INTERMÉDIAIRES FINANCIERS
ERIC DE KEULENEER
CHAPITRE 1. INTRODUCTION GENERALE DEFINITION Le dictionnaire nous donne les définitions suivantes du mot "intermédiaire" : 9 pour l'adjectif : qualifie un élément qui, étant entre deux termes, assure une relation entre eux; 9 pour le substantif : personne qui assure une liaison, qui met en relation deux groupes. En ce qui concerne le terme "financier", le dictionnaire propose "relatif aux ressources pécuniaires". On peut donc dire que l'intermédiaire financier est une personne ou un organisme qui met en relation des fournisseurs et des utilisateurs de fonds. Ces derniers peuvent globalement se classer selon trois catégories d’agents économiques : les ménages, les entreprises et l’Etat.
ETAT
ENTREPRISES
MÉNAGES
INTERMÉDIAIRES FINANCIERS
MARCHÉS FINANCIERS
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MENAGES Le secteur des ménages est dans son ensemble généralement en surplus financier. Ce secteur présente donc une capacité de financement et peut mettre ce surplus de ressources financières à la disposition des deux autres secteurs économiques. On peut formuler une équation de base d'un système pour une période donnée : REVENUS + ADJONCTION EXCEPTIONNELLE DE RESSOURCES (HERITAGE, DECOUVERTE D'UN TRESOR, ... C'EST-A-DIRE TOUTE VARIATION BRUSQUE DU CAPITAL INITIAL) = CONSOMMATION + REDUCTIONS EXCEPTIONNELLES DE RESSOURCES (PERTES, DONATIONS, ...) + EPARGNE.
En négligeant les facteurs exceptionnels, l'épargne est un terme d'équilibrage obtenu par soustraction : S=Y-C1
Ainsi, l'épargne est égale à l'excédent des revenus sur la consommation, mais il existe une ambiguïté dans le choix du terme, puisque l'épargne peut tout aussi bien être négative (c'est-à-dire une désépargne) dès lors qu'il y a eu au cours de la période sous revue un excédent de la consommation sur les revenus. Dans la vie, il existe des cycles où les situations de surplus et de déficit alternent : 9 très jeune : en déficit ; 9 25 à 35 ans : constitution d'une certaine épargne volontaire (logement, p.ex.) ou forcée (cotisations pour pensions p.ex.) ; 9 35 à 65 ans : l'épargne se constitue de la manière la plus évidente (surtout pour les revenus les plus élevés) ; 9 après 65 ans : désépargne : on utilise tout ou partie des réserves accumulées. Il existe diverses affectations possibles de l'épargne : 9 la thésaurisation; 9 l'investissement en biens matériels (à des fins de production, d'usage ou de conservation) ou immatériels (éducation, formation, brevets, logiciels, fonds de commerce); 9 les placements financiers ou emplois financiers. Les emplois financiers permettent à ceux qui épargnent de transférer des ressources à ceux qui désépargnent. C’est globalement, rappelons-le, le cas pour le secteur des ménages.
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S = Savings, Y = Income, C = Consumption
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Trois possibilités d’investissement s’offrent typiquement aux ménages : 9 un investissement en actifs réels, comme par exemple l’immobilier, l’art, etc ; 9 un dépôt dans un établissement de crédit ; 9 un investissement en actifs financiers. Nous approfondirons plus particulièrement les deux derniers points dans la suite du cours.
ENTREPRISES Le secteur des entreprises est en général globalement en déficit financier. Les entreprises ont besoin de fonds pour pouvoir financer leurs investissements. Ces fonds peuvent bien sûr provenir de l’entreprise même et être prélevés des fruits de son exploitation industrielle ou commerciale, mais le secteur des entreprises dans son ensemble fait également et massivement appel au financement externe. A cet égard, les entreprises peuvent soit se financer par dettes, soit par fonds propres. Dans le premier cas, deux alternatives se présentent généralement. L’entreprise peut soit décider de s’endetter en souscrivant un crédit au niveau d’un établissement de crédit, soit s’endetter directement sur les marchés financiers en faisant appel publiquement à l’épargne : elle émettra alors ce qu’on appelle des obligations. Dans le second cas, l’entreprise fera appel au capital d’investisseurs intéressés et émettra des actions. Ce cas se présente lors de la constitution de la société et lorsque l’entreprise veut par après renforcer ses fonds propres. Dans une certaine mesure, l’efficience avec laquelle les fonds sont transférés des secteurs en surplus vers les secteurs en déficit influence le potentiel de croissance d’une économie. Par ailleurs, il est également intéressant de remarquer que la structure financière globale des entreprises varie selon les pays, et selon que l’on se situe en Europe ou aux Etats-Unis. Alors qu’en Europe, il est traditionnellement davantage fait appel au crédit bancaire, aux Etats-Unis, les entreprises, à travers les marchés des actions et des obligations, font davantage appel aux marchés financiers.
ETAT L’Etat a presque toujours été en déficit et présenté un besoin de financement pour financer une partie de ses dépenses publiques (celles qui ne sont pas couvertes par les revenus des taxes). Les pouvoirs publics modernes ont recours à deux grands types de financement. Le premier type de financement, le plus
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communément utilisé, est l’émission de bons du Trésor, l’emprunt obligataire2. Le deuxième type de financement est le recours au crédit bancaire, formule nettement moins sollicitée. Une forme de financement illusoire et même dangereuse est la vente de concessions, d’actifs de l’Etat, de modernes privilèges, forts coûteux pour l’Etat et rentables pour certains partenaires privés.
LES INTERMÉDIAIRES FINANCIERS NAISSANCE : BESOIN OU NÉCESSITÉ ? Dans un système économique, les échanges ont pour but de maximiser la satisfaction des individus. Dans quelle mesure les intermédiaires financiers contribuent-ils à cette satisfaction ? Quand on considère le système le plus simple qui est celui du troc, on constate que son efficience est limitée. Il y a souvent difficulté à trouver dans un tel système une bonne équivalence entre offre et demande de deux individus quelconques. L’utilisation du crédit en complément du troc permet des échanges nonsimultanés et accroît grandement l’efficience du système. La combinaison du troc et du crédit donne d’excellents résultats tant que le degré de spécialisation de l’économie reste faible. La spécialisation de la production entraîne l'apparition de lieux d'échanges, c'està-dire de marchés où un certain nombre d'individus "intermédiaires" jouent un rôle spécialisé pour l'échange de chaque type de biens, rôle qui est inductif d'efficience. Il y a donc passage d'un système à efficience limitée vers des systèmes à efficience plus élevée.
EFFICIENCE OPÉRATIONNELLE ET EFFICIENCE ALLOCATIVE, RÉDUCTION DES PROBLÈMES D’ASYMÉTRIE INFORMATIONNELLE Les intermédiaires financiers réduisent les nombreux problèmes d’asymétrie informationnelle entre agents économiques en surplus et en déficit, tels ceux qui surgissent par exemple ente un investisseur en surplus et une entreprise en déficit qui souhaiterait réaliser un projet d’investissement. L’efficience avec laquelle les fonds sont transférés des secteurs en surplus vers les secteurs en déficit influence le potentiel de croissance d’une économie. Le secteur des intermédiaires financiers joue à cet égard un rôle prépondérant.
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Nous étudierons de manière plus détaillée cet aspect dans la partie du cours consacrée aux obligations et aux marchés financiers.
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L'existence d'intermédiaires financiers se justifie globalement par le fait qu'ils augmentent l'efficience d'un système économique de deux manières : 9 l'efficience opérationnelle : Il s’agit des économies réalisées dans les ressources limitées des participants au système en ce qui concerne le temps et les coûts, grâce à l'existence de techniques, de marchés et d'informations appropriées. Il s'agit d'une mesure en termes absolus. 9 l'efficience allocative : Il s'agit d'une mesure, en termes relatifs, du degré d'exploitation des gains potentiels effectivement réalisés par le système d'échanges. L'efficience allocative est maximale quand il n'existe plus de gains marginaux non exploités.
UN RÔLE ESSENTIEL DANS LE TRAITEMENT DES DÉSÉQUILIBRES FINANCIERS
Si on reprend la définition d'un intermédiaire financier, on peut dire qu'il s'agit d'un agent économique qui joue un rôle essentiel dans ces transferts de l'épargne, dans le traitement des déséquilibres financiers. 9 des différences en volume entre les besoins des épargnants et des désépargnants (p. ex. financement du tunnel sous la Manche); 9 des différences de localisation des offres et des demandes (p. ex. recyclage des pétrodollars dans les pays sous-développés); 9 des différences entre les disponibilités et les besoins en devises des agents économiques (p. ex. emprunts d'état finançant une balance commerciale déficitaire); 9 des différences dans les échéances : ceux qui requièrent les fonds en ont besoin pour une période qui ne concorde pas nécessairement avec celle pour laquelle les bailleurs sont disposés à s'en priver (p. ex. financement de constructions d'habitation par l'épargne des ménages). A noter qu'un bon système d'épargne sera lui-même générateur d'épargne par le fait même de l'attrait qu'il offre. L'organisation de la collecte et la redistribution de fonds est la fonction de base du système, qui doit assurer l'adéquation entre les volumes, les échéances et les devises requis par les bailleurs et les utilisateurs de fonds géographiquement épars. Parmi les demandeurs de fonds, on distingue entre : 9 ceux qui en ont besoin à titre permanent (dont la restitution mettrait en danger l'objectif qu'ils financent : il s'agit de leur fournir des capitaux à risque, restituables seulement au moment de la liquidation de l'entreprise à laquelle ils sont affectés) ; 9 ceux qui en ont besoin à titre temporaire (il s'agit alors de leur fournir toute la gamme des prêts allant des obligations à long terme aux simples avances de caisse).
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DES FLUX MONETAIRES L'apparition de la monnaie facilite les échanges et favorise la spécialisation. Elle renforce ainsi l'efficience du système : il devient possible d'échanger un bien particulier (harpons, colliers, pierres à trou, or, argent, cigarettes en temps de guerre ...) ou signe conventionnel (pièce métallique frappée, papier imprimé) quelconque accepté par les participants au système - la monnaie - contre les divers éléments à échanger et il suffit de savoir combien de signes monétaires sont nécessaires pour acheter la marchandise ou le service souhaités.
TROIS ROLES DE LA MONNAIE 9 Moyen de paiement : La monnaie est avant tout un moyen de paiement, accepté en principe par tous les agents économiques de la zone monétaire. 9 Etalon de mesure : La monnaie, en tant qu'étalon de mesure (ou « unité de compte ») relative des choses, permet de : mesurer des coûts; mesurer des revenus; mesurer le pouvoir d'achat. tenir une comptabilité; évaluer un patrimoine; 9 Réservoir de valeur : La monnaie est également un réservoir de valeur et devient un actif en soi. A ce titre, elle a un certain nombre de caractéristiques : coût de conservation peu élevé; liquidité parfaite; sécurité à l'égard des dettes exprimées en monnaie, c'est-à-dire un pouvoir libératoire : si on doit 100 F et que l'on possède 100 F, on peut à coup sûr libérer sa dette; insécurité par rapport au pouvoir d'achat, notamment en période d'inflation; pas de rentabilité en soi.
LA MONNAIE FACILITE ET SECURISE L’EPARGNE Elément important, la monnaie permet de différer dans le temps la satisfaction de certains besoins dont on peut prévoir l'apparition à un certain moment ou dont on préfère étaler l'assouvissement : cette postposition - ou épargne monétaire - est donc un facteur d'optimisation des satisfactions.
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LES MONNAIES DOMINANTES – LES MONNAIES PARALLELES Il arrive que diverses monnaies soient utilisées dans un espace économique. On parle alors de monnaies parallèles. Lorsque diverses monnaies sont utilisées au sein d’un espace économique, ou entre divers espaces économiques interconnectés, il est usuel qu’une monnaie soit dominante, et serve de « monnaie des monnaies », c’est-à-dire de pivot par rapport auquel les autres sont mesurées et échangées. Au cours du 20ème siècle, la Livre Sterling et l’or avant la 2ème guerre, le dollar U.S. ensuite, ont joué ce rôle dans le commerce mondial et les marchés financiers. LE SEIGNEURIAGE
Le fait de pouvoir émettre une monnaie représente la capacité à créer une valeur d’échange. De tout temps, les institutions émettant la monnaie ont compris l'avantage économique que l'on peut en tirer. Un kilo d'or vaut un kilo d'or, mais si une institution peut au départ d'un kilo d'or fabriquer 1.000 pièces, contenant chacune 1 gramme d'or et deux grammes de plomb, et dont la valeur monétaire est de 3 grammes d'or, cette institution a en terme économique pu gagner l'équivalent de 2 kilos d'or. Au cours du moyen âge, l'institution qui pouvait faire cela était généralement liée au Roi, au seigneur. C'est la raison pour laquelle les économistes l'on appelée, dans diverses langues : le "Seigneuriage". Dès lors que le seigneur "noircit" ou "allège" exagérément sa monnaie (c'est-à-dire y ajoute trop de plomb), la confiance dans la valeur de cette monnaie diminue, les prix augmentent et l'inflation apparaît. Quoiqu'en aient pensé certains économistes classiques, on s'est aperçu que le problème n'est en fait pas tellement lié au contenu en or ou en argent de la monnaie, mais à la quantité de monnaie par rapport aux besoins de l'économie. Les problèmes de gestion optimale de masse monétaire et de l'impact de celle-ci sur la stabilité des prix sont donc très anciens. L'utilisation de papier comme support monétaire est une étape logique vers l'abstraction monétaire. Malgré son apparition très ancienne (probablement le 10ème siècle en Chine), la monnaie papier ne s'est imposée que difficilement, entre le 17ème et le 20ème siècle. Elle s'est imposée sous forme de billet de banque, gérée par des banques (centrales ou pas), à une convergence entre l'évolution de la monnaie "allégée" et l'évolution des instruments de crédit développés par les banques depuis le moyen âge. La rigueur de gestion fut une condition nécessaire du succès du billet de banque ; au départ au les effets bancaires au porteur étaient émis en contrepartie de marchandise ou de stock monétaire. Ce n'est que dans la mesure où les quantités émises restaient "raisonnables" que la confiance dans le papier monnaie a pu s'établir et se maintenir. Chaque Etat souverain, souvent via sa Banque Centrale, bénéficie de seigneuriage. Les Etats-Unis, émetteurs de la monnaie des monnaies mondiale, en tirent un
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seigneuriage considérable. Ce seigneuriage est un avantage au sens économique, qui peut induire des comportements abusifs de la part de ceux qui en bénéficient.
MONNAIE, INTERMEDIATION FINANCIERE ET INTERVENTION DES POUVOIRS PUBLICS La monnaie, les moyens financiers véhiculés par les intermédiaires financiers ne touchent pas seulement à l'intérêt privé des individus et des entreprises mais également au bien général de la société, d'où l'intervention des pouvoirs publics qui se manifeste dans des aspects aussi variés que la détermination de la quantité de monnaie en circulation ou l'instauration de cadres institutionnels dans lesquels le système doit fonctionner. A leur tour, les caractéristiques du système monétaire et du cadre légal vont conditionner l'efficience de l'économie. Les mécanismes d'intervention publique dans le système, dont les intermédiaires financiers sont les instruments, comprennent : 9 la régulation du stock monétaire (politique de taux d'intérêt, d'open market); 9 la gestion des réserves de change et l'encadrement des mouvements de capitaux; 9 la génération du cadre de fonctionnement capable d'assurer une protection adéquate des parties aux opérations financières, notamment celles qui sont les plus faibles (législation sur la protection de l'épargne, la protection des débiteurs dans les ventes à tempérament, l'organisation des marchés financiers, par exemple). Le degré d'intervention publique a connu des fluctuations dans le temps. Ainsi, la crise financière des années 30 a provoqué une vague mondiale de régulations nationales, entraînant souvent la spécialisation obligatoire de certains types d'intermédiaires financiers. Depuis les années 60, en raison de distorsions et d'inefficacités induites par ces règlements, il s'est manifesté une tendance inverse à l'assouplissement réglementaire, avec une certaine tendance à la déspécialisation (banalisation) des intermédiaires. Pratiquées à des rythmes différents selon les pays et les tendances de leurs gouvernants, ces dérégulations se heurtent ces derniers temps à la nécessité de réaliser diverses harmonisations internationales en même temps que d'aucuns estiment qu'elles sont allées trop loin dans le démantèlement de garde-fous indispensables - d'où une tendance actuelle à une certaine "rerégulation", parallèle à la dérégulation qui se poursuit de manière sélective.
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LES TAUX D’INTERET∗ Depuis que la monnaie existe, elle sert entre autres à calculer la rémunération des délais de paiement et des prêts. Diverses formes de participations aux bénéfices de l’emprunteur existent, mais la forme qui s’est imposée pour rémunérer le prêt d’un montant connu pour une durée connue, est le taux d’intérêt en principe fixé au départ. Chez les Grecs et les Romains, les taux d’intérêt semblent avoir été exprimés au début en unités monétaires : une drachme par mine (de cent drachmes) par mois, une once par livre, etc.… Notons que un centième par mois représente environ 12 % par an, et semble avoir été un maximum légal fréquemment appliqué. Il semblerait qu’à la fin de l’Empire, le pourcentage était généralisé. L’antiquité connaît donc l’intérêt, et distingue l’intérêt normal de l’usure. La morale chrétienne a interdit très longtemps le prêt à intérêt, en s’appuyant sur une interprétation arbitraire de l’Evangile. L’Islam aussi a été – et est toujours – hostile au prêt à intérêt, mais il est favorable depuis plus longtemps au profit marchand, qui était lui aussi mal vu dans la morale chrétienne ancienne, jusqu’au 13ème-14ème siècle. Depuis le 16ème siècle et surtout le 17ème et les succès économiques des pays protestants, le profit marchand et le prêt à intérêt se sont banalisés dans la chrétienté. La notion d’usure a cependant toujours été présente, pour combattre les taux d’intérêt excessifs. Le taux d’intérêt, sauf mention différente, est exprimé sur base annuelle, un prêt de 100 à 6 % durant 3 mois rapporte 1,5. Sauf mention contraire, l’intérêt est payé à la fin de la période ; si la période est de plus d’un an, il est payé en principe au moins une fois l’an. Variantes : 9 l’intérêt peut être payé anticipativement. 9 l’intérêt peut être payé avec une périodicité plus courte, mensuellement, etc. Cela aussi en accroît le coût réel. 9 l’intérêt peut être capitalisé sur une période différente du paiement. Un intérêt capitalisé mensuellement et payé annuellement (ce qui signifie que tous les mois, l’intérêt échu est calculé et ajouté au capital sur lequel est calculé l’intérêt du mois suivant) à un coût réel équivalent à un intérêt payé mensuellement. Un intérêt capitalisé annuellement et payé après cinq ans a un coût réel équivalent à un intérêt payé annuellement pendant cinq ans. D’autres subtilités et variantes sur les taux d’intérêt apparaîtront au fil de la matière. Notons qu’on parle aussi de taux nominal et de taux réel en économie pour intégrer la perte de pouvoir d’achat due à l’inflation (voir ci-dessous)
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voir aussi lectures : Bessis chapitre 7 et T.P.
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Le rendement d’un investissement financier peut être différent de son taux d’intérêt, si son prix est différent de sa valeur nominale. Un instrument d’une valeur nominale de 100, porteur d’un intérêt de 6 %, aura un rendement approximatif de 7 %, s’il peut être acheté à 99, et à une durée de 1 an. Les termes de rendement et de taux d’intérêt sont parfois utilisés indifféremment, ce qui est peut être ambigu.
LES COMPOSANTES DU TAUX D’INTERET Le prêt vient d’une épargne. Celui qui épargne renonce à une consommation immédiate afin de s’assurer une consommation future. La rémunération du prêt est le taux d’intérêt, qui se compose de diverses parties : 9 une partie destinée à rémunérer le risque de crédit, ou risque de déconfiture de l’emprunteur. Elle s’appelle marge (en anglais « spread ») par rapport au taux d’un prêt sans risque, par exemple à l’Etat, pour une durée identique. Ce taux sans risque est appelé référence ou « benchmark ». 9 une partie destinée à couvrir l’inflation attendue, qui représentera une perte de pouvoir d’achat 9 une partie destinée à couvrir le risque de fluctuation de l’inflation ou des taux d’intérêt en général, que l’on peut appeler prime de risque, et qui croît avec le temps. 9 le taux net de cette anticipation est le taux réel. L’inflation attendue ou anticipée se mesure difficilement, mais l’inflation présente en est souvent une bonne approximation. Sur plusieurs siècles, le taux réel sans risque en Europe est de l’ordre de 2,5 à 3,5 %. Les économistes utilisent aussi un concept de taux d’actualisation social, afin de mesurer la valeur présente ou valeur actuelle de bénéfices futurs pour la société. Ceci, dans le cadre par exemple d’investissements publics. Le taux d’actualisation social se calcule sur base du taux de marché. On peut en déduire une partie représentant les bénéfices sociaux (ou « externalités ») que produisent les investissements pour la société dans son ensemble, entre autre via l’effet multiplicateur. On en déduit aussi une partie représentant le risque de spoliation (par confiscation, défaut de paiement de l’Etat, hyperinflation) que peut ressentir un individu, mais pas la société dans son ensemble. La fiscalité introduit aussi une distorsion des taux de marché, qu’il convient de corriger. On peut aussi déduire une partie qui représente pour les individus le risque de mort prématurée, à nouveau inexistant pour la société. Cette partie peut être faible si les individus attribuent au fait de laisser un héritage à leurs enfants une valeur équivalente à leur propre consommation. Le résultat net est appelé le taux d’actualisation sociale, c’est un taux d’intérêt qui peut être inférieur, voire très inférieur au taux d’intérêt de marché. Cette notion de taux d’actualisation social permet de justifier en termes économiques mesurables des investissements publics ayant un rendement faible pour le secteur privé, ainsi que des subsides en intérêt donnés par les pouvoirs
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publics au secteur privé pour l’aider à financer ses investissements. reviendrons.
Nous y
La monnaie et le taux d’intérêt sont les unités normatives de base des transactions financières. Ils n’ont pas de réalité absolue, mais l’étude des opérations financières doit permettre d’en conceptualiser l’essence ; la pratique permet, à condition d’une certaine maîtrise conceptuelle, de découvrir une partie importante de leurs nuances, dont la quantité est infinie.
LA COURBE DES TAUX D’INTERETS Les taux d’intérêts sont différents selon la durée. Le diagramme des taux par des échéances allant de 1 jour à une période longue (allant jusqu’à 10 ou 30 ans) s’appelle la courbe des taux d’intérêts (« yield curve »).
3 FORMES D’INTERMEDIAIRES FINANCIERS ET LES REGULATEURS DE LA PUISSANCE PUBLIQUE
LES INTERMEDIAIRES FINANCIERS STRICTO SENSU Ce sont ceux qui s'interposent d'une manière effective et durable entre les bailleurs et les utilisateurs de fonds : par exemple une banque de dépôt qui reçoit le dépôt d'un épargnant et affecte les fonds à un crédit industriel; le déposant n'a de relations qu'avec la banque et non avec l'industriel - c'est le banquier qui court le risque de l'industriel ; ces intermédiaires canalisent les flux d’épargne à travers leur bilan ; nous les appellerons aussi les intermédiaires institutionnels.
LES INTERMEDIAIRES FINANCIERS LATO SENSU Ils englobent également les banques d'affaires, et courtiers. Les intermédiaires lato sensu interviennent d'une manière temporaire et transactionnelle, par exemple une société de bourse qui procure des actions d'une entreprise à un investisseur; une fois la transaction achevée, l'intermédiaire ne joue plus de rôle, l'investisseur exerçant ses droits à l'encontre de l'entreprise ; ces intermédiaires facilitent le fonctionnement des marchés, nous les appellerons aussi intermédiaires de marché.
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LES INTERMEDIAIRES FINANCIERS "AUTRES" Ils offrent des possibilités de transformation d'actifs, à des fins telles que la collecte de fonds d'épargne (les organismes de placement collectif en valeurs mobilières, OPCVM), la gestion des retraites (Fonds de Pension), la titrisation (Spécial Purpose Company, Société d'Investissement en Créances,…). Il s’agit d’ « entreprises incomplètes », ayant la personnalité juridique, mais dont l’activité est très circonscrite, et généralement gérée par un tiers. Ces derniers temps, les règlements introduits par les autorités de même que la créativité des intermédiaires ont suscité un accroissement de l’utilisation de mécanismes destinés à gérer des flux financiers hors du bilan des intermédiaires financiers, mais dans des cadres délimités. En particulier, la nécessité de renforcer par des fonds propres la couverture des risques croissants assumés par les intermédiaires pousse à cette "désintermédiation". On mentionnera aussi les intervenants régulateurs de la puissance publique : LES REGULATEURS MONETAIRES OU ECONOMIQUES
Par le truchement d'organes gouvernementaux ou d'organismes plus strictement monétaires (BNB, BCE, ...)3, ils manient les instruments d'accélération ou de freinage de création monétaire (freinage par la hausse des taux d'intérêts, le contingentement des crédits, l'assèchement des liquidités dans le marché, ...; accélération par l'assouplissement de la politique de taux et d'encadrement des crédits, la possibilité de faire des amortissements accélérés, les subventions en intérêt et en capital, ...). D’autres régulateurs sont responsables du bon fonctionnement des marchés, doivent entre autres s’assurer que la concurrence est suffisante. La concurrence peut peser sur la rentabilité, et n’a pas toujours été encouragée dans le secteur, surtout par les autorités prudentielles, qui veulent éviter les risques de faillites dans le système financier, que la concurrence peut accroître. LES REGULATEURS PRUDENTIELS
Ils assurent le bon fonctionnement et la sécurité des circuits financiers (règlements et contrôles prudentiels par la Commission Bancaire et Financière, la Commission de la Bourse, l'Office de Contrôle des Assurances, la Banque Nationale dans certaines de ses attributions : à l'étranger, les banques centrales jouent souvent dans ce domaine un rôle plus marqué qu'en Belgique).
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B.N.B. : Banque Nationale de Belgique; BCE , Banque Centrale Européenne.
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LES MARCHES FINANCIERS L’efficience avec laquelle les fonds sont transférés des secteurs en surplus vers les secteurs en déficit influence le potentiel de croissance d’une économie. Le rôle des intermédiaires de marché est important et croissant, y compris pour les intermédiaires institutionnels. Nous en présentons dès le début du cours les instruments de base.
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CHAPITRE 2. MARCHES FINANCIERS
OBLIGATIONS DEFINITION ET INTRODUCTION Une obligation est un titre de créance, négociable ou non, que le porteur de l’obligation détient sur l’emprunteur et qui oblige ce dernier, qu’on appelle émetteur, à payer un intérêt et à rembourser le capital selon certaines modalités précisées contractuellement. Les informations figurant nécessairement sur l’obligation sont : l’identité de l’émetteur (débiteur), la déclaration de l’émetteur disant qu’il doit une certaine somme au porteur de ce titre, la valeur nominale de l’obligation, la durée de l’emprunt, l’année d’émission, le taux d’intérêt nominal, la date de remboursement (s’il y en a une), la date de paiement du coupon (s’il y en a un), le numéro de l’obligation, le montant total de l’emprunt obligataire. Doivent également figurer dans le contrat toutes les modalités particulières prévues. Les obligations peuvent être émises au pair, au-dessus ou au-dessous du pair. Lorsqu’une obligation est émise au pair, le souscripteur paie 100% de la valeur nominale4. Lorsqu’une obligation est émise au-dessus du pair, le souscripteur paie un montant plus élevé que la valeur nominale. Lorsqu’une obligation est émise audessous du pair, le souscripteur paie un montant moins élevé que la valeur nominale. La cotation des obligations s’exprime en pourcentages de la valeur nominale5. Le prix auquel un investisseur pourra acheter ou vendre une obligation sera égal à cette dernière valeur. Les principaux éléments qui caractérisent une obligation, sur lesquels un investisseur fondera son choix et qui lui permettront de calculer le rendement de son obligation, sont les suivants : 9 l’identité, la qualité et la solvabilité de l’émetteur de l’obligation 9 le prix d’émission ou, sur le marché secondaire, le cours de bourse 9 le taux d’intérêt 4
Ainsi, par exemple, si une obligation a une valeur nominale de 1000€ et son prix d’émission est de 95%, le souscripteur ne paiera que 950€. 5
Nous vous invitons à consulter la cotation des obligations dans un quotidien économique.
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9 le mode d’amortissement 9 la durée de vie ou échéance. D’autres informations, tels la devise, le taux de rendement ou encore la duration sont tout aussi importantes.
IDENTITE, QUALITE ET SOLVABILITE DE L’EMETTEUR IDENTITE On distingue traditionnellement divers types d’obligations selon l’identité de l’émetteur : •
LES POUVOIRS PUBLICS
On y retrouve les Etats, les pouvoirs locaux (régionaux, provinciaux, communaux), les institutions internationales, comme l’Union Européenne, la Banque mondiale, la BEI, … Ces émetteurs bénéficient généralement d’une bonne réputation en termes de solvabilité. Ils représentent généralement le concept d’emprunteur sans risque, et le rendement de leur papier est assimilé au taux d’intérêt sans risque. •
LES ENTREPRISES : OBLIGATIONS CORPORATE
Cette deuxième catégorie reprend les emprunteurs du secteur privé. •
LES EMPRUNTEURS DE PAYS EMERGENTS
On met dans cette catégorie les émetteurs de pays situés en dehors du groupe dit OCDE, qui présentent des risques de défaut de paiement élevés6, mais offrent des rendements élevés aussi. QUALITE ET SOLVABILITE La qualité et la solvabilité des émetteurs est une caractéristique fondamentale d’une obligation, étant donné qu’elles conditionnent le risque de défaut de paiement d’une obligation. Le rating7 qui est attribué à une émission obligataire est un indicateur qui mesure la qualité et la solvabilité de l’émetteur. Les ratings les plus connus sont ceux des firmes américaines Moody’s et Standard&Poor’s. Les obligations classées AAA, AA, et même A ne poseront en principe aucun problème de remboursement, alors que les obligations classées C et D présentent un niveau élevé de risque.
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Voir par exemple l’exemple recent du cas de l’Argentine.
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Lectures : Bessis, Risk Management in Banking, chapters 7&8.
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Ces ratings peuvent bien sûr évoluer et l’émetteur peut ainsi se voir « upgrader » ou « downgrader » par une agence de rating.
VALEUR NOMINALE, TAUX D’INTERET DE L’OBLIGATION ET COUTS La valeur nominale et l e taux d’intérêt déterminent la valeur du coupon. En matière de taux d'intérêt, on s'est montré inventif. Plusieurs formules existent : INTERETS FIXES
Par exemple 6 % annuels sur 8 ans. INTERETS « CHARNIERE » : Par exemple 5 % pendant 4 ans, et ensuite 5,5 % après 4 ans (ceci si on estime lors de l'émission que le public s'attend à une hausse des taux à long terme); ou encore 5 % pendant 4 ans, et ensuite 4,5 % pendant les 4 années suivantes (ceci si on estime que le public s'attend à une baisse des taux à long terme). Pour ces deux formules, le taux est déterminé au moment de l’émission. TAUX VARIABLES ET SOUMIS A REVISION :
On distingue les « floating rate notes » (FRN) et les « variable rate notes ». (VRN) Dans le cas des FRN, l’intérêt est payé tous les x mois et révisé en fonction de l’évolution d’un taux de référence (par exemple, LIBOR ou EURIBOR, taux des émissions de certificats de trésorerie, ...). Le taux d’intérêt de l’obligation est égal à ce taux de référence auquel s’ajoute un spread de x points de base qui reste identique durant toute la période. Dans le cas des VRN, à la fois le taux et le spread sont variables. De même que les taux peuvent varier, l'époque de paiement des intérêts peut varier d’une obligation à l’autre. Typiquement, on distingue : intérêts annuels, semestriels et intérêts capitalisés à l'échéance ("zero bonds"). COUT POUR L’EMETTEUR Remarquons par ailleurs que le coût pour l’émetteur est triple : •
CHARGES FINANCIERES
Il s’agit du coût résultant des charges financières en faveur du porteur (intérêts et primes éventuelles à l'émission ou au remboursement)et qui constitue la majeure partie du coût de financement (voir supra) ; •
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Il s’agit des commissions payées aux intermédiaires (commissions de lancement, frais du service ultérieur de l'emprunt - c'est-à-dire les commissions sur le paiement des coupons, du remboursement en principal), ainsi que, le cas échéant, les taxes si l'émetteur les prend en charge. •
FRAIS ACCESSOIRES
Impression des titres, publicité donnée à l'opération (affiches, tracts, insertion dans la presse, prospectus, voyages, etc) LE MODE D’AMORTISSEMENT
Le mode d’amortissement d’une obligation, de même que son taux d’intérêt et sa valeur nominale, est une donnée fondamentale pour l’investisseur, car elle lui permettra de mieux percevoir la séquence des cash flows et de calculer le rendement de son obligation. De nombreuses modalités de remboursement existent sur le marché . Toutefois, on peut distinguer8 classiquement : LES OBLIGATIONS AVEC REMBOURSEMENT INTEGRAL A L’ECHEANCE REPAYMENT
(« BALLOON
»)
L’investisseur perçoit régulièrement son coupon et se voit rembourser à l’échéance le capital. Presque toutes les obligations ont une durée de vie comprise entre 1 et 30 ans, bien que ces dernières années, certaines obligations perpétuelles soient parfois émises. LES OBLIGATIONS A COUPON NUL OU « ZERO BOND
»
Aucun coupon n’est payé entre la souscription et l’échéance. A l’échéance, l’investisseur récupère sa mise de départ plus les intérêts capitalisés tout au long de la durée de l’emprunt. LES OBLIGATIONS A REMBOURSEMENT ANTICIPE
Ce sont des obligations pour lesquelles le débiteur se réserve le droit de rembourser avant l’échéance. Cette clause s’avère très pratique pour le débiteur lorsque les taux d’intérêt baissent et qu’il a la possibilité de réemprunter à un coût plus faible. L’investisseur doit en tenir compte dans le calcul de son rendement.
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Cette énumération ne se veut pas exhaustive.
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LES OBLIGATIONS A REMBOURSEMENT INTERMEDIAIRE
•
REMBOURSEMENT PAR TIRAGE
Le remboursement de la somme empruntée respecte un plan d’amortissement. Chaque année, le débiteur rembourse une certaine somme. Un tirage au sort désigne les numéros des obligations qui seront remboursées cette année-là. Pour que le débiteur puisse satisfaire à des obligations de remboursement intermédiaire, il est aussi possible de constituer un fond d’amortissement (« sinking fund » ou « purchase fund ») auquel le débiteur doit affecter une part de ses revenus. Ce fond servira à assurer le remboursement du capital. Ce remboursement s’effectue alors par rachat : •
RACHAT
Cette technique permet au débiteur de racheter les obligations en Bourse. Dans le cas d’un purchase fund, il y est obligé si le cours de l’obligation est tombé audessous du pair (parce que les taux d’intérêt ont monté, ou que le risque crédit de l’emprunteur s’est détérioré), mais n’a pas l’obligation de le faire si le cours est audessus du pair. Dans le cas d’un sinking fund, il doit dans ce dernier cas rembourser sur tirage. •
LES OBLIGATIONS AVEC OPTION PUT
Lorsque c’est le porteur qui peut demander le remboursement anticipé, on dit que l’obligation comporte un put. Il pourra se faire rembourser son obligation.
LE CHOIX DE LA DEVISE Les taux d’intérêts sont différents dans chaque devise. Ils dépendent des caractéristiques sociales, économiques, monétaires, de la zone monétaire en question.
LES MARCHES DES OBLIGATIONS Le marché primaire porte sur les nouvelles émissions alors que le marché secondaire porte sur les obligations émises précédemment. Sur un marché national, on retrouve des obligations émises dans la monnaie du pays de l’emprunteur. Le marché international porte sur les obligations étrangères et sur les euro-obligations. Une obligation dite étrangère est émise par un emprunteur étranger dans au pays où est émis l’emprunt. Une euro-obligation peut être émise dans une monnaie qui n’est pas celle de l’emprunteur et dans plusieurs pays simultanément ; elle est émise hors de toute juridiction spécifique.
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RENDEMENT Le rendement de l’investissement dans une obligation ne doit pas être confondu avec le coupon (ou taux d’intérêt nominal de l’obligation lorsque le rendement est exprimé en pourcentages), qui, lui, généralement reste fixe. Le rendement d’une obligation peut être inférieur ou supérieur au taux d’intérêt facial de l’obligation, en fonction du cours de l’obligation. L’évolution des taux d’intérêt a une influence sur la valeur d’une obligation. La relation entre le prix (ou cours) d’une obligation et les taux d’intérêt est négative. Dans une période baisse des taux d’intérêt, les cours des obligations montent. Ils baissent si les taux d’intérêt sont en hausse. Et l’anticipation des agents économiques sur l’évolution des taux d’intérêt se reflète dans les cours des obligations. Les calculs de rendement peuvent s'effectuer de deux manières : 9 un taux de rendement courant ou immédiat 9 un taux de rendement actuariel TAUX DE RENDEMENT COURANT
C'est un rendement (incomplet) qui est calculé en divisant le montant total des intérêts versés annuellement (coupon) par le cours de l’obligation. Il s’agit là d’un rendement brut. Pour calculer le rendement net en Belgique, il faut soustraire le précompte mobilier de 15% sur le coupon. TAUX DE RENDEMENT ACTUARIEL
C'est le taux de rendement pour les souscripteurs ou pour les acheteurs en bourse calculé à partir de tous les éléments caractéristiques de l'emprunt représenté par l'obligation. Parmi les caractéristiques nécessaires au calcul9 de ce rendement, citons : 9 9 9 9
le prix d'émission (à l'origine) ou le cours (en cours de vie de l'emprunt) le taux d'intérêt nominal (fixe ou variable) et la périodicité de son paiement le prix de remboursement les modalités d'amortissement et la durée de vie
Le taux de rendement actuariel correspond au taux d'actualisation vérifiant l'égalité entre montant investi et somme actualisée des montants que recevront les acquéreurs de l'obligation, sous quelque forme que ce soit (intérêts, remboursements en capital,...). Il s'exprime le plus souvent en un pourcentage annualisé.
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Nous vous renvoyons aux séances d’exercice pour des exemples de calcul de rendement.
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Le taux actuariel est exprimé en fonction de la durée finale ou moyenne (au cas où il y a des remboursements partiels avant terme).
FORMES PARTICULIERES D’OBLIGATIONS OBLIGATIONS AVEC PARTICIPATION AU BENEFICE Le porteur a droit, d’une part, à un intérêt fixe, et d’autre part, à une partie des bénéfices, et en cas de liquidation, à une partie des réserves. Comme le porteur a droit à un bonus sous forme de bénéfices, le taux d’intérêt fixe est généralement inférieur à celui d’une obligation ordinaire. OBLIGATION INDEXEE L’intérêt et/ou le principal sont liés à un indice représentatif par exemple de l’évolution du pouvoir d’achat. Le taux d’intérêt nominal est révisé quand l’indice de référence varie. Cette indexation peut être calculée sur l’or (emprunt Pinay, emprunt Giscard), sur un panier de monnaies, sur l’indice des prix de détail, etc. OBLIGATION ZERO COUPON Les obligations « zero-bond » ne paient aucun coupon mais les intérêts sont capitalisés jusqu’à l’échéance, le capital de départ et les intérêts étant versés à échéance. OBLIGATION CONVERTIBLE Les obligations convertibles sont émises par des entreprises. Tout au long de la période de conversion, qui est limitée, cette obligation peut (mais ne doit pas) être convertie en une action de cette entreprise. Les obligations convertibles sont généralement moins rémunératrices que les obligations ordinaires. Les conditions de conversion sont fixées au moment de l’émission et le souscripteur doit y être très attentif. On appelle prix de conversion le prix à payer pour les actions et on appelle prime de conversion la différence entre le prix de conversion et le cours de l’action. Cette prime est presque toujours positive lors de l’émission, signifiant qu’il faut que le cours de l’action sous-jacente doit monter pour que la conversion devienne intéressante. « OBLIGATION CONVERTIBLE INVERSE » L’émetteur a le choix entre rembourser le porteur en argent ou en actions (définies au moment de l’émission). Il s’agit généralement de titre à court terme avec un rendement élevé, qui ne sont pas de vraies obligations, et représente plutôt une
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forme de put sur actions. Ce type d’instrument induit en erreur les épargnants, et est en fait proche de l’escroquerie. OBLIGATION AVEC WARRANT L’obligation avec warrant possède en réalité deux instruments financiers : l’obligation et le warrant. Ce dernier donne le droit d’acquérir l’action sous-jacente à n prix convenu. L’obligation est un titre ordinaire de créance, généralement avec un faible coupon. Il y a dès l’émission une double cotation de l’obligation : on distingue le cours d’une obligation ex-warrant (après détachement du warrant) et celui d’une obligation cum-warrant (avant détachement du warrant). La différence entre l’obligation convertible et l’obligation avec warrant est que cette dernière continue à exister après conversion du warrant en action. Il y a aussi cotation du warrant. L’avantage de l’obligation avec warrant et de l’obligation convertible est qu’elles offrent au porteur les avantages d’un rendement fixe avec ceux d’une possible augmentation du cours de l’action. OBLIGATION A DOUBLE DEVISE OU « DUAL CURRENCY » L’emprunteur a le droit de rembourser le porteur dans l’une ou l’autre monnaie de son choix, à un cours de change convenu au moment de l’émission. Le calcul du rendement de l’obligation pour le porteur devient difficile car ce dernier ne sait pas comment le cours de change va évoluer. La contrepartie de ce risque élevé est un coupon élevé. Il existe d’autres modalités telles que coupon et principal payables dans des devises différentes, etc.… OBLIGATION GOUVERNEMENTALE Il s’agit d’emprunts qui sont garantis par le gouvernement. On y retrouve les Fonds d’Etat ainsi que les instruments de dettes d’autres organismes publics tels que les provinces, les communes, la SNCB, etc. OBLIGATION LINEAIRE (OLO) Les « Obligations Linéaires – Lineaire Obligaties » forment une catégorie des Fonds d’Etat. Ces titres sont émis régulièrement, avec le même taux d’intérêt nominal et la même échéance, mais à un prix de souscription différent qui varie en fonction de l’évolution des taux d’intérêt. Ce sont presque uniquement les investisseurs institutionnels qui peuvent souscrire des OLO. Les OLO ne sont pas matérialisées. Elles n’existent que sous la forme dématérialisée dans un registre tenu par la Banque Nationale de Belgique.
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FISCALITE La fiscalité joue un rôle déterminant dans le rendement des obligations et donc dans leur appréciation par le marché et leur diffusion. L'introduction en Belgique, en 1962, du précompte mobilier pour des titres largement diffusés de manière anonyme dans le public, a obligé l'Etat à émettre ses nouveaux emprunts à des taux faciaux plus élevés pour que le souscripteur privé (personne physique) accepte de souscrire ces titres, notamment en regard des autres possibilités de placements sur le marché international dont les conditions n'avaient pas varié. Du fait de ces taux faciaux supérieurs, les établissements financiers (sociétés chez qui le précompte était imputable sur l’impôt à payer) jouissaient d'un rendement structurellement supérieur, ce qui représente une rente. La persistance du précompte, l'élévation de son taux au fil du temps (15 % en 1962, puis 20 % en 1966 et enfin 25 % en 198310) et l'internationalisation croissante des instruments financiers a provoqué une érosion constante de l'affection du grand public pour les fonds d'état belges. La part essentielle de ceux-ci s'est trouvée dès lors logée auprès des intermédiaires financiers, soit par structure obligatoire (compagnies d'assurance, p. ex.), soit en raison d'une pénurie d'opérations alternatives (baisse de la demande des crédits du secteur privé à la fin des années 70 et au début des années 80). Avec l'apparition des SICAV, après la tentative avortée (proposition Scrivener) d'instaurer en 1989 un précompte mobilier harmonisé dans l'Union Européenne (il fallait un vote unanime en la matière), et au vu de l'abrogation par l'Allemagne, cette même année 1989, du précompte de 10 % introduit à peine quelques mois plus tôt dans ce pays, la Belgique a, au début de 1990, pris le parti de réduire de 25 % à 10 %11 le précompte sur intérêts de créances (donc en ce compris les fonds d'Etat). Par cette réduction, ainsi que par la facilitation de la récupération du précompte par les non-résidents, et compte tenu d'un rendement réel élevé - le taux d'intérêt étant largement supérieur à celui de l'inflation - le Ministre des Finances visait à retrouver auprès de son ancien public belge et d'un nouveau public étranger une base plus large de souscription à ses emprunts. Il comptait de ce fait sur une baisse, bénéfique à long terme, de ses taux d'intérêts, compensant la réduction de recettes fiscales à court terme due à la baisse du précompte lui-même. Depuis 1999, la totalité des instruments financiers traités dans la zone Euro, et donc en Belgique, l'est uniquement en Euro. Les rendements se sont donc harmonisés.
10 Mais avec en contrepartie l'abrogation, dans le chef des personnes physiques, de la globalisation des revenus mobiliers et des revenus professionnels en rendant le précompte libératoire - partiellement d'abord et totalement ensuite.
11 Reporté à 13,39 % dans le Plan Global du gouvernement De Haene en 1994, puis à 15 % début 1996.
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Traditionnellement, les emprunts d'Etat allemands (appelés "Bunds") se traitent avec le rendement le plus faible, les emprunts d'Etat belges de type OLO donnant un rendement de quelques centimes de pour-cent (le centime de pour-cent est appelé point de base) supérieur. La fiscalité est largement harmonisée dans l'Union Européenne pour les institutionnels (ce qui a permis cette convergence des rendements) alors que la fiscalité de l'épargne des particuliers, malgré des progrès dans l'intention d'harmonisation au début 2001, reste fort disparate.
ACTIONS DEFINITION ET INTRODUCTION Les actions12 sont des titres négociables attribués aux souscripteurs du capital d’une société en contrepartie de leur apport, conférant aux actionnaires une série de droits, tels le droit de vote en assemblée générale, le droit à la répartition des bénéfices et le droit au partage de l’avoir social. Les actions peuvent être au porteur, nominatives ou dématérialisées. On compte également des catégories particulières d’actions. Notons à titre d’exemple les actions privilégiées, les actions de jouissance ou encore les actions sans droit de vote. L’actionnaire court un plus grand risque que les tiers à l’entreprise. Il met son capital à la disposition de l’entreprise pour qu’elle finance ses activités. Si cette dernière tombe en faillite, l’actionnaire ne sera remboursé qu’en dernier lieu, après que l’entreprise a désintéressé tous ses autres créanciers.
EMISSION D’ACTIONS Des nouvelles actions peuvent être émises lors de la constitution d’une nouvelle société, lors de l’introduction en bourse d’une société anciennement constituée, ou encore en cours de route, lorsqu’une société souhaite renforcer ses fonds propres (elle procède alors à une augmentation de capital). Une émission publique d’actions nécessite la rédaction d’un prospectus dans lequel la société présente certaines informations légalement requises. Il appartient ensuite à la Commission Bancaire et Financière d’accepter ou non cette émission d’actions et d’approuver le prospectus. Dans le cas d’une augmentation de capital, le prospectus doit nécessairement mentionner les éléments suivants : le montant de l’augmentation de capital, le prix d’émission, les dates de souscription et de paiement, un bilan et un compte de résultats et une prévision de l’évolution des bénéfices. 12
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DIVIDENDE Chaque année, un dividende peut être versé à l’actionnaire. Ce dividende est soit distribué à partir des bénéfices réellement réalisés durant l’année écoulée, soit puisé à partir des réserves. Ce dividende est généralement versé en argent, mais il se peut que l’actionnaire puisse choisir entre un paiement du dividende en argent ou alors un paiement du dividende sous forme de nouvelles actions. Il se peut également que l’entreprise ne verse aucun dividende. Tel est souvent le cas par exemple pour des entreprises jeunes à caractère technologique, ayant des perspectives de développement importantes.
EVALUATION DES ACTIONS13 Le Dividend Discount Model (DDM) et le Free Cash Flow Model (FCFM) sont deux modèles qui permettent d’évaluer la valeur d’une entreprise et celle de ses actions. Bien que ces modèles soient largement utilisés, force est de constater qu’il est très difficile , même pour des entreprises caractérisées par la stabilité de leurs activités et par une croissance stable de leur dividende, de prévoir l’évolution de l’activité, du chiffre d’affaires, des bénéfices, etc. Cet exercice est encore plus difficile pour les entreprises qu’on qualifie « high growth ». En ce qui concerne l’approche par cash-flows, il ne faut pas perdre de vue le traitement des amortissements par l’entreprise, en particulier les variations brusques d’amortissement, suite à une variation des investissements, un événement particulier, ou encore un changement dans la comptabilisation de ces derniers. Le rendement est le rapport entre le dividende et le cours de l’action. Si le cours baisse et pas le dividende, le rendement augmente. En principe, le rendement des actions est inférieur à celui des titres à revenus fixes. Ce désavantage est compensé par la possibilité de gains en capital dans l’investissement en actions. Il ne faut donc pas confondre rendement et return, qui inclut en plus du dividende, le gain (ou la perte) en capital. Le Price-Earnings Ratio (P/E) ou rapport cours/bénéfices est le rapport entre le cours de l’action et le bénéfice net par action. Dans le bénéfice, on ne tient généralement pas compte des éléments exceptionnels (charges et produits). Le P/E indique combien de fois le marché valorise les bénéfices d’une société et encore à combien il anticipe la valeur actuelle de la croissance. Plus le P/E est faible, plus l’action est intéressante. Encore faut-il comparer cet indicateur avec le P/E de l’ensemble du secteur de l’entreprise et avec celui de la Bourse du pays dans lequel price price price ou ou on investit. Les valorisations par procèdent de la Ebit Ebitda cash− flow même logique, mais accroissent les risques de désinformation.
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LA VALEUR COMPTABLE ET LA VALEUR INTRINSEQUE La valeur comptable d’une action est égal au rapport entre les fonds propres d’une entreprise et le nombre d’actions. La valeur intrinsèque d’une action est la valeur réelle estimée de l’action dans l’hypothèse où l’entreprise réaliserait tous ses actifs. Bien que le calcul de la valeur intrinsèque soit difficile, il peut s’avérer très utile lorsqu’il s’agit groupes qui possèdent plusieurs participations faciles à évaluer. La valeur intrinsèque permet à l’actionnaire de calculer l’argent qu’il toucherait après liquidation.
RATIOS FINANCIERS14 Il s’agit essentiellement des ratios de liquidité, de solvabilité et de rentabilité. Ces ratios donnent de précieuses indications sur la situation de l’entreprise. Il faut idéalement les comparer par rapport aux ratios des années précédentes et à ceux des entreprises appartenant à un même secteur d’activité.
PRODUITS DERIVES Il s’agit de contrats dans lesquels le porteur a soit l’obligation, soit le droit d’acheter ou vendre un actif financier à une date future. Le prix de ces contrats est dérivé du prix des actifs sous-jacents, de celui d’un indice financer ou encore d’un taux d’intérêt. C’est d’ailleurs pour cela qu’on appelle ces produits des produits dérivés.
