orient. » Le cantique de Zacharie père de Jean semble bien fait référence à cette traduction, appelant lui aussi Jésus «orient» ; de même les Pères de l’Église et les théologiens du Moyen-Age, jusqu’au grand __________________________________________________________________ 33 - collection

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saint Thomas, qui cite entre autres Jean Chrysostome, Grégoire, Bède le Vénérable et Théophilacte, dans son commentaire sur l’évangile de Luc. Même si les exégètes modernes ont désormais substitué à la parole « orient » celle de « germe », plus conforme semble-t-il au texte hébreu, nous nous en tiendrons à notre bonne vieille Vulgate ainsi commentée avec enthousiasme par Bède le moine anglo-saxon : « Le nom d’Orient convient parfaitement au Christ, parce qu’il nous a ouvert l’entrée de la vraie lumière. » Jésus n’a pas hésité à se qualifier lui-même de « lumière du monde » et à désigner de même ses disciples : « Vous êtes la lumière du monde. » Appelé par le Prologue de saint Jean « lumière véritable qui illumine tout homme venant dans ce monde » le Christ est « le soleil nouveau », selon le mot de saint Ambroise, venu pour que ceux qui croient en lui ne marchent pas dans les ténèbres mais qu’ils aient la lumière de la vie. Les églises chrétiennes sont tournées vers l’orient, vers le soleil levant comme symbole du Christ. Voici ce qu’écrit Mgr Castet à propos de sa devise épiscopale « Christ Levant » : « Avec l’avènement du sauveur, toute personne et toute chose trouvent sens et consistance, comme au petit matin la venue du soleil donne vie à la création. Le verbe « se lever » fait également écho à celui qui, dans l’Écriture, est utilisé pour désigner la résurrection, aube des temps nouveaux. » Et le pape Benoît XVI à l’approche de Noël : «Que cet Astre de lumière, qui ne décline jamais, nous transmette la force pour suivre toujours le chemin de la vérité, de la justice et de l'amour. »

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Blason de Mgr Alain Castet, évêque de Luçon

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Philippe de Champaigne - Portrait de Richelieu

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n° 8 LE SAVIEZ-VOUS ? RICHELIEU ET SES CHANOINES Parmi la nombreuse correspondance de Richelieu figurent deux lettres adressées aux chanoines du chapitre cathédral de Luçon en 1619 et en 1623. Alors que l’on célèbre en cette année 2008 le quatrième centenaire de l’arrivée du jeune évêque dans son diocèse, il est vrai que ces documents traitent plutôt de son départ. Mais le roman et le cinéma nous ont habitués à ces histoires qui commencent par la fin et puis remontent le temps ! Le saviez-vous ? Évêque de Luçon de 1608 à 1623, Armand Jean du Plessis de Richelieu prend possession de son siège à l’âge de 23 ans ! Il doit composer avec le chapitre qui est le sénat de l’évêque et veille aux intérêts tant spirituels que temporels du diocèse. La quarantaine de chanoines de la ville se sont quelque peu lassés du passage rapide d’évêques commendataires qui ne s’intéressaient guère à leur cathédrale, en ruine, ni à leurs ouailles, en piteux état elles aussi à la suite des guerres de religion. Aussi le nouvel évêque a-t-il fait de son mieux pour gagner leur confiance. C’est du moins ce qui transparaît dans les deux lettres que nous commenterons maintenant. __________________________________________________________________ 37 - collection

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La première lettre est adressée « en forme de testament aux chanoines de Luçon, le 8 février 1619 ». Le mot de testament peut surprendre, de la part d’un homme de 34 ans. Cependant, c’est de détresse morale que souffre le prélat plutôt que d’un mal physique qui le rapprocherait de la mort. Exilé brusquement à Avignon en avril 1618 par le roi Louis XIII, qui lui reproche d’avoir été en contact avec sa mère et rivale Marie de Médicis, Richelieu se morfond. Il a commencé par occuper utilement son temps en écrivant « L’Instruction du Chrétien », mais il se décourage en ne voyant rien venir. Ses ambitions politiques semblent vaines, il se sent abandonné et inutile, et voilà qu’il pense à la mort. D’entrée, l’auteur envisage son avenir avec un pessimisme marqué : «Nul ne sachant quel doit être le cours de la vie et ne pouvant prévoir, en mon particulier, comme il plaira à Dieu de disposer de moi…» Il ajoute qu’il s’adresse par écrit à ses destinataires, craignant de ne pouvoir les rencontrer « devant que de passer de cette vie à une autre meilleure ». Après ce noir exorde et après avoir brièvement rappelé l’amour, partagé, qui l’attache aux membres du chapitre, il va droit au but : « En cette considération, je vous laisse mon corps afin de reposer, mort, au lieu où je me désire vivant pour vous servir en servant Dieu ainsi que j’y suis obligé. » Ce premier legs est assorti d’une condition : « Le lieu de ma sépulture sera, s’il vous plaît, immédiatement audessus du pupitre des chantres, désirant que le plus haut du chœur, comme plus honorable, soit conservé pour mes successeurs qui viendront après moi. » Le second legs est plus palpable : le bon évêque laisse à ses chanoines l’argenterie de sa chapelle, ses ornements et trois tapisseries des Flandres, tout en regrettant de ne pouvoir faire __________________________________________________________________ 38 - collection

