Hiver-printemps 2009 Vol1 No2

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Hiver-printemps 2009 Vol. 1, n° 2

du QUÉBEC

Où est passé

ISSN 1918-1760

5 $ CAN

le PIN BLANC ? UN PIONNIER RACONTE avec André Duchesne RECHERCHE Aménagement écosystémique et forêt préindustrielle

LES ÉCRITS RESTENT

« Notes au sujet des forêts de Québec » (1927) par Gustave C. Piché

www.sopfeu.qc.ca

MOT du DIRECTEUR GÉNÉRAL Avec la réception plus que positive du premier numéro de la revue Histoires forestières du Québec, la SHFQ a été à même de constater l’intérêt de tous pour son contenu et la pertinence de sa place dans le monde forestier. C’est donc avec une grande motivation que nous nous sommes lancés une deuxième fois dans cette belle aventure, à l’instar de tous nos collaborateurs. Je désire d’ailleurs les remercier très sincèrement pour leur implication à construire une revue de qualité. Nous remercions également les trois derniers membres Van Bruyssel inscrits, soit les compagnies Domtar, Kruger et Forêt Montmorency. Le premier numéro de la revue a été distribué sur les plaines d’Abraham lors de la célébration de la première année d’existence de notre organisme, à l’occasion du 100e anniversaire des Plaines et du 400e anniversaire de la Ville de Québec. Cet événement fut un lieu de rencontre pour les membres de la SHFQ qui ont pu échanger et partager sur des intérêts communs. Le sous-ministre associé de Forêt Québec, Gilles Desaulniers, a également été des nôtres et a com-

muniqué, à son tour, l’importance de l’histoire forestière au Québec. Une plaque commémorative a été affichée sur un chêne rouge, planté pour la circonstance, en mémoire de cette rencontre. Bon nombre de personnes extérieures à la SHFQ en ont aussi profité pour participer à la fête et rapporter avec elles des tiges de chêne rouge et d’érable à sucre. Après cet événement, bien d’autres activités ont eu cours à la SHFQ. Une tournée de conférences a été organisée dans plusieurs villes du Québec, soit Rimouski, Baie-Comeau, St-Georges-deBeauce, St-Félicien, Québec et Shawinigan. La conférence portait sur la culture et l’histoire forestière au Québec et proposait de démystifier trois idées répandues dans le milieu : l’abondance de la forêt à l’époque de la Nouvelle-France, le pillage des bois par les marchands de bois à l’époque coloniale anglaise et le laisser-faire de l’État québécois au chapitre de la foresterie. Cette conférence a ouvert de nouvelles perspectives quant à l’interprétation de l’histoire et la vision de la forêt québécoise. Le public a eu une écoute très attentive, et les organisateurs ont été

BERNARD TURCOT PROPRIÉTAIRE 418, RUE CARON QUÉBEC (QUÉBEC) G1K 5W7 418 529-2345

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Nous avons en outre été appelés à participer à la conception d’un document audiovisuel sur l’histoire de la foresterie scientifique présenté en continu à Forêt Montmorency. Le projet a été concrétisé grâce à la collaboration du CERFO, du ministère des Ressources naturelles, de Forêt Montmorency et de la SHFQ. Ce document est également en ligne sur la page d’accueil de notre site Internet. Un autre projet qui nous tient à cœur est en cours, celui de la rédaction d’un livre sur le 100e anniversaire de la Faculté de foresterie de l’Université Laval. Le doyen, monsieur Robert Beauregard, souhaitait mettre la Faculté en avant-plan par la création de ce livre unique dont la sortie est prévue en 2010. Un historien mandaté par la SHFQ, Cyrille Gélinas, procède actuellement aux recherches et va entamer la rédaction en décembre 2009. Bref, la SHFQ est très active par sa participation à divers projets, par sa disponibilité aux demandes, souvent originales et enrichissantes, de gens et d’entreprises du milieu et d’ailleurs, ainsi que par sa présence aux événements du monde forestier. La SHFQ est toujours en mouvement et compte l’être assidûment afin de favoriser le développement d’une nouvelle culture forestière au Québec. Bonne lecture !

Charest Est

LA PREMIÈRE BOUTIQUE SPÉCIALISÉE POUR LES JOUEURS À QUÉBEC

4 — HISTOIRES FORESTIÈRES

enchantés de nous recevoir. Nous les remercions vivement de cette invitation.

Patrick Blanchet Directeur général SHFQ

E S S E N CE F O R ESTI ÈR E

OÙ EST PASSÉ LE PIN BLANC ? par Patrick Blanchet Directeur général SHFQ Cette photo est positionnée dans les premières pages du livre « Les arbres de commerce de la Province de Québec » publié en 1906 par Jean-Chrysostome Langelier pour faire la promotion de l'exploitation forestière au Québec. Elle représente une forêt typique de pin blanc dans le secteur de la rivière Coulonge au début du 20e siècle.

Plusieurs forestiers, écologistes et journalistes utilisent le concept de l’assaut industriel sur la forêt de pin blanc pour exprimer l’idée que les Québécois auraient subi, au XIXe siècle, une sorte de viol, par des intérêts étrangers, de leur patrimoine forestier. Les exemples sont innombrables, mais notons les suivants. Dans un article pour Science Presse, l’auteur Claude Marcil écrivait : « Dès l'hiver 1805-06, Wright envoie son personnel à l'assaut des pins blancs et rouges et des plus beaux feuillus de l'Outaouais1. » Dans son pamphlet intitulé Les vrais maîtres de la forêt québécoise, l’ingénieur forestier Pierre Dubois, spécifiait qu’un « siècle d’exploitation forestière est pratiquement venu à bout du pin blanc2 » et élargissait le périmètre de cet assaut à la totalité de l’histoire de l’exploitation forestière « pour l’ensemble du Québec habité, et pour les régions qui ont subi l’assaut industriel forestier, les coupes abusives ont indéniablement

entraîné une détérioration des forêts3 ». Finalement, en 2008, dans un document de vulgarisation intitulé Les grands pins au Québec, le Service canadien des forêts abondait dans ce sens et écrivait que « de nos jours, le pin blanc et le pin rouge sont plus rares dans les forêts naturelles en raison d’une surexploitation tout au long du XIXe siècle ». L’assaut industriel aurait signifié, à l’avis de plusieurs, « l’extermination du pin blanc4 ».

« Est-ce que la surexploitation des forêts de pin blanc au XIXe siècle peut expliquer la raréfaction de cette espèce ?

»

À l’occasion d’un congrès tenu au mois de février 2002, à Milan, par l’European Society for Environmental History, un groupe de chercheurs dirigé par Brend Herrman présentait une nouvelle hypothèse, à valider, selon laquelle la méconnaissance des processus

écologiques chez les historiens aurait permis de croire à une surabondance de certaines espèces dans le passé5. Ces chercheurs soulignaient la possibilité que les discours des historiens n’aient pas été fondés et devaient donc être catégorisés comme des « légendes naturelles » au même titre que les « légendes urbaines ». Dans cette perspective, serait-il possible de croire que cette méconnaissance soit aussi à l’origine de la création du concept de l’assaut industriel ? Est-ce que la surexploitation des forêts de pin blanc au XIXe siècle peut expliquer la raréfaction de cette espèce ? ► 1. Claude Marcil, Histoire de la foresterie, site Internet consulté le 9 janvier 2009 : http://www.sciencepresse.qc.ca/kiosqueforet/ page3foret.html. 2. Pierre Dubois, Les vrais maîtres de la forêt québécoise, Montréal, Écosociété, 2002, p. 45. 3. Ibid., p. 32. 4. En référence au titre éloquent du chapitre 2 : Donal McKay, Un patrimoine en péril, Québec, Publications du Québec, 1986, p. 15. 5. Brend Herrman et al., Abundance of species in Historic Times, dans « History and Sustainability », Third International Conference of the European Society for Environmental History, Florence – Italie – (February 16-19, 2005), p. 149. HIVER-PRINTEMPS 2009 —

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La thèse de l’assaut sur la forêt canadienne En fait, cette idée de l’assaut industriel trouve son origine dans un livre intitulé The North American Assault on the Canadian Forest publié en 1938 par un historien canadien, Arthur Réginald Marsden Lower (1889-1988)6. Dans cet ouvrage, Lower explicita les mécanismes de l’économie forestière du milieu du XIXe siècle au premier quart du XXe siècle. Il démontra, entre autres, que le passage d’un transport par réseau hydrographique à un réseau de chemins de fer a déplacé les échanges commerciaux de la Grande-Bretagne vers les États-Unis et qu’à la suite de la signature du traité de réciprocité, le Canada fut directement entraîné dans l’orbite du marché américain. Nonobstant le fait qu’Arthur Lower eut produit un ouvrage de géographie économique exceptionnel qui ne traitait pas uniquement du pin blanc, il a surtout marqué l’imaginaire du pays par la création d’une caricature prégnante des marchands de bois américains : Cette attaque sur la forêt, soutenue et portée sur un très grand front, a fourni un spectacle unique de forces brutes d’une extrême violence […] La destruction des plus grandes cités médiévales fortunées paraît une bagatelle lorsqu’on la compare au pillage fait aux forêts nord-américaines. Aucun des ravisseurs médiévaux n’a été aussi féroce et peu scrupuleux que les barons du bois7.

Pour comprendre l’intensité des propos tenus, il faut s’attarder au contexte socio-économique de la production du livre. Des barons voleurs, une caricature Dans un premier temps, il faut savoir que Lower a écrit The North American Assault on the Canadian Forest au moment de la plus 6 — HISTOIRES FORESTIÈRES

terrible crise économique du XXe siècle. Les travailleurs du milieu forestier, tant dans les villes qu’en forêt, étaient voués à la misère par

« le contexte mondial de nationalisme exacerbé stimula probablement l’historien qui fit naître de sa prose l’image d’un coquin marchand de bois étatsunien, stigmatisé par le concept du “baron voleur“

»

une industrie contrôlée par des intérêts étrangers. Lower, un membre reconnu de la Canadian Forestry Association, partageait et stimulait l’idéologie de l’organisation qui favorisait non seulement la conservation des forêts, mais aussi, et surtout, les intérêts canadiens dans l’économie forestière. De surcroît, le contexte mondial de nationalisme exacerbé stimula probablement l’historien qui fit naître de sa prose l’image d’un coquin marchand de bois8 étatsunien, stigmatisé par le concept du « baron voleur9 ». En 1974, Robert Peter Gillis publia une première critique de North American Assault dans un article intitulé The Ottawa Lumbers Barons and the Conservation Movement 1880-191410. D’entrée de jeu, l’auteur se positionna face à ses prédécesseurs en indiquant que l’attitude vis-à-vis des exploitants forestiers au Canada variait généralement du romantisme à la condamnation pure et simple. L’auteur chercha à recentrer ces positions. Il écrivit au sujet de la caricature des « barons voleurs » : Toutefois pour accepter l’inter- prétation du « baron voleur », il est nécessaire d’ignorer certaines anomalies

qui remettent en question cette conclusion. Probablement, la plus grande contradiction est à l’effet que plusieurs des plus gros barons, dont E.H. Bronson et W.C. Edwards, tous deux d’Ottawa, ont joué un rôle de premier plan dans les organisations de conservation de la nature […]11

D’autre part, il indiqua que ce mouvement de conservation de la nature avait été durement opposé à celui de la colonisation qui promouvait la déforestation aux bénéfices de l’agriculture. Il concluait que la force de ce dernier avait entraîné les différents gouvernements au Canada dans des compromis inappropriés, pour plaire à la population, décourageant les marchands de bois dans leurs efforts de conservation de la ressource. Ce conflit entre marchands de bois et colons fut exacerbé au Québec par des tensions ethniques. Généralement, les deux groupes vivaient en symbiose, les Anglo-Saxons profitant d’une main-d’œuvre bon marché à proximité, les Canadiens français, d’un revenu d’appoint pendant l’hiver. Toutefois, quand venait le temps de prendre des décisions capitales, notamment en matière de protection des forêts contre le feu, les divergences faisaient surface. D’un côté, les marchands de bois exigeaient l’arrêt de la colonisation près des plus beaux peuplements ►

6. Arthur Lower, The North American Assault on the Canadian Forest. A History of the Lumber Trade Between Canada and United States, Toronto, Ryerson Press, 1938, p. 1-223. 7. Ibid., p. 26. (Traduction libre de l’anglais). 8. Le vrai sens du mot « coquin » est péjoratif et méprisant. Il représente un individu malveillant capable d’actions malhonnêtes. 9. Cette expression fut popularisée aux États-Unis pour qualifier les magnas de la finance qui ont entraîné, par leur malhonnêteté, le monde dans la crise économique de 1930. 10. Robert P. Gillis, « The Ottawa Lumber Barons and the Conservation Movement, 1880-1914 » dans Journal of Canadian Studies, vol. IX, no 1 (February 1974), p. 14-30. 11. Robert P. Gillis, The Ottawa Lumber Barons, p. 15. (Traduction libre de l’anglais).