LES WARRANTS DEFINITION ET INTRODUCTION Un warrant est un titre négociable, proche des contrats d’options (les termes warrants et options sont parfois utilisés l’un pour l’autre), coté en bourse, qui donne à son détenteur le droit, mais non l'obligation, d'acheter (dans le cas d'un call warrant) ou de vendre (dans le cas d'un put warrant) un actif sous-jacent à un prix fixé d'avance (le prix d'exercice) jusqu'à une date donnée (la date d'échéance). Le warrant est émis par une société (financière ou non) clairement identifiée, et peut être assimilé à un titre. Bien que les premiers warrants soient apparus au début du 20e siècle aux EtatsUnis, ils étaient réservés aux investisseurs institutionnels et aux initiés. C’est dans les années 1980’s qu’ils ont réussi à attirer l’attention du grand public grâce à sa
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mise de fonds limitée, son effet de levier important et au nombre croissant d’émissions et d’émetteurs. La durée de vie du warrant s'arrête à la date d’échéance. La valeur du warrant est ensuite nulle. Tout produit financier peut faire l’objet d’un warrant : une action, une obligation, une devise, un indice boursier, une matière première, etc. Les call warrants permettent de profiter d’une hausse du cours du sous-jacent alors que les put warrants permettent de bénéficier d’une baisse de cours. On distingue, comme les options, soit un type américain, où l’exercice peut se faire à tout moment jusqu’à l’échéance ; soit un type européen, où l’exercice se fera uniquement à l’échéance. Le premier type est de loin le plus fréquent La parité est le nombre de warrants à acquérir pour un actif sous-jacent. La quotité est la quantité minimale de warrants qu’il faut négocier. Dans le cadre des warrants sur actions, l’exercice du droit d’achat par le détenteur donne lieu à une émission de nouvelles actions par l’entreprise concernée. Cette dernière augmente alors son capital dès que le droit est exercé. Ce dernier élément est un élément majeur de différenciation entre les warrants et les options sur actions. En effet, quand une option est exercée, il n’y a pas d’augmentation de capital. PRIX DES WARRANTS Pour obtenir ce droit, l'acheteur paie un certain prix. Le cours du warrant se compose de deux éléments : la valeur intrinsèque et la valeur d’attente. •
VALEUR INTRINSEQUE
Pour un call warrant, la valeur intrinsèque est la différence positive entre le cours de la valeur sous-jacente et le prix d’exercice du warrant. On parle alors d’un call warrant « in-the-money ». Cette valeur intrinsèque est nulle si le cours est inférieur au prix d’exercice, auquel cas on parle de warrant « out-of-the-money ». Pour un put warrant, la valeur intrinsèque est la différence positive entre le prix d’exercice du warrant et le cours de l’action. On parle alors d’un put warrant « inthe-money ». Cette valeur intrinsèque est nulle si le cours est supérieur au prix d’exercice, auquel cas on parle de warrant « out-of-the-money ». Si la valeur intrinsèque du warrant est nulle, le cours du warrant ne se compose que de la valeur d’attente. •
VALEUR D’ATTENTE (TIME VALUE)
Cette valeur est influencée par le temps restant avant la date d’échéance du warrant. En effet, plus la période de temps avant l’échéance est grande, plus grande est la probabilité que le cours du sous-jacent évolue dans le sens voulu. La valeur d’attente est également influencée par la volatilité, exprimée par l’écart type historique des cours de l’actif sous-jacent. En effet, plus cette dispersion
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autour de la moyenne est élevée, plus grande est la probabilité que le cours de l’actif sous-jacent évolue au niveau souhaité. On paie ainsi dans cette valeur d’attente une sorte de prime qui valorise la possibilité restante d’appréciation de la valeur intrinsèque. Par le biais de certaines formules (voir Black & Scholes, etc…), il est possible de calculer la valeur théorique du warrant. Toutefois, de grands écarts s’observent entre les cours théoriques et les cours tels qu’ils sont observés tous les jours. Il faut à cet effet tenir compte d’un facteur supplémentaire : la loi de l’offre et de la demande. UTILITE DES WARRANTS •
INSTRUMENT DE COUVERTURE
Les investisseurs peuvent couvrir leurs positions en actions en achetant des warrants put. Des warrants call leur permettent d’accroître leur position en actions avec un risque réduit en montant. Les warrants (et options) permettent de gérer ainsi le risque sur action, sur devises, sur taux d’intérêt, etc… •
EFFET DE LEVIER IMPORTANT
Le prix d’un warrant est nettement inférieur à celui de l’actif sous-jacent mais le cours du warrant varie en termes relatifs beaucoup plus que l’actif sous-jacent. Ainsi, que la variation soit positive ou négative, le cours du warrant amplifie ces mouvements dans le sens identique de la variation du cours du sous-jacent. •
INSTRUMENT DE DIVERSIFICATION DU PORTEFEUILLE
DIFFERENCES ENTRE WARRANTS ET OPTIONS Les warrants sont des instruments financiers et négociés en tant que tels comme des actions. Les warrants sont émis par des sociétés ou des intermédiaires financiers, souvent dans le cadre d’un financement. Les options sont des contrats créés et négociés sur le marché des options. Il faut nécessairement ouvrir un compte spécifique pour négocier des options. Les options qui sont des contrats qui peuvent être standardisés pour un sousjacent déterminé, en termes d’échéance, de prix d’exercice, de taille du contrat, etc. Une bourse d’options est généralement la contrepartie, et elle assure aussi la standardisation des contrats. Par contre, les caractéristiques des warrants sont librement choisies par les sociétés ou des banques émettrices. On peut ainsi trouver pour un même sous-jacent une série de warrants aux spécificités diverses, rendant par ailleurs la comparaison entre prix des warrants plus difficile. Les warrants sont émis sur une gamme de sous-jacents plus grande que celle des options.
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Le warrant peut être émis isolément ou lié au sous-jacent15 tandis que l’option n’est émise qu’isolément.
LES OPTIONS Tout ce qui a été dit au sujet des warrants est valable pour les options, à l’exception bien sûr des différences entre les deux produits qui ont été relevées. Rappelons également que la notion d’option est beaucoup plus large et n’est pas uniquement liée aux marchés financiers. Les options sont avant tout des contrats entre deux parties et sont beaucoup utilisés en dehors des marchés financiers dans la vie de tous les jours. Ainsi, pas uniquement les produits financiers (une action, une obligation, une devise, un indice boursier, une matière première, etc.) peuvent faire l’objet d’une option. Ces contrats octroient de manière générale un droit à l’une partie alors que l’autre partie accepte une obligation.
LES « FUTURES » DEFINITION ET INTRODUCTION Un future est un contrat à terme conclu entre deux parties et ayant pour objet l’achat ou la vente d’un actif sous-jacent à une date et un prix déterminés. On parle de « futur » lorsque ce contrat à terme est représenté par un titre négociable. FONCTIONNEMENT Le prix d’un future ne représente qu’une partie de la valeur effective du contrat. La liquidation (settlement) se fait sur base quotidienne par le paiement de la différence entre le prix de transaction du jour précédent et celui du jour même. A cet effet, les deux parties du contrat de future doivent déposer une garantie (« margin »). Quand celle-ci est épuisée, on procède à un « margin call » : l’acheteur ou le vendeur doit apurer son compte. L’investissement en future est très risqué. Il est très apprécié par les gestionnaires de fonds spéculatifs comme les hedge funds. Le marché des futures est très développé aux Etats-Unis. On peut ainsi y négocier des indices boursiers, des obligations, des devises, des céréales, du bétail, etc. DIFFERENCE ESSENTIELLE ENTRE FUTURES ET OPTIONS Une transaction sur options porte sur un droit d’acheter ou de vendre, alors qu’une transaction sur futures porte directement sur une obligation d’acheter ou vendre à terme la valeur sous-jacente. Cet aspect est très important et signifie que le
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Voir les obligations « cum-warrant ».
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profil de risque des futures est plus élevé que celui des options, étant donné que peu importe l’évolution du cours du sous-jacent, la transaction a lieu. Et doit être soit entourée par une opération inverse, soit liquidée. UTILITE
Les contrats de futures sont utilisés en matière financière surtout sur les devises, et sur les taux d’intérêt. Ils côtoient d’autres transactions, à terme réalisées dans des marchés interbancaires, les Forward Rate Agreements, swaps, forward swaps, etc…
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CHAPITRE 3. QUELQUES PRINCIPES GENERAUX ET PARAMETRES CARACTERISANT LES OPERATIONS DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS
Dans cette partie du cours, seront passés en revue divers éléments caractéristiques des opérations traitées par les intermédiaires financiers.
EMPLOIS DE FONDS, CREDITS ET OPERATIONS "ACTIVES" EN TOUT GENRE
L'UTILISATEUR DU FINANCEMENT L'intermédiaire financier doit évidemment savoir à qui il confie ses fonds; aussi, avant de permettre à l'utilisateur de disposer des fonds, l'intermédiaire financier va tenter de le caractériser suivant des critères individuels et collectifs : CRITERES INDIVIDUELS •
IDENTITE
Il s'agira du nom pour la personne physique et de la dénomination sociale pour les personnes morales. REMARQUES :
Le ou les noms qui apparaissent ne sont pas toujours ceux de la véritable contrepartie de l'intermédiaire financier : cas des prête-nom, des sociétés écrans, et l'intermédiaire cherchera à s'informer des propriétaires économiques ("beneficial owners") des comptes au travers desquels s'effectuent les transactions. Il peut y avoir pluralité d'utilisateurs pour une même opération : se pose alors la question de la nature de leurs engagements respectifs à l'égard de leur participation dans l'opération : solidarité et indivisibilité éventuelles de leurs obligations à l'égard de l'intermédiaire financier. •
ETAT-CIVIL
Pour les personnes morales, il s'agira de préciser la forme juridique. •
AGE
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Pour les personnes morales, il s'agira évidemment de la date de fondation, voire de la date de fondation de la firme ou des personnes morales dont elle est ellemême issue par voie de fusion, apport ou autrement. •
NATIONALITE
Pour les personnes morales, il s'agit de préciser le pays selon les lois duquel elles ont été constituées. •
DOMICILE / RESIDENCE
Ils peuvent se situer dans un pays différent de celui de la nationalité. Cet élément interviendra en particulier pour déterminer le régime de change ou fiscal de l'utilisateur de fonds. Dans le cas de personnes morales, il s'agira du siège social (et du siège administratif s'il en est distinct). •
PROFESSION / OBJET SOCIAL
Outre l'intérêt intrinsèque de connaître la finalité et le domaine d'activité des utilisateurs de fonds, pour ce qui concerne les personnes morales, il se pose la question de savoir si l'opération envisagée entre dans le cadre de leur objet, faute de quoi la validité de cette opération pourrait être mise en cause. •
CAPACITE JURIDIQUE
Celle-ci variera selon qu'il s'agit d'une personne physique ou morale. •
POUVOIRS DE REPRESENTATION
Un des points importants sera de vérifier si les personnes qui se présentent à l'intermédiaire financier au nom de l'utilisateur engagent valablement celui-ci. RISQUE DU FINANCEMENT Le risque intrinsèque de solvabilité et de liquidité de l'utilisateur des fonds sera considéré à partir d'éléments différents, historiques et aussi, si possible, prospectifs : •
ENTREPRISES
Pour ce qui concerne les entreprises, ce sera d'abord par l'analyse de ses états financiers (bilan, comptes d'exploitation, budgets, projections) mais aussi par l'étude de la qualité et la continuité du management, de son organisation, de ses produits (gammes, mix), de ses marchés et de son réseau commercial, de son potentiel technique (technologie, obsolescence de l'appareil pour l'évaluation desquelles les intermédiaires doivent souvent faire appel à des experts extérieurs), du risque social (la qualité des relations syndicales et de la communication dans l'entreprise), et du risque juridique (litiges en cours ou potentiels); •
POUVOIRS PUBLICS
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Pour ce qui concerne les pouvoirs publics, ce sera par l'analyse de leurs budgets et comptes, de leur stabilité politique, de leurs réserves de change et balance extérieure de paiements s'il s'agit d'Etats, etc. •
PARTICULIERS
Pour ce qui concerne le particulier, ce sera par l'analyse de ses activités et revenus professionnels, sa situation patrimoniale, sociale et familiale, son état de santé, etc. D'autre part, le paramètre risque sera abordé de manière différente s'il s'agit d'un investissement en capital, d'une avance à long terme ou d'un crédit à court terme. Enfin, on fera une distinction en fonction du titre financier que l'on utilisera : un effet de commerce présente moins de risque qu'une simple créance en compte. •
GARANTIES
Celui qui emprunte est tenu de payer intérêt et principal aux dates convenues. Le prêteur sceptique quant à sa capacité de remplir cet engagement peut exiger des cautions ou des sûretés en garantie. Parfois aussi l’emprunteur le proposera d’initiative, sachant que le financement qu’il recherche en sera plus aisé et moins onéreux (cas évident de l’emprunt hypothécaire par un particulier).
L’OBJECTIF DU FINANCEMENT L'intermédiaire cernera ensuite le type de besoins de l'utilisateur. Il peut s'agir : 9 d'un financement de consommation, voire d'une perte : ce type de financement est considéré par l’intermédiaire avec prudence, voir méfiance. 9 d'un financement d'investissement, de stock, de créances; qu'il s'agisse d'immeubles, d'outillages, d'immobilisés incorporels, de matières premières, d'encours de fabrication, de produits finis ou de créances, ceux-ci se retrouveront à l'actif du bilan de l'utilisateur; 9 d'un financement d'encaisse : cela peut paraître paradoxal, mais c'est une pratique courante dans les pays anglo-saxons qui découle du mode particulier de comptabilisation dans le chef des intermédiaires financiers. Dans ce système anglo-saxon, l'intermédiaire financier met l'emprunteur en débit dans un compte avance et en crédit dans un compte d'encaisse disponible dont il exige qu'un minimum reste inutilisé ("compensating balance" voir plus loin, description d’un crédit de caisse). En Europe continentale, cette pratique est rarement utilisée, si ce n'est - mais alors de la volonté du client - lorsqu'en fin d'un exercice comptable une entreprise désire augmenter la liquidité apparente de son bilan ("window dressing"); 9 d'un financement de structure : plutôt que de financer une opération unique, ou certaines opérations individualisables successives, l'intermédiaire financier peut parfaitement financer des besoins généraux d'une entreprise : c'est ce qui se passe pour les crédits de fonds de roulement.
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L’analyse du besoin de financement et de la capacité de l’emprunteur à rembourser sont indispensables, quelle que soit la nature et la solidité des garanties offertes
LE TEMPS DANS LE FINANCEMENT OBJET ET SUJET Le temps est facteur d'incertitudes, donc de risques; aussi, le temps d'un financement sera-t-il conditionné par : 9 son objet : le délai de prélèvement et la durée de remboursement du financement varieront en fonction du type de besoins (besoins passagers ou permanents, ponctuels ou récurrents) et de la nature et de la durée économique de l'objet financé. 9 son sujet : limitation éventuelle de la durée d'existence d'une société (de venture capital par exemple), âge et santé d'une personne physique. SORTIE DE L’OPERATION Dans la détermination du terme, l'intermédiaire financier se préoccupera de la "sortie" de l'opération, c'est-à-dire ce grâce à quoi le remboursement pourra avoir lieu : ce remboursement peut provenir de l'encaissement d'une créance, de la revente d'un bien dont les coûts de fabrication ont été financés, du cash flow généré par un équipement productif financé, de la conclusion d'un nouveau prêt, de la liquidation ou de la réduction d'activités de l'entreprise. Si l'opération n'est pas économiquement self-liquidating, elle peut nécessiter des flux tiers pour que le remboursement puisse avoir lieu (exemple : financement d'une première communion par les revenus professionnels futurs des parents). ECHEANCE L'échéance ("maturity") d'un financement peut être déterminée ou aléatoire (p. ex. créances par rapport aux parts d'associés). •
ALEATOIRE
L'échéance ("maturity") d'un financement peut être déterminée ou aléatoire (p. ex. créances par rapport aux parts d'associés). •
DETERMINEE
Si elle est déterminée, elle peut être fixe ou variable; citons à titre d'exemple : 9 un remboursement en une seule fois au bout de dix ans ("bullet repayment"); 9 un remboursement annuel sur dix ans par dixièmes du montant total à rembourser;
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9 un remboursement à trois mois à moins de reconduction de commun accord des parties pour de nouvelles périodes trimestrielles successives; 9 un remboursement sur préavis d'un mois. •
CLAUSES DE REMBOURSEMENT ANTICIPE
Il existe fréquemment dans les contrats d'ouverture de crédit une clause de "remboursement anticipé", c'est-à-dire avant l'échéance du terme convenu ("prepayment clause"). EXEMPLES :
9 Le contrat peut prévoir que le remboursement pourra être imposé par le prêteur au débiteur avant l'échéance convenue au cas où le débiteur ne respecterait pas ses engagements, au cas où il laisserait protester sa signature, en cas de dégradation de sa situation financière, etc. 9 Inversement, le contrat pourra prévoir que le débiteur aura la faculté de rembourser anticipativement son créancier, soit à tout moment moyennant généralement le paiement d'indemnités, soit en cas de survenance d'un événement tel que des impôts nouveaux frappant les revenus d'intérêts, impôts dont la charge aurait incombé conventionnellement au débiteur ("tax clause") A remarquer que des événements particuliers peuvent influencer l'exigibilité : la faillite rend les créances exigibles; à l'inverse, la demande de concordat suspend les recours des créanciers jusqu'à son homologation ou rejet éventuels.
NATURE ET FORME DU TITRE FINANCIER Le titre financier résulte d'un contrat (d'association, de prêt, de transport, de vente à crédit, ...), fréquemment assorti d'un support matériel qui soit confère par luimême les droits de créance ou de propriété auxquels ce support se réfère (lettre de crédit, effets de commerce, obligations, actions ...), soit fournit simplement l'indication de l'existence de ces droits (extraits de compte, certificats représentatifs d'actions ou de parts, lettres de voiture, factures, ...). Un titre peut être nominatif, à ordre ou au porteur.
REMUNERATION OU PRIX DU FINANCEMENT L'intermédiaire financier établira sa rémunération en fonction de divers facteurs : 9 le coût des ressources au moyen desquelles il assure le financement, 9 le degré de risque encouru selon la qualité du débiteur et la nature de la transaction, 9 les frais effectifs ou probables occasionnés par la conclusion et le fonctionnement de l'opération jusqu'à son terme, 9 la marge de profit qu'il souhaite se réserver, et les tarifs pratiqués par la concurrence pour une opération similaire,
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9 les limites réglementaires imposées par les autorités. Cette rémunération a généralement pour partie principale une ou plusieurs sommes calculées en fonction du temps d'utilisation des fonds à courir jusqu'au terme du financement, souvent complétées par des rémunérations ponctuelles, sans compter l'indemnisation forfaitaire ou sur justificatifs de certains débours exposés par l'intermédiaire financier et les éventuelles pénalités en cas de non-respect des clauses par le débiteur. REMUNERATION CALCULEE FONDS :LES INTERETS •
EN
FONCTION
DU
TEMPS
D’UTILISATION
DES
TAUX FIXES
Aucune variation du taux n'a lieu pendant toute la période considérée. C'est le cas des avances et dépôts à terme fixe et de certains types d'obligations. Un peu d’histoire … En Belgique, depuis la guerre, la SNCI16, pour ses crédits d'investissements, et les organismes de prêts hypothécaires déterminaient habituellement des taux fixes pour toute la durée (longue) de leurs financements. En 1972 pour la SNCI et depuis le début des années 90 pour les banques et les organismes hypothécaires, il y a eu un revirement sous l'empire de la plus grande volatilité des taux : ces organismes privilégiaient les prêts qui provoquent une faculté de revoir le taux à dates fixes (par exemple tous les cinq ans = "révision quinquennale"), de manière à assurer une meilleure adéquation entre le coût de leurs ressources et les revenus de leur remploi. Cette pratique laisse l'utilisateur des fonds dans l'incertitude du taux, puisqu'il n'en connaît pas le niveau jusqu'à son expiration finale, même si la référence par rapport à laquelle le nouveau taux sera fixé est déterminée à l'avance. Cette question est d'une très grande importance : pour ne pas avoir assuré une concordance suffisante entre la structure de rémunération de leurs actifs et passifs taux fixes sur actifs longs, taux variables sur passifs plus courts en moyenne - les Savings and Loan Associations aux Etats-Unis (S & L), c'est-à-dire les caisses d'épargne et d'hypothèques, sont après augmentation tendancielle des taux sur très longue période arrivées, au début des années 1980, à un étranglement de leur rentabilité. La chute de celle-ci, aggravée encore par des prises de risques inconsidérées pour tenter de la rétablir, a provoqué chez nombre d'entre elles une décapitalisation progressive, voire l'insolvabilité. L'insuffisance de fonds propres du secteur a, au début des années 90, été évaluée à quelque 500 milliards de dollars et a dû être comblée par les autorités - c'est-à-dire le contribuable. Depuis la fin des années 80, le développement du marché des swaps d’intérêt a permis aux banques de se refinancer à de bonnes conditions sur toutes les
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SNCI : Société Nationale de Crédit à l'Industrie, absorbée par la CGER Banque en 1995, ellemême absorbée par Fortis en 1997.
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échéances et la plupart des grandes devises, et les emprunteurs obtiennent auprès des banques des financements à taux fixe de longue durée. •
TAUX VARIABLES
Par extension de ce qui vient d'être dit pour les crédits à long terme, où certaines échéances intermédiaires peuvent avoir été fixées pour une éventuelle révision du taux, se sont installés depuis les années 1970 des crédits appelés "roll-over" c'est-à-dire consentis pour des périodes à court terme successives de 1, 3, 6 ou 12 mois, dans le cadre d'une période de renouvellement globale garantie qui peut atteindre plusieurs années. A chaque échéance intercalaire, le taux est revu, et fixé sur base du niveau, au moment de cette échéance intercalaire, d'un taux de référence prédéterminé, qui est souvent le "LIBOR" (London Interbank Offered Rate), lequel sera majoré d'une marge convenue, qui peut varier de presque rien (1/8, voir 1/16 de %) pour les meilleurs emprunteurs, à 1 ou plusieurs pourcents pour des emprunteurs plus risqués, des financements de projet, etc. Mais le cas extrême de la variabilité est celui où le bailleur de fonds a la faculté de décréter, à tout moment ou périodiquement, une variation du taux par rapport à une référence qu’il fixe lui-même: crédit de caisse, taux de base, etc. (voir plus loin) •
REMUNERATIONS ALEATOIRES ET FORMULES MIXTES
Les taux fixes ou variables décrits plus haut ont comme caractéristique d'être prédéterminés, ou déterminés par rapport à une référence. Il n'en va pas de même pour certains types de rémunérations qui sont aléatoires, car décrétées en fonction de circonstances imprévisibles : c'est le cas de dividendes sur actions de sociétés, dépendant du niveau des bénéfices et des décisions de répartition par l'organe compétent (assemblée générale pour les sociétés anonymes en Belgique). Il existe également des formules mixtes entre les rémunérations aléatoires et les taux prédéterminés : on peut citer les obligations participatives, ou encore les actions privilégiées, où un pourcentage fixe initial est prévu sur le bénéfice distribué, majoré d'un pourcentage sur le surplus éventuel dans lequel les actions ordinaires auront normalement une part prépondérante. REMUNERATION CALCULEE FONDS : LES COMMISSIONS
INDEPENDAMMENT DU TEMPS D’UTILISATION DES
Diverses commissions sont appliquées par les intermédiaires financiers sur leurs prestations qui ne sont pas fonction de l'utilisation de ces concours dans le temps. Par exemple, les intermédiaires prélèvent : des commissions d'ouverture de crédit, des commissions sur plus haut découvert, des commissions sur émissions d'obligations ou d'actions ... Ces commissions peuvent être prélevées en une seule fois (commission "flat") en début ou en fin de période, ou encore peuvent être prélevées périodiquement (commissions récurrentes). L'utilisateur des fonds doit calculer le coût effectif de ces commissions en les rapportant au montant des fonds réellement utilisés.
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EXEMPLES
9 Soit une commission d'ouverture de crédit annuelle de 1 %, appliquée quel que soit le degré d'utilisation du crédit, qui sera par hypothèse une ligne de 100 millions à 6 %. Si on utilise les 100 millions dans leur intégralité pendant toute la période, on paiera d'une part 6 millions d'intérêt et d'autre part 1 million de commission, soit 7 millions au total ou 7 % par rapport aux 100 millions utilisés. Si on n'utilise que 50 millions de la ligne octroyée, on paiera 3 millions d'intérêt plus 1 million de commission, c'est-à-dire 4 millions au total ou 8 % par rapport aux 50 millions effectivement utilisés. A la limite, si le crédit n'est pas utilisé du tout, le taux sera "infini"; cette appréciation qui confine à l'absurde doit être mise en perspective : la commission peut être vue comme la prime d'assurance payée pour la disponibilité du crédit, et être prise en considération en dehors du taux lui-même. 9 Variante du cas précédent : la commission d’engagement, qui n’est due que sur le montant non utilisé de la ligne de crédit. Soit une émission d'obligations de 10 milliards à 6%, avec une commission d'émission prélevée à l'origine ("front end") de 1 %. Le coût de l'emprunt sera de 6 % à calculer sur un produit net de 99 % du nominal, soit 9,9 milliards, ce qui donne un coût réel actualisé de l'ordre de 6,15 %, si les obligations sont à 10 ans, de l’ordre de 6,25 % si elles sont à 5 ans. INDEMNISATION DES DEBOURS A ENCOURIR Il peut être stipulé que les frais "objectifs" ("out of pocket expenses") occasionnés par l'opération pourront être facturés en sus, forfaitairement ou sur justification : frais d'enregistrement, de signification, de communications, d'impression de prospectus, de traduction, d'ouverture de dossier, d'assurance, d'expertises comptables ou industrielles, de consultations juridiques ou fiscales, ... FACTEURS DE DISTORSION SUR LE COUT REEL Pour pouvoir comparer les taux de différents types de financement, il faut les ramener à une même base de calcul. Nous avons déjà vu dans l’introduction que l’époque de prélèvement des taux d’intérêt a un impact important sur le taux réel. Premièrement, pour ce qui concerne l’époque de prélèvement des intérêts, la base annuelle à terme échu est généralement adoptée. EXEMPLE
9 Soit un prêt d’un an de BEF 100 à 6 %, intérêts prélevés en fin de période « à terme échu » : à l’échéance on touche 6 %. 9 soit un prêt d’un an de BEF 100 à 6 %, intérêts prélevés en début de période (« anticipativement ») : cela revient en fait à prêter 94 et à récupérer 100 à
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l’échéance ; dans ce cas-ci le taux ramené à un taux annuel fin de période est plus élevé : 6 = 6,38% réel. Dans ce cas, un taux nominal de 6 % 94 correspond à un taux réel de 6,38 %.
( )
Deuxièmement, un autre facteur de distorsion est le suivant : la pratique en usage sur certains marchés de calculer le nombre de jours d'intérêts par rapport à une année conventionnelle de 360 jours au lieu de l'année réelle de 365 jours. EXEMPLE
9 soit un prêt de BEF 100 à 6 %, intérêts prélevés en fin de période sur base 365 ) d'une année de 365 jours : à l'échéance on touche : 100 ( 1 + 0,06 x 365 = 106 ou 6% réel 9 soit un prêt de BEF 100 à 6 %, intérêts prélevés en fin de période sur base 365 d'une année de 360 jours : à l'échéance on touche : 100 ( 1 + 0,06 x ) 360 = 106,083 ou 6,083% réel
FISCALITE La fiscalité peut modifier sensiblement le coût d'un financement (si elle est supportée par l'utilisateur) ou le revenu d'un placement (si elle est supportée par le bailleur) car le régime fiscal varie selon le mode de financement. L'intérêt d'une créance est payé sur le bénéfice brut de l'entreprise avant son imposition (car c'est une charge déductible). Il est parfois prélevé un précompte (en anglais « witholding tax »), que le débiteur doit retenir au profit de ses autorités fiscales17. Le régime fiscal ne dépend pas seulement de la nature de la distribution mais de la nature et de la localisation des intervenants. On fera notamment la distinction entre les personnes physiques, les personnes morales commerciales, les personnes morales non commerciales, etc. Entre les résidents du pays de la distribution et les non-résidents de ce pays, et encore des régimes seront-ils différents selon qu'il y a ou non des conventions préventives de double imposition entre les pays en cause. Ceci fait parfois apparaître des distorsions.
17
La personnalité de l'attributaire (société ou personne physique) jouera un rôle en cette matière qui a au cours des dernières années subi en Belgique des changements importants introduction de la notion du précompte libératoire pour les personnes physiques, baisse du niveau du précompte mobilier de 25 % à 10 % puis remontée à 15 % pour les revenus de créances.
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RECOLTE DE FONDS, DEPOTS, OPERATIONS « PASSIVES » EN TOUT GENRE L'examen de la structure des dépôts d'une banque est essentiel pour juger de la solvabilité, et du potentiel de rentabilité d'une banque. Parmi ces dépôts, les comptes à vue occupent une place importante, car ils constituent la spécificité des banques de dépôt ou banques commerciales. Le stock monétaire strict est aujourd'hui constitué d'une par des billets de banque, et d'autre part des dépôts à vue (aussi appelés comptes à vue ou comptes courants) ouverts dans des banques (les chèques au porteur tirés sur des comptes à vue en sont une forme tangible).
LES DEPOTS BON MARCHE Aujourd'hui, les dépôts à vue des banques commerciales sont une source de seigneuriage. Leur montant n'est jamais certain ni définitif, mais à tout le moins ils peuvent être considérés comme un dépôt quasi gratuit, dans la mesure où la grande masse des comptes à vue n'est pas rémunérée. Les comptes à vue ouverts par des particuliers présentent l'avantage supplémentaire d'offrir une grande stabilité globale : les montants déposés dans chaque compte individuel peuvent grandement fluctuer d'un jour à l'autre, mais la masse globale en est stable. Dans leur gestion, les banques cherchent à maximiser leurs dépôts les moins onéreux, et les plus stables. Les comptes à vue de particuliers entrent bien sûr dans cette catégorie. D'autres activités, parfois très administratives et peu connues peuvent être génératrices de ces dépôts faiblement rémunérés, que l'on appelle aussi du "float" : le service financier de titres au porteur ; les chèques de voyage, chèques cadeau, chèques repas, etc. ; les comptes bloqués de toute nature. La perception de date de valeur sur transferts entre également dans cette catégorie. D'autres sociétés, financières ou pas, peuvent recevoir des placement et dépôts temporaires, mais le dépôt à vue est une caractéristique spécifiquement bancaire. Bien entendu, certaines activités génératrices de "float", et en particulier les dépôts à vue, occasionnent également pour les banques des opérations fastidieuses, tels que transferts, chèques, extraits de compte. Mais au cours des dernières années elles accroissent la tarification sur ces opérations, sans remettre en cause le principe de la rémunération faible ou nulle sur compte courant. Pour chacune de leurs activités de dépôt (dépôt à vue, dépôt d'épargne, dépôt à terme, bons de caisse, …) les banques doivent gérer au mieux les coûts, le volume et la stabilité de ce volume, en fonction des catégories de déposants, des rémunérations, des coûts administratifs qu'ils génèrent, etc. Etant donné que les banques participent à une responsabilité et un privilège important des pouvoirs publics qu'est l'émission de monnaie (et le seigneuriage qui
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en découle), il est normal qu'elles soient soumises à des contrôles particuliers, afin que cette responsabilité soit exercée d'une façon qui respecte l'intérêt général. UNE ANTIQUE PRATIQUE ANGLO-SAXONNE : LES COMPENSATING BALANCES
Dans les pays anglo-saxons, un système particulier est utilisé pour la comptabilisation des crédits de caisse (décrit plus loin), qui a une incidence sur la rémunération réelle de ceux-ci. On y crée un compte d'avances qui est débité de la totalité du montant de l'ouverture du crédit, lequel montant est simultanément transféré au crédit d'un compte courant au nom du bénéficiaire de crédit. C'est ce compte courant qui est ensuite utilisé par le bénéficiaire du crédit pour ses besoins de paiement, étant entendu que ce compte ne peut jamais devenir débiteur; au contraire, le bénéficiaire doit maintenir un montant minimum au crédit de ce compte (= "compensating balance"), le plancher du solde créditeur étant généralement fixé à 10 % à 15 % de la ligne d'avance. Dans ce système, il n'y a pas de compensation entre les soldes du compte avances et du compte courant; le bénéficiaire paie donc l'intérêt sur toute la ligne du crédit, quel que soit le degré d'utilisation du compte créditeur. Prenons un exemple : soit 6 % le taux d'intérêt convenu; soit également fixé à 13 % le minimum à maintenir en compte créditeur par rapport au montant de la ligne accordée; si le crédit est utilisé à sa capacité maximum pendant toute la période (87 % de la ligne accordée), le taux effectif sera non de 6/100, mais de 6/87, soit 6,9 %. Ce système anglo-saxon est plus avantageux pour les banques, puisque l'intérêt est calculé sur la totalité de la ligne, et que celle-ci ne peut être utilisée par le client dans son intégralité, la banque bénéficiant à tout le moins du remploi du solde minimum à conserver en compte courant (13 % dans l'exemple). Néanmoins, sous l'effet de la concurrence, ce système tend à disparaître au profit du système européen - du moins pour les clients les plus importants instruits par leur expérience internationale - car ce dernier système est plus avantageux pour le bénéficiaire du crédit. Ce système est très caractéristique de la volonté des banques d'accroître leurs dépôts à vue.
CARACTERISTIQUES
DU DEPOSANT
Si la connaissance de l'identité des débiteurs d'un intermédiaire financier est essentielle, celle de ses déposants ou bailleurs de fonds peut l'être aussi. A cet égard, il y aura des mesures particulières dans les cas où le titre confère l'anonymat à son détenteur : actions, obligations ou certificats de dépôts au porteur
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(ou au nom d'un "nominee"18) - sans parler du billet de banque, lui aussi au porteur par essence. On notera que la propension à l'anonymat varie d'un pays à l'autre. La Belgique affectionne les titres au porteur, alors que les pays anglo-saxons privilégient la nominativité (encore que le dispositif du titulaire "nominee" puisse y jouer écran en cas de besoin). L'Etat belge appuie ce système d'anonymat (quoique la loi sur la "transparence" du 2 mars 1989 prévoyant la déclaration de participations de plus de 5 % dans les sociétés belges cotées constitue entorse relative à cet usage). L'ouverture de comptes "à numéro" "ou anonyme" ne signifie pas que l'établissement financier ignore qui est sa contrepartie : il s'agit simplement d'un dispositif par lequel le titulaire ne s'identifie sous son identité véritable que vis-à-vis de la haute direction de la banque, le restant des cadres et employés n'ayant pas à la connaître, pour éviter d'éventuelles indiscrétions. L'intermédiaire vérifiera la capacité juridique du titulaire du compte. Les modes de représentation peuvent être conventionnels (pouvoirs dévolus aux représentants d'associations ou de sociétés), ou prévus par la loi (par exemple pour les incapables). Il peut y avoir unicité ou pluralité du propriétaire du titre financier : par exemple dans le cas de l'ouverture d'un compte joint (multiplicité volontaire), ou en cas de succession (multiplicité dérivant de dispositions légales). En matière d'opérations passives, la notion de notoriété intervient aussi. Cette question a acquis depuis ces dernières années une importance particulière dans le cadre de la lutte contre la grande criminalité (blanchiment d'argent provenant du terrorisme, du trafic de drogue, d'enlèvements, ...) : outre les devoirs déontologiques des organismes financiers quant au fait de savoir avec qui ils traitent, des règlements prévoient les précautions concrètes à prendre dans l'ouverture et le suivi des comptes de la clientèle, et dans la collaboration à apporter aux instances judiciaires. Cela ne va cependant pas sans poser des questions délicates en matière d'éthique et de respect de la vie privée. Les caractéristiques collectives de certains groupes de déposants de même nature (médecins, notaires, investisseurs institutionnels, étrangers, ...) peuvent importer, dans la mesure où elles influencent les méthodes de marketing à employer pour la collecte de fonds ou encore les traitements à appliquer à ces bailleurs (conditions de rémunération, fiscalité).
OBJECTIFS DU DEPOSANT Les objectifs du déposant varient selon sa nature, son domaine d'activité, son stade dans le cycle de vie, ses obligations et ses autres éléments de patrimoine.
18 Personne ou société dont la fonction est de figurer dans les registres de l'émetteur du titre nominatif pour compte du propriétaire réel.
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Ces éléments conduiront le déposant à choisir pour son épargne le type d'affectation le plus approprié, depuis le simple dépôt d'encaisses courantes jusqu'à l'investissement à long terme en passant par le placement temporaire de ressources en attente d'emploi. L'intermédiaire doit aider le déposant à déterminer ses objectifs financiers et ensuite offrir un dispositif de placement adapté à la situation propre de ce dernier, en mettant au point des modalités de sécurité, de liquidité et de rentabilité correspondant à ses besoins.
FACTEUR TEMPS Les termes peuvent être nuls (à vue), fixes (1 jour, 6 mois, 10 ans), assortis d'un préavis (48 heures, 3 mois) ou encore indéterminés (capital à risque) ou infinis (rentes perpétuelles). Les taux d'intérêts offerts pour chaque terme peuvent être très différents, en fonction des conditions de marché, des règlements spécifiques et de la concurrence. Ici aussi, les équilibres entre opérations actives et passives seront importants : audelà du degré de transformation financière volontairement accepté, des opérations de couverture (swaps, futures sur taux d'intérêt, ...) y pourvoiront.
NATURE
ET FORME DES TITRES FINANCIERS EMIS PAR LES INTERMEDIAIRES FINANCIERS
Il s'agit d'obligations (convertibles ou non), de bons de caisse, de carnets et livrets d'épargne, de dépôts de toute nature, et, de façon plutôt exceptionnelle d'actions de l'intermédiaire financier lui-même.
REMUNERATION Selon la nature et forme des dépôts, il s'agira d'intérêts avec ou sans incitants spéciaux (primes de fidélité ou d'accroissement, coupons donnant droit au tirage de lots, etc.). Si la collecte d'épargne est réalisée au moyen de titres, ceux-ci payent un intérêt dans le cas d'obligations et un dividende dans le cas d'actions. L'intermédiaire financier attribue parfois une partie de la rémunération totale à un agent collecteur (guichetier ou agent extérieur). Pour fixer les rémunérations de ses différentes catégories de ressources, l'intermédiaire financier tient compte des taux de marché, des taux de remploi, des contraintes réglementaires, du coût de couverture éventuelle d'un risque de change, du risque provenant de la transformation d'échéances, du régime fiscal applicable et de la structure de ses frais.
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FISCALITE La fiscalité affecte les rémunérations des ressources comme elle affecte celles des remplois. Certains revenus d'épargne ont été exonérés d'impôts (exemple : carnets d'épargne jusqu'à 1500 €.- par an de revenus). L'intermédiaire joue également un rôle comme agent collecteur pour le fisc. En Belgique, l'intermédiaire financier prélève le précompte mobilier sur les revenus qu'il alloue (normalement de 15 ou 25 % sur les dividendes d'actions et 15 % sur les intérêts de créances à revenus fixes pour les résidents fiscaux belges); il en versera le produit au fisc. Par ailleurs, depuis 1975, la Commission Bancaire et Financière, qui n'avait aucun pouvoir en ce domaine, peut intervenir auprès des établissements de crédit si elle remarque des mécanismes particuliers ayant pour but ou pour effet de favoriser la fraude fiscale. Son intervention peut aller de la simple admonestation jusqu'à la radiation de l'établissement financier. Par mécanisme particulier, on entend une procédure non-habituelle, qui par son usage répété, arrive à déjouer les dispositions en matière fiscale. « Un exemple devenu célèbre concerne les opérations dites back-to-back » par lesquelles des déposants peuvent effectuer un dépôt dans un pays offrant un régime fiscal avantageux, et se voir prêter un montant correspondant dans un autre pays, où ils ont intérêt à payer des charges financières pour réduire leur base taxable. De tels écarts de conduite n'ont évidemment rien de commun avec les efforts parfaitement légitimes des intermédiaires financiers dans la recherche de la voie la moins imposée dans l'attribution des revenus financiers de leurs clients. C'est ce qui a notamment suscité depuis le milieu des années 80 l'efflorescence des SICAV19 de droit étranger dont la commercialisation est permise en Belgique. Dans le cadre d'un régime fiscal local favorable, ces SICAV encaissent leurs revenus et réalisent leurs plus-values pratiquement sans impôt. Dans les SICAV dites de "capitalisation", ces revenus et plus-values ne sont pas distribués mais mis en réserve, s'incorporant ainsi - brut pour net - à leurs fonds propres. L'investisseur belge personne physique (ou ASBL) qui désire néanmoins toucher le revenu de son investissement en SICAV réalisera plutôt sur celles-ci une plus-value - non taxée en droit belge. Vu l'exode de capitaux due à l'attrait de cette formule, la loi du 22 décembre 1989 a permis la création en Belgique de SICAV assorties du même type d'avantage fiscal. En revanche, pour les actionnaires sociétés commerciales, cette même loi a exclu du bénéfice du régime des revenus définitivement taxés les revenus provenant de SICAV étrangères dites de "distribution" (qui distribuent effectivement leurs plus-values et revenus sous
19 Société d'Investissement à Capital Variable, une forme d'OPCVM très populaire en France, Belgique et Luxembourg.
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forme de dividendes) dans la mesure où le régime indigène de ces SICAV les exonère d'impôts (leurs propres revenus n'y sont effectivement pas "déjà taxés"). L'objectif a été atteint, de nombreuses sociétés belges abandonnant leurs placements en SICAV ; certaines autres filières de sociétés à faible taxation ont été mises en place en Belgique. Les sociétés belges disposant d'un "Centre de coordination" ont aussi pu continuer à lui confier ce rôle de transformation fiscale, jusqu'ici en toute légalité. Les SICAV de capitalisation permettent toujours à des particuliers d'éluder facilement toute taxation et tout précompte mobilier, dans des pays comme la Belgique qui ne taxe pas les plus-values.
RISQUE Le principal risque de l'intermédiaire financier du côté des ressources réside dans l'imprévisibilité du retrait de dépôts ou du non-renouvellement des avances mises à sa disposition par ses bailleurs de fonds. Les modalités de retrait ou de remboursement sont contractuellement prévues : retraits à vue, avec préavis ou à terme fixe. Parfois un retrait anticipé est toléré, moyennant certaines pénalités (cas des comptes à terme bancaires). D'autre part les instruments à long terme (actions, obligations et bons de caisse des intermédiaires financiers) sont généralement cessibles et peuvent avoir un certain marché, même lorsqu'ils ne sont pas cotés.
CONDITIONS ANNEXES Sous réserve des dispositions légales s'attachant à chaque type de titres financiers et de dépôts, les relations générales entre bailleurs de fonds et intermédiaires financiers sont habituellement régies par un contrat d'adhésion, c'est-à-dire que c'est une des deux parties (l'intermédiaire financier) qui fixe unilatéralement ses conditions auxquelles l'autre adhère. Pour les comptes de dépôt, ces contrats prennent ainsi la forme de "règlements"; souvent ils prévoient l'unicité des comptes, c'est-à-dire la faculté pour l'intermédiaire (banque) de compenser entre eux les différents comptes débiteurs et créditeurs ouverts dans leur établissement par le même titulaire20. Le caractère unilatéral des règlements de même que le rapport de force inégal qui peut exister entre un établissement financier et sa clientèle (surtout si elle est de type "grand public") peut conduire le législateur - le cas échéant sous la pression d’associations de consommateurs - à appliquer aux intermédiaires financiers certaines mesures en vigueur dans d'autres secteurs économiques en matière de bonnes pratiques commerciales (affichage de prix, ...) et de clauses abusives.
20
Une telle compensation n'est cependant légalement applicable que s'il s'agit de compenser des créances certaines et liquides.
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Dans la même optique, en matière de litiges, on peut instaurer des mécanismes d'arbitrage ou d'amiable composition (système de l'ombudsman) pour éviter au premier stade la procédure ordinaire mais lourde et coûteuse de soumission aux tribunaux. Pour les obligations, c'est un contrat préétabli ("indenture") qui contient les dispositions auxquelles adhèrent les obligataires, reprises le cas échéant dans un prospectus. Pour les actions, ce seront les statuts de la société auxquels les parties se rapporteront.
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LES OPERATIONS ACTIVES DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS
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CHAPITRE 4. LES OPERATIONS DE CREDIT
INTRODUCTION Selon les cas, les établissements de crédit proposent différents types de crédit, p. ex. pour le financement d'infrastructures publiques ou d'investissements industriels, d'achat ou de construction d'immeubles pour les particuliers, de campagnes agricoles, de fabrication de produits, de délais de paiement accordés par les firmes à leurs clients, de consommation privée ou publique, de paiement anticipatif d'impôts, de besoins généraux de fonds de roulement. Tous ces types de crédit sont liés à des financements, et d’un point de vue technique sont appelés crédits par décaissement. Il est aussi d’autres formes de crédits qui ne sont pas, ou pas nécessairement liés à des financements, mais ont pour effet de faciliter des opération en tout genre, entre autres la liquidation d’opérations commerciales, la construction, etc… En fin de compte, l'usage du crédit déterminera ses formes d'utilisation mais il est plus commode de commencer l'exposé par une description des techniques pour voir ensuite leur application. Nous constaterons que les formes de crédit sont nées et ont évolué en fonction des besoins d'individus et de marchands d'abord, et d'industriels beaucoup plus tard. Le souci des banquiers est demeuré : 9 s'assurer que le crédit n'est pas détourné de son objectif, et surtout s’assurer que l’emprunteur pourra, sauf imprévu, rembourser intérêt et principal aux dates prévues 9 obtenir des garanties (sûretés et caution), pour ne pas être à la merci du moindre imprévu, ou de l’indélicatesse de l’emprunteur 9 se ménager une capacité de mobiliser (refinancer), sa créance 9 faire correspondre la durée et la forme de rémunération des financements qu'il octroie et celles de ses propres sources de financement
TYPES DE CREDIT SELON LEUR FORME L'intermédiaire financier offre deux grandes catégories de techniques :
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CREDITS PAR DECAISSEMENTS
CREDITS PAR SIGNATURE
9 Crédit de caisse 9 Crédit d’avance. 9 Crédit d’escompte Billets à ordre Traites commerciales Warrants Factures
9 Crédit de garantie 9 Crédit documentaire
Crédit d’acceptation
CREDITS PAR DECAISSEMENT Les différentes formes de crédit abordées ci-après visent à apporter des financements aux entreprises. AVANCE (OU CREDIT) DE CAISSE ("OVERDRAFT FACILITY") L’avance – ou crédit - de caisse n'est pas représenté par un instrument particulier : elle résulte d'un contrat qui est généralement écrit, mais qui peut n'être qu'oral. Cette forme de crédit consiste à permettre à l'utilisateur de devenir débiteur dans les livres de l'établissement de crédit pour un laps de temps déterminé ou non, et ce dans le cadre d'un plafond déterminé. L'utilisation d'un crédit de caisse se fait en général en compte courant21. •
VOLUME :
Le montant utilisé est variable au jour le jour dans le cadre d'une limite bien cernée. Les limites des crédits de caisse peuvent être fixées aussi bien à de très faibles niveaux qu’à des niveaux très élevés. •
DUREE :
Sauf pour des opérations tout à fait déterminées, l'échéance ou le préavis conventionnel sont en pratique rarement inférieurs à un mois ou supérieurs à un an ; le crédit se proroge fréquemment par des renouvellements successifs de durées trimestrielles. Des des clauses dites d'accélération peuvent cependant permettre au bailleur de raccourcir l'échéance, voire de mettre fin à son crédit et de rendre les
21
Compte courant : convention par laquelle deux personnes en relation continue d'affaires conviennent d'inscrire et de compenser en un seul compte leurs créances et dettes réciproques successives, dont en fin de compte seul le solde sera exigible.
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sommes dues immédiatement exigibles en cas d'événements indiquant que le crédit du client est ébranlé (publication de protêt, détérioration de ses ratios financiers, etc.). •
REMUNERATION :
Celle-ci est fonction du temps et du montant prélevé +C
0
Plus découvert
Limite -D
fort
Dépassement
Cette rémunération est composée de divers éléments : intérêts et commissions. L'intérêt est calculé jour par jour sur le solde que présente le compte à la suite de toutes les opérations inscrites au cours de chaque journée.Le taux est fluctuant; il pourrait théoriquement varier tous les jours mais en pratique il n'est revu que périodiquement en fonction suite à des de décisions de l'établissement de crédit. En Belgique, la fixation des taux d'intérêts se fait dans chaque banque en fonction de ses appréciation des facteurs économiques et monétaires ambiants, de la structure et du coût de ses ressources et de ses exigences en matière de marge brute d'intermédiation. Il y a un taux de base ("prime rate"), c'est-à-dire le taux fixé par la banque pour ses meilleurs clients. A ce taux de base s'ajoute, pour les autres clients, une majoration de 1/4% à 2% selon le risque et l'intérêt commercial qu'ils présentent pour la banque. Le système de concertation souple qui existait entre établissements de crédit au sein de l' A.B.B.22 pour une fixation individuelle assez homogène des taux de base a été abandonné en 1991, à la suite d'une interprétation plus stricte des principes du Traité de Rome en matière de concurrence. De même, aux Etats-Unis, toute concertation entre banques est interdite, car elle serait également perçue comme une cartellisation aux yeux des lois anti-trusts. Mais on constate dans les faits un grand parallélisme dans la fluctuation des taux de base de chaque établissement. Il est, en ce moment23 de l'ordre de 6,5 % l'an dans les grands établissements de crédit belges pour les crédits de caisse en euros.
22
A.B.B. : Association Belge des Banques (groupement professionnel des établissements de crédit en Belgique). 23
décembre 2002
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En dehors de l'intérêt, les banques prélèvent des commissions, qui peuvent être de divers types : 9 commission d'ouverture de crédit qui est perçue proportionnellement au montant de la limite autorisée. Il s'agit d'une sorte de prime d'assurance que paie le client pour la promesse de disponibilité du crédit pendant la période pour laquelle il a été octroyé; 9 commission sur le plus haut découvert; à la fin d'une période généralement trimestrielle, le banquier verra quel aura été le solde débiteur le plus élevé présenté par le compte et calculera sa commission en fonction de ce seul solde quel qu'ait été l'usage fait du crédit pendant le restant de la période; 9 commission sur dépassement; il s'agit d'une pénalité prélevée lorsque le client dépasse la limite qui lui a été impartie, et dans la mesure où le dépassement est autorisé. De telles autorisations son généralement très temporaires et doivent être dûment motivées. 9 commission d’engagement, prélevée sur la partie non-utilisée du crédit; il s'agit ici de nouveau d'une sorte de prime d'assurance, qui rémunère l'établissement de crédit du risque qu'il a consenti à prendre et qui ne serait pas rémunéré par un intérêt évidemment non perçu dès lors que le crédit ne serait pas utilisé. En pratique, la rémunération de l'établissement est prélevée comme suit : le dernier jour d'une période convenue (généralement le trimestre calendrier, quelle que soit l'échéance du crédit lui-même) on impute le montant des intérêts et commissions au compte de l'utilisateur. Le montant payé sera lui-même porteur d'intérêts à partir du début de la période suivante puisqu'il s'ajoute dès cet instant au montant débiteur du compte de l'utilisateur. Il s'agit en fait d'un intérêt qui se compose périodiquement. Exemple d'un schéma de décompte trimestriel : Intérêt : 6 % l'an du montant journalier utilisé + 1/4 % flat de la ligne accordée (commission d'ouverture de crédit) + 1/2 % flat sur les dépassements (commission de dépassement). •
ROLE DU CREDIT DE CAISSE :
Ce type de crédit répond évidemment aux besoins fluctuants de trésorerie journalière des ménages et des entreprises : faire face aux pointes de dépenses par rapport aux recettes. •
CARACTERISTIQUES POUR L'UTILISATEUR :
Il s'agit d'un crédit souple puisque son utilisation s'adapte exactement aux besoins effectifs en fonction des fluctuations instantanées de trésorerie, mais c'est un crédit cher car le bailleur exigera une rémunération d'autant plus élevée qu'il doit faire face à des variations imprévues dans ses entrées et sorties de fonds; pour l'utilisateur toujours, ce crédit a l'inconvénient d'être incertain dans son coût, puisque les taux varient dans le temps selon la seule détermination du bailleur sans que l'utilisateur puisse les connaître d'avance.
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•
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CARACTERISTIQUES POUR LE BANQUIER :
Il s'agit des crédits dont la gestion est la plus difficile car les besoins de son client sont imprévisibles; le crédit de caisse peut être assorti d’une garantie spécifique telle que hypothèque, gages sur marchandises ou fonds de commerce, ou à tout le moins un mandat (ou promesse) de garantie (voir à ce sujet le chapitre 3 du présent titre). Un inconvénient spécifique du crédit de caisse provient de ce que le bailleur n'a aucun contrôle quant à l'utilisation des fonds. En effet, le crédit s'utilise en compte courant au gré de l'utilisateur, qui peut par exemple détourner un crédit de fonds de roulement à des fins d'investissement dans lequel cas il ne lui restera plus de ressources pour faire face à ses besoins de trésorerie courants ; le crédit deviendra donc "gelé"24 . En raison de l'imprévisibilité de la gestion de trésorerie de l'emprunteur, et du risque inhérent à ce type de crédit, le bailleur demandera une rémunération élevée. Notons enfin que pour l'établissement de crédit, la mobilisation d'un crédit de caisse est difficile; en effet, le crédit de caisse ne s'appuie pas sur un instrument mobilisable mais sur une simple convention entre parties; aussi, celle-ci stipule-telle parfois que le bénéficiaire s'oblige à souscrire à la demande du bailleur de crédit un billet à ordre en représentation du montant du crédit de caisse utilisé. Ce billet à ordre pourra être, lui, éventuellement mobilisé. AVANCES A TERME FIXE ("STRAIGHT LOANS") •
DEFINITION :
Il s'agit d'un prêt d'argent, pour un montant déterminé, pour une période déterminée, dans une devise déterminée. C'est une forme qui est donc plus rigide que le crédit de caisse. Il se présente comme une inscription en un compte d'avance d'un montant défini; du fait de la détermination du montant et de l'échéance, cette forme de crédit se prête plus facilement que le crédit de caisse à sa représentation sous forme d'un billet à ordre et dès lors à la mobilisation. •
VOLUME :
Cette forme de crédit est généralement utilisée pour des montants relativement importants. •
DUREE :
Les avances à terme fixe sont consenties pour des durées allant de quelques jours (par exemple pour combler des écarts de trésorerie) jusqu'à plusieurs années (crédits d'investissement industriel). •
COUT :
24 Pour éviter ou à tout le moins contrôler ce phénomène, l'établissement de crédit stipulera p. ex. que le compte courant devra redevenir créditeur au moins une fois par an ou par trimestre.
