Javelles De Belo-horizonte. Caoum_0373-5834_1955_num_8_29_1945.pdf

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Cahiers d'outre-mer

Bidonvilles du Brésil, les javelles de Belo-Horizonte Roger Teulières

Citer ce document / Cite this document : Teulières Roger. Bidonvilles du Brésil, les javelles de Belo-Horizonte. In: Cahiers d'outre-mer. N° 29 - 8e année, Janvier-mars 1955. pp. 30-55; doi : https://doi.org/10.3406/caoum.1955.1945 https://www.persee.fr/doc/caoum_0373-5834_1955_num_8_29_1945 Fichier pdf généré le 22/04/2018

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La naissance des favelles. Une capitale créée en 1897 par décision du Parlement du Minas ei dépassant actuellement 400.000 âmes, une ville où la cadence accélé¬ rée des réalisations en matière de bâtiment n'arrive cependant pas à faire face à la croissance de la population, telle est Belo Horiizonte, métropole d'un Etat de l'intérieur brésilien, le Minas Gérais, -plus vaste que la France et qui comptera bientôt 10 millions d'habitants. La ville a été fondée de toutes pièces près de la brèche que le Rio das Velhas ouvre dans l'arête de l'Espinhaço : en son site aboutit, du Sud, la route difficile conduisant aux montagnes de l'or et du fer; au-delà s'étalent, vers le Nord, de vastes terres ouvertes à la conquête agri¬ cole (fig. 1). Belo Horizonte est ainsi le pôle d'attraction d'une immense

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région. La grande agglomération attire à elle toutes sortes de gens venus là dans l'espoir de trouver de meilleures conditions de vie et qui s'entassent dans les favelles. Si l'on songe que celles-ci, à Belo Horizonte, s'accroissent en moyenne de 4 habitations par jour, l'on mesurera le caractère alarmant de cette lèpre urbaine, rançon d'une ville qui augmente de plus de 13.000 habitants par an. Il est des favel¬ les peuplées de plusieurs milliers d'âmes. Quatorze comptant chacune au moins 250 personnes entourent la ville; une cinquantaine abritent un total d'habitants inférieur à ce nombre. On peut estimer à 40.000 le total des favelados (1), le dixième de la population de Belo Horizonte. La proportion est la même à Rio. C'est dire quels angois¬ sants problèmes posent tous ces déshérités. Les favelles qui prolifèrent autour de la capitale du Minas, sont apparues à des dates différentes. Les plus anciennes remontent à l'ori¬ gine même de la ville (1895). Les travaux de construction de la cité avaient attiré beaucoup de manœuvres, d'aventuriers, d'immigrants sans profession définie. Ils s'étaient concentrés dans deux zones : le Côrrego do Leitào (quartier de Barro Preto actuel) et la Favella ou Alto da Estaçâo (quartier actuel de Santa Teresa). Là vivaient près de 10.000 personnes fort turbulentes, chez qui les disputes et les crimes étaient fréquents. La crise financière de 1898 contribua beaucoup à l'expansion des favelles : les entrepreneurs, dans la crainte de n'être pas payés pour leurs travaux abandonnaient les chantiers; on n'avait pas confiance dans le succès d'une ville créée d'autorité dans un site neuf et non humanisé. Nombre d'ouvriers réduits au chômage émigrèrent. Les maçons, les manœuvres dans le plus grand dénuement cons¬ truisirent pour eux et leur famille de misérables cabanes à Santa Teresa, Lagoinha, Barroca. Fort heureusement, le maire de Belo Hori¬ zonte, Bernardo Monteiro, eut l'idée d'émettre des bons pour rempla¬ cer l'argent des caisses publiques, bons que les commerçants acceptè¬ rent provisoirement. La crise fut surmontée, l'industrie du bâtiment reprit et en même temps la progression des favelles subit un temps d'arrêt. La guerre mondiale de 1914 fut une nouvelle et dure épreuve pour Belo Horizonte : la grippe espagnole ravagea la population, les mala¬ des mourant par centaines. 600 maisons furent évacuées. Pendant quel¬ que temps il y eut de la place pour se loger à bon marché et on puti constater une régression des favelles. A partir de 1922, une brusque valorisation des terrains à bâtir se produisit en relation avec la déva¬ luation du mil reis et avec la mévente du café. On voulut utiliser au plus vite les capitaux disponibles. Ce fut une fièvre de construction sans précédent. Il y avait de l'embauche pour un grand nombre de travailleurs qui sortirent des favelles. (1) Favelado, habitant d'une favelle.

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La guerre de 1939 ne ralentit pas sensiblement l'activité de la ville. Mais en 1945 éclata une nouvelle crise économique. L'industrie textile du Minas fut frappée plus que toute autre. D'où une extension du-chô¬ mage qui, coïncidant avec la chute du prix des zébus et le renvoi de nombreux ouvriers agricoles, provoqua à Belo Horizon te une crois¬ sance renouvelée des favelles. Certes le commerce s'est développé depuis lors, et aussi les spéculations sur les terrains et les immeubles, mais les loyers ont monté eux aussi. Quant à l'agriculture suburbaine elle n'en est qu'à son premier stade. Il n'y a pas de ceinture horticole capable d'occuper des travailleurs ruraux autour de la ville. En consé¬ quence, l'afflux des immigrants continuant de se produire, le pro¬ blème de l'emploi et du logement des nouveaux venus se pose en termes tragiques. Pourtant, semble-t-il, la construction est en progrès à Belo Horizonte et elle occupe bien des gens sans profession comme pedreiros (aides maçons). Mais elle ne leur fournit pas des logements, dette poli¬ tique de construction est le fait de bourgeois qui veulent habiter une maison plus moderne, ou qui mettent leurs capitaux à l'abri de la dévaluation du cruzeiro en finançant l'édification de logis ou d'appar¬ tements qui se loueront à bon prix. Mais seuls peuvent se loger dans ces habitations des gens riches, des commerçants, de hauts fonction¬ naires et des spécialistes gagnant des salaires élevés. Une bonne mai¬ son ou un bel appartement se paient 3 à 5.000 cruzeiros par mois, soit 25.000 à 35.000 francs; un barràcâo (2) modeste est loué de 600 à l.OCO cruzeiros. Or beaucoup de salariés ne dépassent guère le minimum, soit 3 cruzeiros 75 de l'heure. Comment pourraient-ils dans ces condi¬ tions se loger dans une demeure convenable ? Le rythme des constructions a été le suivant : 844 en 1941, cou¬ vrant 68.270 m2, 2.417 en 1946, pour 217.057 m2, 2.274 en 1950, pour 228.321 m2; soit, depuis 1940, 1.800 logis en moyenne par an pour une croissance de population de 13.000 habitants. Compte tenu des démoli¬ tions, des destructions de vieilles haibitations, l'on mesure aisément l'insuffisance de l'industrie du bâtiment par rapport au peuplement de Belo Horizonte. Presque rien n'est fait pour aider les pauvres gens à s'abriter décemment. Construire de petits logements, loués à bon marché, ne serait pas lucratif. D'abord cela déprécierait le terrain. On n'aime pas bâtir de jolies demeures auprès de taudis. D'autre part, des maisonnettes bon marché occuperaient des emplacements qui rap¬ porteront beaucoup plus si on y construit des villas de belle apparence. C'est dans ces conditions que naquirent les favelles. Les déshérités bâtissent leurs barraques où et comme ils peuvent. On a calculé que 6.000 immigrants se pressent tous les ans vers Belo Horizonte et que parmi eux près de 5.000 sont originaires de (2) Barracâo, humble logement, cabane avec 1 ou 2 pièces exiguës. LES CAHIERS D'OUTRE-MER

