Le Ciblage D'inflation Dans Un Contexte De Crise

  • April 2020
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Cet article a fait l’objet d’une publication au Journal « LE SOIR ECHOS », n° 254 du vendredi 13 février 2009

Le ciblage d’inflation dans un contexte de crise (*) Dr. Kamal El-Oualy Economiste chercheur [email protected]

La théorie de la politique monétaire a subi, durant ces quinze dernières années, une refonte de ces concepts anciens et l’apparition de nouveaux soubassements dictés par l’émergence d’un nouveau consensus en matière de politique monétaire centré sur le régime du ciblage direct de l’inflation. Ce régime, fondé essentiellement sur la prévision de l'inflation, agit comme un processus dans lequel l'instrument de la politique monétaire est ajusté pour garder l'inflation anticipée à son niveau cible. Les cibles de maîtrise de l’inflation offrent ainsi un cadre de décision qui vise à accroître la transparence et la crédibilité de la politique monétaire tout en favorisant des prises de décisions économiques et financières plus judicieuses. Ceci étant, en faisant de l'inflation un objectif en soi, ce nouveau cadre de politique monétaire constitue une ancre alternative aux autres formes d'ancrage nominal, telles que le ciblage du taux de change et le ciblage d’un agrégat monétaire, qui se sont révélées de plus en plus difficile à mettre en œuvre. Par ailleurs, la mise en application du régime de ciblage d’inflation ne peut être envisagée sans le respect de certains prérequis institutionnels et techniques. L’expérience de plusieurs pays nous enseigne également qu’un certain nombre de défis méritent d’être relevés avant d’opter définitivement pour un tél régime. Sur le plan pratique, ce renouveau en

matière de conduite de la politique monétaire semble constituer une tendance mondiale au cours de la dernière décennie notamment avec l’adhésion d’un nombre important de pays émergents au peloton des pays développés ayant opté pour un régime de ciblage d’inflation depuis le début des années 1990. Toutefois, cette référence quasiunanime à un même schéma pour la conduite de la politique monétaire plaide pour des recherches éclairant la portée pratique du régime de ciblage d’inflation dans un contexte économique mondial turbulent. Quelles enseignements doit-on tirer de son application du moins jusqu’à l’éclatement la crise financière en 2008 et ces retombées économiques qui s’annoncent négatives en 2009 ? En effet, d’aucuns prétendent qu’au départ, le ciblage d’inflation a été mis en œuvre dans une période marquée par une baisse d’inflation et que cette stratégie devrait encore être mise à l’épreuve des faits dans un contexte plus turbulent. Il importe de souligner qu’au cours de la période 2007-2008, ce nouveau consensus monétaire axé sur l’ancrage par l’inflation a failli en deux phases successives : - La première phase, a trait à la résurgence de l’inflation au niveau mondial, notamment avec la flambée des prix des matières premières et des produits alimentaires. Après plus d’une décennie

d'absence, les craintes inflationnistes ont fait leur grand retour avec la hausse des prix du pétrole et des denrées alimentaires laissaient entrevoir de nouvelles pressions sur la chaîne des prix. La faible inflation observée jusqu’à 2007 était principalement due à la faiblesse des cours du pétrole et des prix des matières premières au sens large ainsi qu'à la désinflation importée liée aux faibles coûts de la main-d'œuvre des pays émergents. Or, dès que les prix du pétrole et ceux des autres matières premières flambent, le cercle vertueux de la faible inflation des années 90 laissera place à une résurgence de l'inflation qui risquerait de déstabiliser la croissance notamment avec la propagation de la flambée des prix de l'alimentaire et de l'énergie sur les autres postes de consommation. En effet, la flambée des cours du pétrole remonte effectivement au début des années 2000 et s'est intensifiée de 2003 à 2007 notamment au cours du premier semestre 2008. Cette montée des prix du pétrole est la conséquence d’une augmentation soutenue de la demande depuis 2000, conséquence d’une forte croissance économique, notamment des nations industrialisées d’Asie. Elle est également exacerbée par la dépréciation de la valeur du dollar par rapport à l’euro. Avec la résurgence de l’inflation au niveau mondial, le ciblage de l’inflation se trouve dénué de toute pertinence. Les pays ciblant l’inflation qui devraient faire face à des taux d’inflation plus élevés notamment à cause de l’envolé des prix du pétrole et des denrées alimentaires n’ont pas agis au moment opportun, faute d’instruments efficaces susceptibles de contrecarrer les effets incertains de chocs exogènes. En outre, du fait qu’il s’agissait en grande partie d’une inflation importée, juguler celle-ci via un ajustement des taux d’intérêt n’aurait qu’un impact fictif sur le redressement de la tendance inflationniste au niveau intérieur. Le comportement adopté par la plupart des banques centrales était de temporiser face à la montée de l’inflation sans penser que ceci pourrait être coûteux en crédibilité. Or, un