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Le taux est en principe un taux fixe convenu au départ, ou un taux variable. Dans ce dernier cas, on prend généralement pour référence le taux interbancaire du moment du prélèvement ou du renouvellement, constaté sur écran. A ce taux, le bailleur de crédit ajoutera une marge convenue (généralement de 1/4 % à 2 %). Dans les opérations en devises, les taux les plus communément utilisés comme référence sont ceux du marché interbancaire de Londres : c'est le LIBOR (London Inter-bank Offered Rate) en dollars. En Euro on parle de Euribor. •
USAGE :
Les avances à terme fixe sont destinées à rencontrer des besoins de financement prévisibles; elles se font généralement pour des besoins importants. L'ESCOMPTE •
REMARQUE LIMINAIRE : LES EFFETS DE COMMERCE
Il y a plusieurs catégories d'effets de commerce : le billet à ordre ou promesse ("promissory note"), la lettre de change25 ou traite commerciale ("bill of exchange" ou "trade bill"), le warrant-cédule. En Belgique, la législation actuelle concernant les effets de commerce date de 1955, prise en vertu d'un désir d'harmonisation internationale visant à favoriser la sécurité juridique des instruments usuels de financement commercial. Les effets de commerce sont des titres de créance, facilement transmissibles et négociables; ils constituent des instruments de crédit par excellence. Les effets de commerce ont les caractéristiques principales suivantes : 9 forme : Il s'agit d'un titre écrit, établi entre un débiteur et son créancier; 9 transmissibilité : par simple endos du créancier à un nouveau porteur et ainsi de suite en cascade. Ce mode de transmission est plus aisé que celui du droit commun pour la transmission d'une créance (information du débiteur cédé), tout en étant juridiquement opposable aux tiers (c'est-à-dire que la transmission de créances par voie d'endos d'un effet de commerce ne peut être contestée ni par le débiteur, ni par d'autres tiers intéressés); 9 notion de provision : il doit exister une raison (ex. fourniture de biens, prêt d'argent) pour laquelle le débiteur a quelque chose à payer au créancier; le porteur de l'effet aura le cas échéant un privilège sur cette provision. Si un effet est créé sans que cette provision existe, on parle d'un effet sans cause, d'une traite de complaisance ou plus familièrement d'une traite "en l'air". On appelle "traites de cavalerie", en raison de leur chevauchement aux échéances, les effets créés successivement en chaîne, chacun juste avant le terme du précédent pour s'y substituer dans le but de proroger le crédit illicitement obtenu;
25
voir particulièrement lecture sur lettre de change
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9 instrument abstrait : quelle que soit la raison ayant donné naissance à l'émission de l'effet, le porteur (sauf dans certains cas lorsqu'il est le créancier d'origine) n'a pas à se préoccuper de cette cause : il peut poursuivre le débiteur du seul fait de l'existence de l'effet. Il en résulte la non-opposabilité, au porteur de l'effet, des exceptions soulevée par le débiteur du chef de la dette sous-jacente : le débiteur doit payer l'effet, même si p. ex. la livraison des marchandises recouverte par l'émission de l'effet de commerce n'est pas conforme. Le débiteur devra dans ce cas se retourner en une action distincte vis-à-vis de son créancier d'origine; 9 sanction : l'effet de commerce, dès lors qu’il a été souscrit ou accepté par le débiteur, (voir ci-après) est protestable, c'est-à-dire qu'en cas de nonpaiement, il peut être demandé la constatation officielle de carence à un huissier. En Belgique, le 10 du mois suivant cette constatation, il y aura affichage du non-paiement au tribunal de commerce et publication au "Moniteur du Commerce" (périodique privé), sauf preuve fournie à l'huissier du paiement qui aurait été fait dans l'entretemps. La publicité donnée au protêt porte gravement atteinte au crédit du débiteur qui dès lors ne s'exposera à cette "marque d'infamie" qu'en dernière extrémité. Ce dispositif confère une plus grande sécurité aux créances représentées par des effets de commerce; 9 procédure accélérée de recouvrement : sur base de l'effet protesté, le porteur peut obtenir rapidement de la justice l'exécution de son débiteur : le débiteur cambiaire ne peut obtenir du tribunal les termes et délais que celui-ci aurait été autorisé à accorder à un débiteur malheureux et de bonne foi; 9 solidarité : le porteur peut se retourner contre n'importe lequel des signataires qui le précèdent dans la suite des bénéficiaire et porteurs successifs de l'effet pour autant que le protêt et les notifications aux divers endosseurs aient été faits dans les délais prévus par la loi; c'est ce qui s'appelle le recours cambiaire; 9 domiciliation : le paiement de l'effet à l'échéance a lieu au domicile réel du débiteur ou, plus fréquemment, au domicile conventionnel stipulé sur l'effet. Il s'agit généralement d'un organisme financier où le débiteur entretient un compte. •
NOTION D'ESCOMPTE
Tout d'abord, on appelle "escompte" l'opération par laquelle une personne achète à une autre une créance à terme et remet au cédant au comptant un montant inférieur au montant qui sera encaissé à l'échéance. On appelle également "escompte" le coût de l'opération qui vient d'être décrite, c'est-à-dire la différence entre le montant nominal de la créance et le montant payé au comptant pour son acquisition; si on ramène l'escompte (dans cette deuxième acception) au montant nominal de l'effet, compte tenu de la durée restant à courir
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jusqu'à l'échéance, on parlera du taux d'escompte de l'opération26 . Ce taux est le pourcentage annuel équivalent à l'escompte. L'escompte est généralement pratiqué par les établissements de crédit qui achètent les billets à ordre ou traites commerciales de leurs clients. Si ensuite les établissements de crédit ont eux-mêmes besoin de liquidités, ils peuvent à leur tour réescompter ces mêmes effets auprès d'un organisme mobilisateur (Banque Centrale, institutions publiques ou privées spécialisées). •
LE BILLET A ORDRE OU PROMESSE
Définition : Ecrit par lequel une personne, le souscripteur, promet de payer une certaine somme à une certaine échéance à une autre personne, le bénéficiaire, ou à l'ordre de ce dernier. Le bénéficiaire peut être cité nommément ou non (cas du billet au porteur). Usage : Le billet à ordre est généralement créé en représentation d'une dette financière et non d'une dette commerciale : crédits d'investissement, prêts, représentation d'une avance à terme fixe ou d'un crédit de caisse mobilisable. En escomptant un billet à ordre, l'intermédiaire financier accorde en fait une avance à terme fixe, assorti des avantages et des inconvénients propres aux avances à terme fixe, mais assorti également de tous les avantages de sécurité et de transmissibilité facile de l'effet de commerce; son inconvénient réside dans le fait de devoir manipuler du papier, surtout lorsque celui-ci est de faible import et, pour le débiteur, les sanctions lourdes en cas de difficultés de paiement à l'échéance. Aux Etats-Unis, de nombreuses sociétés industrielles, commerciales et financières de standing suffisant, voire des sociétés et agences gouvernementales étrangères, émettent à répétition des billets à ordre d'une durée maximum de 9 mois comme source de financement de leurs opérations. Des courtiers placent ces billets à ordre (appelés "commercial paper" malgré leur caractère financier) dans le marché monétaire, principalement auprès d'investisseurs institutionnels, court-circuitant de la sorte le système bancaire (forme du phénomène de "titrisation", remontant d'ailleurs pour les Etats-Unis à la fin du XIXe siècle). Ce système est depuis quelques années en usage en Europe ("Billets de trésorerie" de sociétés en France et en Belgique), les effets étant parfois placés dans le marché international ("Euro-commercial paper"). Durée : Du plus court terme (papier commercial) à plusieurs années (crédit d'investissement). L'échéance du billet à ordre peut être prorogée de l'accord des
26
Cette notion d'escompte "financier" se distingue en outre de l'escompte "commercial" qui est le rabais accordé par un fournisseur à son client pour le paiement comptant - ou du moins très rapide - d'une facture.
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parties; on établit à cet effet un nouveau document appelé "allonge" dont c'est la seule fonction. Coût : De même ordre que celui d'une avance à terme fixe avec en principe une légère réduction du fait de la plus grande sécurité et de la possibilité de mobilisation offertes par l'instrument. •
LA TRAITE COMMERCIALE OU LETTRE DE CHANGE
Définition : Ecrit par lequel un créancier (tireur) donne ordre à son débiteur (tiré) de payer une somme à lui-même ou une autre personne (tiers bénéficiaire), ou à l'ordre de cette dernière (endossataire - porteur). Si le tiré contresigne la traite pour accord, il l'"accepte" et s'engage ferme à payer à l'échéance; sinon il n'est pas soumis aux rigueurs des sanctions prévues (affichage et publication du protêt) ni à la procédure accélérée de recouvrement. Le paiement de l'effet peut être garanti par un tiers : cette garantie, appelée "aval", est donnée sur l'effet ou par acte séparé. Le garant se nomme "avaliste", "avaliseur" ou encore plus simplement "aval". La loi prévoit que, sans autre indication, l'aval est réputé donné pour compte du tireur (sous-entendu : en faveur du porteur) - ce qui empêche alors le tireur de s'en prévaloir lui-même si le tiré fait défaut. Les personnes parties à une traite commerciale sont donc : 9 obligatoirement au minimum le tireur - souvent un fournisseur en marchandises - et le tiré (éventuellement "accepteur") - souvent un client d'une transaction commerciale; 9 facultativement un tiers bénéficiaire, les endossataires successifs, et l'aval. Technique du crédit : Un établissement de crédit interviendra lorsque le porteur, ayant besoin de liquidités, lui demande d'escompter la traite. (Il se peut aussi que la traite soit remise par le porteur à un de ses propres créanciers en paiement d'une dette). Dans ce cas, l'établissement de crédit fera l'avance du montant nominal dont il retient l'escompte, ainsi qu'un montant destiné à le compenser de divers frais, comme par exemple les frais de recouvrement (voir plus loin). Comme pour le billet à ordre, la manipulation de lettres de change coûte cher, tant à l'entrée qu'à la sortie : le recouvrement se fait au "domicile" indiqué, c'est-à-dire à l'adresse même du débiteur ou plus fréquemment auprès d'un tiers convenu, généralement le banquier du débiteur. Usage : La lettre de change s'emploie essentiellement pour la représentation de créances commerciales couvrant des biens ou services livrés avec délai de paiement. Elle est généralement un instrument de courte durée (120 jours de manière courante) mais peut parfois aller jusqu'à plusieurs années pour des fournitures d'exportation ou de biens d'équipement.
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Dans le cas où les délais sont longs, il est parfois créé des traites spéciales d'intérêt à charge du destinataire des fournitures, qui accompagnent la ou les traite(s) en principal, et qui pourront faire l'objet d'escompte tout comme la ou les traite(s) en principal.
ESCOMPTE CEDANT VS ESCOMPTE FOURNISSEUR Les banquiers distinguent entre ces deux formes d'escompte selon que leur propre client est le fournisseur ou le destinataire de la marchandise dont la vente a donné lieu à la création de la traite à escompter. ESCOMPTE CEDANT, EGALEMENT APPELE ESCOMPTE CLIENT Technique :
Le fournisseur (F) de marchandises a une convention avec son banquier (BF) par laquelle ce dernier consent à lui escompter des traites tirées sur ses clients (C) en marchandises : 9 (1) à la livraison de la marchandise, le fournisseur (F) tire une traite sur son client (C) et généralement la lui présente pour acceptation; 9 (2) le client (C) rend la traite acceptée au fournisseur (F); 9 (3) le fournisseur (F) présente la traite à l'escompte chez son banquier (BF) en cas de besoin de trésorerie; 9 (4) après avoir escompté cette traite, le banquier (BF), s'il garde l'effet jusqu'à l'échéance, le présente alors au paiement auprès du client (C); Remarque : si le client (C) ne paie pas à l'échéance, le banquier (BF) fait protester l'effet et se retourne contre le fournisseur (F) (recours cambiaire). Usage :
Cas classique où, disposant d'un crédit d'escompte chez son banquier, le fournisseur de la marchandise accorde à son propre client des délais de paiement contre acceptation d'une traite. Tirage(1) F
C Acceptation (2)
Escompte (3) Encaissemement (4)
BF
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ESCOMPTE FOURNISSEUR Technique :
C'est le client (acheteur) de la transaction commerciale qui a une convention avec son banquier (BC), par laquelle ce banquier se déclare disposé à escompter au fournisseur de la marchandise (avec qui ce banquier n'a pas - en principe - de relations permanentes) la traite que le fournisseur tirera sur son client; cette convention prévoit que les frais d'escompte décomptés par le banquier seront mis à charge du client. 9 (1) le client accepte d'office une traite qu'il remet à son fournisseur en représentation des délais de paiement accordés au moment de la vente; 9 (2) le fournisseur signe cette traite en tant que tireur et présente cette traite au banquier du client (BC); 9 (3) le banquier escompte cette traite, en remettant au fournisseur le montant nominal (intégral) de la traite, et porte simultanément les frais d'escompte (agios) en compte à son client; 9 (4) à l'échéance, le banquier débite son propre client, pourvu qu'il y ait provision en compte; Remarque : si le compte n'est pas provisionné, le banquier conserve toujours son recours cambiaire contre le fournisseur; ce dernier n'est donc pas dégagé de son risque même s'il s'est adressé au banquier de son client. Acceptation (1) F Tirage (2)
C
Encaissement (4) Escompte (3)
BC
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Usage :
Lorsque le fournisseur dans une transaction commerciale veut disposer immédiatement du produit de sa vente, mais a priori refuse de recevoir une traite en paiement car : 9 9 9 9
- il n'accorde pas de confiance suffisante à son client ; - il ne dispose pas de ligne chez son banquier; - il ne veut pas supporter de charges financières; - l'escompte n'est pas en usage dans la branche considérée,
tandis que son client veut malgré tout obtenir des délais de paiement, ce client peut proposer au fournisseur de recourir à l'escompte fournisseur auprès de son banquier (celui du client).
En conclusion, dans l'escompte client, le fournisseur remet l'effet à son propre banquier alors que dans l'escompte fournisseur, il le remet au banquier du client; dans le premier cas, le prélèvement des agios se fait à charge du fournisseur; dans le second cas, le prélèvement des agios se fait à charge du client. Dans les deux cas, toutes choses étant égales d'ailleurs, le montant de la traite est identique, la rémunération du banquier est identique et le risque de celui-ci est, du moins à première vue, identique. Toutefois, il faut remarquer que dans le premier cas, le banquier (BF) réclamera en premier lieu le paiement (et le cas échéant fera dresser protêt) au client-tiré qui lui est tiers, alors que dans le deuxième cas, le banquier (BC) doit d'abord s'adresser à son propre client et le protester (ce qui ne manquera pas de mettre ce dernier dans l'embarras, voire éventuellement en faillite) avant de pouvoir se retourner contre le fournisseur qui lui est tiers. Il est arrivé que de tels fournisseurs accusent les banquiers escompteurs de les avoir abusés, du fait que ces banquiers ont accordé un crédit d'escompte fournisseur à leurs propres clients alors que ces banquiers auraient dû être au courant de la situation financière difficile de ces derniers. En principe donc, la distinction entre escompte cédant et escompte fournisseurs devrait se répercuter sur les coûts, et il devrait y avoir une prime en faveur de l'escompte cédant : en pratique, les coûts sont généralement équivalents dans les deux cas, mais ceci tient sans doute au fait que seules des entreprises d'une plus grande surface financière se voient accorder des crédits d'escompte fournisseur par leur banquier. En effet, l'évolution de la jurisprudence tend à accroître la responsabilité des banquiers donneurs de crédits, qui se montrent dès lors plus réticents que par le passé à octroyer les crédits d'escompte fournisseurs, certains ayant été jusqu'à supprimer les crédits déjà accordés.
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Coût d'une opération d'escompte On appelle "agios" l'ensemble des prélèvements du banquier au titre d'une opération d'escompte; ils comprennent : 9 le montant de l'intérêt : c'est la partie principale des agios, auxquels s'ajoutent éventuellement : 9 une commission de bordereau, couvrant les frais fixes : vérification de ce que l'effet est dûment signé, accepté, libellé, etc.; 9 une redevance d'escompte forfaitaire; 9 les frais d'encaissement pour présentation de l'effet au domicile du tiré, protêt en cas de non-paiement, etc. Le coût du traitement est élevé : c'est l'envers de la médaille de la plus grande sécurité que cet instrument offre. Par conséquent, cette technique est peu utilisée pour de petits effets dont le coût de manipulation serait en dehors de toute proportion avec sa valeur nominale; c'est donc pour les décourager que les banquiers imposent non seulement une commission de bordereau, mais encore une redevance fixe par effet. Pour chaque effet, le taux d'escompte est fixé par les établissements de crédit lors de l'escompte effectif en fonction des circonstances du moment. En Belgique, avant 1972, ce taux était directement rattaché au taux officiel d'escompte fixé périodiquement par la Banque Nationale de Belgique (auquel on ajoutait une marge), puisque les banques pouvaient à tout moment, en cas de besoin de trésorerie, y réescompter27 leur portefeuille de traites à concurrence d'un quota déterminé. Les établissements de crédit fixent leur taux de base pour l'escompte de la même manière que pour le taux de base du crédit de caisse en tenant compte de différents paramètres ambiants : taux du marché interbancaire, taux de réescompte de la Banque Centrale Européenne, taux des certificats de trésorerie à court terme. A noter que, d'une manière générale (sauf pour les effets de faible montant), l'escompte sera moins cher qu'un crédit de caisse. Les raisons du moindre coût des opérations d'escompte tiennent à ce que : 9 l'échéance et le montant sont fixés et prévisibles; 9 il y a plusieurs signatures contre chacune desquelles le porteur peut se retourner, ce qui diminue le risque; 9 l'opération de base ayant donné lieu au tirage est mentionnée sur l'effet (pour qu'il soit admis au réescompte de la Banque Nationale de Belgique) et accroît sa crédibilité;
27
Réescompter veut dire ici escompter à son tour; à distinguer du réescompte comptable qui est une opération par laquelle, lors d'une clôture d'écritures, on reporte sur une période ultérieure la fraction des intérêts enregistrés au cours de la période clôturée mais qui n'y a pas trait.
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9 il y a un privilège sur la provision (marchandises de l'opération commerciale sous-jacente si elle est identifiable, non fongible, et encore en possession du tiré); 9 la traite est facilement mobilisable (cf. infra). Réescomptabilité : Comme on l'a vu, une banque peut réescompter les traites qu'elle a acquises si elle a elle-même besoin de trésorerie et ce auprès de la Banque Nationale de Belgique Le réescompte peut être fait à titre définitif; dans ce cas l'organisme qui prend les effets au réescompte les présentera aux tirés à leur échéance. Le réescompte peut également être fait à échéance conventionnelle; on parle alors de remise d'effets "en pension", ce qui veut dire que l'institution qui remet ses effets au réescompte s'engage au même moment à les racheter ("repurchase" ou « repo’s ») à une date convenue, avant l'échéance réelle des effets; elle les présentera donc elle-même aux tirés lors de cette échéance réelle. Pour être "bancable" (admis au réescompte à la Banque Nationale), il faut entre autres que l'effet présente les caractéristiques suivantes : 9 recouvrir une transaction commerciale courante ou un crédit d'investissement; 9 avoir trois signatures au moins (tireur, tiré, et un tiers endossataire : généralement l'établissement financier); 9 ne pas avoir été créé plus de 90 jours après la date de la facture qui lui donne naissance; 9 ne pas avoir plus de 12 mois à courir (mais le réescompte ne peut se faire pour plus de 120 jours); 9 ne pas avoir fait l'objet d'une renonciation de protêt. REMARQUE :
Jusqu'à la fin des années 60, la Banque Nationale de Belgique avait un système compliqué de critères de réescomptabilité, en discriminant les effets par secteur économique et selon le niveau du circuit commercial (fabricant, grossiste, détaillant). Elle fixait ainsi de cas en cas les durées maximum que pouvaient présenter des effets de telle ou telle catégorie. Ce système a été abandonné ce qui a beaucoup simplifié le traitement des effets. L'escompte de traites commerciales était très répandu en Belgique après la dernière guerre. Depuis vingt ans, il s'est fortement réduit. D'une part, la Banque Nationale de Belgique a pratiqué après 1972 une politique délibérée de taux de réescompte et d'avances pénalisateurs par rapport au marché afin d'inciter les banques à se rendre moins tributaires du "prêteur en dernier ressort". D'autre part, la technique des avances à terme fixe plus économique (pas de papier coûteux à manipuler, ni de droit de timbre proportionnel28) s'est progressivement substituée aux effets de
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Supprimé en janvier 1991.
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commerce même si ceux-ci collent de plus près à la réalité économique et sont juridiquement plus sûrs. Pour l'avenir, la promotion d'un retour de l'usage de la traite est envisagé : on a supprimé le droit de timbre (dont l'assiette était réduite au point de ne plus guère rapporter au Trésor) et on étudie la possibilité de dématérialiser l'instrument ou du moins de limiter sa circulation physique afin de réduire les frais de manipulation (soit par instauration de la "traite électronique" pour autant que les problèmes juridiques - exercice des recours - et de sécurité - vérification des signatures puissent être convenablement résolus, soit par l'instauration d'un dépositaire obligé des traites en circulation qui se chargerait de toute l'administration du système (escompte, réescompte, recouvrement, protêt, etc.) au moyen d'une procédure simplifiée, diminuant donc les frais de manipulation). Remise en gage d'une traite Au lieu d'être remise à l'escompte, une traite peut être remise au banquier (ou à un tiers quelconque), en gage d'un autre engagement du remettant. Pour mettre en gage la créance commerciale représentée par la traite, il suffit au porteur de l'endosser à son propre créancier, avec la mention "endos à titre de gage", ou "endos à titre de nantissement", ou encore "endos à titre pignoratif". L'endos à titre de gage, tout comme l'endos à titre translatif de propriété (escompte), est opposable aux tiers sans autre formalité. •
LE WARRANT-CEDULE
Définition : Il s'agit d'un titre double, dont une partie (la cédule) confère à son porteur la propriété d'une marchandise et l'autre (le warrant) un droit de gage sur cette même marchandise. A ce titre double, est associé un billet à ordre, qui sert d'instrument de crédit. Théoriquement, ces différents titres peuvent être séparés et l'étaient effectivement à l'origine de la technique; en pratique ils restent réunis. REMARQUE :
pour qu'un gage sur marchandises soit valable, le propriétaire de la marchandise ne peut la conserver; il doit s'en déposséder entre les mains du créancier gagiste ou d'un tiers convenu, afin de ne pas, par sa détention, donner aux tiers une impression de plus grande surface financière qu'il n'en a en réalité. Dans la pratique, c'est le tiers détenteur, qui a reçu du propriétaire les marchandises en dépôt, qui lui délivre les formulaires du warrant-cédule. Ce propriétaire des marchandises endosse ensuite la promesse et le warrant (il remet en fait également la cédule) au créancier gagiste - qui les conserve pendant la durée du crédit; si ce dernier est payé à l'échéance, il restituera le warrant-cédule au propriétaire ou à celui qui lui aura été désigné, aux fins de les présenter à l'entrepositaire qui délivrera la marchandise contre la seule présentation de ces documents. A noter que la dépossession des marchandises se fait fréquemment sur place chez le propriétaire même des marchandises, qui donne alors en location une partie, isolée et identifiée, de ses propres locaux à la société d'entreposage; celle-ci devient responsable de la conservation desdites marchandises et de leur restitution contre la
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remise du warrant-cédule (ou contre un laisser-suivre délivré par le créancier gagiste dans le cas d'une mise en gage ordinaire). Le warrant-cédule a sur la mise en gage ordinaire de marchandises l'avantage de ne pas requérir les formalités habituelles en matière de transmission et de libération du gage (pas de laisser-suivre à établir). Usage : Relativement restreint; s'emploie surtout pour des matières premières et des marchandises fongibles de grande consommation : par exemple : grain, sucre, briques, boîtes de conserve, ... Durée : Inférieure ou égale à un an. Coût : Il se situe entre celui d'un escompte d'une traite commerciale (qui représente une créance résultant d'une marchandise déjà vendue) et celui du crédit de caisse (où aucune référence n'existe à l'égard d'une transaction commerciale). Réescomptabilité : La Banque Nationale de Belgique fixe la durée maximum qu'elle admettra pour le réescompte d'un warrant selon la nature des marchandises qu'il recouvre; de même la Banque Nationale de Belgique détermine la valeur du gage en fixant le prix unitaire de la marchandise warrantée (p. ex. au kilo) pour lequel elle accepte le warrant au réescompte. A cet égard, les banques s'alignent généralement sur les critères de la Banque Nationale de Belgique. •
LA FACTURE
La facture n'est pas, contrairement à l'effet de commerce, un instrument de crédit par nature; c'est un simple document commercial établi lors d'une livraison de biens ou de services dans lequel un fournisseur indique à son client la nature, la quantité et le prix des marchandises vendues ou des services prestés. En Belgique, à l'issue de la Grande Guerre qui avait largement entamé l'économie du pays, une loi de relance fut votée le 25 octobre 1919. Destinée à favoriser l'accès au crédit des classes moyennes (petit commerce, artisans, ...), elle permet, dans certaines conditions, d'utiliser la facture comme instrument de crédit dans le chef du vendeur en autorisant de déléguer le bénéfice de la créance résultant d'une vente commerciale par l'endossement de la facture. La délégation de créance est valable (opposable aux tiers) à partir du moment où un certain nombre de conditions particulières sont respectées : 9 la facture doit avoir une échéance fixe; 9 la délégation ne peut être faite qu'en faveur d'organismes agréés à cette fin par le Ministère des Affaires Economiques (établissements financiers qui en ont fait la demande; les établissements de crédit agréés par la Commission Bancaire et Financière sont d'office réputés agréés par le Ministère des Affaires Economiques).
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9 le banquier endossataire doit transmettre l'original de la facture à son destinataire; le banquier y joindra une lettre spécifiant qu'il a acquis la créance conformément à la loi et avertissant le débiteur de la facture qu'il ne peut se libérer valablement qu'entre les mains du banquier, faute de quoi le débiteur s'exposerait à payer celle-ci une deuxième fois (ceci au cas où il aurait payé son fournisseur par d'autres voies, et que ce dernier ne serait plus en mesure de dédommager le banquier). La question se pose de savoir si la loi belge peut s'appliquer au destinataire d'une facture, situé à l'étranger. Si, en cas de faillite de l'émetteur belge de la facture, ses créanciers doivent obligatoirement reconnaître la validité de la cession au banquier, il y a par contre un risque certain que le destinataire étranger ne reconnaisse pas la validité des dispositions belges, et estime s'être libéré valablement s'il a effectué le paiement par une autre voie qu'entre les mains du banquier cessionnaire. Ce danger n'existe pas dans le cas d'une créance cédée sous forme d'endos d'un effet de commerce accepté, pour lequel il existe une législation uniforme dans la plupart des pays. Avantages de l'escompte de facture : 9 s'utilise comme instrument de crédit là où la traite n'est pas d'usage, ou encore là où le fournisseur estime qu'il perdrait son client s'il lui imposait l'acceptation d'une traite; 9 la formule est plus sûre pour le banquier qu'un simple crédit de caisse, car il existe à tout le moins présomption qu'il y a livraison de marchandises, que cette marchandise est conforme, et que le client paiera entre ses mains. Inconvénients : 9 par rapport à un effet de commerce, la facture offre moins de protection car elle n'est pas protestable, le débiteur peut opposer au porteur les exceptions (malfaçons) et il n'y a pas de privilège éventuel sur la provision; 9 l'administration est coûteuse (formalités à respecter, suivi des rentrées); 9 risque particulier si le débiteur de la facture est étranger; 9 le destinataire de la facture, informé par le banquier, peut inférer que son fournisseur est tributaire de son banquier en matière de crédit, quoique ceci ne soit évidemment pas anormal. Remarques : Tout comme pour les effets de commerce, les banques peuvent acquérir une facture à titre de propriété, ou se les faire remettre à titre de gage en couverture d'autres engagements. Par ailleurs, les banques n'escompteront souvent les factures que pour une partie de leur valeur (70 % à 90 % de leur montant), car la sécurité offerte est moins grande que pour les effets de commerce; ou encore les banques exigeront qu'une partie du produit de l'escompte ne soit pas remise à la disposition du client, mais soit versée dans un compte de provision indisponible en garantie des impayés éventuels qui pourraient se révéler ultérieurement pour certaines factures. A noter que l'endos de factures a rendu possible le développement du factoring en Belgique. Un "factor" est une personne ou un organisme qui garantit à un
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commerçant le paiement d'un lot convenu de factures. Par extension le "factor", assumant lui-même la récupération des factures en cause, en fera la plupart du temps l'avance au commerçant. Aussi, est-il logique pour le factor de se les faire endosser à titre de sûreté self-liquidating de l'opération.
CREDITS PAR SIGNATURE CREDITS PAR GARANTIE
Les crédits dits par garantie, par caution, ou par aval (ce dernier vocable étant surtout utilisé pour une garantie de bonne fin d'un effet de commerce), sont les crédits par signature par excellence. •
DEFINITION :
Il s'agit d'une promesse faite par un établissement de crédit (émetteur) de dédommager un tiers (bénéficiaire) des conséquences éventuelles d'une défaillance dans l'accomplissement d'une obligation future de celui pour compte de qui le crédit est donné. A noter que la personne à qui le crédit est accordé est celle qui en demande l'ouverture (donneur d'ordre), et qui est généralement la même que celle dont l'obligation est garantie - mais pas nécessairement. •
BUT :
Rendre certaines opérations possibles à celui pour compte de qui le crédit est donné. Cela peut par exemple : 9 lui donner accès à des sources de fonds tierces; 9 lui permettre de réaliser des opérations de commerce nationales ou internationales; 9 lui permettre de faire face à des exigences de diverses administrations publiques. Le risque garanti découle parfois de dispositions juridiques complexes - ou floues fixées aux termes de négociations entre tiers au garant sur lesquelles ce dernier n'a que peu d'emprise, ce qui peut être source de difficultés en cas de litiges. •
MONTANT :
Pour les raisons qui viennent d'être évoquées, il n'est pas toujours aisé de définir le montant de l'obligation garantie; le garant sera avisé de prévoir si possible un plafond absolu tant en principal qu'en intérêts, frais et accessoires, au-delà duquel il ne pourra être appelé à s'exécuter. •
DUREE :
De même, il est souvent difficile voire impossible de déterminer à quel moment l'engagement du débiteur principal ou de son garant prendra fin effectivement.
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Encore une fois, le garant sera avisé, pour éviter d'être tenu indéfiniment, d'indiquer s'il le peut un terme à la validité de sa garantie. Reste encore à savoir à partir de quand l'exécution de la caution peut être exigée par le bénéficiaire. A un extrême, la garantie peut être appelable à première demande et sans bénéfice de discussion. Dans ce cas le garant doit s'exécuter dès lors que le bénéficiaire l'exige dans les formes qui ont été prévues à l'acte. Cela constitue un avantage pour le bénéficiaire qui, au cas où il en appelle à la garantie, dispose d'un instrument efficace ; le garant se retournera immédiatement contre le client garantis, pour lui demander remboursement du montant versé. A l'autre extrême, la garantie peut n'être exécutable que d'un commun accord entre donneur d'ordre et bénéficiaire, ou après obtention d'un jugement qui ne serait pas susceptible d'être remis en cause - "coulé en force de chose jugée". Dans ce cas le garant doit, à défaut de résolution amiable, attendre la décision judiciaire définitive sur l'éventuel différend entre donneur d'ordre et bénéficiaire. Ici la situation du garant est plus délicate, car l'incertitude peut se prolonger quant au fait de savoir si le client garanti s'oppose de manière fondée à l'appel du bénéficiaire à la garantie et sa situation peut se détériorer dans l'intervalle. •
COUT :
Les commissions sont souvent calculées "flat", c'est-à-dire indépendamment de leur durée qui n'est pas toujours connue d'avance. Si cette durée se prolonge, on peut compter de nouvelles commissions à intervalles périodiques. Pour en déterminer le coût dans une forme comparable à celle des autres types de crédit, il faut tenter de ramener le taux de commission à la durée effective probable. Ceci dit, car seul le risque pur doit être rémunéré, la trésorerie de l'intermédiaire financier n'étant pas sollicitée dès lors qu'il ne fournit que sa signature (du moins jusqu'à l'éventuelle exécution de la garantie). En général, le coût effectif sera de l'ordre de 0,5 % à 2 % l'an, selon la nature et la qualité du risque. •
QUELQUES TYPES DE GARANTIES BANCAIRES :
aval sur effet de commerce : Engagement de régler l'effet s'il est impayé à l'échéance; une banque avalisera les effets tirés sur tel de ses clients pour donner confiance au fournisseur de celui-ci. caution administrative : Engagement de la banque de payer à la place de son client si celui-ci ne respecte pas ses obligations envers une administration publique. De telles cautions sont données envers l'Administration des Douanes pour couvrir les droits de douane ou d'accises sur les marchandises achetées par des importateurs, en faveur de l'Administration des Postes pour garantir les redevances de machines à timbrer par leurs utilisateurs, en faveur de l'Administration de l'Enregistrement pour garantir le règlement de droits d'enregistrement dus par les marchands de biens et promoteurs immobiliers sur leurs transactions, etc ...
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caution judiciaire : Garantie du paiement de l'objet d'un litige par celui qui se voit condamné en première instance, mais qui a interjeté appel. EXEMPLE :
Versement provisionnel réclamé à un employeur qui a été condamné au paiement d'une indemnité de licenciement à un employé qui a gagné en première instance; si l'employeur désire interjeter appel, il fera délivrer une caution par son banquier et s'évitera de faire un dépôt en espèces. caution en matière de marché public ou privé : Il y a trois stades dans le processus: 9 au moment de la remise d'une offre par un soumissionnaire : le maître de l'ouvrage désire s'assurer que le soumissionnaire ne se désistera pas s'il se voit attribuer le marché et sera capable de le réaliser; un établissement de crédit sera donc amené à émettre une "garantie de soumission" ("bid bond" en anglais) comme quoi le candidat adjudicataire lèvera effectivement le marché s'il lui est attribué; si l'adjudicataire se désiste, l'indemnité de dédit garantie sera un certain pourcentage (souvent 5 %) de la valeur du marché; 9 pendant la période de fabrication, une fois que le marché a été adjugé : lorsque l'adjudicataire reçoit une avance sur la commande, le maître d'ouvrage demandera fréquemment une "garantie de remboursement", c'està-dire une assurance que si le marché n'est pas exécuté, l'acompte lui sera bel et bien restitué ("repayment bond"); le montant de la garantie portera sur l'intégralité de l'acompte reçu; 9 à l'achèvement, c'est-à-dire au moment de la livraison : l'adjudicataire aura été invité à fournir une "garantie de bonne exécution", couvrant la livraison conforme et le bon fonctionnement de la fourniture ("performance bond"); le montant de la garantie sera d'un certain pourcentage (souvent de l'ordre de 10 %) du marché. garantie locative : A concurrence d'une certaine somme, l'établissement de crédit s'engage envers le bailleur d'un bien immobilier à l'indemniser en cas de défaut de son locataire de payer les loyers et de manière plus générale de remplir les obligations qui lui incombent aux termes du bail, par exemple le remboursement des frais de réparation au moment de l'évacuation des lieux. garantie donnée pour un crédit d'investissement : Certains établissements de crédit qui ne disposent pas de ressources à des termes suffisamment éloignés, sont néanmoins disposés à garantir le remboursement de crédits à long terme accordés à leurs clients par d'autres organismes spécialisés dans ce type de financement, Banque Européenne d’investissement, etc.). garantie donnée par des maisons mères pour compte de leurs filiales aux banquiers du pays où ces filiales sont établies, leur donnant ainsi accès aux crédits locaux.
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CREDITS DOCUMENTAIRES •
DEFINITION :
Il s'agit d'un engagement du banquier d'un importateur de marchandises promettant à un exportateur que celui-ci sera payé par le banquier dans la mesure où l'exportateur aura remis à ce banquier, dans un délai déterminé, divers documents relatifs à l'expédition de la marchandise, documents dont le nombre et la nature ont été dûment spécifiés par l'importateur. Cet engagement est repris dans ce que l'on appelle la "lettre de crédit" (L/C) documentaire ("documentary letter of credit"). Les principaux documents que peut réclamer l'importateur comprennent : 9 les factures commerciales; 9 les documents de transport : le connaissement maritime ("Bill of lading" B/L) (qui n'est pas seulement titre de transport mais donne aussi le droit à la délivrance de la marchandise et de ce fait peut être mis en gage), la lettre de voiture terrestre ou aérienne (qui ne donne pas droit à la délivrance de la marchandise); 9 les documents de preuve quantitative : liste de colisage, liste de pesage, éventuellement certifiées par des organismes de vérification indépendants; 9 les documents de preuve qualitative : certificats d'inspection, certificats d'analyse, certificats d'origine; 9 les documents d'assurance : certificats de polices couvrant la disparition ou la détérioration de la marchandise. •
PROTAGONISTES :
En général quatre au minimum. 9 9 9 9
l'importateur (donneur d'ordre) le banquier (l'émetteur) l'exportateur (le bénéficiaire) le transporteur (qui fournit le document principal). •
BUT :
Résoudre le problème de la méfiance réciproque d'un importateur et d'un exportateur qui se connaissent mal, ou se connaissent sans se faire une confiance suffisante, mais qui ont néanmoins le désir de conclure une vente internationale29. •
IDEE DE BASE :
29
Rien n'empêche d'utiliser, le cas échéant, la même technique pour une vente conclue dans un marché intérieur
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9 du point de vue de l'importateur qui désire recevoir la marchandise commandée : le banquier n'aura l'autorisation de payer l'exportateur que lorsqu'il aura reçu de celui-ci les documents jugés par l'importateur comme présomption suffisante de l'expédition conforme de la marchandise commandée; 9 du point de vue de l'exportateur qui désire être payé : le banquier lui fournit, par sa signature, la garantie qu'il sera payé s'il fournit les documents stipulés. •
TECHNIQUE :
9 l'importateur demande à son banquier d'ouvrir un crédit en spécifiant le montant, les documents requis, et la date limite (validité) pour leur présentation; 9 le banquier incorpore ces données dans une lettre de crédit qu'il envoie à l'exportateur; 9 au moment de l'embarquement de la marchandise, le titre de transport document principal - est établi par le transporteur et remis à l'exportateur; 9 tandis que la marchandise fait route, l'exportateur envoie ce document et les autres qui auraient été spécifiés au banquier qui a ouvert le crédit; 9 à réception, le banquier vérifie la conformité du (des) document(s) avec les spécifications de l'importateur figurant à la lettre de crédit; 9 s'il(s) est(sont) conforme(s) et que le délai de présentation n'est pas expiré, le banquier paie l'exportateur et débite l'importateur; 9 le banquier remet le(s) document(s) à l'importateur, qui prend possession de la marchandise, à son arrivée, en remettant le titre de transport au transporteur. Le banquier encourt une responsabilité importante vis-à-vis de son donneur d'ordre : celle de ne payer l'exportateur que si les documents reçus de ce dernier sont strictement conformes aux spécifications de l'importateur, et ceci à la virgule près. S'il n'y a pas conformité absolue entre les documents et les instructions initiales, le banquier se couvre en payant l'exportateur "sous réserve" (s'il y a discordances mineures), ou bien il interrogera son donneur d'ordre avant de payer (s'il y a des discordances majeures). A remarquer que cette conformité "aveugle" s'applique aux documents eux-mêmes, et ne concerne pas la conformité de la marchandise proprement dite. •
TYPES DE CREDITS DOCUMENTAIRES (QUI PEUVENT ETRE COMBINES ENTRE EUX) :
Crédit irrévocable : Le banquier s'engage irrévocablement à payer si, avant la date extrême spécifiée (date de validité), le bénéficiaire lui a remis les documents conformes. A contrario, les crédits révocables peuvent être dénoncés avant la présentation des documents comme on s'en doute, de tels crédits sont très peu usités.
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Crédit provisionné : En ouvrant le crédit, le banquier fait confiance à la capacité de l'importateur de payer lors de la présentation des documents donnant lieu au paiement à l'exportateur. Si cette confiance est mitigée, le banquier exigera dès l'ouverture du crédit le versement par l'importateur d'une provision (totale ou partielle). Crédit documentaire réalisable par acceptation : Si l’exportateur accorde à son client importateur un délai de paiement après livraison, le banquier - au lieu de s'engager à payer le bénéficiaire cash à l'arrivée des documents - peut s'engager à accepter à ce moment une traite tirée sur lui par l’exportateur à un certain délai de date. Crédit confirmé : Si le bénéficiaire n’a pas confiance dans le banquier du donneur d'ordre, il peut demander que ce dernier fasse garantir son engagement (de payer contre remise des documents) par un banquier plus notoire, établi dans le pays de l’exportateur ou encore dans une place reconnue (Londres p. ex.). Le deuxième banquier "confirme" ainsi le crédit ouvert par le premier. Crédit notifié : Le banquier qui ouvre le crédit peut demander à un banquier correspondant dans le pays du bénéficiaire de transmettre à ce dernier la lettre de crédit sans y attacher sa confirmation. On dira que ce deuxième banquier "notifie" le crédit au bénéficiaire; il ne jouerait dès lors que le rôle de boîte aux lettres, s'il ne se montrait également (ce qui est souvent le cas) prêt à "négocier" les documents (les payer pour compte du premier banquier), après en avoir vérifié la conformité; il ne peut toutefois y être contraint puisqu'il n'a pas "confirmé" ledit crédit. Crédit transférable : L'exportateur bénéficiaire peut se substituer un autre bénéficiaire. Ce type de crédit s'utilise lorsque l'exportateur est un intermédiaire qui a acheté à un fournisseur l'objet à livrer. Lorsque le fournisseur expédie la marchandise, l'exportateur intermédiaire substituera généralement ses propres documents aux documents d'origine de son fournisseur. •
DUREE
Le crédit documentaire couvre en principe le temps nécessaire à réaliser la livraison prévue au contrat de vente sous-jacent, qui peut aller de quelques semaines à plusieurs mois, voire années, dans le cas de contrats importants et échelonnés. En cas de besoin, le crédit pourra être prorogé si le bénéficiaire a subi des retards, et que le donneur d'ordre et le banquier émetteur sont tous deux d'accord d'octroyer une extension de validité. Les nécessités du commerce exigent une grande rapidité dans le traitement des documents : le banquier ne dispose que de peu de temps pour leur vérification, car l'importateur en a besoin pour lever la marchandise qui peut déjà être arrivée, et dont l'immobilisation peut lui être portée en compte par le transporteur.
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COUT :
Le banquier décomptera à son client : 9 une commission d'ouverture de crédit (de l'ordre de 0,1 % à 0,125 % par trimestre); 9 une commission de confirmation, le cas échéant (de même ordre que la commission d'ouverture); 9 une commission de paiement (au moment de la réalisation du crédit); 9 une commission d'acceptation (si tel est le mode de réalisation du crédit). 9 les frais annexes, qui peuvent être importants en termes relatifs : frais d'envois recommandés internationaux, frais de télécommunications, frais de modifications éventuelles. •
REGLEMENT DE LITIGES
Comme on s'en rend compte, le domaine d'application des crédits documentaires entre parties de nationalités différentes est varié et complexe. Pour assurer la sécurité juridique des transactions, la Chambre de Commerce Internationale organisme de droit privé - a édicté des "Règles et Usances Uniformes applicables aux crédits documentaires", auxquelles la plupart des opérateurs conviennent d'adhérer; ces règles et usances sont périodiquement mises à jour en fonction de l'expérience, et constituent donc un cadre de référence précieux pour le règlement des litiges.
CREDITS D'ACCEPTATION C'est une forme de crédit ressortissant à la fois au crédit par signature (par nature, à l'origine), et au crédit par décaissement (accessoirement, et par extension). DEFINITION : Crédit par lequel le banquier s'engage, dans une limite déterminée, à accepter d'abord et à négocier ensuite des traites que son client tirera sur lui. Acceptation signifie aussi bien le fait d'apposer sa signature sur la traite que la traite acceptée elle-même. Pour d’autres informations relatives au crédit d’acceptation, voir en annexe A.
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GARANTIES DONT SONT ASSORTIES LES OPERATIONS DE CREDIT Lorsqu’un intermédiaire financier accorde un crédit à un client, et accepte donc un risque sur ce client, il doit veiller au caractère raisonnable de l’opération qui nécessite son intervention. Dans le cas d’un crédit par décaissement, le client sera-t-il en mesure de rembourser ? L’utilisation du crédit finance-t-elle une opération saine ? Dans le cas d’un crédit par signature, le client sera-t-il en mesure d’honorer ses engagements ? Est-il en mesure de supporter un imprévu dans l’exécution ? Le client s’engage à tenir son banquier indemne dans le crédit qui lui est consenti : il s’engage à rembourser un financement, ainsi qu’à dédommager le banquier des sommes que celui-ci a dû verser si sa garantie a été appelée. En appui de cet engagement du client, le banquier peut ne rien exiger, on parle alors de crédit de notoriété. Le banquier peut aussi exiger de bénéficier lui-même de garanties fournies par le client. On distingue entre : 9 garanties réelles : recours sur un bien, on parle aussi de sûretés. 9 garanties personnelles : recours contre une personne, physique ou morale, on parle aussi de caution. Entre les garanties réelles bien définies (hypothèque, gage sur marchandises) et les cautions, il existe toute une série de délégations de droits et de créances dont le classement en tant que garanties réelles ou personnelles est moins aisé.
GARANTIES PERSONNELLES
GARANTIES REELLES Hypothèque sur immeubles Gage sur marchandises Gage sur fonds de commerce Gage sur titres
Cautions Lettres de soutien Lettres d’intention
Délégation de créances et délégation de droits
REMARQUE
On dira aussi, dans le cadre de cette section, un mot des engagements de faire et de ne pas faire , qui ne sont pas à proprement parler des garanties.
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LES ENGAGEMENTS OU PROMESSES DE GAGE ENGAGEMENT DE GARANTIE PRIS EN FAVEUR DU CREANCIER : Pour épargner les frais d'une hypothèque ou d’un gage au bénéficiaire du crédit qui présente d'autres éléments de solvabilité jugés suffisants pour le moment, mais pour se prémunir quand même contre des revers futurs toujours possibles, l'établissement de crédit peut ne pas exiger une garantie au départ mais se réserver de la prendre ultérieurement. Il demandera alors au débiteur un engagement d'hypothéquer ou de gager à première demande. Quant à l’engagement d’hypothéquer, il devra être appuyé par un mandat authentique d'hypothéquer l'immeuble pour que l’intervention du débiteur ne soit plus nécessaire. Ce mandat est un acte passé par devant notaire qui, remis au créancier, permet à ce dernier de faire prendre par lui-même l'hypothèque à tout moment. Pour la prise de gage non-hypothécaire, un tel mandat n’est pas nécessaire. Le créancier se prévaudra par la suite de la promesse d’hypothèque ou de gage si un événement survient qui lui fait douter de la capacité du débiteur de rembourser sa dette. A noter que si le créancier prend la garantie, mais que celle-ci s'avère ultérieurement avoir été transcrite dans les six mois et dix jours précédant la date de déclaration d'une faillite éventuelle du débiteur, le curateur de ladite faillite pourra ne pas prendre en considération la garantie mais au contraire l'annuler, du fait qu'elle aurait été prise effectivement dans la "période suspecte". A remarquer enfin que si le débiteur (par oubli ou par mauvaise foi) a concédé hypothèque sur le même bien à un autre créancier (ou l'a même vendu) avant que le mandataire ait exécuté son mandat, le bénéficiaire du mandat ne peut contester le rang de l'hypothèque prise par l'autre créancier (ou la vente). Le mandat d'hypothèque ou de gage coûte au départ moins cher que l'hypothèque ou de gage proprement dit : il lui est appliqué un droit fixe réduit et non un droit proportionnel. ENGAGEMENT
DE NE PAS ALIENER NI HYPOTHEQUER (DAVANTAGE) UN BIEN EN
FAVEUR DE TIERS :
L'idée est d'obliger le débiteur à conserver le bien non grevé (davantage) dans son patrimoine tant que le crédit est en vigueur. Il s'agit ici d'une simple "clause négative" (en anglais : « negative pledge »); si le débiteur ne tient pas parole, c'est-àdire s'il aliène ultérieurement son bien ou le grève d'une hypothèque en faveur d'un autre créancier, le bailleur de crédit n'a aucun moyen juridique de faire annuler la vente ou l'hypothèque le jour où il s'en aperçoit.
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LES GARANTIES REELLES GARANTIES IMMOBILIERES Hypothèque sur immeuble (30): l'hypothèque requiert un acte authentique, c'est-àdire passé par devant notaire et ensuite transcrit au Bureau des Hypothèques. Avant de passer l'acte, le notaire doit faire des recherches préalables sur l'origine de propriété, sur les inscriptions déjà existantes, sur les dettes éventuelles envers le fisc qui a un privilège occulte. Il faut donc rémunérer la responsabilité et le travail administratif du notaire (il y a un barême dégressif) et payer les droits d'enregistrement (1 %). Dans la pratique, le prêt sur hypothèque se fait le plus souvent à concurrence d'une certaine fraction de la valeur vénale du bien. Dans le crédit hypothécaire proprement dit (voir plus loin) les prêts en premier rang s’accordent souvent à concurrence de 60 % à 80 % de cette valeur. Les prêts sur hypothèques complémentaires sont plus risqués et coûtent dès lors plus cher. GAGE SUR MARCHANDISES Pour mettre en gage une marchandise, son propriétaire doit s'en dessaisir entre les mains du créancier ou d'un tiers convenu (souvent un entrepositaire professionnel) et passer avec le créancier gagiste un acte établissant le gage, qui peut être sous seing privé. La loi prévoit la dépossession pour éviter que des tiers ne croient, par la constatation de la présence d'une marchandise chez le débiteur, que la solvabilité de celui-ci est plus grande qu'elle ne l'est en réalité. Pour éviter des déplacements coûteux de marchandises, celles-ci peuvent être conservées dans des locaux du propriétaire, à charge alors pour celui-ci d'isoler ces locaux et de les louer au tiers convenu qui doit y apposer des pancartes indiquant qu'ils lui sont loués. Notons encore le cas de marchandises flottantes qui se trouvent entre les mains de transporteurs et mises en gage au profit des établissements de crédit qui interviennent dans le commerce international : cette mise en gage s'effectue par l'endos du connaissement maritime en faveur du banquier qui a ouvert un crédit documentaire.
(30)En Belgique, une hypothèque porte sur des biens immeubles : terrains, bâtiments et leurs prolongements (biens immeubles par destination, c’est-à-dire matériel utile à l’exploitation du fonds ou incorporé à l’immeuble tel qu’ascenseurs, cabines à haute tension, etc.), ainsi que sur des bateaux ou des avions.
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GAGE SUR FONDS DE COMMERCE Pour remédier à la difficulté de prendre garantie sur divers éléments d'actifs d'une entreprise qui peuvent pourtant servir d'assiette à une opération de crédit (par exemple le matériel roulant) et pour simplifier les procédures ordinaires plus lourdes de mise en gage des autres éléments du patrimoine d'une entreprise, le législateur belge a par la loi du 25 octobre 1919 institué le gage sur fonds de commerce. Ainsi, ce gage ne requiert pas la dépossession des biens normalement exigée pour des gages sur biens meubles, ni la signification aux débiteurs pour la cession de créances. Pour assurer la publicité nécessaire à la mise en gage sur fonds de commerce, en même temps que pour lui donner date certaine, l'acte doit être soumis à la formalité de l'enregistrement et transcrit au Bureau des Hypothèques. Les droits d'enregistrement sont de 0,5 % du montant de l'inscription. A noter que l'acte luimême ne doit pas être passé sous forme authentique, un acte sous seing privé est suffisant. Selon la définition du droit belge, le gage sur fonds de commerce peut couvrir l'ensemble des éléments suivants : l'enseigne, les marques et brevets, le droit au bail, la moitié des stocks, les créances, le matériel - en fait tout l’actif sauf les immeubles et la moitié du stock. Pour ce qui concerne le matériel qui serait immeuble par destination, il y a risque de concurrence avec une hypothèque qui aurait été prise sur l'immeuble comprenant ce même matériel : dans ce cas, c'est la première inscription qui prime l'autre. Seuls peuvent prendre un gage sur fonds de commerce les organismes agréés par le Ministère des Affaires Economiques (intermédiaires financiers qui en font la demande; les établissement de crédit agréés par la Commission Bancaire et Financière sont automatiquement agréés en matière de gage sur fonds de commerce). Le gage sur fonds de commerce est une garantie plus aléatoire que l'hypothèque, car les éléments du fonds de commerce - qui restent entre les mains de l'entreprise sont soumis à des fluctuations constantes au gré des opérations de cette entreprise. Le créancier gagiste ne peut pas exiger que l'on revienne ultérieurement sur les cessions des éléments du fonds de commerce qui ont été faites à des acquéreurs de bonne foi. CLAUSE DE RESERVE DE PROPRIETE Une banque peut se faire céder le droit de propriété qu'un vendeur se réserverait sur un bien vendu. En Belgique, contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays ("Eigentumsvorbehalt" en Allemagne, p.ex.), le droit de propriété que le cédant d'un bien se réserve sur celui-ci jusqu'à l'accomplissement des obligations de son débiteur n'a d'effets qu'entre parties (et encore, des restrictions existent notamment dans le cadre de la loi sur le crédit à la consommation, voir plus loin). La réserve
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sur ce droit n'est donc pas opposable aux tiers, en cas de saisie ou de faillite en particulier. L'inscription d'une clause de réserve de propriété dans un contrat peut dès lors se révéler assez illusoire, notamment vis-à-vis d'une personne qui aliénerait de mauvaise foi le bien acheté. GAGE SUR TITRES Pour mettre des actions ou obligations en gage, il suffit également d'un acte sous seing privé; comme pour la mise en gage de marchandises, la formalité de l'enregistrement n'est pas requise sauf en matière civile pour en assurer l'opposabilité aux tiers. Pour ce qui est des titres au porteur, la dépossession se fait soit entre les mains du créancier (établissement de crédit), soit d'un tiers convenu (établissement de crédit tiers). Pour ce qui est des titres nominatifs, la mise en gage doit être notifiée à la société émettrice des titres, et doit être mentionnée dans le registre de ses actionnaires. GAGE SUR CREANCES On a déjà parlé de certaines formes de mise en gage de créances commerciales par endossement à titre pignoratif de traites ou de factures ou encore dans le cadre de la mise en gage du fonds de commerce. Hormis ces cas, la mise en gage de créances postulait jusqu'en 1994 le respect d'un formalisme assez lourd (art. 1690 du code civil). Il fallait que la délégation de la créance au profit du créancier gagiste soit signifiée par huissier au débiteur (ou reprise dans un acte notarié) et dûment enregistrée pour être opposable aux tiers. Ce formalisme lourd était, en Belgique, un frein à la titrisation de créances (création d'un titre cessible représentatif d'un lot de créances en portefeuille). Une modification législative spécifique de 1994 y a remédié. Aujourd'hui, toute créance peut être cédée par simple notification au débiteur ou par reconnaissance de celuici; une telle cession est opposable aux tiers sans autre formalité. On peut aller jusqu'à mettre en gage des créances futures, mais elles doivent être déterminées ou déterminables : ce sera le cas d'une délégation de loyers à naître d'un contrat de bail existant. DELEGATION DU BENEFICE DE POLICES D'ASSURANCE Le débiteur peut offrir à son bailleur de crédit la délégation du bénéfice de polices d'assurance sur ses biens (assurance-vol et incendie), sur ses créances (assurancecrédit, police Ducroire) ou sur sa vie (assurance-décès, vie ou mixte). Cette délégation s'opère par un avenant à la police signé conjointement par le débiteur, le créancier et la compagnie d'assurance.