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hameaux ou de roças (3) isolés. Ayant reçu d'amis, de parents, de voi¬ sins déjà établis dans la capitale, quelques renseignements encoura¬ geants, ils sont venus à Belo Horizonte dans l'espoir de vivre un peu mieux que dans le sertâo (4). Quelques-uns sont des malades cherchant des médecins et des remèdes, pauvres gens découragés, las de vivre dans la misère perpétuelle et l'inconfort de leur cabane rurale. De l'intérieur arrivent constamment des groupes de jeunes ou même des familles entières, arrachés au sertâo rude par l'espoir de refaire leur vie des dans bassins la capitale du Sâo Francisco du Minas.etDu duRio RioDoce, da Veïhas de la accourent région de sans Paracatû, cesse des roceiros (5), des ouvriers agricoles surtout, en grande majorité gens de couleur : métis de toutes sortes, mulâtres, caboclos et caribucos (6); des Noirs aussi, descendants d'esclaves, devenus employés de fazendas ou petits paysans (fig. 1). Quelques types de javelles. Parfois — ainsi à Rio et ailleurs — une favelle s'élève près d'une usine, d'un chantier où les hommes peuvent s'employer. A Belo Horizonte ce fait n'est pas fréquent : celles de Pedro Lopes, de Buraco Quente, des Marmiteiros qui touchent la zone industrielle de la capi¬ tale en bordure de l'Arrudas de Lagoinha à Carlos Prates sont dans ce cas. Le plus souvent les favelles sont nées sur l'emplacement' de .ter¬ rains vagues dont le propriétaire absent ou négligent n'exigeait pas l'évacuation immédiate (fig. 2). On peut distinguer deux types de favelles autour de l'aggloméra¬ tion : les premières sont formées de maisonnettes du genre barracâo , habitées par des gens pauvres mais vivant généralement de leur salaire et parfois propriétaires de leurs lots; elles auraient presque l'aspect de vilas (7), n'était un certain désordre dans la disposition des maisons mal alignées par rapport aux rues pourtant assez larges; les murs de briques crues y sont souvent crépis et blanchis, les toits couverts de tuiles-canal et les fenêtres fermées avec un volet de bois à l'intérieur; il n'y a pas de vitres; le sol est de terre battue, parfois carrelé de bri¬ ques rouges. Quelques maisonnettes ont deux pièces : une chambre, une cuisine-salle à manger-dortoir. Le foyer est construit en briques;

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parfois il y a un réchaud à charbon de bois. Pas d'eau courante et rarement l'électricité. Quelques chaises, surtout des tabourets, autour d'une table rustique. Près du foyer, des étagères avec des boîtes de conserves transformées en casseroles, timbales, tasses. Peu de vérita¬ ble vaisselle. Aux murs, un calendrier, une image de revue illustrée, et presque toujours une gravure sainte avec un rameau ou un ex-voto. Les murs ne touchent pas toujours le toit. On entend distinctement les conversations, les bruits familiers des voisins lorsque leur logis est contigu. Fréquemment les habitants disposent devant leur porte, sur une fenêtre, ou accrochent à un fil de fer des boîtes où poussent des fleurs. Parfois deux ou trois arbres, quelques légumes, des fleurs crois¬ sent en désordre tout près de la demeure. Le sol est mal nivelé, quel¬ quefois dangereusement raviné autour. Le chemin est tosselé et au moment des pluies, plein de flaques d'eau, glissant, boueux. A la saison sèche il est recouvert d'une épaisse couche de poussière qui entre dans les chaussures. Ces favelles sont confortables en comparaison de celles du second type, formées d'une agglomération de misérables cafuas, sortes de cabanes de terre et de tôle et dont les habitants sont communément de pauvres diables vivant de mendicité ou de menus travaux et sommai¬ rement installés en prévision d'un brusque départ. Telles sont les favelles de Pindura Saia et des Urubus. Le logis est incroyablement exigu, souvent sans fenêtre. La porte est un panneau qui se place la nuit dans l'ouverture d'accès. On cuisine devant l'entrée et l'on couche sur des grabats jetés sur le sol. Pas de rues, mais des sentiers tortueux, zigzagants, montant et descendant. On a l'impression en s'y engageant d'être chez les gens. A partir de 1920 et surtout de 1925, les zones occupées par les pre¬ mières favelles de Belo Horizonte durent être évacuées par leurs habi¬ tants, la cité se développant très vite vers le Nord et l'Est. Ainsi naquit l'énorme favelle de Barroca sur la limite Ouest du périmètre urbain. Vinrent la peupler les habitants des anciennes favelles du Alto da Estaçâo et du Leitâo puis de nouveaux immigrants. Mais dès 1930, l'espace qu'elle occupait étant alloti, la favelle de Barroca elle-même commença à se désagréger, à éclater en une série de petites favelles qui s'établirent loin du centre urbain, notamment à Cachoeirinha, sur un espace encore sans valeur, où la construction ne paraissait pas devoir se faire avant longtemps, et le long de la zone industriel riveraine de l'Arrudas. En 1942 enfin un ordre de la mairie enjoignit aux derniers favelados de Barroca d'avoir à quitter les lieux séance tenante; la plupart allèrent aux Marmiteiros. Entre temps étaiert nés les embryons des favelles de Burraco Quente, Pedreira Prado Lopes, Urubus, E. Wernek, Pindura saia, Mendonça... A son tour la favelle

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Fig. 2. — Les principales favelles de Belo-Horizonte. 1. Centre ; 2. Banlieue ; 3. Zone de casebres dispersés ; 4. Favelles : a) jusqu'à 500 personnes; b) de 500 à 1.500 personnes; c) de 1.500 à 2.500 personnes; d) plus de 2.500 personnes. de Gachoeirinha se disloqua, ses éléments allant rejoindre les noyaux des favelles en formations (fig. 2 et 3). L'une des principales favelles est celle de la Pedreira (carrière) Prado Lopes, entre les quartiers suburbains de Lagoinha et de Santo André. Près de 2.000 personnes y vivent sur un terrain municipal. Développée depuis 1945, elle appartient à la catégorie des favelles à allure de vila avec quelques maisonnettes pourvues d'électricité. Une grande partie des favelados travaille, les hommes comme manœuvres, ouvriers et même petits employés (balayeurs, gardiens), les femmes, comme laveuses ou femmes de ménage, serveuses de bars, domesti¬ ques. La favelle est née du voisinage des industries; le terrain d'ail¬ leurs, très accidenté, proche des faubourgs de pauvres de Lagoinha et de Santo André, est peu coté. Cependant l'endroit- n'est pas très éloi¬ gné de la cité (2 km.); il est facile de s'y rendre même à pied si l'on ne veut pas payer l'autobus ou le tramway qui passent tout près. Cette favelle pourrait exceptionnellement devenir une vila et plus tard un quartier ouvrier. La ville a construit à côté une unité d'habitation

