Cours 6501 – Pratiques de l’aménagement : Automne 2008
Damien CADOUX
Mougeot, Luc J.A., 2006. « Cultiver de meilleures villes – Agriculture et développement durable ». Publié par le Centre de Recherche pour le Développement International (CRDI),, Ottawa (Ontario), Canada
Le CRDI est un organisme gouvernemental créé par le Parlement canadien en 1970 ayant pour mission d’aider les Pays en développement (PED). L’idée première est d’aider ces Pays à utiliser la science et la technologie pour trouver des solutions à leurs problèmes sociaux, économiques et environnementaux.
L’agriculture urbaine (AU) connaît ses dernières années un regain d’intérêt dans les Pays du Nord (Montréal Montréal est un bon exemple, la ville s’est dotée de nombreux jardins communautaires gérés par les arrondissements, Paris, Berlin, Amsterdam, New York, Philadelphie, Cleveland et encore bien d’autres villes réfléchissent et agissent dans ce domaine) et commencent commencent à voir le jour dans les Pays du Sud (voir à ce sujet la ville de Curitiba au Brésil qui a développée une politique formidable en la matière avec tout un travail de partage de savoirs sur l’AU et une politique de recyclage inégalée à travers le monde). mond La pratique n’est pas nouvelle, pour s’en convaincre il suffit juste de revenir aux très connus jardins de Babylone. Néanmoins, avec l’industrialisation de l’agriculture, cette pratique s’est s’ un peu perdue et c’est finalement à cause de problèmes récurrents récu d’approvisionnement en denrées alimentaires dans certaines villes que certains aménageurs aménag commencent à se reposer la question. Cet ouvrage s’axe essentiellement sur les pratiques dans les PED mais il s’agira ici pour nous de généraliser cette pratiq pratique ue à l’ensemble des villes et de voir quels aspects peuvent initier un changement de pratiques dans le monde urbain en général. La prise en compte de la démographie, la base du problème L’auteur met surtout l’accent sur les PED,, il souligne l’explosion démographique des villes et donne un chiffre très simpliste mais très évocateur : « de 2003 à 2030, il va se créer une ville d’un million d’habitants toutes les semaines » (ONU-HABITAT, HABITAT, 2004), les démographes prévoientt comme le montre le graphique, graphique une augmentation mentation de 30% de la population mondiale entre 2003 et 2030 (passant de 5,9 milliards d’individus à près de 7,9)! En parallèle, le taux d’urbanisation ne cesse de croître (29% en 1950, 50% en 2008 et une prévision de 60% en 2030). Sachant que plus de 99% des villes ont été établies sur des terres arables, il en résulte, résulte par la combinaison de ces facteurs, une diminution significative signific des surfaces cultivables, du moins celles qui sont jusqu’ jusqu’alors dans nos mentalités. Le problème est alors posé : comment l’humanité va-t-elle va réussir à déjouer le piège qu’elle se tend elle-même elle même à savoir nourrir plus de bouches tout en réduisant les surfaces naturelles capables de lui fournir sa nourriture ?
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Damien CADOUX
Contexte Nord/Sud Nord nourriture considérée comme une dépense mineure (environ 20% du budget des ménages), parfois même sans grand intérêt dans certaines sociétés. Sud Nourriture considérée comme un produit de luxe : "de Calcutta à Kinshasa, de Lima à Lagos, les ménages consacrent jusqu’à 80 % de leurs revenus à la nourriture (PCC, 1990)". Définition de l’Agriculture Urbaine Processus inhérent à l’AU Ressources propres "Espaces inutilisés, sous utilisés", déchets liés à l’activité humaine en ville, ressources humaines,… Services internes "Financement, transport", conseil Produits présents sur place "Outils", machines, "véhicules", "produits agrochimiques", compost…
Processus Agriculture de Urbaine transformation
Ressources renvoyées Souvent non monnayables tels que les "espaces verts", une meilleure image et un meilleur cadre de vie Services renvoyés "Restauration, loisirs, thérapie" Produits "Fleurs, volaille, produits laitiers", miel, champignons (voir histoire des champignons de Paris par exemple), fruits et légumes divers, vers à soie,…
Culture et élevage opérés en milieu urbain pour le milieu urbain. L’AU se sert des ressources propres à l’environnement urbain, s’appuie sur des services internes et des produits présents sur place, transforme ces ressources et renvoie sur le marché urbain d’autres ressources, d’autres services et des produits bien entendu. Quand on pense à l’AU, une question vient d’emblée à l’esprit, mais où ces agriculteurs d’un genre nouveau trouvent-t-ils de la place dans cet environnement semble-t-il inadapté à une pratique qui traditionnellement demande de grands espaces ? L’AU est une activité pour les opportunistes, la moindre parcelle laissée à l’abandon ou bien potentiellement exploitable est susceptible de tomber dans les bras de ces agriculteurs urbains (toits, jardinières sur balcons, sur terrasse, terres sous lignes à hautes tension, carrières abandonnées, hangars désaffectés,…). Être conscient des risques Pratiquer élevage ou