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davantage : « Ma volonté surpassant ma puissance, mes désirs suppléeront au défaut de mes effets. » Dans le dernier paragraphe de cette lettre « en forme de testament», l’évêque de Luçon, déjà prêt à renoncer à la vie, se dit aussi prêt à résigner sa charge. Il envisage déjà l’arrivée d’un nouvel évêque dont il trace le profil. Il conjure ce successeur virtuel d’observer la résidence, « de visiter son diocèse, échauffer par son exemple et ses instructions ceux qui, sous lui, ont charge d’âmes ». Le pasteur exilé conclut son testament en forme parénétique, exhortant les chanoines à vivre en bonne intelligence avec leur futur évêque : « Nul corps ne pouvant subsister sans l’union du chef avec ses membres, je vous supplie de vivre en étroite union avec celui qui me succèdera.» Les derniers mots parvenus du fond de l’exil sont empreints d’une émotion à peine contenue : « Cela fait, Messieurs, il ne me reste qu’à vous conjurer d’aimer ma mémoire comme d’une personne qui vous aime tendrement et qui, souhaitant avec passion votre salut, sera éternellement, Messieurs, votre bien affectionné confrère à vous rendre humble service. » La seconde lettre du cardinal de Richelieu « annonçant aux chanoines de Luçon sa démission », le 5 juin 1623, est d’une tout autre tournure. Il n’y est plus question de testament, de morosité, ni de sépulture. Entre-temps, il est vrai, la fortune a souri de nouveau à l’évêque de Luçon. Louis XIII l’a rappelé d’Avignon en mars 1619, le priant de s’affairer pour conseiller la reine mère. Auteur de la réconciliation entre le roi et Marie de Médicis, habile conseiller du monarque dans sa guerre contre les huguenots, élu proviseur de la Sorbonne, le titulaire « du plus vilain évêché de France, le plus crotté et le plus désagréable » est tôt fait cardinal, puisqu’il reçoit le chapeau rouge du pape Grégoire XV en septembre 1622, à l’âge de 37 ans. __________________________________________________________________ 39 - collection

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Pour faire face à ses nouvelles obligations, le cardinal renonce l’année suivante à l’évêché de Luçon, où l’on s’accorde à dire qu’il a œuvré avec un véritable zèle apostolique pour cette petite Église de province. C’est la nouvelle qu’il annonce aux membres du chapitre le 5 juin 1623. Tout en exprimant son regret et en renouvelant son affection, l’évêque devenu cardinal est moins expansif et un tantinet moins chaleureux. Mais il indique aux chanoines qu’il a apporté un soin particulier au choix de son successeur : «Je me suis étudié à transporter cette dignité à une personne dont vous puissiez recevoir de la consolation et qui pût apporter, quant et quant, en l’exercice de la charge, le soin et la vigilance nécessaires. » Rassurant, il leur dit qu’ils ne perdront rien au change puisqu’ils auront désormais deux évêques au lieu d’un seul, « celui qui vous assistera par sa présence et moi qui, bien qu’absent, aurai toujours le même esprit de charité pour tous et la même passion à rechercher vos intérêts que j’ai ci-devant témoignée ». Certes, le temps a passé où le malheureux exilé d’Avignon se préoccupait de sa destinée future. Il ne parle plus de sa mort ni de léguer son corps au chapitre, mais confirme le don de sa «chapelle tout entière » à l’église-cathédrale de Luçon et assure avoir obtenu une « décharge des dîmes » en faveur des chanoines. Ceux-ci sont invités à faire mémoire de lui « au chœur de leur église », mais son corps n’y reposera point, comme il était prévu dans la lettre précédente, sinon au chœur de l’église de la Sorbonne, à Paris. La signature n’est plus celle de l’humble « Armand », mais du « cardinal de Richelieu » qui dès l’année suivante allait faire son entrée au conseil du roi de France, puis devenir le « premier et principal ministre de l’État » jusqu’à sa mort, le 4 décembre 1642. __________________________________________________________________ 40 - collection

