Khalid Chraibi Charia Et Polygamie Sur Scribd

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La charia et la polygamie

Khalid Chraibi

La charia et la polygamie (1/4) vendredi 25 septembre 2009 - par

A

Khalid Chraibi

Rachida Benchemsi

« Une vie conjugale heureuse dépend de la sincérité, de la tolérance, du sacrifice et de l’harmonie dans le couple. Toutes ces qualités sont menacées lorsqu’il y a polygamie. » Mortada Motahari (1) Dans les sociétés islamiques, les hommes sont autorisés à épouser jusqu’à 4 femmes à la fois, à la condition de pouvoir les traiter avec équité et d’avoir des ressources suffisantes pour pouvoir subvenir aux besoins de plusieurs ménages. Mais, dans la pratique, ces conditions sont rarement respectées. Compte tenu de ce dérapage dans l’application des conditions instituées dans le Coran pour la pratique de la polygamie, et des effets néfastes de cette pratique sur la vie quotidienne des femmes et des enfants vivant dans un foyer polygame, tant sur le plan matériel que moral, les ONG féminines réclament, depuis plusieurs décennies, soit son interdiction pure et simple, soit, si cela n’est pas possible, du moins l’institution de contrôles sévères pour réduire ses effets pernicieux sur les familles et sur la société. Du fait que le statut de la polygamie est défini dans des versets coraniques, les oulémas sont concernés au premier plan par cette question. Dans leur majorité, ils sont partisans du maintien du laisser-faire qui a prévalu jusqu’ici dans ce domaine. Ils estiment que chaque homme est responsable de ses actes devant Dieu, comme l’enseignent les juristes musulmans depuis les temps de la Révélation. Mais, au 19è s., le mufti d’Egypte Muhammad Abduh a ouvert la voie à de nouveaux axes de réflexion sur cette question, en affirmant qu’en droit musulman, non seulement le mari, mais sa femme également, a des droits institués par la charia. D’après lui, ces derniers doivent être respectés au même titre que ceux du mari.

Analysant le dossier de la polygamie dans cette nouvelle optique, il débouche sur la conclusion qu’il est licite, en droit musulman, d’interdire la polygamie, compte tenu de tous ses effets pernicieux sur les familles et sur la société, qui dépassent très largement tous les « bienfaits » que les hommes peuvent en retirer, sur un plan purement sexuel. La polygamie en perspective La polygamie (ou plus exactement la polygynie, c’est-à-dire le mariage d’un homme avec plusieurs femmes) a communément existé dans les sociétés humaines depuis les temps les plus anciens. Les différentes religions l’ont explicitement acceptée ou tacitement tolérée pendant des siècles, avant de l’interdire parfois, comme ce fut le cas du Judaïsme et du Christianisme.(2) (3) En Arabie, au début du 7è siècle, les Arabes pratiquaient une polygamie débridée, certains hommes prenant jusqu’à 10 épouses et plus, à la fois, en fonction de leurs moyens. L’Islam réforma cet état des choses, plafonnant à quatre le nombre de femmes qu’un homme pouvait épouser en même temps, et uniquement s’il remplissait certaines conditions. Mais, il appartenait à chaque individu de déterminer par lui-même s’il les satisfaisait. Depuis le milieu du 20è siècle, sous la pression conjointe des mouvements féministes, des mouvements nationalistes et des intellectuels, certains Etats ont institué des procédures de contrôle du régime de la polygamie, qui diffèrent d’ailleurs d’un pays à l’autre. Ces procédures ont été, dans l’ensemble, peu efficaces, parce qu’elles se basent sur des critères d’ordre qualitatif, qui laissent une grande marge de manœuvre à l’appréciation des magistrats et des notaires chargés de leur application. Cependant, aujourd’hui, dans la majorité des sociétés islamiques, la polygamie est sur le déclin, du fait de nombreux facteurs, dont les conditions socio-économiques plus difficiles et le niveau d’éducation plus élevé. Elle concerne, le plus souvent, moins du dixième des foyers, et est plus répandue en milieu rural qu’urbain. Son taux est particulièrement élevé dans les familles aux revenus modestes, et au faible niveau d’éducation, alors qu’elle diminue de manière considérable, au fur et à mesure que le niveau de revenu et d’éducation du chef du foyer augmente. ( 4) Depuis quelques années, elle retrouve une nouvelle vigueur dans certains pays, du fait de sa promotion par les groupes fondamentalistes. La polygamie en question La polygamie se justifie-t-elle dans le monde musulman, en ce début du 21è siècle ? Les associations de défense des droits des femmes répondent par la négative. Elles soulignent ses effets néfastes sur la femme, les enfants et la vie quotidienne au foyer, lorsque le mari prend une nouvelle épouse. De plus, la polygamie réduit de manière considérable les ressources du foyer, quand le même revenu du mari doit être redistribué de manière équitable entre plusieurs épouses et leurs enfants. La communauté elle-même se trouve concernée, parce que des femmes et des enfants en grands nombres se retrouvent abandonnés sans ressources et sans abri, par un mari et un père parti vivre avec sa nouvelle femme. Afin de réduire les méfaits importants et amplement documentés de la polygamie, les associations féminines du monde musulman réclament une application plus stricte des prescriptions coraniques en la matière, (5) voire même l’interdiction de la polygamie, comme le fit la Tunisie en 1956. (6) Mais, les Etats musulmans, ultimes décideurs en la matière, ont des points de vue très divergents sur ce qu’il est approprié de faire en ce domaine. D’une part, les versets coraniques relatifs à la polygamie (et en particulier les conditions qu’ils imposent) sont interprétés différemment, d’un Etat à l’autre. D’autre

part, pendant treize siècles, un état de laisser-faire a prévalu sur cette question, que les responsables politiques et religieux sont réticents à bousculer trop vigoureusement. Le seul point sur lequel les Etats, les théologiens et les juristes musulmans font une quasi-unanimité, c’est la question de l’interdiction de la polygamie réclamée par certaines associations féminines. Une telle interdiction serait illicite, de leur point de vue, parce qu’elle équivaudrait à rendre illicite ce que Dieu a déclaré licite, puisque c’est le Coran lui-même qui a explicitement défini le statut juridique de la polygamie.

Le statut juridique de la polygamie Les versets 3 et 129 de la sourate « an-Nissa » (n° 4) du Coran énoncent les règles de base concernant la pratique de la polygamie dans la société musulmane : « 3. Si vous craignez de n’être pas équitables en matière d’orphelins... alors épousez ce qui vous plaira d’entre les femmes, par deux, ou trois, ou quatre. Mais si vous craignez de n’être pas justes, alors seulement une, ou contentez-vous de votre droite propriété, plus sûr moyen d’échapper à la partialité. » « 129. Vous ne pourrez être justes envers vos épouses, même si vous y veillez. Du moins, n’allez pas jusqu’au bout de votre penchant, jusqu’à laisser la (défavorisée) comme en l’air. » (7) Pour bien saisir le sens de ces versets, et l’importance des règles qu’ils instituent, il faut les replacer dans le contexte de l’époque de leur Révélation. En Arabie, avant l’Islam, les tribus étaient souvent en conflit, et subissaient de lourdes pertes en hommes. Il en résultait, au niveau de la communauté, un excédent de femmes en état de se marier, par rapport aux hommes. En fonction de leur libido, de leur état de santé et de leurs moyens financiers, les hommes avaient pour habitude d’épouser autant de femmes qu’ils le voulaient, ce qui aidait à résorber une partie de cet excédent. La polygamie, qui était pratiquée sans aucune restriction, à l’époque, répondait ainsi à un besoin social, même si ses adeptes ne pensaient qu’à satisfaire leurs désirs sexuels personnels. Cependant, les épouses ne jouissaient d’aucun droit et servaient, avant toute chose, à satisfaire les désirs de leur mari. (8) Par ailleurs, à l’époque de Révélation de ces versets, il y avait à Médine de nombreuses filles orphelines disposant de richesses personnelles, vivant sous la tutelle d’hommes qui envisageaient de les épouser pour mettre la main sur leurs biens. Mais, ces hommes se demandaient, malgré tout, en toute sincérité, si cela était compatible avec les enseignements de la foi à laquelle ils s’étaient convertis. Le verset 3 s’inscrit dans le contexte de cette situation. Il décourage les hommes de tels agissements, leur recommandant de chercher d’autres femmes à épouser, en dehors de celles sous leur tutelle. Mais, il réforme à cette occasion le statut de la polygamie. Il plafonne à quatre le nombre maximum d’épouses par homme, et établit des conditions et des exigences que l’homme doit satisfaire, « de telle sorte que se marier avec plus d’une femme n’est pas donné à n’importe qui, n’importe comment. » (9) La condition d’équité envers toutes les épouses D’après les juristes, le verset 3 impose à l’homme la nécessité de réserver un traitement juste et égal à toutes ses épouses, dans tous les domaines, sur le plan matériel, en respectant scrupuleusement les droits de chacune, sans témoigner de préférence à aucune d’elles par rapport aux autres. S’il craint de ne pas pouvoir faire