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Si le risque se réalise, c'est l'établissement de crédit qui touche l'indemnité d'assurance à concurrence de sa créance. Le surplus est évidemment versé au(x) bénéficiaire(s) originel(s).
AUTRES GARANTIES CAUTION C'est la garantie personnelle par laquelle un tiers au débiteur s'engage envers le créancier (ici l'établissement de crédit) à l'indemniser si le débiteur ne satisfait pas à ses obligations. Une garantie peut être stipulée solidaire dans lequel cas le bénéficiaire a le droit d'appeler le garant à l'indemniser de la défaillance du débiteur principal dans l'accomplissement de son obligation, dès que celui-ci se trouve en défaut, et ce dans les mêmes conditions que lui. D'autre part, une garantie peut être stipulée indivisible, dans lequel cas les héritiers ou ayants-droit qui auraient accepté une quote-part de la succession du garant ne pourraient pas se prévaloir de la faculté de répartir entre eux selon cette quote-part l'engagement pris par le garant, chacun d'eux étant tenu pour le tout. En matière civile, la solidarité et l'indivisibilité ne se présument pas : elles doivent être expressément mentionnées dans l'acte de garantie. Lorsque la garantie est solidaire, elle emporte automatiquement pour le garant renonciation au bénéfice de discussion et de division. La caution peut être donnée par les actionnaires (personnes physiques ou maisonmère) ou encore par les administrateurs ou par les pouvoirs publics (Etat ou régions) pour les crédits accordés à une entreprise, par des membres de la famille ou des amis pour les crédits accordés à des particuliers; par des banques ou des compagnies d'assurance pour les crédits accordés par d'autres établissements de crédit à leurs clients. En dehors des limitations que tout garant s'imposera normalement à lui-même quant aux risques qu'il est disposé à assumer sur autrui, il y a une limite pratique aux cautions qu'une société-mère émettra en faveur de ses filiales, car ces cautions sont inscrites dans les comptes d'ordre repris en annexe des comptes annuels; si ses engagements par caution sont trop importants, la société-mère en verra sa propre capacité de crédit limitée, notamment de la part de ses banquiers. Remarque importante : en Belgique, une société ne peut donner sa garantie que si cette garantie entre dans le cadre de son objet social ou qu'elle y a un intérêt légitime (par exemple lorsqu'une maison-mère donne sa caution pour couvrir des crédits accordés à sa filiale). LETTRE DE SOUTIEN Pour éviter l'écueil de voir leur capacité de crédit limitée, les maisons-mères ont eu au fil du temps une tendance à proposer comme "garantie", à la place de leur
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caution en bonne et due forme, des lettres dites de soutien ou de patronage, appelées également lettres d'intention ("letter of intent") ou lettres de réconfort ("comfort letter"); il y est généralement exprimé l'intention de la maison-mère de soutenir sa filiale, voire d'en rester actionnaire, tant que le crédit accordé à cette dernière restera en vigueur; ces lettres ne comportent pas d'engagement de payer le créancier à la place du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. N'étant ainsi pas une caution à strictement parler, les effets de telles lettres de soutien sont souvent plus moraux que juridiques; de tels "engagements" ne doivent dès lors pas figurer dans les comptes d'ordre de la société qui les émet. Une forme plus édulcorée encore de lettre de soutien est la lettre de déclaration de connaissance ("letter of awareness"), par laquelle la maison-mère reconnaît simplement qu'elle est au courant du crédit accordé à une filiale qu'elle a intérêt à voir respecter ses engagements. ENGAGEMENT DE FAIRE, DE NE PAS FAIRE Les établissements de crédit assortissent fréquemment leurs ouvertures de crédit de diverses clauses par lesquelles les débiteurs s'engagent : 9 soit à faire certaines choses : prendre des assurances sur des immeubles ou des marchandises, conserver des ratios minima de structure bilantaire, fournir leurs rapports annuels, laisser contrôler la comptabilité, etc ... 9 soit à ne pas faire certaines choses ("clause négative" - "negative pledge") : ne pas contracter de nouveaux emprunts sans autorisation du créancier, ne pas fusionner avec d'autres sociétés sans la même autorisation, ne pas vendre certains éléments de l'actif, ne pas conférer de garanties à d'autres créanciers à moins d'en faire profiter, à parité de rang, le bailleur de crédit (clause dite "pari passu"), etc ... Il ne s'agit pas en l'occurence de garanties proprement dites, mais d'engagements dont on ne doit toutefois sous-estimer l'importance, car la sanction pour le débiteur qui y contrevient est généralement la faculté pour le créancier de mettre immédiatement fin au crédit; en souscrivant à ces engagements, le débiteur restreint donc considérablement sa liberté.
TYPES DE CREDIT SELON LEUR USAGE En cette section, seront passés en revue certains types de crédit et les garanties qui y sont associées, face aux différentes catégories de besoins des entreprises et des particuliers. Divers besoins des entreprises peuvent être rencontrés par : 9 les crédits d'investissement (p. ex. financements de construction d'immeubles ou d'acquisition de matériel);
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9 les crédits pour le financement à la grande exportation (p. ex. fourniture par un ensemblier d'usines clé sur porte à l'étranger); 9 les crédits de campagne (p. ex. crédits saisonniers, de récoltes); 9 les crédits de fonds de roulement. Divers besoins des particuliers peuvent être rencontrés par : 9 les crédits hypothécaires (financements de logements); 9 les crédits d'installation professionnels (p. ex. pour les professions libérales); 9 les crédits à la consommation (pour des biens durables comme pour des services éphémères ainsi que pour le financement de fonds de roulement). Pour chaque type de crédit, on tâchera de déterminer les principaux paramètres tels qu'ils ont été examinés dans la deuxième partie du cours ci-avant. Pour rappel ces paramètres étaient, en ordre principal : 9 l'objet : si beaucoup de crédits qui viennent d'être mentionnés ont pour objet des biens déterminés, les crédits de fonds de roulement financent des besoins généraux des entreprises et des particuliers; 9 la fonction temps; 9 la sortie de l'opération (ce par quoi le crédit sera remboursé); 9 la forme et les instruments; 9 le coût; 9 les garanties associées au crédit envisagé.
CREDITS FINANÇANT LES BESOINS DES ENTREPRISES LES CREDITS D'INVESTISSEMENT •
OBJET :
L'objet d'un crédit d'investissement est le plus souvent parfaitement déterminé : par exemple financer l'achat d'un terrain, la construction ou l'aménagement d'une usine, et ce en comprenant les intérêts intercalaires et autres frais à exposer avant la mise en exploitation de l'investissement; l'acquisition de matériel et parfois les études associées (brevets, programmes informatiques); il arrive aussi que le crédit d'investissement finance la reconstitution du fonds de roulement entamé par des investissements déjà réalisés et en exploitation au moment de l'accord du crédit. •
VOLUME :
Les montants des crédits d'investissement sont souvent élevés, ce qui les conduit fréquemment à être consortialisés entre plusieurs partenaires pour réduire leurs risques individuels. •
TEMPS :
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La durée d'un crédit d'investissement peut aller du moyen terme au long terme : elle s'étend généralement sur une période de deux ans à quinze ans, avec une prépondérance allant vers la période de sept à douze ans. L'échéance finale sera fonction de la durée économique du bien, qu'elle ne peut en principe excéder. Un plan de prélèvement sera élaboré tout comme un plan de remboursement. Généralement, au plan de prélèvement sera lié le problème du maintien du taux d'intérêt fixé à l'origine; en effet, lorsque l'entreprise dispose d'un crédit long terme, elle ne souhaitera procéder au prélèvement qu'au fur et à mesure des besoins effectifs pour minimiser les charges financières. Deux techniques peuvent être suivies : 9 prélever le tout en une fois, et placer ce qui ne doit pas être affecté tout de suite à des échéances échelonnées pour rencontrer les besoins réels; mais d'une part le taux de replacement est fréquemment inférieur au taux d'emprunt à long terme et d'autre part l'établissement de crédit répugne à donner à l'entreprise la disposition de fonds non affectés à leur véritable objet : l'établissement de crédit imposera dès lors fréquemment que pour prélever, l'entreprise doit justifier de cette affectation par la production de factures à payer relatives à l'investissement projeté; 9 prélever le crédit en deux ou plusieurs fois, au fur et à mesure des besoins réels; dans ce dernier cas, si le programme de prélèvement est étalé, l'établissement de crédit peut rendre le taux de chaque tranche égal à celui en vigueur au moment effectif du prélèvement, ce qui rend évidemment le coût variable, surtout en période de volatilité des taux d'intérêt; souvent ceci ne rencontre pas les préférences de l'investisseur qui souhaite la plupart du temps disposer d'un taux fixe sur lequel sont basées ses projections financières; des techniques de "hedging" (couverture) par des futures sur taux d'intérêt peuvent être utilisées pour y parer. Pour le plan de remboursement, diverses formules sont utilisées : 9 remboursement intégral en une seule fois à la fin de l'opération : "bullet repayment". 9 remboursements partiels périodiques égaux ou inégaux : 9 remboursements de capital constants avec paiement d'intérêts décroissants sur le solde restant dû; 9 remboursements par annuités (capital + intérêts) constantes; 9 remboursements ad-hoc irréguliers; si on reporte un remboursement substantiel à l'échéance finale, on parle d'un "balloon repayment". REMARQUE :
L'entreprise demande parfois une "franchise", c'est-à-dire un délai de grâce avant de commencer à rembourser le principal (le délai de franchise est souvent de 2 ou 3 ans après prélèvement complet). EXEMPLE : SYSTEME CLASSIQUE :
Soit un prélèvement sur deux ans, puis dix remboursements égaux après deux ans de franchise.
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V
t Prélèvement
•
Franchise
Remboursement
SORTIE DU CREDIT :
Les fonds destinés au remboursement proviendront généralement du cash flow produit par l'activité générée par l'investissement financé; dans d'autres cas, il pourra s'agir de la réalisation d'autres éléments d'actifs (vente d'usines désaffectées, liquidation de titres en portefeuille). •
INSTRUMENTS :
Les instruments généralement utilisés en matière de crédits d'investissement sont : 9 le billet à ordre (surtout pour les financements octroyés par les établissements de crédit); 9 les obligations (surtout pour les financements octroyés par les investisseurs institutionnels). Les principales différences entre billets à ordre et obligations sont : 9 le billet à ordre est un effet de commerce endossable et protestable; 9 l'obligation est un titre de créance, cessible par simple tradition si elle est au porteur (éventuellement négociable en bourse), et régie par des règles particulières, notamment en cas de renégociation ou de défaillance de l'emprunteur : régime d'assemblée d'obligataires. Mais on peut aussi accorder des crédits d'investissement par de simples avances en compte, étayées uniquement par une convention d'ouverture de crédit; il s'agira d'avances soit à taux fixe jusqu'à l'échéance finale, soit à taux révisibles à intervalles périodiques (roll-over). •
COUT :
Le coût d'un crédit d'investissement est composé d'éléments standards. Intérêts : Les intérêts peuvent être fixes ou variables. Si le taux est variable, il est révisé en fonction de taux interbancaires de durée correspondante, le taux de référence dit IRS (Interest Rate Swap), ou Euribor.
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Aux termes de cette clause, après la période convenue, trois cas peuvent se produire : 9 les taux ont baissé : on rajuste le taux vers le bas; 9 les taux sont restés inchangés (moins de 0,25 % de variation) : aucun ajustement n'est apporté; 9 les taux ont haussé : on rajuste le taux vers le haut. Coûts accessoires : Outre les intérêts, viennent s'ajouter divers éléments, parfois non négligeables : 9 coût de prise des garanties (hypothèque, gage sur fonds de commerce); 9 commissions d'ouverture de crédit ou de réservation : il s'agit d'une commission prélevée le cas échéant sur la partie non encore utilisée du crédit. 9 pénalité en cas de remboursements anticipés : le débiteur peut avoir la faculté de rembourser son crédit avant les échéances prévues si le cash flow de l'entreprise le permet; il doit alors payer une pénalité dite "prime de remboursement" ou "prime de réemploi"; celle-ci est généralement calculée en fonction de la durée restant à courir, et de la différence entre le taux contractuel et les taux de marché à ce moment. Elle peut aussi être forfaitaire. Dans le cas de crédit à taux variable, il est d’usage que le remboursement anticipé soit possible, sans pénalité, aux dates de révision de taux. 9 coût des expertises comptables et industrielles préalables et périodiques éventuelles. •
FISCALITE :
En principe il n'y a pas d'impôts particuliers à payer sur les crédits à long terme, dès lors qu'ils sont accordés par des intermédiaires financiers professionnels. On prévoit parfois, mais alors surtout dans les crédits internationaux, que si des taxes particulières nouvelles sont mises à charge de l'emprunteur au cours de la vie de l'emprunt, que ce soit sur le principal ou sur les intérêts, le débiteur aura la faculté de rembourser par anticipation sans pénalité. •
GARANTIES :
Les crédits d'investissement étant des crédits à long terme, dont le risque augmente avec la durée totale, ils sont fréquemment assortis de garanties réelles : hypothèque sur terrains et immeubles, gage sur fonds de commerce, gage sur d'autres biens réels (marchandises), nantissement de titres. En matière de garanties personnelles, on demandera éventuellement la caution de certains actionnaires ou administrateurs; si le crédit doit être accordé à la filiale d'une autre entreprise, ce sera donc la caution de la maison-mère (ou éventuellement une lettre de soutien) qui sera demandée. Ces crédits constituent aussi un champ d'application fertile pour les clauses négatives.
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•
ATTITUDE DES D'INVESTISSEMENT :
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POUVOIRS
PUBLICS
VIS-A-VIS
DES
CREDITS
L'investissement conditionnant souvent la reprise ou le maintien de l'activité économique et partant le bien-être social, il n'est pas étonnant de voir dans les financements s'y rapportant un champ d'action des pouvoirs publics. Ceux-ci agiront principalement au travers des trois derniers paramètres cités : le coût en intérêt, la fiscalité et les garanties. Le subside en intérêt est particulièrement justifié lorsque le taux d’actualisation social est significativement inférieur au taux de marché. De plus amples détails sur la politique d’encouragement des crédits d’investissements en Belgique sont fournis en annexe B. LES CREDITS A LA GRANDE EXPORTATION
•
OBJET :
L'objet est généralement déterminé : par exemple financer la fourniture d'une usine clés sur porte, l'exécution d'un contrat de livraison de biens d'équipement, etc. Se pose la question de savoir ce qu'est la "grande exportation" - de moins en moins on considère les fournitures intracommunautaires européennes comme de la grande exportation, d'autant que les directives européennes tendent à empêcher la subsidiation directe ou indirecte dans les échanges intérieurs de l'Union. •
TEMPS :
La durée peut varier de 1 à 15 ans; une durée de 5 ans est fort courante; la durée effective sera fonction : 9 des délais d'études, du plan de fabrication et des délais de livraison; 9 des délais de paiement accordés à l'acheteur; 9 de certains arrangements officiels nationaux ou internationaux (possibilité d'obtention d'une police Ducroire, existence d'une convention de financement d'Etat à Etat ou de la Banque Mondiale). •
SORTIE DE L'OPERATION :
Le remboursement est assuré par l'encaissement des créances sur l'acheteur, qui sont la plupart du temps soit rachetées par le prêteur, soit prises en nantissement des crédits qu'il accorde. •
INSTRUMENTS :
9 traite commerciale 9 billet à ordre 9 acceptation bancaire (dans ce cas, l'établissement de crédit se fera remettre en gage - s'il y en a - les traites commerciales tirées sur l'acheteur par endos pignoratif);
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9 crédit en compte (roll-over), qui peut être libellé en devises, si l'opération ne l'est pas dans la monnaie locale de l'exportateur. •
COUT :
En Belgique, les opérations à la grande exportation sont refinancées dans le chef des établissements de crédit en bénéficiant de l'intervention de l'Etat par le truchement d'un organisme appelé Finexpo(1), dépendant des Ministères des Finances et du Commerce Extérieur. Dans d'autres pays, des banques spécialisées privées (merchant banks) ou publiques (ex. Banque Française du Commerce Extérieur, Eximbank) fournissent l'infrastructure au financement des opérations à la grande exportation. •
GARANTIE :
Comme garantie spécifique à l'opération financée, l'établissement de crédit prend généralement en gage la créance sur l'acheteur, objet du financement, ainsi que les polices d'assurance couvrant la même créance à savoir généralement une police d'assurance- crédit pour le risque commercial (défaillance de l'acheteur) et une police ducroire pour le risque politique (empêchement par les autorités du pays de l'acheteur de fournir les devises ou de permettre le transfert). En Belgique c'est l'Office National du Ducroire (O.N.D.), organisme public bénéficiant de la garantie de l'Etat qui assure le risque politique; jusque récemment il a également eu des conventions de partage (et de réassurance) du marché de l'assurance-crédit avec la Compagnie Belge d'Assurance-Crédit (COBAC), laissant à celle-ci et à la Compagnie des Assurances-Crédit de Namur (sociétés de droit privé) leur domination traditionnelle en matière de couverture des risques commerciaux sur l'Europe. En 1993, la situation a évolué, l'O.N.D. prenant à coté de son homologue français, la S.F.A.C., une participation significative dans le capital de la COBAC, estompant, ici aussi, les frontières entre organismes publics et sociétés privées. •
MONTAGE :
Etant donné qu'il s'agit fréquemment de financer des montants élevés, le cas échéant en devises étrangères, pour de longues durées, dans des cadres contractuels internationaux complexes, avec à l'occasion l'appui ou l'intervention d'organisations gouvernementales et intergouvernementales, ces opérations doivent être taillées sur mesure pour en circonscrire les risques dans des conditions de coût acceptables. C'est souvent de la qualité du montage financier que dépend la réalisation du projet par rapport aux projets concurrents. Ils font donc l'objet d'équipes spécialisées en "project financing", qui intègrent diverses techniques, pour apporter des solutions appropriées aux exigences multiples et souvent difficiles à concilier des problèmes soulevés. Une fois mis au point, les financements de tels projets peuvent être
(1)
Finexpo ne peut intervenir en faveur d'exportations à destination de pays de l'Union Européenne, sous peine d'y créer des distorsions de concurrence prohibées par le Traité de Rome.
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proposés en partage par consortialisation à des partenaires multiples pour en répartir les risques. CREDITS DE CAMPAGNE •
OBJET :
L'objet n'est en principe pas individualisé, mais global : il s'agit par exemple de financer une campagne agricole (financement de la récolte et éventuellement de sa transformation); une campagne de vente de collection d'habillement; ... •
DUREE :
Généralement il y a des cycles périodiques, exemples : campagne sucrière une fois par an; campagne de vente d'articles de mode deux fois par an. •
SORTIE :
Elle est généralement assurée in fine par la vente des marchandises produites, alors que le crédit s'accorde en principe avant de connaître les destinataires de ces marchandises. •
INSTRUMENTS :
9 warrant : pour la période de stockage; 9 traite commerciale ou acceptation bancaire : pour la période de délai de paiement accordé à l'acheteur; 9 avance à terme fixe; 9 crédit de caisse. •
COUT :
Il dépend de l'instrument utilisé; il s'articulera la plupart du temps sur les taux d'intérêt à court terme. •
GARANTIES :
Nantissement de marchandises (warrants), cession de créances, délégation du bénéfice de polices d'assurance, gage sur fonds de commerce. Remarques : 9 les modalités choisies (instruments, durée, garanties) dépendront des caractéristiques et usages en vigueur selon les secteurs d'activités; 9 l'établissement de crédit refusera parfois d'accorder son concours pour la campagne suivante, si le crédit de campagne précédent n'a pas été remboursé ou à tout le moins n'a pas été ramené à un niveau jugé acceptable en fonction des caractéristiques du secteur.
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CREDITS DE FONDS DE ROULEMENT •
OBJET :
Indéterminé : en fait c'est un ensemble d'éléments de l'actif à court terme (stock de matières premières, encours de fabrication, produits finis, créances sur débiteurs, ...) qui est à financer. •
DUREE :
La durée est la plupart du temps indéfinie; le crédit est assez permanent, et fonctionne comme un accordéon pour absorber les soufflets de trésorerie du débiteur. Aussi l'établissement de crédit veille-t-il à ce que le crédit ne soit pas gelé (c'est-à-dire utilisé à plein en permanence), ce qui serait contre nature. A cette fin, il peut exiger que l'utilisation du crédit passe par un étiage (par exemple le point zéro) selon une périodicité convenue (une ou plusieurs fois par an). La nature particulière de ce type de crédits détermine l'échéance : en règle générale, on prévoit une échéance variable par notification d'un préavis (de 1 à 3 mois), ou encore une échéance fixe relativement proche (de 3 mois par exemple), mais assortie d'une convention de renouvellements successifs de commun accord. •
SORTIE :
Elle est assurée par les recettes générales de l'entreprise (produit des ventes). •
INSTRUMENTS :
Traites commerciales, acceptations bancaires, factures, warrants, ou crédits en compte purs et simples; très souvent des crédits "mixtes" sont accordés, c'est-à-dire qu'ils prévoient la possibilité de recours aux différents types d'instruments, le cas échéant des sous-limites étant imposées pour les formes les plus risquées, c'est-àdire les acceptations bancaires et surtout le crédit de caisse. •
COUT :
En fonction des instruments et du terme. •
GARANTIES :
C'est la structure financière de l'entreprise qui sera le premier élément de sécurité de ce type de crédit; en cas de besoin, tous les éléments du fonds de roulement (actifs circulants) peuvent servir de garantie spécifique, c'est-à-dire surtout le stock et les créances; le gage sur fonds de commerce fournira une couverture mobile globale sur les créances et la moitié du stock; parfois, une hypothèque ou un mandat d'hypothéquer sera pris par l'établissement de crédit, si les éléments précédents ne sont pas considérés comme suffisants, ou à leur défaut il sera demandé la garantie d'actionnaires ou encore de l'Etat, de la Région ou du Fonds de Garantie.
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CREDITS FINANÇANT LES BESOINS DES PARTICULIERS LE CREDIT HYPOTHECAIRE •
INTRODUCTION
Le crédit hypothécaire, comme son nom l'indique, concerne les crédits qui sont fondés sur le gage immobilier selon la technique séculaire de l'hypothèque qui remonte à l'Ancien Régime. Dans le droit belge, la loi hypothécaire date de 1851. Cette forme de crédit est pratiquée par des organismes spécialisés (caisses hypothécaires et caisses d'épargne) qui dans de nombreux pays prennent une forme mutualiste ou coopérative (building societies, savings & loan associations, Raiffeisenkassen), mais aussi par des compagnies d'assurance et des banques; en Belgique, les I.P.C. ( C.G.E.R., O.C.C.H.) étaient également actives dans ce domaine. Pendant la grande crise des années '30, le crédit hypothécaire a fait l'objet de législations particulières, notamment dans l'optique de la protection des débiteurs, préoccupation miroir de la protection des épargnants. En Belgique, c'était l'arrêté royal n° 225 du 7 janvier 1936, qui visait tous les prêts à intérêt et ouvertures de crédits garantis par une hypothèque, à l'exception des crédits ou des ouvertures de crédit bancaires lorsque la garantie hypothécaire est "accessoire". Cette exception était floue et a suscité certaines interprétations divergentes. La garantie hypothécaire devait porter sur des immeubles, bâtis ou non, situés en Belgique; elle pouvait porter également sur des bateaux, et - depuis 1991 - sur des avions, immatriculés en Belgique. Cet arrêté a subsisté sans grande modification pendant un demi-siècle. Néanmoins, la volatilité des taux d'intérêt qui s'est développée dans les années '70 s'accommodait mal du régime de taux fixes qui semblait se déduire du texte, et le changement du contexte international a fait pressentir une augmentation de la concurrence, en particulier par la perspective du libre établissement des organismes financiers de l’Union Européenne, la reconnaissance mutuelle des produits financiers des états membres et la liberté de circulation des capitaux. Ces facteurs ont suscité des pressions en vue de modifier le régime belge. L'aboutissement en a été la loi du 4 août 1992. Celle-ci ne recouvre pas entièrement les crédits couverts par l'ancien arrêté; elle saisit tous les crédits ou reprises de créances garantis par hypothèque, ou assortis de mandats ou promesses d'hypothèque, portant sur des immeubles (bâtis ou non), accordés aux personnes physiques résidant habituellement en Belgique pour leurs besoins exclusivement privés. Ne sont donc pas repris ni les immeubles à usage professionnel - même partiellement - ni les bateaux ou avions, mais peuvent aussi entrer en considération des immeubles situés à l'étranger. L’arrêté de 1936 continue à régir les anciens contrats conclus sous son empire. •
TECHNIQUE
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On distingue plusieurs types de crédits hypothécaires selon le mode d'affectation des remboursements. crédit par amortissement : Le débiteur rembourse par versements périodiques - constants ou non obligatoires et dont la quote-part en capital (amortissement) s'impute directement sur ce capital. Le solde à couvrir se réduit ainsi progressivement. Il est souvent d'usage de coupler cette opération à la souscription d'une police d'assurance décès de solde restant dû qui viendra donc éteindre celui-ci si l'emprunteur décède avant l'échéance finale. crédit par reconstitution : Au lieu d'imputer sur le capital restant dû les remboursements périodiques y afférents, on les inscrit au crédit d'un compte distinct du compte débiteur. Le compte débiteur se capitalise au taux nominal débiteur jusqu'à l'échéance finale. Les soldes du compte créditeur sont capitalisés à un taux inférieur. A l'échéance finale, on compense les deux comptes. Cette technique aboutit à ce que le taux réel de l'opération soit supérieur au taux débiteur apparent et risque d'induire l'emprunteur en erreur. Pour assurer la bonne information de l'emprunteur, la loi prévoit que les crédits par reconstitution doivent se présenter en deux volets, l'acte constitutif du prêt proprement dit et le contrat adjoint qui décrit avec clarté le mode de reconstitution et le taux actuariel effectif global qui en résulte. La technique de la reconstitution s'emploie également dans le cadre d'une souscription d'une police d'assurance mixte vie-décès, à telle enseigne que le prêt sera remboursé soit à l'échéance du contrat, soit au décès de l'emprunteur si celui-ci pré-décède. crédit par remboursement : Il s'agit du crédit hypothécaire dont les remboursements en capital sont purement volontaires de la part de l'emprunteur à des échéances indéfinies. La loi ne permet au prêteur d'imposer des assurances que pour couvrir la préservation du bien (incendie,...), le solde restant dû ou le cautionnement de l’opération, mais encore l'emprunteur doit-il avoir le libre choix de la compagnie d'assurance (principe de l'interdiction de la vente liée). Les assurances dont question doivent alors faire l'objet d'un contrat dit "annexé". •
PROTECTION DES DEBITEURS
La loi prévoit que les opérateurs doivent obtenir une inscription administrative auprès de l'Office de Contrôle des Assurances (O.C.A.). Quant aux opérations, la loi en précise le déroulement obligatoire : 9 au stade de la publicité générale destinée à attirer le candidat-débiteur, un arrêté royal en définit les caractéristiques pour éviter des mentions abusives; 9 au stade des démarches individualisées, le prêteur doit fournir un prospectus suffisant ainsi qu’un tarif des taux d’intérêt, y compris toutes les réductions et modifications de taux éventuelles et leurs conditions d’octroi afin de permettre au candidat emprunteur de se forger un premier jugement. Les mentions obligatoires du prospectus sont également précisées par arrêté
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royal et, si des frais d’expertise ou de dossier sont exigés à ce stade, le candidat doit remplir et signer une demande écrite sur un formulaire qui mentionne ces frais. En outre, les frais d’expertise ne seront dus que si l’expertise été réalisée et si le demandeur du crédit en a reçu copie. Il en est de même en ce qui concerne les frais de dossier, ils ne sont dus qu’après communication de l’offre écrite par le prêteur. 9 enfin, le prêteur doit sur cette base rédiger une offre écrite contenant toutes les conditions du contrat, c'est-à-dire mentionnant le nom des parties, la nature et le montant de l'opération, les garanties réelles et personnelles, le taux réel auquel elle est conclue, l'ensemble des coûts associés et le mode de remboursement tant en principal qu'en intérêt (adjonction le cas échéant d'un tableau d'amortissement). Cette offre doit, en outre, préciser sa durée de validité. Ce n'est que lorsque ces formalités sont remplies qu'on peut passer à la conclusion définitive, par acte authentique (notarié), structuré le cas échéant en contrat principal, contrat adjoint et contrat annexé, comme on l'a vu. La loi limite les coûts à charge de l'emprunteur : 9 les intérêts : ceux-ci peuvent être fixes pour toute la durée, ou variables (mais pas plus d'une fois par an) en fonction d’un indice de référence autorisé spécifiquement par arrêté royal. La variation doit alors se faire tant à la hausse qu'à la baisse et à l'intérieur d'une fourchette de pourcentages de taux initial à préciser dans l'acte. Enfin, il est interdit au prêteur de réclamer un fractionnement des paiements non signalé dans l'acte, qui résulterait en fait en une augmentation subreptice du taux. 9 les frais : seuls peuvent être portés en compte les frais inhérents à l'opération (droits d'enregistrement, rémunération du notaire, ...), les frais d'expertise, et les frais de dossier. Tous les autres frais sont à supporter par le prêteur dans sa marge d'intérêts (par exemple, la commission d'apport d'un intermédiaire entre prêteur et emprunteur). 9 le capital : il ne peut faire l'objet d'une indexation, sauf pour les prêts stipulés sans intérêt (prêts accordés par des parents, amis ou organismes philanthropiques). En outre, la loi interdit de subordonner l’octroi d’un crédit à la souscription 9 de valeurs mobilières par l'emprunteur (sauf pour les organisations mutualistes constituées sous forme de coopératives : la souscription de parts de coopérateur peut alors accompagner le crédit, mais à concurrence de 2 % maximum de celui-ci); 9 de lettre de change ou billets à ordre; 9 d'autres assurances que celles évoquées plus haut. Le prêteur ne peut non plus imposer des modifications unilatérales des droits et obligations de son débiteur, notamment en matière de remboursement anticipés sauf pour fait extérieur au prêteur (par exemple la disparition du gage par dégradation (incendie,...)). En revanche, l'emprunteur aura la possibilité de rembourser le prêteur à tout moment (moyennant une indemnité plafonnée à 3
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mois d’intérêts pour les prêts régis par la loi du 4 août 1992) en totalité, ou au moins une fois par an pour des fractions qui ne seront pas inférieures à 10 % du montant emprunté. La loi impose d'autre part au prêteur d'avertir le débiteur de retards de paiement de plus de trois mois ainsi que des conséquences de ce retard (penalités éventuelles) ceci pour éviter l'enlisement du débiteur dans une situation inextricable. L'inobservance de cette obligation entraîne pour le prêteur la perte des intérêts afférents à l'échéance tardive et la prolongation automatique gratuite de cette échéance pendant 6 mois. Enfin, le juge peut accorder au débiteur (ou à sa caution) des délais de paiement au cas où sa situation se serait aggravée et peut mettre à charge du prêteur tout ou partie des frais supplémentaires qui résultent de ces reports. •
CENTRALE DES RISQUES
Une Centrale des Risques est instituée auprès de la Banque Nationale de Belgique, selon des modalités fixées par arrêté royal. Il s'agit d'une centrale négative, c'està-dire qui impose aux prêteurs de ne renseigner que les crédits connaissant des défauts de paiement (et non tous les crédits accordés). Après consultation de la Banque Nationale et de la Commission sur la Vie Privée, un arrêté royal fixe les modalités de fonctionnement de la centrale de même que les limitations d'accès aux renseignements qu'elle contient, l'obligation de supprimer les mentions périmées et le droit de l'emprunteur à la rectification d'indications erronées. Retenons qu’en matière de crédit hypothécaire, il y a enregistrement lorsqu’une somme due n’a pas été payée soit 3 mois après son échéance, soit un mois après l’envoi par le prêteur d’un avertissement (lettre recommandée). Lors de l’octroi d’un crédit hypothécaire, le prêteur doit consulter la Centrale dans les deux mois précédent la conclusion du contrat. Cette consultation est néanmoins facultative et cela contrairement au crédit à la consommation. A partir du 1er juin 2003 (loi d’août 2001 et arrêtés royaux d’application), la Centrale des Crédits aux Particuliers deviendra également une Centrale positive. La mise en place de pareille Centrale était réclamée depuis plusieurs années par les milieux de défense des consommateurs et des personnes surendettées. Par l’enregistrement de l’ensemble des contrats en cours, le contrôle permet au dispensateur de crédit, lors de l’examen de la demande d’emprunt, de mieux estimer la solvabilité de l’emprunteur en ayant une information plus complète et fiable sur son niveau d’endettement. La consultation de la Centrale (fichiers positif et négatif) préalablement à l’octroi d’un crédit aura un caractère obligatoire. La responsabilité éventuelle du prêteur s’en trouvera accrue. •
SANCTIONS
En cas de contravention à ses dispositions impératives, la loi prévoit contre le prêteur diverses sanctions civiles (pertes de droits à l'égard du débiteur), administratives (perte de l'inscription) et pénales (amendes, emprisonnement).
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PRINCIPALES AUTRES CARACTERISTIQUES DU CREDIT :
Durée : Le crédit hypothécaire est en principe long et peut facilement atteindre 15 à 20 ans, voire davantage - d'ailleurs la récente loi a étendu à cette fin la durée maximale de validité de l'inscription hypothécaire de 15 à 30 ans. Sortie : Le crédit se remboursera normalement par le cash flow du particulier, à savoir ses revenus professionnels ou mobiliers, un héritage ou une donation, ou encore la revente d'autres actifs (par exemple l'immeuble occupé pendant l'acquisition ou la construction d'un nouveau logement). Instrument : C'est l'acte notarié (la “grosse”) qui forme la base instrumentale du crédit hypothécaire. Celui-ci était classiquement incessible en Belgique, contrairement à d'autres pays qui connaissent le système de la "grosse à ordre" ou l'obligation hypothécaire au porteur (France, Suisse,...). Le système belge requérait donc, lors de chaque transmission d'un crédit, des formalités lourdes rendant onéreuses les opérations de fusion entre organismes hypothécaires et pratiquement impossibles les opérations de titrisation. Aussi la loi du 4 août 1992 s'est spécifiquement adressée par un chapitre spécial à ces préoccupations en vue d'adapter le régime aux nécessités du temps. Coût : Comme dit plus haut, les établissements de crédit hypothécaire ont longtemps pratiqué le système des taux fixes pendant toute la durée du crédit, soit par usage, soit pour des raisons de contrainte légale. La volatilité des taux d'intérêt, surtout à partir de la fin des années 60, a conduit à une volonté de réduire le "mismatching" entre échéances d'actifs et de passifs. Les contraintes de l'ancien arrêté royal belge ont été contournées par l'introduction de techniques de dénonciations périodiques (quinquennales, voire triennales ou même de durée moindre), ceci à moins d'une reconduction de l'opération à un nouveau taux qui conviendrait au prêteur et à l'emprunteur. Ce procédé de révision de taux, controversé en droit belge, est maintenant remplacé par le régime autorisé de taux variables à l'instar de ce qui se pratique à l'étranger, quoique dans des limites plus étroites. Aujourd'hui31, le client a donc un choix entre un taux fixe (à 20 ans), de l'ordre de 6 % qui comporte une prime de risque et est donc onéreux pour l'emprunteur, et un taux variable qui peut s'établir - au départ - à seulement 4,1 % l'an (révision annuelle) moyennant certaines contraintes (domiciliation du salaire par exemple). Entre ces extrêmes, une formule assez répandue est le taux révisable tous les 5 ans qui pour le premier quinquennat se situe aux alentours de 4,9 % l’an.
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décembre 2002, quotité d’intervention faible
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Garantie : Par définition même, il s'agit de l'hypothèque, du mandat ou de la promesse d'hypothéquer; les frais notariaux et les droits d'enregistrement qui peuvent s'y appliquer devront être amortis sur une période suffisamment longue pour les justifier. Pour le surplus, les garanties porteront sur des assurances-décès ou mixtes, ainsi que des polices incendie, dégâts des eaux,... LE CREDIT A LA CONSOMMATION •
INTRODUCTION :
Le terme "crédit à la consommation" regroupe aujourd'hui un ensemble d'opérations qui antérieurement n'étaient pas nécessairement identifiées au financement de biens de consommation et de services. En effet, en définissant le consommateur extensivement comme toute personne physique lorsqu'elle n'agit pas à titre professionnel, la définition réglementaire européenne a saisi, dans certaines limites de montants et certaines conditions de forme, la plupart des opérations privées des particuliers : l'acquisition d'immeubles (à l'exception du crédit hypothécaire) et le placement en valeurs mobilières aussi bien que l'achat de biens meubles (de la voiture au fer à repasser) et de services (comme les voyages, les études ou les réceptions de mariage), ou encore les débits en compte financier résultant d'un paiement quelconque. Le crédit dit à la consommation couvre donc, dans le chef des personnes physiques : 9 les ventes à tempérament : c'est-à-dire tout crédit qui emporte la vente de biens ou la prestation de services, à rembourser par des versements périodiques; 9 les prêts à tempérament : c'est-à-dire tous les autres crédits à rembourser par versements périodiques; 9 le crédit-bail : c'est-à-dire la location d'un bien meuble corporel, dont il est explicitement ou implicitement prévu qu'il peut être acquis à terme par le paiement d'une soulte (généralement faible); 9 l'ouverture de crédit : c'est-à-dire la mise à disposition de fonds ou de moyens de paiement (éventuellement par l'utilisation de cartes), sans plan précis de remboursement, en ce sens que le moment du remboursement est laissé au gré du débiteur (sans préjudice d'une échéance finale) : c'est le cas des crédits de caisse, par exemple. La raison de cette définition extensive du crédit à la consommation tient à l'histoire - variée - des différentes formes sous lesquelles il se présente. La plupart d'entre elles ont connu leur développement dans les pays à niveau de vie élevé. C'est le cas des crédits à tempérament aux USA dès avant la deuxième guerre mondiale, et en Europe après celle-ci, dans la prospérité retrouvée des années 50. Cela explique la genèse de la législation belge de 1957, 1965 et 1970 en cette matière. Les crédits à tempérament ont été pratiqués pour compte propre ou comme intermédiaire (courtier) par des organismes très variés, depuis les établissements de
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crédit classiques jusqu'à des sociétés - très nombreuses et de toutes tailles - dont c'était la principale occupation, voire jusqu'à des officines tenues par des particuliers indépendants, en passant par les entreprises de distribution des biens et services financiers. Accroissant le pouvoir d'achat des populations, les crédits à tempérament exercent un effet stimulant sur la demande des biens et des services. Leur promotion et leur freinage par voie réglementaire ont donc pu être poursuivis en fonction de la conjoncture par les autorités chargées de l'orientation économique. D'autre part, ces crédits s'adressent au public en général, dans l'ensemble mal préparé à en comprendre les aspects parfois fort techniques et sibyllins et, a fortiori, à en négocier les modalités avec des opérateurs plus puissants, animés du désir d'accroître leur chiffre d'affaires parfois de manière très agressive et tentatrice. Ce déséquilibre des forces en présence a conduit à des situations difficilement acceptables : surendettement d'économiquement faibles inaptes à apprécier leur capacité de remboursement et les conséquences d'éventuels défauts de paiement; poursuite draconienne de débiteurs défaillants par des prêteurs cherchant à réduire leurs pertes; impossibilité de recours ultérieur au crédit par des débiteurs fichés comme mauvais payeurs, quelles qu'en soient les circonstances. Le législateur n'est donc pas seulement intervenu pour orienter les aspects conjoncturels de ces opérations, mais aussi, et très énergiquement, pour protéger le consommateur contre les nombreux abus et tentations dont il peut devenir la victime. Les crédits liés à l'usage de cartes ont connu une évolution à la fois plus récente et différente, d'autant que leur utilisation s'appuie sur des techniques de plus en plus sophistiquées (surtout depuis l'avènement de l'informatique télématisée) et donc moins accessibles à un grand nombre d'opérateurs. Ce sont essentiellement les établissements financiers et de grande distribution qui, au cours du dernier quart de siècle, ont répandu l'usage des cartes. De nature variée, il importe de commencer par leur description. Cartes de paiement ou cartes de débit (Mister Cash, Bancontact) : Le phénomène de crédit automatique s'est étendu aux cartes de paiement, délivrées par les établissements financiers à certains de leurs clients titulaires de compte et qui permettent à ceux-ci soit de retirer de l'argent auprès de guichets automatiques ("automated teller machines" = ATM) reliés aux ordinateurs comptables de leurs établissements financiers, soit de faire des paiements à des commerçants dont les points de vente ("points of sale" = POS) sont reliés aux mêmes ordinateurs, et ce dans la limite de la provision (solde créditeur, pouvant s'augmenter de la ligne de crédit éventuellement associée à l'émission de la carte de paiement). Les avantages liés au développement des cartes de paiement sont les suivants : 9 réduction des attentes et des manipulations aux guichets des établissements financiers; 9 possibilité d'accès au compte en dehors des heures d'ouverture au public des établissements financiers.
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9 réduction des coûts élevés tenant aux longs circuits d'encaissement de chèques, surtout si l'on considère le prix de la main d’œuvre; Les difficultés sont les suivantes : 9 si plusieurs systèmes coexistent, ils peuvent être incompatibles entre eux (interconnections impossibles en raison de leur conception et de leurs logiciels différents) (en Belgique, il y a actuellement intégration complète entre des systèmes initialement concurrents (Bancontact, Mister Cash)); 9 l'infrastructure et le fonctionnement coûtent cher; il faut déterminer des critères de répartition des coûts (informatique, télécommunications) entre les établissements financiers membres des réseaux, mais aussi leur répercussion sur les clients et les points de vente, ce qui ne manque pas de soulever des controverses; 9 l'établissement de preuves en cas de mauvais fonctionnement (abus) peut être difficile; 9 la distorsion éventuelle de concurrence entre commerçants : ceux qui sont reliés aux systèmes ont un avantage sur ceux qui ne le sont pas; 9 la difficulté de bien faire entrevoir au bénéficiaire du crédit les conséquences de l'usage qu'il en fait. Cartes de crédit (American Express, Diner's Club, Visa, Mastercard, etc.) : . Elles ne doivent pas être confondues avec les cartes de paiement ou de débit. Elles sont émises par certaines organisations en faveur de personnes qui n'y entretiennent pas de compte courant bancaire. Lorsque le titulaire d'une carte doit faire un paiement, il signe une reconnaissance envers le bénéficiaire de ce paiement; la carte exhibée en même temps assure le bénéficiaire du remboursement de la somme par l'émetteur de la carte (sous déduction d'une commission en faveur de ce dernier); à charge pour l'émetteur de récupérer ensuite la somme auprès du titulaire de la carte. A de telles cartes sont assignées des limites de dépenses mensuelles (par multiples de 1250 €, voire davantage), et, ipso facto, une ligne virtuelle de crédit. Les cartes de crédit et de paiement combinés (Euro Card), Elles sont émises par des établissements bancaires à des titulaires choisis de comptes courants dans leurs livres, et constituent l'aboutissement du processus. Conscients des risques financiers et des conséquences négatives sur leur image que l'usage inconsidéré de cartes pouvaient entraîner pour eux, les établissements promoteurs de ces cartes en Belgique ont, dans les années 80, décidé de se concerter pour s'imposer des règles d'autodiscipline. L'objectif était d'éviter que le débiteur ne succombe à la tentation de s'installer, par facilité ou ignorance, dans une position débitrice chronique auprès de son établissement financier. Cette autoréglementation visait aussi à prévenir l'imposition de contraintes par voie législative qui auraient pu rendre moins commode et plus onéreux le fonctionnement des systèmes de cartes. Néanmoins, des mesures différentes avaient été prises à l'étranger à l'égard de ces opérations et des autres formes de crédit offertes au public. Avec la perspective de l'unification européenne et le développement de transactions transfrontalières, l'Union Européenne s'est saisie de la question, en vue de la création d'un cadre
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général minimum régissant l'ensemble des opérations ayant pour dénominateur commun la mise à la disposition des personnes physiques de fonds ou autres moyens de paiement, assortis de délais de remboursement, à des fins non professionnelles. •
LA REGLEMENTATION
L'évolution décrite plus haut a conduit l'Union Européenne à promulguer sa Recommandation du 17 novembre 1988 et sa Directive du 22 décembre 1986, complétée par celle du 22 février 1990, en matière de crédit à la consommation, dont les dispositions ont dû être incorporées dans les législations des états membres avant le 1er janvier 1993. En septembre 2002, la Commission Européenne a adopté une proposition de nouvelle directive sur le crédit à la consommation. Les nouvelles règles communautaires en cette matière sont étendues aux formes modernes du crédit à la consommation. Les prêts au logement restent exclus du champ d’application de la direction proposée ; ceux-ci ont fait l’objet d’une recommandation récente de la Commission ainsi que d’un code de conduite européen. Les emprunteurs bénéficieront d’une transparence accrue sur les produits (coûts, clauses et conditions) et pourront comparer plus facilement les offres de crédit sur base transfrontalière. Les prêteurs bénéficieront de meilleures possibilités d’évaluer les risques débiteurs, mais seront par contre tenus de s’informer sur leurs clients, avant d’accorder un crédit. Les consommateurs auront également le droit de se rétracter dans un délai de 14 jours, sans frais et sans justification. Les directives actuellement en vigueur visent la vente et le prêt à tempérament, le crédit-bail et les crédits en compte courant liés à l'utilisation de cartes avec certaines extensions aux crédits en compte-courant, même non liés à l'usage d'une carte. Elles laissent de côté diverses opérations : 9 les crédits hypothécaires (régis par d'autres dispositions); 9 les locations de biens non destinés à être vendus à terme au locataire à faible prix résiduel; 9 les crédits sans rémunération ni frais à charge des bénéficiaires (tels que dispensés par des organisations caritatives) ou encore lorsque leur rémunération est inférieure aux conditions du marché et que ces crédits ne sont pas offerts au public (par ex. prêts avantageux accordés par une entreprise aux membres de son personnel); 9 les crédits inférieurs à 200 € ("de minimis non curat praetor"); 9 les crédits supérieurs à 20.000 € (les parties aux transactions importantes sont censées savoir ce qu'elles font sans avoir à être protégées spécialement); 9 les crédits de durée inférieure ou égale à 3 mois; 9 les crédits de durée inférieure ou égale à 12 mois ne comportant pas plus de 4 paiements échelonnés; 9 les crédits conclus par acte authentique (devant notaire ou juge habilité). La protection des consommateurs a été poursuivie selon divers axes à respecter par les législations des états membres :
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9 réglementation des bailleurs de fonds et des intermédiaires (accès à la profession, surveillance et règlement des litiges); 9 information du consommateur, par des dispositions contraignantes en matière de publicité et des mentions obligatoires dans les contrats; ces dispositions portent essentiellement sur les précisions à fournir quant aux : parties à l'acte; paramètres du crédit : montants, plafonds, périodicité des remboursements et intérêts, durée totale, coût global du crédit et toutes ses composantes : intérêts (taux à calculer selon une formule actuarielle imposée), frais, assurance éventuelle, pénalités; garanties éventuelles32 ; délais de réflexion éventuels; modalités de changement éventuel des termes du contrat (taux d'intérêt par exemple, là où c'est légalement autorisé). Il faut remarquer que si, pour les opérations à tempérament, les calculs a priori du taux annuel effectif global sont relativement aisés, il n'en va pas de même pour les crédits en compte-courant : comment déterminer au préalable un taux exact alors qu'il y a des frais fixes et variables à appliquer à des utilisations incertaines quant aux montants et que le taux de l'intérêt est lui-même variable dans le temps ? La directive impose alors une estimation "la plus réaliste possible" ou l'indication de la méthode de calcul; 9 établissement d'un décompte équitable, sans enrichissement injustifié du prêteur, si celui-ci est amené à reprendre le bien financé en cas de défaillance du débiteur et information dès le départ des conditions gouvernant l'éventualité d'une telle reprise; 9 faculté pour le débiteur de se libérer anticipativement de sa dette, avec droit corrélatif à une réduction équitable des charges de celle-ci; 9 faculté pour le débiteur d'opposer au prêteur (ou à son cessionnaire en cas de mobilisation de la créance) les exceptions dont ce débiteur pourrait se prévaloir envers son fournisseur d'origine (malfaçons par exemple) ou vis-àvis du prêteur lui-même; 9 protection du consommateur s'il est recouru à des effets de commerce en représentation de la créance. La directive européenne permet à chaque état membre de rendre plus sévère le dispositif minimum commun s'il le souhaite. La Belgique s'est très largement prévalue de cette faculté en adoptant la loi du 12 juin 1991 modifiée à plusieurs reprises, pour la dernière fois le 10 août 2001 et assortie
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Ces crédits peuvent en effet être assortis de garanties (aval, nantissement de titres, etc.) selon la nature et le montant du crédit ainsi que l'état de fortune, le niveau des revenus et la notoriété des bénéficiaires du crédit ou de leurs garants.
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d'une foule d'arrêtés d'exécution33. Ce dispositif remplace les anciennes lois sur les opérations à tempérament en reprenant d'ailleurs plusieurs de leurs dispositions, tout en les renforçant et en y introduisant de nombreuses et importantes adjonctions. C'est ainsi que la législation belge : 9 étend la notion européenne de crédit à la consommation : en faisant sauter le plafond de 20.000 €, (à l'exception des crédits accordés par acte authentique - assez rares, sauf pour les crédits hypothécaires de toutes façons exclus); en ne liant pas les ouvertures de crédit visées à l'usage d'une carte; en faisant sauter le délai inférieur de 3 mois pour les ouvertures de crédit en compte-courant supérieures à 1.250 euros. Ainsi donc, la toute grande majorité des crédits en compte-courant est saisie par la nouvelle législation. 9 interdit purement et simplement l'usage du billet à ordre et de la traite (de même que le chèque remis "en garantie") - cela réduit la facilité de mobilisation des ventes à tempérament (qui se faisait précédemment par endos des effets créés pour les représenter); 9 ajoute un volet important sur l'obligation du prêteur de s'informer sur les candidats emprunteurs, notamment en imposant la consultation de la Centrale des Risques tenue par la Banque Nationale de Belgique, tout en veillant au respect de la vie privée du débiteur (tentative de conciliation de préoccupations antagonistes); 9 prévoit un cadre draconien de dépistage et de sanctions civiles et pénales pour les manquements des prêteurs, des autres intermédiaires de crédit ainsi que des teneurs de fichiers contenant des données personnelles sur les débiteurs. Quelques éléments de la loi belge doivent être mentionnés ici. L'accès à la profession Les prêteurs pratiquant les crédits à la consommation doivent être agréés par le Ministère des Affaires Economiques. A cette fin, ils introduisent un dossier indiquant qu'ils s'engagent à : 9 maintenir un actif net minimum de 50.000 euros (seuil assez bas qui tient compte des indépendants actifs dans ce domaine), pouvant être augmenté à 5 millions, voire 50 millions selon la nature des activités exercées. 9 tenir une comptabilité 9 transmettre des statistiques et autres renseignements à définir par le Ministère, 33
Un projet de loi modifiant la loi du 16 juin 1991 a été approuvé par la Chambre fin décembre 2002. Le Sénat ne s’est pas encore prononcé sur le texte. Il devrait le faire au plus tard au début du mois de mars 2003. La nouvelle loi entrera en vigueur le 1er janvier 2004.