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n° 9 LE SAVIEZ-VOUS ? L’ETAT DU VATICAN A l’approche de la visite du pape Benoît XVI en France, au mois de septembre 2008, le président de la « Fédération nationale de la Libre Pensée » s’est adressé au président de la République pour remettre en cause la participation des autorités publiques aux frais occasionnés par ce voyage. Le principal argument invoqué par l’aimable libre-penseur tient en ces quelques mots : « S’agissant de la réception à Paris, nous considérons, après consultation des États recensés à l’ONU… que le Vatican n’est pas un État. » De quoi faire crier au scandale les acheteurs de la récente édition du « Petit Futé » ainsi présentée : « Le Vatican, plus petit État au monde, n’en appelle pas moins l’attention et les foules de visiteurs. » Vont-ils à juste titre réclamer le remboursement des 14 euros investis dans l’achat du guide touristique d’un pays… qui n’existe pas ? Le saviez-vous ? L’État du Vatican existe bel et bien. Depuis fort longtemps d’ailleurs, et dans sa forme actuelle depuis 1929. Il figure parmi les 193 États reconnus par la communauté internationale, avec le statut particulier d’État non-membre des __________________________________________________________________ 41 - collection

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Nations-Unies, aux activités desquelles il participe toutefois régulièrement en tant d’Observateur. Statut confirmé lors de la cinquante-huitième session de l’Assemblée générale des Nations Unies qui a rappelé en séance plénière, le 1er juillet 2004 « que le Saint-Siège a obtenu le statut d’État observateur permanent auprès de l’Organisation des Nations Unies le 6 avril 1964 ». Dont acte ! Avant de nous adonner aux quelques considérations historiques et juridiques qui s’imposent, relisons les paroles prononcées par le pape Paul VI à New-York le 4 octobre 1965 : « Celui qui vous parle est un homme comme vous; il est votre frère, et même un des plus petits parmi vous, qui représentez des États Souverains, puisqu'il n'est investi - s'il vous plaît de Nous considérer à ce point de vue - que d'une minuscule et quasi symbolique souveraineté temporelle: le minimum nécessaire pour être libre d'exercer sa mission spirituelle et assurer ceux qui traitent avec lui qu'il est indépendant de toute souveraineté de ce monde. Il n'a aucune puissance temporelle, aucune ambition d'entrer avec vous en compétition. De fait, Nous n'avons rien à demander, aucune question à soulever ; tout au plus un désir à formuler, une permission à solliciter : celle de pouvoir vous servir dans ce qui est de Notre compétence, avec désintéressement, humilité et amour. » Certains se souviennent de ce petit homme en blanc, frêle et cependant plein de feu, s’exprimant dans l’immense auditorium des Nations Unies devant un parterre de chefs d’État et qui terminait son intervention par ces phrases devenues historiques : « Jamais plus la guerre, jamais plus la guerre ! Si vous voulez être frères, laissez tomber les armes de vos mains ! » Une minuscule et quasi symbolique souveraineté temporelle : le petit père des __________________________________________________________________ 42 - collection

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peuples, Joseph Staline, l’avait exprimé en d’autres termes sarcastiques ceux-là - lors de la visite à Moscou de Pierre Laval en 1935 : « Le Vatican, combien de divisions ? » Aucune raison, donc, de craindre cet État symbolique qui ne vise qu’à assurer l’Église de son indépendance dans le concert des nations. Il convient de reconnaître en même temps qu’il n’en fut pas toujours ainsi dans l’histoire. Jusqu’en 1871 les « États pontificaux » représentent une véritable puissance temporelle. Le Pape est le souverain d’une bonne partie de la péninsule italienne, sans oublier en France Avignon et le Comtat Venaissin (jusqu’en 1791) ; le « Palais des Papes » et le « Châteauneuf du Pape » en demeurent de somptueux vestiges, de culture et de grand cru ! Les vicissitudes des temps, la Révolution française, puis l’Empire, portent de sérieux coups aux États pontificaux. Rétablis lors du Congrès de Vienne en 1815, ils sont annexés par le Royaume d’Italie en 1870, une année particulièrement riche en évènements : le 18 juillet, le Concile Vatican I définit la doctrine de l'infaillibilité pontificale, le 19 juillet la France déclare la guerre à la Prusse, déclaration suivie le 4 septembre de la chute de l'Empire Français, protecteur des États pontificaux ; le 20 septembre les troupes du roi Victor-Emmanuel II rentrent dans Rome, proclamée capitale de l’Italie, alors que le pape Pie IX se réfugie dans la Cité du Vatican, après avoir ordonné aux « zouaves pontificaux » de ne pas répondre au feu. Ce n’est qu’en 1929, par les Accords du Latran, que la « question romaine » est résolue, le pape ne conservant sa souveraineté que sur l’État de la Cité du Vatican, d’où s’exerce l’activité du Saint-Siège. Cette appellation de « Saint-Siège » va de pair dans la reconnaissance internationale avec celle d’État du Vatican, sans toutefois coïncider avec elle ! Il s’agit en effet de deux __________________________________________________________________ 43 - collection