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d'édifices à 8 ou 10 étages pour loger les petits fonctionnaires. Cela fait un saisissant contraste qui souligne d'autant plus dans quel état d'abandon se trouvent les favelados (fig. 2). L'Ilha (île) des Urubus est une petite favelle près de l'Arrudas et de l'usine de produits de charcuterie Perrela qui attire en foule les urubus, ces noirs et tristes oiseaux, friands de charogne. Le rio malo¬ dorant où prolifèrent mouches, moustiques et rats roule des eaux chargées d'ordures. L'Ilha des Urubus est un défi à toutes les règles d'hygiène. Environ 2.000 personnes y vivent dans une effroyable misère. C'est la favelle du type le plus bas, le plus lamentable. Mais les fave¬ lados ont découvert là un lieu dédaigné par l'industrie et qui se trouve près de la zone centrale de la ville, à moins d'un kilomètre. L'Ilha s'est développée depuis quatre ou cinq ans à peine. Près du quartier résidentiel récemment bâti de Sâo Lucas s'agrippe depuis peu également la favelle de Pau Comeu. Ce nom est significatif : « La bâton a mangé », c'est-à-dire qu'il y a des bagarres. Ses 1.000 habitants ont édifié des baraques presque convenables à flanc de coteau, au Sud de la ville, sur les premiers contreforts de la Serra do Curral. Son existence est précaire, le terrain appartenant a des particuliers. Un assez grand nombre de soldats de l'armée et de la police s'y sont établis. Leur fonction leur garantira-t-elle un plus long séjour ? C'est peu probable car les lots de la Serra ont de la valeur. Un jour prochain sans doute les favelados seront expulsés par l'arrivée de puissants buldozers chargés de tracer les rues, d'aplanir les mamelons, de combler les petits ravins. Fort pittoresque est Pindura Saia («jupe suspendue ») juchée à l'extrémité sud de l'Avenue Afonso Pena. Il serait facile de peindre sous des couleurs attrayantes ce pâté de cabanes qui s'est formé depuis une dizaines d'années en ce lieu accidenté au flanc septentrional de la Serra. La ville tend à s'étendre vers le Sud, et part à l'assaut de la montagne. Des entreprises telles que le COMITECO ont même tracé des rues et loti le terrain jusqu'aux approches du faîte. Or l'espace occupé par la favelle est à 500 mètres du périmètre urbain. L'on com¬ prend la valeur de ce domaine bien ventilé avec une magnifique vue sur la Serra et sur la ville. Et ce serait presque une favelle sympathi¬ que par la bigarrure de ses cabanes et de son linge qui sèche, n'était la grande pitié de son millier de favelados. La Mairie hésitera-t-elle à priver ces pauvres gens de leur beau point de vue, de la proximité de la cité et d'un habitat relativement sain, ou bien, talonnée par ses besoins d'argent fera-t-elle disparaître à bref délai « Pindura Saia « ? L'ancienne favelle de Pombal («pigeonnier ») est située elle aussi au-delà du quartier résidentiel de la Serra et date de 5 ou 6 ans. Toute petite, elle compte 250 personnes environ; elle s'est, installée sur un terrain municipal tourmenté. Moins bien placée que Pindura Saia

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Fig. 3. — Les principales migrations des favelles autour de Belo-Horizonte. Dates de formation : 1) en 1895: 2) en 1925: 3) en 1930: 4) en 1942. elle stagne. Les Dominicains dont le monastère est proche visitent sou¬ vent cette favelle — et aussi Pindura Saia — , y apportant un peu de réconfort moral et religieux. Quoique peu nombreux les favelados de Pombal ont la réputation d'être des « durs ». La Mairie ayant voulu réglementer -l'hygiène et la voirie de l'endroit, les habitants se sont insurgés et ont pris le nom d 'atrevidos («sans crainte »). Dans quelle mesure sont-ils encouragés à la résistance pour la protection de quel¬ ques députés populistes, les uns convaincus, les autres en quête de voix électorales ? Ne dit-on pas aussi qu'une partie du clergé, outrée par la lenteur des pouvoirs publics à résoudre la question des sanslogis, pousse en sourdine les favelados à occuper le terrain ? Avec ses 2.000 âmes, la favelle de Mendonça est située aux confins de Carmo. Elle s'est formée, avec sa voisine du Buraco Quente (Trou chaud) du Sud qui groupe aussi 2.000 personnes, il y a une dizaine d'années. La première occupe un espace appartenant à des particuliers; la deuxième est sur un terrain municipal. Le département d'Assistance et Santé de la Mairie tente de reclasser les occupants en leur procu¬ rant du travail. Ces favelles disparaîtront assez rapidement, rune

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parce que les propriétaires vont allotir, l'autre parce que la munici¬ palité est décidée à créer une vila sur l'emplacement qui lui appartient. La favelle de l'Universidade, à la Barroca, avait recueilli le reli¬ quat des expulsés de Gameleira, en 1942. Elle est en voie de dispari¬ tion, le quartier de Barroca étant en pleine fièvre de construction. Des demeures cossues de commerçants syriens, libanais et israélites rem¬ placent les cafuas. Leurs habitants vont à 9 km. plus à l'Ouest, grossir la favelle de Mata de Lenha (Forêt à bois) qui constitue déjà une agglo¬ mération de près de 3.000 favelados, de type mixte sur un domaine encore peu valorisé. A Horto Florestal, le long des voies ferrées R.M.V. (Réseau ferré du Minas) et Central existent d'une part « Faz quem quer » («on y fait ce qui plait »), favelle installée à côté des entrepôts et des voies de triage (on trouve là beaucoup d'espaces non bâtis de peu de valeur) et d'autre part « Edgard Werneck » édifiée sur une propriété du Che¬ min de fer Central. La première est fort misérable. Ses 3.000 occupants sont en augmentation. Là vivent en grand nombre des immigrants du sertâo (ils arrivèrent surtout en 1951). La deuxième, de type mixte, a les apparences d'une vila. Le désordre des constructions cependant empêchera sa stabilisation, d'autant plus que le plan des voies publi¬ ques n'a pas été respecté, des barracoes étant placés en pleine rue. Ces deux favelles ont l'avantage d'être à proximité du dépôt des machines et des installations ferroviaires, ce qui occupe bon nombre de leurs 6.500 habitants. Telles sont les favelles les plus considérables de la capitale du Minas. Elles naissent, grandissent, disparaissent. Ce monde des favela¬ dos est mouvant, instable; il se renouvelle toujours; la grande ville ne parvient pas à l'absorber... La favelle des Marmiteiros . Le site. Depuis 1942, une population très hétérogène s'est concentrée à Sâo Vicente, au-delà du faubourg de Gameleira, à mi-chemin entre la ville et la Cité Industrielle. Ce sont les Marmiteiros (8) (fig. 2 et 4). Vu d'avion, l'ensemble de la favelle s'étend principalement sur la rive gauche de l'Arrudas, un groupe de constructions étant établi sur la rive droite; le long de la rivière, en aval, s'étire un double chapelet de case b res (9). La grosse masse de la rive gauche est limitée par l'Ar¬ rudas au Sud et par une ancienne boucle du même pours d'eau dont les molles sinuosités vont buter contre les collines du versant nord du bassin. Son contour est marqué par une végétation plus touffue, plus verte, avec par place des lagunes. Un ruisseau coupe cette anse marmite (9S(81 Caseforc. Mârmiteiro, avec son misérable repas ouvrier decabane manœuvre midi; d'aspect par extension, qui rustique, habiteouvrier loin à une demodeste. pièce. son chantier et emporte une

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de l'Ouest à l'Est pour aller rejoindre l'Arrudas *au point de raccord de l'ancienne boucle avec le nouveau lit canalisé. Ainsi la favelle de rive gauche se trouve divisée en deux parties : une zone triangulaire à l'Ouest, une aire en forme de casque à l'Est. Des obstacles naturels ont commandé le tracé des principales voies de communications. Il n'y a rien d'étonnant à cela puisque la favelle est née au petit bonheur sans qu'aucun plan ait réglementé son déve¬ loppement. Toutefois, il existe un embryon de voirie. Des rues droites à peu près uniformément de la même largeur s'organisent en un réseau suffisamment dense pour que tous les quartiers soient à peu près bien desservis. Il semble que les habitants, à mesure qu'ils s'éta¬ blissaient, aient respecté spontanément le système des communica¬ tions élémentaires mais pratiques qui s'est imposé dès le début. Contrairement à ce qu'on voit généralement, la favelle de Marmiteiros s'est fixée dans un site de plaine, négligeant les morros avoisinants (fig. 4, 5 et G). Elle paraît solidement implantée dans l'ensem¬ ble des hauteurs et, vue de 200 mètres d'altitude on dirait un bourg aux rues mal tracées, aux maisons semées en désordre, auquel il man¬ querait une place centrale, une église, une halle; un gros village curieu¬ sement misérable et dont l'école neuve et d'aspect moderne aurait été construite en bordure, on ne sait pourquoi. Les lots, irréguliers, sont délimités par du fir de fer, des haies vives ou des palissades à clairevoie. Cloisonnement imprévu dans une favelle : en général, en ce genre d'agglomération, les constructions sont disposées en désordre, sans séparation visible entre les familles. Ici les rues sont bien mar¬ quées ainsi que les « propriétés ». Les logements sont assez divers d'aspect, depuis le type barracâo, case de deux ou trois pièces, jusqu'à la cafûa faite d'un seule pièce misérable. Une humble chapelle domine cet amas de constructions lépreuses et hétéroclites. Partout grouillent des enfants mal vêtus, tous pieds nus et souvent dévêtus complète¬ ment-, sales, souffreteux, les cheveux hirsutes. Des chiens, des chèvres, un peu partout. Le site occupé par les Marmiteiros est médiocre pour diverses rai¬ sons : c'est un bas-fond en partie marécageux, infesté de moustiques et de schistosomose. L'eau des puits est mal filtrée par un gravier grossier qui ne retient pas toujours les germes de maladies et à tra¬ vers lequel s'écoulent trop facilement les liquides des fosses d'aisance. Le sol n'est pas fertile : il se compose de sables, de graviers, d'argiles sableuses. Les légumes qu'on peut y cultiver n'ont pas une bonne teneur en sels minéraux. Par contre, la varzea (10) est bien ensoleillée du levant au couchant, les collines environnantes ne dépassant pas 900 mètres, soit une cinquantaine de mètres au-dessus de la plaine, qui se trouve dégagée sur près d'un kilomètre du Nord au Sud et de 2 km. (10) Varzea. plaine alluviale