La conquête du sol.

de pin blanc. De l’autre, on voulait qu’aucune restriction ne nuise à la conquête du sol. En fait, la population canadienne-française, issue de défricheurs, avait de la difficulté à voir, à travers cette immensité boisée qui la faisait tant souffrir, les problèmes d’approvisionnement spécifiques au développement industriel. Un scénario possible… les feux d’origine anthropique et la raréfaction des pinèdes québécoises au XIXe siècle Il est maintenant reconnu que le feu joue un rôle majeur dans la régénération des peuplements de pin blanc (voir article de Guy Lessard). Toutefois, à partir du XIXe siècle, il semblerait que ce processus fût profondément perturbé par le mode d’occupation du sol des Européens dans la forêt méridionale, mode qui était somme toute similaire dans la plupart des régions du Québec. D’abord, les marchands de bois s’établissaient près des plus belles pinèdes, le long des affluents propices au transport de la matière ligneuse, et se chargeaient de construire les infrastructures nécessaires à l’exploitation industrielle de la forêt. Par la suite, les bûcherons pénétraient dans les bois pour prélever, par écrémage, les plus gros spécimens de pin. Sur le front arrière, le mouvement de colonisation agricole suivait de

très près. Pour s’établir de manière permanente, les colons s’acharnaient à défricher leurs lots et à brûler les bois abattus. Trop souvent, disait-on à l’époque, les colons laissaient les flammes des abattis courir dans les forêts environnantes sans égard aux conséquences sur l’économie forestière de la région. L’importante quantité de biomasse laissée sur les parterres de coupe devenait un combustible hautement inflammable intensifiant artificiellement le feu (60 % de la tige demeurait sur le parterre de coupe) et transformant inadéquatement le lit de germination nécessaire à la régénération du pin blanc. À cette situation déjà problématique, s’ajoutait une raréfaction des graines. En fait, les meilleurs semenciers avaient été récoltés précédemment et la puissance des flammes avait détruit les cônes des plus petites tiges laissées sur le parterre. Finalement, la transformation radicale de la canopée favorisait dorénavant les essences pionnières plus agressives, tels le bouleau et le peuplier, étouffant le cas échant les quelques nouvelles pousses qui avaient réussi à germer malgré l’adversité. C’est ainsi qu’hypothétiquement ce type d’occupation du sol par les euro-descendants a probablement participé à un changement majeur du rôle naturel du feu en forêt. Une problématique dénoncée depuis longtemps Au XIXe siècle, les questions environnementales étaient plutôt rares. Toutefois, le renouvellement et la conservation des forêts en inquiétaient plusieurs. Dès 1869, un comité gouvernemental fut formé pour entendre les témoignages des marchands de bois, des scientifiques et des experts de toutes sortes, et ce, afin de connaître l’état de la situation et les solutions au déboisement causé par le feu. Malgré l’ignorance de

l’écologie du pin blanc et du rôle des feux naturels, l’ensemble des témoignages recueillis signalait que les feux d’une intensité extrême détruisaient dix fois plus de bois qu’on en coupait par année dans les peuplements les plus recherchés, comme les pinèdes à pin blanc. Dans le rapport soumis à l’Assemblée législative, les cris d’alarme étaient innombrables. Parmi ceux-ci, celui du marchand de bois John Poupore représente le mieux la situation décriée par tous : Je suis actuellement résidant et j'ai demeuré sur la rivière Ottawa durant les 25 dernières années. Pendant toute la durée de cette période de temps, j'ai été engagé dans le commerce de bois. Je connais parfaitement les forêts d'arbres de pins blancs de l'Ottawa et de ses tributaires, et je puis parler, sans crainte de me tromper, de l'étendue du territoire qui a été, en diverses circonstances, dévasté par le feu et de la valeur du bois qui a été détruit. Dans le cours de plusieurs de mes courses et explorations à travers la forêt, j'ai parcouru des milles et des milles d'un territoire jadis couvert de bois touffus, et de grande valeur, qui n'est plus aujourd'hui qu'une lande déserte, stérile et brûlée par le feu, n'offrant rien autre chose à la vue que des broussailles rabougries végétation chétive de peuplier ou d'autres arbres sans valeur - et que des troncs d'arbres noircis et carbonisés. En effet, allez du côté où vous voudrez à travers la région forestière de l'Ottawa et de ses tributaires et à peine aurezvous parcouru quelques milles que vous aurez sous les yeux les traces profondes laissées par ces incendies12.

Le gouvernement du Québec, inquiété réellement de la situation, vu l’avantage économique qu’il tirait de ses forêts, adopta l’année suivante une loi préventive et coercitive pour se prémunir du danger des feux anthropiques, entre autres les feux de camp, et plus particulièrement ceux causés ►

12. Québec, Rapport du comité spécial auquel ont été renvoyés la correspondance et les documents relatifs aux incendies […], Montréal, La Minerve, 1869 [90 p.]. HIVER-PRINTEMPS 2009 —

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par les abattis13. Cette première tentative de contrôle eut de bons effets, surtout préventifs, mais ne put assurer les capitaux investis en forêt. Pour les promoteurs de la conservation, seule la création de réserves forestières pouvait mettre fin à ce cycle de destruction. L’idée fut entendue à Montréal en 1882 à la suite d’une rencontre fondamentale des ténors de l’Americain Forestry Congress. Le 10 septembre 1883, les premières réserves forestières du Québec furent décrétées par le gouvernement conservateur du Québec dans certains secteurs sensibles de la rivière des Outaouais. Quelques mois plus tard, d’autres réserves furent créées dans la région de la rivière Saint-Maurice et dans les cantons de Beauce, Compton, Wolfe, Arthabaska, Mégantic et Dorchester. Malgré l’intérêt croissant d’une partie de l’élite canadienne-française pour les questions d’économie forestière, la création de ces réserves souleva la colère des promoteurs de la colonisation qui s’y opposèrent farouchement, empêchant leur application

jusqu’à leur abolition en 1886 par le nouveau gouvernement procolonisation d’Honoré Mercier.

La petite histoire du grand pin blanc C’est avec la commercialisation des bois de pin blanc (Pinus Strobus L.) et de pin rouge (Pinus Resinosa Ait.) de fortes dimensions que débuta l’exploitation industrielle de la forêt au Québec, au début du XIXe siècle. Jusqu’à ce jour, les deux empires, français (1534-1760) et anglais (à partir de 1760), n’avaient pas fait preuve d’une réelle intention de développer l’économie du bois au Canada. En 1803, les cloches de la guerre sonnèrent entre les deux belligérants et, trois ans plus tard, Napoléon, qui avait pris le contrôle de l’Europe du Nord, imposa aux Anglais un blocus sur ce territoire, d’où provenait leur plus avantageuse source d’approvisionnement de pin. Pris au dépourvu et manquant de ressources sur leur île pour sustenter leur industrie de guerre, les Britanniques durent se retourner, Scène de désolation du feu de Pocurpine en 1911. Et dire qu’Arthur Lower était garde-feu à quelques milles au nord de Pocurpine au moment de ces grands feux qui firent 70 morts et détruisirent 200 000 hectares de forêts.

13. La première loi sur la protection des forêts fut sanctionnée le 1er février 1870. Au sujet de l’histoire de la protection des forêts contre le feu au Québec, voir : Patrick Blanchet, Feux de forêts : l’histoire d’une guerre, Montréal, Trait d’Union, 2003, 198 p. et pour mettre en perspective avec l'écologie : Stephen Pyne J. Awful Splendour: A Fire History of Canada. Vancouver: UBC Press, 2007. 549 p. 14. François-André Michaux, Histoire des arbres forestiers de l’Amérique septentrionale, Paris, 1810, p. 103-122.

8 — HISTOIRES FORESTIÈRES

sans enthousiasme, vers le Canada. Depuis toujours, le bois canadien avait mauvaise réputation, jugé trop cher compte tenu de sa qualité inférieure. Pour remédier à la situation, le gouvernement anglais créa un marché protégé (tarifs préférentiels et certification de la qualité) avec sa colonie, permettant ainsi le démarrage du commerce du bois de sciage et de la construction maritime, commerce principalement approvisionné de pin blanc qu’on acheminait équarri, en planche, en billots et en mâts de bateau depuis différentes régions du Québec, mais aussi de l’Ontario et des États-Unis au port de Québec. Selon André Michaux, botaniste français qui herborisa en Amérique du Nord au début du XIXe siècle, le pin blanc était, à cette époque, le type de pins le plus employé en nombre et celui dont les usages étaient les plus variés parmi ceux qu’on trouvait en Amérique du Nord14. Cette préférence pour le pin blanc était moins liée à une quelconque perfection de ses capacités mécaniques qu’à la ►

supériorité de ses qualités sur ses défauts. Pour la construction, il était peu résistant, tenait mal les clous et son bois avait tendance à gonfler lors des temps humides. Toutefois, il était tendre, léger, facile à travailler, ne possédait pratiquement pas de nœuds et fournissait des planches d’une belle largeur et des pièces de charpente de la plus grande dimension. Pour cette raison, il était en forte demande pour la construction navale, mais également pour la consommation domestique et le marché intérieur. Au début du XIXe siècle, le botaniste Michaux expliquait qu’aux États-Unis, près de 500 000 maisons avaient été construites, et ce, presque exclusivement avec du bois de pin blanc. Il indiquait aussi que, dans les grandes villes, on utilisait les plus grosses pièces pour la charpente des édifices, pour fabriquer les moulures, les portes extérieures et les manteaux de cheminées. Le pin blanc était omniprésent dans les objets d’utilité courante, tels l’intérieur des malles, le fond des chaises Windsor, les sceaux à puiser de l’eau, les caisses pour le transport ainsi que les cases et tablettes des magasins. Il servait aussi aux sculpteurs qui l’utilisaient pour les pièces sur lesquelles on devait appliquer de la dorure dans les édifices religieux et sur les vaisseaux de la marine. Toujours selon le botaniste André Michaux, si on trouvait les premiers spécimens de pin blanc à environ 170 km à l’embouchure du Lac-Saint-Jean sur la rivière Mistassini, son aire d’abondance se limitait plutôt à une zone située entre le 43e et le 47e degré de latitude. À l’intérieur de cet espace, les pins blancs pouvaient constituer à l’occasion des peuplements purs, mais se trouvaient la plupart du temps de manière éparse, en

mélange avec d’autres espèces résineuses ou feuillues. Les dimensions et les âges des individus pouvaient varier beaucoup. Quoique certains arbres eussent pu atteindre les dimensions exceptionnelles de 58 mètres de haut et de 2 mètres de diamètre, des personnes dignes de foi avaient indiqué au botaniste qu’elles « regardaient cette dimension comme extraordinaire et ne se rencontrant que très rarement ». Par ailleurs, les spécimens les plus prisés se trouvaient le long des cours d’eau, plus susceptibles d’être éliminés du paysage, d’autant plus qu’ils étaient en compétition avec le développement de l’écoumène. Pour toutes ces raisons, dès le début du XIXe siècle, Michaux se plaignait déjà, après avoir effectué un voyage entre Philadelphie et Boston, de n’avoir pu trouver un seul pin blanc capable de mâter un bateau de grandeur moyenne (600 tonneaux). En fait, il apparaît que les Français, dans un premier temps, et les Anglais, par la suite, aient perçu la relative abondance des stocks forestiers propices au développement de l’économie du bois en Amérique du Nord. Dès le XVIIe siècle, la France avait émis des ordonnances sur le territoire canadien afin de protéger certaines espèces d’arbres vitales à la construction navale. De leur côté, les Anglais s’étaient réservé spécifiquement, dans leur colonie plus au sud, les plus belles pinèdes par ordonnance royale en 1711 et en 1721. Ce règlement fut étendu à l’ensemble de leur possession après la conquête de la NouvelleFrance, règlement qu’ils rééditèrent avec la signature de l’Acte de Québec en 1775 : « C’est notre désir que les terres couvertes de forêts de pins propres à la mâture de notre marine royale soient mises à part et ne soient pas concédées15. »

Que nous disent les chiffres ? Pour l’ensemble du Québec, au XIXe siècle, il est extrêmement difficile de trouver des séries statistiques complètes sur la coupe du pin blanc. Malgré tout, certaines données sont disponibles et nous permettent d’évaluer l’intensité de la récolte. Nous savons, entre autres, que l’ensemble des colonies d’Amérique du Nord exportait, entre 1813 et 1833, une moyenne de 500 000 m3 de bois équarri par année (pin blanc et pin rouge) vers le Royaume-Uni16. Plus précisément, nous savons qu’entre 1844 et 1852, les récoltes, toutes espèces confondues, du Canada-Uni (Québec et Ontario) variaient entre 300 000 et 480 000 m3 par année17. Les quantités de bois étaient alors véritablement insuffisantes pour croire à une surexploitation, c'està-dire une récolte prélevant suffisamment de bois d’une essence pour mettre fin à son renouvellement. Toutefois, durant la seconde moitié de cette période, l’économie forestière prit un virage majeur. Le commerce du bois équarri stagna pour finalement décroître et être abandonné à la fin du siècle, et fut graduellement supplanté par l’industrie du sciage. Ce changement fut causé par l’ouverture du marché américain à la suite d’une entente de libre-échange. L’objectif était alors de répondre à la demande de bois de sciage pour la construction dans le nord-est des États-Unis et, à partir des années 1860, pour la « conquête de ►

15. Jean Bouffard, Traité du domaine : reproduction de l’édition originale de 1921, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1977, p. 28. 16. Données extraites de Jean Beaulieu, La noble histoire du pin blanc, Service canadien des forêts : « Du pin blanc pour l’avenir, c’est possible », 1998, p. 5-12. 17. Loc. cit.

HIVER-PRINTEMPS 2009 —

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l’Ouest ». Les données sur l’exploitation du pin blanc changèrent radicalement. Les récoltes passèrent de quelques centaines de milliers de m3 à une moyenne de 2 108 000 m3 de 1870 à 190018. Si on admettait l’hypothèse de la surexploitation des forêts au XIXe siècle, il faudrait accepter que 63 266 000 m3 de bois représentaient l’abondance des forêts de pin blanc et rouge.

D'une histoire de victimes vers une histoire des relations société et forêt Il ne fait pas de doute que l’exploitation des pinèdes pendant la seconde moitié du XIXe siècle fut intensive. Toutefois, rien ne prouve que la coupe soit le seul facteur de raréfaction des pinèdes québécoises. Il apparaît plus probable que, comme tout problème, la réalité soit plus complexe et qu’en ce qui concerne le XIXe siècle, nous devrions mieux examiner la dynamique d’implantation de la société occidentale dans les différents écosystèmes forestiers et son effet combiné aux agents perturbateurs, tels les feux, les insectes et les maladies des arbres. Dans cette perspective, nous retirerions davantage à comprendre la complexité des rapports entre la

société et la forêt plutôt qu’à asseoir notre réflexion sur des évidences, simplistes, d’un complot entre le gouvernement du Québec et le monde industriel. À ce sujet, la théorie des barons voleurs véhiculée dans la littérature jusqu’à nos jours semble nous révéler plus d’informations sur nos complexes nationaux que sur le problème forestier en soi. Il est cependant très difficile de se débarrasser ces stéréotypes, d’autant plus qu’ils sont ancrés profondément dans la mémoire. Combien d’images avons-nous vues de ces immenses pins blancs

« Au lieu d’encourager la réflexion, ces images et les commentaires qui les accompagnent, semblent avoir restreint l’imaginaire collectif à l’intérieur d’une philosophie ” victimisante ”, comme quoi la déforestation de nos plus belles pinèdes au XIXe siècle avait été le fruit unique d’un assaut industriel perpétré par les grands capitaux britanniques et américains venus dilapider ” notre ” ressource par des procédés d’extraction totale.