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personnalités juridiques distinctes. Alors que le Saint-Siège, ensemble des organismes de gouvernement de l’Église Catholique est reconnu comme une entité internationale, participe à ce titre au travail des différentes organisations et envoie ses diplomates auprès des nations, l’État du Vatican remplit les fonctions de support matériel de ses activités. Comme le disait Paul VI en 1965 cet État symbolique existe comme garantie de l’exercice de la liberté spirituelle du Saint-Siège, et donc comme moyen d’en assurer l’indépendance réelle et visible. Il n’en demeure pas moins un véritable État, avec son territoire de 44 hectares, soit le plus petit de tous les états souverains, et ses structures administratives définies par la « loi fondamentale » approuvée par le pape Jean-Paul II le 26 novembre 2000. Le souverain pontife délègue l’ensemble du pouvoir législatif, exécutif et judicaire aux organes créés à cet effet, sous la responsabilité d’une Commission de Cardinaux. Cette commission exerce ses fonctions par l’intermédiaire du gouvernorat de l’État de la Cité du Vatican et de ses différents services : direction des finances, direction des services de sécurité et de protection civile, direction sanitaire, direction des musées, bureau philatélique et numismatique, gendarmerie pontificale. Et puis comme partout on trouve au Vatican un bureau de poste, une pharmacie, un supermarché, un journal, une librairie, une caserne de pompiers, une banque ; sans oublier un observatoire astronomique dont le siège est à Castelgandolfo, une station de radio, une bibliothèque (la fameuse Vaticane), et même une toute petite prison, généralement vide ! N’hésitez à visiter cet « État symbolique » mais bien réel, ou encore comme l’appelait avec humour le pape Pie XI « ce petit lopin de terre bien utile au Saint-Siège ». __________________________________________________________________ 44 - collection

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Plan de l’État de la Cité du Vatican

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Le Greco - Enterrement du comte d’Orgaz

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n° 10 LE SAVIEZ-VOUS ? RITES REPUBLICAINS A l’occasion de plusieurs événements récents, on a pu s’étonner que la République ait recours aux rites de l’Église pour accompagner l’hommage de la nation à certains de ses citoyens. Aussi bien Lazare Ponticelli, le dernier « poilu » de la première guerre mondiale, que les soldats morts en Afghanistan ont fait l’objet en 2008 d’une célébration religieuse solennelle en l’église Saint-Louis des Invalides. Quant aux derniers présidents décédés, Charles de Gaulle, Georges Pompidou et François Mitterrand, les voûtes de Notre-Dame de Paris ont retenti pour eux de chants et de prières qui demandaient à Dieu de les accueillir en son repos éternel ! A toutes ces manifestations, les plus hautes autorités d’un Etat pourtant laïc ont participé « ès qualités ». Le saviez-vous ? Depuis bon nombre d’années déjà, des élus tentent de remédier à ce qui leur apparaît comme une anomalie. Nous avons retenu cinq projets de loi parmi ceux qui ont été présentés au Sénat ou à l’Assemblée Nationale. S’ils n’ont pas bénéficié jusqu’à présent d’un grand intérêt de la part des législateurs, leur contenu est assez significatif d’une époque et __________________________________________________________________ 47 - collection

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d’un pays, le nôtre, où le « religieux » perd du terrain. C’est du moins ce dont lesdits élus et autres défenseurs d’une laïcité militante voudraient se convaincre et nous convaincre. Le premier projet de loi présenté en 2003 par Monsieur Michel Charasse et cinq autres sénateurs est le plus virulent : «Sécularisation des rituels civils dans la République et respect de la neutralité de l'État et des services publics ». Ayant constaté que les autorités constituées, « par facilité et faute de cérémonie civile dédiée régie par les textes, laissent aux desservants des cultes le soin d'agir, niant par-là à la société un droit absolu et propre à célébrer seule, selon des rites neutres, les événements de commémoration collective et/ou individuelle », les élus demandent que les actes majeurs de la vie civile - naissance, pacte de solidarité, décès - soient pris en charge par la collectivité publique au moyen de rites dits « d’acceptation ». Le texte propose donc la célébration de la naissance et du parrainage républicain en mairie, celle du pacte civil de solidarité au tribunal d’instance, celle des funérailles en mairie ou en un lieu approprié. On prendra connaissance dans le texte du détail des cérémonies prévues. A noter toutefois que le projet est assorti de « menaces » qui font froid dans le dos. Un nouvel alinéa est ajouté à l’article 433-21 du Code pénal, qui punit déjà sévèrement les ministres du culte qui célébreraient le mariage religieux avant le mariage civil : ceux qui procèderont aux cérémonies religieuses de parrainage ou de funérailles avant la cérémonie civile seront punies de la même peine, soit six mois de prison et 7500 euros d’amende. Mazette ! La loi de séparation des Églises et de l’État de 1905 est également amendée, interdisant toute cérémonie officielle dans un lieu de culte et à toute autorité civile ou militaire de participer ès qualités à une cérémonie à caractère __________________________________________________________________ 48 - collection