cela, il doit se limiter à une seule épouse. De telles règles constituaient une innovation fondamentale en Arabie. Le verset 3 impose également au mari d’avoir des ressources financières adéquates pour subvenir aux besoins de plusieurs foyers, avant qu’il n’ait le droit de prendre plus d’une femme. Les capacités physiques et sexuelles du mari sont également des facteurs dont il doit être tenu compte. L’islam n’encourageait donc pas la polygamie. Bien au contraire, il la restreignait, puisqu’il limitait, désormais, à quatre le nombre de femmes qu’un homme pouvait prendre simultanément, et établissait la contrainte de l’équité à respecter. Le verset 129 avertissait, pour sa part, les hommes qu’ils ne pourraient pas faire preuve d’équité (dans les sentiments qu’ils ressentiraient, en leur for intérieur), envers plusieurs épouses. (10) Mais il n’interdisait pas la pratique. Il appartenait à chaque homme de prendre ses responsabilités en la matière, de décider en son âme et conscience s’il serait capable de faire preuve d’équité, sur le plan matériel, et s’il serait capable de subvenir aux besoins de toutes ses femmes dans les conditions fixées par le Coran. Justification de la polygamie dans des circonstances exceptionnelles De nombreux auteurs estiment que la polygamie se justifiait, au temps de la Révélation, du fait des circonstances très particulières de l’époque. (11) On cite souvent, à ce propos, l’exemple du Prophète, qui s’est marié à plusieurs femmes, pendant les dix dernières années de sa vie, du temps de son séjour à Médine. « C’était une période de guerres, et il y avait un très grand nombre de femmes qui n’avaient personne pour s’enquérir de leur sort. La plupart des femmes du Prophète étaient veuves ou âgées. Beaucoup d’entre elles avaient des enfants de leurs ex-maris. » (12) D’après ces auteurs, la polygamie peut continuer de se justifier, dans les temps modernes, dans des circonstances exceptionnelles. Par exemple, à la suite d’une guerre meurtrière qui a décimé les hommes au front, le nombre de femmes en âge de se marier peut largement dépasser celui des hommes. (13) De même, si l’épouse est stérile, ou si elle est atteinte d’une maladie qui l’empêche d’avoir des rapports sexuels avec son mari, la majorité des auteurs pensent que le mari devrait pouvoir prendre une deuxième femme. (14) Mais, tous les juristes soulignent que la pratique de la polygamie n’est légitime, en Islam, que lorsqu’elle est assortie des conditions et des limites prescrites dans le Coran ; et uniquement lorsque ces conditions sont scrupuleusement et rigoureusement respectées. Or, observe le philosophe Mortada Motahari à ce propos : « Pour être équitable, il faut dire que le nombre de ceux qui respectent la lettre et l’esprit de toutes les conditions prescrites par l’Islam concernant la polygamie, est insignifiant. » (15) Notes

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(1) Mortada Motahari, « L’Islam et les droits de la femme », Ed. Al Bouraq, 2000, p. (2) Gamal A. Badawi, « Polygamy in Islamic law »

(3) Eric Chaumont, article “Polygamie”, Dictionnaire du Coran, Robert Laffont, Bouquins, Paris, 2007 (4) Mohamed Chafi, “La polygamie”, Marrakech, 2000 (5) Sisters in Islam, Malaysia, Reform of the Islamic family laws on Polygamy, 11 December 1996, a memorandum to the Malaysian authorities (6) Collectif 95 Maghreb-Egalité : “Cent mesures et dispositions pour une codification égalitaire des Codes de Statut Personnel”, 1995 (7) Le Coran, Traduction par Jacques Berque, Edition de poche, Albin Michel, Paris, 2002, p. 95 et p. 113

(8) Muhammad Abduh, « fatwa fi ta’addud al-zawjate » (fatwa sur la polygamie) dans “al-A’mal al kamila” (Oeuvres complètes éditées par Muhammad Amara) tome 2, 1ère éd. Beyrouth, (1972), p. 91 (9) Mortada Motahari, ibid, p. 260 (10) Muhammad Abduh, « fatwa fi ta’addud al-zawjate », ibid, p. 93 (11) Riffat Hassan, “al-Islam wa huquq al mar’a” (L’Islam et les droits de la femme), Casablanca, 2000, pp. 88-92 (12) Mortada Motahari, ibid, p. 319 (13) Mortada Motahari, ibid, p. 324 (14) Muhammad Abduh, « ta’addud al-zawjate » (La polygamie) dans “al-A’mal al kamila” (Oeuvres complètes éditées par Muhammad Amara) tome 2, p. 87, 1ère éd. Beyrouth, (1972) et « fatwa fi ta’addud al-zawjate », ibid, p. 95 (15) Mortada Motahari, ibid, p. 322 Partager sur Facebook Partager sur Twitter

Mots clés Féminisme et Islam Femmes Interprétation du Coran Penseurs de l’islam Société

Khalid Chraibi Economiste (U. de Paris, France, et U. de Pittsburgh, USA), a occupé des fonctions de consultant économique à Washington D.C., puis de responsable à la Banque Mondiale, avant de se spécialiser dans le montage de nouveaux projets dans son pays.

Est-il licite d’interdire la polygamie ? Khalid Chraibi La charia et la polygamie : (2/4) Les versets coraniques relatifs à la pratique de la polygamie, et les modalités de leur application en particulier, ont fait l’objet d’un débat animé dans les pays musulmans, depuis la fin du 19è siècle. Le cheikh d’al-Azhar Mahmoud Shaltout et le mufti d’Egypte Muhammad Abduh se sont illustrés dans ce débat, en publiant à un demi-siècle d’intervalle des opinions juridiques de sens opposé, qui sont devenues les textes de référence incontournables des principaux protagonistes dans ce domaine.