Équarrissage d'une pièce de bois dans la région de l'Outaouais en 1873. Remarquez le caractère exceptionnel de cet arbre en comparaison avec les autres spécimens dans le paysage forestier.

10— HISTOIRES FORESTIÈRES

»

d’autrefois sur lesquels s’affairaient les bûcherons, comme sur la carcasse d’un pauvre béluga, faisant paraître que ces bois se trouvaient par le passé en quantité astronomique ? Aurions-nous oublié qu’à l’origine, la photographie était un art technologique éminemment complexe qui avait pour fonction d’immortaliser des scènes exceptionnelles et donc hors de l’ordinaire ? À combien d’autres images avons-nous été exposés, notamment celles des fameuses anses à bois situées entre Sillery et Québec, sans pouvoir juger de la provenance des produits forestiers ? Au lieu d’encourager la réflexion, ces images et les commentaires qui les accompagnent semblent avoir restreint l’imaginaire collectif à l’intérieur d’une philosophie « victimisante », comme quoi la déforestation de nos plus belles pinèdes au XIXe siècle avait été le fruit unique d’un assaut industriel perpétré par les grands capitaux britanniques et américains venus dilapider « notre » ressource par des procédés d’extraction totale. ■ 18. Données compilées dans Guy Gaudreau, Les récoltes des forêts publiques au Québec et en Ontario, 1840-1900, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 1999, p. 87. Les données de Gaudreau sont en PMP et ont été converties en pi3 puis en m3 selon la table Derome de 1888, soit 5 PMP = 1 pi3. L’année de coupe la plus intensive fut celle de 1881-1882, alors qu’on récolta 2 673 000 m3 et la moins intensive, celle de 1977-1878, alors qu’on récolta 1 254 000 m3.

Anse à bois de la seconde moitié du XIXe siècle, située dans le secteur de Sillery, en bas de l'actuelle côte de l'Église. Les produits forestiers proviennent de l'Ontario et du Québec.

E S S E N CE F O R ESTI ÈR E

LE PIN BLANC, UN « FEUILLU » D’AVENIR ? par Guy Lessard, ing.f., M. Sc., écologue forestier au Centre d’enseignement et de recherche du cégep de Sainte-Foy (CERFO) et administrateur de la Société d’histoire forestière du Québec (SHFQ) L’histoire du Québec est intimement liée à certaines essences forestières. Ainsi, le pin blanc a souvent eu valeur de symbole, tant par sa taille que par son diamètre, la blancheur de son bois, son utilisation pour la mâture des grands voiliers, son abondance dans les anses à bois du port de Québec au XIXe siècle et, plus récemment, sa raréfaction. La connaissance de son écologie apporte des éléments de réflexion qui permettent de mettre les faits en perspective et de tracer des pistes pour sa restauration.

Des airs de noblesse cachant un problème de raréfaction Cette essence, d’une longévité moyenne de 200 ans, peut atteindre

une hauteur de 30 m et un diamètre de 90 à 100 cm. Si on repère à l’occasion ces individus aux dimensions étonnantes, surplombant épisodiquement le paysage forestier, cette stature cache une problématique particulière : le pin domine certes, mais dans les autres étages de la forêt, il est peu présent. De plus, de récentes études réalisées en Outaouais démontrent qu’il se régénère peu et, qui plus est, qu’une féroce compétition risque de compromettre sa survie. Actuellement, les peuplements avec une composante de pin blanc sont présents en forêt feuillue, particulièrement dans le sud-ouest du Québec (domaines bioclimatiques de l’érablière) et également

en forêt mixte (domaines de la sapinière à bouleau jaune et dans la portion est de la sapinière à bouleau blanc). Ils couvrent un peu plus de 239 000 ha (soit 0,55 % de la superficie forestière québécoise) et se trouvent plus particulièrement sur les escarpements, les sommets et les hauts de pente, ou encore sur des terrains plats sableux bien drainés. On trouve le pin blanc en association avec le sapin et l’épinette, les feuillus intolérants, comme le peuplier faux-tremble et le bouleau blanc, ou encore l’érable à sucre ou le chêne rouge. Sa présence est souvent éparse, quoiqu’il domine à l’occasion certains peuplements en raison de sa dynamique particu► lière. Pinède à pin blanc et rouge sur sable. À régénérer.

Une dynamique naturelle liée inexorablement à la présence du feu Avant l’ère industrielle, le pin blanc était plus abondant qu’aujourd’hui. En plus des grands massifs qu’on pouvait trouver localement, de grands individus trônaient, ça et là, au-dessus de la canopée, fournissant une quantité importante de semences et l’assurance du renouvellement de l’espèce. Toutefois, depuis le XIXe siècle, le pin blanc est entré dans une ère de raréfaction. À ce sujet, il est reconnu officiellement comme un enjeu de biodiversité au Québec. L’hypothèse de sa surexploitation dans le passé a souvent été avancée par divers auteurs, mais une grande partie de la réponse serait plutôt liée à son écologie. Le pin blanc est caractérisé par une tolérance intermédiaire à l’ombre, c’est-à-dire qu’il a besoin d’un certain niveau de lumière pour s’installer et pour croître. Il a également besoin de conditions particulières pour assurer la germination de ces semences, soit un sol minéral, un mélange de sol minéral et de matière organique, une litière légèrement perturbée, un sol couvert de mousses pionnières ou encore une matière organique brûlée. Malheureusement, les forêts actuelles non perturbées et les pratiques sylvicoles actuelles courantes ne créent pas ces conditions. Les lits de germination présents sont inappropriés (il manque de lumière sous couvert) et les semenciers se font également de plus en plus rares. Mais alors, comment le pin blanc pouvait-il s’installer dans le paysage préindustriel ? La réponse réside dans l’action des feux de forêt. De grandes périodes de sécheresse au printemps ou pendant la saison estivale, suivies par des feux de surface issus de la 12 — HISTOIRES FORESTIÈRES

foudre, créaient les conditions idéales à son installation. Tout le sous-bois brûlait, comme la plupart des espèces sur pied, favorisant d’abord l’ensoleillement de la surface du sol, mais rabattant également les couches de matière organique. Or, les grands pins à l’écorce résistante au feu, comme celle des chênes, survivaient. Leurs semences pouvaient alors se répandre1, germer dans un sol approprié et croître dans des conditions idéales de lumière. Dans le parc de la Mauricie, les aménagistes ont voulu émuler cette dynamique et des essais fructueux de brûlage dirigé ont donné de bons résultats pour la régénération du pin blanc. Il est à noter que d’autres grandes perturbations, comme des renversements par le vent (chablis), pouvaient aussi créer des conditions favorables à son installation par une meilleure exposition à la lumière et la mise à nu de portions de sol minéral. Ainsi, la raréfaction du pin blanc serait liée aux activités humaines, non pas seulement à l’exploitation intensive, qui ont éliminé les semenciers et perturbé les mécanismes de régénération naturelle (voir article de Patrick Blanchet). La politique d’exclusion totale des feux de forêt dans le sud du Québec est venue accentuer le phénomène.

Un « feuillu » d’avenir recherché Un jour, un forestier européen a affirmé en boutade que, dans nos érablières, le pin blanc serait le « feuillu » d’avenir. Sans être la panacée, cette espèce présente effectivement plusieurs qualités relatives à sa croissance et à son utilisation. Ainsi, parmi toutes les essences du Québec, le pin blanc possède l’une des meilleures croissances, qu’il peut maintenir même à un diamètre très élevé. De plus, en peuplement dense, il s’élague facilement et naturellement, engendrant un bois avec peu de nœuds. Cette espèce est recherchée pour sa couleur, comme bois d’œuvre, pour ses dimensions et ses propriétés physicomécaniques. On l’utilise maintenant pour la fenestration, les moulures, le meuble, mais aussi pour les travaux artistiques puisqu’il est facile à usiner, à peindre et à vernir. ►

1. Les bonnes années semencières sont périodiques (tous les trois à cinq ans) ainsi que les années exceptionnelles (tous les dix à douze ans). En dehors de ces bonnes années semencières, la production de graines viables est quasiment nulle. La majorité des semences, dont la viabilité au sol ne dépasse généralement pas un an, sont dispersées en septembre sur une distance égale à la hauteur du semencier.

Outre ses caractéristiques avantageuses pour la production ligneuse, le pin blanc possède aussi de réelles qualités esthétiques, notamment un port majestueux, et joue un rôle stratégique pour plusieurs espèces fauniques pour lesquelles il sert d’abri, de nourriture ou de perchoir.

Deux trouble-fêtes, un insecte et une maladie Le pin blanc est menacé dans son installation et sa survie par deux agents perturbateurs naturels : un insecte, le charançon, et une maladie, la rouille vésiculeuse.

Le charançon du pin blanc (Pissodes strobi)

Le charançon du pin blanc fait des dommages lorsqu’il est au stade larvaire. La femelle pond ses œufs à la base de la tige terminale et, lorsque les larves se développent, elles détruisent le bas de cette tige terminale qui s’affaisse. Les tiges

latérales prennent alors le relais et l’arbre se retrouve souvent avec plusieurs cimes. La destruction des pousses terminales infectées (coupe et brûlage de ces dernières) élimine entièrement la reproduction du charançon. Par ailleurs, deux stratégies peuvent limiter les dégâts :

t

Favoriser un développement à l’ombre des individus jusqu’à l’atteinte d’une hauteur de 5-6 m (la tige terminale sera moins exposée au soleil, plus étroite et donc moins intéressante pour la ponte des œufs).

t Maintenir une densité élevée de tiges dans les peuplements attaqués afin de forcer l’une des tiges latérales à devenir la nouvelle tige terminale. La rouille vésiculeuse s’attaque, dans un premier temps, aux aiguilles qui commencent alors à rougir. Le champignon envahit par la suite les branches et, une fois le tronc atteint, son attaque devient fatale. La propagation de la maladie est liée à la présence d’un hôte intermédiaire, les ronces (Ribes sp.), dont le gadellier, et la dissémina-

La rouille vésiculeuse du pin blanc (Cronartium ribicola)

Étant très facile à joindre et à coller, il constitue un tout premier choix pour la finition dans la rénovation. C'est l'un de nos résineux avec la plus forte valeur sur le marché. Il est vendu selon les classifications NLGA, sur grade, comme les bois francs.

tion des spores est accentuée par des conditions humides dans l’air avoisinant. Pour prévenir les attaques de la rouille, il faut éviter d’installer le pin blanc sur des sites humides, comme les bas de pente, en particulier ceux exposés au nord, mais aussi dans les petites vallées et les petites ouvertures entourées de peuplements matures. Les sites où la végétation est dense et où les Ribes forment de grandes colonies sont aussi à éviter. Pour contrer la maladie et éviter sa propagation, l’élagage systématique des branches basses, autant les malades que les saines, est prescrit.

Une sylviculture québécoise longtemps inadéquate L’application de la coupe à diamètre limite dans les forêts mixtes à et feuillues, jusqu’à la fin des années 80, a eu pour principal effet de récolter les plus belles tiges et de créer des ouvertures de tailles variables dans la canopée. À cette époque, la régénération du pin blanc ne faisait l’objet d’aucune modalité particulière. De 1980 à nos jours, si les pratiques sylvicoles ont évolué avec la coupe de jardinage par pied d’arbre, qui entraîne la récolte des tiges les moins vigoureuses, aucune attention n’est toujours portée à l’installation de la régénération du pin blanc. Il semble actuellement que les coupes progressives3 et les coupes progressives irrégulières, telles que pratiquées en Ontario et en Nouvelle-Angleterre, présenteraient un intérêt certain pour résoudre une partie de la problématique en assurant l’installation et la survie des plants. ►

3. Coupes partielles utilisant un couvert protecteur et accompagnées de modalités particulières pour préparer la germination (voir section suivante).

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Une stratégie québécoise pour le pin blanc Le retour du pin blanc constitue depuis peu un enjeu de la biodiversité à l’intérieur des forêts aménagées au Québec. Actuellement, une stratégie a été proposée pour le sud-ouest du Québec et le

Forestier en chef a annoncé des baisses draconiennes de la possibilité forestière (récolte annuelle permise) atteignant 70 %. L’objectif est de favoriser le recrutement de nouvelles cohortes, par le maintien, le plus longtemps possible, des semenciers et l’adoption de nouvelles modalités de régénéra-

tion. À la lumière des considérations et des exigences écologiques de cette espèce, d’autres pistes ont été aussi proposées afin d’assurer son renouvellement :

t Le choix de l’habitat Il faut porter une attention toute spéciale pour limiter la propagation de la rouille vésiculeuse, soit aux zones où elle est virulente et aux positions topographiques qui sont mal aérées. Les stations où les ronces sont présentes doivent être également évitées.

t

Le maintien d’un couvert protecteur qui laisse passer la lumière Un équilibre doit être trouvé entre les besoins optimaux de lumière pour les jeunes recrues de pin blanc et les conditions défavorisant les essences de lumière envahissantes. Une ouverture de 50 % du couvert forestier est recherchée. Dans certains cas, il faut éliminer la strate de sous-bois au moment de la récolte partielle pour s’assurer que la lumière puisse atteindre les jeunes semis. Cette ouverture partielle du couvert permet également le maintien des semenciers.

t La préparation de lits de germination Habituellement, un scarifiage mécanisé est nécessaire pour créer le mélange désiré de sol minéral et de matière organique. La synchronisation de cette opération avec les bonnes années semencières est essentielle pour assurer une pleine réussite de l’installation de la régénération. Heureusement, les cônes femelles ont un cycle de deux ans et le bon moment peut être repéré un an avant l’intervention. ►

Gros semencier.