tel comportement face à une volatilité persistante de l'inflation pourrait remettre en cause le principe d'indépendance de la banque centrale en validant l'argument d’A. Posen (1993) et de B. McCallum(1996). Ces économistes se sont interrogés sur la nécessité de l’indépendance de la banque centrale qui n'est pas une condition suffisante ou nécessaire pour la stabilité des prix. - La deuxième phase, s’explique par le fait que le risque inflationniste, longtemps évoqué par plusieurs banques centrales pour ajuster le taux d’intérêt à la hausse, passe au second plan notamment avec le ralentissement économique, dû à l’éclatement de la crise financière en 2008, et face à une conjoncture marquée par la baisse des prix de l'énergie. Le prix du baril du pétrole oscille autour de 40 dollars US, en janvier 2009, après avoir atteint un pic de 147 dollars en 11 juillet 2008. En effet, les risques à la hausse pesant sur l’inflation se sont atténués. En contrepartie, l'intensification de la crise financière a accru les risques pesant sur la croissance, ce qui justifie la décision des principales banques centrales d’assouplir davantage leurs taux directeurs. Désormais, l'objectif prioritaire des banques centrales, dans le sillage d’une crise financière profonde, est de relancer la croissance d’autant plus que le maintien d’un ancrage solide des anticipations d’inflation. Ceci paraît très crucial en période d’incertitude économique et financière. Une banque centrale tournée vers l'avenir doit faire de son mieux pour anticiper l'évolution éventuelle de l'économie. En effet, face à la réalité d'un système financier qui s'effondre dont les retombées économiques sont désastreuses, les banques centrales ont eu recours à des actions concrètes, via un appui financier de l’Etat, en contournant toutes formes d’orthodoxie budgétaire et monétaire pour répondre à la crise. Cet état de fait ne confirme pas l’avis de nombreux économistes, du moins à court terme, qui considèrent qu'une politique fondée sur des

cibles d'inflation est une politique de stabilisation de la production. De ce qui précède, il importe de souligner que la mission de stabilité des prix tellement prônée par les banques centrales ne devrait pas primer sur celle de la stabilité financière. Ces deux missions devraient plus interférer pour une stabilité globale de l’économie. D’ailleurs, faut-il le souligner, la stabilité du système financier est-elle conçue comme étant un des principaux prérequis à la mise en application du ciblage d’inflation ? Dans cette optique, il est difficile de connaître avec certitude les avantages que l'on peut attendre de l'introduction d'une stratégie de ciblage d'inflation dans un contexte marqué par des incertitudes et des chocs récurrents d’offre et de demande imprévus et qui pourraient conduire à une récession économique et à une érosion de la crédibilité de la politique monétaire. Globalement, la mise en application du régime de ciblage de l’inflation aussi bien dans les pays développés qu’émergents montre que son application n’est pas sans difficulté. Il s’agit de distinguer deux déterminants majeurs de l’inflation. En premier lieu la volatilité des taux de change et celle des cours des matières premières sur le marché mondial qui génèrent de l’inflation importée, et en second lieu, le phénomène des incertitudes qui augmente les risques auprès des marchés financiers et freine par conséquent l’investissement et donc la croissance.

(*) Cet article fait partie d'une série de travaux effectués par l'auteur relevant de la macroéconomie financière, de l'économie monétaire et du ciblage de l'inflation. Voir aussi : -

« Efficacité de la politique monétaire entre rhétorique et réalité » LE SOIR ECHOS" n° 269, 6 mars 2009 « La Fin des Trente Glorieuses du Marché » "LE SOIR ECHOS" n° 273, 13 mars 2009

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