Le cheikh d’al-Azhar et la polygamie Le Cheikh d’al-Azhar Mahmoud Shaltout (1893-1963) un juriste égyptien éminent, de tendance moderniste (16) à l’exemple de Muhammad Abduh, a consacré un chapitre entier de son livre intitulé « al-Islam, ’aqeda wa shari’ah (L’Islam, dogme et charia), publié dans les années 1950, à la défense, sur un ton parfois passionné, de l’institution de la polygamie, en se basant sur l’exégèse des versets coraniques concernés. (17) D’après Shaltout, la polygamie s’est justifiée, à travers l’histoire, du fait d’une plus longue durée de vie des femmes ; des guerres qui réduisaient de manière massive le nombre d’hommes en âge de se marier dans un pays ; de l’exercice par les hommes de métiers dangereux qui s’accompagnent d’accidents mortels ; d’un besoin sexuel ressenti chez les hommes à un âge plus avancé que chez les femmes... Le verset coranique 3 de la sourate an-Nissa (n° 4) signifie que l’homme est autorisé à épouser jusqu’à 4 femmes à la fois, mais il doit être capable de les traiter avec équité et de subvenir de manière adéquate à leurs besoins matériels. S’il s’en sent capable, il est habilité à pratiquer la polygamie. Dans le cas contraire, il doit se limiter à une seule épouse. Chaque homme prend sa décision en son âme et conscience, sachant qu’il est responsable de ses choix devant Dieu et qu’il aura à rendre compte de ses actions, le Jour du Jugement. Aucune autorité étatique ne doit intervenir dans ce processus de décision, parce qu’elle n’a aucun moyen de savoir si un homme sera capable ou non de faire preuve d’équité dans ses relations avec ses nombreuses épouses. Elle n’a donc pas à lui donner l’autorisation de prendre une nouvelle femme, ou à la lui refuser. (18) C’est une affaire entre cet homme, sa conscience et Dieu. L’équité au niveau des sentiments

S’adressant au verset coranique 129 de la sourate an-Nissa (n° 4), qui affirme que les hommes ne seront pas capables de traiter leurs épouses avec équité, Shaltout observe que certains auteurs l’ont interprété comme remettant en cause la pratique de la polygamie. Mais, explique-t-il, c’est mal comprendre le sens et le contexte de la Révélation de ce verset. En réalité, les Croyants se demandaient si l’équité dont ils devaient témoigner envers leurs épouses, et qui était exigée par le verset 3, s’étendait au domaine des sentiments. Ils ne savaient pas s’ils seraient capables de ressentir le même amour, au même degré d’intensité, pour chacune de leurs épouses. Cela signifiait-il qu’ils devaient se limiter à une seule ? Le verset 129 vint clarifier la situation. Il explique aux hommes qu’ils ne pourront jamais faire preuve d’équité envers leurs épouses (au niveau des sentiments qu’ils ressentent en leur for intérieur). Mais, ils ne doivent pas manifester, dans leur comportement, une préférence marquée pour certaines d’entre elles, au détriment des autres. (19) D’après la quasi-unanimité des juristes, l’équité dont les hommes doivent faire preuve, d’après l’énoncé du verset 3, concerne essentiellement les questions d’ordre matériel, moral et social (logement, nourriture, vêtements, compagnie sur le plan social, préoccupation des soucis de chaque femme, témoignages d’affection en privé et de respect en public, respect de l’alternance dans les rapports sexuels avec toutes les épouses, etc.). (20) Shaltout note qu’après la Révélation de ce verset, du vivant du Prophète, les hommes ont continué d’épouser quatre femmes, ce qui prouve le bien fondé de cette explication. Il ajoute que la polygamie ne doit pas être restreinte aux situations où la femme est stérile, ou qu’elle est atteinte d’une maladie qui l’empêche d’avoir des rapports sexuels avec son mari.(21) Le Prophète, quand il recommandait aux hommes qui se convertissaient à l’Islam de ne conserver que quatre épouses, ne leur posait pas de telles conditions. Pour Shaltout, les règles qui président à la pratique de la polygamie depuis les temps de la Révélation, et qui ont fait l’unanimité des juristes, doivent continuer à s’appliquer dans la société contemporaine, parce qu’elles sont parfaitement conformes aux prescriptions coraniques.

Muhammad Abduh et la polygamie Muhammad Abduh (1849-1905), l’un des maîtres à penser du mouvement réformiste En-Nahda (Renaissance), se situe à l’opposé de Shaltout sur cette question. Bien qu’il fasse la même lecture que Shaltout des versets 3 et 129 de la sourate an-Nissa (n° 4), comme il ressort de la comparaison des points sur lesquels ils sont en parfait accord, (22) Abduh a une vision différente de l’effet de la polygamie sur les foyers et sur la communauté. Observant la pratique de la polygamie au sein de la société égyptienne, au cours de la deuxième moitié du 19è s., il est révolté par ce qu’il voit : les hommes ne respectent pas les prescriptions coraniques qui doivent conditionner leur comportement en famille, et se conduisent de manière irresponsable, tout à la poursuite des plaisirs charnels, comme s’ils n’avaient que des droits et pas de devoirs envers leurs épouses et leurs enfants ; les femmes ne cessent de se disputer entre elles, et de comploter les unes contre les autres ; les enfants de différentes mères se détestent, se battent constamment et empêchent l’établissement de toute quiétude au sein du foyer. Abduh pense que les effets pervers de la polygamie rongent pernicieusement le tissu familial et social. (23) Les droits du mari...et ceux des épouses

D’après Abduh, cette pratique s’est bien éloignée de la lettre et de l’esprit des versets du Coran, pour devenir la première cause des conflits conjugaux et la source d’innombrables malheurs dans la communauté. Pendant un quart de siècle, il essaie de sensibiliser la communauté à ce problème à travers des articles, des livres et des « fatawas » (opinions juridiques). (24) Analysant le verset 3 de la sourate « an-Nissa » (n° 4), Abduh estime qu’au moment de prendre une nouvelle épouse, tout homme devrait, normalement, craindre de ne pas pouvoir être équitable envers plusieurs femmes. D’ailleurs, le verset 129 de la même sourate affirme que l’homme ne pourra pas faire preuve d’une telle justice. Abduh pense que ce dernier verset a clairement pour objet de décourager les Croyants de prendre une deuxième épouse. Donc, si l’on prend en considération les deux versets à la fois, et si l’on en tire la conclusion que la polygamie est interdite en Islam, on n’aurait pas tort. Pourtant, ajoute-t-il, la Sunnah et la pratique témoignent bien de la licéïté de la polygamie, de manière certaine et irréfutable. (25) Qu’est-ce que les autorités peuvent faire, dans ce cas, pour réduire ou éliminer les méfaits de la polygamie sur le plan familial et social ? Ayant étudié la question sous tous ses angles, Abduh aboutit à la conclusion que l’examen de la licéïté de la polygamie doit s’effectuer dans le cadre des principes et règles juridiques du droit musulman qui s’appliquent à l’ensemble de la communauté. (26) Ainsi, dans un mariage polygame, il n’y a pas que le mari qui ait des droits, tel que le droit « inaliénable » de prendre une nouvelle épouse, à sa discrétion. Les différentes femmes vivant sous le régime matrimonial de la polygamie ont aussi des droits, établis par la charia, qu’il est nécessaire et légitime de protéger (tels que le droit à l’équité, à la justice, à l’entretien matériel, pas de préférence donnée sur le plan matériel à une quelconque des épouses ou à quiconque des enfants par rapport aux autres, pour tout ce qui a trait à la vie du ménage, etc.). (27) Les fondements juridiques de l’interdiction Donc, pour que la pratique de la polygamie soit licite, il ne faut pas que l’exercice de ses droits, par le mari, viole les droits des autres membres du foyer polygame, qui sont protégés par les autres principes et règles du droit musulman. (28) Par contre, s’il s’avère que la pratique de la polygamie résulte inéluctablement dans la violation de tels droits, ce qui constitue des effets pervers considérables, causant plus de mal que de bien au sein des familles ; et si, de plus, ces effets pernicieux peuvent être observés au niveau de l’écrasante majorité des foyers polygames de la communauté, constituant donc la règle plutôt que l’exception ; alors, les autorités du pays ont le droit d’interdire la pratique de la polygamie, au nom de l’intérêt général de la communauté, en application des règles juridiques communément admises dans la charia. (29) Appliquant ce raisonnement à la situation qu’il observe dans les foyers polygames égyptiens, dans la deuxième moitié du 19è siècle, Abduh se convainct que la pratique de la polygamie peut être remise en cause, sur le plan juridique, de manière parfaitement légitime, du fait qu’elle produit plus de mal que de bien. Il formule alors une proposition révolutionnaire pour son époque : compte tenu de l’expérience vécue (largement négative) de l’ensemble de la communauté en matière de pratique de la polygamie, celle-ci ne devrait plus être autorisée de manière générale, comme ce fut le cas jusque-là, mais être restreinte à des situations exceptionnelles, comme lorsque la femme est stérile, ou qu’elle est atteinte d’une maladie qui l’empêche d’avoir des rapports sexuels avec son mari. (30)