14 — HISTOIRES FORESTIÈRES

t L’option de la régénération artificielle La priorité devrait être donnée à la régénération naturelle, mais le reboisement ou l’enrichissement4 peuvent être envisagés lors des mauvaises années semencières. Des plantations mixtes avec des espèces à croissance rapide, comme le peuplier hybride et les mélèzes, ont d’ailleurs présenté des résultats intéressants.

t L’éducation Tout le long de la croissance du pin blanc, des suivis doivent être effectués pour repérer les attaques de rouille, du charançon ainsi que sa vulnérabilité face aux compétiteurs. Des opérations de dégagement, d’élagage, d’assainissement ou d’éclaircie peuvent être nécessaires.

t La culture en futaie irrégulière L’utilisation de forêt biétagée ou pluriétagée peut présenter un avantage pour la conservation de grosses tiges.

Pour conclure : une sylviculture proche de la nature Le pin blanc a toujours fait partie du paysage de nos forêts feuillues et mixtes. Historiquement, le passage récurrent des feux ou les renversements par le vent (chablis) favorisaient l’installation de sa régénération. De nos jours, les grands feux ayant disparu de la réalité de la zone feuillue, la régénération naturelle du pin blanc, comme celle du chêne rouge, est affectée. Sa restauration présente un défi de taille, mais la connaissance de sa dynamique et de son autécologie nous donne toutes les pistes à suivre. Ceci constitue un autre exemple de la nécessité d’une sylviculture proche de la nature. ■ 4. Action de compléter la régénération naturelle par l’introduction de plants artificiels.

Blouin, D. et F. Guillemette. 2005. Dispositif expérimental de régénération par coupes progressives, Rapport d’activités 2004-2005 et planification des activités, Centre d’enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy inc. (CERFO), Rapport 2005-09. 27 p., 3 annexes. Bureau du Forestier en chef, 2006. L’aménagement du pin blanc. Recommandation au MRNF. Fiche technique. 1 p. Page Web : http://www.forestierenchef.gouv.qc.ca/fichiers/do cuments/recommandations/FEC-FIC-REC-Pinblanc. pdf.

Côté, S., D. Blouin et F. Guillemette. 2006. Portrait de la régénération en pin blanc après coupe de régénération dans les strates de la production pin sur les aires communes 071-01 et 071-21, Centre d’enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy inc. (CERFO), Rapport 2006-07. 108 p., 8 annexes. Dallaire, S., Végétation potentielle RP1, version préliminaire. Guide sylvicole provincial. À paraître. Guay, L. 2007. Résumé des travaux réalisés en 2006-07, Pin blanc, 12 p.

CERFO, 2007. La restauration du pin blanc, une stratégie québécoise. Fiche technique Technote 2007-04. Disponible sur www.cerfo.qc.ca.

Guay, L. 2007. L’aménagement du pin blanc, Travaux de dégagement au secteur Needham, 23 diapositives.

Coulombe, C., G. Bélanger, R. Lavallée, G. Laflamme et G. Daoust. 2005. Un outil de contrôle simple et efficace contre le charançon et la rouille vésiculeuse du pin blanc sur l’épinette de Norvège et le pin blanc. Partenariat Innovation Forêt, Québec, Québec. 16 p.

Nolet, P., Fiche technique sur le pin blanc, version préliminaire. Guide sylvicole provincial. À paraître. Partenariat Innovation Forêt, 2008. Les grands pins au Québec : un choix d’avenir, www.afce.qc.ca, 28 p.

Patrick Blanchet, Feux de forêt : l’histoire d’une guerre, Montréal, Trait d’Union, 2003, 198 p. HIVER-PRINTEMPS 2009 —

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Ces billots de bois coulés au fond de la rivière Rimouski représentent une source d’information inédite permettant de reconstituer l’historique d’un écosystème forestier.

RECHERCHE

AMÉNAGEMENT ÉCOSYSTÉMIQUE ET FORÊT PRÉINDUSTRIELLE par Yan Boucher

Les fondements Depuis une dizaine d’années, la foresterie québécoise est en pleine transformation. Nous n’avons qu’à penser au dépôt du rapport Coulombe sur la gestion de la forêt publique québécoise (2004) ou au récent projet de réforme du régime forestier (2008) qui ont amené le gouvernement du Québec à modifier son approche de gestion forestière (Arsenault et al. 2004; MRNF 2008). C’est ainsi qu’un nouveau concept, qui vise le maintien de la biodiversité du milieu forestier, a été mis de l’avant : l’aménagement écosystémique (AÉ). D’après le MRNF, l’AÉ se définit comme une approche écologique appliquée à l’aménagement forestier. Concrètement, l’AÉ tente de reproduire, par des stratégies d’aménagement (échelle du paysage) et des traitements sylvicoles (échelle du peuplement), les principales caractéristiques des forêts soumises à une dynamique naturelle. Habituellement, la structure d’âge et la composition de la forêt préindustrielle (c.-à-d. juste avant l'exploitation soutenue du début du XXe siècle) sont des états de référence robustes qui permettent de définir les principales caractéristiques des forêts naturelles et d’orienter les stratégies d’AÉ.

Reconstituer les forêts du passé : l’écologie historique Au Québec, comme dans la plupart des autres régions du monde, la rareté des paysages vierges ou peu amé-

nagés nous oblige à recourir à des méthodes alternatives pour décrire les caractéristiques de la forêt préindustrielle. L’écologie historique est une discipline qui permet de reconstituer, à diverses échelles spatiales et temporelles, les écosystèmes forestiers du passé (Whitney 1994). Habituellement, les sources d’informations utilisées se divisent en deux grandes catégories. D'abord, on peut se baser sur des informations manuscrites et imprimées telles que les photos aériennes et les cartes forestières, les inventaires forestiers, les archives d’arpentage et les actes notariés. Ensuite, on peut utiliser les évidences biologiques retrouvées au sein des écosystèmes. L’étude des forêts vierges, l’étude des arbres morts conservés dans les tourbières ou dans les milieux aquatiques et riverains, de même que les analyses des grains de pollen et des sédiments lacustres sont des sources d’informations précieuses. Dans la prochaine section, je présenterai les travaux réalisés dans le cadre de mon doctorat qui visait à reconstituer la forêt préindustrielle du Bas-Saint-Laurent et sa transformation depuis le début des coupes (1820-2000). Deux sources primaires d’informations ont été utilisées : les cartes historiques des compagnies forestières et le bois dravé. L’ensemble de ces travaux a été réalisé dans le cadre de la définition de cibles pour la mise en œuvre de l’AÉ et la compréhension des changements de végétation à long terme des sapinières du Québec méridional. ►

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Reconstitution des forêts préindustrielles à l’aide des archives cartographiques des compagnies forestières Depuis le début du XIXe siècle, les forêts du Bas-Saint-Laurent ont subi de profondes transformations (Fortin et al. 1993). L’établissement d’un important commerce du bois entre le Québec et l’Angleterre au début du XIXe siècle a contribué à l’arrivée massive des marchands de bois et à la colonisation du territoire. Puis, au courant du XXe siècle, l’essor de l’industrie du sciage et des pâtes et papiers a entraîné l’exploitation de l’ensemble des forêts bas-laurentiennes, de sorte qu’actuellement, il n’existe plus de vastes forêts inexploitées. Dans le cadre de ma thèse, nous cherchions à documenter les forêts préindustrielles du Bas-Saint-Laurent et leur transformation depuis le début des coupes, au XIXe siècle. La pièce maîtresse de nos travaux fut la découverte, dans le fonds d’archives de la compagnie Price, situé à Saguenay, d’une série de cartes forestières au début de la période préindustrielle (1930) couvrant près de 2500 km2 (Figure 1). Sur ces cartes, plus de 65 % du territoire n’avait jamais été exploité. Les cartes ont été numérisées, géoréférencées et intégrées dans un système d’information géographique (SIG). Une carte numérique en 1930 a été produite.

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L’étude a permis de reconstituer et de documenter la transformation (1930-2000) des forêts préindustrielles pour trois bassins versants (Rimouski, Mitis et Matane). Les résultats ont démontré que les paysages forestiers préindustriels (1930) étaient dominés de vieilles forêts (75 % de forêts > 100 ans) de conifères et qu’actuellement (2000), ces forêts se sont considérablement raréfiées au profit des jeunes peuplements où les feuillus sont plus abondants (Figure 2). Bien que le portrait forestier de 1930 nous ait donné un bon aperçu de la forêt préindustrielle, près du tiers du territoire avait déjà fait l’objet de récolte à diamètre limite. Avant 1930, le diamètre minimal d’exploitation était de 25 cm, et environ 350 tiges/ha de conifères d’un diamètre de 10 à 25 cm étaient conservées sur les parterres de coupe (Gérin et al. 1944). Les territoires déjà coupés en 1930 étaient localisés principalement le long du réseau hydrographique, car la drave était, au XIXe siècle et au début du XXe siècle, le principal moyen de transport des bois de la forêt jusqu’aux ► moulins (Boucher et al. 2008).

Figure 1























































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Figure 2

18 — HISTOIRES FORESTIÈRES

Reconstitution des forêts coupées au XIXe et XXe siècles à l’aide du bois dravé À défaut de photographies aériennes ou de plans d’aménagement forestier, lesquels nous auraient permis de reconstituer la période antérieure à 1930, nous avons dû opter pour une source d’information alternative et inédite. Nous avons reconstitué l’historique du flottage des bois (≈1820-1970) en récoltant des informations sur la composition et l’année de coupe des billots coulés au fond de la rivière Rimouski. La rivière Rimouski a été utilisée de manière soutenue par les industriels forestiers au XIXe et XXe siècles. L’analyse des archives révèle que, de 1826 à 1963, plusieurs moulins étaient en opération aux abords de la rivière (Figure 3). Les plus importants ont été construits dans la section avale à moins de 5 km de l’embouchure. Le premier fut installé en 1826 à environ 3 km de l’embouchure. Les deux plus importants moulins ont été construits successivement par la compagnie Price Brothers. Une scierie (1901 à 1964; no 3 sur la Figure 3) a été érigée tout près de l’embouchure tandis que, deux ans plus tard, une pulperie (1903 à 1927; no 4 sur la Figure 3) a été installée en amont de la scierie. Pour reconstituer l’historique du flottage des bois, des « gisements de billots » ont été recherchés dans la section avale du bassin versant en amont des principaux moulins. Un seul gisement a été découvert et il équivalait à un tronçon de rivière d’une superficie de quatre hectares. L’ensemble de la superficie a été

Figure 4

ratissé à l’aide d’une sonde, et tous les billots de bois déposés au fond de la rivière et arborant une marque de coupe (trait de scie ou entaille de hache) ont été récoltés à l’aide d’un crochet forestier et d’un tournebille (Figure 4). L’ensemble des billots récoltés (614) a été ramené sur le rivage où un disque transversal a été prélevé à la base des billots. À l’aide d’une analyse anatomique et dendrochronologique (datation de la période de vie des arbres formant les billots; Figure 5), nous avons documenté la composition et l’année de mortalité des arbres coupés depuis le début du XIXe siècle au sein du bassin versant de la rivière Rimouski. Parmi les 614 billots retirés du fond de la rivière, le sapin baumier formait 64 % des spécimens; les épinettes, 17 % ; le pin rouge, 15 % ; le pin blanc, 3 % ; le mélèze, 0,7 % et le thuya occidental, 0,5 %. L’ensemble des feuillus, comprenant les genres Betula, Populus et Fraxinus, formait moins de 1 % des billots récoltés. Un total de 201 billots ont été datés lors de l’étude dendrochronologique, ce qui a permis de déterminer l’année de la coupe (Figure 6). La période de coupe des spécimens datés s’étalait entre 1827 et 1967. On observe une étroite correspondance entre le nombre de billots datés par décennie et l’historique d’exploitation du territoire étudié (voir numérotation 1 à 5 ; Figure 6). Seulement 19 des spécimens datés (≈ 10 %) ont été coupés au XIXe siècle. La majorité d’entre eux étaient des pins blancs (37 %), des épinettes (26 %) et des pins rouges (21 %). Le thuya occidental (11 %) et le sapin baumier (5 %) formaient les autres espèces coupées à cette époque. Au XXe siècle, le nombre d’arbres datés s’est accru fortement par rapport au XIXe siècle. Le sapin baumier était de loin l’espèce la plus fréquemment datée avec une proportion de 59 % de toutes les tiges datées à cette période. ►

Figure 3 HIVER-PRINTEMPS 2009 —

19

Figure 5

Les résultats de l’étude permettent de diviser l’historique d’exploitation des forêts bas-laurentiennes en trois grandes phases (Figure 6). La première phase d’exploitation (1827-1900) des forêts correspond à l’époque de la coupe sélective des plus gros arbres, notamment les pins et les épinettes. D’ailleurs, nos résultats indiquent que le pin blanc, le pin rouge et l’épinette spp. composaient plus de 84 % des billots datés dans la période 1827-1900. L’analyse des actes notariés de vente de bois (Y. Boucher, données non publiées) montre aussi qu’à cette époque, le pin rouge constituait une part importante des arbres exploités aux abords de la rivière Rimouski. Par exemple, dans la seule année 1829, la livraison d’environ 20 000 billots de pin rouge a été convenue aux abords de la rivière Rimouski. Le faible nombre de billots datés au XIXe siècle est probablement attribuable à la capacité industrielle plus réduite qu’au XXe siècle et au fait que la drave limitait les exploitations aux abords du réseau hydrographique. Le mode d’exploitation au XIXe siècle suggère aussi que les modifications de la mosaïque forestière ont été relativement mineures et spatialement restreintes comparativement à celles induites par l’exploitation réalisée au XXe siècle.

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20 — HISTOIRES FORESTIÈRES

III



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La seconde phase (1901-1960) correspond à l’exploitation industrielle intensive qui a débuté avec la construction du moulin à scie (1901) et de la pulperie (1903). En plus d’observer une accélération des coupes, la proportion relative de chacune des espèces exploitées au XXe a changé radicalement (Figure 6). En effet, d’une industrie où le pin et l’épinette dominaient les volumes récoltés au XIXe siècle, c’est le sapin baumier qui a été le plus fortement exploité au XXe siècle. L’essor de l’industrie des pâtes et papiers au début du XXe siècle, en plus de celle du sciage, a sûrement favorisé l’utilisation du sapin qui, auparavant, n’était qu’une espèce considérée comme secondaire à cause de ses propriétés physiques déficientes et de sa faible taille.