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9 fournir au Ministère tous renseignements concernant les taux d’intérêt appliqués et les frais éventuels réclamés, y compris les données financières et économiques se rapportant aux opérations effectuées, 9 permettre aux agents du Ministère de prendre connaissance des contrats et documents y afférents, que ces agents jugent nécessaires à l'accomplissement de leur mission. (Les établissements de crédit publics et privés soumis au contrôle de la Commission Bancaire et Financière sont réputés satisfaire à ces critères). Les intermédiaires de crédit34 (et les prêteurs qui cèdent immédiatement leurs contrats à un autre prêteur) doivent demander leur inscription au Ministère des Affaires Economiques. Leur dossier sera plus léger que pour les demandeurs d'agrément. L'agrément ou l'inscription sera refusée ou retirée à certaines catégories de personnes (déclarées en faillite, condamnées pour des infractions à diverses lois économiques, financières et comptables,...). L'approche et l'information des consommateurs Le contenu de la publicité des prêteurs à tempérament est étroitement réglementé (indication obligatoire du taux annuel effectif global ("TAEG") calculé selon la formule officielle ou illustré d'exemples représentatifs, interdiction de parler de "crédit gratuit",...). Le démarchage du consommateur à domicile (même par téléphone) n'est pas permis à moins d'une demande écrite préalable de ce dernier, ni sur les lieux du travail, ni au domicile d'un autre consommateur, ni à l'occasion d'un voyage commercial organisé (sauf si le but en a été clairement indiqué avant le départ). Il est fait obligation au prêteur de s'informer sur l'emprunteur, et corrélativement à l'emprunteur de donner au prêteur les renseignements complets et exacts nécessaires à ce dernier (mais sans pouvoir porter sur les races, religion, opinions politiques ou affiliations syndicales de l'emprunteur). Le prêteur doit donner à l’emprunteur toute information nécessaire sur le contrat de crédit envisagé et doit rechercher le type de crédit le mieux adapté la situation personnelle de celui-ci. Sur base des renseignements communiqués par l’emprunteur, et après consultation de divers fichiers (Centrale des Crédits aux Particuliers de la Banque Nationale de Belgique, Mutuelle d’Information sur le Risque de l’Union Professionnelle du Crédit), le prêteur doit procéder à un examen de solvabilité afin de déterminer si l’emprunteur est à même de rembourser le crédit. Le prêteur doit opposer son refus à l'opération s'il ressort de ces renseignements que l'emprunteur ne pourra vraisemblablement pas faire face à ses obligations. Si le crédit est refusé, les seuls frais facturables au candidat emprunteur sont ceux de la consultation de la centrale officielle de la Banque Nationale.
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Les intermédiaires de crédit comprennent notamment les agents délégués qui agissent exclusivement au nom et pour compte d'un prêteur déterminé et les courtiers qui interviennent habituellement dans le cadre d'activités professionnelles pour faciliter la conclusion de contrats offerts par un ou plusieurs prêteurs.
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Une offre écrite doit être remise gratuitement à l'emprunteur, et restera valable pendant quinze jours, (sauf pour la vente à tempérament et le crédit-bail, ainsi que pour le taux - en cas d'ouverture de crédit). L’offre doit, en outre, être accompagnée d’un tableau d’amortissement (sauf pour les ouvertures de crédit) mentionnant la description de chaque remboursement en capital et en intérêts, ainsi que le solde restant dû après chaque paiement. L'offre - dont la contre signature par le consommateur formera contrat - doit, pour la bonne information du consommateur, comporter les mentions suivantes : 9 identification des intervenants : le prêteur et son n° d'agrément, le débiteur, la caution (le cas échéant), l'intermédiaire (le cas échéant) et son n° d'inscription , 9 le montant, 9 le TAEG ou en cas d'impossibilité des exemples de calcul, 9 les conditions de prélèvement, d'utilisation et de remboursement, 9 le bien financé (le cas échéant), 9 les sûretés éventuelles, 9 la date de consultation du fichier de la Banque Nationale de Belgique, 9 les autres fichiers éventuellement consultés, 9 la faculté éventuelle pour le prêteur de céder le contrat ou de subroger un tiers dans ses droits, 9 la faculté (sauf pour la vente à tempérament et le crédit-bail) accordée obligatoirement à l'emprunteur de renoncer au crédit pendant sept jours après signature du contrat, 9 la durée de validité de l'offre, 9 la mention, en gras,"ne signez jamais un contrat non rempli", à l'endroit de la signature qui devra être précédée de la mention manuscrite "lu et approuvé pour ... euros à crédit", 9 l'interdiction de l'usage d'effets de commerce et de chèques de garantie, 9 l'interdiction d'antidater le contrat par rapport à la remise de l'offre, 9 l'interdiction de la réclamation de frais non convenus spécifiquement, sauf les pénalités prévues en cas d'inexécution, 9 toute autre clause que le Roi pourra ultérieurement imposer à certaines catégories de contrats. Une fois le contrat conclu, l’emprunteur (sauf pour la vente à tempérament et le crédit-bail) dispose d’un délai de réflexion de 7 jours ouvrables, pour renoncer au crédit au moyen d’une lettre recommandée envoyée au prêteur. Ce délai de réflexion est applicable dans deux hypothèses : 9 Lorsque l’offre est signée par l’emprunteur le même jour que celui à dater duquel elle est valable, et
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9 Lorsque la signature du contrat a lieu en présence des deux parties en dehors de l’entreprise du prêteur, de l’intermédiaire (par exemple la signature au domicile du prêteur ou dans le cadre d’un salon). A ces obligations s'en ajoutent d'autres, spécifiques : 9 aux ventes à tempérament : il faut un acompte minimum de 15%. Le Roi peut majorer ce minimum (en fonction de considérations conjoncturelles), la vente n'est parfaite que si l'acompte est payé, la clause éventuelle de réserve de propriété ne pourra trouver à s'appliquer, lorsque 40% du principal a été remboursé, qu'avec l'accord du débiteur ou du Tribunal, les mentions obligatoires de l'offre se complètent du prix au comptant, du prix total à tempérament, du montant de l'acompte, du total des montants échelonnés et des nombre, montant et périodicités des remboursements, du coût total du crédit, de la faculté et des modalités de remboursement anticipé; 9 aux opérations de crédit-bail : les mêmes mentions obligatoires que pour les ventes à tempérament, mutatis mutandis, l'indication du montant nécessaire à lever l'option d'achat ou à transférer la propriété pour éteindre le crédit en fin de bail; 9 aux prêts à tempérament : les mentions obligatoires se complètent par le montant nominal du prêt, le coût total, les nombre, montant et périodicité des paiements, la date du premier remboursement, la faculté de remboursement anticipé, 9 aux ouvertures de crédit : les mentions obligatoires se complètent par l'indication distincte du taux débiteur et des frais éventuels récurrents et non récurrents, la faculté que le prêteur se réserverait de modifier le taux, s'il y a usage d'une carte, les règles applicables en cas de perte, vol ou usage abusif et la quotité du risque éventuellement à charge de l'emprunteur, la faculté de résiliation réciproque moyennant préavis de trois mois, dès que la durée du crédit excède un an ou que le taux varie de plus de 25% par rapport au taux initial. Une fois par mois ainsi que préalablement à tout changement de taux, un relevé de compte doit être envoyé par le prêteur au débiteur mentionnant les sommes prélevées, les paiements effectués et les intérêts et frais dus.
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La limitation des conséquences du contrat pour le consommateur La dénonciation anticipée du crédit par le prêteur disposant de renseignements nouveaux laissant présumer que le débiteur ne pourra remplir ses engagements ne peut être faite qu'avec un préavis de sept jours par lettre recommandée. Les risques liés à l'usage abusif de cartes volées ou perdues ne peuvent être mis à charge du débiteur qu'à concurrence de plafonds (relativement bas) fixés par le Roi, et ce jusqu'à notification du vol ou de la perte; les autres risques d'usage abusif, y compris la contrefaçon, sont à charge de l'émetteur de la carte. Le TAEG maximum doit être fixé tous les six mois au moins par le Ministre de Affaires Economiques (dans le cadre de sa politique conjoncturelle) en fonction du type, du montant et de la durée du crédit35; si le TAEG n'est pas déterminable comme tel (cas des ouvertures de crédit), c'est le taux débiteur maximum et les frais récurrents et non récurrents maximums qui sont fixés. Une faculté de remboursement anticipé est donnée à l'emprunteur, qui sera indemnisé d'au moins 75% des intérêts et frais restant à courir. La cession du contrat, lorsqu'elle a été prévue, ne peut se faire qu'à des organisations financières agréées, avec notification au débiteur cédé par lettre recommandée. L'exigibilité immédiate du solde restant dû ne peut être mise en oeuvre qu'après non paiement d'au moins deux échéances ou 20 % du montant du contrat, et ce un mois au moins après mise en demeure par lettre recommandée restée sans suite. Les contrats liés aux crédits (assurance par exemple) sont interdits à moins que leur coût ne soit compris dans le coût total stipulé au contrat. Les rémunérations des débiteurs mineurs ne peuvent être saisies ou cédées dans le cadre d'un crédit à la consommation, et les travailleurs ne peuvent faire l'objet de mesures disciplinaires de leur employeur en cas de défaillance dans leurs obligations résultant de ce type de crédit. Des facilités de paiement peuvent être accordées par le Tribunal aux débiteurs dont la situation s'est aggravée et tout ou partie du coût supplémentaire en résultant peut être mis à charge du prêteur. Les mêmes facilités peuvent être accordées aux cautions. Autres intervenants éventuels Les cautions éventuelles doivent recevoir copie préalable du contrat, être informées de sa conclusion, de toute modification ultérieure, des retards qui peuvent entraîner l'exigibilité immédiate du solde dû ainsi que des facilités de paiement éventuellement accordées au débiteur. Les cautions ne peuvent être actionnées que dans les mêmes délais que les débiteurs eux-mêmes. Les intermédiaires de crédit doivent informer l'emprunteur de leurs qualité et pouvoirs. Les courtiers doivent communiquer aux prêteurs sollicités toutes les demandes de 35
Actuellement, le TAEG maximum autorisé varie entre 13 % pour les crédits de plus de 10.000,00 €,- ayant une durée de plus de 4 ans, jusqu'à 25,5 % pour les petits crédits de moins de 500,00 €,- ayant une durée de 1 an maximum.
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crédit introduites dans les derniers quinze jours. Les intermédiaires ne peuvent recevoir de rémunération que du prêteur, et encore le paiement de 50 % au moins de cette rémunération doit-il être étalé sur la durée du crédit. Les teneurs des fichiers répertoriant les consommateurs et leurs opérations de crédit sont également étroitement réglementés en vue du respect de la vie privée. Ils ne peuvent traiter des données personnelles que si celles-ci sont pertinentes, appropriées et non excessives pour apprécier la situation de consommateurs. Ces données sont limitées à l'identité du débiteur, le montant et la durée du crédit, la périodicité des paiements et les retards et facilités de paiements éventuels. S'y ajoute, mais seulement au bénéfice du teneur de fichier et du consommateur, l'identification du prêteur (sauf en cas de retard). Le Roi peut autoriser l'inclusion de certaines condamnations pénales si le consommateur en est préalablement informé par écrit. Les teneurs de fichiers et leur mode de fonctionnement doivent être autorisés par le Roi. Les contenus des fichiers ne peuvent être communiqués qu'aux personnes et organismes prêteurs, assureurs et de tutelle prévus; ils ne peuvent servir qu'à octroyer et gérer les crédits et moyens de paiements visés et doivent être effacés lorsque leur conservation n'est plus prescrite ou ne se justifie plus. Les consommateurs sont informés de leur inclusion dans les fichiers dont ils peuvent vérifier la teneur en ce qui les concerne, et faire rectifier ou supprimer les mentions non pertinentes ou inexactes ou dont le délai de conservation est expiré. Un fichier central est tenu par la Banque Nationale de Belgique : il ne concerne actuellement que les débiteurs en défaut de paiement sur leurs contrats de crédit (centrale dite négative). Le Roi pourra après trois ans (1994) imposer d'étendre la centrale à tous les crédits en cours (centrale positive). Ce fichier doit être consulté par tout prêteur avant l'offre, la conclusion ou la modification d'un contrat. A partir du 1er juin 2003, tous les contrats en cours devront être enregistrés ; la centrale deviendra également une centrale positive (voyez supra) Contrôle et sanctions Une Commission de la Protection de la Vie Privée a été instituée comme instance de contrôle du dispositif gouvernant les fichiers de consommateurs; elle pourra être complétée par un Comité de Surveillance dont l'objectif est de faire respecter la loi, de fournir des recommandations, et d'aider à résoudre les litiges, voire de les trancher. D'autre part, les agents de l'inspection du Ministère des Affaires Economiques sont désignés pour rechercher et constater les infractions à la loi sur le crédit à la consommation. Ils ont de larges pouvoirs d'investigation et de perquisition, tant dans les bureaux des prêteurs et des intermédiaires de crédit, qu'à domicile. Ils peuvent consulter et prendre copie des documents et pièces nécessaires à leurs enquêtes. Ils donnent aux contrevenants des avertissements, leur proposent des transactions ou transmettent leur dossier au Parquet. Les sanctions civiles sont lourdes. Pour le prêteur, elles peuvent - selon la nature de l'infraction - comporter l'annulation du contrat, ou la réduction des obligations de l'emprunteur au prix du comptant ou au montant prêté à l'origine (sans charges financières donc) tout en lui
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maintenant le bénéfice du terme. Elles peuvent aussi prévoir le remboursement au débiteur des frais abusivement réclamés ou des paiements faits par lui avant la conclusion d'une vente à tempérament. En plus, le consommateur pourra se voir autorisé à garder les fonds qui lui auraient été prématurément versés par le prêteur (avant la conclusion du contrat de prêt)... Le prêteur pourra aussi voir réduire ou effacer les pénalités ou dommages qu'il réclame à l'emprunteur et que le tribunal estimerait excessifs, les intérêts débités en compte sans information appropriée (ouvertures de crédit), et les intérêts de retard si le prêteur a manqué à ses devoirs d'information, de prudence ou de consultation obligatoire de la centrale des risques. L'emprunteur qui n'a pas fourni des renseignements corrects ou complets au départ pourra de son côté voir le contrat résolu à ses torts. La caution envers qui les formalités prescrites n'ont pas été respectées peut être déchargée de ses obligations. L'intermédiaire de crédit peut se voir privé de sa commission s'il n'a pas fourni les informations prévues au prêteur et que l'emprunteur fait défaut. Le vendeur à tempérament peut se voir obligé d'annuler la vente et de rembourser l'acheteur s'il se prévaut abusivement de la clause de réserve de propriété. Tout ceci sans préjudice de sanctions pénales (prison et/ou amendes) plus ou moins lourdes pour les prêteurs, intermédiaires et teneurs de fichiers en défaut de respecter les multiples dispositions précitées. Conclusions Déjà dans le régime antérieur à 1991, on pouvait se poser la question, en regard de l'arsenal juridique qui le caractérisait, de savoir dans quelle mesure les protections organisées en faveur du débiteur n'étaient pas excessives. En effet, l'emprunteur de mauvaise foi ou tout simplement en difficulté pouvait en tirer parti pour éluder ses obligations. Le coût élevé de récupération des créances sur des débiteurs de ce genre se trouve en fait répercuté statistiquement sur le niveau global des chargements exigés par les prêteurs, rendant les opérations plus onéreuses pour la communauté dans son ensemble. La nouvelle loi a étendu le champ d'application et augmenté la charge administrative, bien au-delà des exigences européennes alors que certaines observations comparées sur les retards de paiements et les défaillances en Belgique tendent à montrer que le surendettement y est relativement bas, quoique plus sensible en période de crise. En définitive, il reste à soumettre à l'épreuve du temps le nouveau régime, fondé au départ sur des considérations humaines très légitimes, mais que certains estiment avoir été exagéré pour des motifs idéologiques, consuméristes, voire électoralistes. A l'heure actuelle, de nouveaux dispositifs sont envisagés pour alléger le fardeau des personnes surendettées : constitution d'"observatoires de crédit" pour monitorer l'environnement du crédit, possibilité pour les défaillants de consulter des personnes compétentes en restructuration de dettes, instauration d'un régime
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de "faillite personnelle" avec remise de dettes à l'instar de ce qui existe dans certains pays étrangers.
ANNEXE A Une bonne façon d'aborder la compréhension du crédit d’acceptation est d'en retracer les trois stades principaux qui l'ont amené à sa forme actuelle.
GENESE DU CREDIT D'ACCEPTATION : Dans la section précédente, il a été question du crédit documentaire par acceptation, où le banquier émet une lettre de crédit en faveur d'un exportateur étranger et s'engage, contre présentation de documents dûment spécifiés, à accepter une traite à un certain délai de date. Par là, le banquier substitue, sur la traite à accepter, sa propre signature (plus connue) à celle de son client importateur. A l'origine c'étaient souvent des marchands notoires qui substituaient leur signature à celle d'importateurs moins connus : ils devenaient ainsi à la fois marchands et banquiers d'où le nom de "merchant bankers"; depuis lors, c'est la fonction bancaire qui a primé, mais la dénomination est restée. L'exportateur dispose donc à ce stade d'une traite acceptée par le banquier de l'importateur; s'il souhaite l'escompter, il peut avoir intérêt à la faire escompter dans le pays de l'importateur car la signature du banquier accepteur y est plus connue ce qui aura au demeurant un impact favorable sur le taux. En fait, c'est le banquier accepteur lui-même qui se chargera de trouver un acquéreur pour cette traite, et qui enverra le net produit de l'escompte à l'exportateur ("négociation de la traite pour compte du tireur"). Sur le marché de Londres, sont ainsi nées les "accepting houses", les maisons de banque qui apposaient leur signature, en tant que tiré, sur les traites (qui du fait de cette signature prennent le nom d'acceptations bancaires), et d'autre part les "discount houses" qui escomptaient ces acceptations (tout comme les traites commerciales ordinaires) en fournissant les fonds qu'elles recueillaient elles-mêmes sur le marché du call-money36 ou encore, en dernier ressort, au moyen de réescompte auprès de la banque centrale. Aujourd'hui, les banques anglaises assurent l'ensemble de ces opérations.
EVOLUTION ULTERIEURE La technique de l'acceptation comme source de financement s'est détachée du crédit documentaire qui lui a donné naissance : en principe elle se bornera à la 36
argent emprunté au jour le jour auprès de professionnels.
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conclusion d'une convention par laquelle un banquier autorisera son client à tirer des traites sur lui, sans qu'il y ait nécessairement livraison de biens et de services à la base du tirage : il s'agira de traites de nature purement financière. Ainsi donc, le client de la banque tire une traite sur son banquier qui l'accepte, et celle-ci devient un instrument à négocier sur le marché monétaire; le banquier met le produit de cette mobilisation à la disposition de son client jusqu'à l'échéance, à laquelle date le client devra lui restituer la somme nécessaire pour que le banquier puisse lui-même faire face à la présentation de l'acceptation par le porteur dans le marché. L'obligation du client de fournir la provision à l'échéance à son banquier résulte de la convention de crédit d'acceptation entre banquier et client, et non d'un recours cambiaire relatif à la traite même : c'est le porteur (et non le banquier tiré) qui peut éventuellement se retourner contre le tireur du fait de la traite (en cas de défaillance du banquier !).
EVOLUTION ULTIME : Après avoir accepté l'effet, et alors même qu'il remet directement le net produit de sa négociation théorique de l'effet à son client, le banquier accepteur conserve l'acceptation bancaire en portefeuille jusqu'à ce qu'il ait lui-même (éventuellement) un besoin de trésorerie : ainsi il prête sa signature et des fonds sur cette même signature, même s'il ne mobilise pas effectivement cette acceptation dans le marché. USAGE : Dans la pratique des choses, les banquiers belges n'accordent de crédit d'acceptation que pour le financement d'opérations de commerce extérieur, tant pour les exportations que pour les importations, et la mention de l'opération commerciale sous-jacente figurera sur l'acceptation. Si une entreprise se livre à de nombreuses opérations du genre de relativement faibles montants, elle pourra, pour réduire les frais administratifs, émettre des acceptations "globales" couvrant des lots identifiables de ces opérations dont les caractéristiques sont similaires. Les acceptations bancaires jouissent en Belgique de la réescomptabilité auprès de la Banque Nationale de Belgique lorsqu'elles financent des exportations, ou encore des importations de produits non trouvables en Belgique. Comme pour les effets commerciaux la mobilisation des acceptations bancaires se faisait précédemment auprès de l'Institut de Réescompte et de Garantie et aujourd’hui directement auprès de la BNB. Cet Institut escomptait les acceptations soit dans le cadre des adjudications de la Banque Nationale (acceptations bancables), soit pour les revendre à des acheteurs institutionnels : autres banques, caisses d'épargne, compagnies d'assurance ... (acceptations bancables et non bancables).
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L'Institut de Réescompte et de Garantie a joué, depuis sa fondation en 1935 et jusqu’à son absorption par la Banque Nationale de Belgique en 1999, le rôle des discount houses anglaises beaucoup plus anciennes. Pour ses opérations pour compte propre, l'I.R.G. se finançait comme les discount houses sur le marché de l'overnight et par réescompte auprès de la Banque Nationale de Belgique. Pour assurer la discrétion des relations commerciales individuelles des banques avec qui il traitait avec, l'I.R.G., en revendant des acceptations d'une banque à une autre, ne s'en dessaisissait pas : il les conservait dans ses caisses pour compte de l'acquéreur en ne lui divulguant que le nom du banquier accepteur et non celui du client tireur de ce dernier (le recours cambiaire de l'acquéreur demeurant cependant intact en cas de défaillance du banquier accepteur). Très en vogue après la guerre 1940-45, le financement du commerce extérieur par acceptation a bénéficié d'encouragements de la Banque Nationale de Belgique, par le biais d'un visa préalable donnant ouverture à un réescompte à taux privilégié. Le système de visa a été abrogé au début des années 1970. DUREE : En matière d'exportation, la durée de l'effet correspond généralement au délai de paiement accordé à l'importateur étranger (si le paiement est reçu par l'exportateur avant l'échéance de l'acceptation, celle-ci doit être retirée auprès de son escompteur, sous peine de voir l'exportateur jouir pendant le temps restant à courir d'un double financement pour une seule opération - avec les tentations que cela provoquerait dans son chef); en matière d'importation, la durée n'excédera pas le délai estimé de stockage et de revente par l'importateur local. COUT : Le coût de l'opération reflète sa dualité d'acceptation et d'escompte : d'une part la signature de l'effet donne droit à une commission d'acceptation (variable selon les pays) généralement de l'ordre de 0,5 % à 1,5 % l'an; d'autre part, il sera prélevé un intérêt d'escompte, qui sera parmi les plus favorables en vigueur sur le marché eu égard à la qualité de la signature du banquier qui est notoire et appréciée sur son propre marché. Les acceptations bancables (certifiées) jouiront en Belgique de taux plus favorables que les autres.
ANNEXE B On peut distinguer trois périodes successives en matière d’aide publique aux crédits d’investissement : 9 1939-1959 9 1959-1970
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9 1970-maintenant Au cours de la première période, plusieurs arrêtés et lois ont été promulgués successivement qui ont tissé une sorte de toile de fond pour les étapes ultérieures : 9 Arrêté No 81 de 1939 (qui n'a d'ailleurs été appliqué qu'après la guerre), prévoyant que la garantie de l'Etat pouvait être accordée pour couvrir la défaillance de bénéficiaires de crédits octroyés pour financer des industries nouvelles, favorisant les grands intérêts de la nation (en matière économique et sociale, ou en matière de défense du territoire). 9 Loi du 7/8/1953 : celle-ci prévoyait non seulement la garantie de l'Etat, mais aussi la réduction d'intérêts pour les crédits donnés par les institutions publiques finançant des investissements qui favorisent l'intérêt économique général. 9 Loi du 1/7/1954 : celle-ci inaugure des allègements fiscaux : déductibilité pendant deux ans de l'amortissement de 30 % de l'investissement réalisé. 9 Lois des 31/5/1955 et 10/5/1957, étendant les avantages fiscaux par l'immunisation de la contribution foncière pendant cinq ans et coordonnant les dispositions antérieures. En résumé, au cours de cette période, le champ d'application de l'intervention s'est élargi à toutes les industries et l'artisanat en général, pour les investissements favorisant la création et la modernisation de leurs installations, par voie de garantie de l'Etat, de la subvention en intérêts, et de l'allègement fiscal. En raison de la récession économique de 1958, une nouvelle phase est inaugurée par l'Etat en 1959, par l'introduction de mesures préconisées par le bureau de programmation, et par la prise en compte de considérations régionales. Il s'agit principalement de la législation suivante : 9 Loi du 24/5/1959 visant surtout le crédit professionnel et à l'artisanat, par lequel est institué un fonds de garantie pour les petites et moyennes entreprises, géré par la CNCP. 9 Loi du 15/7/1959, loi fiscale ayant pour but de détaxer les plus-values des sociétés sur les investissements non seulement immobiliers mais aussi mobiliers : le taux d'imposition est ramené à 50 % du taux normal pour les plus-values réalisées sur la vente d'immeubles ou de titres détenus depuis plus de 5 ans. 9 Lois des 17 et 18/7/1959 : il s'agit respectivement d'une loi nationale et d'une loi régionale (par laquelle ont été créées des zones qui donnent droit à des avantages différenciés). Outre des subsides en intérêt en faveur de celui qui emprunte, on prévoit également une assistance équivalente pour celui qui utilise ses propres fonds, en octroyant une prime en capital, valeur actualisée du subside en intérêt que l'Etat aurait accordé dans le premier cas. L'application des modalités de subvention est assortie de règles complexes pour assurer une certaine uniformité de traitement : c'est ainsi que l'on commencera par ramener le plan d'investissement pour lequel la subvention est accordée, à une durée de financement théorique fictive de 10 ans, remboursable par dix versements égaux. Les modalités de subventionnement
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(durée, taux, quotités) sont appliquées à ce plan fictif et ensuite transposées et actualisées en fonction du plan réel. Une autre nouveauté est l'incitation accordée au financement des prototypes industriels, par des avances qui sont soit remboursables sans intérêt si le prototype débouche sur une application positive, soit non remboursables en cas d'échec. Les facilités en matière fiscale s'élargissent à nouveau : exonération du précompte immobilier, exonération des droits d'enregistrement pour des apports en société, qu'ils soient en nature ou en espèces , faculté d'amortissements accélérés. En troisième lieu, à la fin des années 60, sous l'empire d'une volonté accrue de régionalisation et de planification, de nouvelles dispositions ont été imaginées : 9 la loi du 31/12/1970 abroge la loi régionale de 1959, tout en maintenant en vigueur les arrêtés royaux d'application pris en fonction de cette dernière loi. La loi de 1970 a une orientation plus sectorielle et plus technique : on prévoit différentes catégories d'aides à la fois classiques et nouvelles (toujours d'application aujourd'hui). En résumé, on peut synthétiser ces dispositions comme suit : aide financière : o réduction de taux d'intérêts (de 2 % à 7 % l'an), pendant une période pouvant aller jusqu'à 6 ans, pour les crédits accordés sous forme de billets à ordre, d'obligations et même d'obligations convertibles; o primes de capital, pour les investissements financés par fonds propres; o avances sans intérêt récupérables pour le financement de prototypes technologiques; o garantie de l'Etat et actuellement également des régions (garantie accordée à titre supplétif des autres garanties que peut fournir l'entreprise débitrice); aide fiscale : o exonération de précompte immobilier; o exonération de droits d'enregistrement pour les restructurations de sociétés37; o faculté d'amortissements accélérés; aide commerciale : o octroi par l'Etat de contrats de progrès (engagement de l'Etat à long terme pour l'achat de certains équipements vis-à-vis de certaines industries); o octroi de polices Ducroire dans des conditions d'exception : ce sera le cas pour des opérations de fournitures à l'étranger, là où sinon il n'aurait pas pu se conclure certains marchés.
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Cette exonération a depuis été généralisée : il ne s'agit plus d'une faveur accordée dans le seul cadre d'un crédit à promouvoir
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Depuis lors, la loi du 4/8/1978, dite Loi Anticrise, a organisé de nouvelles aides, semblables à celles prévues dans les lois du 17/7/1959 et 31/12/1970,orientées plus spécifiquement vers les petites et moyennes entreprises (entreprises commerciales et industrielles employant au plus 40 et 50 personnes respectivement). Ces aides spécifiques aux PME prévoient : 9 une diminution temporaire de cotisations à la sécurité sociale; 9 une intervention dans les coûts des prestations d'un secrétariat social; 9 l'octroi de primes d'emploi. En vue d'obtenir les facilités prévues par les pouvoirs publics, les entreprises doivent fournir des indications permettant de composer un dossier : il s'agit en ordre principal de décrire les caractéristiques industrielles et financières de l'entreprise, et de justifier de l'utilité et des répercussions de l'investissement à financer. Les pouvoirs publics donnent leur assistance par priorité aux investissements qui favorisent : 9 9 9 9 9 9 9
le développement économique d'une manière générale; le maintien ou le développement de l'emploi; la rationalisation; l'exportation; l'économie d'énergie; la réduction de la pollution; la construction sociale, éducative ou hospitalière.
A noter qu'il y a des sanctions si les données sur lesquelles le dossier est basé sont inexactes : des justifications doivent être données au moment des prélèvements, et des vérifications sont faites ultérieurement pour contrôler si les objectifs ont été atteints. Si les subsides ne sont pas utilisés pour les usages prévus, ou si certains des objectifs (par exemple le niveau d'emploi) ne sont pas respectés, l'entreprise est exposée à rembourser les subsides obtenu. En définitive, si l'on perçoit clairement les objectifs économiques, sociaux et éventuellement politiques des pouvoirs publics dans l'octroi des avantages précités, ils peuvent coûter fort cher à la collectivité et surtout engendrer des effets secondaires peu heureux : distorsion de concurrence et maintien artificiel de situations difficilement soutenables à plus long terme. Il s'ensuit des difficultés pour des entreprises saines ne bénéficiant pas desdits avantages. ATTITUDE DES POUVOIRS PUBLICS VIS-A-VIS DES ETABLISSEMENTS PUBLICS DE CREDIT (I.P.C.)
Les crédits d’investissement aux entreprises et aux collectivités, ainsi d’ailleurs que d’autres crédits à long terme comme le crédit au logement, ont été longtemps un domaine où la puissance publique a joué un rôle important.
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C’est de la sorte qu’en Belgique sont nés, dans la décennie 1860 - sous un gouvernement résolument libéral - les premiers établissements publics de crédit (et d’épargne). Il s’agit de la C.G.E.R. (Caisse Générale d’Epargne et de Retraite, active dans le financement du logement social) et du C.C.B. (Crédit Communal de Belgique, pourvoyeur de fonds aux provinces et communes). Après la Grande Guerre, d’autres I.P.C. ont vu le jour : la S.N.C.I. (crédit industriel), la C.N.C.P. (crédit aux classes moyennes) et l’I.N.C.A. (Institut National de Crédit Agricole). Enfin l’O.C.C.H. (Office Central du Crédit Hypothécaire) fut créé pour servir de relais aux caisses hypothécaires. La constitution de ces I.P.C. procédait de l’idée qu’il y avait des secteurs (reconstruction industrielle, logement social, épargne populaire, P.M.E., agriculture, ...) à stimuler par les pouvoirs publics, alors que les mécanismes de marché ne permettaient pas de rencontrer les besoins de ces secteurs à des conditions suffisamment attrayantes. Donc, pour que les I.P.C. puissent accorder des concours à des conditions plus favorables, on leur a octroyé des privilèges de fonctionnement, par exemple : 9 économiques : monopoles de fait ou de droit exigence limitée quant au niveau et à la rémunération des fonds propres garantie de l’Etat sur les ressources collectées régime fiscal avantageux (exonération partielle de l’impôt de société) exclusivité de publicité sur les ondes nationales 9 prudentiels contrôle différent du secteur privé Ces I.P.C. subissent aussi certaines contraintes propres (commissaires du gouvernement, cadre linguistique, ...) Si les I.P.C. étaient, à l’origine, créés dans un but spécifique, les plus dynamiques ont progressivement débordé de leur cadre initial et sont devenus de plus en plus semblables aux autres établissements de crédit. A l’occasion, cette tendance a d’ailleurs été sanctionnée par le pouvoir : proclamation de la C.G.E.R. comme “banque publique” en 1978; autorisation donnée à l’O.C.C.H., en 1984, de récolter lui-même des fonds sous forme de carnets de dépôt. Or parallèlement à cette déspécialisation progressive des I.P.C., la même évolution - en sens inverse - se manifesta dans le secteur privé : extension des activités des établissements de crédit privés aux formes antérieurement délaissées de crédit à long terme - d’autant que l’Etat s’était résolu, à partir des années 50, à faire canaliser ses incitants (subventions, fiscalité, garantie) par l’ensemble des intermédiaires financiers qu’ils soient publics ou privés. Enfin, sur le plan européen, des mesures inspirées du principe de la libre concurrence ont de manière plus précise proscrit les aides économiques directes et indirectes au ou par le secteur public.
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Depuis le milieu des années 1980, il résulta de cette évolution une demande du secteur privé que les conditions de fonctionnement soient harmonisées, d’autant que l’ensemble des intermédiaires auraient prochainement (1993) à subir les effets de l’ouverture des marchés financiers aux autres pays de l’Union Européenne. Dans un premier temps, l’Etat se montra hésitant, désirant garder un secteur public fort - d’abord pour des raisons idéologiques (propension à l’intervention dans le cadre d’une politique industrielle publique), ensuite pour des raisons pratiques (le secteur public de crédit pouvait à l’occasion être appelé à financer hors budget certains projets gouvernementaux), et aussi parce que parmi les I.P.C., il y en avait qui craignaient d’être plus vulnérables sans le rempart de leurs privilèges - d’autant que d’aucuns connaissaient déjà des problèmes de résultats (O.C.C.H., I.N.C.A.), de parts de marché (S.N.C.I.) ou de structure (C.N.C.P.). Progressivement, l’Etat procéda à l’harmonisation des conditions entre secteurs public et privé du crédit, tout en souhaitant étudier le regroupement des I.P.C. les plus faibles en deux pôles, autour du C.C.B. (peu empressé) et de la C.G.E.R. que le pouvoir désirait toujours garder à l’abri du capital privé pour la formation de leurs fonds propres. C’est finalement pour des raisons mi-idéologiques et mi-budgétaires que l’Etat a accepté l’ouverture de l’actionariat des I.P.C., à partir de 1995 : 9 par la vente en trois étapes du capital de la C.G.E.R. à un groupe d’assurance belgo-néerlandais; 9 par la cession à la C.G.E.R. de la part de l’Etat dans la S.N.C.I.; 9 par la cession en deux étapes de l’I.N.C.A. à un assureur suisse et une caisse d’épargne belge; 9 par la cession fin 1999 de la CNCP à une banque mutualiste française. 9 par la cession des activités de l'OCCH à une banque hollandaise et une banque d'épargne belge, en 2001. De leur côté, les provinces et communes, jusqu’alors seuls actionnaires du C.C.B., ont depuis 1996 procédé à la mise en bourse d’une partie importante du capital de cette institution, qui entre-temps s’est alliée avec le Crédit Local de France, pour former une nouvelle banque rebaptisée Dexia.
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CHAPITRE 5. AUTRES OPERATIONS ACTIVES AVEC LE SECTEUR PRIVE SOUSCRIPTION D'OBLIGATIONS DE SOCIETES INDUSTRIELLES INTRODUCTION Plutôt que faire des crédits dans les formes décrites dans les chapitres précédents, les intermédiaires financiers peuvent apporter leur concours au secteur privé sous forme de participation à des émissions d'obligations. Ces obligations sont des reconnaissances de dettes, généralement souscrites pour de longues durées (5 à 15 ans, voire davantage). En raison de leur risque plus élevé, les obligations d'entreprises ("corporate") seront émises avec des coupons supérieurs à ceux des fonds d'état, toutes autres caractéristiques étant égales.
TYPES D’OBLIGATIONS CORPORATE Les émissions d'obligations corporate peuvent être de deux types : 9 Emissions publiques, destinées au grand public, et la plupart du temps cotées en bourse. 9 Emissions privées : elles sont destinées essentiellement aux investisseurs institutionnels (compagnies d'assurance, fonds de pension, sociétés financières, etc ...), et ne sont pas en principe destinées à être cotées en Bourse. En Belgique, ce type d'émissions n'est réalisé que par des sociétés de premier ordre ainsi que, parfois, par des sociétés de moindre envergure mais avec lesquelles les investisseurs souscripteurs ont déjà des relations commerciales sur d'autres plans : cas des compagnies d'assurance qui assurent les immeubles, les transports, les accidents de travail ou la pension "groupe" de l'émetteur.
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EXISTENCE D’UN MARCHE SECONDAIRE ? Les obligations corporate posent parfois un problème quant à leur mobilisation : il n'y a pas de marché secondaire38 organisé en Belgique où quelques sociétés de bourse et banques offrent leurs bons offices pour trouver des contreparties à ceux qui souhaitent acheter ou vendre de telles obligations. La situation est différente en Grande-Bretagne, aux U.S.A. ou dans divers pays européens, où les marchés secondaires sont plus importants, ou encore sur les euro-marchés39, où les obligations d'entreprises (euro-bonds) sont cotées sur une place financière (Luxembourg par exemple, où les conditions d'admission à la cote sont moins contraignantes qu'ailleurs). Pour les autres caractéristiques des obligations d'entreprises, nous vous renvoyons aux autres parties du cours qui les traitent.
ACTIONS DE SOCIETES PRESENCE A DES DEGRES DIVERS, SELON LA VOCATION DE L’INTERMEDIAIRE FINANCIER On retrouve des actions de sociétés à l'actif de divers types d'intermédiaires financiers. Les holdings, les fonds communs de placement et sicavs d'actions en détiennent par vocation première. Les investisseurs institutionnels comme les compagnies d'assurances et les fonds de pension en acquièrent souvent à
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Marché primaire : marché sur lequel est placée une émission lors de son lancement. Marché secondaire : marché sur lequel sont négociés les titres déjà émis (bourses officielles de valeurs ou marchés officieux tenus par certains professionnels) 39
Euro-marchés : marchés où se traitent les euro-devises ou les euro-bonds (euro-obligations) (a)
définition d'une euro-devise : il s'agit d'une monnaie dans laquelle est libellé un avoir financier qui est détenu au travers d'un organisme bancaire établi en dehors du pays de la devise en cause : - du dollar US lorsqu'il se rapporte à un dépôt détenu au travers d'une agence bancaire située hors USA (à Londres, à Francfort, à Tokyo,...) - du Yen lorsqu'il se rapporte à un dépôt détenu au travers d'une agence bancaire hors du Japon (en Belgique, en Suisse, aux USA,...)
(b) définition d'un euro-bond : obligation émise par une société et destinée à être souscrite et détenue par un non-résident du pays de la devise dans laquelle est libellée l'obligation, par exemple : - obligations en dollars US émises par Ford International S.A., Luxembourg, mises en souscription auprès de non-résidents américains.
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titre de placements à long terme et on les retrouve également dans le portefeuille d'établissements de crédit, soit à titre de participation (avec association à la gestion), soit à titre de placement (ce que l’on appelle parfois « proprietary trading »), soit encore dans le cadre d'opérations de tenue de marché, pour faciliter l’exécution d’ordres de clients.
REFLEXIONS SUR LE BIEN-FONDE DE LA DETENTION D’ACTIONS POUR LES INTERMEDIAIRES FINANCIERS
Les déboires des années '30 ont amené à une réflexion sur les causes du grand nombre de faillites bancaires, plus particulièrement au vu de leurs répercussions sur les déposants qui n'ont pas pu récupérer les fonds confiés en banque. Les réglementations nombreuses introduites à l'époque se fondent sur des analyses qui ont été menées essentiellement selon deux axes principaux : ADEQUATION DES REMPLOIS PAR RAPPORT AUX RESSOURCES ? Premièrement, on s'est interrogé sur l'adéquation des remplois par rapport aux ressources, au vu du type de transformation financière réalisé par l'intermédiaire financier. On a mis en exergue le principe que l'investissement en capital à risque ne peut être financé que par des capitaux permanents, alors que la contrepartie normale du dépôt à court terme doit être le crédit commercial ou le placement en actifs d'une liquidité suffisante et d'un risque acceptable. De plus, on peut mettre en doute la pertinence de l’investissement par des sociétés, même des banques, en action d’autres sociétés. Leurs capitaux permanents devraient avoir d’autres usages, et surtout être à l’abri des fluctuations de marché. CONFLITS D’INTERETS POTENTIELS ? Le deuxième axe concerne les conflits d'intérêt potentiels : la possession d'actions dans des sociétés industrielles ou commerciales peut, en cas de difficultés de ces sociétés, susciter chez l'actionnaire banquier la tentation de sauver sa mise par l'octroi de crédits inconsidérés au moyen des dépôts à sa disposition. De plus, il pourrait utiliser ces divers financements pour défendre des intérêts particuliers et pour justifier à cette fin sa participation aux organes de contrôle des sociétés détenues en portefeuille, sans même parler de l'intérêt économique propre pour les dirigeants de la banque(tantièmes) à détenir des mandats d'administrateur.
ADOPTION DE DIFFERENTS PRINCIPES Ces réflexions ont conduit à l'adoption de divers principes : spécialisation, autonomie, transparence, compétence/honorabilité, contrôle, dont la mise en application devait empêcher la récurrence des déboires bancaires généralisés vécus au cours de la grande crise. Pour ce qui concerne la détention d'actions, ce sont les principes de spécialisation et d'autonomie qui sont particulièrement pertinents :
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SPECIALISATION Ce principe n'était pas neuf, puisqu'il s'appliquait déjà de longue date à diverses catégories de professions chargées exclusivement de certaines opérations à caractère financier comme les agents de change et les notaires, à qui on a octroyé un monopole et pour lesquelles existent des règles particulières d'accès à la profession. Dans cette optique, de nombreux pays ont décidé d’octroyer l’exclusivité du recueil des dépôts à court terme (2 ans maximum) aux “banques commerciales” et aux caisses d’épargne. Entre autres contreparties à ce monopole, ces banques n’étaient plus autorisées, à des degrés divers, à s’occuper des opérations sur actions, ou à en détenir en propre (abrogation de la “banque mixte”). C’est notamment le cas des USA (Glass Steagall Act de 1933), et de la Belgique (Arrêté Royal n° 2 de 1934)40. L'arrêté royal n° 185 de 1935 précise l'arrêté royal n° 2 de 1934 en énonçant certaines exceptions au principe de l'interdiction de la détention d'actions par les banques. 9 une exception de bon sens : l'autorisation de détenir des actions de filiales spécialisées dans le prolongement d'activités bancaires (filiales bancaires à l'étranger, sociétés de leasing, de factoring, de gestion de fonds communs de placement) ; 9 une exception pour des actions non destinées à rester en portefeuille : participation des banques à des syndicats d'émissions d'actions, en vue de leur replacement dans le marché (la Belgique s'est montrée sur ce point plus souple que les Etats-Unis où les banques commerciales furent exclues de cette activité); 9 une exception visant la situation spéciale de la faillite d'un débiteur : les banques peuvent accepter que leurs créances soient remboursées sous forme d'actions dont le client failli était propriétaire. AUTONOMIE La législation de 1934 et 1935 visait à établir une stricte autonomie de gestion des banques par rapport à des sociétés financières ou industrielles qui en étaient actionnaires, afin d’éviter les confusions d’intérêt. (l'arrêté n° 185 de 1935 a aussi introduit une incompatibilité entre la détention d'un siège d'administrateur auprès d'établissements de crédit d'une part et de sociétés industrielles et commerciales d'autre part. Ici aussi, certaines exceptions furent admises; notamment pour les banques constituées sous forme de sociétés de personnes, ou pour l'un ou l'autre mandat exercé par un banquier dans des sociétés purement familiales).
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A remarquer que certains pays (dont l’Allemagne et d’autres pays germaniques, ainsi que le Japon) n’ont pas prohibé la détention d’actions par leurs banques.
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La Commission Bancaire a ensuite renforcé le principe de l'indépendance par l'imposition d'un protocole sur l'autonomie de la gestion bancaire aux grandes banques d'abord, et au restant du secteur bancaire ensuite à travers la loi "Mammouth" du 30 juin 1975. Dans ce régime d'autonomie renforcée, le Conseil d'Administration des banques a été scindé en deux parties. D'une part, certains administrateurs, banquiers de plein exercice, assurent la gestion courante et constituent entre eux le comité de direction, décidant en collège. D'autre part, des administrateurs liés aux actionnaires ou des indépendants choisis pour leurs compétences, qui ne participent pas à la gestion courante de la banque, complètent le conseil d'administration de celle-ci; il n'entre dans leurs attributions que les éléments de politique générale et de haute surveillance de la banque.
UN ASSOUPLISSEMENT … Dans la même loi du 30 juin 1975, le législateur assouplit sa position en matière de détention d'actions par les banques. En fait, certaines sociétés industrielles belges qui étaient en proie à des difficultés, avaient de la peine à trouver des capitaux frais ou à assainir autrement leurs bilans, par exemple par la conversion de créances en capital. Alors que l'Etat souhaitait favoriser leur reconversion, les banques se retranchaient derrière l'interdiction de détenir des actions pour refuser l'invitation qui leur était faite de consolider leurs créances en capital de ces sociétés en difficulté. De nombreuses banques ont donc vu dans l'assouplissement de la loi les prémices d'un éventuel dirigisme destiné à renflouer les canards boiteux soutenus pour des motifs socio-politiques. Elles ont donc freiné la promulgation de l'arrêté d'exécution prévu dans la loi.
ET ENSUITE UN REVIREMENT Dans les années '80, un revirement s'est amorcé au plan mondial en matière de détention d'actions par les banques. D'une part, on estimait pouvoir se fonder sur la théorie qu'un portefeuille d'actions convenablement diversifié peut ne pas être plus risqué qu'un portefeuille d'obligations. D'autre part, l'opinion politique a penché pour un retour aux mécanismes du marché, dans un but d'efficience globale, entraînant dérégulation et déspécialisation, tant aux U.S.A. qu'en Europe. Aux U.S.A., des atténuations ont été apportées au Glass Steagall Act qui a finalement été abrogé fin 1999. En Union Européenne, les directives bancaires prises en vue de l'établissement du grand marché intérieur des services ont consacré le principe de la banque mixte qui avait été maintenu en vigueur dans une partie importante de son territoire. Ces directives permettent donc aux pays membres d'autoriser leurs banques à détenir des actions de sociétés non financières mais en y apportant néanmoins certaines limites : la détention de "participations qualifiées" (c'est-à-dire de possession de blocs de plus de 10 % dans le capital d'une société déterminée) se voit limitée à 15 % des fonds propres de la banque pour chaque
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participation qualifiée prise individuellement et à 60 % pour l'ensemble des participations qualifiées - pour le reste les actions sont mises sur le même pied que les crédits au secteur privé. Devant cette évolution et la perspective d'une concurrence d'autres banques de l'Union Européenne pouvant offrir à des sociétés clientes de prendre part à leur capital, les banques belges ont, à partir de 1987, changé d'attitude et demandé aux autorités une relaxation des contraintes en matière de détention d'actions. Ceci a conduit d'abord à la promulgation en mai 1990 de l'arrêté d'exécution en attente depuis 15 ans : autorisation de détenir des actions (à concurrence de 35 % des fonds propres seulement) mais maintien de l'interdiction d’en faire des participations et de s'immiscer dans la gestion des sociétés dont des actions étaient détenues. Par la loi du 22 mars 1993, une révision beaucoup plus fondamentale a été apportée puisque le principe de telles participations et de détention de mandats d'administrateurs est maintenant admis, et a permis un rapprochement progressif des normes belges aux normes européennes. L’étendue de la baise des cours de bourse en 2001-2002, et les pertes encourues par de nombreuses banques européennes sur leurs portefeuilles d’action en ont amené plus d’un à regretter que les interdictions anciennes aient été levées.
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CHAPITRE 6. OPERATIONS DE FINANCEMENT DU SECTEUR PUBLIC On peut classer les opérations de financement du secteur public (mise à disposition de ressources aux pouvoirs publics) selon divers critères.
LES EMETTEURS On distinguera :
AU NIVEAU NATIONAL : 9 le pouvoir public fédéral (l'Etat) et les Communautés; 9 les pouvoirs publics subordonnés (régions, provinces, communes); 9 les établissements para-étatiques ayant (ou non) la garantie de l'Etat pour toutes ou une partie seulement de leurs opérations;
AU NIVEAU ETRANGER : 9 les pouvoirs supra-nationaux (Union Européenne, ...) et les agences intergouvernementales spécialisées (Banque Européenne d'Investissement, CECA, Banque Mondiale, ...); 9 les pouvoirs nationaux et ceux qui leur sont subordonnés (états, provinces, cantons, municipalités), ainsi que leurs agences et les para-étatiques garantis ou non par eux.
LES FORMES DE FINANCEMENT Ces financements peuvent prendre la forme : 9 d'obligations destinées à l’ensemble des investisseurs. En Belgique on parle d’OLO (obligations linéaires obligaties), en France d’OAT (obligations assimilables du trésor), en Allemagne de Bunds, aux Etats-Unis de Treasuries, …
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9 de certificats de trésorerie, dont le terme va jusqu'à 1 an ("treasury bills"); 9 de "bons du trésor" ou bons d’Etat émis de façon spécifique, comme l’emprunt dit « de crise » émis en Belgique en 1981, assorti d’avantages fiscaux, ou encore en France l'Emprunt "Balladur" de juin 1993, préfinançant certaines privatisations et conférant à leur titulaire des droits de souscription préférentiels dans les sociétés à privatiser. En Belgique, des bons d’Etat réservés aux particuliers et assortis de conditions fiscales restrictives sont émis périodiquement.
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CHAPITRE 7. CRITERES D’APPRECIATION DU PLACEMENT OBLIGATAIRE
Nous étudions ici la politique d’amortissement suivie par les intermédiaires financiers41.
INTRODUCTION Les emprunts non mobilisables (sans marché secondaire organisé) seront considérés avec moins de faveur par les intermédiaires financiers, même si le rendement des titres non cotés est supérieur, précisément pour compenser la moindre liquidité. La politique d'amortissement comptable est importante. Il s’agit de déterminer dans quelle mesure il faut acter au bilan la réduction de valeur en cas de moins-values du portefeuille. Pour illustrer : soit une obligation achetée à 100, donnant au moment de l'acquisition un intérêt de 5 % ; supposons en outre que les taux exigés par le marché pour des obligations de même échéance soient entre-temps passés à 7 %, et que le cours actuel de l'obligation acquise soit donc descendu à, mettons, 90; faut-il ou non acter dans les comptes tout ou partie de la moins-value de 100 - 90 = 10 ? Les politiques d'amortissement ont varié selon la nature des intermédiaires financiers en cause.
LA POLITIQUE TRADITIONNELLE D’AMORTISSEMENT C'est ainsi que les compagnies d'assurance ne font pas nécessairement d'amortissement sur les obligations qu'elles détiennent en portefeuille. L'argument qui sous-tend cette attitude est que les titres d'emprunts sont la contrepartie de réserves mathématiques ou techniques42 et non de dettes exigibles à court terme.
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Pour l’étude des autres aspects liés aux obligations, nous renvoyons le lecteur à la partie du cours consacrée aux marchés financiers. 42
Provisions au bilan de ces compagnies représentant leurs engagements envers les assurés calculés actuariellement ou statistiquement - en moyenne à très long terme.