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E3 3 LS Fig. 4. — Situation de la favelle des Marmiteiros dans la vallée de l'Arrudas. de 1) Courbes la favellede; 5) niveau; Zone 2)construite Ancien lit dans de lal'Arrudas; favelle. 3) Chemin de fer; 4) Rues de l'Ouest à l'Est. La ventilation est assez bonne, les couloirs de l'Arru¬ das, et du Séminario favorisant le renouvellement des masses d'air un peu surchauffées entre 10 et 16 heures. Par un ensellement situé entre l'aéroport de Carlos Prates et. la Vila Bela Vista pénètrent les vents dominants du Nord-Est. Le sorr la fraîcheur est sensible; elle est accrue par les petites brises locales descendants des hauteurs voisines. Les terrains plats sont propices à l'établissement d'une agglomération

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avec rues droites qu'il est facile d'empierrer avec les graviers laissés par l' Arrudas et le Tijuco. L'argile est abondante ce qui facilite la fabrication des toriques de terre crue d'un usage si répandu et d'fan emploi si aisé. Pour des favelados, les Marmiteiros ne sont pas sans attraits. La formation des Marmiteiros . Deux causes essentielles sont à l'origine de cette favelle l'exode rural lié à la situation trop souvent lamentable du paysan au Minas, circonstance commune à toutes les favelles; et, plus directement, une mesure prise par les autorités municipales en vue d'étendre l'aire urbaine résidentielle. En 1942, la municipalité décida de supprimer une importante favelle qui existait à l'Ouest de la ville, sise en pleine zone urbaine et à l'intérieur du périmètre central au lieu dit Barroca-Santo Agostinho. Là, sur des terrains élevés mais assez plats, Juifs, Syriens et Libanais acquirent des lots dont le prix s'accrut d'une manière stu¬ péfiante, un terrain pour une maison se vendant environ 15.000 cru¬ zeiros en 1930, 80.000 en 1940 et 150.000 en 1950. De plus la municipa¬ lité y possédait un assez vaste périmètre dont le plan d'urbanisation n'avait pas encore été mis à exécution. De l'effort conjugué des pou¬ voirs publics et des propriétaires de lots vint la décision en 1942 d'obli¬ ger les favelados de Barroca à s'installer ailleurs. Une résistance orga¬ nisée des habitants de la favelle était d'autant plus à craindre qu'on ne savait où les envoyer, mais une circonstance très particulière réso¬ lut la question : près du lointain faubourg de Gameleira, h l'Ouest de Belo Horizonte, des travaux furent entrepris afin de réduire une boucle du rio Arrudas et lotir les terrains mis ainsi à l'abri de l'inon¬ dation. Une avenue appelée Teresa Gristina devait suivre le nouveau tracé de la rivière canalisée pour doubler l'Avenue Amazonas en pré¬ vision de l'intense trafic que ne manquerait pas de produire le déve¬ loppement de la Cité Industrielle de Belo Horizonte. Un grand nombre de manœuvres, terrassiers, gens sans métier souvent, fut concentré sur ce point. Beaucoup ne pouvant résider en ville, ou payer un loyer, édifièrent des barracôes sur le chantier, avec l'autorisation des pou¬ voirs publics qui escomptaient leur démolition après la fin des i,Vavaux. Ainsi naquit un important noyau de cabanes où les terrassiers logeaient leur famille. Mais bientôt l'ordre fut donné aux derniers favelados de Barroca d'évacuer leur zone; un fonctionnaire de la Mairie leur suggéra, paraît-il, l'idée de s'établir près de l'agglomération des (( marmiteiros » terrassiers. On mit des camions à leur disposition pour transporter leurs maigres avoirs et même les matériaux de leurs càsebres. En moins d'un mois s'érigea une agglomération de près de 2.000 âmes. La favelle dés Marmiteiros était fondée.. Par la suite vin¬ rent s'y adjoindre des nouveaux venus de l'intérieur du Minas.

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Les casebres se répandirent non seulement sur les terrains munici¬ paux, le long de l'Arrudas, sur la future avenue, mais encore sur les espaces privés voisins, et cela d'autant plus facilement que leur éta¬ blissement se fit très vite — il faut à peine deux jours pour édifier une cafûa — et à l'insu des propriétaires. Une grande partie des terrains occupés était d'ailleurs l'objet de litiges, une décision judiciaire devant en désigner les héritiers. Dans ces conditions aucune opposition à l'ex¬ tension de la favelle ne se produisit. Celle-ci fut ce que la législation brésilienne appelle une « posse mansa e tranquila », ce qui veut dire une appropriation des terres sans violence et sans protestation. Cela encouragea certainement un grand nombre de favelados mal logés ou menacés d'expulsion d'autres terrains à venir se joindre aux marmiteiros. Beaucoup de ces favelados entourèrent leur lopin de terre, d'une haie, d'une palissade ou de fil de fer barbelé. Quelques-uns, plus har¬ dis, clôturèrent des lots plus importants : ils inauguraient en ce lieu un système de possession fondé sur le droit du plus entreprenant ou du plus débrouillard. D'autres, en petit nombre, ne songèrent même P4S à marquer les limites de leur lot : c'étaient les futurs parias de cette nouvelle « cité ». Disons aussi que parmi les raisons qu'avaient les posseiros d'enclore leur terrain venaient en premier lieu les assu¬ rances plus ou moins autorisées de fonctionnaires municipaux qui don¬ naient à penser que les favelados ne seraient plus inquiétés. Or, au bout de quelques années, quelques propriétaires résolurent de prendre possession de leur bien pour pouvoir en disposer en vue d'une vente où d'une spéculation : alors se produisirent, non sans difficultés les premières expulsions. La propriété de l'espace occupé par les favelados est principale¬ ment revendiquée par quatre personnes ou entités : une société de vente de biens immeubles (Empresa Mineira de Torrenos) possédant la majeure partie des lots (la moitié Est de l'Ilha, le Triangle); un par¬ ticulier (ayant l'autre moitié de l'Ilha et la rive droite); la Municipalité (le long de l'Arrudas, le couloir réservé à l'avenue Teresa Cristina) l'Etat, enfin, possesseur de terrains sur la rive gauche de l'Arrudas (fig. 6). Ainsi les favelados se trouvent aux prises avec les propriétaires privés, avec la Municipalité désireuse de poursuivre un plan d'urba¬ nisation harmonieux et avec l'Etat soucieux de réserver ses terrains à des fins d'intérêt « national ». Une grande partie des lots est reven¬ diquée par l'Empresa Mineira de Terrenos (210 lots) : ce fut cette entreprise qui commença l'action judiciaire. Un des principaux pro¬ priétaires qui revendiquait 90 lots cita en justice deux des favelados les mieux établis, eut gain de cause et pu commencer la récupération de ses terres.