La troisième phase d’exploitation (1960-2000), qui correspond à l’implantation des coupes totales mécanisées et des coupes de récupération de la dernière épidémie de tordeuses des bourgeons de l’épinette, a été associée à des modifications majeures de la mosaïque forestière (Figure 2). Plusieurs facteurs expliquent ces transformations extraordinaires. Premièrement, la coupe totale mécanisée a été de plus en plus employée à partir du début des années 1960 (Etheridge et al. 2005). Comparativement aux coupes à diamètre limite du début du siècle, la coupe totale favorise le remplacement complet du couvert et la création de conditions favorables pour l’implantation de stades sucessionnels jeunes dominés par les essences feuillues pionnières (Jackson et al. 2000). Deuxièmement, une épidémie de tordeuses des bourgeons de l’épinette, considérée comme très sévère, a touché le territoire entre 1975 et 1992 (Boulanger et Arseneault 2004). L’épidémie de tordeuses et les coupes de récupération associées ont favorisé l’implantation de vastes parterres de coupes qui ont été régénérés en grande partie à l’aide de plantations d’épinette noire, d’épinette blanche et d’épinette de Norvège. Ces perturbations successives dans la dernière moitié du XXe siècle ont fortement affecté la structure et la composition des paysages forestiers actuels et ont continué de creuser l’écart avec les conditions préindustrielles. ►









Figure 6

Cette étude a montré que les techniques de l’écologie historique peuvent fournir des informations précieuses pour reconstituer les écosystèmes du passé et leur transformation sous l’influence des pratiques forestières. Les recherches historiques portant sur la structure et la composition des forêts préindustrielles doivent se poursuivre et chercher à utiliser l’ensemble des sources de données disponibles, comme les inventaires anciens et les archives de l'arpentage primitif. Finalement, l’archivage de ces données historiques au sein des compagnies forestières et des gouvernements est crucial et exigera des efforts importants au cours des années à venir afin d’éviter leur destruction et la perte de notre mémoire forestière. ■ Pour de plus amples renseignements, vous pouvez communiquer avec Yan Boucher à : [email protected].

Boucher, Y., Arseneault, D., Sirois, L. et L. Blais. Logging pattern and landscape changes over the last century at the boreal and deciduous forest transition in Eastern Canada. Landscape Ecology. Sous-presse. Boulanger, Y. et D. Arseneault. 2004. Spruce budworm outbreaks in Eastern Quebec over the last 450 years. Canadian Journal of Forest Research 34: 1035-1043. Etheridge, D.A., MacLean, D.A., Wagner, R.G., et Wilson, J.S. 2005. Changes in landscape composition and stand structure from 1945-2002 on an industrial forest in New Brunswick, Canada. Canadian Journal of Forest Research 35: 1965-1977. Fortin, J.-C., Lechasseur, A., Morin, Y., Harvey, F., Lemay, J. et Y. Tremblay. 1993. Histoire du Bas-Saint-Laurent. Institut québécois de recherche sur la culture, Québec, Québec.

mise en œuvre de l’aménagement écosystémique (AÉ). Depuis janvier 2007, il travaille activement au sein du projet pilote d’AÉ de la réserve faunique des Laurentides où il a entrepris de documenter les caractéristiques et le fonctionnement des forêts préindustrielles. Durant son baccalauréat en biologie à l’Université du Québec à Montréal (2000), il fut grandement inspiré par ses trois professeurs d’écologie forestière : Yves Bergeron, Christian Messier et Daniel Kneeshaw, qui établissaient à ce moment les bases de l’AÉ au Québec. En 2000, il débuta une maîtrise en écologie forestière à l’Université du Québec à Rimouski sous la direction de Dominique Arseneault. Les connaissances scientifiques quasi à inexistantes sur le fonctionnement des forêts bas-laurentiennes ont motivé son choix d’œuvrer dans cette région. En partenariat avec la Forêt modèle du Bas-Saint-Laurent, l’objectif de son projet de maîtrise était d’élaborer des cibles et des indicateurs pour l’aménagement durable des forêts à partir de la reconstitution de la forêt précoloniale. En 2002, M. Boucher décida de poursuivre ses recherches et d’entreprendre une thèse de doctorat sous la direction de Dominique Arseneault et de Luc Sirois. Les objectifs de la thèse étaient de documenter la structure et la composition des forêts préindustrielles du Bas-Saint-Laurent de même que leurs transformations depuis le début des coupes. En 2008, il déposa une thèse de doctorat intitulée « Dynamique de la forêt du Bas-Saint-Laurent depuis le début de l’exploitation forestière (1820-2000) ».

Gérin, M., Gosselin, R. et J. Pléau. 1944. Étude des plans d'aménagement de Price Brothers pour les concessions de Rimouski, Métis et Matane. Price Brothers Co., Rimouski. Jackson, S.M., Pinto, F., Malcolm, J.R. et E.R. Wilson. 2000. A comparison of pre-European settlement (1857) and current (1981–1995) forest composition in central Ontario. Canadian Journal of Forest Research 30: 605–612. MRNFQ. 2008. La forêt, pour construire le Québec de demain. Gouvernement du Québec, Québec. URL : http://www.mrnf.gouv.qc.ca/publications/forets/consultation/livre-vert.pdf Whitney, G.G. 1994. From coastal wilderness to fruited plain. A history of environmental change in temperate North America from 1500 to the present. Cambridge University Press, Cambridge. Arsenault, J., Bauce, E., Bernard, J.T., Bouchard, A., Coulombe, G., Huot, J., Liboiron, M.A. et G. Szaraz. 2004. Commission sur la gestion de la forêt publique québécoise. Québec, Québec. URL : http://www.commission-foret.qc.ca/membres.htm.

C O N C E R N A N T L’A U T E U R Yan Boucher est biologiste et occupe le poste de chercheur à la Direction de la recherche forestière (DRF) du ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) du Québec depuis 2007. Ses travaux portent sur l’intégration des connaissances de la dynamique des forêts pour la HIVER-PRINTEMPS 2009 —

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C H RO N I Q U E A NTR H O P O L O G IQ UE

QUI EST LE GRAND PUBLIC ? par Martin Hébert Le 8 décembre 1999, emporté par l’esprit festif du Noël approchant, Louis-Gilles Francoeur, du journal Le Devoir, concluait sa chronique en invoquant une image romantique que nous connaissons tous : « À faire : aller couper son sapin de Noël dans une forêt publique. Beaucoup mieux qu’un sapin en plastique, un sous-produit du pétrole, ou qu’un sapin cultivé à grands renforts d’engrais et de pesticides. D’ailleurs laids à mou-rir avec leur allure de menhirs verts1 ! » Cette suggestion, bien sûr, suscita une vive réaction de la part du ministère des Ressources naturelles. « Aller au sapin », comme l’expliqua alors une fonctionnaire, est interdit dans les forêts du domaine de l’État sans autorisation. L’auteur dut donc se rétracter, non sans exprimer son indignation devant l’ampleur de la dépossession dont il venait de prendre conscience2. Nous prenons souvent pour acquis que l’idée d’une forêt publique et celle d’une forêt dont l’État est propriétaire sont équivalentes. Dans le langage courant, forêts publiques et terres de la Couronne sont, par exemple, souvent utilisées de manière interchangeable. Dans un système politique représentatif comme le nôtre, elles le sont en principe. Mais notre imaginaire forestier est nécessairement plus complexe que les imaginaires épurés du droit et des lois ne le laissent entrevoir. Ces derniers,

par conséquent, représentent généralement assez mal la manière dont les citoyens perçoivent la forêt et ses richesses. La raison de ce décalage est simple : le « public » n’est pas la simple addition des rapports individuels à la forêt, mais plutôt une image utilisée pour parler de ces multiples rapports. La distinction est de taille.

est inscrite «dansla lesforêtimaginaires, et dans les expériences, comme un lieu toujours susceptible de transcender les droits de propriété

»

La première mention que l’on a pu trouver de l’existence d’une forêt dite « publique » au Québec se trouve dans la Loi des terres et forêts de 1941. Elle présente ce terme dans un contexte où sont décrites les « limites » de l’accès du grand public aux forêts : « Excepté dans l’exercice d’un droit ou de quelque devoir imposé par la loi, nul ne doit passer sur les terres publiques, y séjourner ou y ériger des constructions » (article 48a). Le Problème forestier de 1962 traduit le sens de ce passage en utilisant toujours le mot « public » entre guillemets : « la forêt "publique" n’est pas accessible à tous sans distinction3 », peut-on y lire. Dans la version actuelle de la loi, la chose est dite de manière plus feutrée,

mais le fond demeure le même : « Toute personne peut passer sur les terres du domaine de l’État […] Toutefois le droit de passer et de séjourner sur les terres sous l’autorité du ministre s’exerce conformément aux normes prescrites par le gouvernement par voie réglementaire4. » L’idée d’une nature encadrée par des lois et des règlements conçus en fonction d’une certaine image abstraite du « public » et de son intérêt bien compris présente sans doute plusieurs avantages. Elle permet d’avoir une vue d’ensemble, de protéger la forêt, de planifier à long terme, d’harmoniser les intérêts des divers acteurs. Bref, elle permet une cohérence dans notre rapport « collectif » à la forêt... pour le meilleur ou pour le pire. Mais cette même idée peut parfois déclencher une réaction viscérale, un sentiment de dépossession, voire l’impression qu’une transgression contre la nature elle-même a été commise lorsqu’une portion des habitants du territoire se sent exclue ou lorsque des pratiques profondément ancrées dans son imaginaire de la forêt se voient soudainement proscrites. ►

1. Louis-Gilles Francoeur, « Qui veut des cerfs protège les sapins », Le Devoir, mercredi le 8 décembre 1999, B5. 2. Louis-Gilles Francoeur, « Se faire passer le sapin du siècle », Le Devoir, mercredi le 22 décembre 1999, B5. 3. La corporation des ingénieurs forestiers de la province de Québec (1961), Le problème forestier du Québec, p. 41-42. 4. Loi sur les terres du domaine de l’État, article 53. H I VER - PR I N T EM P S 20 0 9 —

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Les Premières Nations en ont certainement long à dire sur cette question et il faudra un jour faire une histoire détaillée de la manière dont des pratiques ancestrales de chasse, de trappe et de collecte ont été rendues illégales au nom de la protection du « bien commun » et de la cohérence dans la gestion du territoire. Mais comme le montre l’exemple du sapin de Noël, le rapport collectif à la forêt administré par l’État peut parfois se trouver en contradiction avec le sentiment de droit inhérent éprouvé par l’ensemble de la population face à la forêt. Les Canadiens français du XIXe siècle racontaient, à cet égard, une légende qu’ils disaient venir des grands-parents de leurs grandsparents, une mise en garde morale qui avait traversé l’Atlantique depuis la Bretagne. Pour rester dans notre thème festif, il s’agit de la légende de Robert Kerfoël et de la bûche de Noël. Le seigneur de Kerfoël, comme on l’appelait, était un grand propriétaire absent, qui n’avait vu ni ses terres ni son château depuis vingt ans. Homme taciturne – nous passerons ici rapidement sur l’allégeance au diable qu’on lui attribuait –, Robert Kerfoël détestait la nuit de Noël et, plus que tout, la coutume de baptiser une bûche de chêne et de la brûler dans l’âtre à cette occasion. Pendant vingt années, les serviteurs de Kerfoël ont respecté la

volonté du maître absent et se sont abstenus de fêter Noël en pratiquant l’antique tradition. Mais, las de respecter les volontés d’un maître invisible, les serviteurs décidèrent, au vingtième réveillon, de baptiser la bûche et de la brûler. Bien entendu, le rituel n’était pas à moitié complété que le maître de la maison fit irruption, empreint d’une royale colère. Sa bûche, prise d’un chêne sur ses terres, brûlée dans son âtre par ses serviteurs ! Devant l’outrage, Kerfoël confisqua la bûche (l’éteint) et sortit en trombe de sa demeure en la traînant derrière lui et en blasphémant. Kerfoël avait beau être le propriétaire des lieux et exercer son droit de propriétaire en confisquant sa bûche, il n’en reste pas moins que la tradition populaire a fait de lui un vilain qui disparut dans la nuit avec « un cri de détresse qui n’avait rien d’humain » et « fit dresser les cheveux d’épouvante à tous les témoins de la terrible scène5 ». Kerfoël sera transformé en la silhouette d’un vieil homme apparaissant sur le disque lunaire « qui paraît marcher péniblement, courbé sous le poids d’un fardeau bizarre, où ceux qui ont de bons yeux reconnaissent comme une espèce de bûche à moitié calcinée ». Qu’elle relève du domaine seigneurial ou du domaine de l’État, la forêt est inscrite dans les imaginaires, et dans les expérien-

ces, comme un lieu toujours susceptible de transcender les droits de propriété. Elle peut – et doit sans aucun doute – être gérée, à une échelle macroscopique, par des politiques, des lois et des règlements cohérents conçus avec le bien du « public » impersonnel en tête. Mais, à une échelle microscopique, le public abstrait n’existe pas. Il n’y a que des gens qui vivent et qui imaginent la forêt, qui doivent certes respecter les lois du pays, mais dont le sentiment d’avoir un droit inhérent sur la forêt, sur ce bien public sans guillemets, fait en sorte qu’il est difficile de ne pas éprouver un sentiment de dépossession lorsque le propriétaire absentéiste des lieux revient pour leur confisquer leur bûche de Noël encore fumante. ■

5. Ces passages, de même que le récit de « la bûche de Noël », sont tirés d’un récit recueilli par Louis Fréchette en 1900 et publié en 1981 dans la revue La Jarnigoine (vol.1, no 1), p. 7-10.