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En fait, les compagnies d'assurance (et les fonds de pension) font de la "transformation d'échéance négative" en ce sens que l'échéance moyenne de leurs placements est plus rapprochée que celle de leurs engagements. En ce qui concerne les banques, le portefeuille de obligations est, en très grande partie, la contrepartie de dépôts, que les déposants peuvent retirer à vue ou à relativement brève échéance, et dont le coût est sensible à des variations de taux d'intérêt. Ils peuvent aussi être la contrepartie d'obligations ou bons de caisse à long terme émis par la Banque, dont le coût est alors plus stable. Néanmoins, une totale orthodoxie commanderait d'amortir la totalité du portefeuille, d'autant que : 9 si la banque n'amortit pas ses moins-values, le rendement sur fonds d’état en portefeuille reste inchangé, puisque leur valeur d’inventaire est inchangée - or dans un contexte ambiant de hausse des taux du marché, le coût des ressources de la banque pourrait augmenter ; il y a donc économie de réduction de valeur instantanée mais perte de rendement pour l’avenir. Cela ne sera évidemment pas le cas si la banque réduit la valeur d’inventaire des fonds d’état, augmentant ipso facto leur rendement futur ; 9 si la banque n'amortit pas régulièrement son portefeuille après des hausses de taux, et que les taux continuent à monter, une correction éventuelle de la situation sera de plus en plus pénible à enregistrer, puisqu'il faudrait alors accumuler les redressements afférents à plusieurs exercices; 9 si la banque n'a pas amorti son portefeuille, et qu'elle peut réaliser un arbitrage économiquement intéressant sur base des différences de rendement réel entre deux titres d'emprunt, la perte comptable qu'elle pourrait devoir enregistrer en vendant ses titres non amortis pourrait être dissuasive malgré les gains économiques réels que l'arbitrage aurait générés. La conclusion que l'on peut tirer de ce qui précède est que l'amortissement du portefeuille de fonds publics est de bonne gestion. Toutefois, la réalité économique (hausse tendancielle des taux d'intérêts de 1969 à 1981 et de 1989 à 1994) a conduit les banques belges à déroger à la politique d'amortissement sur une partie de ces titres; en effet, les amortissements qu'elles auraient dû appliquer si elles avaient choisi une politique d'amortissement intégral pouvaient être à ce point importants par rapport au bénéfice d'exploitation, qu'ils auraient entraîné l'affichage - jugé inopportun - d'une chute de rentabilité, ou même d'une perte globale. Les banques ont craint qu'en laissant apparaître cette faible rentabilité voire ces pertes à leur bilan, cela aurait pu leur causer un préjudice par la méfiance que cellesci auraient provoquée auprès de leurs clients. Cela explique l'abandon au cours des années 70 par presque toutes les banques belges d'une politique d'amortissement intégral. Devant cette situation, la Commission Bancaire et Financière a statué par analogie avec ce qui a été dit plus haut pour les compagnies d'assurance : elle a donné aux banques la faculté de scinder en deux le portefeuille de fonds d'Etat, laissant à la direction des banques le soin de distinguer entre d'une part le portefeuille de placement (stable à long terme, qui ne risque pas de devoir être mobilisé sauf circonstances exceptionnelles), et le portefeuille de liquidité (servant à une gestion plus dynamique de trésorerie). Dans un premier stade, la Commission
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Bancaire et Financière n'a imposé d'amortir que cette deuxième partie du portefeuille (portefeuille de liquidité). Le portefeuille de liquidité doit être constamment réévalué (à la hausse comme à la baisse) au cours du marché ("marked to market"). En revanche, le portefeuille de placement peut être réévalué que de manière actuarielle (quasi linéaire), pour résorber progressivement la différence entre le prix d'achat et le montant à encaisser à l'échéance. En raison des différences de politiques d'amortissement entre établissements, et malgré les indications fournies dans les notes et commentaires des rapports et des bilans de banques, il était souvent difficile à leur lecteur de porter un jugement sur les rentabilités réelles de ces banques, encore plus de les comparer entre elles. Une question particulière se pose sur le point de savoir comment on doit évaluer les titres non cotés : n'ayant pas la référence extérieure objective d'un cours de bourse, comment porter un jugement sur la valeur d'inventaire de ces titres; le cas échéant, doit-on pratiquer des réductions de valeur ? En fait, on peut parfaitement calculer une valeur théorique pour les obligations non cotées, en procédant par analogie avec des titres de même qualité, de même échéance et de même intérêt nominal mais qui sont cotés. Même s'il n'existe pas de titres parfaitement comparables dans le marché, la variété des instruments qui sont cotés permet de cerner la valeur des titres d'emprunts non cotés avec suffisamment de précision. Cette manière d'aborder le problème est tout à fait admise par le fisc pour autant que l'on justifie convenablement les références prises pour cette valorisation. REMARQUE
Pour ce qui concerne la politique d'amortissement, la législation fiscale prévoit que, lorsqu'on amortit des titres (en réduisant la base taxable à due concurrence) et que par la suite leur cours se redresse, on est obligé de calculer un "désamortissement" sur ces titres, c'est-à-dire de déterminer les plus-values par rapport à la valeur amortie (jusqu'à rattraper le prix d'achat), même si ces plusvalues n'ont pas été effectivement réalisées : l'impôt sur ces "désamortissements" sera dû.
LES REGLES FUTURES Les règles comptables dites IAS imposeront bientôt une réévaluation régulière de tous les actifs, y compris les obligations et actions détenues comme placement à long terme. Les marchés le demandent déjà, ainsi que les règles comptables ou les règles prudentielles dans divers pays. La Belgique est encore assez frileuse à cet égard, mais devra suivre le mouvement.
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CHAPITRE 8. OPERATIONS A L'EGARD D'AUTRES INTERMEDIAIRES FINANCIERS PROFESSIONNELS
Dans leur gestion d'actifs, les intermédiaires financiers font des opérations entre eux. On peut distinguer, encore que cette distinction soit ténue, entre :
LES OPERATIONS DE MARCHE INTERBANCAIRE Il s'agit d'avances consenties à des professionnels pour le financement de leurs opérations; ce sont pour la plupart des opérations à terme fixe (1 jour à 12 mois), traitées sur le marché (au téléphone ou sur écran). Les taux sont souvent fixés autour d'un taux pivot, le taux offert lui étant supérieur de 1/16 % et le taux demandé inférieur de 1/16 %. Le taux offert entre banques s'appelle, comme déjà dit précédemment le "LIBOR" (London InterBank Offered Rate) et par analogie le ZIBOR (Zürich), le EURIBOR (Euro) (Bruxelles), etc ... Le taux demandé s'appelle "LIBID" (pour "bid rate"), et le taux pivot ou moyen "LIMEAN" (pour "mean rate"). Ces avances entre professionnels sont parfois accordées dans le cadre d'arrangements négociés bilatéralement pour de longues durées, appelés crédits stand-by, dont l'échéance est parfois éloignée de plusieurs années. Les avances entre professionnels peuvent éventuellement se faire sur base d'actifs remis en garantie (nantissements de titres, d'effets de commerce, ou de contrats de ventes à tempérament), lorsqu'il ne s'agit tout simplement pas de la mobilisation pure et simple de ces actifs (réescompte, prise en pension communément appelée repurchase agreement ou « repo »). Ces avances sont en principe traitées à deux jours (ouvrables) de délai.
LES OPERATIONS DE TRESORERIE Ce ne sont plus des opérations de crédit à proprement parler des intermédiaires financiers, mais plutôt des éléments de gestion de leurs liquidités immédiates. On parle ici d’opérations de « call money », ou de dépôts « overnight », pour des
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dépôts du jour au lendemain, ou de dépôts « tom/next » (tomorow-next day) sur des dépôts du lendemain au surlendemain.
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CHAPITRE 9. LES ENCAISSES Les intermédiaires financiers gardent une certaine encaisse en monnaie (encaisse billets) dont l'importance est minime par rapport à l'actif total. Cette encaisse a pour but la satisfaction des besoins de liquidités, en monnaie locale ou en devises étrangères, de la clientèle et il importe que les intermédiaires financiers puissent faire face aux désirs de retraits de leur clientèle en espèces. Comme leurs encaisses sont stériles (c'est-à-dire qu'elles ne rapportent pas d'intérêts à leur détenteur), et exposées à des détournements et agressions, les intermédiaires financiers réduisent leur importance autant que possible, contribuant par-là à la tendance perceptible auprès de tous les agents économiques de se rapprocher d'une "cashless society". D'une manière générale, le rôle du billet se réduit, vu le développement de la monnaie scripturale favorisé par les banques et renforcé par l'extension des moyens de paiement électroniques. Aussi en 1988 la Banque Nationale, émettrice des billets en Belgique, a-t-elle jugé nécessaire de requérir des moyens élargis d'intervention pour pouvoir continuer à assumer son rôle monétaire par rapport aux banques.
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LES OPERATIONS PASSIVES DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS
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REMARQUE LIMINAIRE Les opérations passives des intermédiaires financiers sont celles par lesquelles ils récoltent, auprès de leurs bailleurs de fonds, les ressources nécessaires au financement de leurs opérations actives. Parmi les bailleurs de fonds, il importe de distinguer entre les bailleurs de fonds non professionnels (qu'ils appartiennent au secteur privé ou public) et les intermédiaires financiers professionnels, ces derniers constituant entre eux divers marchés particuliers. Il en est ainsi du marché interbancaire et du marché du call réservés traditionnellement aux banquiers; à noter, dans le cadre de la tendance à la déspécialisation, l'élargissement ou les tentatives d'élargissement de certains de ces marchés (par exemple aux sociétés de bourse, aux compagnies d'assurance voire même aux non professionnels). A remarquer qu'entre professionnels, les opérations passives des uns correspondent aux opérations actives des autres et on se reportera pour celles-ci au chapitre précédent.
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CHAPITRE 10. LES DIFFERENTS INSTRUMENTS DE COLLECTES DE RESSOURCES DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS
LES DEPOTS DEPOTS EN COMPTE COURANT A VUE RAPPEL : CONVENTION DE COMPTE COURANT Une convention de compte courant est celle par laquelle deux parties qui sont destinées à posséder l'une à l'égard de l'autre des créances et des dettes réciproques conviennent de les inscrire au fur et à mesure de leur genèse en un compte unique et de n'en exiger que le solde à une date fixée de commun accord. Remarquons aussi qu’il n'est pas nécessaire qu'une des parties d'un compte courant soit un intermédiaire financier. Un fournisseur et son client commercial établissent souvent entre eux des accords de compte courant. Une société et certains de ses actionnaires ou administrateurs y ont aussi recours, de façon parfois entachée d’ailleurs d’indélicatesses ou même d’illégalité. CARACTERISTIQUE DU DEPOT A VUE Le dépôt de fonds en compte courant "à vue" auprès d'un intermédiaire financier est l'instrument de gestion de trésorerie des ménages et des entreprises par excellence : chaque recette y est immédiatement disponible pour de nouvelles dépenses, le solde étant prélevable à tout moment, sans délai. Le dépôt à vue est donc assimilé à de la monnaie dans le sens le plus strict.
DEPOTS EN COMPTE A TERME Contrairement au déposant en compte à vue, le déposant à terme ne peut disposer du solde du compte qu'à l'échéance convenue (à moins que le banquier compatissant ne permette un retrait anticipé - moyennant une indemnité de dédit toutefois). En contrepartie de ce gel de fonds, le taux d’intérêt accordé est supérieur à celui des dépôts en compte à vue. Le terme ou échéance du compte peut être fixe ou mobile (à préavis).
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COMPTES A TERME FIXE Pour le compte à terme fixe, l'échéance est définie dès la date du dépôt. Le terme le plus court est 1 jour. En Belgique, pour les ménages et pour les entreprises qui ne sont pas intermédiaires financiers, le terme le plus court est normalement de 15 jours; des termes inférieurs sont parfois consentis sous la pression de la concurrence : ainsi, pour certains déposants très importants, le délai minimum a été ramené à 7 jours, voire moins. A l'autre bout de l'échelle, le terme maximum rencontré dans la pratique pour les dépôts en compte n'excède guère deux ans, sauf cas spéciaux - on préfère alors la formule des obligations et bons de caisse. COMPTES A PREAVIS Pour les comptes à préavis, l'échéance est définie à partir du moment où le déposant aura notifié au dépositaire un préavis d'une durée convenue lors de la constitution du dépôt (le plus souvent, préavis de 48 heures - en principe réservé aux professionnels -, 15 jours, 1, 3 ou 6 mois); cette catégorie de dépôts est tombée en désuétude.
COMPTES RUBRIQUES Certaines professions sont amenées à recevoir et même à détenir temporairement des fonds pour compte de tiers : c'est le cas des notaires et des avocats. Ces dépositaires sont des clients désirables pour les intermédiaires financiers, qui y trouvent des masses de dépôts unitaires intéressantes. Des comptes spéciaux ont été imaginés pour attirer les titulaires de ces professions. En Belgique, ces comptes sont tenus par "rubriques", c'est-à-dire que sous un libellé au nom du notaire ou de l'avocat, des sous-comptes sont ouverts par "affaire". Ces sous-comptes bénéficient de régimes spéciaux de termes et de rémunérations. Pour éviter que le notaire ou l'avocat n'intègre ses propres fonds dans les montants bénéficiant du régime spécial, les sous-comptes rubriqués doivent être bien identifiés. Le bénéficiaire des taux spéciaux accordés est en principe le propriétaire réel des fonds chez le notaire; en ce qui concerne les avocats, il existe une convention entre banques et l'Ordre des Avocats aux termes de laquelle la rémunération spéciale est versée à un fonds de secours pour les avocats dans le besoin.
FIXATION DES TAUX DES COMPTES DE DEPOTS Une série de facteurs influencent le taux des comptes de dépôt :
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LE TERME Le terme convenu influe directement sur la rémunération. En principe, plus le terme est éloigné, plus la rémunération est élevée, puisque le déposant consent un sacrifice plus grand et court, en théorie, un risque plus important. L'OFFRE ET LA DEMANDE Le principe d’une rémunération plus élevée pour un terme plus élevé peut cependant être déjoué par la loi de l'offre et de la demande influencée par les anticipations des agents économiques et il arrive couramment que les taux des termes les plus courts soient plus élevés que les taux des termes plus éloignés (inversion de la "yield curve". LE MONTANT DES DEPOTS La rémunération sera aussi fonction des montants des dépôts : en principe, plus le montant est important (du moins à partir d'un certain seuil), plus le taux aura tendance à se rapprocher du taux "demandé" du marché interbancaire (bid rate). LA DEVISE Enfin, la rémunération dépendra de la devise du dépôt, puisque les taux dépendent de la situation propre des pays émetteurs de monnaie. REGULATION La liberté pour les parties de fixer leur taux sur dépôts - qui était la règle avant les années 30 - a connu des évolutions divergentes selon les pays et dans le temps. Après que des banques eurent connu de grosses difficultés au cours de la grande crise, de nombreux pays ont légiféré pour mettre les déposants à l'abri de problèmes de remboursement par les établissements dépositaires, désastreux dans leurs effets sociaux. Parmi ces mesures, retenons ici l'attribution de l'exclusivité de la prise de dépôts à certaines catégories d'institutions, et la limitation des niveaux de rémunération que ces établissements pouvaient allouer à leurs déposants. Les plafonds fixés aux taux ont varié au cours du temps, en fonction des impératifs de la politique économique, mais toujours bien en dessous des taux du marché monétaire pour des termes équivalents : de cette manière, on assurait une marge de rentabilité - une rente de situation en somme - au secteur bancaire, ce qui réduisait sa vulnérabilité aux accidents tout en émoussant son dynamisme concurrentiel.
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Aux Etats-Unis, les plafonds imposés d'autorité aux taux alloués aux dépôts bancaires le furent en vertu de la "Régulation Q", prise en vertu du Banking Act de 1933, qui succédait à des règlements anciens sur l’interdiction de l’usure. En Belgique, les taux ont été fixés par concertation cartellaire du secteur bancaire au sein de l'Association Belge des Banques (ABB), créée en 1936 comme instrument de dialogue avec les autorités, en particulier pour la détermination des taux d'intérêts créditeurs sur dépôts (TIC). Dans les années d'après guerre, cette situation a évolué, notamment sous la pression de la concurrence, surtout lorsque les taux du marché avaient tendance à s'élever, et que la disparité entre ces taux de marché et les taux de rémunération des dépôts se creusait : cela poussait les déposants à chercher des rémunérations plus élevées et donnait aux dépositaires la tentation d'attirer avec peu d'effort des moyens d'action élargis. Un premier pas important dans cette direction a été franchi après la guerre (années 50) par l'apparition du marché de l'Eurodollar, né des versements du Plan Marshall entre les mains d’Européens. Les taux pratiqués y étaient libres - hors d’atteinte des réglementations. En plaçant leurs dépôts dans les succursales étrangères, londoniennes notamment, de leurs propres banques, les déposants américains suffisamment importants et sophistiqués purent recevoir des rémunérations plus élevées que les plafonds fixés par la Régulation Q. Pas plus que les règles intérieures britanniques ne s'appliquaient aux dépôts autres qu'en sterling, la Régulation Q ne s'appliquait pas aux succursales anglaises des banques américaines. Plus tard, avec l'explosion inflationniste des années 70 et, corrélativement, celle des taux d'intérêt, l'apparition des Money Market43 Funds (fonds communs d’instruments financiers courts), permit à leurs promoteurs de proposer au public une alternative aux dépôts bancaires, non soumise à la limitation de la Régulation Q et offrant de manière alléchante des rémunérations bien plus en phase avec les taux du marché. Les déplacements des dépôts qui s'ensuivirent et la nécessité de recourir, en substitution, à des formes plus onéreuses de ressources, furent une des causes majeures du début des déboires de certaines institutions - celle des caisses d’épargnes, les S & L notamment, vu la fixité du taux sur leurs actifs à long terme. L'extension de la concurrence à l'égard des dépôts de type bancaire, due à l'existence d'instruments alternatifs mieux rémunérés et une vision plus libérale de l'économie (Reagan), a finalement conduit à l'abrogation de la Régulation Q dans les années 80. En Belgique, les dispositions cartellaires sur les TIC (encouragées depuis les années 30, on l'a vu, pour les mêmes raisons de sécurité bancaire et dont les plafonds étaient concertés avec la Banque Nationale de Belgique) ont connu, 43 Marché monétaire = marché des instruments financiers à court terme, c.à.d. marché interbancaire pour dépôts et avances jusqu’à un an, marché du papier commercial et de l’escompte, marché des certificats de trésorerie.
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surtout à partir des années 60, des aménagements progressifs, généralement après la constatation que certains membres du cartel succombaient aux tentations d'enfreindre de manière discrète les règles fixées par le cartel. Les dépôts en BEF subirent, surtout après l'instauration du précompte, l'attraction des taux de pays limitrophes où les règles étaient différentes. Les coups de canif aux conventions TIC frappèrent d'abord les "gros dépôts" (définis au départ comme ayant BEF 25 millions minimum, ce seuil fut régulièrement abaissé). Ensuite les dépôts en devises. Enfin les autres catégories de dépôts y compris les dépôts à vue, en principe très faiblement ou pas rémunérés du tout. De son côté, l’Union Européenne avait dès 1962 imposé, dans le cadre des articles 85 et suivants du traité de Rome, la communication des accords cartellaires du secteur bancaire qui pouvaient exister dans les états membres. L'ABB avait communiqué les siens, en faisant valoir que les rémunérations des services bancaires relevaient de la politique monétaire (à preuve la concertation avec les autorités pour fixer les taux maximums) et qu'elles étaient donc couvertes par l'exception spécifiquement prévue à cette fin dans le traité de Rome. Mais des plaintes de clients - jugées fondées par la Cour Européenne de Justice dans les années 80 - ont amené l’Union Européenne à exiger l'abrogation des conventions sur les rémunérations payées sur services prestés par les établissements financiers : d'abord en 1985, en matière de commissions sur les services autres que les dépôts (par ex. location des coffres-forts, commission sur transferts, etc...) (abrogées en Belgique en 1986) et puis plus récemment en matière de TIC sur dépôts (abrogées en Belgique depuis juin 1991, avec le démantèlement de la structure de concertation entre les établissements de crédit et la B.N.B.). Il est vrai que les faits avaient chaque fois précédé la règle - le marché s'était libéralisé sous la pression de ses facteurs les plus dynamiques, les plus imaginatifs et aussi ... le moins respectueux des accords pris - les joueurs étrangers (américains entre autres) s'étant d'ailleurs souvent prévalu de l'impossibilité juridique de respecter les accords pris, compte tenu des législations antitrust de leur pays d'origine. Fondamentalement, on retiendra que lorsque la disparité entre marché et conditions réglementées s'exacerbe, la pression concurrentielle devient telle que le carcan réglementaire s'adapte, voire disparaît. En l'occurrence la déréglementation des taux a provoqué le renchérissement global des ressources du secteur au profit du déposant; en soumettant l'intermédiaire financier à une pression sur sa marge, cette déréglementation lui fait retrouver une partie de sa vulnérabilité antérieure aux années 30 et engendre : 9 une reréglementation compensatoire sur le plan prudentiel (renforcement de la surveillance, règles sur les fonds propres...); 9 un retour de certaines ententes sur les tarifs, de façon inofficielle cette fois, afin de limiter la concurrence. La concentration consécutive aux fusions des années 1996-2000 en Belgique a permis le retour de pratiques oligopolistiques discrètes. 9 une recherche de rémunération complémentaire : renchérissement du coût du crédit pour rétablir la marge, tarification à un plus juste prix des autres
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services (change, transferts,...) prestés antérieurement gratuitement ou en dessous du prix de revient, tant que la sous-rémunération des dépôts le permettait. Ceci était particulièrement vrai pour les comptes à vue qui n'étaient et ne sont parfois que très peu ou pas rémunérés. En effet, pour ce qui concerne les soldes créditeurs en comptes à vue, les conventions belges prévoyaient un taux de 0,50 % l'an. En temps de stabilité, tant que l'ensemble des taux restait bas, cette modicité de rémunération pouvait se comprendre, d'autant plus que le compte à vue est le véhicule d'opérations souvent prestées par les banques à titre gratuit (transferts, retraits, dépôts, ordres automatiques, etc. Cependant, comme exposé plus haut, la pression concurrentielle du marché (et le désir d'accroître la masse de ces dépôts à vue d'autant plus intéressants que la marge d'intermédiation s'élevait parallèlement aux taux d'intérêts) a incité des établissements financiers à faire entorse au principe de la non-rémunération ou de la rémunération faible du compte à vue, soit indirectement (création de comptes à 1 jour ou à quelques jours de terme) soit directement en accordant des taux plus élevés sur les comptes à vue. Fondamentalement, le problème de la rémunération des comptes à vue se pose en ces termes : en dehors du besoin de couvrir le coût afférent à la réserve de trésorerie à conserver par les banques pour faire face aux retraits de leurs clients, est-il légitime de n'accorder sur ces comptes qu'une rémunération bien inférieure au taux du marché, voire nulle, en contrepartie d'opérations prestées à titre gratuit ou largement en-dessous du prix de revient ? Certes non, disent les uns, car il y a confusion de genre (qu'il s'agit d'éliminer) dès lors qu'on fait subsidier par la sousrémunération des déposants, les services rendus à d'autres clients. Il faut donc rémunérer mieux les comptes à vue, quitte à faire payer le prix des autres services par ceux-là mêmes qui y recourent. Attention, disent d'autres, la gratuité de diverses opérations est devenue une mission sociale des intermédiaires financiers qui ont créé le besoin de ces services chez le client. L'évolution récente tend à établir une tarification des rémunérations et des prix plus réalistes par dégroupage ("unbundling") des opérations effectuées par les banques pour leurs clients. Mais tant le poids de la tradition et la peur de "tirer le premier" chez certains intermédiaires financiers que le poids politique des associations de consommateurs constituent encore une résistance au changement des usages tarifaires qui s'opère progressivement. REMARQUE :
Pour les comptes à préavis, les taux varient en fonction de la durée du préavis. Au départ, les taux appliqués seront ceux en vigueur pour les comptes dont le terme fixe équivaut à la durée du préavis; ensuite, en cas de variation du tarif, un nouveau taux est fixé dont la date d'entrée en vigueur dépendra de la durée du préavis convenue. Du fait de la plus grande volatilité des taux depuis la fin des années 60, ces comptes à préavis sont tombés en désuétude.
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LES LIVRETS OU LES CARNETS D'EPARGNE PRINCIPE Il s'agit à l'origine de petits carnets brochés, personnalisés au nom du titulaire, dans lesquels s'inscrivent les dépôts et les retraits successifs et dont le solde est porteur d'intérêts. Les livrets accueillent les dépôts à tout moment; les retraits sont soumis à divers préavis, qui sont fonction du montant du retrait souhaité par le titulaire. Il en est cependant des préavis comme des taux d'intérêts : sous la pression de la concurrence, certains établissements avaient pris l'habitude de ne pas les respecter à la lettre à tel point que les titulaires en étaient arrivés à considérer ces carnets comme de véritables instruments à vue, tout en jouissant d'une rémunération bien supérieure à celle accordée aux comptes courants. D'ailleurs certaines techniques ont été proposées qui apparenteraient de plus en plus les carnets d'épargne aux comptes à vue : telle la velléité d'instaurer des carnets à feuillets mobiles ou de permettre au départ du solde en carnets d'autres opérations que le simple retrait ou virement vers un compte courant. Aussi, pour remettre un peu d'ordre dans le système, la Commission Bancaire et Financière a-telle restreint les opérations permissibles et codifié les conditions de retrait pour ceux des carnets qui bénéficient de l'exonération fiscale et sur lesquels la Commission a autorité, ainsi que l'a consacré l'arrêté royal du 30 décembre 1983.
FISCALITE Jusqu’à concurrence de 1.500 € par ménage44, les intérêts sur les carnets répondant aux normes de la Commission Bancaire et Financière sont exonérés d’impôt pour le déposant, ce qui, à un taux de 3%, correspond à un dépôt de plus de 45.000 €. La partie des intérêts qui rapporte plus que 1.500 € est soumise au paiement du précompte mobilier de 15%. Remarquons que certains arrivent à contourner ce plafond, de manière certes illégale, en ouvrant plusieurs comptes auprès de banques différentes.
REMUNERATION La rémunération de ces carnets de dépôt comprend deux éléments : un taux de base actuellement de l'ordre de 2 à 3 %45. S'y ajoute, le cas échéant, une prime
44
Le fisc retient également les revenus éventuels de l’épargne des enfants et du conjoint.
45
Décembre 2002
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d'accroissement46 (sur les nouveaux montants déposés) et de fidélité47 (sur la part du dépôt restée stable pendant toute une année), pouvant atteindre 1 %. Le net perçu par l'épargnant - qui équivaut en raison de l'exonération fiscale au coût effectif de l'organisme collecteur - peut aller jusqu'à environ 3,75% à 4% l'an. Les conditions attachées à l’octroi de ces primes sont parfois très contraignantes, et peu explicites, ce qui a amené les autorités à intervenir, et les associations de consommateurs à accuser certaines banques de publicité mensongères. Le coût pour les banques de ces livrets d’épargne est généralement faible, inférieur au coût des autres dépôts.
MOYEN D’ENCOURAGEMENT DE L’EPARGNE OU … ? Ainsi, les carnets de dépôts - moyens d'action traditionnellement stables malgré les facilités de retraits - sont, grâce à l’exonération de précompte48, relativement bon marché pour les établissements de crédit. Il était dès lors tentant pour certains intermédiaires financiers de vouloir accroître leur part de ce marché attrayant, au point d’en perdre parfois la déontologie de base. A remarquer qu'en tout état de cause, l'exonération fiscale sur carnets, introduite à l'origine pour favoriser l'épargne populaire, est devenue une rente pour les banques, rente provenant entre autres du cartel toléré par les autorités, et qui maintient le taux de base des livrets des grandes banques à 2 % depuis 1998, quelle qu'ait été depuis lors l'évolution des taux de marché. Il semblerait que malgré les espoirs de "grand marché européen", la concurrence en matière bancaire a plutôt diminué ces dernières années dans les pays (Belgique, Suède, Pays-Bas) où les fusions bancaires ont été nombreuses. La Commission Européenne examine de plus en plus sévèrement les pratiques oligopolistiques des banques européennes, et en 2001 s'est pour la première fois opposé à une fusion de Banques (en Suède) afin d'y préserver la concurrence. L'exonération fiscale même fait aussi l'objet d'un débat de fond au niveau de l'Union Européenne qui y voit un mécanisme de distorsion de la concurrence.
46 On parle de prime d’accroissement pour l’intérêt payé sur toutes les sommes qui se sont ajoutées à la mise de départ et est ensuite resté sur le livret durant au moins six mois. 47
On parle de prime de fidélité pour l’intérêt payé sur les sommes qui sont restées douze mois consécutifs sur un même compte.
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Ramené de 25 % à 10 % en février 1990, et reporté à 13,39 % en 1994, puis à 15 % début 1996.
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CERTIFICATS DE DEPOT, BONS DE CAISSE ET OBLIGATIONS NATURE Un bon de caisse est une reconnaissance de dette par laquelle une institution financière déclare avoir reçu une somme déterminée et s’engage à la rembourser après un terme convenu, ainsi qu’à payer un intérêt convenu. Il s’agit en quelque sorte d’une obligation émise par une banque. On différentie les certificats de dépôt, les bons de caisse et les obligations (émises par la banque) sur base de la durée de l’emprunt (voir infra). Ces instruments de collecte d'épargne sont - en tous cas en Belgique - des titres de dettes au porteur, contrairement aux dépôts et aux carnets qui sont nominatifs. Qu'il s'agisse d'émissions "au robinet" (émissions en continu aux guichets des intermédiaires financiers, sans marché secondaire organisé), ou d'émissions ponctuelles par souscriptions larges en vue d'une cotation en bourse, ces émissions d'obligations et de bons de caisse sont publiques; les émetteurs doivent se soumettre aux règlements sur l'émission publique de valeurs mobilières, à savoir en Belgique introduire un dossier auprès de la Commission Bancaire et Financière, publier une notice, et tenir un prospectus d'émission à la disposition des souscripteurs.
TYPES DE BONS DE CAISSE ET D'OBLIGATIONS OBLIGATIONS ORDINAIRES Un intérêt fixe est payé annuellement ou semestriellement; le bon de caisse est remboursé dans son intégralité à l'échéance finale convenue. BONS DE CAPITALISATION OU BONS DE CROISSANCE : Dans ce cas les intérêts ne sont pas payés annuellement mais capitalisés et payés en une seule fois, avec le principal, à l'échéance finale. Une variante de ces bons de capitalisation est le "zero coupon bond" ou "zero bond" (obligation à coupon zéro), par lequel le souscripteur verse au comptant la valeur actuelle, calculée à un taux convenu, d'un capital qu'il touchera intégralement à l'échéance. Cette technique de capitalisation pose des questions fiscales intéressantes : 9 quand déclarer le revenu ? chaque année - au fur et à mesure de son accumulation théorique - ou bien à l'échéance quand on touche effectivement les intérêts capitalisés ?
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9 la cession avec bénéfice de bons de capitalisation avant l'échéance fait-elle naître dans le chef du vendeur des revenus ou une plus-value ? Ces caractéristiques ont été exploitées par des investisseurs imaginatifs, mais ont simultanément éveillé l'attention des autorités fiscales de divers pays, qui n'abordent pas toujours le problème de manière identique. En Belgique, une loi du 20 juillet 1990 a pour la première fois soumis les assujettis à l'impôt des personnes morales (les A.S.B.L. notamment, donc de nombreux fonds de pension) au paiement du précompte sur la quote-part d'intérêt recueillis lors de la cession avant l'échéance de titres à revenus fixes (qui comprennent les obligations à revenus capitalisés; les modalités techniques de calcul de ce prorata d'intérêts de nature actuarielle a fait l'objet d'une circulaire administrative à la fin de 1993). BONS A TAUX PROGRESSIFS Pour ces bons de caisse, le remboursement pourra être exigé annuellement, au gré du souscripteur, mais si celui-ci consent à proroger sa détention pour une nouvelle année, le taux qu'il perçoit sera augmenté selon un tarif convenu au départ.
REMUNERATION Les bons de caisse procurent une rémunération fort axée sur celle des fonds publics d'échéances correspondantes, avec des adaptations qui reflètent les particularités propres aux types de bons de caisse dont il s'agit. Les banques ne retiennent aucun frais, ni à la souscription, ni lors de l’encaissement des coupons, ni à l’échéance. On comprend aisément ce traitement préférentiel, étant donné qu’il s’agit là de sources de financement des activités de l’institution émettrice.
LIQUIDITE Le porteur de bons de caisse non cotés (cas le plus fréquent) pourra éventuellement négocier, moyennant décote, le rachat de son papier par l'émetteur ou encore s'adresser à certains intermédiaires (sociétés de bourse) qui tiennent un marché officieux pour certains de ces titres.
FISCALITE Dans les opérations passives, les intermédiaires financiers ont un rôle à jouer pour compte du fisc : ils doivent éventuellement retenir un impôt ("withholding tax"), là où la loi le prévoit, sur les revenus qu'ils distribuent en rémunération de leurs ressources.
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En Belgique, c'est le cas du précompte mobilier, institué en 1962, en vue de prélever à la source une partie de l'impôt dû à l'Etat sur les revenus d'intérêts : l'objectif était d'en accélérer la perception et, dans une certaine mesure, de compenser au moins partiellement l'éventuelle omission par le bénéficiaire d'en faire la déclaration à laquelle il était tenu en vertu du principe de la globalisation des revenus (supprimé dans les années 80). D'une manière générale, ne sont pas soumis au précompte les non-résidents (étrangers) qui fournissent une attestation à cet effet, ni les autres intermédiaires financiers professionnels. Ceux qui en sont exonérés reçoivent dès lors l'intégralité de la rémunération, sans défalcation du précompte. Rappelons aussi l'exonération des premiers 1500 Euros de revenus des carnets de dépôt, et le régime favorable des SICAV, dont l'émission de parts peut tendre à se substituer aux instruments de placement sous-jacents (comptes de dépôts, obligations, ...).
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CHAPITRE 11. LES RESSOURCES EN CAPITAUX PROPRES DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS
INTRODUCTION Les fonds propres d'un intermédiaire financier - comme pour toute entreprise représentent la part des actionnaires dans le financement de l'ensemble de ses activités, par opposition à la part des tiers créanciers (obligataires, déposants, fournisseurs, etc..). Ces fonds propres supportent au premier chef le risque de l'entreprise, c'est-àdire qu'en cas de pertes, celles-ci viendront s'y imputer par priorité, réduisant d'autant les droits des actionnaires. Si les pertes excèdent les fonds propres, les créanciers (dont les déposants) seront atteints à leur tour : il importe donc que les fonds propres soient d'un niveau suffisant pour absorber les chocs éventuels et sous-tendre l'activité menée par l'intermédiaire financier. La structure des actifs des intermédiaires financiers - en particulier la part immobilisée équivalente à l'outil industriel (les participations, les immeubles et le matériel d'exploitation) - sera un premier élément à prendre en considération. La nature des risques de crédits inhérents aux créances qu’ils détiennent à leur actif importe aussi.
REGULATION ET FIXATION DE FONDS PROPRES MINIMUM Les accidents subis par les intermédiaires financiers ont suscité depuis les années 30 des réglementations qui se sont préoccupées de fixer des fonds propres minimums en valeur absolue pour différentes catégories d'institutions - les banques, les caisses d'épargne, les compagnies d'assurance - et d'imposer de surcroît le maintien de certains équilibres (ratios) entre ces fonds propres et divers postes d'actifs et de passifs. Ces exigences (les "capital adequacy requirements"), ont été déterminées par la loi et les autorités prudentielles de chaque pays. Les plus anciens de ces ratios de structure ont visé le rapport entre fonds propres des actionnaires et fonds de tiers créanciers, c'est-à-dire le "gearing ratio"49.
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"Gearing" ou "leverage" = bras de levier financier
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Dans divers pays (la Belgique a dès 1965 joué en la matière un rôle précurseur) on a donc imaginé des ratios entre, d'une part, l'ensemble des actifs figurant dans le bilan et les comptes d'ordre (chaque élément étant pondéré selon sa densité de risque) et, d'autre part, les fonds propres : c'est le "risk assets ratio".
LE RISK-ASSETS RATIO Cette approche requiert évidemment que l'on définisse les actifs, droits et recours à pondérer et qu'on leur assigne une quotité de risque par catégorie. En effet, un dépôt chez un correspondant, une créance hypothécaire, une obligation d'état, un débit en compte-courant, une garantie donnée, une opération swap ou un "future" ne présentent pas le même degré de risque. Il faut aussi fixer les contours des fonds propres, ce qui n'est pas évident (inclusion des provisions, des plus-values latentes?).
DEFINITION DE STANDARDS INTERNATIONAUX … Les différences de vues entre pays sur l'organisation du système bancaire, sur le régime du coefficient des fonds propres et sur la définition de ses facteurs ont conduit à des dispositifs diversifiés - plus laxistes ou rigoureux selon les régions. Du fait que le coût du capital propre exigé pour les activités d'un niveau de risques donné est un facteur du prix de revient de ces activités, des différences quant au minimum requis seront autant de facteurs de distorsion de concurrence. Aussi depuis 1988, dans un contexte d'internationalisation croissante, tant un groupe d'experts de banques centrales des principaux pays industrialisés (comprenant les USA et le Japon) réunis en marge de la BRI à Bâle ("Comité Cooke") que l’Union Européenne ont élaboré diverses recommandations et directives fixant des normes minimums à respecter en la matière par les établissements bancaires de leurs pays respectifs. Des standards internationaux ont ainsi été fixés quant à : 9 La définition des fonds propres : Scission entre "capital primaire" (tier one) : capital, réserves, provisions générales non affectées exprimées dans le bilan, ..., et "capital secondaire" (tier two) dont le montant pris en considération ne dépasse en principe pas 50 % du capital primaire : provisions générales non affectées mais non exprimées en tant que telles (les provisions affectées, exprimées ou non, sont exclues, même du capital secondaire), plus-values latentes sur portefeuille, emprunts subordonnés50 dont l'échéance dépasse une certaine durée...; des sous catégories sont aussi apparues, bénéficiant de règles d’incorporation spécifiques. 50 Les créanciers d'un emprunt subordonné sont remboursés après les autres créanciers au cas où le débiteur tomberait en faillite ou serait mis en liquidation avant l'échéance de cet emprunt.
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9 la classification des actifs au bilan et des autres opérations reflétées dans les comptes d'ordre, en affectant à chaque catégorie un degré relatif de risques, sous forme d'un coefficient de pondération (à majorer pour les "gros" débiteurs individuels représentant eux-mêmes plus d'une certaine fraction des fonds propres); 9 l'exigence minimum à rencontrer, par combinaison des éléments précités : les fonds propres doivent couvrir entièrement certains actifs (participation, immeubles d'exploitation p. ex.) et, pour le surplus, atteindre 8% minimum de l'ensemble des autres risques pondérés; 9 l'application de ce système au bilan consolidé s'il s'agit d'un groupe bancaire. Un établissement de crédit n'atteignant plus le minimum requis doit soit augmenter ses fonds propres, soit réduire ses activités (ce qui peut se faire par cession d'actifs, par exemple par le biais d'une titrisation).
MAIS DES ARBITRAGES DELICATS … Le dispositif d'ensemble (que chaque pays membre peut renforcer s'il le souhaite) a fait l'objet d'études approfondies et d'arbitrages délicats - pour tenir compte de considérations contradictoires : les pays participant à son élaboration ont voulu à la fois renforcer la sécurité globale du système bancaire et en même temps ne pas défavoriser, en termes relatifs, la position concurrentielle historique de leurs établissements bancaires nationaux découlant de leurs contingences locales. Par exemple, le sort réservé aux plus-values latentes sur portefeuille est particulièrement important pour les pays à régime d' "Universalbanken" comme le Japon et l'Allemagne, et la pondération accordée aux fonds d'état intéresse les pays comme la Belgique où ils occupent une forte proportion de l'actif des bilans bancaires. Après une phase de transition, le dispositif prédécrit est entré pleinement en vigueur en 1993. Ainsi donc, inscrite dans le mouvement de la globalisation toujours plus accentuée des activités bancaires au plan mondial, l'ouverture du grand marché intérieur de l'Union Européenne - à tous les établissements de crédit51 et à de nombreux produits financiers52 de chaque état membre - se fait dans des conditions relativement harmonisées d'exigences en fonds propres vis-à-vis des établissements bancaires qui y sont actifs.
51
Principe du libre établissement d'une institution de crédit agréée par un état membre, dans chacun des autres pays de l'Union Européenne. 52 Principe de la reconnaissance réciproque, dans toute l'Union Européenne, des services financiers s'ils répondent à la réglementation du pays membre dont ils émanent.
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PERSPECTIVES DE REGULATION Par analogie avec ce qui se passe pour les établissements bancaires, des exigences sont également fixées dans différents pays pour d'autres types d'intermédiaires financiers : sociétés de bourse, gérants de fortune, ... Une directive européenne a été promulguée en mars 1993 afin d'imposer à partir de 1995 des normes minimales communes : celles-ci visent notamment les risques de contrepartie et les risques de marché sur instruments financiers et leurs dérivés. A leur tour, ces normes ont été également ajoutées aux normes bancaires antérieures qui, s'étant surtout concentrées sur les risques de crédit, ne les avaient guère prises en ligne de compte. Certaines activités bancaires se sont développées de façon parfois anarchique ces dernières années, et sont accusées de provoquer ou d’amplifier les crises économiques que connaissent certains pays et certains marchés. Les prêts bancaires accordés parfois fort légèrement à certains pays d’Asie et d’Europe de l’Est, ainsi qu’aux Fonds spéculatifs (« hedge funds ») sont visés ; l’usage mal contrôlé des produits dérivés aussi. Les recommandations de la BRI sont en révision depuis 1999, et ont fait l'objet en 2001 de conclusions très concrètes. Les principales modifications portent sur un accroissement des catégories de risques, un recours important aux ratings internes des banques, et à l'introduction de la notion de risque opérationnel. Ces conclusions ont donné lieu à un débat intense, et l'objectif de mise en application de ces accords de "Bâle II" a été retardé, de 2004 à 2005 puis à 2006. Les directives de l’Union Européenne sont en phase de discussion afin d’être amendées en fonction des évolutions des recommandations de la BRI.
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CHAPITRE 12. AUTRES MOYENS DE COLLECTER L’EPARGNE LES ASSURANCES-VIE Techniquement parlant, des polices d'assurance-vie appartiennent à la sphère d'activités des compagnies d'assurances et non à celles des banques. Néanmoins, il s'agit de l'activité d'assurance qui se prête le mieux au croisement d'activités (« cross selling ») entre la banque et l'assurance, afin de déboucher sur une collecte de dépôts bon marché. Ceci, à nouveau grâce à une exemption fiscale qui devrait bénéficier aux "assurés", mais bénéficie en pratique plutôt aux compagnies d'assurances. Le privilège fiscal est combiné également à une limitation de concurrence encouragée par les pouvoirs publics. Le schéma de l'assurance-vie est simple : "l'assuré" souscrit à une assurance-vie, dans le cadre d'un contrat qui l'amène à payer régulièrement des primes, dont certains montants peuvent être déduits de son revenu imposable. Ceci constitue un capital à ses héritiers s'il décède, ou à lui-même s'il est encore en vie. Les intérêts servant à constituer ce capital sont très faiblement taxés, voire totalement détaxés. Instrument de protection familiale au départ, l'assurance-vie est dans une large mesure devenue un moyen d'épargne dont l'attrait fiscal a permis aux compagnies d'assurances de concurrencer les banques et surtout les fonds de pensions dans l'activité de constitution de pensions complémentaires. Depuis le début des années 90, les banques ont d'ailleurs constitué des compagnies d'assurances propres, afin de développer elles-mêmes ces activités, qui n'ont souvent plus qu'un lointain rapport avec l'assurance proprement dite. Le cynisme atteint son maximum depuis que les banques et les compagnies assurances ont développé des bons d'assurance, dépôts déguisés sous forme de contrats d'assurance à 5 ou 7 ans, qui ne sont en fait que des bons de caisse à fiscalité réduite, ainsi que des fonds d'investissement déguisés sous forme de "contrats d'assurance" pour raison fiscale également.
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LES ORGANISMES DE PLACEMENT COLLECTIFS (OPC) DEFINITION ET INTRODUCTION Le terme « organismes de placement collectifs » (OPC) est une appellation générale qui désigne des organismes financiers dont les parts sociales sont destinées à être vendues au public, et qui ont pour objet le placement de l’épargne et pour objectif la répartition des risques de l’investissement. Des distinctions53 entre OPC peuvent être faites selon : LA NATIONALITE :
Ce n’est pas parce que des parts d’un OPC sont commercialisées en Belgique que l’OPC est belge. La globalisation des marchés, l’évolution des réseaux d’information et de commercialisation, l’introduction de l’euro et la tendance à l’uniformisation des procédures réglementaires permettent aux OPC étrangères de commercialiser leurs parts sociales. Nous verrons qu’une partie des OPC est soumise à la réglementation européenne, alors qu’une autre partie est réglementée par la Commission Bancaire et Financière. LA FORME JURIDIQUE
:
LES FONDS DE PLACEMENT ET LES SOCIETES
D’INVESTISSEMENT
Les OPC se présentent sous deux formes juridiques principales et cette distinction aura des conséquences déterminantes en matières fiscale, commerciale, réglementaire que nous analyserons par après : •
LES FONDS DE PLACEMENT
Ils sont constitués d’un patrimoine indivis (de valeurs mobilières et de liquidités), sans personnalité juridique, et sont gérés par une société de gestion pour le compte des indivisaires. •
LES SOCIETES D’INVESTISSEMENT
Elles sont le plus souvent constituées sous la forme de sociétés anonymes (SA) ou de société en commandite par actions (SCA), ayant la personnalité juridique.
53
Ces distinctions n’ont pas de caractère exhaustif, la famille des OPC étant très large et présentant d’énormes variantes.
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LE CARACTERE OUVERT OU FERME DE L’OPC :
Les OPC ouverts présentent un nombre variable de parts émises, fluctuant selon les demandes de souscription ou au contraire les demandes de remboursement de la part des investisseurs. Les OPC fermés présentent quant à eux un nombre fixe de parts émises, dont la négociation, après constitution et en dehors d’une augmentation de capital ultérieur, ne peut s’opérer qu’en bourse. Remarquons par ailleurs que les fonds de placement, contrairement aux sociétés d’investissement, choisissent presque uniquement la formule du capital variable. Pour les sociétés d’investissement, on distingue communément les SICAV (Sociétés d’Investissement à CApital Variable) et les SICAF (Sociétés d’Investissement à CApital Fixe), dont les plus connues sont les SICAFI, les SICAF immobilières.
INTERET ET UTILITE D’UN OPC POUR L’INVESTISSEUR La diversification entre les différents instruments de placement (actions, obligations, liquidités), la diversification géographique (Europe, Amérique, Asie, pays émergents) et la diversification sectorielle (distribution, télécoms, finance, énergie, …) constituent la meilleure manière de diminuer les risques du portefeuille d’un investisseur. Toutefois, cette diversification optimale du portefeuille n’est généralement possible que si sa taille dépasse quelquefois plusieurs millions d’€, rendant l’accès aux bénéfices de la diversification difficile aux « petits » porteurs. Les intermédiaires financiers ont depuis quelques années répondu à ce segment du marché en proposant aux investisseurs une gamme de produits adaptés à leur stratégie d’investissement, tenant compte à la fois des risques consentis et des objectifs poursuivis en termes de rentabilité. Le succès des organismes de placement collectif a été colossal durant ces dernières années. Les caractéristiques propres aux OPC expliquent largement leur succès : •
REDUCTION DES FRAIS :
Qu’il s’agisse de frais de transactions et de tarification ou de frais fixes tels que certains frais de gestion, ces frais seront répartis sur une plus grande somme d’argent, ce qui évite au particulier de supporter des charges importantes en regard du montant investi. •
GESTION PROFESSIONNELLE :
La gestion du portefeuille est confiée à des spécialistes qui suivent les développements économiques et politiques et étudient les particularités des
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différents marchés dans lesquels ils investissent. Cela évite à l’investisseur particulier de devoir suivre régulièrement l’évolution de son portefeuille. •
DIVERSIFICATION DES PLACEMENTS
Cette diversification permet d’optimiser le couple risque-return, permettant aux petits porteurs de minimiser les méfaits ponctuels de certaines fluctuations sur les marchés financiers et d’ainsi diversifier leur risque pour une mise pouvant être limitée. La diversification peut être géographique au sein d’une même catégorie de placements, monétaire, sectorielle, ... •
ACCES A CERTAINS MARCHES
Il s’agit par exemple d’investissements dans des pays où il est difficile, pour des raisons légales ou encore purement pratiques, d’investir. Il peut par ailleurs également s’agir d’investissements dans des pays développés mais où l’accès direct à certains segments de marché est impossible au particulier. Tel est le cas par exemple du marché des certificats de trésorerie ou celui des obligations linéaires, de l’investissement en immeubles de bureaux pour un particulier modeste, etc.... •
LIQUIDITE
L’investisseur peut à tout moment vendre sa participation. Cette liquidité peut être assurée par la négociation en bourse ou par l’engagement même de l’OPC de racheter les parts. Cette opération demande toutefois très souvent le paiement d’une commission de sortie. •
TRANSFERT D’UN COMPARTIMENT A UN AUTRE
Certains OPC présentent différents compartiments caractérisés par une politique d’investissement spécifique. Ainsi, à la base, l’investisseur qui désire déterminer lui même sa stratégie d’investissement peut alors allouer son épargne à différents compartiments d’un même OPC. Aussi le régime des OPC offre-t-il la possibilité de passer d’un compartiment à l’autre moyennant des frais réduits voire inexistants, permettant ainsi à l’investisseur de revoir sa politique en cours d’année. •
AVANTAGES FISCAUX (VOIR INFRA)
Par ailleurs, si les avantages sont nombreux, les OPC ne sont pas dénués d’inconvénients. A titre d’exemple, nous pouvons citer le montant élevé des frais de gestion annuelle, frais d’entrée, frais de sortie. De même, la politique d’investissement suivie n’est pas toujours très transparente. La valeur d’inventaire de la société d’investissement ou du fonds n’est pas toujours claire. Enfin, une trop grande diversification peut diminuer la rentabilité du portefeuille. POUR L’INTERMEDIAIRE FINANCIER •
DES FRAIS DE GESTION
Les promoteurs (banques ou sociétés de gestion spécialisées) sont liées à ces sociétés d'investissement par un contrat de gestion qui leur permet d'encaisser des droits divers lors de la souscription, parfois lors de la vente des parts, et en tout cas
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en rémunération de leurs activités de gestion. Des rémunérations moins visibles sur les opérations des sociétés d'investissement (commissions sur transactions, droits de garde, etc.) sont souvent prélevées également par les promoteurs. •
MEILLEURE ADEQUATION D’INTERMEDIATION
ACTIF/PASSIF
ET
DIMINUTION
DU
RISQUE
En orientant leurs clients vers des OPC plutôt que vers des produits bancaires classiques, les banques réduisent leur risque d’intermédiation, leur consommation de fonds propres, etc… Etant donné les différentes commissions prélevées à divers stades sur l'administration et la gestion des sociétés d'investissement, cette activité est devenue une des plus rentables qui soient pour les banques. C'est d'ailleurs là une des raisons pour laquelle les banques semblent peu motivées à trop accroître la rémunération sur les livrets d'épargne, car de l'argent placé par les épargnants dans les sicav leur laisse une plus grande rentabilité, sans plus aucun risque ni aucune consommation de fonds propres.
LES ORGANISMES DE PLACEMENT COLLECTIF EN VALEURS MOBILIERES (OPCVM) : LA DIRECTIVE DU 20 DECEMBRE 1985 La Communauté Européenne, par le truchement du Conseil des Ministres, a le droit d’imposer aux Etats membres des directives qui ont primauté sur la législation et la réglementation nationales et qui induisent ainsi de nombreux changements dans la législation. HARMONISATION MINIMUM : LE « PASSEPORT EUROPEEN » Depuis de nombreuses années, les différents Etats membres ont exprimé le souhait d’une harmonisation. Les négociations se sont basées sur deux principes essentiellement : 9 l’harmonisation des principales règles relatives aux OPCVM ; 9 l’harmonisation des conditions de concurrence ; 9 la création d’un passeport européen pour les OPCVM agréés dans les pays membres : lorsque un OPCVM est agréé dans son pays, il peut commercialiser librement ses parts dans les autres pays de la Communauté. Toutefois, les OPCVM doivent respecter les règles de commercialisation et de publicité du pays d’accueil. La Directive a choisi la voie des règles minimales. Et donc, les Etats membres peuvent ajouter des dispositions plus exigeantes, à condition bien sûr qu’elles ne contredisent pas la Directive.
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CONDITIONS D’APPLICATION La Directive s’applique à tout OPCVM situé sur le territoire d’un Etat membre de la Communauté Européenne. Ces OPCVCM doivent être ouverts et recueillir l’épargne publiquement. La Directive couvre ainsi à la fois fonds communs de placement ouverts et les sociétés d’investissement à capital variable. Les autres OPCVM ne sont pas couverts. Autrement dit, leur commercialisation n’est pas libre mais est systématiquement conditionnée par une autorisation de l’autorité financière compétente du pays d’accueil. AGREMENT DE L’AUTORITE DE CONTROLE COMPETENTE DU PAYS D’ORIGINE L’OPCVM doit seulement être agréé par l’autorité de contrôle compétente du pays dans lequel il se situe et cet agrément vaut pour tous les Etats membres, en vertu de ce principe de reconnaissance réciproque. Cet agrément porte sur des critères clairement déterminés. OBLIGATIONS CONCERNANT LA STRUCTURE DE L’OPC Le capital de la société de gestion doit être suffisant pour assurer une gestion efficace de ses activités. Les activités de la société de gestion doivent se limiter à la gestion de fonds commun de placement et de sociétés d’investissement (spécialisation de leur activité) mais ces sociétés peuvent gérer des fonds provenant de différents OPC, voire des OPC non soumis à la Directive. La garde des actifs du fond doit être confiée à un dépositaire unique, généralement une banque ou une institution financière. Sa responsabilité est entièrement engagée. Les activités et responsabilités du dépositaire ne se limitent pas uniquement à la garde des actifs du fond. Le dépositaire doit également prendre en charge : la vente, l’émission, le rachat, le remboursement et l’annulation des parts pour le compte du fonds ou de la société de gestion. Il doit également s’assurer de la correction des calculs de la valeur des parts et s’assurer de l’affectation des fonds. Les fonctions de société de gestion et de dépositaire ne peuvent pas être exercées par la même société.