Dans une fatwa (opinion juridique) (31) rédigée des années plus tard, vers la fin de sa vie, alors qu’il occupe les fonctions de mufti d’Egypte, Abduh réétudie la question de l’interdiction de la polygamie. (32) Il explique qu’il existe de nombreuses règles juridiques, communément admises en droit musulman, qui peuvent s’appliquer à la situation, et il en donne trois exemples. (33) En conclusion de sa fatwa, Abduh affirme qu’ « il est licite en droit musulman d’interdire aux hommes d’épouser plus d’une femme, sauf en cas de nécessité impérieuse démontrée au magistrat chargé de cette question. Absolument rien n’interdit cette prohibition, seule la tradition s’y oppose. » (33) Notes

1993

(16) Kate Zebiri, Mahmud Shaltut and Islamic modernism, Clarendon Press, Oxford,

(17) Mahmoud Shaltout, “al Islam, ’Aqeda wa shariah”, (L’islam, dogme et charia), 9è éd., Beyrouth, 1977, pp. 178-197 (18) Shaltout, ibid, p. 184 (19) Shaltout, ibid, p. 183 (20) Shaltout, ibid, p. 183 (21) Shaltout, ibid, p. 185 (22) Les points de parfait accord entre Abduh et Shaltout peuvent être résumés comme suit : L’homme est autorisé à épouser jusqu’à 4 femmes à la fois, mais il doit être capable de les traiter avec équité et de subvenir de manière adéquate à leurs besoins matériels. Chaque homme prend sa décision en son âme et conscience. Le verset 129 (qui affirme que les hommes ne seront pas capables de traiter leurs épouses avec équité), n’abolit pas la polygamie. L’équité dont les hommes doivent faire preuve concerne essentiellement les questions d’ordre matériel, moral et social (logement, nourriture, vêtements, compagnie, témoignages d’affection et de respect, alternance dans les rapports sexuels avec toutes les épouses, etc.). Les deux auteurs sont d’accord sur le fait que, si le mari ne respecte pas la règle d’équité, il sera sanctionné le Jour du Jugement. Mais, si l’une de ses épouses souffre de maltraitance, ou que ses droits sont autrement violés, et que la situation lui devient insupportable, elle est en droit de porter plainte contre son mari auprès d’un magistrat qui lancera la procédure prévue par la charia pour résoudre le différend (convocation des époux, puis des représentants de leurs familles respectives, tentative de réconciliation et, en cas d’échec de cette dernière, décision du magistrat, qui peut prononcer le divorce). (23) Muhammad Abduh, « Hukm al-chari’a fi ta’addud al-zawjate » (Les règles de la charia en matière de polygamie) dans “al-A’mal al kamila” (Oeuvres complètes éditées par Muhammad Amara) tome 2, 1ère éd. Beyrouth, (1972), p. 78 (24) Abduh, (a) « Hukm al-chari’a fi ta’addud al-zawjate » (Les règles de la charia en matière de polygamie) ; (b) « Ta’addud al-zawjate » (La polygamie) ; (c) « Fatwa fi ta’addud al-zawjate » (Fatwa sur la polygamie), ibid, pp. 78, 84 et 90 respectivement. (25) Abduh, « Ta’addud al-zawjate », ibid, p. 88 (26) Abduh, « Ta’addud al-zawjate », ibid, p. 88 (27) Abduh, « Fatwa fi ta’addud al-zawjate », ibid, p. 93 (sur le droit à l’équité, voir la « Justification n° 1 » pour l’interdiction de la polygamie, p. 94) (28) Abduh, « Fatwa fi ta’addud al-zawjate », ibid, p. 94 (sur les droits des épouses, voir la « Justification n° 2 » pour l’interdiction de la polygamie, p. 94) (29) Abduh, « Ta’addud al-zawjate », ibid, p. 88

(30) Abduh, « Ta’addud al-zawjate », ibid, p. 87 (31) Une fatwa, qu’elle émane du Cheikh d’Al Azhar, du Grand mufti d’Egypte, ou de l’Académie Islamique du Fiqh (AIF) par exemple, n’est pas un texte de loi ou une décision judiciaire dont l’application s’impose de manière impérative à qui que ce soit. Son objectif est de présenter un point de vue juridique compétent qui permet à toutes les parties intéressées de mieux saisir ce que la loi dit sur une question d’actualité, d’après l’auteur de la fatwa. Les conclusions de la fatwa ne s’imposent qu’à lui-seul. 32) Abduh, « Fatwa fi ta’addud al-zawjate », ibid, p. 90 (33) Abduh explique, dans cette fatwa, (pp. 92-95) que la pratique de la polygamie ne peut être légitime que si l’équité est respectée. Or, l’écrasante majorité des hommes ne traitent pas leurs différentes femmes avec équité. Par conséquent, les autorités ont le droit d’interdire la polygamie de manière absolue, compte tenu du comportement de la majorité de la population. Abduh étudie également le cas de la maltraitance de certaines des épouses par leur mari, et la situation des foyers où il est impossible d’instaurer l’harmonie et la quiétude, du fait que les enfants nés de mères différentes passent leur temps à se battre et à comploter les uns contre les autres, entraînant les adultes dans leurs disputes. D’après lui, les autorités peuvent interdire la polygamie dans de telles situations, où il est évident que les méfaits causés par la polygamie dépassent largement les bienfaits qui peuvent lui être associés. Partager sur Facebook Partager sur Twitter

Mots clés Féminisme et Islam Femmes Musulmans de France Réformisme Musulman Société

Khalid Chraibi Economiste (U. de Paris, France, et U. de Pittsburgh, USA), a occupé des fonctions de consultant économique à Washington D.C., puis de responsable à la Banque Mondiale, avant de se spécialiser dans le montage de nouveaux projets dans son pays.