C O N C E R N A N T L’A U T E U R C O N C E R N A N T L’ A U T E U R Martin Hébert est professeur d'anthropologie à l'Université Laval. En 2007, il a dirigé un numéro spécial de la revue Recherches amérindiennes au Québec intitulé Les Premières Nations et la forêt. Il vient également de publier, en codirection avec Pierre Beaucage, un ouvrage intitulé Images et langages de la violence en Amérique latine, aux Presses de l'Université Laval.

La Forêt Montmorency 418 656-2034 [email protected]

www.fm.ulaval.ca

U N P I ON NI ER R A C O NTE

avec

ANDRÉ DUCHESNE propos recueillis par Mylène Moisan

Quel est le premier souvenir lié à la forêt ? Comment est venue la passion de l'arbre ? Je suis un gars de la ville. Le gazon devant chez nous était minuscule avec une petite clôture autour. Le premier arbre, ils l'ont planté dans un trou dans le trottoir. Mon amour de la forêt, ça remonte à quand j'étais dans les scouts. C'est pour ça que j'ai abouti en génie forestier.

j'aille à Syracuse. Aujourd'hui, ils se feraient poursuivre pour ça. À Syracuse, je n'ai jamais eu mon diplôme, parce qu'on a eu une querelle à la fin.

De quelle nature ? Sur le contenu de ma thèse. On avait convenu que ça devait être concret. J'ai travaillé sur les feux de forêt des Territoires du Nord-Ouest pour établir des processus À cette époque-là, à quoi ça resdécisionnels pour accorder la Mon amour de semblait ? Qu'est-ce qu’on enseignait ? priorité aux feux. Parce que là-bas, il arrive parfois cent feux en vingt minutes, On parlait d'aménagement polyvalent. la forêt, ça sur un territoire grand comme On a changé les mots, mais ça se remonte à quand dispersés le Québec. J'ai élaboré une procédure qui ressemble encore. On avait une j’étais dans les est encore utilisée à ma connaissance. atmosphère très familiale. Ce n'était pas Quand j'ai défendu ça devant le comité, une machine à produire des ingénieurs. scouts. ils m'ont dit : « Où est ta théorie ? » Je leur Pas de cours à l'extérieur de la faculté, ça faisait une espèce d'unité. Quand on a gradué, on ai donné le livre et dit : « Elle est là-dedans. » Ça s'est était en train de décider de révoquer les concessions, fini là. que le gouvernement allait prendre le contrôle des forêts pour le bien de la collectivité. Humm… Une En 1974, vous avez fait le choix de l'industrie avec la forte majorité de mes confrères sont allés au Reed. Comment ça se passait ? gouvernement. Sur 28, je pense qu'ils en ont À Forestville, c'est là que j'ai commencé à voir embauché 18. vraiment le contexte dans lequel on opérait. Aujourd'hui, je vois les changements énormes. Vous avez fait le choix du privé ? Forestville, c'était une concession forestière. Sur l'environnement, j'ai eu une querelle épique avec un Je suis allé en génie-conseil avec une grosse firme. Et propriétaire de débusqueuse, qui faisait son je voulais faire une maîtrise parce que je trouvais que changement d'huile et qui versait ça dans l'eau. Mon le nerf de la guerre, c'était l'aspect socioéconomique gérant m'a soutenu. Aujourd'hui, c'est des amendes et c'était négligé. Il y avait deux économistes par-dessus la tête. Les grands mots, comme forestiers au Québec, Jean-Paul Nadeau et un autre. Je « écosystémique », n'existaient pas encore, mais on trouvais qu'il y avait un beau créneau. Mon employeur visait une utilisation responsable à long terme. Ceux m'a dit : « Tu ne peux pas travailler et faire une qui pensaient à l'environnement, ils sortaient un peu maîtrise en même temps. » Donc, j'ai démarré le cours de la foule. C'est remarquable de voir aujourd'hui de technique forestière au cégep de Sainte-Foy et j'ai comment les compagnies ont une autre attitude en entamé une maîtrise à l'Université Laval. Mais forêt. Je ne dis pas qu'elles trouvent toutes ça drôle, il Jean-Paul Nadeau s'est vu refuser le droit de venir y en a pour qui ça demeure un problème, enseigner à la faculté. Ils étaient donc un peu mal à par rapport à l'augmentation des coûts. l'aise et ils m'ont payé une bonne bourse pour que ►

«

»

H I VER -PR I N T E M P S 20 0 9 —

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Parce que, quand l'industrie était riche, on l'a chargée d'à peu près tous les coûts de production et de protection des autres ressources. Mais les autres utilisateurs, on ne leur a jamais demandé de faire leur part équitable. Aujourd'hui encore, plusieurs s'imaginent que ça leur est dû, que c'est gratuit. Que ça doit être gratuit. Et quand la compagnie s'en va, on demande au gouvernement de payer. C'est un problème économique et social. Comment ça se règle ? Un bout de temps, je pensais que c'était par l'éducation ! (rire) La difficulté vient de ce contexte au Québec où on se fie sur le gouvernement. Cette mentalité en forêt fait que certains souhaitent la création d'une agence qui ferait la récolte de tous les bois et les vendrait aux usines. Autant je suis d'accord qu'on est rendu à une séparation de l'usine et de la forêt, autant une agence gouvernementale pour faire ça, c'est aberrant. Ça ne tient pas debout.

« Je pense que notre problème à l'heure actuelle, c'est qu'on a beaucoup de difficulté à briser le lien qu'on a créé entre l'usine et la forêt.

»

Est-ce que cette mentalité-là était présente à l'époque? Non. Au moment des concessions forestières, on était encore, d'une certaine façon, un pays en voie de développement. Il faut comprendre que c'est comme ça que les pays en voie de développement obtiennent des revenus, en octroyant des grands pans de la forêt aux industries. Ça, ça fait démarrer l'activité économique. Mais à partir du moment où on est rendu à la limite de la possibilité forestière, c'est ce qui arrive avec les concessions forestières. Là, on commence à avoir une autre game. Je pense que notre problème à l'heure actuelle, c'est qu'on a beaucoup de difficulté à briser le lien qu'on a créé entre l'usine et la forêt. Ça a fait stagner notre industrie et amené le ministre dans une situation d'inconfort. S'il ne donne pas du bois à une usine, il se fait accuser de faire perdre des jobs. Il n'y en a plus de bois à donner. Ce qu'on a vécu, de la fin des concessions forestières jusqu'à la Commission Coulombe, c'est essentiellement ça : le ministre a demandé à ses fonctionnaires de trouver tous les moyens possibles pour donner plus de bois et aller couper un ruban. Et là, c'est un héros, il crée des jobs, la vie est belle. Mais pour faire ça, on a triché. On a été 25 — HISTOIRES FORESTIÈRES

optimiste sur les rendements, on est allé plus loin le chercher, on a agrandi les superficies productives et on n'a pas fait de réserves. Un moment donné, il ne restait même plus 2 % des terres publiques qui n'étaient pas allouées. À quel moment ? Au moment de la crise. De Desjardins, de la Commission Coulombe. Dans ces conditions-là, le pouvoir du ministre de décider qui va avoir le bois, c'est plus une malédiction qu'un pouvoir. D'où ma proposition à la Commission Coulombe et dont je maintiens la validité : créons un marché pour la matière ligneuse entre la forêt et l'usine. Je ne suis pas dogmatique sur la façon de le créer, mais il faut que, progressivement, on fasse cette séparation-là. Pas dans l'objectif que le ministre a mis de l'avant dans son Livre vert, qui a l'air d'être de pouvoir établir le vrai prix pour le bois de la forêt publique. Ce n'est pas ça, la question. Le véritable objectif, c'est que les usines les plus compétitives soient capables de s'approprier plus de bois et que les canards boiteux meurent. Le problème, c'est qu'on n'accepte pas que nos canards boiteux meurent. On souffre de ce que j'appelle la « tricofilite » ou, pour être plus contemporain, je pourrais parler de la MIL Davie qui vient d'avoir besoin d'un autre prêt à long terme, d'une autre subvention. On est peut-être mieux de faire autre chose avec notre argent. En s'imaginant que s'occuper des gens, c'est sauver leurs jobs, on fait fausse route. ►

Camp mobile pour l'inventaire forestier de E.B. Eddy, au nord de Parent, en 1965.

Dépensons de l'argent pour une transition de carrière, pour un meilleur BS à la limite, c'est aussi efficace que de perdre des millions dans des projets qui ne vont nulle part. Connaissez-vous beaucoup de maréchauxferrants ? Quand, au siècle dernier, le cheval était le principal moyen de locomotion, il y avait un spécialiste pour ferrer les chevaux à tous les coins de rue. Il en reste trois ou quatre parce qu'il y a encore des chevaux d'équitation. Est-ce qu'on les a subventionnés pour qu'ils restent en vie quand il n'y avait plus d'ouvrage ? Comment ça touche l'industrie forestière ? Regardez le papier journal. La demande, pour toutes sortes de raisons, a diminué. Mais on essaye de faire marcher nos vieilles machines à papier journal pour faire quelque chose qu'elles sont capables de faire. Nos entreprises, qui n'ont jamais été habituées à se battre pour avoir de la matière première, disent au ministre : « Donne-moi plus de fibres, je vais être capable de faire mon papier moins cher et de maintenir quelques jobs. » C'est un cul-de-sac. Regardons ça sous un autre angle; les entreprises qui sont le moins dans le trouble sont celles qui n'ont pas de garantie d'approvisionnement. Elles achètent leur approvisionnement sur le marché, soit des scieurs, des dérouleurs... Cascades, dans toute son histoire, a eu une garantie d'approvisionnement pour une seule usine. Est-ce que Cascades est une compagnie qui est dans le pétrin comme Abitibi qui a quasiment la moitié des superficies à elle ? La tendance est là. Quand j'ai fait la recherche pour le papier que j'ai présenté à l'Institut économique de Montréal l'an dernier, c'était clair : la fréquence des fermetures d'usines était trois à quatre fois plus élevée pour celles qui bénéficiaient d'une garantie d'approvisionnement du gouvernement. Ça n'est pas une preuve, mais ça me convainc que pour maintenir la compétitivité d'une entreprise, pour qu'elle soit

obligée de fuir en avant, il faut un contexte. Et c'est au gouvernement de le créer. Ce que l'histoire forestière nous dit, c'est que le gouvernement ne l'a pas fait. On a laissé faire l'industrie faire beaucoup d'argent, mais sur la base de situations excessivement sécures et tout le monde a dormi sur la switch. On accuse les gestionnaires d'être incompétents. Ils ne sont pas incompétents, ils ont été gâtés. Et là, il est trop tard pour les faire changer. C'est comme si on demandait à quelqu'un qui est en train de se noyer ce qu'il veut pour souper. Il s'en fout, il veut de l'oxygène. C'est là qu'ils sont, dans leur marge de crédit. Ce qui les intéresse, c'est de sortir du trou. À mon avis, la vague de fermetures n'est pas finie. Et la situation est la même dans d'autres provinces et dans certains États. Si on remonte il y a quarante ans, qu'est-ce qui était différent ? Le marché était développé à tour de bras, on n'avait pas de problème. Même quand on a eu la première crise à la fin des années 70, le marché était suffisamment en croissance pour que les deux paliers de gouvernement, qui ont donné un milliard et quart en subventions — c'était beaucoup d'argent dans ce temps-là —, disent : « Vous allez moderniser, mais vous n'avez pas le droit de réduire le nombre de jobs. » Qu'est-ce qu'on a fait ? On a produit plus. L'argent a servi à augmenter la productivité, à être plus compétitif, et le marché absorbait tout. Quand on a révoqué les concessions pour donner sa part à l'industrie du sciage, l'industrie du sciage avait accès au marché américain. C'est 85 % de la production qui allait au marché américain ! La querelle sur le bois d'œuvre vient essentiellement du fait qu'on était bon — et qu'on est encore bon — pour faire du sciage et qu'on était capable de leur livrer dans leur cour moins cher qu'eux autres. Et ils s'en sont aperçus, parce qu'on en avait trop ! Si on avait été tranquillement et qu'on avait pris 10 % du marché… mais on est arrivé à 30 % et ils sont devenus protectionnistes. Si on avait acheté le bois sur le marché, leur argument à l'effet que notre industrie est subventionnée n'aurait pas tenu. Quand a été la cassure ? À la fin des années 80. On a augmenté la récolte et développé le sciage en fou pour sauver des jobs — toujours le même problème —, on s'est fait voler dix ans de bois par la tordeuse, ça fait qu'on bûchait 25 % plus de bois que la possibilité. ►

Lancement de la Semaine de l'arbre et des forêts, domaine Cataraqui, 1999. H I VER - PR I N T E M P S 20 0 9 —

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Scrum à Trois-Rivières, en 1987, lors d'une tournée pour faire valoir la position de l'AIFQ sur le projet de loi 150, l'actuelle Loi sur les forêts.

Marcel Pinard, ing.f., chef forestier, CIP; André Duchesne; Jean Paquet, ing.f., chef forestier, Consolidated-Bathurst; Henri Geoffrion, ing.f., v.-p. foresterie, Kruger.

En Gaspésie et en Abitibi, il y a plusieurs usines qui ont fermé quand on a réduit la récolte. Mais on n'a pas encore réduit assez parce que les gouvernements ont tous le même problème : ils ne veulent pas être celui qui va fermer les usines.

Mais il n'y avait personne pour bûcher. Ou ils fermaient les usines, ou ils faisaient rentrer les machines disponibles à ce moment-là. Aujourd'hui, les machines ont évolué, ça ne touche quasiment plus à terre. Des fois, on a de la misère à voir que ça a passé, tout ce qu'on voit, c'est des souches. Il y a eu une grosse évolution là-dessus. Ça prend du temps, ça c'est fait partout dans le monde en même temps.