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religieux. Là aussi le couperet tombera : révocation et exclusion du service public ! Mentionnons enfin le codicille de ce projet qui rappelle, pour mémoire, l’interdiction faite aux membres du Gouvernement par le Conseil des ministres, sur la proposition de Clemenceau, « d'assister au Te Deum chanté à Notre-Dame de Paris pour célébrer la victoire du 11 novembre 1918 et honorer les morts de la guerre ». Méfions-nous cependant des professions de foi ou d’athéisme des hommes politiques. « Paris vaut bien une messe » aurait dit Henri IV au moment d’abjurer le protestantisme pour la couronne de France. « Une messe est possible », avait indiqué Mitterrand dans son testament ! Venons-en aux autres propositions de loi présentées à l’Assemblée Nationale : celle de Monsieur Jacques Myard en 2006 « visant à instaurer le parrainage civil », celle de Madame Paulette Guinchard en 2007 « instituant des funérailles républicaines », celles de Mme Guinchard en 2007 et de Monsieur Richard Mallié et alii en 2008, toutes deux « relatives au baptême républicain ». D’un genre assez différent, respectueux de la liberté individuelle, ne prévoyant pas de « mesures de rétorsion », ces projets visent à solenniser le début et la fin de la vie de ceux qui ne souhaitent pas recourir aux rites d’une religion. Nous parlerons ici de la « fin de la vie », laissant la solennisation de son « début » à une prochaine édition. Les « funérailles républicaines » proposées par Mme Guinchard ne diffèrent guère des « funérailles civiles » telles qu’elles existent déjà. Le député remarque toutefois dans son exposé des motifs que si « le concile Vatican II a considérablement simplifié les rites catholiques des funérailles, il demeure que seules les funérailles religieuses ont un aspect vraiment solennel ». Une des raisons sans doute - au-delà des __________________________________________________________________ 49 - collection

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convictions réelles - du pourcentage très élevé des obsèques religieuses en France (env. 80%) par rapport au nombre de pratiquants (env. 5%). L’élue estime que lors d’un enterrement civil la famille et les proches sont livrés à eux-mêmes et se sentent souvent abandonnés ; les objectifs de sa proposition de loi sont donc de « renforcer le principe de liberté des funérailles et de rétablir la dignité de la personne humaine ». Si le vœu en a été exprimé par le défunt ou encore en l’absence d’ayants droit, il est prévu que le représentant de la commune intervienne au nom de la République et qu’une salle soit mise à la disposition des proches. Le projet de loi ne précise pas en quoi consistera la célébration républicaine, hormis la présence du maire ou de son délégué. Pour clore ce chapitre sur les « funérailles » mentionnons brièvement la législation en vigueur qui consacre la liberté de chacun de choisir le déroulement de ses obsèques et la « liberté de culte » à laquelle elle fait expressément allusion. La loi du 15 novembre 1987 prévoit que « tout majeur ou mineur émancipé, en état de tester, peut régler les conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sépulture » (art.3). Le Code général des collectivités territoriales (art. L2213) établit qu’en matière de funérailles « il est procédé aux cérémonies conformément aux coutumes et suivant les différents cultes ». Le Code pénal quant à lui «permet de réprimer l’organisation de funérailles religieuses auxquelles le défunt s’était opposé de son vivant, ou, inversement, l’organisation de funérailles civiles alors que le défunt avait demandé une cérémonie religieuse » (cf. art.333).