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L'ensemble de la favelle paraît loti à cause des clôtures qui iso¬ lent de la rue et des voisins la plupart des barracôes. 510 de ces mai¬ sonnettes occupent une aire de 120.000 m2, environ, soit moins de 240 m2, pour chacune d'elles, ce qui est peu. Chacun des lopins de terre est une « posse » qui, au bout de dix ans dans les campagnes, et trente ans dans les villes, peut être transformée en propriété s'il n'y a pas eu de réclamation de la part d'un possesseur légal. (Loi fédérale de 1946) : c'est ce qui a poussé les Marmiteiros à clôturer leurs petits domaines; ils espéraient en devenir réellement propriétaires. D'où leur consternation et leur mouvement de révolte quand leur fut communi¬ qué récemment le jugement les déboutant de leur prétention à toute propriété. L'habitat aux Marmiteiros. Chaque secteur de la favelle a sa physionomie. L'Ilha, le Triangle ont un esprit de village. Une chapelle, un poste médical, un corps de garde et un certain nombre de butecos (11) se situent dans ce secteur et contribuent à accentuer cette impression. Une école a été construite récemment, rive gauche : là ne vont que les enfants de l'Ilha et du Triangle. Les gens de la rive droite ne veulent pas être confondus avec ceux de ces derniers quartiers; ils fréquentent les églises et les écoles de Calafate et de Gameleira; quand une décision est prise par l'A.D.C. (Associaçâo de Defesa Coletiva) qui groupe les Marmiteiros en une sorte de syndicat, souvent, paraît-il, la rive droite se signale par son indisci¬ pline. C'est là qu'ont été récupérés le plus de lots par les propriétaires, alors que l'Ilha et le Triangle ont résisté aux offres d'achat et aux menaces. Il est, dans l'Ilha notamment, des demeures presque bourgeoises dotées de jardins bien tenus où le haricot grimpe autour des tiges de maïs, où s'alignent correctement choux, tomates, piments, citrouilles, bananiers. Mais la plupart des logements sont pauvres et misérables. Tel ce casebre de la rue Flor de Maio. Une petite femme nodreaude, délurée, aux yeux bridés vifs, aux cheveux très noirs, longs et lisses nous y invite. Une clôture faite de minces piquets fichés dans le sol' et qui s'étoffent- de tiges de haricots isole l'habitation de la rue. Deux salles séparées par une cloison. Les tuiles du toit sont apparentes, sim¬ plement posées sur un croisillon lâche de bâtons. La première pièce mesure 3 mètres sur 3 m. 50 et la seconde est à peu près carrée sur 3 m. 50 de côté. Dans un coin de la salle d'entrée trône un fourneau à deux foyers, fait de briques crues. La fumée s'échappe par une che¬ minée étroite de terre séchée. Deux tables, deux escabeaux, un coffre bas, sont le seul mobilier. Par terre, un mortier en bois pôur écraser lë café torréfié et, à côté, le pilon. Du café vert dans un pot de cham(11) Buteco, minuscule boutique.

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Fig. 6. — Les divers secteurs de la favelle des Marmiteiros. 1) Limite des secteurs; 2) Limite des propriétés (le nom du propriétaire est indiqué entre parenthèses et en italique) ; 3) Zone récupérée par les propriétaires ; 4) Chemin de fer. — Sur la carte : 1) puits artésien ; 2) poste médical ; 3) chapelle ; 4) poste• de police.

(12) Sapé, cliauœe; parfois, chaume et boue.

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bre. De l'eau dans une boîte à graisse cubique; on la puise à une source à 500 mètres de là. Dans la deuxième pièce, une armoire écaillée et trois peautres composent tout l'ameublement. Sur l'un des grabats dorment, paraît-il, cinq personnes. Le barracâo a été construit par son mari et/par. elle-même, nous dit cette femme. Il n'y a pas de puits et pas même de fosse d'aisance dans le jardin. A part les tuiles, le 'bois des portes et des volets, le matériau a été pris sur place. C'est de l'argile alluviale que l'on façonne en petites briques de 20 cm. x 10 cm. x 5 cm. et que l'on fait sécher. Plus du tiers des masures sont en briques; le reste est en terre mêlée de brin¬ dilles agglomérées. Les murs se font souvent sans pièces de bois. Par¬ fois, la charpente comporte des poutrelles. Fréquemment de simples bâtons soutiennent les tuiles. Une vingtaine de cabanes sont couvertes de sapé (12). Les cheminées sont rares. Les murs crépis à la chaux sont l'exception; très fissuré, le torchis est un terrain d'élection pour le .

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barbeïro (13). Pas de vitres aux fenêtres. A l'intérieur, le sol' est par fois fait de briques, ou cimenté, mais plus souvent on foule la terre battue. L'ameublement, est toujours très rustique : table grossière, bancs, tabourets, grabats pour trois ou quatre personnes chacun. Ajou¬ tons le fourneau souvent construit trop petit pour une nombreuse famille et le lampion à pétrole sans verre de tirage. Quant à la (batte¬ rie de cuisine, elle révèle l'ingéniosité besogneuse des usagers : boîtes de conserves, d'huile automobile, bidons de toute provenance soudés ou seulement sertis, servent de casserole, de bol, de timbale. Peu de cuillers et fourchettes, sauf pour cuisiner. On mange avec les doigts. Dans ce fond alluvial, les puits devraient suppléer sans trop de peine au manque d'eau potable courante et fournir une eau propre pour la lessive et les soins corporels. En effet, le rio Arrudas et le ruisseau du Séminario sont pollués par la vase et les déjections humaines. La moi¬ tié des maisons ont leur puits mais l'eau n'en est pas très pure car les « posses » sont exiguës et les fosses d'aisance sont peu éloignées. Cette eau ne devrait servir qu'au lavage et à l'arrosage des jardinets* Et pourtant tous les favelados la boivent. Gomment procéder autrement ? Les citernes exigent un appareillage trop coûteux et de même les puits reviennent trop cher lorsqu'il faut — ce qui est fréquent — les creuser à plus de huit mètres. Pour les mêmes raisons, les bâtiments publics sont modestes. L'église bâtie en 1949 par les favelados est une sorte de grange prolon¬ gée sur le côté par un préau. A l'extrémité de celui-ci se dresse une baraque de petites dimensions avec une table, deux bancs, deux chaises et quelques étagères où s'alignent des flacons et des boîtes de remèdes : c'est le poste médical. L'école construite en bois est assez bien amé¬ nagée, mais beaucoup trop petite. La population des Marmiteiros . Nous évaluons la population de la favelle des Marmiteiros à 2.650 personnes, ce qui donne une moyenne de cinq habitants par logement, comme dans les favelles de Rio. Sur ce total, 1.300 sont des enfants de moins de 15 ans et 2.000 sont des mineurs. Comme dans la plupart des milieux pauvres, les familles sont prolifiques. Rien d'anormal en ce qui concerne le nombre des femmes et celui des hommes; ils sont à peu près équivalents. La densité moyenne est de 220 habitants à l'hectare, la plus forte — 325 — s'enregistrant dans le Triangle. Les autres secteurs comptent : l'Ilha 218, la Rive droite 182 habitants à l'hectare. La population des divers secteurs : 1.090 dans l'Ilha, 650 dans le Triangle, 730 dans la Rive droite, 180 Rive gauche, forme donc une agglomération des plus ressemble (13) Barbeiro, à une punaise. Triatotna maculata, qui dans les cabanes propage la maladie de Ghagas