La diversité des interprétations dans l’unité de la charia Khalid Chraibi La charia et la polygamie : (3/4)

Evaluation des arguments de Abduh et Shaltout De l’analyse des argumentaires du mufti d’Egypte Muhammad Abduh et du cheikh d’al-Azhar Mahmoud Shaltout concernant la pratique de la polygamie, il ressort que les deux juristes ne s’opposent pas, en réalité, sur des questions de droit, mais plutôt sur leur vision de la société. En effet, ils font la même lecture des versets coraniques applicables à la polygamie. Mais ils divergent sur les effets de la polygamie dans la société. Abduh observe et décrit dans le détail les méfaits de la polygamie dans la société égyptienne de la fin du 19è s., alors que Shaltout situe son analyse dans le cadre d’une société islamique idéalisée, où l’équité, l’harmonie et la solidarité règnent au sein des foyers polygames. Sur le plan juridique, la fatwa du mufti d’Egypte Abduh, malgré son caractère révolutionnaire, évolue (comme on pourrait s’y attendre) sur un terrain juridique solide, des plus conventionnels même. En effet, Abduh ne fait qu’appliquer à l’analyse de la polygamie les principes et les règles de droit musulman communément admis. Mais, il a pris soin de placer la pratique de la polygamie sous un nouvel éclairage. A côté des droits du mari, que nul ne conteste, Abduh déclare qu’il faut également prendre en compte les droits des femmes et des enfants vivant dans le foyer polygame. Appliquant à ce dossier ainsi redéfini les outils conventionnels d’analyse du droit musulman, il débouche sur sa célèbre conclusion. D’après lui, l’interdiction de la polygamie peut très bien s’effectuer de manière légitime, dans le respect des règles du droit musulman, en vertu de nombreux principes et règles de la charia qui peuvent s’appliquer à la situation, dont la règle bien établie selon laquelle « tout ce qui produit plus de mal que de bien est illicite. » A l’opposé de Abduh, Shaltout se situe (sur cette question seulement) dans le droit courant de la pensée du « taqlid » (reconnaissant l’autorité des décisions prises dans le passé par les Oulémas). Sur le plan juridique, il s’en tient à l’analyse conventionnelle de la question, telle qu’elle a toujours été défendue par les juristes musulmans. Sur le plan social, il défend le maintien de cette pratique, parce qu’il croit sincèrement aux bienfaits de la polygamie, que ce soit pour les hommes (qui évitent ainsi la débauche) ; pour les

femmes (qui trouvent ainsi un mari) ; ou pour la société (où la Vertu règne, et où les prescriptions divines sont appliquées scrupuleusement). D’après Shaltout, Dieu a institué le régime de la polygamie pour les musulmans en toute connaissance de cause des faiblesses humaines. Il l’a assorti de règles dont l’application relève de la conscience et de la responsabilité de chaque individu. Ces règles doivent être appliquées de la manière dont elles ont été interprétées depuis les temps de la Révélation. Il n’appartient pas aux hommes de remettre en cause les prescriptions divines en ce domaine, sur quelque base que ce soit, ni d’instituer des contrôles qui rendraient la pratique de la polygamie plus difficile. Pendant tout le 20è siècle, les opinions juridiques de Abduh et de Shaltout sur la polygamie ont constitué des documents de référence essentiels dans le dossier du débat. Mais, le laisser-faire prôné par Shaltout n’était plus tenable sur cette question, compte tenu de l’évolution des esprits et de la société dans son ensemble, et l’interdiction souhaitée par Abduh n’était guère envisageable, non plus. Sous la pression des organisations féminines, des mouvements nationalistes, des intellectuels et de nombreux oulémas influencés par les idées de Abduh, la majorité des Etats musulmans ont commencé à développer, dès les années 1950, chacun à son propre rythme, et en tenant compte de ses spécificités, une position intermédiaire sur cette question, une « troisième voie » entre le laisser-faire prôné par Shaltout et la thèse de l’interdiction défendue par Abduh. Les nouveaux codes de statut personnel adoptés depuis la fin de la 2ème guerre mondiale dans de nombreux pays musulmans reflètent ainsi, de manière manifeste, la vision de Abduh concernant la nécessité de prendre en compte et de protéger les droits de tous les membres de la famille, dans un foyer polygame, et non plus seulement ceux du mari. Les codifications nationales La « troisième voie » développée dans le monde musulman, entre le laisser-faire prôné par Shaltout et l’interdiction défendue par Abduh, est basée sur le postulat que la pratique de la polygamie est licite, mais qu’elle doit être accompagnée de garde-fous pour restreindre les excès qui pourraient être commis par des maris au comportement trop frivole ou irresponsable. Ses promoteurs cherchent essentiellement à protéger les droits matériels fondamentaux des épouses et des enfants, au niveau du traitement équitable des épouses, et de la capacité financière du mari à pourvoir aux frais de fonctionnement de plusieurs foyers. Chaque Etat engagé dans cette « troisième voie » a ainsi établi, dans son Code de Statut Personnel national (ou code de la Famille), des règles spécifiques visant à mieux contrôler la manière dont la polygamie était pratiquée dans le pays. Ce faisant, il a tenu compte de ses traditions, de ses spécificités, des objectifs qu’il cherchait à atteindre, ainsi que de divers facteurs d’ordre politique, économique, social ou religieux. En conséquence, les règles figurant dans les codes actuels du monde musulman reflètent un vaste éventail de choix.(34) Cependant, d’après une récente étude réalisée par Rand Corporation et Woodrow Wilson International Center for Scholars, il existe des points de convergence importants entre les codes qui cherchent à restreindre la pratique de la polygamie. Ils utilisent fréquemment des stipulations telles que les suivantes : (35) La première épouse doit être informée de l’intention du mari de prendre une nouvelle femme. Elle doit donner son consentement à ce remariage, ou obtenir le divorce. Le mari doit prouver au magistrat que le nouveau mariage est « juste et nécessaire » (en établissant, par exemple, que sa première femme est stérile ; ou est

incapable d’avoir des rapports conjugaux ; ou qu’elle a une infirmité physique grave ; ou qu’elle refuse d’avoir des rapports sexuels ; ou qu’elle souffre de maladie mentale...). Le mari doit donner l’assurance que le nouveau mariage n’affectera en rien l’existence de sa première femme et de ses enfants. Il doit garantir qu’il pourra faire preuve d’équité envers tous les membres du foyer. Il doit prouver qu’il dispose de ressources financières d’un niveau adéquat et stable pour pourvoir aux besoins matériels de plusieurs ménages. Dans certaines cas exceptionnels, et en application de la règle d’équité, le mari a l’obligation de prévoir un logement séparé pour chacune de ses femmes. Le contrôle judiciaire de la pratique de la polygamie L’examen des pratiques spécifiques par pays démontre l’existence de nombreuses variantes au niveau des principales règles appliquées par les Etats pour mieux contrôler la pratique de la polygamie. On peut relever, à titre d’illustration de cette diversité, les règles suivantes : (35) En Indonésie, la règle de base du mariage est la monogamie, mais la polygamie n’est pas interdite à ceux dont la religion autorise cette pratique. Le tribunal doit autoriser le mariage en polygamie, après consentement des autres épouses du mari, qui doit prouver qu’il existe une nécessité pour ce mariage (maladie incurable de l’épouse, stérilité, etc.) L’époux doit garantir qu’il traitera toutes les épouses et tous les enfants de manière juste et équitable. Au Maroc, le mariage polygame doit faire l’objet d’une autorisation judiciaire. L’épouse peut interdire à son mari de prendre une autre femme, par le biais d’une clause dans le contrat de mariage. La première femme et la nouvelle doivent être informées à l’avance de l’existence l’une de l’autre. La première femme peut demander le divorce, si son mari insiste pour se remarier. En Algérie, le mari doit justifier la nécessité du mariage avec une nouvelle femme, disposer des ressources nécessaires pour pourvoir à l’entretien de toutes les épouses, et s’engager à traiter ces dernières avec équité. Les épouses existantes et nouvelles doivent être informées de l’intention du mari de se remarier, et fournir leur consentement attesté par un juge. Au cas où une épouse estime avoir subi un préjudice du fait de ce mariage, elle peut demander le divorce. Au Bangladesh, à Singapour et aux Philippines, le mariage en polygamie doit également faire l’objet d’une autorisation officielle du Tribunal. En Jordanie, l’homme doit traiter ses différentes épouses avec équité et affecter un logement séparé à chacune d’elles. En Egypte, les épouses peuvent demander le divorce, si elles peuvent prouver que le remariage de leur mari leur porte préjudice. En Malaisie, la cour de justice de la charia doit autoriser tout mariage polygame. Le candidat doit justifier par écrit que le mariage proposé est nécessaire et juste ; qu’il dispose de ressources adéquates ; qu’il pourra traiter ses épouses avec équité ; et que la première femme ne subira aucun préjudice du fait de son remariage. Chacune des quatre conditions est d’importance égale et doit être séparément établie et validée. Au Pakistan, la polygamie est restreinte. Un homme n’obtient l’autorisation de prendre une deuxième femme que dans des circonstances déterminées. Si le mari ne respecte pas les procédures légales, ses épouses peuvent le poursuivre en justice. En Syrie, une permission du juge est requise. Le mariage polygame peut être refusé, sauf dans les cas exceptionnels prévus par la loi. Le mari doit faire preuve de sa capacité financière à entretenir les deux ménages. La polygamie est interdite en Turquie depuis la révolution de Mustepha Kémal et la substitution du Code civil Suisse à la charia