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n° 11 LE SAVIEZ-VOUS ? PATRIOTE ET DE BON CŒUR « Au pied d'une meule de blé, je t'écris pour m'entretenir avec toi. » « Il neige toujours, j'écris à Caroline. » Dans les vastes plaines de la Somme et au pied du Mont Olympe, ces mots simples furent écrits par nos grand-pères Moïse Paquereau et Jules Rézeau, combattants de la première guerre mondiale. Du premier nous tenons les lettres qu'il adressa deux mois durant à notre grand-mère Florine avant d'être enseveli dans un dernier silence. Du second nous conservons le carnet de route où il consigna par le menu ses deux années de campagne sur le front d'Orient. Il avait déjà quarante-trois ans, mais lui revint finir doucement ses jours à l'ombre des rosiers grimpants de son jardin. Le crayon du jeune fantassin est plus maladroit peut-être, mais il est tenu par le cœur qui tantôt saigne, tantôt s'épanche, tantôt s'emballe en ces grandes phrases pleines de tendresse qui voudraient déborder le carcan de l'écriture. La plume du vieux territorial est régulière en toute saison, elle se veut comme ces "belles entures bien faites" qu'en homme de l'art il apprécie au passage d'une plantation grecque. __________________________________________________________________ 51 - collection

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Le saviez-vous ? Alors que nous célébrons en ce mois de novembre le quatre-vingt-dixième anniversaire de la fin de la première guerre mondiale, on se souviendra que la Vendée est le département de France qui proportionnellement à sa population, a eu le plus grand nombre de morts, 22.000, soit 35% des combattants levés sur le département, alors que la moyenne nationale est de 28%. Il n’est guère de familles de chez nous qui n’aient eu à pleurer la disparition d’un époux, d’un père, d’un parent dont le souvenir s’est perpétué jusqu’à ce jour. Originaires respectivement de Vouvant, de Saint-Mesmin et de Menomblet, nos deux grand-pères et notre grand-oncle maternel partirent tous trois pour la guerre, sans autre arrièrepensée que le devoir à accomplir. Notre grand-père Moïse se dit « patriote et de bon cœur », il écrit avant son départ à celle qu’il aime : « Je partirai faire mon devoir avec toi sur mon cœur, ne te quittant pas un instant dans ma mémoire. » Un seul d’entre eux revint vivant de la grande guerre, malgré un naufrage en Méditerranée sur le Gallia torpillé par la marine allemande, notre grand-père Jules, paisible jardinier vouvantais enrôlé en 1916 dans l’armée d’Orient. Moïse pour sa part ne devait jamais revoir « sa chère épouse et son petit bébé ». Incorporé à Fontenay-le-Comte dans le 137e régiment d’infanterie, comme beaucoup de Vendéens (les autres le furent à la Roche-sur-Yon dans le 93e), il est dirigé vers le front le 10 août 1914 ; blessé dans la Somme le 30 septembre, il décède à l’hôpital militaire de Caen le 8 octobre, à l’âge de 30 ans. « Très bon soldat, courageux, a toujours fait preuve au feu d’entrain remarquable, de beaucoup d’énergie et d’abnégation. Mort pour la France le 8 octobre 1914. Croix de guerre avec étoile de bronze ». __________________________________________________________________ 52 - collection

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Notre grand-oncle Gabriel Gourmaud a obtenu avant la guerre un brevet de pilote civil, - il joue aussi du violon et pratique la boxe. Ayant rejoint l’aéronautique militaire progressivement constituée durant le conflit, il gagne ses galons de « sous-lieutenant pilote » au sein de la 215e escadrille de chasse. Aux commandes d’un SPAD XI il est abattu en combat aérien au-dessus de la forêt de Hesse (Meuse) le 1 er août 1918, à l’âge de 27 ans (Légion d’honneur, Croix de guerre, Victoria cross, Distinguished flying cross). De ces modestes héros qui ont répondu sans hésiter à l’appel de leur pays, sans savoir qu’ils allaient écrire avec leur chair une histoire de sang et de larmes, nous ne retiendrons ici que des mots d’amour et de foi, tels qu’ils affleurent dans les lettres de l’un d’entre eux, notre grand-père maternel Moïse. Né à SaintMesmin en 1884, établi à Saint-Pierre-du-Chemin comme menuisier-ébéniste, il épouse en 1909 Florine Verdon, lingère de son état. De leur « doux mariage » naît en 1911 une petite-fille, Marie-Angèle, conçue et mise au monde dans le beau lit de chêne que l’artisan a fabriqué de ses mains pour l’offrir à son épouse. Il ne l’a pas oublié, « ce doux lit d’amour pour pouvoir te serrer, t’embrasser de cet amour si pur et si égoïste que j’ai pour toi », évoqué de nouveau peu de jours avant sa mort : « Chère épouse, je viens ce matin te dire bonjour et embrasser éperdument tes jolies lèvres roses dans ton lit de chêne. Je t'embrasse à travers l'espace et auprès de toi aussi ma fille que je suis heureux d'avoir conçue pour être ta vie des jours pénibles, pour me remplacer auprès de toi, tout vivant dans ce petit chérubin si gentil. Elle saura te caresser et te faire paraître moins dure l'absence de son petit papa qui fait son devoir de citoyen français et de catholique pour défendre notre indépendance, __________________________________________________________________ 53 - collection