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serrées. En dépit d'une mortalité infantile trop souvent catastrophique, le nombre d'enfants de 0 à 1 an est de 74 pour mille, contre 25 pour mille à Belo Horizonte. La mortalité est surtout élevée chez les enfants de moins de 5 ans; elle atteint le taux effrayant de 300 pour mille, beaucoup plus élevé que dans le Minas (58,57 pour mille en moyenne) ou à Belo-Horizonte (48,56 pour mille en moyenne). A partir de 40 ans beaucoup de femmes épuisées, sous-alimentées, anémiées par de nom¬ breuses maternités disparaissent. Peu de favelados passent les 60 ans. -Comme dans la plupart des favelles, il n'y a pas de vieillards chez les Marmiteiros. Une enquête sur le pays d'origine des favelados fait apparaître une zone d'immigration lointaine : Sâo Domingos do Prata, Garmo de Paranaiba, Congonhas, Curvelo, Montes Claros, Guanhâes, Pitangui, Passa Tempo, Esmeraldas, Conceiçâo do Serro, Lagoa Dorada, Ponte Nova, Viçosa, qui appartiennent au sertâo. Parmi les lieux d'ori¬ gine, plus proches, on note : Itabira, Betim, Itauna, Contagem, Monlevade, Nova Lima, Sete Lagoas, Pedro Leopoldo. Reportés sur la carte tous ces noms s'inscrivent dans un éventail qui s'ouvre au Nord de Belo-Horizonte (fig. 1).' C'est encore la région la plus pauvre, la moins évoluée, alors que, au Sud, la mata, plus anciennement humanisée, surtout le pays de l'or, a fourni moins d'immigrants aux Marmiteiros. La plupart des favelados ne disent-ils pas qu'ils sont venus à BeloHorizonte pour améliorer leur situation, trouver du travail, se soi¬ gner ? Pour quels motifs s'est fixé à Sâo Vicente le « propriétaire » de cette humble maisonnette d'aspect assez agréable qui se situe dans la boucle de « l'Ilha » ? Elle est bordée d'un petit champ de canne à sucre; des haricots grimpent le long des tiges d'un maïs vigoureux; dans un enclos on compte 5 ou 6 porcs. L'homme, un caboclo, a acheté ce barracâo pour trois mille cruzeiros en 1948 et il a mis en valeur le ierrain. C'est un paysan venu de la région d'Itabira de Mato Dentro où il faisait dans des conditions précaires de la culture sur brûlis pour le. compte d'un fazendeiro. Il a eu onze enfants; quatre sont morts de verminose et- la mère s'est éteinte, minée par le même mal; là-bas, point de médecin ni de pharmacien; pour remèdes, des simples. Aux Marmiteiros, on peut au moins se faire Soigner et acheter l'indispen¬ sable. Notre favelado gagne 900 cruzeiros comme garde de nuit. Les malheurs n'ont pas abattu ce paysan. Il s'est refait dans la favelle un petit habitat campagnard et toute sa « posse » est marquée d'une forte empreinte rurale. N'ayant pas l'électricité, il s'éclaire au pétrole. Point n'est question pour lui de revenir dans la roça où il manquait de tout. Si à peu près 45 % des Marmiteiros sont venus de l'intérieur du Minas depuis plus de dix ans, 25 % sont arrivés depuis 5 à 10 ans, et 25 % depuis moins de 5 ans. Cela signifie que presque la moitié des

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Marmiteiros étaient des immigrants déjà établis dans d'autres tavel¬ les, principalement dans celle de Barroca avant de se fixer à Sâo Vicente. Comme dans la majorité des tavelles, dans celle des Marmiteiros se voit le plus inextricable mélange des races blanche, noire et amérin¬ dienne. £0 % des Marmiteiros sont des métis de toutes nuances, d'au¬ cuns avec des traits européens, d'autres avec des aspects nègres accu¬ sés, beaucoup avec des caractères indiens très nets. Les enfants nés de couples de race différente se divisent en deux catégories : ceux des femmes de barriga limpa (au ventre propre) qui ont la peau claire, ceux des femmes de barriga suja (ventre sale\ à la peau foncée. Parmi les pardos (à la peau marron) se voient des mulatos, foncés, négroïdes, des morenos escuros et claros (métis aux traits européens), des morenos de olhos ver des (aux yeux verts, charme supplémentaire). Dans toutes ces classifications joue davantage l'intensité de la pigmentation que la forme du visage; ou encore l'aspect des cheveux : la toison nègre, courte et crépue, est une disgrâce; la chevelure annelée est bien vue; mais ce sont les cheveux raides et 'blonds qui soulèvent l'admiration et l'envie. 5 % seulement des favelados de Sâo Vicente sont des Nègres purs. D'ailleurs, la notion de negro est ici toute relative comme toujours dans l'intérieur, car « l'argent blanchit » : un Nègre riche est branco. Le favelado est humilié d'être un nègre, mais, par réaction, il affecte une certaine morgue. Cependant il recherche une cabrocha (jeune fille peu métissée) et s'il le peut une blanche. Nous avons trouvé parmi les Marmiteiros quelques types d'Indiens à peu près purs bien qu'ils soient plutôt rares (peut-être 3 %\ Une petite femme aux traits amérindiens bien nets : yeux obliques et som¬ bres, cheveux noirs, longs et lisses, pommettes saillantes, hanches étroites et taille épaisse, est originaire du Rio Doce. Ses grands-parents, dit-elle, « mangeaient des hommes » et « f tirent pris au' lasso ». Avoir des traits indiens ne confère aucun prestige parmi les favelados. Au contraire : l'Indien est considéré comme peu intelligent, taciturne, indolent. On n'admire que ses cheveux. Par contre, le caboclo — métis de blanc et d'indien — est assez haut placé dans la hiérarchie raciale. Il en a conscience et d'ordinaire son petit enclos est bien tenu. 2 % de la population à peine est absolument blanche; il est peu fréquent de trouver dans les classes très pauvres des Blancs purs, mais il y a partout au Brésil quelques descendants d'Européens qui sont tombés au bas de l'échelle sociale. Le racisme, chez les favelados, est fort atténué, inoffensif le plus souvent comme celui de la plupart des Brésiliens. Il ne comporte ni répugnance ni mépris. On préfère la peau blanche,, les cheveux longs et lisses et c'est tout. Les véritables pré-

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jugés raciaux, qui sont aussi sociaux, ne prennent de l'importance qu'au sein de la bourgeoisie. Cependant, la misère crée dans les tavelles un climat de hargne et de disputes. L'homme est las de vivre dans une cahute inconfortable, de subvenir difficilement à la subsistance d'enfants en mauvaise santé, d'une femme enlaidie prématurément; beaucoup quittent leur famille: Parfois aussi c'est la femme qui provoque la désunion; jeune et encore jolie, elle n'a pas de mal à trouver un bourgeois qui la courtise lors¬ qu'elle se rend en ville. Nous ne voulons cependant pas donner l'im¬ pression que la plupart des favelados mariés ou en concubinage se conduisent mal. La majorité d'entre eux vit dignement; aux Marmiteiros 50 % des unions sont des mariages réguliers — contre 20 % poul¬ ies favelados de Rio. C'est que parmi les Marmiteiros il y a beaucoup de gens venus du sertâo où l'on est d'ordinaire respectueux des conve¬ nances religieuses. Les niveaux de vie aux Marmiteiros. L'examen des professions chez les habitants de Sâo Vicente révèle qu'ils exercent de petits métiers, ou qu'ils sont ouvriers et principale¬ ment manoeuvres. Les hommes sont pedreiros (aide-maçons ou maçons), hiscateiros (hommes de peine), puisatiers, balayeurs, ouvriers d'une fabrique de tuiles ou de briques, jardiniers colporteurs, laveurs d'auto, employés de garage, soldats de métier, gardiens, policiers. Les fem¬ mes sont domestiques à la journée, laveuses... Mais bon nombre d'hom¬ mes restent à la favelle jouant aux cartes et buvant. Ce sont parfois des malades, souvent aussi des fainéants, vendeurs de billets de lote¬ rie, souteneurs, éléments douteux qui attirent le mépris sur les favelles. L'on peut affirmer que un cinquième des hommes sont sans emploi. Une vingtaine de petits commerçants, vendeurs de boissons, de comes¬ tibles, d'objets de première nécessité, épiciers-cabaretiers qui entas¬ sent leur maigre stock de marchandises derrière un minuscule comp¬ toir rustique, ont monté des butecos de 7 ou 8 m2. Bien entendu, il faut mentionner les professions galantes exercées plus ou moins discrètement par des femmes et des jeunes filles qui font des passades en ville, et par un groupe d'une trentaine de mulheres groupées, rive gauche, dans d'inf&ctes cabanes de la zona boemia. Toutes les maladies vénériennes et à tous les degrés sont représentées dans cette zone; les femmes n'y sont soumises à aucun contrôle, et il n'y a pas de visite médicale. Les salaires des ouvriers sont en majorité inférieurs à 1.000 cruzei¬ ros, 900 cruzeiros, salaire minimum légal, étant ce que gagne en moyenne le Marmiteiro. C'est trop peu pour assurer convenablement l'entretien d'une grande famille. Toutefois quelques favelados sont assez bien payés pour ne pas être contraints de rester dans la favelle, du moins comme locataires. De fait, les Marmiteiros qui gagnent assez