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QUELQUES ELEMENTS DE POLITIQUE DE PLACEMENT DES OPCVM Un OPCVM doit investir (comme son nom l’indique) ses fonds essentiellement dans des valeurs mobilières, telles qu’elles sont énumérées dans la Directive54. Cette dernière introduit quelques dérogations particulières. Remarquons qu’un OPCVM ne peut pas détenir de liquidités à titre principal d’objectif de placement. Toutefois, il est permis d’en détenir à titre accessoire et temporairement. Cette possibilité vise à légitimer une pratique courante des gestionnaires, qui préfèrent rester liquides dans les moments d’incertitudes boursières. Le recours aux produits dérivés n’est pas interdit, pour autant que l’OPC s’assure d’une couverture adéquate. L’OPC peut également se prémunir contre le risque de change au moyen d’instruments appropriés. Un certain nombre de règles55 relatives à une bonne répartition des risques sont énumérées. Les OPCVM peuvent placer leurs fonds dans des Fonds Publics à concurrence de maximum 35%. A cet égard, les Etats membres peuvent par dérogation et en respectant le principe de répartition des risques, permettre aux OPCVM d’investir jusqu’à 100% de leurs actifs dans des Fonds Publics. Mention doit en être clairement faite. Un OPCVM peut placer ses fonds dans un autre OPCVM à concurrence de maximum 5% d’une part et pour autant que ce dernier ait été reconnu comme tel. Remarquons enfin que la Directive énonce un principe qui vise à interdire à un OPCVM de poursuivre une prise de contrôle d’une société. Il ne faut pas perdre de vue que, dans certains cas, l’autorité de contrôle nationale peut déroger aux règles de la directive, sans que ce principe de répartition des risques ne soit remis en question. OBLIGATIONS CONCERNANT L’INFORMATION DES PARTICIPANTS La société de gestion du fonds commun de placement, pour chacun des fonds gérés par elle, et la société d’investissement doivent publier un prospectus, dont les indications minimales ont été précisées, ainsi que des rapports annuels et semestriels. Les données comptables doivent être contrôlées et communiquées aux autorités compétentes.
54
Nous renvoyons l’étudiant intéressé aux textes de la Directive du 20 Décembre 1985
55 Par exemple, Un organisme de placement ne peut placer plus de 10% de ses actifs dans des valeurs mobilières d’un même émetteur. D’autre part, les placements en valeurs mobilières d’un même émetteur, qui représentent plus de 5% de la valeur des actifs de l’organisme de placement, ne peuvent excéder globalement 40% de la valeur des actifs de l’organisme de placement.
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Le prospectus et les rapports annuels doivent être offerts gratuitement. Le prix d’émission, de vente, de rachat ou de remboursement des parts doivent être clairement rendus publics au moins deux fois par mois. OBLIGATIONS GENERALES DE L’OPCVM Il est interdit à un OPCVM d’emprunter. Toutefois, les Etats membres peuvent autoriser un emprunt à court terme à concurrence de 10% des actifs (pour les sociétés d’investissement) ou de la valeur du fonds (pour les fonds communs de placement). De même, il leur est interdit d’octroyer des crédits ou des garanties en faveur de tiers, ou encore de pratiquer des ventes à découvert sur leurs valeurs mobilières, car ces dernières opérations présentent un caractère spéculatif. Ils sont enfin obligés de racheter des parts à la demande du participant, sur base de la valeur d’inventaire du jour de la demande. DISPOSITIONS
SPECIALES APPLICABLES AUX
OPCVM
QUI COMMERCIALISENT
LEURS PARTS DANS DES ETATS MEMBRES AUTRES QUE CEUX OU ILS SONT SITUES.
En règle générale, un OPCVM qui commercialise ses parts dans un autre Etat membre doit respecter les dispositions législatives, réglementaires et administratives qui sont en vigueur dans cet Etat et qui ne relèvent pas du domaine régi par la présente directive, à savoir : 9 9 9 9
des règles relatives à l’inscription dans le registre de commerce ; des règles en matière de promotion ; des règles en matière de concurrence déloyale ; des règles en matière de démarchage ou autre méthode de commercialisation.
Et le pays d’accueil n’a pas à intervenir quant à l’agrément des OPCVM, sur les règles relatives à leur structure, sur les règles en matière de gestion, sur les règles concernant les informations, sur les règles relatives au contrôle (voir principe du passeport européen). Tout OPCVM peut faire de la publicité dans l’Etat membre de commercialisation. Dans le cadre de ces dernières activités, il doit respecter les dispositions régissant la publicité dans cet Etat. D’autre part, l’OPC doit disposer d’un service financier dans le pays d’accueil pour assurer le paiement, le rachat ou le remboursement des parts aux participants.
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CLASSIFICATION LEGALE DES OPC : LA LOI BELGE DU 4 DECEMBRE 1990 RELATIVE AUX OPERATIONS FINANCIERES ET AUX MARCHES FINANCIERS
Cette loi prévoit sept catégories différentes de placement et précise bien qu’un OPC ne peut choisir qu’une seule de ces catégories. Il s’agit des organismes de placement en : 9 9 9 9
placements conformes à la Directive européenne (OPCVM) ; valeurs mobilières et liquidités ; matières premières, options et contrats à terme sur matières premières ; options et contrats à terme sur valeurs mobilières ou sur devises et contrats à terme sur indices boursiers ; 9 biens immobiliers ; 9 capital à haut risque ; 9 autres placements autorisés par le Roi. Par organisme de placement, cette loi entend « tout organisme dont l’objectif exclusif est le placement de capitaux recueillis auprès du public ». Sont donc exclus du cadre de cette loi : 9 des organismes qui s’occupent de placement collectif mais dont ce n’est pas l’objectif exclusif (ex : caisses d’épargne, compagnies d’assurance, fonds de pension) 9 des organismes qui ne recueillent pas leurs capitaux auprès du public (ex : clubs d’investissement) Ainsi, un OPC destiné à des compagnie d’assurance ou des fonds de pension ne sont pas régis par cette loi. Il est également précisé que le contrôle des OPC est réalisé par la Commission Bancaire et Financière. OPCVM Nous renvoyons à ce qui a été déjà dit. La loi belge renvoie presque complètement à la directive européenne. OPC EN VALEURS MOBILIERES ET LIQUIDITES Il n’y a pas de très grandes différences entre le régime des OPCVM et celui des autres OPC en valeurs mobilières et liquidités. La politique de placement est très similaire, si ce n’est que la deuxième catégorie peut détenir des liquidités de manière permanente et conformément à sa politique d’investissement.. Mention doit être faite dans les statuts ou le règlement de gestion. De plus, cette dernière catégorie d’OPC peut également détenir des titres de créance, mais avec une limitation de 10% de son capital ou de la valeur de son fonds. Les règles de
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répartition des risques sont similaires à celles des OPCVM. Notons toutefois une plus grande souplesse par rapport à ces dernières. Remarquons aussi que les autres OPC en valeurs mobilières et liquidités peuvent placer leurs actifs dans des OPC monétaires (liquidités et autres instruments du marché monétaire, des OPC indiciels (valeurs d’un indice de référence) et des fonds de fonds (OPC qui investissent dans d’autres OPC). Les interdictions auxquels ils sont soumis sont très proches des celles qui s’appliquent aux OPCVM. AUTRES Les cinq autres types d’OPC énumérés par la loi belge font également l’objet d’une définition, d’une énumération des conditions d’inscription, de fonctionnement et d’émission et de commercialisation des parts. Ces cinq types divergent essentiellement en termes de politique de placement, comme le suggère d’ailleurs leurs dénominations respectives.
CLASSIFICATION DES OPC OU DE LEURS COMPARTIMENTS SELON LE TYPE D’INVESTISSEMENT REALISE ET CLASSES DE RISQUE Nous pouvons classer les OPC selon le type d’investissement qu’ils réalisent. OPC D’OBLIGATIONS : Ils investissent en valeurs mobilières à revenus fixes, dont l’échéance est supérieure à trois ans. OPC A MOYEN TERME : Ils investissent en valeurs mobilières à revenus fixes, dont l’échéance est comprise entre six mois et trois ans. OPC MONETAIRES : Ils investissent essentiellement en liquidités et en valeurs à court terme (moins de six mois), telles que les dépôts à terme, les certificats de trésorerie, les obligations ayant une échéance rapprochée, le papier commercial et les certificats de dépôt.. OPC D’ACTIONS : Ils investissent principalement en actions de sociétés, belges ou internationales, diversifiées sectoriellement ou géographiquement..
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OPC INDICIELS : Leur performance est liée à l’évolution d’un indice boursier, à celle de devises ou d’un panier d’actions. OPC MIXTES : Ils investissent tant en actions qu’en obligations. OPC IMMOBILIERS : Ils investissent principalement en biens immobiliers. FONDS DE FONDS Ce sont des OPC qui investissent dans d’autres OPC. Dans le prospectus d’émission se trouve un indicateur du risque de l’investissement dans un OPC. Il correspond à une classe de risque comprise entre 0 et 5. Cette classification est établie sur base de l’écart-type des returns mensuels (mesure de la dispersion autour d’une moyenne) observés durant un certain nombre d’années précisé dans le prospectus.
classe 0
écart-type compris entre 0 et 2,5%
classe 1
écart-type compris entre 2,5% et 5%
classe 2
écart-type compris entre 5% et 10%
classe 3
écart-type compris entre 10% et 15%
classe 4
écart-type compris entre 15% et 20%
classe 5
écart-type supérieur à 20%
La classe de risques étant déterminée sur base des observations du passé, elle doit être interprétée avec prudence. La volatilité évolue au fil du temps et la classe de risques du passé n’engage nullement la responsabilité de l’OPC sur l’évolution future. En cas de changement de classe de risque, mention en est faite au rapport suivant.
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QUELQUES OPC BIEN CONNUS DES INVESTISSEURS SOCIETES D’INVESTISSEMENT •
SICAV
Ce sont celles que l’investisseur connaît probablement le mieux. Ces SICAV sont généralement spécialisées dans un créneau particulier (voir supra) •
SICAF
L’investisseur est moins familiarisé avec les SICAF que les SICAV. Les SICAF sont presque exclusivement utilisées en Belgique pour un investissement dans l’immobilier. On parle d’ailleurs de SICAFI (SICAF immobilières). Cette dernière a ainsi dans son portefeuille des bâtiments et des terrains, mais aussi une série de droits reposant sur des actifs immobiliers (actions émises par des sociétés immobilières, certificats immobiliers, droits d’option sur des biens immobiliers,…). Une SICAFI est tenue de distribuer au moins 80% de son bénéfice net à ses actionnaires. FONDS DE PLACEMENT Il s’agit de formules d’investissement qui bénéficient d’avantages fiscaux pour autant que le capital ne soit prélevé qu’après une certaine période, liée au statut du personnel. •
LES FONDS D’EPARGNE PENSION
•
LES HEDGE FUNDS
On voit également, depuis le milieu des années 90, proliférer des Fonds de placements poursuivant des politiques moins sectorielles, et annoncer simplement qu'elles pratiqueront les formes de placement et de spéculation qui leur semblent les plus rentables, de préférence en mettant à profit les effets de levier que procurent les instruments de couverture. Ces Fonds de placements, particulièrement répandus aux Etats-Unis, s'appellent des Hedge Funds. Il en existe aussi un grand nombre en Europe, adoptant la forme de fonds de placement ou de sicav.
REGIME FISCAL DES OPC Le régime fiscal des OPC est très complexe et matière à de nombreux changements. Il n’est de plus pas uniforme et de nombreuses exceptions y sont introduites. Par ailleurs, il est important de bien distinguer, d’une part, la fiscalité dans le chef de l’investisseur belge, et d’autre part, le régime fiscal dans le chef de l’OPC. Nous ne pouvons, dans le cadre de ce cours, traiter cette matière. L’étude du régime fiscal est traitée – de manière partielle certes – dans les cours de droit fiscal I (impôt sur les personnes physiques) et de droit fiscal II (impôt sur les
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sociétés). Le cours de droit commercial fournit également de précieuses informations. FISCALITE DANS LE CHEF DES OPC DE DROIT BELGE Les éléments qu’il convient de garder à l’esprit lorsque l’on analyse la fiscalité dans le chef des OPC de droit belge est la distinction entre fonds de placement et société d’investissement. La première catégorie ne possède pas la personnalité juridique et le principe de transparence fiscale est appliqué : il est donc taxé à travers ses participants. Dès lors, un fonds de placement s’acquitte non seulement des impôts étrangers à la source sur ses revenus, mais aussi du précompte mobilier belge. A cet égard, on peut déjà noter une exception : les fonds d’épargne-pension, dont les revenus sont exonérés de précompte mobilier belge. Les sociétés d’investissement possèdent quant à elle la personnalité juridique et sont normalement soumises à l’impôt des sociétés. Toutefois, dans la pratique, leur base imposable est presque nulle. Les sociétés d’investissement bénéficient d’une exonération de précompte mobilier pour tous les revenus mobiliers qu’elles perçoivent, sauf pour les revenus d’actions d’origine belge. Toutefois, dans ce dernier cas, elles peuvent entièrement récupérer le précompte retenu. D’autre part, elles peuvent bénéficier des conventions préventives de la double imposition conclues par la Belgique et récupérer de cette manière tout ou partie des retenues à la source effectuées à l’étranger. FISCALITE DANS LE CHEF DE L’INVESTISSEUR BELGE Si l’on se penche sur les investisseurs personnes physiques, il est important de distinguer les OPC qui émettent des parts ou actions de capitalisation56 et ceux qui émettent des parts ou actions de distribution57. Les dividendes payés par les sociétés d’investissement subissent la retenue du précompte mobilier, alors que les plus-values réalisées lors du rachat de parts de capitalisation ou de distribution sont exonérés d’impôts pour les particuliers et pour les personnes assujetties à l’impôt des personnes morales. Les revenus des parts de distribution58 des fonds de placement sont encaissés nets59 et ne sont plus assujettis à aucun autre impôt pour les personnes physique et les
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L’OPC ne distribue pas de revenus mais les capitalise, ce qui permet dans certains pays comme la Belgique d’éviter tout impôt et précompte. 57
L’OPC distribue annuellement un dividende.
58
La loi ne prévoit rien pour le régime fiscal des fonds de capitalisation. Il est en effet peu probable que de tels fonds soient créés, car ils ne pourront capitaliser que les revenus nets après perception du précompte mobilier, ce qui efface immédiatement l’avantage de cette deuxième formule par rapport aux fonds de capitalisation.
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personnes assujetties à l’impôt des personnes morales. Les plus-values réalisées lors du rachat de parts sont exonérées d’impôts. Les fonds d’épargne-pension constituent une catégorie distincte de fonds de placement ayant un statut fiscal propre. Les sommes qui sont affectées à l’acquisition de parts peuvent donner lieu à une réduction d’impôts pour les personnes âgées de18 à 64 ans.
59
Les revenus mobiliers sont soumis au précompte mobilier, comme nous l’avons vu, au moment de la perception (par la société de gestion). Par conséquent, le PM n’est plus applicable au moment de la distribution de ces revenus aux participants.
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AUTRES OPERATIONS TRAITEES PAR LES INTERMEDIAIRES FINANCIERS
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En dehors des opérations par lesquelles les intermédiaires financiers mettent à la disposition d'utilisateurs les ressources financières qu'ils ont récoltées auprès des détenteurs de fonds excédentaires, ils rendent à la communauté une série de services ayant trait à la circulation de fonds ou de titres financiers. L'impact de ces opérations de services se traduira, pour une très grande partie, non dans des activités liées au bilan proprement dit et génératrices de marges d’intérêt, mais dans des activités de prestations de services et de commerce, génératrices de commissions ou de bénéfices sur différence de prix.
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CHAPITRE 13. CONSERVATION DE VALEURS INTRODUCTION Il s'agit en fait d'opérations qui se retrouvent très tôt dans l'histoire des institutions financières. En particulier, dans le cadre des foires commerciales du Moyen Age, certaines personnes faisaient profession de recevoir en dépôt les moyens de paiement des marchands qui ne souhaitaient pas circuler en possession de leurs valeurs et qui retiraient les sommes nécessaires aux paiements de leurs transactions au fur et à mesure de leurs besoins. Dans un deuxième stade, ces marchands prirent l'habitude de disposer sur leurs dépôts au moyen de tirages. La matière de transaction sur titre, les fonctions premières des intermédiaires financiers concernent d’une part le courtage, fonction mise en présence d’un acheteur et un vendeur, d’autre part le dépôt-titre. Le recours à un dépositaire spécialisé peut accroître la sécurité des transactions. Le client recevra confirmation d’un ordre d’achat ou de vente non seulement de la part du courtier qui a reçu l’ordre, mais aussi de la part du dépositaire (que l’on appelle d’ailleurs « custodian » en anglais). Ceci le protège contre une négligence ou une fraude de la part du courtier. Un recours à des dépositaires agréés est d’ailleurs une des conditions d’agréation d’organismes de placement en valeurs mobilières. Examinons les caractéristiques de cette seconde activité.
2 TYPES DE DEPOTS En fait, on distingue deux types de dépôts de valeurs : 9 le dépôt irrégulier : il s'agit du dépôt de choses fongibles, c'est-à-dire que rien ne permet de les distinguer par rapport à d'autres objets de la même sorte. Puisqu'elles sont librement interchangeables entre elles, le dépositaire ne doit pas restituer la chose même aux déposants, mais uniquement une même quantité et qualité par rapport à ce qu'il a reçu. 9 le dépôt régulier : il s'agit du dépôt de choses non fongibles, c'est-à-dire qui doivent être restituées telles quelles aux déposants. Le dépositaire ne peut donc en aucun cas faire usage de ce dépôt.
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LES DEPOTS DE TITRE Aujourd'hui, le déposant de titres se voit demander s'il consent à les remettre en "pot commun", c'est-à-dire de les voir s'ajouter à l'ensemble des autres titres semblables en dépôt auprès de l'établissement financier, et à ne pas nécessairement recevoir, lors du retrait, les titres portant les numéros de ceux qui avaient été déposés. En rendant ainsi fongibles les dépôts de titres, les dépositaires peuvent abaisser sensiblement le coût administratif de la conservation, diminution qui est répercutée sur la rémunération du dépositaire (abaissement relatif des "droits de garde"). A remarquer qu'en matière de titres, la fongibilité ne peut pas s'appliquer dans tous les cas. Citons le cas des obligations à lots, où l'individualisation par numéro est capitale puisque c'est ce numéro qui fait l'objet du tirage, et donne éventuellement droit à l'attribution du lot. Possédant les installations nécessaires à la conservation de valeurs (galeries de coffres-forts), les établissements financiers mettent parfois une partie de celles-ci à la disposition de leur clientèle : ils ne sont alors plus dépositaires de valeurs, mais simplement bailleurs de coffres-forts (de tailles fort diverses) dont les clients sont locataires.
LE RESPECT DE CERTAINS DEVOIRS En matière de conservation, les intermédiaires financiers ont un certain nombre de contraintes à respecter : 9 devoir de sécurité, qui s'exerce dans diverses directions : protection physique : disposition de salles blindées, sous contrôle électronique avec, le cas échéant, des gardes armés en surveillant l'accès; protection administrative : introduction de procédures d'accès aux salles de coffres, tenue de registres constatant les allées et venues, accès aux coffres par deux personnes différentes ayant chacun une clé distincte, pose du chiffre secret par le titulaire du coffre en isolation totale, ... protection économique : conclusion d'assurances contre l'incendie, l'inondation, le vol. 9 devoir de discrétion : les valeurs conservées dans les coffres loués aux clients ne concernent que ceux-ci : soit que les clients ne désirent pas que d'autres aient connaissance des valeurs entreposées, soit que les documents ainsi mis en sécurité soient strictement personnels et confidentiels. Aussi les dépositaires ménagent-ils fréquemment de petits isoloirs, dans la salle des
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coffres même, où les déposants peuvent se retirer et manipuler le contenu de leur coffre à l'abri de regards indiscrets.
EVOLUTION : LES CENTRALES DE DEPOT ET DE LIVRAISON DE TITRES Une étape nouvelle a été franchie par la création d'organismes de conservation interprofessionnels : c'est ainsi que, en Belgique, les banques et les agents de change ont créé la C.I.K. (Caisse Interprofessionnelle des virements de titres) à laquelle ils apportent la plupart des titres pour lesquels ils ont l'accord de fongibilité de la part de leurs clients. Ces titres sont remis en pool, la comptabilité permettant d'attribuer à tout moment les quantités physiques aux établissements dépositaires participants. En cas de transaction (en bourse par exemple) impliquant une livraison de titres entre deux établissements participants, il suffira d'une transcription comptable pour acter la mutation. Cette technique a été étendue au plan international : deux organismes (Euroclear à Bruxelles et Cedel à Luxembourg) assurent la conservation de titres de professionnels du monde entier. Ils ont également développé une activité de compensation en titres qui va plus loin que le simple transfert en compte, et permet entre autres la liquidation des transactions par « livraison contre paiement » (en anglais Delivery against payment). Ceci permet de fortement réduire le risque de contrepartie. Ces organismes agissent essentiellement comme des prestataires de services comptables, et ne détiennent souvent pas les titres physiquement lorsque ceux-ci sont au porteur : ils en confient le dépôt à des banques équipées pour cela. En 2000, Cedel et la centrale de compensation de la "Deutsche Börse" ont fusionné sous le nom de Clearstream. Une fusion de celle-ci et de Euroclear permettrait une consolidation et une rationalisation de cette activité en Europe, mais elle semble peu probable.
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CHAPITRE 14. LES PAIEMENTS INSTRUMENTS En dehors de paiements comptant en espèces, les règlements financiers se font essentiellement par ordre de transfert donné par le débiteur d'une transaction à un établissement financier d'effectuer le paiement à son créancier, ou par mise en recouvrement par le créancier d'un titre de créance à encaisser auprès de son débiteur ou de l'établissement financier auprès duquel ce titre de créance pourrait se trouver domicilié.
TRANSFERTS : LES VIREMENTS Pour ce qui concerne les transferts, la forme la plus courante est le virement, qui requiert l'intervention de deux établissements financiers : celui du donneur d'ordre du paiement et celui du destinataire.
TITRES FINANCIERS LE CHEQUE BANCAIRE Pour ce qui concerne le titre financier mis en recouvrement par le destinataire, l'instrument le plus fréquent est le chèque bancaire qui lui aura été remis par le débiteur. Dans ce cas, il ne faut pas nécessairement deux établissements financiers, puisque le créancier peut encaisser directement le chèque en se rendant personnellement auprès du banquier du débiteur; toutefois, cette procédure lourde (et souvent impraticable en raison des distances) peut être évitée par le créancier par la remise du chèque à son propre banquier, qui procédera à son encaissement pour le compte du créancier et le cas échéant créditera immédiatement celui-ci "sauf bonne fin" (= sous réserve de la récupération effective des fonds du débiteur). A l'instar des effets de commerce (qui sont généralement des titres de créance que les établissements financiers sont aussi chargés d'encaisser pour compte du créancier, lorsqu'ils ne les ont pas escomptés), le chèque est soumis à une législation qui précise son usage. On distingue les parties suivantes :
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9 - le tireur, qui est le débiteur de la somme à payer et le titulaire du compte auprès de l'établissement financier; 9 - le tiré, établissement financier qui paiera le chèque pour compte du tireur pour autant que la provision existe; 9 - le bénéficiaire, qui est le destinataire du paiement. Tout comme l'effet de commerce, le chèque est endossable par le bénéficiaire à un endossataire, qui peut lui-même en transmettre le bénéfice à un nouvel endossataire, et ainsi successivement. L'émission de chèques sans provision est sanctionnée pénalement; la provision découle soit de l'existence d'un montant disponible sur le compte, soit de la place disponible dans le cadre d'une ligne de crédit accordée au titulaire du compte. La certitude du paiement par celui qui accepte un chèque en règlement d'une dette n'est pas absolue. On peut pallier à cette incertitude par la création du "chèque certifié", sur lequel le banquier tiré appose avant sa remise au bénéficiaire une inscription promettant d'honorer à sa présentation le chèque émis par le tireur, ou encore par la création de "chèques de banque", émis à la demande du donneur d'ordre par la banque elle-même sur ses propres caisses ou celles d'un de ses correspondants : dans ces cas l'établissement financier tiré débitera le compte de l'émetteur, dès la certification du chèque de son client ou l'émission de son propre chèque, pour s'assurer de la provision. La circulation des chèques est très intense dans les pays anglo-saxons. Après la guerre, constatant le faible développement de ce moyen de paiement en Belgique, un Comité pour la promotion du chèque a été créé dans le sein de l'Association Belge des Banques; ce comité a procédé à des campagnes publicitaires, en même temps que les établissements financiers faisaient proliférer leurs agences et succursales pour se rapprocher de clientèles de plus en plus étendues en leur ouvrant largement l'accès aux carnets de chèques. Plus tard ont été inventées les cartes de garantie de chèque, auxquelles ont été associées les facilités de crédit "automatique" dont question précédemment. Les conséquences ont dépassé les prévisions des promoteurs : d'une part, il y a eu pas mal d'abus en matière de chèques sans provision, les tribunaux se montrant indulgents du fait même de l'agressivité commerciale dans la mise à disposition de ces méthodes de paiement vis-à-vis d'un public insuffisamment formé; d'autre part le circuit de recouvrement entraîne des manipulations nombreuses, génératrices de frais fixes importants, d'autant moins supportables que les chèques sont de faible dénomination. C'est la raison de l'avènement des cartes personnalisées de paiement électronique permettant le règlement d'achats aux points même de vente (Points of Sale = POS) par raccordement de ceux-ci à des centraux électroniques, euxmêmes branchés sur les centres informatiques des banques des titulaires de compte. Grâce à une identification magnétique, la carte permet le transfert instantané du compte du client au compte du fournisseur, les frais d'infrastructure étant en partie
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du moins compensés par la réduction de frais et de risques des manipulations physiques60. AUTRES TITRES FINANCIERS On peut également citer comme moyens de règlements financier le mandat, l’assignation ou le chèque circulaire, qui sont des titres de paiement émis par un établissement financier (ou par la poste) d'ordre d'un débiteur envers son créancier; ainsi que les quittances, émises en particulier par les compagnies d'assurance pour l'encaissement de leurs primes, qui sont mises en recouvrement comme des effets de commerce. Il y a enfin les documents commerciaux eux-mêmes, qui peuvent être mis en recouvrement, par recours aux services documentaires des établissements financiers, sans pour autant qu'il existe de crédits documentaires sous-jacents. L'expéditeur d'une marchandise confie la facture et l'ensemble des documents d'expédition ayant trait à la marchandise vendue à un établissement financier, à charge pour celui-ci de les présenter au destinataire contre paiement au comptant (dans ce cas la remise des documents est fréquemment accompagnée d'une traite à vue) ou à terme (dans lequel cas la remise des documents sera accompagnée d'une traite à échéance, que l'on priera l'établissement financier de faire accepter par le débiteur au moment de lui remettre les documents) : c'est ce qu'on appelle un encaissement documentaire. Ce système, contrairement au dispositif du crédit documentaire, ne donne pas à l'expéditeur de certitude d'être payé puisqu'il n'y a aucun engagement bancaire a priori d'honorer les documents présentés.
MECANISMES UTILISES PAIEMENTS LOCAUX PRINCIPE Depuis que plusieurs établissements financiers ont eu à se faire des règlements entre eux pour compte de leurs clients respectifs (du fait des transferts et
60 Dans ce sillage, le dernier né des moyens de paiement est le “porte-monnaie électronique”, petite carte à puce acceptée dans divers points de vente. Non personnalisée, on l’acquiert pour le montant pour lequel il est chargé (on peut le recharger après épuisement). Evitant les inconvénients des cartes classiques qui requièrent l’introduction d’un numéro code d’identification, le porte-monnaie électronique est destiné au règlement de petites sommes. La carte Proton en est une des premières concrétisation, la Belgique bénéficiant d’une des premières expériences au monde dans ce domaine.
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encaissements que ceux-ci ordonnent), ils ont pris l'habitude de se rencontrer journellement en un même lieu pour des raisons de commodité. D'informelles, ces rencontres en "clearing house" ou "Chambre de Compensation" ont été formalisées. En Belgique, elles se tiennent auprès de la Banque Nationale de Belgique qui met à disposition une série de services administratifs pour faciliter le dénouement des opérations. En fait, toutes les créances et les dettes réciproques des établissements financiers sont inscrites dans un tableau unique, qui fait apparaître par différence pour chaque établissement le solde que celui-ci doit soit payer à l'ensemble de ses confrères, soit recevoir d'eux. Des problèmes peuvent d'ailleurs se poser aux établissements financiers qui ont par solde un déficit, c'est-à-dire qui doivent payer à l'ensemble de leurs confrères plus qu'ils n'en reçoivent : ils peuvent à cet effet utiliser leurs avoirs disponibles auprès de la Banque Nationale, ou recourir aux avances que la Banque Nationale est disposée à leur consentir dans le cadre de lignes individuelles, à taux croissants61, accordées établissement par établissement. EVOLUTION DU SYSTEME Différents systèmes sont venus améliorer le fonctionnement de la Chambre de Compensation : •
CHEQUE « TRUNCATION »
Pour les chèques de faible importance, il n'y a plus remise matérielle à la banque domicile des chèques par la banque chargée de l'encaissement, ainsi que cela se ferait normalement en Chambre de Compensation. Les chèques restent entre les mains des banques chargées de l'encaissement, la banque domicile ne recevant que les indications de montant, de numéro du chèque et de numéro de compte permettant de débiter le compte de l'émetteur du chèque. Il en résulte des gains substantiels en manipulations, mais des inconvénients quant aux difficultés de retrouver les erreurs éventuelles, signalées la plupart du temps par le client émetteur du chèque après réception de l'extrait de compte le débitant; on remarquera en particulier que quand le chèque n'est plus transmis à l'établissement financier domicile, celui-ci n'est plus en mesure de vérifier la signature de l'émetteur, ce qui peut retarder la découverte d'abus éventuels. Il n'empêche que dans l'ensemble, les gains provenant des avantages du cheque truncation ont été de loin supérieurs aux conséquences des inconvénients cités. •
CHAMBRE ELECTRONIQUE DE COMPENSATION
A la tradition manuelle des documents de virements et de transferts, il tend à se substituer l'usage de remise de bandes ou autres supports magnétiques, voire de
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Jusqu'à un certain plafond : taux ordinaire, un peu plus élevé que le taux des adjudications sur effets de commerce; au-delà : taux pénalisateur (2 % plus élevé que le taux ordinaire).
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leur transmission télématisée, formatés de manière standard, ce qui facilite énormément leur traitement. Le développement de ces techniques a commencé, il y a déjà plusieurs années, par les plus grands établissements financiers, mais son extension aux autres s'est poursuivie au fur et à mesure de l'adaptation de chacun aux techniques informatiques nécessaires.
PAIEMENTS ELOIGNES Dès le début, pour des raisons de sécurité, on a tenté de minimiser la nécessité de transports effectifs de fonds. C'est ainsi qu'est né le système de correspondants entre marchands - mués ensuite en établissements financiers - opérant sur des places distinctes, qui permettait aux uns de disposer auprès des autres de fonds sans devoir procéder à un transport physique pour chaque transaction isolée. La disposition sur ces comptes se faisait précisément par les "lettres de change", dont l'usage s'est transformé au cours des siècles. Aujourd’hui encore, lorsque le transfert ou encaissement ne se fait pas sur la place même où se trouve situé l'établissement financier qui initie l'opération, celui-ci en chargera sa succursale, sa filiale ou son correspondant situé sur l'autre place concernée. Ce dernier y utilisera les mécanismes de compensation locaux. Lorsque le bénéficiaire ou le débiteur sont localisés en dehors des rayons d'action des banques locales, l'acheminement ou le recouvrement s'effectue par pèlerin spécial ou, plus simplement, par la poste. Là où les courants de transferts et d'encaissements le justifient, des comptes réguliers sont entretenus par les établissements financiers auprès de leurs correspondants, ce qui pose le problème de l'alimentation de ces comptes et des méthodes de prélèvement. A cet effet, des comptes croisés sont généralement ouverts par les deux établissements financiers en cause : un établissement financier ouvrira, dans ses propres livres (généralement dans sa propre monnaie), un compte appelé "vostro" (ou "loro") à son correspondant éloigné. Il y inscrira en crédit les dépôts faits par ce correspondant auprès de lui et en débit les retraits ordonnés par ce correspondant. A l'inverse, l'établissement financier ouvrira auprès de son correspondant (et généralement dans la devise de celui-ci) un compte appelé "nostro" dans lequel seront enregistrés au débit les dépôts que cet établissement aura fait auprès de son correspondant et au crédit les retraits qu'il lui aura ordonnés. A noter que les comptes vostri peuvent présenter des soldes débiteurs ou les comptes nostri des soldes créditeurs, dès lors que soit l'établissement financier, soit son correspondant aura consenti des avances à l'autre : c'est ce qui se passera par exemple, lors de transferts ou de retraits, quand l'approvisionnement du compte n'aura pas été fait à temps pour couvrir le règlement demandé.
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COUT - REMUNERATION DES FRAIS ELEVES Comme on le voit, l'ensemble des services de règlements financiers sont générateurs de frais directs et indirects qui peuvent être élevés : il y a les frais d'écritures, la disposition d'un réseau de guichets, l'entretien du réseau de correspondants, le développement des programmes et réseaux informatiques, les frais de courrier ou de télécommunications, les frais périodiques de clôture du compte et de calcul des intérêts, ainsi que le coût entraîné par le maintien d'une provision suffisante en moyens de trésorerie pour permettre à tout moment les règlements ordonnés par les clients des établissements financiers.
LE SYSTEME DES « DATES DE VALEUR » Ce dernier élément justifie d'ailleurs le système de "dates de valeur", c'est-à-dire les dates conventionnelles, distinctes des dates de transactions effectives, à partir desquelles elles sont enregistrées en comptabilité d'intérêt : ainsi un transfert ordonné le jour J auprès d'une banque sera inscrit en comptabilité le jour J (date de l'opération) mais avec en regard une deuxième date J - 1, qui est la date de prise en considération pour le calcul des intérêts. De même la réception d'un transfert en faveur du compte le jour K sera enregistré ce même jour K, mais avec en regard une date valeur K + 1 pour les besoins des calculs d'intérêt. En fait tout se passe comme si l'établissement financier devait avoir à sa disposition la trésorerie nécessaire pour exécuter l'ordre de paiement un jour entier avant son exécution ou comme s’il n'avait pu disposer de la trésorerie reçue lors de l'arrivée du paiement en faveur de son client que le lendemain de cette réception. La justification du système des dates valeurs est actuellement mise en cause par les associations de consommateurs et par le législateur, à fort juste titre.
TARIFICATION DES SERVICES La couverture des frais liés aux règlements pose le problème de la tarification de ces services. Avant que les ententes ne soient proscrites par l'Union Européenne en matière de services bancaires (années 80), des barèmes assez uniformes existaient dans divers pays pour les encaissements d'effets de commerce, les encaissements documentaires, les virements et encaissements de chèques internationaux; en matière de transferts et d'encaissements de chèques nationaux, la situation était plus variée, allant de la gratuité totale y compris les frais de port (OCP)62, jusqu'à
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Office des chèques postaux.
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l'application de commissions de complet des frais de port, de télécommunications, de clôture périodique, etc. La notion de gratuité ou quasi gratuité procède de l'idée que certains services comme le transfert ou l'encaissement de chèques doivent être supportés par l'établissement financier qui bénéficie de la jouissance des soldes débiteurs ou créditeurs laissés en compte par ses clients et lui procurant une marge rémunératrice. L'intermédiaire nourrit d'ailleurs l'espoir qu'une fois clients, ceux-ci auront recours aux autres services rémunérés de la banque. Il y a paradoxe lorsque divers établissements ont des notions différentes du type de service qui peut être presté gratuitement : dans certains établissements on ne percevra pas la rémunération couvrant les frais afférents aux opérations de change, tandis que dans d'autres ce seront précisément les opérations de règlements financiers qui ne seront pas tarifés : les clients perspicaces profiteront des contradictions, ce qui sera par le jeu de la concurrence un facteur de réduction globale des prix facturés aux clients des établissements financiers. Les clients perspicaces sont cependant trop peu nombreux, et les ententes tarifaires ne sont pas inconnues. Aussi en Belgique, diverses tentatives d'harmonisation de la tarification des prix des services parallèlement au taux d'intérêts créditeurs ont eu lieu entre les différents types d'établissements financiers, ainsi qu'entre les établissements financiers d'un même type : la Banque Nationale de Belgique a même tenté dans le courant des années 70 de favoriser certains aspects de cette harmonisation. Ces tentatives avaient cependant été abandonnées, vu l'évolution de la jurisprudence et dès lors de la pratique européennes, qui ont conduit à l'abrogation obligatoire de toutes conventions tarifaires des services bancaires - à l'exception de certaines facturations entre banques elles-mêmes - avec effet au 1er avril 1986 pour ce qui concerne la Belgique. Depuis lors, de telles tentatives de tarifer leurs services relatifs au fonctionnement des comptes-courants ont été reprises par de nombreux autres établissements financiers sous la pression d'une rentabilité érodée. Cependant le pouvoir politique (Ministère des Affaires Economiques) désireux de protéger un consommateur irrité a longtemps retardé les autorisations qu'il décernait dans le cadre de la réglementation des prix. Un compromis a été atteint en janvier 1991, par lequel les clients se sont vus reconnaître le droit de réaliser gratuitement à travers leurs comptes un nombre minimum de transactions ("paquet de base"), la tarification - néanmoins plafonnée - s'appliquant facultativement aux opérations au-delà du minimum. La réglementation des prix a finalement été abrogée en avril 1993, et les établissements de crédit sont depuis lors entièrement libres de fixer leurs tarifs, qui sont plutôt en hausse, probablement du fait de concertations plus discrètes que les conventions officielles d'antan. Le coût des transferts internationaux étant resté globalement élevé en 2002, même au sein de la zone Euro, la Commission Européenne a imposé une limite au coût que peuvent facturer les banque pour ce type d’opération : à partir de 2003, les transferts au sein de la zone Euro ne pourront coûter plus que des transferts nationaux.
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CHAPITRE 15. LES OPERATIONS DE CHANGE Si les opérations bancaires de conservation et de transport de fonds sont fort anciennes, le change est peut-être la plus vieille de toutes, remontant à l'origine même de la monnaie. En effet, celle-ci revêtait des formes différentes selon les aires (parfois fort restreintes : ville ou village) où elle était en usage. Déjà chez les anciens Egyptiens, Mésopotamiens et Grecs, les changeurs florissaient, ancêtres des cambistes contemporains.
BILLETS DE BANQUE - CHEQUES DE VOYAGES De nos jours encore, les opérations de change les plus simples sont celles qui concernent la fourniture de moyens de paiement pour voyageurs se rendant à l'étranger. Les intermédiaires financiers font à leurs guichets le commerce de billets de banque étrangers, voire la fourniture de chèques de voyages. Ces derniers sont des chèques de montants pré-déterminés, émis par des organismes notoires sur leurs propres caisses et internationalement acceptés comme moyen de paiement par de nombreux organismes (banques, hôtels, compagnies aériennes, restaurants, commerçants, etc.). Les émetteurs sont des organismes spécialisés (American Express, Thos Cook, ...) ou des banques de grande dimension (Bank of America, Crédit Lyonnais, Banco di Roma, ...) qui approvisionnent en formules vierges un réseau international de banquiers revendeurs. Ces derniers les vendent à leur tour, contre perception d'une commission de l'ordre de 1 % flat, à leurs clients, qui les signent une première fois pour identification à l'achat et une deuxième fois, à l'ordre du bénéficiaire, lors de leur utilisation comme instrument de paiement. La commission est partagée entre le revendeur et l'émetteur, à qui est immédiatement retransmise la contre-valeur des chèques vendus. Celui-ci bénéficie donc de la trésorerie flottante ("float") tant que les chèques ne lui sont pas présentés au remboursement, ce qui peut durer longtemps. Les opérations sur billets de banque et chèques de voyages en devises ne représentent cependant qu'une infime partie des opérations en monnaies étrangères.
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LES REGLEMENTS EN DEVISES FONCTIONNEMENT Pour leur partie essentielle, les règlements en devises des agents économiques s'effectuent par virements ou remises de chèques ou d'effets, se dénouant en fin de compte par transferts bancaires internationaux. A cette fin, les agents économiques acquièrent ou cèdent leurs devises au travers de leurs banques; celles-ci les acquièrent ou les cèdent à leur tour sur les marchés des changes interbancaires et les reçoivent ou en disposent auprès de correspondants dans les pays des devises en cause. C'est donc au départ de comptes entretenus auprès de correspondants du pays de la devise acquise que les règlements en cette devise s'effectuent pour compte des donneurs d'ordre étrangers.
EXPOSITION AU RISQUE DE CHANGE Le maintien de tels comptes expose les banques à des risques de position de change lorsqu'elles sont titulaires pour leur compte propre des devises qui s'y trouvent. Le calcul de ce risque de change et des plus- ou moins-values qui résultent à chaque instant des fluctuations constantes des cours de change sur les marchés s'effectue au moyen de techniques comptables appropriées, au travers de comptes internes dits "de contrepartie" ou "de conversion".
CONTROLE ET REGLEMENTATION S'agissant de soldes en devises qui influencent les réserves de change du pays de la banque titulaire, il est compréhensible que les autorités monétaires de certains pays, dont de nombreux pays en voie de développement tentent de réglementer et de contrôler le maintien et l'usage de ces avoirs. Aussi existe-t-il de par le monde un florilège de méthodes de réglementations et de contrôles de change à travers lesquels les intermédiaires financiers doivent se mouvoir pour l'exécution de leurs opérations. Les pénalités financières d'un non-respect des réglementations en cause peuvent être très lourdes car les sanctions peuvent aller jusqu'à obliger les intermédiaires à dénouer des opérations conclues et à les recommencer dans les conditions réglementaires, les cours pouvant avoir changé dans l'entre-temps; ceci sans préjudice d'amendes ou confiscations éventuelles infligées aux contrevenants des réglementations. En Belgique, à l'issue de la dernière guerre, le législateur a confié la gestion des réglementations et du contrôle des changes à un organisme autonome : l'Institut Belgo-Luxembourgeois du Change (I.B.L.C.), qui dépendait en fait de la Banque Nationale de Belgique où il se trouvait d'ailleurs logé.
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Le principe de base sur lequel s'appuyait la réglementation belge entre 1944 et 1990 était l'institution d'un double marché des changes : 9 le marché réglementé, où se sont traitées uniquement les opérations d'achat et de vente de devises relatives aux règlements d'opérations commerciales (livraison de biens et de services internationaux); la Banque Nationale de Belgique intervenait dans ce seul marché pour maintenir le cours du franc belge dans le voisinage de parités déterminées par rapport à d'autres monnaies : dans le cadre du système de Bretton Woods de 1944 jusqu'en 1970, du "serpent monétaire" ensuite jusqu'en 1979, et enfin du Système Monétaire Européen (SME) de 1979 jusqu'en 1990; 9 le marché libre, où se traitaient les opérations de ventes et d'achats de devises relatives aux règlements d'opérations financières : investissements et désinvestissements en actifs financiers, immobiliers, etc ...; la Banque Nationale de Belgique n'intervenait pas sur le marché libre qui était dès lors entièrement soumis à la loi de l'offre et de la demande. Malgré certaines osmoses entre les deux marchés, ce système isolait les transactions commerciales, qui représentaient l'essentiel et avaient besoin de stabilité, des opérations financières, plus erratiques et spéculatives que la Banque Nationale de Belgique n'estimait pas devoir protéger. Il s'ensuivait une disparité de cours pour une même devise selon que l'on passait par l'un ou l'autre marché. Faible en période normale, l'écart pouvait devenir substantiel en cas de tension (on a atteint 16 % d'écart en novembre 1981). Quoique ayant donné de bons résultats depuis la guerre, et ayant inspiré à l'occasion des tentatives similaires à l'étranger, ce système de double marché a été abrogé en mars 1990 dans le cadre des mesures de libération de mouvements des capitaux imposé par l'Union Européenne. Le passage à Euro depuis 1999 pose de très importantes questions politiques, telles que convergence des politiques économiques des pays concernés, pouvoirs de la future Banque Centrale Européenne, introduction de nouveaux billets de banque, exclusion des banques privées des pays hors-Euro des mécanismes de clearing, mais il a simplifié pur les pays en cause la gestion des problèmes de change.
TYPES D'OPERATIONS DE CHANGE LES OPERATIONS AU COMPTANT
Lors d'une acquisition de devises "au comptant", la livraison des devises et la contre-livraison en monnaie propre n'ont en fait lieu que deux jours ouvrables bancaires plus tard; ce sont plutôt des opérations à très court terme que du comptant véritable. Aux deux jours de base, s'ajoutent le cas échéant les week-ends et les jours fériés qui sont différents d'un pays à l'autre ce qui peut compliquer les opérations.
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LES OPERATIONS A TERME
Celles-ci ont pour but la couverture de risques de change différés dans le chef des agents économiques. Le principe est le suivant : on achète (ou on vend) aujourd'hui, à un cours fixé aujourd'hui également, une certaine quantité d'une devise qui ne sera livrée et payée qu'à un terme ultérieur (correspondant normalement à une échéance de règlement dans la devise en cause). La différence positive (négative) entre le cours du terme et le cours du comptant d'une devise s'appelle le report (déport) ; ces report et déport reflètent les différences des taux d'intérêts existant dans les deux devises en cause ; cet élément est marginalement influencé, d'une manière ponctuelle, par l'offre et la demande pour la devise en cause sur le marché, par exemple pour des raisons spéculatives en cas d'événements politiques. EXEMPLE ILLUSTRANT LA RELATION ENTRE LES TAUX D'INTERETS ET LE COURS DU TERME :
Soient : 9 le cours au comptant entre l'Euro (XEU) et le dollar (USD) : 0,90 USD pour 1 XEU. 9 une opération à terme de 3 mois 9 un taux d'intérêt prévalant sur le marché du XEU de 4 % l'an 9 un taux d'intérêt prévalant sur le marché du USD de 2 % l'an. Au bout de trois mois,
9 un placement en XEU sera devenu 1 XEUx 1,01 (0,01étant l'intérêt sur le XEU pour trois mois) = 1,01 9 un placement en USD sera devenu 0,90 x 1,0050 (0,0050 étant l'intérêt sur le USD pour trois mois) = 0,9045 Le cours du comptant est de 0,90 : 1 = 0,90 pour USD pour 1 XEU; le cours du terme à trois mois sera de 0,9045 : 1,01 = 0,8955 pour 1 XEU En effet, si on a besoin d'acquérir du XEU à terme de trois mois que l'on compte régler avec du USD à recevoir à ce moment, on peut emprunter dès à présent du USD à trois mois, qui coûte 2 % l'an; avec ce USD on achète du XEU comptant au cours de USD 0,90 pour 1 XEU ; on replace ensuite ce XEU à 4 % l'an pendant trois mois; à l'échéance on livre les USD reçus pour éteindre l'emprunt et on prend livraison des XEU dont le placement est arrivé à terme. En effet, liées aux opérations à terme en devises, il y a les swap de trésorerie ou swap court terme : il s'agit d'une opération de trésorerie, dans laquelle on acquiert une devise au comptant pour la revendre simultanément à terme, en la plaçant ou l'utilisant dans l'intervalle. On revient donc en fin de compte à la devise dont on était parti, et ce à un cours connu d'avance. Si on reprend les hypothèses de l'exemple cité plus haut, le taux d'intérêts étant plus élevé pour le XEU (4%) que pour le USD (2 %), on tire un bénéfice apparent d'un
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achat au comptant de XEU dont le placement bénéficierait de la différence de taux d'intérêts (2 % l'an); cependant à terme, en revenant en USD à 0,8955, on fait une perte de change qui compense en fait le gain sur les taux d'intérêts. Des opérateurs feront des transactions, dans un sens ou dans l'autre, s'il y a des déséquilibres entre les cours du comptant et du terme : on voit qu'ainsi ces opérations d'arbitrage feront tendre les cours du terme vers le cours théorique de départ tel qu'il devrait être déterminé par les différences des taux d'intérêts. Il y a donc inter-relation entre les opérations de change à terme et les opérations swap, qui se bâtissent les unes par rapport aux autres. Il existe une grande variété de swaps, car on appelle ainsi toute opération financière d’échange. Il y a des swaps de devises à long terme, des swaps d’intérêt (taux fixe contre taux flottant), des options sur swaps, etc… Pour réaliser ces opérations, les intermédiaires doivent pouvoir trouver des contreparties; à cet effet, les intermédiaires financiers disposent les uns auprès des autres d'une ou plusieurs lignes63 pour les opérations au comptant et à terme et pour leurs emprunts en devises; le nombre et l'importance de ces lignes varieront en fonction de la qualité, de la taille et de la réputation de chaque établissement; parfois aussi de la nervosité du marché dont les membres peuvent réagir brutalement à la nouvelle d'un accident bancaire : ils répercutent alors sans discernement sur certains groupes de contreparties des mesures conservatoires, ce qui peut paradoxalement provoquer de nouvelles difficultés dans le marché, aggravant la situation résultant de l'accident lui-même, tout en paraissant justifier a posteriori la pertinence des mesures prises. Depuis le début des années 80, aux opérations à terme et de swaps se sont ajoutées des variantes plus sophistiquées, portant sur des contrats d'options d'achat et de vente à terme de devises, ou de fixation de taux d'intérêts pour des opérations de trésorerie différées ("forward rate agreements" = FRA). Un autre aspect des opérations de change, qui s'est surtout développé ces derniers temps face à l'internationalisation des marchés, est le fait que ces marchés restent ouverts 24 heures sur 24. A tout instant, on peut trouver une place ouverte quelque part dans le monde; par conséquent, les intermédiaires financiers se sont souvent, eux aussi, organisés pour être présents sur les différentes places "around the clock". Ainsi se réalisent des arbitrages qui régularisent les marchés. Parallèlement, les centres responsables de la gestion de la position globale en devises des établissements financiers multinationaux se déplacent-ils d'un siège d'exploitation à l'autre au cours d'une même journée, en général trois fois, en fonction des fuseaux horaires, d'Extrême-Orient vers l'Europe, puis vers l'Amérique, pour recommencer le cycle ensuite.
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lignes : montants maxima pour lesquels un intermédiaire financier accepte de traiter avec un autre sur le marché.
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SURVEILLANCE DES OPERATIONS DE CHANGE : Les transactions sur devises sont nombreuses et importantes; celles réalisées par des banques pour compte de clients ne forme plus qu’une partie réduite du marché des changes, ou plus de 95 à 99 % des opérations sont des opérations d’arithmétique ou de spéculation entre banques. La plupart des opérations sont traitées oralement par téléphone (le surplus l'étant par télex ou par fax ou écran) ; leur confirmation par écrit ne vient que plus tard. Les montants en cause sont considérables et il en découle des risques importants car : 9 lorsqu'on se parle par téléphone, on peut mal s'exprimer ou être mal compris (notamment entre "étrangers"); 9 il peut y avoir des collusions entre arbitragistes de différentes maisons (bancaires ou non), qui peuvent subir la tentation de dériver à leur profit personnel le bénéfice de certaines opérations. Le cas des courtiers en devises a posé problème à différentes reprises : vu leur intermédiation dans des transactions de grande importance, ils peuvent être tentés de recourir à des pratiques douteuses en connivence avec les opérateurs bancaires. Aussi, en Belgique, la loi du 4 décembre 1990 les soumet à une réglementation à l'instar d'autres prestataires de services financiers ; 9 il se peut qu'un arbitragiste, ayant fait une perte, souhaite ne pas la révéler à son organisation tant qu'il n'a pas pu la couvrir par d'autres opérations en bénéfice : c'est en quelque sorte la situation du joueur malheureux qui tente "de se refaire" mais qui si souvent ne fait qu'aggraver son cas. Pour pallier ces écueils, il faut soigneusement sélectionner et former les opérateurs, et appliquer un certain nombre de principes de gestion parmi lesquels la séparation des fonctions : ce seront des personnes différentes qui concluront les opérations dans le marché, qui les enregistreront en comptabilité, et qui en effectueront le contrôle, notamment pour vérifier que les positions globales et par contrepartie sont conformes aux limites fixées. En outre, des surveillances de conversations téléphoniques ont été instaurées, leur enregistrement pouvant servir à élucider d'éventuelles contestations - et à éviter certaines tentations. Il faut aussi éviter que les bonus ne créent des stimulants asymétriques, les opérations bénéficiaires des arbitragistes générant le droit à des primes, et les opérations déficitaires n’occasionnant aucune pénalité. Ceci encourage évidemment la spéculation.