(1926), en Tunisie depuis l’indépendance en 1956, ainsi que dans un certain nombre d’Etats africains (Côte d’Ivoire, Gambie, Guinée, Nigéria, Rwanda, Zaïre), asiatiques (Inde, Uzbekistan, Kyrgyzstan, Tajikistan), et du Pacifique (Iles Fiji). Mais, dans la pratique, les hommes trouvent beaucoup de façons de contourner l’interdiction. (36) (37) Critiques des codifications contemporaines De nombreuses associations féminines sont insatisfaites des mesures de contrôle de la polygamie instituées par les autorités, dans les pays musulmans. A leur avis, cellesci sont inefficaces, du fait du jeu combiné de plusieurs facteurs, dont on peut lister, à titre d’illustration, les exemples suivants : les mesures de contrôle reposent sur l’utilisation de critères qualitatifs, dont l’appréciation est laissée nécessairement à la discrétion de magistrats qui ont une grande marge de maneuvre en la matière ; les critères d’ordre juridique sont interprétés diversement par les magistrats, souvent en fonction de leurs convictions personnelles ; les hommes qui sont décidés à prendre une nouvelle femme trouvent toujours moyen de contourner les dispositions légales en la matière ; concernant l’application de la règle d’équité entre les différentes épouses, dans un foyer polygame, il existe un grand fossé entre les déclarations d’intention des candidats au mariage avec une nouvelle épouse, et leurs actes, une fois le mariage polygame conclu ; L’option de divorce accordée à la femme qui ne consent pas au remariage de son époux ne constitue pas une option viable, sur le plan concret. En effet, la femme a le choix entre subir son sort en restant dans un foyer polygame, ou obtenir le divorce et se retrouver, le plus souvent, livrée à elle-même, sans logement, sans ressources, et avec des enfants à charge. (38) Notes (34) D’excellentes études comparatives de l’application de la charia dans les différents pays musulmans ont été publiées au cours des dernières années, parmi lesquelles on peut relever les travaux suivants, particulièrement méthodiques et exhaustifs dans leur discussion de la situation par pays : Women Living Under Muslim Law (WLUML), “Knowing our rights”, 3rd ed., 2006 ; Abdullahi A. An-Na’im, ed., “Islamic Family Law in a changing world”, London, Zed Books, 2002 ; Rand Corporation and Woodrow Wilson International Center for Scholars, ““Best practices” Progressive family laws in Muslim countries”, 2005 (35) Rand Corporation, ibid, p. 12 et WLUM, ibid, pp. 197-212 (36) WLULM, ibid, p. 204. (37) Mohamed Chafi, “La polygamie”, Marrakech, 2000 (38) WLUML, ibid, pp. 198-199 Partager sur Facebook Partager sur Twitter

Mots clés Afghanistan International Interprétation du Coran Moyen-orient Société

Khalid Chraibi Economiste (U. de Paris, France, et U. de Pittsburgh, USA), a occupé des fonctions de consultant économique à Washington D.C., puis de responsable à la Banque Mondiale, avant de se spécialiser dans le montage de nouveaux projets dans son pays.

Charia : Qui décide de ce qui est licite ?

Khalid Chraibi

La stratégie des meilleures pratiques Les ONG spécialisées dans la protection des droits des femmes dans les pays musulmans développent, depuis quelques années, une nouvelle stratégie pour surmonter les problèmes rencontrés dans l’application des règles de la charia. Cette stratégie est fondée sur le postulat suivant : « Du moment que toutes les mesures appliquées dans le domaine du contrôle de la polygamie sont considérées par les oulémas comme « conformes à la charia », malgré leur très grande diversité ; et puisqu’il existe, dans ce large éventail de mesures, des règles appliquées dans des pays déterminés, qui protègent mieux que d’autres les droits des femmes et des enfants ; alors ce sont ces mesures, qualifiées de « meilleures pratiques », dont les ONG réclament l’application dans les pays musulmans, en substitution aux mesures en vigueur, quand ces dernières sont moins efficaces pour atteindre les objectifs recherchés. » (39)

L’exemple tunisien L’ONG « Women Learning Partnership » (WLP) a ainsi dressé un tableau comparatif des « meilleures pratiques » utilisées dans les pays musulmans, au niveau des principales rubriques des codes de statut personnel (ou droit de la famille). Concernant la polygamie, la « meilleure pratique », de l’avis de WLP, est l’interdiction pure et simple appliquée par la Tunisie. (40) Le Collectif 95 Maghreb Egalité, regroupant les principales ONG de défense des droits des femmes au Maroc, en Algérie et en Tunisie, réclame lui aussi l’adoption d’une telle mesure. (41) En effet, d’après ces associations, une telle interdiction permet de résoudre, de manière efficace et définitive, tous les problèmes familiaux et sociaux associés à la pratique de la polygamie. Et, comme l’a affirmé le mufti d’Egypte Muhammad Abduh dans sa fatwa sur cette question : « il est licite en droit musulman d’interdire aux hommes d’épouser plus d’une femme, sauf en cas de nécessité impérieuse démontrée au magistrat chargé de cette question. Absolument rien n’interdit cette prohibition, seule la tradition s’y oppose. » (42) L’exemple marocain Certaines associations féminines, cependant, comme « Sisters in Islam » (SIS) de Malaisie, (43) ne sous-estiment pas le poids des traditions comme facteur de blocage dans la voie des réformes en ce domaine. Elles oeuvrent pour l’adoption d’une autre « meilleure pratique », moins révolutionnaire peut-être que l’option tunisienne, mais qui serait déjà appliquée dans un pays musulman avec de bons résultats, et qui serait plus acceptable pour les oulémas et la population de manière plus générale. Les mesures relatives au contrôle de la polygamie figurant dans le « Code de la famille » du Maroc, après sa révision en 2004, constituent, à cet égard, d’après de nombreuses associations de défense des droits des femmes, un bon exemple de codification en ce domaine. (44) Charia : Qui décide de ce qui est licite ?