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bien leur vie sont des posseiros nourrissant l'espoir de devenir défini¬ tivement propriétaires de leur terrain. Nos Marmiteiros sont en moyenne mieux partagés que les favelados de Leblon à Rio de Janeiro où chaque membre de la case ne dis¬ pose guère que de 100 cruzeiros en moyenne par mois. Cependant ils sont généralement sous-alimentés et mal nourris. Tous ces visages émaciés, ratatinés, témoignent d'une nourriture trop mesurée, peu riche en matières azotées et phosphorées, en vitamines. Déformations physiques, osseuses, caries dentaires, maladies de peau sont fréquen¬ tes. Beaucoup d'enfants sont rachitiques, peu résistants. Les repas sont toujours les mêmes : riz, haricots, fubâ (14), le tout en petite quantité. Les légumes et la viande coûtent trop cher. Par contre, l'eau-de-vie, la bière ou même le vin de qualité inférieure ne manquent pas non plus que le tabac. Et il est assez d'oisifs et de pauvres diaJbles qui se privent pour en acheter. C'est d'ailleurs quand on examine l'état de santé des Marmiteiros que l'on comprend le plus clairement le drame des favelles. Il faut circuler dans les ruelles, voir cette marmaille aux yeux purulents, poursuivant le prêtre qui passe pour lui demander un santinho (15), il faut s'être intéressé aux enfants impotents assis en tailleur par terre ou sur une table, le ventre dilaté, immobiles, pour concevoir la détresse des petits favelados. Dans l'eau sale de l'Arrudas et du Corrego do Seminario, dans les marécages entourant l'Ilha, pataugent femmes, enfants et pêcheurs de fretin. Les femmes lavent des guenilles, cou¬ pent des joncs pour faire des nattes ou arrachent la bourre des roseaux pour en remplir des coussins. Mais la terrible Schistosoma mansoni pullule dans la vase. Le médecin des Marmiteiros nous signalait plus de 500 malades avec fiche. Et combien, disait-il, ne viennent pas à la consultation, et préfèrent les guérisseurs ! Parmi les affections graves, la verminose est à peu près générale. C'est elle qui gonfle le ventre des enfants. Presque tous les favelados sont plus ou moins atteints de schistosomose (douve hépatique). Les affections amibiennes, causées par la Giardia intestinalis , les Endamoeba coli et histolitica , abondent. Les enfants sont fréquemment porteurs de métazoaires tels que le Triapholus dispar. Dues au mauvais régime alimentaire, au système du mingau (16) imposé à des bébés sevrés trop tôt, les dysenteries sont très répandues. Toutes sortes de dermatoses répandues par le manque d'hygiène et la promiscuité atteignent surtout l'enfance : eczémas, prodermites, impe¬ tigo, scabioses... Les yeux sont affectés de blépharites. On ne signale cependant aucun cas de lèpre. Contrairement à ce que l'on attendrait, assez peu de cas de tuber¬ culose ont été constatés par le médecin. Il est vrai que tous les enfants (14) Mingau, {15) (16) Fuba, Santinho, ïarine farine petite grossière destatue maïs de et de eau. maïs. saint.

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ont été vaccinés au B.C. G.. Mais pneumonies et grippes sont fréquen¬ tes et se répandent rapidement en raison de l'état sanitaire général, mais aussi à cause du changement sensible de température qui se pro¬ duit entre la fin de journée quand le soleil a surchauffé la favelle au fond de sa cuvette, et le début de la nuit quand se répand la fraîcheur des ibas-fonds humides. La syphilis, surtout l'hérédo-syphilis, atteignait hier encore 80 % de la population. Mais grâce aux puissants antibiotiques actuels, elle est en régression. Les exemples de graves lésions se font de plus ien plus rares. A tous les âges, la mortalité est considérable mais elle sévit par¬ ticulièrement, nous l'avons indiqué, chez les enfants que la misère, les privations, le manque d'hygiène et un régime alimentaire déséqui¬ libré rendent sensibles à toutes les endémies. Il s'opère chez eux une sévère sélection. Fréquemment l'on rencontre des familles ayant perdu 5 ou 6 enfants sur 10, victimes de maladies mal définies. Ceux qui survivent sont par contre assez résistants en dépit de leur aspect souf¬ freteux et des tares héritées ou acquises. Traditions et croyances aux Marmiteiros. La mentalité de la population n'est pas subversive, comme pour¬ rait le faire supposer son état misérable. L'on retrouve chezi les fave¬ lados la résignation et le calme de l'Indien, l'insouciance et le fata¬ lisme du Noir. Leur indifférence apparente est de temps en temps secouée par une explosion de gaieté, au Carnaval et au moment des îêtes religieuses. (Corpus Christi, Noël, Saint-Jean, Congados) ou civi¬ les (7 septembre, jour de l'Indépendance, 1er de l'an). Tous les dimanches, de 11 à 13 heures, a lieu dans la chapelle une réunion où l'on discute des divers problèmes juridiques et sociaux intéressant la favelle. Les Marmiteiros sont en majorité travaillistes. Ils étaient très attachés à Getulio Vargas, l'auteur des lois favorisant les travailleurs urbains. Toutefois, sensibles aux promesses, ils élisent ingénuement les candidats qui prennent le plus d'engagements avec eux. Des militants communistes organisèrent en, 1948 un comité indé¬ pendant pour pousser les favelados à la résistance contre les menaces des propriétaires de terrain, même par la violence. Un prêtre trans¬ forma alors ce comité, vcué à l'échec par le discrédit des communis¬ tes, en Société de Saint-Vincent et en Associaçâo de Defesa Coletiva (AD G) dont le but était de résister légalement et par la non-violenc-e. Le catholicisme est la re-igion la plus répandue; les trois quarts des favelados sont baptisés à l'église mais leur ferveur est modérée. Une centaine seulement constitue un noyau de fidèles assidus à la messe dominicale. Les sectes protestantes n'ont qu'une douzaine d'adeptes. Les services des statistiques de la mairie ont relevé une centaine d' « athées », en fait ces derniers sont le plus souvent superstitieux et