Un autre aspect de votre travail est lié à l'environnement. Au début, vous deviez être perçu un peu comme un extraterrestre ? Il y a une pyramide dans les besoins des gens. En bas, ça prend de l'air, de l'eau, de la nourriture. En haut, c'est des besoins plus évolués. Les gens plus riches, les gestionnaires de compagnies, sont habituellement en haut. Et c'est surprenant de voir comment les conseils d'administration et les présidents de compagnie pensaient à l'environnement depuis longtemps. Sauf qu'il n'y avait pas suffisamment de pression sociale et, autant ils étaient capables de comprendre quand je leur disais qu'il fallait faire quelque chose ici et arrêter de faire quelque chose là, autant ils n'avaient pas de motivations économiques de le faire. C'est venu progressivement. Dans les années 80, le barrage est devenu plein et l'eau a commencé à passer par-dessus. De quoi étaient-ils conscients ? Dans la forêt, ils étaient conscients qu'ils n'avaient pas le droit de détruire les autres espèces. Ils étaient ouverts à des façons de récolter plus écologiques. Mais, en même temps, c'est la période où ils ont manqué de main-d'œuvre et fait entrer les grosses machines… Ils étaient pris entre deux feux et leur performance n'a pas été « vargeuse », on s'entend là-dessus. Quand j'ai opéré à Forestville, une des machines avait des roues de dix pieds de haut et quand ça avait passé dans un terrain un peu mou, j'ai rasé de me noyer dans une ornière, une nuit, en allant vérifier les opérations. Il y avait six pieds d'eau. Ça maganait le terrain un peu… 27 — HISTOIRES FORESTIÈRES

Et dans les pâtes et papier ? Dans les usines de pâtes et papier aussi, les gens étaient conscients que ça polluait. Mais, c'est au moment où ils ont compris ça qu'ils ont commencé à manquer d'argent. Quand on a commencé à discuter de la réglementation sur les affluents des papetières, je me souviens d'une réunion d'un C. A. où je leur expliquais jusqu'où il fallait aller… En quelle année ? En 84-85. J'avais sept ou huit présidents de compagnie en avant de moi. Un a dit : « Si on fait ça, je ferme deux usines. » Et, à la fin, il a voté pour. Et il s'est débattu comme un diable dans l'eau bénite pour ne pas les fermer. L'industrie était non seulement consciente du problème, mais acceptait qu'il fallait le corriger. Et, comment expliquez-vous que, même à l'époque, l'industrie passe toujours pour le méchant, qu'on ne lui reconnaît pas cette prise de conscience ? Il y a une partie du problème qui vient que l'industrie, à l'origine, c'était anglophone. Alors, il y avait, mettons, un problème de communication… C'est toujours des grosses compagnies et, à cette époque, c'était à peu près 60 % de propriété canadienne, pis même là, c'était perçu eux versus nous, eux étant les méchants et nous, les bons. L'industrie a certainement fait des gaffes de communication. ►

Même aujourd'hui, regardez, quelles sont les compade bras. Il aurait fallu continuer à bûcher à 25 % de trop gnies que vous voyez à la télévision ? On voit Cascades jusqu'en 2010 pour arriver comme étaient les Scandiqui parle de ses essuie-tout environnementaux… Par naves en 1900. Eux autres, ils ont fait des plantations en contre, on a Bombardier, qui est pratiquement monoculture à tour de bras, nous, on n'a jamais fait ça, constamment là, qui parle de fierté, pas de ses problèmalgré ce qu'en disent certains environnementalistes. mes… L'aluminium a toujours été là. C'est au moins Et ceux qui ont essayé, ils n'ont pas essayé longtemps. aussi polluant que l'industrie forestière, mais leur Ils se sont rendu compte que ça ne marchait pas. Non perception est beaucoup moins seulement ce n’était pas écologique, négative. Hydro-Québec est Le nœud du problème, mais ce n'était pas économique non partout, sa perception est généraleplus. Il y a des changements moins c'est que notre industrie radicaux qu'on a pu faire en jouant ment positive et, pourtant, HydroQuébec a affecté l'environnement sur la transition des essences pour investit moins dans la de manière importante. Quand on a avoir ce qu'on veut, sans que ça recherche que ses eu la crise de Richard Desjardins, j'ai perturbe trop l'environnement. Ça, compétitrices. eu le mandat d'embaucher des ça s'est fait plus souvent, j'en experts en gestion de crise. Les conviens. Mais, enrésiner le Québec experts ont dit : « Voici ce que vous devez faire. » Les comme on a accusé l'industrie de faire, c'est un mythe. décideurs de l'industrie ont dit : « Non, on ne fait pas ça. Embauche un autre consultant. » L'autre consultant a Êtes-vous confiant pour l'avenir de la forêt ? dit la même chose, ils ont dit : « On ne fait pas ça. » C'est On va avoir quelque chose, mais ce n'est pas ce qu'on sûr que quand on est gros, quand on perturbe, on fait avait. L'importance de l'industrie forestière dans l'écodes choses qui sont difficiles à comprendre. Moi, je nomie du Québec, elle va décliner. C'est sûr. Ça ne pense que Desjardins n'a jamais rien compris au calcul disparaîtra pas, mais les créneaux seront plus petits. Le de la possibilité forestière. C'est bien évident que si la nœud du problème, c'est que notre industrie investit croissance est moitié moindre dans le Nord, qu'il faut moins dans la recherche que ses compétitrices. Ce qui en prendre deux fois plus grand pour avoir la même nous sauve, c'est que personne ne peut garder secret quantité de bois... Mais l'équilibre va se faire pareil, si longtemps un nouveau procédé. Ça fait longtemps on fait les calculs comme du monde. Dans la loi, en qu'on n'a pas eu une innovation québécoise qui a fait 1989 — j'ai travaillé là-dessus et j'en suis fier —, on le tour du monde. On a eu le procédé de mise en pâte refait les calculs chaque cinq ans et on corrige. C'est sûr thermomécanique. Tout le monde pense que ça a été qu'on va zigzaguer, mais on zigzague dans la bonne inventé en Suède, mais ça a été inventé au Québec. On direction. a eu le premier papier journal imprimable en couleurs, à Trois-Rivières. Quand vous étiez aux études, y avait-il une différence entre ce qui s'enseignait à Québec et à Syracuse ? Une Le mot de la fin ? différence de philosophie, d'approche ? Si on regardait l'histoire forestière, pas seulement au Québec mais en Europe en particulier, on aurait beauRien de dramatique. Ici, on parlait d'aménagement coup moins de craintes de créer un marché du bois et polyvalent, là-bas, j'ai suivi un cours sur l'économie d'isoler notre forêt et nos usines. En France, en Italie, en forestière avec des cours obligatoires sur les différents Espagne, c'est comme ça que ça marche. La France usages de la forêt et la cohabitation des différentes récolte pratiquement la même chose, le même volume ressources et des utilisateurs. Déjà à ce moment-là — de bois que le Québec. OK, ils n'ont pas le même climat je n'étais pas le premier à aller à Syracuse —, il y avait et ce ne sont pas les mêmes essences, mais, compreune certaine communion de pensée. Il y avait aussi le nons-nous bien, des terres publiques, il n'y en a pas sentiment que les Scandinaves, particulièrement les beaucoup et le bois, il est vendu aux usines. Et les Suédois, avaient les réponses à toutes les questions. Et usines fonctionnent. Ça donne une industrie de la il y a eu une mode de visites industrielles en Suède sylviculture et une industrie de la transformation. Le pour aller voir comment ils faisaient ça. On n'a pas fait problème ici, c'est que les gens de la transformation, ils les erreurs des Scandinaves. Les Scandinaves ont comne viennent pas de la forêt, ils viennent de la finance, mencé à faire de la sylviculture quand leur industrie de de la comptabilité, de l'administration. Ce ne sont pas la sidérurgie a fait disparaître leur forêt. Il n'y en avait des forestiers. Quand on a des gens qui sont au plus plus d'arbres, littéralement. Ils avaient tout bûché, ils haut niveau et qui viennent du milieu forestier, ils avaient besoin de copeaux de bois pour la sidérurgie, il peuvent teinter les décisions. Mais, ils ne sont pas nomn'y en avait plus. Ils ont décidé de faire de la sylviculbreux. Ils sont rarissimes. ■ ture. Nous, en 1989, on avait encore des arbres à tour

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30 — HISTOIRES FORESTIÈRES



À suivre dans le prochain numéro

CHRONIQUE D’OPINION

Une histoire d’échecs « Vous pourriez faire des erreurs ». C’est le fin mot de la réponse que j’ai eue de la part d’un représentant du ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec (MRNF) lors d’un petit débat forestier. Ma question était de savoir dans quelle mesure, en tant que professionnel, je pouvais sortir des normes… Remarquez, je n’ai pas vraiment été surpris de la réponse, car elle reflète la philosophie ambiante. Ce n’était pas tant la personne qui parlait que le MRNF ! On ne fait jamais d’erreurs dans les prescriptions sylvicoles des forêts publiques québécoises. Et surtout, il ne faut pas en faire. Pourtant, une culture qui « valoriserait » l’échec pourrait à long terme être un des meilleurs outils pour permettre aux forestiers de retrouver la confiance du public. Comment ? Petit saut dans le monde du jeu d’échec ! Vous avez peut-être déjà entendu parler des « simultanées » au jeu d’échec : un champion contre 20, 30, voire 40 adversaires qui sont souvent de solides joueurs. Pourtant, le résultat de ces parties tourne toujours en faveur du champion. Le truc : savoir pleinement bénéficier de l’expérience et, particulièrement, des erreurs des autres joueurs (actuels ou passés). Le fait est que les parties d’échecs des différents tournois dans le monde, bonnes ou mauvaises, sont indexées et diffusées depuis très longtemps. Les outils informatiques et le réseau Internet ont d’ailleurs permis d’accroître la capacité d’indexation et de diffusion. À preuve, un logiciel comme Chessbase (www.chessbase.com pour les intéressés) répertorie plus de quatre millions de parties depuis le 19e siècle ! Grâce à ce type de références, tout joueur est en mesure de vérifier comment une partie a pu évoluer selon tel ou tel coup. C’est une mémoire collective qui se bâtit au jour le jour sans considération préalable pour la valeur intrinsèque des parties. Toute expérience est valable, les bons coups comme les imprécisions et les réelles bourdes. C’est à cette mémoire collective que fait référence un champion

par Éric Alvarez

dans une simultanée et c’est ce qui fait que, quand ses adversaires commencent à souffrir après le 6e ou le 7e coup (pour les meilleurs !), le champion n’a pas encore commencé à calculer un seul coup ! Et il n’y va pas « par cœur ». Il connaît simplement l’histoire de chaque ouverture sur le « bout des doigts » et, particulièrement, les erreurs à éviter.

« une culture qui ” valoriserait ” l’échec pourrait à long terme être un des meilleurs outils pour permettre aux forestiers de retrouver la confiance du public

»

Imaginez ce principe appliqué à la foresterie. Que chaque forestier soit en mesure de bénéficier de l’expérience des forestiers actuels et passés concernant le résultat de prescriptions sylvicoles. Une énorme base de données qui nous permettrait de faire des requêtes en fonction de certaines caractéristiques du peuplement et de voir l’évolution à la suite des différentes prescriptions. Une base de données qui inscrirait « Échec » ou « À éviter ». Ce serait un formidable outil pour innover, trouver des solutions originales à des problématiques locales au bénéfice de la communauté forestière… et de la crédibilité du professionnel forestier ! À la place de cette utopie, nous avons le Manuel d’aménagement renouvelé aux dix ans… Bonjour la liberté d’initiative ! La prochaine version semble néanmoins promettre plus de flexibilité aux aménagistes terrain… attendons pour voir ! Je peux entendre plusieurs dire : « Manuel d’aménagement ou pas, ça va rester une utopie, car ça demande un trop grand effort de suivi. » Effectivement irréaliste dans les circonstances actuelles. Toutefois, l’un des rôles d’un forestier ne devrait-il pas être d’assurer le suivi de ses prescriptions ? Aussi, d’un point de vue pratique, ce défi ne m’apparaît pas impossible ►

La Société d'histoire forestière du Québec est fière d'offrir à un étudiant finissant au doctorat un espace de liberté et de réflexion afin de stimuler le débat sur les questions forestières au Québec. Les chroniques d'Éric Alvarez portent sur un sujet de son choix et sont traitées sous un angle qu'il privilégie. Toutefois, l'opinion de l'auteur ne représente pas nécessairement celle des membres de la SHFQ ni de son personnel. La Société n'est donc aucunement responsable des propos qui y sont tenus. 32 — HISTOIRES FORESTIÈRES

dans la mesure où le Québec laisserait plus de responsabilités aux aménagistes locaux. On pourrait profiter de la réforme en cours pour développer une politique non plus seulement axée sur une culture de transformateurs, mais qui laisserait plus de place à une culture d’aménagistes.

« En tant que société, il va nous falloir évoluer pour ne pas considérer les échecs comme des hontes collectives, mais comme des sources d’enseignement.

»

Alors que cette chronique est écrite, le gouvernement semble avoir fait des « sociétés d’aménagement » son fer de lance pour stimuler le monde forestier. A priori, on pourrait penser qu’il s’agit d’un pas positif vers une responsabilisation plus locale et le développement d’une culture d’aménagement qui favoriserait l’utopie décrite. En pratique, lorsqu’on lit la description des tâches et la structure politique qui va les encadrer, on peut cependant en conclure que ce ne seront que des exécutants avec des responsabilités… d’exécutants ! Il est impossible qu’ils aient la liberté et même le temps de développer une mémoire collective. Ce serait assurément considéré comme trop coûteux dans un système qui reste centré sur les seuls besoins des transformateurs. Le principal écueil à la mise en place de cette utopie ne m’apparaît cependant pas lié au MRNF, mais plutôt à la culture de la peur de l’échec dans notre société, qui se reflète dans le monde de la foresterie. Et les médias n’aident pas en se délectant d’erreurs, ce qui a pour conséquence une augmentation de la pression auprès des autorités publiques pour mettre en place des mesures de contrôle musclées et rassurantes pour la population. En tant que société, il va nous falloir évoluer pour ne pas considérer les échecs comme des hontes collectives, mais comme des sources d’enseignement. Avec un bon leadership, l’aménagement forestier pourrait devenir un domaine intéressant pour commencer à apprendre à faire des erreurs et à s’en servir pour s’améliorer. Ce serait d’autant plus facile que la forêt est généralement très résiliente. Même si on n’obtient pas les résultats escomptés, il y a réellement peu de risques de « scraper » un peuplement forestier si l’on travaille avec souci professionnel. Valoriser l’échec pour améliorer notre foresterie ? Si ça peut nous aider à progresser en tant qu’individus, pourquoi pas en tant que professionnels de la forêt et, peut-être, en tant que société ? ■

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Une partie de la bibliothèque de Robert Bellefeuille.