agriculture demande une bonne connaissance scientifique et technique afin de minimiser au maximum certains risques pouvant entraîner des désastres. Pour l’élevage par exemple, il faut être très vigilent aux "zoonoses", maladies infectieuses ou parasitaires transmissibles de l’animal à l’homme et inversement. Étant donnée la densité humaine présente sur place, les catastrophes peuvent prendre des proportions catastrophiques et inversement l’omniprésence de l’homme dans ce milieu augmente les risques pour les animaux présents. Pour revenir à l’agriculture, il faut veiller à ne pas s’atblir sur des terrains préalablement pollués, à ne pas utiliser des eaux d’irrigation non épurées et informer la population sur les bonnes pratiques dans l’utilisation des produits phytosanitaires. Les effets bénéfiques de l’AU • "Amélioration de la sécurité alimentaire (les produits en provenance des zones rurales coûtent [généralement plus] cher et sont moins frais" • "Création de revenus" pour les citadins
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The Portland Building, Portland, OR, USA 3w.greenroofs.com
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• Réduction des "coûts d’entretien des espaces libres pour le gouvernement local" • La consommation de nourriture produite sur place a un effet vertueux en matière de consommation énergétique (limitation du transport entre zone de production et zone de consommation) • Permet la réutilisation de certains déchets organiques produits sur le territoire ter (résidus d’alimentation par exemple) • Permet un stockage et une récupération des eaux de pluie, en ce sens, limite le phénomène d’inondation et permet de réduire le diamètre des conduites d’évacuation des eaux de pluie (en séparatif) ou limite la quantité d’eau dans le réseau unitaire lors des épisodes pluvieux (provoquant souvent des refoulements forts désagréables dans les rues ou bien dans les cours d’eau, ce qui est très préjudiciable pour la biocénose). • A une incidence sur le climat urbain, en outre rafraichi en période estivale. Si une AU est pratiquée sur un toit d’immeuble, elle permet aussi de rafraichir le bâtiment, la couche de terre améliorant l’isolation. Les difficultés rencontrées par l’AU
The roof of the 12 story Chicago City Hall building
• Intégrer des zones protégées destinées à l’AU. Une phrase résume très simplement cette difficulté de faire reconnaître l’AU : " si les urbanistes n’ont jamais eu de problème à mettre des terrains en réserve pour y enterrer les morts, ne devrait devrait-on on pas, à plus forte raison, mettre en rréserve éserve des terrains qui permettront aux gens de se nourrir et de rester en vie ?" (p36). • Quid de la propriété du sol. L’AU dans les PED est principalement destinée aux populations à bas revenus, la plupart du temps, ces populations, faute de règlementations règlementations adaptées, sont dans l’obligation de squatter des terrains. L’auteur préconise de réunir acteurs publics, propriétaires terriens et agriculteurs urbains afin de discuter par exemple sur l’octroi de permis d’occuper temporaires. Enjeux pour le futur • Réussir à intéresser les nouvelles générations aux difficultés à venir (approvisionnement en eau et en denrées alimentaires). L’auteur évoque la possibilité d’établir des petits jardins dans les écoles pour sensibiliser les enfants. • Donner une seconde vie aux eaux grises en étant capable d’évaluer le niveau de risque de cette utilisation. Dans un contexte de raréfaction de la ressource en eau potable, cette problématique mérite d’être posée. • Réussir à infléchir les comportements sociaux vis vis-à-vis du recyclage, ecyclage, une AU efficace se nourrit d’engrais naturels produits au sein de la ville elle elle-même. même. Il faut donc réussir à localiser les déchets adéquats, établir des réseaux de collecte, de compostage et de livraison jusqu’aux lieux de culture, cela nécessite une réelle organisation et des changements comportementaux importants. Page | 3
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Damien CADOUX
La réflexion présentée ici tente de théoriser une pratique au travers d’expériences sur le terrain. Les scientifiques sont allés à la rencontre des situations concrètes pour tenter de trouver les problématiques locales liées à l’AU. Ce manuel relève donc plus d’un ouvrage de vulgarisation que d’un réel ouvrage scientifique. Par son côté subjectif, il permet de ressentir les situations. On sent très bien ici la tension entre objectivité et subjectivité dans l’approche du problème, l’auteur est constamment en train de passer de l’un à l’autre et ce pour coller au plus près d’une réalité. Il semblerait que ce type d’approche, expérience et ressenti combinés avec regards plus théoriques, fasse partie d’un nouveau paradigme dans nos disciplines qui de toutes façons semblent ne pas réussir à s’affranchir d’une part de subjectivité évidente malgré les efforts de certains pour les hisser au rang de professions « vedettes1 ».
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Selon l’expression de Nathan Glazer Page | 4