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croient en de multiples forces et à diverses divinités, parmi lesquelles se détache fréquemment un saint catholique. Quant au spiritisme et à la magie, presque tous les favelados, catholiques ou non, conservent une certaine crainte des pratiques secrètes surtout de celles du bas spiritisme mêlé de macumba (moambo). Le fonds superstitieux des Marmiteiros est attesté dans bien des casebres par toute une curieuse exposition de fioles, coquilles d'oeufs, cor¬ nes de vaches, sur des piquets ou à . même la terre, tous objets destinés à se prémunir contre le mauvais œil qui dessèche les plantes et apporte la malchance. Il y a quatre ans existaient une quinzaine de centres de moambos. Actuellement ce nombre paraît avoir diminué à cause de la venue régulière d'un prêtre. Comme dans les séances d'envoû¬ tement, au cours des moambos, est évoquée une série de puissances malfaisantes ou bienveillantes. Les guérisseurs disent des prières, font des. incantations autour des malades. D'un flacon sont jetées des goû¬ tes d'un liquide magique sur la tête des patients; des signes mystérieux accompagnent cette aspersion. Il est bon, pour éviter la maladie de porter un brin de rue sur l'oreille, dans les cheveux. Maintes fois, les moambos ont servi à l'assouvissement d'une, vengeance, comme ce fut le cas de telle cérémonie dirigée contre le propriétaire des terrains, sa famille, ses descendants, ses amis; deux crapauds furent tués; on enferma les noms des « victimes » condamnées dans leur gueule cou¬ sue ensuite, le tout étant placé dans des bières en miniature et jeté dans l'Arrudas. Dans ces croyances et dans ces pratiques revivent peut-être des restes des traditions indiennes. Botocudos et Puris du Rio Doce, nous le savons, s'exterminaient justement à cause de la conviction qu'ils avaient que lorsque l'un d'entre eux mourait, c'était par suite d'un mauvais sort jeté par la tribu adverse. Mais il se peut aussi que bien des superstitions aient leur origine en Europe (Portu¬ gal) ou en Afrique. Gomme Charles Wegley, nous avons constaté que chez les caboclos de l'intérieur brésilien, le culte des saints et de Marie est forte¬ ment ancré. Il s'y ajoute non seulement des pratiques spirites mais encore des dévotions à des « saints « indiens (Tapuya, Tupsnamba), des divinités africaines (Xango, Omulu, Ogun) auxquelles correspon¬ dent des saints catholiques : Sainte Barbe, Saint-Roch, Saint-Antoine qui se font entendre par la voix des possédés. Tout cela revit dans les pratiques occultes des favelados. Au cours des terreiros (macumbas ou moamibos\ les rezadores (prieursv cherchent souvent à supprimer l'in¬ fluence maléfique de ceux qui la détiennent involontairement et peu¬ vent faire mourir un enfant en le regardant; ces « possédés » sont même si persuadés de leur pouvoir qu'ils marchent les yeux baissés. Combien ces croyances rappellent celles des Indiens et des Noirs ! Les filhos résolvent le saint par la tête et sont chevauchés par lui. Ils doivent danser pendant <es heures pour se libérer de Yencosto (Fin-

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LES CAHIERS D'OUTRE-MER

trus) qui les rend malades. Les filhos de casa , anciens exorcisés, aident à pratiquer les rites des terreiros : prières, remèdes, signes sont appli¬ qués en nombre impair. Il est difficile de recueillir à ce sujet des informations détaillées. Ainsi, pour se faire une idée de la mentalité religieuse et supers¬ titieuse des Marmiteiros, il faut imaginer un inextricable mélange de christianisme, de spiritisme, de rites africains et indiens. Les prêtres le savent bien, qui feignent de ne pas voir chez les fidèles ce fond hétérodoxe et qui s'efforcent d'orienter ces vivaces croyances païen¬ nes vers les normes catholiques. La vénération plus spéciale d'un saint, ici et là, et même le marianisme, cette tendance à exalter le culte de la Vierge Marie d'une manière qui dépasse l'enseignement de l'Eglise, si fréquente chez les Brésiliens et particulièrement en honneur parmi les favelados, ne sont-ils pas la marque d'une propension polythéiste des basses classes héritée de l'Indien ou du Noir ? Extirper ces ten¬ dances, comme se le proposent la plupart des éducateurs, n'est pas facile. Au moment des Congados, pour la fête de N.D. du Rosaire, la favelle est en effervescence. C'est l'occasion à la fois de danses, d'agi¬ tation déchaînée, de chants, d'invocations aux Saints de l'Eglise et aussi — avec quel secret frisson de plaisir et de craintei — à tout un long héritage venu des sorciers indiens et africains. Entrons chez l'un des Rois de Congo. C'est un Noir propre, convenablement habillé. La maison est bien tenue, sans luxe mais avec goût. Ici un autel avec une petite statue de la Vierge sur un fond décoré d'étoiles de papier doré. Une crèche, une bouteille avec une croix à l'intérieur, les cou¬ ronnes en fer folanc du Roi et de la Reine de Congo, des torsades de papier de couleur, trois croix au sommet... Il existe aux Marmiteiros comme ailleurs au Brésil deux groupes rivaux de Congados, ceux qui groupent plutôt des caboclos, les plus clairs de peau et qui s'inspirent des rites indiens, les adeptes se recouvrent parfois de plumes, et ceux qui se rattachent aux marujos , aux rites nègres, leurs adhérents se parant de verroterie, de papiers colorés de soie. Une émulation se crée entre ces deux sortes de congados qui, au rythme entraînant du batuque, se sont préparés longtemps à l'avance aux fêtes du Rosaire. Cette concurrence dégénère quelquefois en bagarres. Depuis l'installation d'un poste de police aux Marmiteiros en 1949, la vie quotidienne de la favelle a perdu beaucoup de sa nocivité. Il est plus difficile pour un criminel ou un malfaiteur de s'y réfugier. D'un quartier à l'autre on se connaît. Il n'y a plus la complici-té générale du silence pour faciliter la dissimulation des malandrins. On n'y vit plus sous le régime des « terreurs ». Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas encore parmi les Marmiteiros de mauvaises" natures et de fortes têtes, des alcooliques surtout. Mais les « raids » que peuvent effectuer

BIDONVILLES DU BRÉSIL : LES FAVELLES DE BELO-HORIZONTE

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de jeunes chenapans dans les quartiers résidentiels de la ville ne sont plus assurés de l'impunité. Le rétablissement de l'ordre pose d'ailleurs de façon plus précise le problème du reclassement social des favelados capables de travail¬ ler et. celui de l'aide efficace à apporter aux familles misérables. Ima¬ ginez une famille nombreuse avec plusieurs malades, peu de ressour¬ ces, des salaires bas, une assistance infime des autorités. La tentation est bien grande de chercher le nécessaire où il abonde et par les moyens les plus divers. C'est toute la question sociale des bidonvilles qui se trouve ainsi posée et nous savons qu'elle n'est pas spécifique¬ ment brésilienne. La présence d'un poste de police aux Marmiteiros n'est sans doute pas étrangère au développement d'un premier noyau commercial dans la favelle. De nombreux « butecos » (6 ans l'Ilha, 10 dans le Trian¬ gle, 2 Rive Droite) vendent de la saucisse, de la graisse, du lard, un peu de lait, du café, de la coca-cola, du vin, du tabac en rouleau, des cigarettes.au détail, du pétrole : ce sont à la fois des épiceries et des buvettes, la plupart situées aux carrefours. L'Ilha a deux barbiers. Il y a même une coiffeuse, rive droite; on lit sur une planche en let¬ tres maladroites et mauvais portugais : « aliza-ci-cabelo » {on étire, on lisse les cheveux : car on a horreur des cheveux crépus, ceux des Nègres). Au coin d'une ruelle, un vendeur d'ananas et de mangues stationne avec sa carioîe démantibulée à deux roues. C'est à peu près tout : confection, tissus, souliers, etc., s'achètent- en ville. Une population pitoyable mais attachante, digne d'intérêt- par son comportement et par sa masse, installée dans un provisoire inhu¬ main qui se prolonge, et sur laquelle doivent d'urgence se pencher les pouvoirs publics, tels sont les Marmiteiros de Sâo Vicente. Et l'on conçoit facilement à quelles difficultés se heurtent les autorités pour porter remède à l'infortune des favelados. L'œuvre entreprise par la Fondation Léon XIII à Rio, auprès des malheureux habitants des morros est digne d'éloges mais combien insuffisante. Il en est de même à Belo-Horizonte. On est en droit d'espérer que, dans les deux cas, les autorités municipales auront à cœur de soulager les misères des favelles et de préparer le réclassement des favelados. Malheureusement le problème ne peut se résoudre sur le seul plan local. La construction d'unités de logements populaires en nombre suffisant et pourvues du minimum indispensable : eau courante, électricité, égouts, voirie, dis¬ pensaire, école, église, constituerait certes un progrès décisif mais le recrutement des favelados n'en sera pas tari pour autant. Aussi long¬ temps que le niveau de vie restera misérable dans l'immense sertâo brésilien, les favelles les plus sordides garderont quelque attrait pour lé caJhoclo, et les cancers urbains des bidonvilles auront tendance à se reconstituer autour des métropoles brésiliennes. Roger TEULIERES,

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