Patrick Blanchet et madame Piché, femme de Gustave E. Piché, fils aîné du Gustave C. Piché. Archives de la famille Piché.

Michelle Allard, petite-fille de Gustave C. Piché.

Jacqueline Piché, petite-fille de Gustave C. Piché.

Robert Chabot, petit-fils de Gustave C. Piché.

HOMMAGE

AUX FAMILLES PICHÉ ET BELLEFEUILLE La mise en valeur d'un domaine d'étude tel que la foresterie exige une recherche assidue de documents d'information privilégiés sur les acteurs du milieu forestier. La plupart des documents qui nous permettent de construire les fondements de cette histoire sont déjà protégés dans les centres d'archives agréés. Toutefois, un certain nombre de documents sensibles sont conservés de génération en génération par les familles des pionniers de la foresterie. Au cours des deux dernières années, la SHFQ a développé un lien de confiance avec les descendants de deux grands pionniers de la foresterie, soit le fondateur de la foresterie professionnelle, M. Gustave C. Piché, et le père de l'écologie forestière, M. Robert Bellefeuille. Grâce à cette relation, nous avons pu consulter ces documents et pourrons graduellement les rendre accessibles à nos membres par le moteur de recherche en ligne. Le conseil d'administration et l'équipe de la SHFQ tiennent à remercier ces familles pour leur générosité. Denis Robitaille, Ph.D., président Patrick Blanchet, directeur général

Jean, fils de Robert Bellefeuille.

34 — HISTOIRES FORESTIÈRES

Nicole, fille de Robert Bellefeuille.

Lise et Gisèle, filles de Robert Bellefeuille.

Les fonds SHFQ La Société d’histoire forestière du Québec est fondée sur le principe d’un centre de documentation virtuel. Elle réunit dans son site Web un ensemble de documents historiques appartenant à des institutions publiques et à des particuliers qu’elle numérise et dépose à l’intérieur d’un fonds d’origine numérique. De cette manière, la SHFQ conserve et associe ces documents qui se trouvent sur différents supports : manuscrits, documents iconographiques, cartographiques et sonores. Ces derniers proviennent de sources du passé et de la mémoire vivante, que la SHFQ reclasse par la suite à l’intérieur de fonds thématiques intitulés les fonds SHFQ. À l’intérieur de sa revue, la SHFQ présente certains de ces fonds.

FONDS ROBERT-BELLEFEUILLE (1908-1999) Le fonds Robert-Bellefeuille inclut une centaine de photographies numérisées et un journal personnel des activités professionnelles de Robert Bellefeuille. Ce fonds est rendu disponible grâce à la générosité des enfants de M. Bellefeuille, qui ont permis de rendre accessibles gratuitement les documents de leur père afin de mieux faire connaître sa contribution à la foresterie québécoise.

« Ne voulant pas arriver

M. Bellefeuille a étudié à l’École de foresterie de 1926 à 1930 et a effectué des études graduées entre 1933 et 1935 (biologie, géologie, minéralogie). De 1930 à 1951, il fut aménagiste et écologiste forestier au ministère des Terres et Forêts (MTF). De 1952 à 1965, il fut professeur à la Faculté de foresterie.

Robert Bellefeuille

en retard, nous nous sommes cognés le nez sur une porte verrouillée. C'est là que j'ai fait la connaissance de mon premier camarade de classe, Tancrède Deslauriers. »

Robert Bellefeuille a été un véritable pionnier de l’écologie forestière au Québec. En 1930, alors qu’il était à la fin de ses études et chef des inventaires forestiers au nord de Sept-Îles pour le MTF, il reçut la demande de son patron, Confrères de Robert Bellefeuille à l’École d'arpentage et de génie forestier. En arrière, de gauche à droite : Gabriel Cloutier, Georges Bouchard (futur beau-frère de R. Bellefeuille), Ls-Ph Lécuyer, Georges-Henri Bernier et Jean-Baptiste Pouliot. En avant, de gauche à droite : Cyrille Hudon, Tancrède Deslauriers et Paul Lapointe.

Entrée de Robert Bellefeuille à l’École forestière, en 1926, située sur la rue de l’Entente à Sainte-Foy (actuellement propriété du collège François-Xavier Garneau).

M. Édouard Guay, de trouver une relation entre les types de peuplements et la végétation qu’ils recouvrent en suivant l’exemple de la méthode finlandaise. Il commença alors une exploration pour ce faire, mais se buta à la réalité qu’il possédait peu de connaissances sur la flore de la Côte-Nord. Il se mit par conséquent à monter son propre herbier. ► HIVER-PRINTEMPS 2009 —

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La même année, il installa une première parcelle expérimentale dans un peuplement de pin gris, dans laquelle il réalisa un examen complet de dendrométrie : plantes, sous-bois, sol, etc. L’année suivante, au printemps, il reçut, pour le compte du MTF, MM. Kujula et Cajander (Finlandais), grands spécialistes reconnus du classement écologique des peuplements forestiers. Il apprit à ce moment leur procédure en écologie forestière, qui sera utilisée au Québec jusque dans les années 1960. Deux ans plus tard, il installa un réseau de parcelles permanentes en Gaspésie et sur la Côte-Nord. En

Gaspésie, les parcelles étaient installées dans toutes les forêts mélangées et résineuses typiques où se trouvaient toutes les classes d'âge. M. Bellefeuille est l’un des membres fondateurs du Fonds de la recherche forestière de l’Université Laval et l’un des trois fondateurs de Forêt Montmorency. ■

« Robert Bellefeuille a été un véritable pionnier de l’écologie forestière au Québec. » Établissement de parcelles permanentes (vers 1930). À gauche, Edgar Porter.

Robert Bellefeuille à son travail de bureau. Vérification des plans d'aménagement du bassin de la rivière Sault-au-Mouton sur la Côte-Nord (vers 1930).

Pépinière de Berthierville. Pavillon des étudiants en génie forestier (vers 1930).

36 — HISTOIRES FORESTIÈRES

Voyage avec Kujala et Cajander (en haut à gauche). Rivière Causapscal, 1931.

Robert Bellefeuille au microscope dans son laboratoire, en 1935.

On vous invite à visiter PARC DE LA FORÊT ANCIENNE DU MONT WRIGHT Le parc de la forêt ancienne du mont Wright, dont le sommet culmine à 483 mètres, constitue un milieu naturel unique accessible au public. Propriété de la municipalité des Cantons-Unis de Stoneham et Tewkesbury, cet ensemble forestier de 187 hectares est situé à moins de trente kilomètres de la ville de Québec. Il abrite deux forêts anciennes de près de 300 ans : une érablière à bouleau jaune et hêtre et une bétulaie jaune à sapin reconnues comme écosystèmes forestiers exceptionnels. Ce territoire a été la propriété de la famille Wright durant plus de 130 ans. Son utilisation artisanale a eu pour conséquence d’en protéger une vaste partie de toute exploitation. Le dernier héritier, qui a toujours

habité les lieux, a légué la montagne à la municipalité à condition qu’elle en fasse un parc de conservation à la mémoire de sa famille. Le parc du mont Wright comporte près de sept kilomètres de sentiers aux abords desquels sont installés des panneaux d’interprétation sur l’histoire de la famille Wright, les écosystèmes forestiers, le maintien de l’intégrité écologique, l'érablière à bouleau jaune et hêtre, les chicots, l'escalade, les blocs, les abris sous roches et l'histoire des cantons unis de Stoneham-etTewkesbury. Il existe également, à l’entrée du parc, une cartographie des sentiers et des peuplements qui s’y trouvent. Des activités de sensibilisation et de plein air y sont réalisées et des visites guidées sont organisées. En saison hivernale, il est possible de faire de la raquette. Le printemps, l’été et l’automne, il est bon de s’y rendre pour une agréable randonnée pédestre ou une enrichissante observation de la flore. Pour information : t.VOJDJQBMJUÏEF4UPOFIBN t"TTPDJBUJPOGPSFTUJÒSF2VÏCFDNÏUSPQPMJUBJO 418 647-0909 / www.afqm.org Source du texte : http://www.afqm.org/projets.montwright.html Source des photos : "TTPDJBUJPOGPSFTUJÒSF2VÏCFDNÏUSPQPMJUBJO

Sentier du mont Wright

Le parc de la forêt ancienne du mont Wright constitue un milieu naturel exceptionnel dont les objectifs sont de protéger l’intégrité écologique du site, tout en le rendant accessible au public. Afin d’en protéger l’intégrité, l’Association forestière Québec métropolitain (AFQM) s’est vue confier le mandat, par la Municipalité de Stoneham, de travailler à la mise en valeur et à l’animation du parc.

On vous invite à lire... « Essai sur l’imaginaire occidental » de Robert Harrison « Une histoire de l’écologie au Québec » de Yves Hébert Cette synthèse historique de l’écologie au Québec, écrite par Yves Hébert, historien, est le premier livre publié sur la matière. Il compile quinze ans de recherche et comporte plusieurs illustrations ainsi que des anecdotes, des encadrés et des détails historiques divers et nombreux. Structuré en sous-thèmes, il traite notamment des richesses de la Nouvelle-France, de la genèse du ministère de l’Environnement du Québec, de l’évolution des notions de paysage et de conservation, des balbutiements de la recherche scientifique en environnement. Bref, il couvre maints sujets, répartis sur quatre siècles, et décrit, en somme, les rapports entre l'histoire de l'écologie scientifique et la pensée écologiste au Québec. Un chapitre de l'ouvrage traite de la protection de la forêt et de ses enjeux au XIXe siècle, et la question forestière est considérée dans plusieurs passages du volume. Disponible en librairie

Robert Harrison raconte ici l’histoire des forêts dans l’imaginaire occidental. Il propose pour ce faire une visite au cœur des idées de grands penseurs, visionnaires et personnages de ce monde : Artémis, Dionysos, Roland Furieux, Descartes, Dante… qui ont apporté un regard sur la forêt et nourri des conceptions particulières. Il montre également comment l’Occident a été formé par la présence des forêts et comment il a été partagé entre ses forêts et ses institutions dominantes. L’auteur s’interroge en outre sur notre rapport à l’habitat, puisque l’homme habite non la nature, mais son rapport à la nature. Disponible en librairie

« Histoire de l’environnement européen » de Robert Delort et François Walter Ce livre présente une véritable écologie historique de l’environnement européen, qui est passée de simple préoccupation à enjeu crucial. Il coordonne les connaissances actuelles pour étudier l'environnement dans le passé et observer comment s'articulent le temps de la nature et celui de l'histoire à partir du Moyen Âge où se tracent déjà certains grands problèmes posés par l’environnement aux sociétés européennes. Mettant en relation les phénomènes naturels et humains, ce volume est une synthèse saisissante de cette longue expérience culturelle de la civilisation européenne avec la nature. Disponible en librairie

« Histoire de l’industrie forestière du Saguenay−Lac-St-Jean » de Dany Côté Dans ce cinquième livre de l’auteur, est présentée l’épopée riche et fascinante des grandes et petites entreprises qui ont, depuis un siècle et demi, utilisé la forêt à travers leurs activités. L’histoire de l’industrie forestière du Saguenay−Lac-St-Jean est donc ici décrite, notamment par le biais de personnages presque mythiques, toujours présents dans l’imaginaire collectif, et d’infrastructures et installations qui témoignent de l’importance du secteur forestier depuis 1838. Ce volume est agrémenté de plus de 125 photos historiques. Pour recevoir une copie, communiquez avec l'auteur à l'adresse suivante : [email protected].

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38 — HISTOIRES FORESTIÈRES

LES ARBRES AU SERVICE DU PATRIMOINE BÂTI !

Dendrolab, une entreprise qui œuvre dans la datation de bâtiments anciens Pour plusieurs propriétaires de maisons anciennes soucieux de connaître leur patrimoine bâti, une question demeure fondamentale : « Quel est l’âge exact de ma maison ? » Bien qu’il soit possible d’évaluer l’époque d’une construction ancestrale selon son style ou les matériaux employés, une date précise est rarement connue, sauf lorsqu’elle est consignée dans des actes notariés. En l’absence de ces documents, il ne faut pas s’avouer vaincu ! Chez Dendrolab, la dendrochronologie est utilisée afin d’apporter une réponse précise au propriétaire curieux et avide d’histoire. Comment ça fonctionne ? Chaque année, l’arbre produit un anneau de croissance dont la largeur varie notamment en fonction des conditions climatiques régionales. En considérant que ce signal est le même dans une région donnée, les arbres qui en proviennent devraient posséder un patron de croissance relativement semblable, lequel est appelé chronologie de référence. Lorsque l’on veut dater du matériel de bois dont on ne connaît pas l’époque de création, telles les poutres d’une maison, il s’agit de mesurer le patron de croissance des arbres qui ont servi à fabriquer ce matériel et de le faire correspondre avec celui de la chronologie de référence. Dendrolab a effectué plusieurs travaux de datation dans la région de Québec, en Beauce, en Estrie et dans l’Est du Québec. L’entreprise développe actuellement des chronologies de référence afin d’avoir la possibilité de dater du matériel ligneux dans la région de Montréal. Afin d’en apprendre davantage sur Dendrolab, vous pouvez consulter le site Internet:

www.dendrolab.ca

Qu’est-ce que la dendrochronologie ? La dendrochronologie utilise les anneaux de croissance des arbres afin de dater du matériel de bois. De façon remarquable, cette technique permet une datation à l'année près.

Nous sommes un peuple forestier. La forêt fait partie de ce que nous sommes. Nos premières entreprises étaient forestières et, de génération en génération, dans presque toutes nos régions, la vie quotidienne a été dictée par la forêt. Elle a été et demeure pour nous habitat, mode de vie, source de matières premières et de développement économique depuis 400 ans. Si puissamment associée à notre passé, nous voulons qu’elle le soit tout autant à notre avenir, dans le plus grand respect de la faune, des communautés et des générations futures.

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