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notre liberté et la sécurité de nos familles. Ceux qui sont déjà morts au champ d'honneur seront heureux là-haut dans les cieux qu'ils ont bien gagnés pour avoir le repos éternel. » C’est par des mots d’amour et de tendresse que commencent les lettres écrites presque chaque jour « à sa mignonne chérie et à son petit bébé ». Amour et foi profonde qui ne cessent de s’entremêler : « Ce soir, puisque j'aurai du temps, j'irai prier dans l'église pour que le Bon Dieu me fasse retourner auprès de l'ange aimé qu'il m'a donné. J'y ai pleine confiance, c'est ce qui me donne la force de vivre et du courage, car sans toi et le fruit de notre amour je ne pourrais vivre si loin... J'ai embrassé ce matin une petite fille comme ma Marie-Angèle, dont le papa est parti à la frontière. Mon cœur de père s'est brisé un instant en pensant plus fortement à vous autres dans cette circonstance. » « Depuis mon départ, nul moment je n'avais plus souffert et été plus heureux en même temps que le dimanche 16 août. J'étais à Vêpres à Cassines et je ne m'étais pas encore vu si loin de toi, chère amour, car la douce vision de notre mariage m'est apparue soudain, devant l'autel, faisant mon chapelet. O quel bonheur, quel heureux jour quand je t'avais à mon bras. Enfin je te vis dans toute ta blancheur d'épousée, alors ce bon souvenir me déchira la poitrine et je sanglotais d'être si loin de mes deux êtres si aimés. J'ai tant besoin de vous caresser comme autrefois, mais sois heureuse en attendant, douce chérie, car toi et ma fille n'êtes pas oubliées un instant. » « Au coin d'un bois, sous la pluie de balles, j'ai pensé à vous, chers trésors, j'ai bien pensé ne plus jamais vous revoir. Mais, après avoir fait mon Ave Maria et mon acte de contrition, j'étais prêt à tout et j’ai marché la tête haute, ne craignant rien. » __________________________________________________________________ 54 - collection

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Cimetière de Menomblet - Vendée

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Crèche napolitaine

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n° 12 LE SAVIEZ-VOUS ? LE MYSTERE DE NOËL Ils seront nombreux les prédicateurs et les chrétiens sincères qui critiqueront cette année encore avec véhémence la commercialisation des fêtes de Noël. Oubliant sans doute qu’il s’agit là d’un débat très ancien. On attribue généralement à l’empereur Constantin la « christianisation » des fêtes païennes au début du IVe siècle, et en particulier la fête de Noël, qui aurait remplacé la fête du soleil célébrée le 25 décembre. En fait, cette fête du soleil, qui correspondait au solstice d’hiver, ne fut instituée que bien tardivement par l’empereur Aurélien : celui-ci inaugura le 25 décembre de l’an 274 de notre ère le temple dédié au soleil sur le Champ de Mars à Rome, alors que les chrétiens fêtaient déjà à cette date la naissance du Christ, probablement depuis l’an 221. Le pouvoir romain aurait donc voulu « paganiser » une fête des chrétiens plutôt que l’inverse. Il anticipait déjà sur ceux qui aujourd’hui « commercialisent » cette même fête. Mais plutôt que de polémiquer, regardons seulement l’enfant-Dieu en cette belle saison ! Le saviez-vous ? Les enfants et les saints, les papes et les théologiens se sont penchés depuis les origines sur le berceau de __________________________________________________________________ 57 - collection

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Jésus pour y contempler le mystère de Noël. A l’approche de cette fête les très grands se font très petits. Marqués par le langage et la culture d’une époque, écoutons ce qu’ont dit de Noël certains d’entre eux. Diacre de l’Église de Syrie au IVe siècle, poète et musicien, saint Ephrem est l’auteur de nombreuses hymnes, toujours chantées dans la liturgie syriaque : « Adam était dans l'attente du maître des Chérubins pour qu'il vienne le revêtir des feuilles de l'arbre de Vie… Dans la nuit de grâce, qu'il n'y ait ni colère, ni tristesse ! Qu'il n'y ait ni trouble, ni effroi dans la nuit de calme ! Dans la nuit de l'humilité, qu'il n'y ait ni orgueil, ni jactance ! Dans la nuit du pardon, que personne ne dresse ses comptes ! » Saint Augustin, né à Thagaste en Afrique du Nord en 354, professeur à Carthage, baptisé à Milan, évêque d’Hippone, prêche sans se lasser - ni lasser ses auditeurs - dans sa cathédrale ou lors de ses multiples déplacements entre l’Algérie et la Tunisie actuelles. Il évoque souvent le mystère de la Nativité, avec une tendresse particulière pour Marie mère de Jésus : « L'enfant que tu allaites sera ton propre créateur. Toi, que Dieu nourrit de ses largesses, tu lui donneras tes mamelles à sucer ; tu envelopperas de langes celui qui t’a accordé le vêtement de l’immortalité ; tu placeras dans une crèche le corps enfantin de celui qui t’a préparé une table céleste.» Saint Léon le Grand est pape de 440 à 461. Il arrête Attila et ses Huns, armé d’une simple croix, et les dissuade d’attaquer Rome en 453. Premier pape inhumé dans la Basilique Vaticane, on cite souvent le début de la phrase qu’il prononça une nuit de Noël ; la voici tout entière : « Agnosce, o christiane, dignitatem tuam, et divinae consors factus naturae, noli in veterem vilitatem degeneri conversatione __________________________________________________________________ 58 - collection

