L'Auteur: Tifour Thameur Le problème de l'intégration Quitter un pays, c’est rentrer dans la zone de couverture d’autrui ; c’est s’adapter avec un autre système de valeurs propre au pays d’accueil. Depuis toujours, l’Europe était le lieu de destination des immigrés d’origine arabo-musulmane. La difficulté de s’intégrer dans un milieu culturellement différent(une autre vision du monde) relève non seulement de l’écart culturel qui existe entre les groupes ethniques mais aussi du rapport historique qui établit des relations entre les peuples(colonisateur/colonisé). De ce fait, Quels sont les origines et les faits saillants qui provoquent la non intégration ?est ce le rapport entre colonisateur et colonisé, entre administrateur et administré ?ou bien la langue de l’un et de l’autre qui crée un cloisonnement entre les peuples, un voile épais difficile à dissiper ? Pour se faire une idée approximative de ce qui est le problème d’intégration, nous citerons la définition de Durkheim, « l’intégration correspond à une forme de "lien social", lien qui permet la cohésion et l’intégration de la société moderne, caractérisée de plus en plus par une différenciation des fonctions, c’est-à-dire par une "solidarité organique " »(1).En effet ,la difficulté d’être inséré dans un milieu socialement différent peut avoir des racines profondes dans le rapport historique qui relie les pays entre eux. Les temps changent et l’adéquation avec l’esprit d’un moment a toujours du mal à s’objectiver et à réconcilier entre les cultures et à soigner les profondes blessures existantes entre les rapports de force que subis chaque pays lors de la colonisation, un rapport du sang, une guerre des cultures à travers les langues qui véhiculent un ensemble complexe de valeurs et d’appartenance. La politique linguistique du système colonial qui a justifié son existence par toute une mystique de la civilisation, elle se fonde implicitement sur une doctrine qui oppose la supériorité des colonisateurs à l’infériorité des natifs. Ainsi, une politique d’usurpation de la terre et de la paupérisation des autochtones n’a pas eu son sens ; une autre stratégie d’acculturation mise en valeur comme une politique linguistique d’assimilation, visait la dépossession du peuple arabo-musulman de sa langue maternelle, un affrontement entre les hommes a entraîné un choc entre les cultures, entre les peuples, des effets négatifs sur les esprits et les représentations des immigrés, vus comme minorité prisonnière dans son pays. C’est la nature de dominance qui a fait de l’Algérie un lieu de conflit culturel car lorsque deux groupes ethniques (les algériens/les français) avec une histoire culturelle et linguistique en conflit établissent des contacts, un des groupes tente de dominer l’autre. Cette stratégie d’assimilation (colonisation des esprits) constitue le facteur principal des relations interethniques. Le degré d’intégration dépend d’un certain nombre de variables, la plus importante est le rapport de force entre les indigènes immigrés en France et la politique du colonisateur qui entraîne le plus souvent pour l’immigré l’abandon de sa référence culturelle et l’adoption des valeurs culturelles du groupe dominant (le colonisateur). Il est indispensable de mentionner que les représentations et les prédispositions de ces individus envers le groupecible, sont assujetties par la peur d’assimilation, c’est-à-dire la peur que d’être intégré dans le milieu français constitue une trahison des valeurs sociales propres à la culture arabomusulmane qui entraînerait une perte de la culture et de la langue première, partant de l’idée qui considère la langue comme une propriété culturelle avant d’être un simple moyen de communication, Olivier Soutet disait : « Le rapport de l’individu parlant au langage est tout d’abord un rapport d’unicité. je parle ma langue , c’est-à-dire celle de ma mère ,en elle je suis situé et identifié, je vis, j’aime et je souffre » (2).
Sans nier l’importance de la population étrangère dans l’ensemble de la population française comme acteurs dans la société, on ne peut pas passer sous silence les difficultés des étrangers face au système administratif français. Les études faites par l’unesco en 1993 (3) sur le sujet de « l’immigration » notent que les immigrés d’origine arabo-musulmane sont plus marginalisés que les nationaux dans tous les secteurs notamment dans les mesures du contrôle adoptées par le gouvernement français concernant, par exemple, les titres de séjour et de régulation de nationalité. Ainsi, aucune structure administrative n’a pris en charge le problème « d’insertion » avant 1966, année où le gouvernement crée la direction de la population et des migrations au niveau du ministère des affaires sociales. Force est de constater que l’immigration et ses problèmes ont été mal perçus, et en conséquence mal abordés pendant la longue période de transition (1945-1985). Le problème de l’intégration est devenu après le 11 septembre le point de conflit , entre un système laïque et des représentations négatives que les français ont vis-à-vis des musulmans, et un défit actuel de la France. Accusés à la fois d’avoir un travail et d’être chômeurs. Les immigrés d’origine arabo-musulmane, vus comme terroristes, vivent dans un contexte dur, de volonté d’intégration et de rejet mêlés avec les discours politiques « racistes » face à une réalité migratoire considérable; on peut citer la déclaration de LEPIN « j’aime les algériens mais chez eux ». En ce qui concerne les jeunes, les statistiques réalisées par le centre national de l’éducation française en 2001 (4) constatent que les immigrés sortaient du système scolaire, âgés de 16 à 25 ans sont sans travail et sans qualification ; on est effrayé devant l’exclusion de cette jeune population. Après l’interdiction de « Elhijab » en France, la laïcité est devenue un prétexte idéologique qui ne correspond pas au sens strict du mot qui se traduit par la tolérance et la liberté religieuse ; un Islam français, imposé par le système politique, associé à une stratégie d’inclusion des valeurs culturelles dans une administration voilée par des contraintes contradictoires. Ce décret qui a fait couler beaucoup d’encre, s’est traduit par l’abandon de la majorité des filles musulmanes (70% des filles ont été exclues). Pour conclure, devenir autre est une utopie et on ne peut plus faire abstraction de la nécessité d’un changement de vision du monde ; une telle représentation peut être le point de réconciliation ou de conflit entre les cultures. Seul le pouvoir de la langue permet le métissage culturel et le respect des valeurs d’autrui. La langue est avant tout un moyen de connaissance de l’autre et non un obstacle de recommandation des droits de chacun. « à frotter et à limer sa cervelle contre celle d’autrui et les aspérités s’amenuisent ».(5) BIBLIOGRAPHIE 1- Schor R, « L’opinion française et les étrangers de 1919 à 1939 », Publications de la Sorbonne, 1996, p.17. 2- Olivier Soutet, « linguistique », édition PUF, 2005, p.28. 3,4-Revue européenne, des migrations internationales, vol3, n° 6.