Comme il ressort de la diversité des règles juridiques appliquées dans le monde musulman en matière de pratique de la polygamie, et des justifications dont elles sont assorties, les arguments présentés par les différentes parties au débat sont souvent parfaitement cohérents et défendables, chacun dans le cadre de sa propre ligne de pensée, sur le plan social, et en se basant sur sa propre école juridique comme référence. C’est ce qui ressort également du débat (virtuel) entre le mufti d’Egypte Muhammad Abduh et le cheikh d’al-Azhar Mahmoud Shaltout au sujet de l’interprétation et de l’application des règles de la charia relatives à la polygamie. Pour comprendre la logique de cette diversité de règles et d’arguments, il faut placer le débat dans sa véritable perspective. Dans ce but, il faut tout d’abord souligner qu’aussi bien Shaltout que Abduh ne font qu’exposer leur opinion juridique sur la question de la polygamie. C’est une « fatwa » qui permet à leurs lecteurs de mieux saisir ce que la loi dit, d’après eux, sur cette question. Mais, comme toute fatwa, elle ne s’impose à personne. Comme l’explique Sheikh Abdul Mohsen Al-Obeikan, vice-ministre de la Justice d’Arabie Saoudite, « même les décisions de la Chambre d’Ifta (organisation saoudienne officielle de fatwa) ne s’imposent à personne, que ce soit aux individus ou à l’Etat. » (45) Le professeur Ahmed Khamlichi, Directeur de Dar al Hadith al Hassaniya (du Maroc) observe, à cet égard : « Les ulémas n’ont pas le monopole d’interprétation de la charia. Evidemment ils doivent être consultés au premier plan sur les questions de la charia. (Mais) ce ne sont pas eux qui font la loi religieuse, de même que ce ne sont pas les professeurs de droit qui font la loi, mais les parlements. » (46) De fait, il n’existe pas de hiérarchie religieuse en Islam. Il n’existe pas, non plus, d’autorité suprême capable de statuer sur ce qui est licite ou illicite, pour l’ensemble du monde islamique. Ainsi, comme le note le vice-Ministre de la Justice d’Arabie Saoudite, même une fatwa de l’Académie Islamique du Fiqh (AIF) ne s’impose à aucun des 43 Etats membres de cette institution spécialisée de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI). Elle n’a de valeur que comme l’expression d’un point de vue juridique par un organisme spécialisé, à l’instar d’un exposé dans les livres de fiqh. L’interprétation de la charia dans le cadre de chaque Etat La charia est, de fait, interprétée et appliquée dans le cadre de chaque Etat, en fonction de ses propres choix. Ce sont les autorités politiques, religieuses et législatives de chaque pays musulman, agissant de concert, soit par consensus, soit par négociation, qui détiennent ainsi le pouvoir de décider de ce qui sera considéré comme licite dans le pays (en puisant dans la base de données de toutes les options que la charia peut offrir sur une question donnée). L’élaboration des codes de statut personnel (ou de droit de la famille) fournit une bonne illustration de la démarche appliquée. Les gouvernants choisissent, dans un éventail de solutions, toutes considérées comme licites en Islam, celle qui répond le mieux à leurs objectifs. L’option sélectionnée est examinée avec toutes les parties concernées, et en particulier avec les autorités religieuses (comme le Mufti ou le Conseil des Oulémas), puis fait l’objet d’un projet de texte de loi qui est présenté au Parlement pour discussion et approbation. Une fois ce texte adopté par le Parlement, puis entériné par toutes les instances institutionnelles concernées, il est publié au « Journal Officiel » du pays. Il acquiert alors force de loi, et devient le texte juridique de référence pour déterminer ce qui, dans cet Etat, est considéré comme licite en Islam, dans le domaine concerné. C’est sur la base de ce texte de loi que tous les actes juridiques devront être préparés, et que les tribunaux du pays seront appelés à statuer.

Mais, ce qui est considéré comme licite dans un Etat musulman, à un moment donné, sur une question donnée, peut être considéré comme illicite dans un autre Etat musulman, au même moment. Le cas de la Tunisie L’interdiction de la polygamie en Tunisie en fournit une bonne illustration. Aux yeux des autorités tunisiennes, cette interdiction est parfaitement licite, puisqu’elle est fondée sur des principes et des règles communément admis en droit musulman. S’il fallait des preuves de sa licéïté, il n’y aurait qu’à citer la fatwa du mufti d’Egypte, Muhammad Abduh, ou du ’alem de la Qarawiyine Allal el Fassi, (47) qui ont tous deux appelé de leurs voeux cette interdiction. Ils ont développé, à cet effet, une argumentation juridique solide, que nul juriste musulman de renom n’a jamais remise en cause, alors qu’il s’est écoulé plus d’un siècle depuis la fatwa de Abduh et un demi-siècle depuis les écrits de Fassi. La licéïté de l’option tunisienne est également corroborée par le fait qu’au Bangladesh, pays réputé pour son conservatisme sur le plan d’application de la charia, la Division spécialisée de la Haute Cour de Justice a rendu en 1999 un jugement décourageant fortement la pratique de la polygamie dans le pays, et demandé au Ministère de l’Intérieur d’étudier de manière approfondie s’il était « possible ou non d’interdire la polygamie ». Elle suggéra au Ministère que la même ligne de raisonnement utilisée en Tunisie pour interdire la polygamie pourrait s’appliquer au Bangladesh. (48) Les facteurs explicatifs de la diversité des règles Mais, d’autres Etats maintiennent un point de vue opposé, en se fondant sur d’autres principes et règles du droit musulman qui sont, également, communément admis. Une telle situation n’est pas rare, et s’explique par le jeu combiné de plusieurs facteurs : Les pays musulmans appartiennent à des écoles de pensée juridique, ou rites, différents (Abu Hanifa, Malek ibn Anas, Chafi’i, Ibn Hanbal, Shi’a), dont chacun a développé sa propre méthodologie pour étudier les mêmes questions ; Les oulémas peuvent interpréter différemment des textes de référence religieux dont l’énoncé se prête parfois à de multiples interprétations ; Une certaine confusion prévaut, dans certains cas, entre les coutumes et les traditions nationales d’une part, et les prescriptions religieuses proprement dites, d’autre part. (49) De plus, les textes de loi basés sur la charia, qui sont en vigueur dans un pays musulman, évoluent avec le temps. Chacun d’eux fait l’objet de modifications plus ou moins importantes, en fonction des circonstances, et de l’évolution de la société. Ce qui était licite à un moment donné peut devenir illicite à un autre moment, et vice versa, quand la loi nationale applicable a été modifiée. C’est une situation que l’on observe régulièrement, à l’occasion de la révision des codes de statut personnel (ou codes de la famille) nationaux. (50) Car, si les valeurs et les principes de la charia sont immuables, les règles d’application des prescriptions religieuses (telles qu’elles figurent dans les codes nationaux, par exemple) s’adaptent aux nouvelles circonstances sociales. C’est cette faculté qu’a la charia d’être réinterprétée, compte tenu de nouvelles circonstances, (lorsque les autorités politiques, religieuses et législatives, agissant de concert, optent pour le changement), qui donne toute sa crédibilité à l’affirmation des juristes musulmans, selon laquelle « la charia peut s’appliquer en tous temps, en tous lieux et en toutes circonstances. » (51)