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redire. » « Chrétien, reconnais donc ta dignité : participant de la nature divine, garde-toi de te dégrader par une conduite indigne de ta grandeur. » Réformateur de l’Ordre bénédictin au Moyen-Age, homme de Dieu très humble et conseiller des grands d’Europe, prédicateur de la deuxième croisade en 1146, saint Bernard de Clairvaux commence ainsi l’un de ses sermons de Noël : « C'est un grand jour, mes frères, que le jour de la naissance de Notre-Seigneur, mais il est plus court que les autres et me force de vous parler moins longuement. Ne vous étonnez pas que j'abrège mes paroles quand Dieu le Père a lui-même diminué son Verbe. » Emporté par l’enthousiasme de la fête, le saint moine ne tiendra toutefois pas sa promesse : passé au crible infaillible de l’ordinateur, son « court » sermon ne compte pas moins de 2783 mots, quand une homélie de taille raisonnable en compte habituellement un petit millier ! Évêque au temps de la Renaissance et de la Réforme protestante, saint François de Sales fut prédicateur, humaniste et conseiller spirituel. Il est le patron des journalistes, des hommes de lettres et des directeurs de conscience, auteur de cette belle devise : « Rien par la force, tout par amour ». Il prêche ainsi aux religieuses de la Visitation d’Annecy la veille de la Nativité : « Considérez, je vous prie, ce petit nouveau né dans la crèche de Bethléem, écoutez ce qu'il vous dit, regardez l'exemple qu'il vous donne… Ce mystère est si haut et si profond que nous n'y entendons rien ; tout ce que nous en savons et connaissons est extrêmement beau, mais nous croyons que ce que nous ne comprenons pas l'est encore davantage. » Contemporain du précédent, le cardinal de Richelieu, dont nous célébrons en ce mois de décembre 2008 le quatre-centième __________________________________________________________________ 59 - collection

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anniversaire de l’arrivée à Luçon, prononce son premier sermon de Noël à la cathédrale quelques jours après sa prise de possession. C’est sur la paix qu’il centre son message avec une grande insistance, due sans doute aux circonstances du temps où les divisons politiques et religieuses minent le royaume de France : « La paix est aux maisons quand ceux qui demeurent ensemble vivent sans envie, sans querelle, sans inimitié les uns contre les autres. Il n’y a rien au monde qui ne soit si désirable que la paix. Seigneur, lorsque vous avez daigné venir au monde, vous avez mis la paix partout. Rendez nous si heureux, qu’arrivant en ce lieu, je la trouve partout. Je vous demande la paix. » Le grand orateur que fut Jacques-Bénigne Bossuet, né à Dijon en 1627, nous a laissé des allocutions de haute tenue littéraire. Précepteur du dauphin, éducateur, il est aussi prédicateur, théologien et évêque. Celui que l’on a surnommé « l’Aigle de Meaux » prêche le jour de Noël 1655 devant le roi Louis XIV et la cour à Versailles. Il ne craint pas d’opposer la pauvreté du fils de Dieu dans la crèche à la vaine gloire de ceux qui l’écoutent ! « Voulez-vous que je vous dise ce que je trouve de grand, d'admirable, ce qui me paraît digne véritablement d'un Dieu conversant avec les hommes? C'est qu'il semble n'être paru sur la terre que pour fouler aux pieds toute cette vaine pompe et braver pour ainsi dire par la pauvreté de sa crèche notre faste ridicule et nos vanités extravagantes .» Le pape Benoît XVI s’exprimait ainsi l’an passé lors de la messe de minuit à Saint-Pierre de Rome : « Le ciel n’appartient pas à la géographie de l’espace, mais à la géographie du cœur. Et le cœur de Dieu, dans cette Nuit très sainte, s’est penché jusque dans l’étable : l’humilité de Dieu est le ciel. » __________________________________________________________________ 60 - collection

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