Notes (39) Khalid Chraibi, « Droits de la femme en Islam : la stratégie des meilleures pratiques », Oumma.com, 6 et 20 mars 2009 (40) Women Learning Partnership (WLP) : « Best practices in family law : country comparisons » (41) Collectif 95 Maghreb-Egalité : “Cent mesures et dispositions pour une codification égalitaire des Codes de Statut Personnel”, 1995 ; et “Dalil (guide) de l’égalité dans la famille au Maghreb”, 2003 (42) Muhammad Abduh, « Fatwa fi ta’addud al-zawjate », ibid, pp. 90 et 92-95 (43) Sisters in Islam, Malaysia, « Reform of the Islamic family laws on Polygamy, 11 December 1996 », a memorandum to the Malaysian authorities ; et “Best practices in family law” ; et Sisters in Islam, Malaysia, website, article on « Polygamy ») (44) Royaume du Maroc, Ministère de la Justice, « Guide pratique du code de la famille », Rabat, 2007 Voici les principales dispositions applicables à la polygamie : L’article 40 du code spécifie que « la polygamie est interdite lorsqu’une injustice est à craindre envers les épouses. Elle est également interdite lorsqu’il existe une condition de l’épouse en vertu de laquelle l’époux s’engage à ne pas lui adjoindre une autre épouse. » L’article 41 précise que « le tribunal n’autorise pas la polygamie dans les cas suivants : lorsque sa justification objective et son caractère exceptionnel n’ont pas été établis ; lorsque le demandeur ne dispose pas de ressources suffisantes pour pourvoir aux besoins des deux foyers et leur assurer équitablement l’entretien, le logement et les autres exigences de la vie. » En l’absence d’empêchements du type indiqué, le candidat à la pratique de la polygamie doit présenter au tribunal une demande d’autorisation à cet effet. La demande doit indiquer les motifs objectifs et exceptionnels justifiant la polygamie et doit être assortie d’une déclaration sur la situation matérielle du demandeur. Le tribunal convoque la première femme en vue de l’informer du désir de son mari de prendre une nouvelle femme. Il entend la femme et son mari. Il peut ensuite autoriser le mari à prendre une nouvelle femme, si les motifs invoqués par ce dernier revêtent un caractère objectif et exceptionnel et si la demande remplit toutes les conditions légales qui lui sont attachées. Si la première femme n’est pas d’accord sur cette décision, elle peut demander le divorce. Le tribunal fixe un montant correspondant à tous les droits de l’épouse et de leurs enfants que l’époux a l’obligation d’entretenir. L’époux doit consigner la somme fixée dans les sept jours. Une fois cela fait, le tribunal prononce un jugement de divorce (45) Abdul Mohsen al-Obeikan, « Interview au quotidien « Asharq alawsat » du 09/07/2006, à propos de la valeur juridique d’une fatwa de l’Académie Islamique du Fiqh (AIF) » (46) Ahmed Khamlichi, « Point de vue n° 4 » (en arabe), Rabat, 2002, p. 12 (47) Allal el Fassi, “Annaqd addhati” (L’Autocritique), 5è éd. Rabat, 1979, pp. 287294 ; et “Attaqrib, Charh moudawanat al ahwal al chakhssiya” (Le rapprochement : explication du Code de Statut Personnel), 2è éd. Rabat, 2000, pp. 178-193 (48) Bangladesh, High Court Division, Elias v Jesmin Sultana, 51 DLR (AD) (1999), cité dans WLUML, Knowing our rights, p. 208 (49) Par exemple, la charia interdit-elle à la femme de conduire un véhicule, comme l’ont affirmé pendant les deux dernières décennies les autorités politiques saoudiennes, sur la base d’une fatwa du Grand Mufti du

pays ? (Voir Khalid Chraibi, « La charia et les droits de la femme au 21è siècle », Oumma.com, 11 mars 2008) (50) Les révisions importantes dont les codes de statut personnel d’Egypte (2000), de Mauritanie (2001), du Maroc (2004) et d’Algérie (2005), entre autres, ont fait l’objet ces dernières années, illustrent cette proposition. (51) Yusuf al-Qaradawi, « Chari’at al-Islam, khouloudouha wa salahouha littatbeq fi koulli zamanin wa makan » (Le droit musulman, sa pérennité et sa capacité d’application en tous temps et en tous lieux), al-maktab al-Islami, Beyrouth, 4è éd., 1987 Ouvrages utilisés « Le Coran », Traduction par Jacques Berque, Edition de poche, Albin Michel, Paris, 2002 Muhammad Abduh, “al-A’mal al kamila” (Oeuvres complètes) tomes 1 et 2, 1ère éd. Beyrouth (1972) Abdullahi A. An-Na’im, ed., “Islamic Family Law in a changing world”, London, Zed Books, 2002 Abdel Nasser Tawfiq al-’Attar, « ta’addud al-zawjat fi al-charia al-islamiya » (La polygamie en droit musulman), 5è éd., Le Caire, 1988 Gamal A. Badawi, « Polygamy in Islamic law » Mohamed Chafi, “La polygamie”, Marrakech, 2000 Alya Chérif Chamari, “La femme et la loi en Tunisie”, Ed. Le Fennec, Casablanca, 1991 Mounira M. Charrad, “States and women’s rights – The making of postcolonial Tunisia, Algeria and Morocco”, U. of California Press, Berkeley, 2001 Eric Chaumont, article “Polygamie”, Dictionnaire du Coran, Robert Laffont, Bouquins, Paris, 2007 Collectif 95 Maghreb-Egalité : “Cent mesures et dispositions pour une codification égalitaire des Codes de Statut Personnel”, 1995 Collectif 95 Maghreb-Egalité : “Dalil (guide) de l’égalité dans la famille au Maghreb”, 2003 Khalid Chraibi, « Droits de la femme en Islam : la stratégie des meilleures pratiques », Oumma.com, 6 et 20 mars 2009 Khalid Chraibi, « La charia et les droits de la femme au 21è siècle », Oumma.com, 11 mars 2008 Allal el Fassi, “Annaqd addhati” (L’Autocritique), 5è éd. Rabat, 1979 Allal el Fassi, “Attaqrib, Charh moudawanat al ahwal al chakhssiya” (Le rapprochement : explication du Code de Statut Personnel), 2è éd. Rabat, 2000 Tahar el Haddad, “Notre femme dans la religion et la société”, 1930, Maison tunisienne d’édition, Tunis, 1970 Riffat Hassan, “al-Islam wa huquq al mar’a” (L’Islam et les droits de la femme), Casablanca, 2000 Ahmed Khamlichi, « Point de vue n° 4 » (en arabe), Rabat, 2002 Ahmed Khamlichi, “Charh moudawanat al ahwal ach-chakhssiya” (Explication de la moudawana de Statut Personnel), t1, 3è éd., Casablanca, 1994 Mohamed Lejmi, « Le droit de la famille », Tunis, 2008

2000

Mortada Motahari, “Les droits de la femme en Islam”, Ed. Al Bouraq, Casablanca, Musawah website : “Home Truths report”, 2009

Yusuf al-Qaradawi, « Chari’at al-Islam, khouloudouha wa salahouha littatbeq fi koulli zamanin wa makan » (Le droit musulman, sa pérennité et sa capacité d’application en tous temps et en tous lieux), al-maktab al-Islami, Beyrouth, 4è éd., 1987 1991

Yusuf al-Qaradawi, « Assahwa al_Islamiya » (Le renouveau islamique), Le Caire,

Rand Corporation and Woodrow Wilson International Center for Scholars, ““Best practices” Progressive family laws in Muslim countries”, 2005 Royaume du Maroc, Ministère de la Justice, « Code de la Famille », Rabat, 2004 Royaume du Maroc, Ministère de la Justice, « Guide pratique du code de la famille », Rabat, 2007 Sisters in Islam, (SIS), Malaysia, article on Polygamy Sisters in Islam, (SIS), Malaysia, Reform of the Islamic family laws on Polygamy, 11 December 1996, a memorandum to the Malaysian authorities Sisters In Islam (SIS) : “Best practices in family law” Mahmud Shaltut, “al Islam, ’Aqeda wa shariah”, (L’islam, dogme et charia), 9è éd., Beyrouth, 1977 Women Learning Partnership (WLP) : “Best practices in family law” Women Living Under Muslim Law (WLUML), “Knowing our rights”, 3rd ed., 2006 1993

Kate Zebiri, Mahmud Shaltut and Islamic modernism, Clarendon Press, Oxford, Partager sur Facebook Partager sur Twitter

Mots clés Féminisme et Islam Monde Musulman Société

Khalid Chraibi Economiste (U. de Paris, France, et U. de Pittsburgh, USA), a occupé des fonctions de consultant économique à Washington D.C., puis de responsable à la Banque Mondiale, avant de se spécialiser dans le montage de nouveaux projets dans son pays.

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