LES DELAIS DE TRANSFERT Les délais de transfert entre un donneur d'ordre d'un paiement et son destinataire sont souvent importants. Pour les banques intervenant dans le règlement, de tels retards peuvent paraître intéressants, car pendant le délai de transfert elles disposent gratuitement de la trésorerie en transit (le "float") : certaines peuvent donc être tentées sinon de les allonger, du moins de ne rien faire pour les réduire. Mais de ce fait, certaines
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banques, désireuses de prouver la qualité de leurs services à leur clientèle et d'en faire un élément de promotion commerciale, ont réalisé des études approfondies pour essayer de raccourcir ces délais de paiement, surtout pour les gros montants, ce qui sera d'autant plus important pour le client que les taux d'intérêts sont élevés et que tout retard est évidemment préjudiciable au destinataire des fonds, voire à l'expéditeur lui-même. Les systèmes élaborés dans ce cadre par les banques prennent le nom de "cash management". Les banques ont imaginé des services spéciaux dans ce domaine : par exemple le "same date value" : la banque et l'entreprise cliente conviennent que pour les opérations de change au comptant (où en fait il y a un délai de 2 jours ouvrables pour l'acquisition de la devise et la livraison de sa contrepartie en monnaie locale), l'entreprise ne sera effectivement débitée en monnaie locale que le jour où la livraison de la contre-valeur en devises sera effectuée, voire mise à la disposition du bénéficiaire. Dans le même ordre d'idées, les banques aident les entreprises à s'occuper de la gestion et de la surveillance de leur risque de change - "exchange risk management". Les entreprises multinationales ou plus simplement les entreprises importantes qui ont à manier de grandes quantités de devises différentes, se prévalent de ces services et demandent aux banques de s'occuper de la gestion et de la centralisation de leurs opérations en devises; les gains sont tels que, pour les maximiser, certaines entreprises très internationalisées ont même acheté des banques. Ainsi donc, on peut voir que quand un système secrète des abus, la lutte contre ces abus peut fournir une arme commerciale efficace de concurrence. Ceci dit, sur le plan européen, l'Union Européenne s'est dernièrement émue de la lenteur de certains transferts internationaux dont les économiquement faibles (PME, particuliers) pâtissent le plus - aussi envisage-t-elle d'instaurer un système de clearing européen pour accélérer les paiements intraeuropéens - sujet fort controversé tant que la monnaie commune européenne n'aura pas vu le jour.
COMMUNICATIONS En matière de change, les communications jouent un rôle très important et les techniques se sont fortement développées : télex, téléfax, lignes téléphoniques directes, etc ... (une salle d'arbitrage quelque peu importante est d'ailleurs très impressionnante à voir). Il existe depuis longtemps des systèmes de sécurité qui permettent d'authentifier les messages : codes et clés télégraphiques, et les ordres de paiement : papiers de sécurité, impression des montants ou des signatures par des machines spéciales. Plus récemment, des normes standardisées de présentation des messages télex ont été établies pour accélérer le traitement et renforcer la fiabilité d'exécution des instructions transmises.
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Enfin, des banques très nombreuses s'interconnectent dans le réseau SWIFT64.
ROLE DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS EN MATIERE DE REGLEMENTATION
Si dans le domaine des changes le rôle primaire des intermédiaires financiers est de procurer des devises à leurs clients, de les transférer là où elles doivent être utilisées, et d'assurer des systèmes de protection contre les risques de change (ce qui est couramment possible pour des termes jusqu'à 12 mois dans la pratique des choses), les intermédiaires financiers jouent également un rôle important dans l'assistance à fournir à l'autorité dans la poursuite de ses objectifs de politique monétaire en servant de canaux privilégiés pour faire passer et appliquer les règlements. A cette fin, les intermédiaires se voient déléguer une autorité, qu'ils n'ont pas choisie, mais qui leur est imposée. La réglementation peut être renforcée en période de tension monétaire. En Belgique, ces tâches étaient fort astreignantes et coûteuses. L'abrogation du double marché en 1990 ne les a pas totalement éliminées; les banques doivent continuer à requérir des informations de leurs clients pour les opérations réalisées avec l'étranger - cela permet de poursuivre la tenue à jour des statistiques du commerce extérieur et conserve une infrastructure prête à intervenir s'il devenait un jour nécessaire de remettre en vigueur un système de contrôle des changes plus rigoureux.
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Réseau de télécommunications autonome accélérant encore la transmission des ordres et des positions comptables, et permettant l'interrogation réciproque entre correspondants financiers.
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CHAPITRE 16. LA GESTION PATRIMONIALE GENERALITES La fonction de gestion patrimoniale est double : 9 donner des conseils aux clients des intermédiaires financiers détenteurs de patrimoines mobiliers pour la gestion de ce patrimoine; 9 mettre en oeuvre les conseils donnés, cette mise en oeuvre pouvant être : décidée unilatéralement par le client; décidée en concertation entre l'intermédiaire financier et le client; décidée par l'intermédiaire financier seul, à qui le client a donné carte blanche (mandat de gestion discrétionnaire). Ces prestations sont réalisées principalement par : 9 les trust departments des banques commerciales anglo-saxonnes ou les services fiduciaires des banques commerciales européennes; 9 les investment banks aux U.S.A., les merchant banks en Grande-Bretagne, les banques privées en Suisse et ailleurs; 9 certains agents de change ou maisons de bourse; 9 des institutions ou personnes spécialisées, dont le rôle est confiné à la seule fonction de conseils et de gestion, et qui ne sont en principe pas partie à l'exécution des opérations qui en découlent ; 9 des organismes de placement collectifs en valeurs mobilières (OPCVM) ou en autres valeurs, organismes parfois indépendants, mais souvent gérés par des institutions relevant des catégories décrites ci-dessus, dans le cadre de contrats de gestion.
PRINCIPES SUIVIS PAR LES INTERMEDIAIRES FINANCIERS DANS CE DOMAINE
DETERMINER LES OBJECTIFS DE CELUI QUI DETIENT LE PATRIMOINE
Les objectifs diffèrent selon que le client est une personne physique (épargner pour acheter une maison, placer une somme pour doter une fille, etc .) ou qu'il est
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un investisseur institutionnel (rencontrer les sinistres pour une compagnie d'assurance, faire face aux droits des pensionnés pour une caisse de retraite ou un fonds de pension, accorder des subsides pour une fondation caritative). PERSONNE PHYSIQUE Pour une personne physique, sa situation de famille, l'âge et la santé d’elle-même et de ses proches, ses revenus professionnels, ses ambitions, ses craintes, etc. seront autant de facteurs à tenir en ligne de compte pour la détermination des objectifs. INSTITUTION Pour une institution, son objet social orientera le gestionnaire : les finalités d'une fondation universitaire, d'un fonds de pension, d'une compagnie d'assurance, ou d'un fonds commun de placement sont différentes par nature. Par ailleurs, deux individus ayant les mêmes objectifs accepteront, par tempérament, des degrés de risques différents. EXEMPLE
A et B ont les mêmes objectifs personnels, mais A vise 5 % l'an (avec une faible probabilité de ne pas s'en écarter de beaucoup - disons de 4 % à 6 %), et choisira des formes de placement à risques limités; B par contre vise 8 % l'an, mais est prêt à accepter de plus gros risques (disons d'atteindre en probabilité de 4 % à 12 %); il peut gagner plus, mais aussi perdre davantage. A noter que la fourchette de risques dépendra aussi de l'horizon temporel dans lequel le return doit être réalisé, ainsi que du degré de diversification qu’on pourra introduire dans le portefeuille.
LES OBJECTIFS UNE FOIS DEFINIS, DETERMINER UNE COMPOSITION ADEQUATE POUR LE PATRIMOINE
REPARTITION PAR NATURE D'INSTRUMENT : Il s'agit de déterminer les types et les combinaisons d'actifs dans lesquels on se propose d'investir : des dépôts en banque, des valeurs mobilières à revenus fixes et/ou à revenus variables, des instruments dérivés, des actifs immobiliers, des métaux précieux, des matières premières, des oeuvres d'art, etc. REPARTITION PAR DEVISE : Détermination des devises dans lesquelles peuvent être libellés les titres financiers à acquérir. Ceci pose le problème de la devise de l'évaluation globale du patrimoine à gérer, car en raison des fluctuations des cours de change, la perspective dans laquelle on examine le return global sera singulièrement différente selon la devise de base retenue.
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REPARTITION GEOGRAPHIQUE : Détermination de la localisation de l'actif d'investissement; ce n'est pas nécessairement la même chose que d'en déterminer la devise puisqu'un émetteur de titres financiers peut les libeller dans une devise différente de celle du pays où il se trouve établi. REPARTITION PAR SECTEUR ECONOMIQUE : Détermination de secteurs à privilégier ou écarter, p. ex. haute technologie, énergie, services publics, ... CHOIX DES VALEURS INDIVIDUELLES REPONDANT AUX CRITERES DEFINIS. Une des questions qui se pose est de savoir quel est le nombre optimum de valeurs différentes qu'il faut loger dans un portefeuille pour atteindre une diversification suffisante tout en limitant le coût du maintien et du suivi de chaque "ligne" dudit portefeuille. De plus s'imposera la détermination des domaines que chaque organisme gestionnaire pourra suivre en propre, parmi l'ensemble des champs d'investissement possibles - sans multiplier à l'infini le nombre de spécialistes qui serait sinon nécessaire. Aussi, en dehors de leurs propres services de recherche et d'étude dont les dimensions varient fort d'un organisme de gestion à l'autre, ceux-ci se baseront sur les concours d'experts extérieurs ou de correspondants proches des marchés qu'ils ne peuvent couvrir directement eux-mêmes : soit sous forme de conseils (obtention d'analyses économiques et financières et de recommandations de placement) soit même à titre de sub-délégation de gestion : par exemple en plaçant partie des fonds à investir dans des fonds communs de placement gérés par des tiers et spécialisés par région (Extrême-Orient, U.S.A., ...) ou par objet (junk bonds, venture capital, matières premières, oeuvres d'art, opérations croisées...).
MODE DE DETENTION DU PATRIMOINE Il faut étudier la meilleure structure de détention du patrimoine, c'est-à-dire déterminer le "véhicule" dans lequel le client va le cas échéant loger ses actifs. Si le patrimoine est de petite dimension, des parts d'OPCVM (fonds communs de placement, SICAV, ...) apportent parfois la solution désirée; à l'autre bout de l'échelle, le propriétaire très fortuné peut se faire constituer une société holding propre pour détenir certains actifs; il s'agit de formules souvent complexes et coûteuses, justifiées par des patrimoines d'une certaine dimension. Le propriétaire peut encore recourir au système des "trust" (d'usage dans les pays anglo-saxons) ou "fondation" (Anstalt); il s'agit de dispositifs juridiques par lesquels le propriétaire apporte son patrimoine à une entité confiée à un "trustee"
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qui devra le gérer au profit des bénéficiaires désignés en respectant les volontés du "fondateur". Ce seront ses objectifs, ainsi que différents éléments juridiques, successoraux et fiscaux - ayant une influence sur le coût, la performance, la fiabilité, mais aussi l'éventuelle irréversibilité de l'affectation des biens aux véhicules (irrévocabilité de certains trusts) - qui interviendront pour guider le propriétaire dans le choix du ou des véhicule(s) à retenir.
OPERATIONS La mise en oeuvre d'une gestion patrimoniale consiste à acheter, vendre, arbitrer sur les marchés et bourses de valeurs les actifs retenus en fonction des objectifs du propriétaire. Le cas échéant, il réalisera en outre, par des opérations de futures et d'options, la couverture ("hedging") du risque de positions prises dans certains titres, certaines devises ou certains marchés globaux. Le gestionnaire, qui effectue souvent des opérations pour son client pour des sommes considérables, est exposé au risque de voir naître un conflit d'intérêts entre lui-même et son client. Par exemple en augmentant le nombre de transactions qui génèrent dans son chef des courtages ("churning"). S'il est partie à une opération d'émission qui marche mal, il pourrait être entraîné à "gaver" ("stuffing") certains portefeuilles sous gestion du reliquat de titres avec lequel il serait resté collé. S'il bénéficie d'informations privilégiées, il pourrait être tenté de racheter à ses clients des titres dont il sait qu'une opération intéressante sera annoncée sous peu. C'est pourquoi le niveau déontologique exigé de ce type d'intermédiaire financier est très élevé. L'exposition aux conflits d'intérêts se retrouve d'ailleurs dans de nombreuses opérations qui sont confiées aux intermédiaires financiers. La nécessité de préserver la pérennité de leur fonds de commerce constitue, en dehors de toute considération morale, un certain frein naturel aux abus auxquels ils seraient éventuellement tentés de succomber, mais pas nécessairement suffisant... Aussi les autorités se soucient-elles davantage aujourd'hui de cet aspect des choses et sont amenées à susciter des normes de bonne conduite, voire à imposer de nouveaux règlements dans ces domaines sensibles.
EVALUATION DE LA PERFORMANCE Les bases techniques d'une bonne évaluation de la performance des portefeuilles en gestion afin d'en rendre compte à leurs propriétaires se sont développées au cours des trois dernières décennies. Les investisseurs institutionnels surtout, par leur nombre, leur ampleur et leur sophistication croissants, on fait progresser ces techniques. C'est en particulier le cas des fonds de pension des entreprises privées. Au départ les dirigeants de ces entreprises ont eu tendance à assumer eux-mêmes la gestion de leurs fonds de pension, sinon d'en investir tout ou partie dans l'entreprise elle-
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même. Mais cette gestion n'est ni de leur finalité, ni de leur compétence premières. D'autre part les contributions à ces fonds de pension se font souvent par des cotisations versées tant par les employés que par l'employeur. Les fonds de pension peuvent porter sur des sommes élevées (certains fonds de pension d'entreprise atteignent aux Etats-Unis plusieurs dizaines de milliards de dollars). En tout état de cause, il y a une grande responsabilité attachée à la bonne fin des engagements à très long terme des fonds de pension vis-à-vis des pensionnés présents et futurs de l'entreprise. Il n'est donc pas étonnant que les organes d'administration des fonds de pension (composés souvent de manière paritaire) aient de plus en plus souvent confié leur gestion à des gérants professionnels, mis d'ailleurs en concurrence. Curieusement, la législation réglementant les actifs des Fonds de pension était restée laxiste dans les pays anglo-saxons, leur permettant d’investir des proportions importantes en actions de la société. Il a fallu les scandales Maxwell en Angleterre (en 1990) et Enron aux Etats-Unis (en 2002) dans lesquelles les Fonds de pension ou Plans de pension des employés ont été ruinés, pour que des mesures plus contraignantes de saine diversification leur soient imposées. Les organes responsables de ces fonds doivent évidemment pouvoir mesurer aussi objectivement que possible la performance de gérants de Fonds en vue de décider de leur engagement, leur maintien ou leur remplacement éventuels. Des techniques de mesure de performance se sont développées en conséquence qui ont bénéficié aux autres catégories d'investisseurs, devenus eux-mêmes plus exigeants en la matière. En dehors des différences de performance qui peuvent naître de disparités de contraintes imposées aux gestionnaires (tel se voyant par exemple attribuer un portefeuille à investir en obligations, tel autre en actions), ou qui peuvent résulter de degrés de risques différents assignés à chaque portefeuille, la comparaison des performances peut donner lieu à diverses difficultés (en Belgique notamment) lorsque : 9 les organismes de gestion de patrimoine établissent leurs comptes selon des méthodes différentes; 9 les méthodes suivies n'aboutissent pas à l'établissement de résultats réels; 9 la devise de référence n’est pas la même; 9 le volume des actifs est trop faible pour permettre une diversification semblable à celle réalisée pour les grands portefeuilles. Parmi les méthodes d'évaluation qui ont été développées, il faut retenir celle dite du "time weighted rate of return" (taux de rentabilité pondéré par le temps) : pour une période donnée, ce procédé mesure la rentabilité successivement durant chaque sous-période où la dotation est restée inchangée (pas d'apport de capitaux nouveaux, pas de retrait de fonds à distribuer). Encore faut-il s'accorder sur les modalités d'application : comptabilisation de plus ou moins-values non réalisées, manière d'évaluer les actifs non cotés, fixation de la devise de comptabilisation, détermination des indices ou autres étalons de référence ("bench-marks") appropriés, etc.
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Un des grands sujets de controverses théoriques est de savoir si un gestionnaire peut, sur une longue période, "battre les marchés", c'est-à-dire atteindre une performance supérieure aux indices représentatifs des marchés (benchmarks) auxquels les portefeuilles gérés se comparent. Plusieurs auteurs affirment que si les marchés sont efficients, cela est impossible et que le gestionnaire ferait donc mieux d'"acheter l'index" (corbeille de valeurs représentatives des marchés visés); d'autres prétendent qu'il est possible de détecter, fût-ce marginalement, des inefficiences à l'intérieur des divers marchés, de même que de prévoir les facteurs, macro-économiques notamment, qui inciteront les gestionnaires à se dégager de certains marchés pour se réorienter vers d'autres. Quoi qu'il en soit, il existe, depuis les années 70, une nouvelle profession : celle d'évaluateur professionnel de performances de patrimoines, à qui s'adressent volontiers les responsables de fonds de pension qui mettent les gestionnaires en concurrence. Les évaluateurs professionnels sont facteurs d'harmonisation des méthodologies de calcul de performance suivies par les gestionnaires qui se soumettent à leur examen.
REMUNERATION DES GESTIONNAIRES Certains gestionnaires ne sont rémunérés que pour la gestion globale, sans être partie à l'exécution des opérations d'investissement; ils n'ont dès lors pas de conflit d'intérêt à cet égard. Dans la plupart des cas cependant, les gestionnaires sont également rémunérés sur les transactions ce qui leur permet de bénéficier de deux catégories de revenus : 9 une commission de gestion, qui s'élève souvent de 0,5 à 1,5 % du patrimoine géré, selon le volume des fonds sous gestion - parfois, mais plus rarement, il s’y ajoute ou s’y substitue une participation à la performance; 9 une part des courtages et commissions sur les achats et les ventes d'actifs qui contribue à rémunérer les services opérationnels, les droits de garde qui rémunèrent le service de conservation, et la marge d'intermédiation sur la fraction du patrimoine conservée sous forme de dépôts d'espèces.
REGLEMENTATION DE LA PROFESSION En dehors des réglementations plus générales dont font l'objet les banques et les sociétés de bourse, la gestion patrimoniale avait été jusqu'à récemment peu visée par les autorités. Des mesures existent en Grande-Bretagne dans le Financial Services Act mis en place en février 1988 et l'Union Européenne a introduit des dispositions à ce sujet dans sa propre directive sur les services financiers de mai 1993. La Belgique a anticipé sur celle-ci dans la loi du 4 décembre 1990 réformant le régime et les marchés de valeurs mobilières, et dans son arrêté d'application du 5 août 1991. L'objectif des réglementations touchant à la gestion patrimoniale est évidemment de voir si, dans l'intérêt de l'investisseur, des dispositions
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contraignantes ne doivent pas être imposées aux conseillers et gestionnaires, qu'ils agissent à l'intérieur ou en dehors de structures définies : l'établissement d'un régime déontologique et l'imposition de mesures pratiques telles que la séparation entre ces activités et les autres du même établissement, l'identification des responsables, la nécessité de recourir à des dépositaires qualifiés, la définition d'incompatibilités, la bonne information réciproque (objectifs, contrats, reddition de compte), etc.
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CHAPITRE 17. SERVICES FINANCIERS DES ENTREPRISES Parmi les services rendus par les intermédiaires financiers, plus particulièrement par les banques, il y a, pour compte des entreprises émettrices des titres, 9 le paiement des coupons - dividendes des actions et intérêts d'obligations ainsi que les remboursements du principal (fonction de "paying agent"); 9 l'estampillage ou l'échange des titres qui doivent être modifiés;. 9 l'enregistrement des noms des titulaires propriétaires des titres nominatifs (fonction de "registrar", d'usage dans les pays anglo-saxons sinon en Europe continentale). NOTE
Cette dernière fonction de "registrar" est lourde, et se fait toujours avec un certain retard sur les événements, causant divers problèmes administratifs qui peuvent avoir des répercussions financières pour les titulaires des titres. Tel est le cas par exemple dans l'attribution de coupons à un titulaire qui a vendu ses titres, mais dont la cession au nouveau titulaire est encore ignorée de la société au moment de la mise en paiement du dividende.
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CHAPITRE 18. LES OPERATIONS FINANCIERES OBJET Il s'agit en l'occurrence pour les intermédiaires financiers : 9 de donner des conseils aux pouvoirs publics et aux entreprises privées quant à l'adéquation de leurs moyens de financement ainsi que de leur structure financière et d'actionnariat, aux correctifs et compléments qu'il y aurait lieu d'y apporter, et aux méthodes à suivre pour y parvenir; 9 d'aider les pouvoirs publics et les entreprises privées dans la mise en oeuvre des mesures décidées pour améliorer ou redresser leur structure financière et réunir les moyens financiers requis par émission de titres, obligations (représentatives de dette à long terme) ou actions (représentatives de fonds propres). Dans cette fonction, les intermédiaires financiers aident au transfert des flux financiers entre agents économiques, sans que ces flux financiers entrent (durablement en tout cas) dans leur bilan. Les banques peuvent être actives dans ces transactions, tant les banques commerciales que les banques d’affaires, ainsi que des agents de change, courtiers ou parfois simples conseillers.
POUVOIRS PUBLICS Les pouvoirs publics Etats, et pouvoirs subordonnés connaissent des décalages entre leurs recettes (discontinues), et leurs dépenses courantes (continues), ainsi que certains déficits conjoncturels et certaines dépenses ponctuelles importantes en matière d'investissement. Ces décalages doivent être financés et ils le sont généralement par des emprunts, dont les conditions dépendront de la situation financière et économique générale, des réserves de change, de la balance des paiements, de la situation des finances publiques des pouvoirs concernés.
ENTREPRISES Pour les entreprises, ce sont les structures financières qu'il convient d'équilibrer en fonction des investissements à financer et des besoins en fonds de roulement, par rapport aux capitaux permanents et aux éléments de cash flow prévisionnels. Les intermédiaires financiers conseillent les entreprises en cette matière; ils les aident à analyser les structures vers lesquelles il faut tendre. Les comptes d'exploitation et bilans prévisionnels permettront de projeter les possibilités de rémunération et de
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remboursement futurs des capitaux recueillis, ainsi que l'éventuelle dilution des bénéfices et du pouvoir votal causée par l'émission nouvelle. Si dans les opérations de crédit, le financement de transactions commerciales, de fonds de roulement, bref, le court terme concerne essentiellement les activités de banque commerciale, pour ce qui concerne les opérations financières, ce seront les formes d'apport en capitaux à long terme - propres ou empruntés - qui seront presque exclusivement au centre des préoccupations.
LES SOLUTIONS Elles varient suivant : 9 la nature de l'utilisateur; 9 le type de problème à résoudre. On peut avoir besoin de procéder à un endettement nouveau, à une consolidation ou un rééchelonnement ("rescheduling") d'une dette existante, à une cession d'actifs et de passifs ou de flux de revenus futurs, à une fusion avec une autre entité ou à l'éclatement d'une entité existante. On peut avoir recours aux emprunts, aux augmentations de capital, ou aux deux à la fois, ainsi qu'aux techniques d'échange de titres financiers. On peut s'adresser à des types d'investisseurs différents. On peut choisir la voie privée ou publique; les législations en cette matière varient suivant les pays : en Belgique, pour qu'une émission soit considérée comme privée, il faut en principe remplir deux conditions : ne pas toucher plus de 50 personnes, ni procéder par offre en souscription ou en vente en utilisant des moyens publicitaires ou en recourant à des intermédiaires non habilités (les banques et sociétés de bourse sont des intermédiaires habilités).
LE MARCHE PRIMAIRE : LES OPERATIONS D'EMISSION Que les émissions soient du type privé ou public, les intermédiaires financiers procèdent en plusieurs phases.
ANALYSE DE L'EMETTEUR Les intermédiaires financiers qui envisagent de mettre l'opération sur le marché commencent par analyser la situation du candidat-émetteur :
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POUVOIRS PUBLICS
Analyse de la situation politique, sociale et économique, des réserves de change, de la balance des paiements et de la situation des finances publiques; ENTREPRISES
Analyse de la situation juridique, commerciale, technique, sociale et surtout financière, notamment par l'examen des bilans et des comptes de résultats passés et prévisionnels. IMPORTANCE DE L’ANALYSE : INDEPENDANCE, PROFESSIONNALISME, CREDIBILITE Cette analyse est un aspect très important de la fonction de l’intermédiaire financier. En effet, lorsqu’il patronne une émission, il engage son nom vis-à-vis du marché (autres intermédiaires, investisseurs, analystes, …), et il est essentiel que cette analyse soit faite avec l’indépendance et le professionnalisme nécessaires ; indépendance quant à des liens d’actionnariat ou d’affaire avec l’émetteur, professionnalisme quant à la connaissance du secteur et de l’entreprise, vérification des données (« due diligence »). L’intermédiaire est souvent amené à justifier le prix d’une opération publique, (émission, mais aussi fusion, cession, etc…) et peut dans ce cadre émettre un jugement formel appelé « fairness opinion ». La crédibilité du chef de file (« lead manager ») peut être un élément important dans le succès d’une émission, particulièrement d’une émission d’actions. EMISSIONS D’OBLIGATIONS : - DEVELOPPEMENT DES AGENCES DE RATING Dans certains pays, les émetteurs d’obligations sont évalués par des agents indépendants, appelés "rating agencies" ou agences de classement d'émissions (Moody's, Standard & Poor's;...). Ces agences classent les émetteurs après les avoir étudiés et interrogés; elles attribuent des cotes ou "ratings" aux obligations émises par entreprises et aux Etats. Cette classification est très importante pour les mises sur le marché d'émissions nouvelles, car certains investisseurs institutionnels se sont fixés, ou se voient imposer une limite inférieure quant au classement acceptable pour les investissements auxquels ils procèdent. Par exemple, certains investisseurs n'accepteront pas de papier dont la cote serait inférieure à BBB. L'absence de cote ou une cote insuffisante restreint donc de manière significative le marché potentiel d'une émission, et augmente le coût du capital recueilli. REMARQUES
Premièrement, le rating attribué à l'émetteur au départ n'est pas immuable : il peut varier dans le temps suivant l'évolution de la situation de l'émetteur qui doit se soumettre périodiquement à une réévaluation de la part des examinateurs des agences de rating.
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Deuxièmement, dans les grands marchés de capitaux, les emprunts de l’Etat hôte de ce marché établissent le taux d’intérêt « sans risque », et les autres émetteurs doivent payer un rendement supérieur. Cette « prime » varie en principe selon le rating (lorsqu’il est pratiqué dans ce marché), mais son niveau et fluctuant, et la hiérarchie logique (par exemple 40 « points de base » pour un AAA,60 pour un AA,80 pour un A, etc) n’est pas toujours respectée. Il faut classiquement que l'émetteur prévoie une durée, c'est-à-dire des échéances précises pour le paiement des intérêts et des remboursements en capital. EMISSION D’ACTIONS- CAPITAL A RISQUE Pour une émission d'actions ordinaires, il pourra y avoir dilution des résultats et du pouvoir votal pour les actionnaires préexistants. De plus, afin de faciliter le placement des actions nouvelles, leur prix d’émission est généralement inférieur (de quelques pourcents à 15 ou 20 %) au cours de Bourse. Pour ces raisons, dans la plupart des marchés, les émissions d’actions nouvelles réservent aux actionnaires existants une priorité de souscription, au moins temporaire, des actions nouvelles. FORMES INTERMEDIAIRES Entre le capital à risque et les obligations classiques, il y a des possibilités intermédiaires : obligations convertibles, obligations avec warrants donnant droit à une souscription à des actions nouvelles, obligations participatives, actions privilégiées, éventuellement avec dividende cumulatif, etc ...
DETERMINATION DU MODE DE DISTRIBUTION En fonction de l'instrument retenu, on déterminera le mode de distribution : émissions publiques à large diffusion ou émissions privées. EMISSIONS PRIVEES Ces émissions sont destinées à un groupe plus restreint d'investisseurs, généralement institutionnels. EMISSIONS PUBLIQUES Dans le cas d'une émission publique, la cotation en Bourse sera en principe demandée. L'avantage d'une cotation est de favoriser la liquidité du titre et de créer de surcroît une référence extérieure de marché pour sa valorisation; ces facteurs augmentent substantiellement sa diffusion potentielle, certains investisseurs institutionnels n'acquérant d'ailleurs que des titres qui sont admis à la cote d'une bourse officielle. La cotation favorise aussi la notoriété de l'émetteur. Ces avantages aboutissent à abaisser le coût du capital.
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Si on opte pour la cotation, il y a lieu de déterminer la ou les bourse(s) les plus appropriées : bourse, nationale, internationale ? La réponse dépendra : 9 de la nature des émetteurs : les titres d'émetteurs nationaux seront cotés principalement sur les bourses nationales ou alors sur des bourses présentant des avantages spécifiques (règlements souples, largeur de marché, investisseurs et intermédiaires sophistiqués); les titres d'émetteurs internationaux ou multinationaux se coteront souvent sur plusieurs places; 9 de la devise de l'émission : les titres libellés dans une devise déterminée sont souvent cotés sur une bourse du pays de la devise en cause; d'autre part la cotation d'euro-bonds se fait souvent à Luxembourg, car les coûts et les formalités y sont plus réduits.
MISE EN FORME DE LA DOCUMENTATION DE DISTRIBUTION La documentation à préparer à l'appui de la diffusion de l'émission dépendra du mode de distribution choisi : il s'agira d'un prospectus pour une émission publique (document très élaboré) ou d'un mémorandum pour un placement privé (document plus succinct). Afin d'assurer la bonne information du public souscripteur, des prescriptions très strictes existent dans de nombreux pays quant au contenu des documents qui doivent être soumis à l'agrément des autorités avant de pouvoir être diffusés. La diffusion de titres sur plusieurs places financières pose le problème des exigences différentes des diverses autorités nationales. Aussi, l'Union Européenne a-t-elle instauré par directive la reconnaissance mutuelle par tous ses états membres des prospectus autorisés dans un état membre d'après ses normes propres, pour autant que ces normes satisfassent aux critères minima définis dans la directive, instaurant ainsi le principe du « passeport européen ».
MISE EN PLACE DE CIRCUITS DE DISTRIBUTION Après avoir procédé à l'étude préliminaire, l'intermédiaire financier retenu par l'émetteur sera normalement le "lead manager" de l'émission. Il réunira, le cas échéant, d'autres "co-managers" autour de lui, en vue de la constitution d'un consortium ou syndicat d'émission. Lorsqu'elle sera ainsi constituée, la direction du syndicat recherchera des partenaires pour le lancement de l'émission. Dans la technique de la garantie de bonne fin(« underwriting »), ces partenaires seront de deux types : 9 d'une part, les "co-souscripteurs" qui sont appelés "underwriters"; ceux-ci garantissent à l'émetteur la bonne fin de l'émission, c'est-à-dire que l'émetteur touchera l'intégralité du montant de l'émission projetée; à ce titre, les underwriters doivent reprendre la partie de l'émission qui n'aurait pas été prise par les vendeurs, et ce en proportion de la part que chacun a souscrite dans le total;
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9 d'autre part les "vendeurs", appelés membres du "selling group"; ceux-ci achètent une fraction de l'émission pour la placer en clientèle ou la recéder à leur tour à des sous-traitants, qui sont donc des revendeurs. En fait, ces deux fonctions de "underwriting" et de "selling" se recouvrent partiellement : en acceptant d'être "underwriter", il est fréquent que l'on accepte d'assumer une partie du placement proprement dit, si cela entre dans les fonctions habituelles de l'underwriter (ce qui n'est pas toujours le cas : compagnies d'assurance p. ex.). Il s'agit donc d'une structure pyramidale :
Emetteur
Lead Manager Co Manager
Underwriters
Selling group
Revendeurs Investisseurs
Cette structure a des répercussions importantes sur celle des rémunérations allouées à chacun des membres de la chaîne, en fonction du rôle qu'il assume. L'obtention du mandat de "lead manager" ou de "co-manager" d'une émission importante fait l'objet d'une vive concurrence en raison des rémunérations et du prestige considérable qui y sont liés, mais aussi du fait qu'une opération réussie (elles ne le sont cependant pas toutes !) entraîne un avantage psychologique certain pour l'obtention d'autres. Aussi des "palmarès" ("league tables") sont-ils publiés par des périodiques financiers, listant et classant les intermédiaires les plus actifs selon les opérations ("deals") réalisées par nature et par volume. Parfois, les intermédiaires publient dans la presse des "encadrés" ("tombstones") claironnant leur participation aux opérations. La plus grande part des émissions du secteur privé sont distribuées selon ce schéma. Les émissions d'emprunt d'Etat dans la plupart des pays industrialisés sont plutôt réalisées par adjudication directe, selon diverses techniques de mise aux enchères.
CLOSING Les conditions d'émission, d'approximatives, sont ensuite définitivement arrêtées : prix pour l'action, taux d'intérêt et prime d'émission pour les obligations,
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prime de conversion pour les convertibles et ce en fonction des dernières données prévalant sur les marchés la veille du lancement. Dès lors peut avoir lieu la conclusion du contrat ("closing") entre le syndicat et l'émetteur, accompagnée de la signature d'une série de documents, dont, par exemple pour les émissions d'obligations, le contrat d'engagement de l'émetteur à l'égard de ses futurs obligataires ("indenture"). La complexité de tels contrats et les formalités légales obligatoires préalables à ces émissions sont loin d'être négligeables et entraînent d'ailleurs des frais de consultation juridique fort élevés, surtout en pays anglosaxons.
PLACEMENT Après le closing, le placement effectif de l'émission est en principe réalisé et, le cas échéant, il sera procédé à la cotation sur les bourses retenues. Si l'émission est difficile et que les titres refluent au marché, la cotation se situera en-dessous du prix d'émission. Souvent, la direction d'un syndicat d'émission disposera d'une marge de manœuvre pour reprendre une partie des titres qui se présentent de la sorte. Ces interventions de "after market" font l'objet d'une stratégie concertée entre les managers et l'émetteur, afin de soutenir ou régulariser les cours pendant une période raisonnable, mais une grande prudence s'impose pour ne pas être accusé d'avoir procédé à des manipulations, allant à l'encontre de la tendance fondamentale du marché.
LES INTRODUCTIONS EN BOURSE, OU IPO («INITIAL PUBLIC OFFERING ») Une introduction en Bourse d’actions non encore cotées se fait généralement à l’occasion d’une émission d’actions, et est en fait un cas particulier, car la société ne possède pas encore d’actionnariat de marché, et il n’y a pas de prix de référence pour fixer le prix d’émission. L’analyse détaillée de la société à introduire en Bourse est donc très importante, et le lead manager qui en est responsable y engage sa crédibilité. Les Banques en ont tiré argument pour fixer les rémunérations à un niveau très élevé. Les scandales des années 1997-2002 ont montré que ses rémunérations très (trop) élevée ont souvent amené les banques à introduire en Bourse des sociétés de faible qualité, dans l’espoir que l’euphorie du marché permette de vendre n’importe quoi aux investisseurs.
LES SECONDARY OFFERINGS Lorsqu’un actionnaire important souhaite vendre des titres par une émission publique ou pas, d’une société cotée ou dans le cadre d’une introduction en Bourse, les démarches sont fondamentalement identiques, mais souvent un peu simplifiées, car il ne fat pas créer de titres nouveaux. On parle alors d’offre secondaire ou « secondary offering »
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INFORMATIONS Tout d'abord l'information sur l'émetteur et l'émission doit être correcte et complète. La responsabilité première en incombe à l’émetteur, mais le lead manager doit dûment la vérifier (procédure dite de « due diligence »), et les autorités de contrôle (Bourse, Commission bancaire en Belgique, SEC aux Etats-Unis) également. INTERDICTION DE L’INSIDER TRADING Ensuite personne, qu'il appartienne à l'émetteur, aux intermédiaires financiers dans le circuit d'émission ou aux autorités ou qui soit proche d'eux, et qui à ce titre bénéficie d'informations privilégiées, ("insider" information), ne peut intervenir pour son compte dans des transactions sur les titres de l'émetteur en cause déjà émis antérieurement ou en cours d'émission ("insider trading"). Cette interdiction se justifie car les intérêts des intermédiaires financiers (vendeurs) et de leurs clients (acheteurs) sont opposés; en plus, il existe des possibilités de manipulations : rétention d'information, gonflement ou restriction de l'offre, etc. Toutefois la base légale de cette interdiction varie de pays à pays. Elle a été seulement récemment introduite en Belgique et au niveau européen (directive du 13 novembre 1989), et a déjà fait l'objet de diverses modifications des modalités d'application. La tendance au renforcement de la législation dans ce domaine est partout perceptible, tant sur le plan des principes que dans les mesures d'investigation et de répression instaurées. Y ont contribué des scandales majeurs, ainsi que la sensibilisation de l'opinion publique, politique et professionnelle quant aux conséquences néfastes d'un dysfonctionnement et d'une décrédibilisation des marchés financiers. En dehors de mesures "négatives" (interdictions), des mesures "positives" sont prévues pour réduire les possibilités d'insider trading : 9 séparation physique et organisationnelle des départements Opérations financières, Crédits et Gestion patrimoniale, dont les membres sont tenus au secret ("Chinese Walls"); 9 obligation faite à la direction des sociétés cotées d'informer le public plus fréquemment sur la marche de leurs affaires : informations périodiques régulières, informations ponctuelles à l'occasion d'événements importants susceptibles d'influencer le cours - mais une divulgation prématurée de certaines informations peut être préjudiciable, commercialement par exemple, à la société et par conséquent à ses actionnaires : les dirigeants seront donc à l'occasion confrontés à des dilemmes.
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REGLEMENTATION DES OPERATIONS FINANCIERES Les règlements édictés par les diverses autorités compétentes en matière d'opérations financières portent sur : 9 les opérations : EXEMPLES :
Imposition de certaines formalités et exigence d'une autorisation préalable pour l'émission publique projetée (de la Commission Bancaire et Financière en Belgique); Imposition de la fourniture de diverses statistiques, telles celles que les intermédiaires financiers belges doivent fournir à la Commission Bancaire et Financière sur le nombre et le contenu d'opérations d'émissions privées auxquelles elles participent; 9 les émetteurs : mise sur une liste d'attente de certaines catégories de candidats émetteurs en cas d'encombrement du marché ou de numerus clausus; 9 les intermédiaires financiers instrumentant : EXEMPLES :
Il y a certaines conditions d'accès à la profession : examen de compétence pour l'agent de change, agrément et capital minimum pour les banques et sociétés de bourse en Belgique; Interdiction pour certains types de banques de participer au lancement d'une émission d'actions ou d'obligations industrielles : aux U.S.A. les banques commerciales sont exclues de ces opérations; interdiction de vente de valeurs mobilières par démarcheurs en Belgique. REMARQUE : LE GLASS-STEAGALL ACT Aux U.S.A., le Glass-Steagall Act de 1933 aboutit à distinguer entre trois types d'opérateurs en transactions financières : 9 les commercial banks; 9 les investment banks; 9 les stockbrokers (agents de change). Ce régime prévoyait qu'en matière d'actions, seuls les deux derniers peuvent intervenir dans la préparation, l'underwriting et le selling des émissions, alors que les commercial banks ne peuvent intervenir que dans des fonctions de service financier relatives aux émissions : registrar, paying agent. Dans ce cadre les deuxièmes et troisièmes fonctions sont compatibles entre elles mais incompatibles avec la première fonction. En Belgique les premières et deuxièmes fonctions étaient compatibles entre elles mais, jusqu’en 1996, incompatibles avec la troisième fonction; en Allemagne, au
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Luxembourg et en Suisse, il y a toujours eu compatibilité complète entre les trois fonctions. De fait, là où les incompatibilités existaient, il y a eu des évolutions depuis un certain temps dans le cadre de la déréglementation et la déspécialisation des intermédiaires financiers. L'élargissement des sphères d'activités qui leur sont permises a été soit direct, soit indirect. Il y a par exemple eu autorisation pour certains types d'intermédiaires de prendre des participations dans des établissements pratiquant des opérations en principe incompatibles avec leurs activités. Le cas type est la possibilité offerte sur une échelle grandissante pour les établissements de crédit de prendre des participations partielles puis totales dans des sociétés de bourse (firmes d'agents de change) : Grande-Bretagne (1982/86), France (1987/91), Espagne, Italie (1988/92), Belgique (1991). Depuis 1996, les banques européennes peuvent exercer elles-mêmes les fonctions des sociétés de bourse. D'autre part, le Glass-Steagall Act organisant les incompatibilités d'activités de banque commerciale et d'investissement aux U.S.A. a fait l'objet d'atténuations diverses dans les années 1980 et 1990, et à été finalement abrogé à la fin de 1999.
REMUNERATIONS Il y a de grandes différences de commissionnement entre les différents types d'émissions, notamment selon qu'il s'agit d'instruments de dettes ou de capital, d'émissions publiques ou privées. Il varie de 0,25 % ou 0,5 % flat pour le placement privé de certaines obligations d'émetteurs de premier ordre auprès d'investisseurs institutionnels à 3 ou 4 % flat ou même plus pour les émissions publiques d'actions, et le pourcentage sera d'autant plus élevé que la notoriété de l'émetteur et l'ampleur de l'émission sont faibles. Les commissions couvrent le risque et le travail de distribution. Elles sont identiques pour tous les membres du syndicat, seul le ou les chefs de file bénéficiant d’un préciput généralement limité à quelques dizaines de points de base. Les commissions peuvent être en partie rétrocédées par des membres du syndicat à des sous garants ou des professionnels placeurs de papier, mais en principe pas à des investisseurs. Les introductions en Bourse et autres émissions d'actions sont particulièrement rémunératrices pour les intermédiaires financiers (Investement Banks et brokers) à New-York, où leur volume est considérable, et où les grandes investment banks semblent cartelliser le marché afin d'éviter que la concurrence ne porte sur le niveau de commissions, qui est depuis la fin des années 90 fixé à 7 %. Aux commissions, l'émetteur doit le cas échéant ajouter les frais de consultation juridique, les frais d'impression des titres, les frais d'impression des prospectus, les frais de publicité dans les journaux, les dîmes perçues par les autorités de contrôle et les organismes boursiers pour leurs interventions et surveillance, les honoraires des agences de rating, ainsi que les frais objectifs (out of pocket expenses : voyages de présentation ("road show"), représentation et divers) exposés par les managers pour la mise sur pied de l'émission.
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LES MARCHES SECONDAIRES INTRODUCTION Il s'agit des marchés où s'achètent et se revendent les titres après l'émission. Ces marchés peuvent être plus ou moins organisés et structurés. Il y a les marchés boursiers, aux règles généralement strictes, qui peuvent euxmêmes se subdiviser en compartiments (en Belgique : terme, comptant; nouveau marché65; obligations, actions; titres belges et étrangers; titres physiques ou notionnels). Il y a aussi les marchés "over the counter" (O.T.C.), tenus par des sociétés de bourse ou autres intermédiaires spécialistes (OLO, certificats de trésorerie en Belgique). Il y a encore les marchés pour instruments financiers spéciaux (futures, options). Il y a en outre des marchés peu ou non organisés (marché hors-bourse en Belgique). Si les bourses étaient au départ des lieux de rassemblement physiques où les enchères se font à la criée, les progrès des télécommunications ont permis la création de marchés sur "écrans" auxquels sont reliés les opérateurs. Ce phénomène de marchés télématisés ("automated quotation" systems NASDAQ aux U.S.A., EASDAQ devenu Nasdaq Europe en Belgique, SEAQ en Grande-Bretagne66 ) a tendance à supplanter le parquet ("floor") ou les "corbeilles" ("pits") où les intermédiaires boursiers se sont traditionnellement rencontrés face à face. Parallèlement à l'électronisation de la négociation sur les marchés, le traitement des opérations évolue : plusieurs essais d'informatisation intégrée ont été tentés sur diverses places en matière de prises d'ordres, de leur "routage" (processing) et de liquidation des opérations (livraison et paiement de titres). Mais ces tentatives se heurtent encore au cloisonnement des marchés en compartiments, aux conceptions parfois antagonistes des opérateurs et des autorités, à la multiplicité des intervenants et aux investissements énormes que requiert en hardware et software la mise en place de systèmes, qui souvent doivent encore recevoir le baptême du feu.
65
nouveau marché : marché pour des entreprises de moindre dimension ou ancienneté.
66
NASDAQ : National Association of Securities Dealers Automated Quotations system.
EASDAQ : European Association of Securities Dealers Automated Quotations system SEAQ : Stock Exchange Automated Quotations system.
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NEGOCIATION ET FORMATION DES PRIX Deux conceptions de base très différentes sous-tendent les marchés boursiers : les « brokered markets » et les « dealer markets ». BROKERED
MARKETS : ORDER-DRIVEN MARKETS
Les intermédiaires s'y présentent comme commissionnaires, c'est-à-dire qu'ils ne se portent pas, en principe, comme contre-parties des ordres qu'ils reçoivent mais les apportent au marché moyennant rétribution sous forme de commission : ce sont les "order driven markets" (marchés mus par les donneurs d'ordre). Un client transmet un ordre à un broker. Celui-ci transmet l'ordre pour la centralisation. DEALER MARKETS : MARKET MAKING MARKETS Les intermédiaires se présentent comme contreparties ("market makers"), cotant en permanence pour leur compte propre des cours offerts ou demandés ("bid" and "asked") pour des quantités raisonnables de certaines catégories de titres : il s'agit alors de "quote driven markets" (marchés mus par la cotation). Les market makers, par leur engagement de coter des quantités raisonnables à l'achat et à la vente, assurent en période normale une bonne liquidité du marché. En revanche, en cas de tension, les écarts entre bid et asked s'élargissent et excluent parfois toute transaction. C'est ce qui explique que les deux systèmes ont leurs défenseurs qu'il est parfois difficile de départager. EXEMPLES Aux Etats-Unis, la bourse de New-York est toujours restée fidèle au système order driven, alors que le Nasdaq est un système de market makers interconnectés par un réseau informatique. La Place de Londres s'était, avec le "Big-Bang" (achèvement de la réforme boursière en octobre 86) plus résolument engagée dans la voie du market making, alors que divers pays d'Europe continentale, notamment ceux de tradition de droit napoléonien, ont toujours gardé une préférence explicite ou implicite pour le système du commissionnaire, et sa conséquence logique, le order driven market. La place de Londres est dans une large mesure revenue à un système order driven, et depuis 1998, en préparation de l’Euro, les bourses européennes harmonisent leurs opérations et envisagent des rapprochements et fusions. La fusion des bourses de Paris, Amsterdam et Bruxelles est réalité depuis fin 2000, mais les autres rapprochements restent difficiles.
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NEGOCIATION En matière de négociation, deux questions supplémentaires méritent d'être relevées : D'abord, le degré de centralisation, à savoir l'exécution obligatoire, dans un marché organisé et réglementé, des ordres sur valeurs mobilières par une corporation investie d'une exclusivité (monopole du bordereau), au motif que seulement ainsi, par la rencontre de toutes les offres et demandes, un prix juste et transparent peut s'établir. Il n'en reste pas moins que des ordres très importants peuvent causer des déséquilibres et porter préjudice au vendeur ou à l'acheteur s'il doit passer par un marché où des contreparties insuffisantes se présenteraient, au lieu de pouvoir négocier de gré à gré. D'où des dérogations, pour ce que l’on appelle des « blocs » de titres; ceci d'autant que par la taille même de ces opérations les parties en cause sont considérées comme suffisamment averties et requièrent moins la protection d'une réglementation contraignante. D'autre part, la transparence des opérations, à savoir la très prompte publication des prix, notamment pour celles qui ne passent pas par la Bourse. La question est d'importance pour les market makers qui, s'ils viennent d'acquérir une position importante, ne souhaitent pas que le marché joue contre eux avant qu'ils aient pu la dénouer : ils demandent donc de bénéficier d'un délai de quelques heures ou quelques jours, avant de devoir afficher leurs transactions. Pour le surplus, les autorités poursuivent leur mission de promouvoir des marchés efficients et honnêtes, protégeant les parties en cause par l'énonciation de principes comme l’exclusivité de la prise d'ordres et de leur exécution à des institutions définies et contrôlables, la comptabilisation distincte de ces opérations dans leurs livres, l'obligation de meilleure exécution, la possession d'un capital minimum (remplaçant là où elle existe - comme avant 1991 en Belgique - la responsabilité illimitée de l'agent de change personne physique), le respect de certains ratios de structure, la séparation de fonctions, la soumission à des autorités prudentielles et de marché. Il y a deux sortes d'autorités : 9 l'autorité publique (Commission Bancaire et Financière en Belgique, Securities Exchange Commission aux U.S.A., Commission des Opérations de Bourse en France, etc ...); 9 les autorités que la profession se donne à elle-même - souvent selon des modalités fixées par voie légale ou réglementaire - en les élisant par exemple parmi ses pairs : National Association of Securities Dealers aux U.S.A., les SROs (self regulatory organisations) en Grande-Bretagne, la Commission de la Bourse en Belgique,... Les autorités professionnelles peuvent être chargées d'organiser les examens à présenter pour accéder à la profession d’intermédiaires sur titres, promulguer des codes de bonne conduite, en surveiller l'application, ou encore composer des chambres disciplinaires pour juger et sanctionner certaines infractions. Dans certains pays, les autorités boursières ont d’importantes responsabilités de détermination des conditions de cotation. Dans certains cas, le dispositif subordonne les
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autorités professionnelles “de première ligne” (en prise directe avec le marché) à des conditions d’indépendance de fonctionnement et à une supervision étroite par une autorité de contrôle publique “de seconde ligne” (cas de la Belgique - loi du 5 avril 1995).
LARGEUR DES MARCHES Pour qu'un marché soit efficient, il faut qu'il soit large et liquide, c'est-à-dire qu'il s'y effectue de nombreuses transactions sur une valeur donnée. C'est le cas des grandes bourses mondiales, comme New-York, Londres ou Tokyo. En Belgique par contre, on a pendant longtemps assisté à une anémie des marchés des titres locaux. Certains freins en matière de fonds d'état et de certificats de trésorerie ont déjà été évoqués; la création des OLO et l'introduction du système des primary dealers (market makers) y remédient en partie. En ce qui concerne les actions, de nombreuses valeurs ont un marché restreint de quelques titres par jour seulement; il y a aussi quelques valeurs vedettes comme les sociétés financières ou les quelques sociétés industrielles belges qui subsistent. Depuis décembre 1981, on a observé un redressement sensible des cotations sous l'effet non seulement de la baisse mondiale des taux d'intérêt depuis 1981, mais aussi de la demande nouvelle émanant d'un public élargi. Depuis la fin des années 80, et durant l’essentiel des années 90, les marchés boursiers dans l’ensemble des pays industrialisés connaissent un succès croissant, tant de la part des investisseurs que de la part des entreprises, qui y ont recours pour trouver des capitaux et élargir leur actionnariat. Dans divers pays en voie de développement, les marchés dits « émergents », les marchés boursiers connaissent un développement parfois spectaculaire, mais souvent très erratique, entre autres du fait du comportement parfois brutal d’investisseurs et de spéculateurs internationaux.
EVOLUTION DES INTERMEDIAIRES EN VALEUR MOBILIERES Dans les marchés de type order-driven, les courtiers (brokers) ont une mission de conseil du client et d’exécution administrative. La centralisation des ordres est assurée par la bourse, où la formation des prix était généralement assurée par des intermédiaires spécialisés (« jobbers » à Londres, « specialist » à New York, « hoekman » in Amsterdam,…). Des systèmes électroniques de centralisation des ordres assurent aujourd’hui cette fonction dans certaines bourses. Dans la plupart des marchés boursiers, les courtiers ont été longtemps rémunérés par un système de commissions barémisées non négociables (% fixe) sur capitaux traités – ce qui a pu entraîner l’apparition de rentes de situation avec en corollaire un manque d’efficacité du système par rapport à ses coûts pour la collectivité. Un changement d’optique à cet égard s’est fait jour dans les années 70. Le 1er mai 1975, les bourses américaines ont abrogé la fixité de la commission sous l’aiguillon des investisseurs institutionnels dont les transactions importantes
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s’accommodaient mal du système en vigueur, contourné d’ailleurs de diverses manières indirectes. Cette abrogation a entraîné une exacerbation de la concurrence, amenant l’élimination des moins adaptés et une concentration des intermédiaires qui d’autre part avaient besoin de fonds propres de plus en plus importants pour couvrir les risques de transactions de volume unitaire croissant. Cette dérégulation des courtages, aux Etats-Unis en 1975 a lancé un mouvement de modification profonde du rôle des courtiers. Dès 1979, la place de Londres a voulu se moderniser aussi pour demeurer, au centre des marchés financiers internationaux ; elle a mis à l’étude la réforme boursière qui s’est achevée en 1986 (« Big Bang ») : autorisation pour un intermédiaire de pratique, diverses fonctions, acceptation de la détention de capital des maisons de bourse par des établissements bancaires, etc. Ce mouvement s’est propagé en Europe continentale et a fini par atteindre la Belgique en 1991 : remplacement des charges d’agents de change, personnes physiques indéfiniment responsables, par des sociétés de bourse. Les établissements de crédit, qui canalisaient traditionnellement plus de 50 % des ordres de bourse, ont reçu l’autorisation d’entrer dans le capital des sociétés de bourse. En Belgique comme ailleurs, il y a eu concentration de la profession (il y avait encore quelque 300 agents de change repartis entre 200 charges avant la réforme – contre 64 charges pour toute la France juste avant la sienne ; elles sont tombées à une cinquantaine aujourd’hui). Dès 1979, la place de Londres a réagi devant le danger de déplacement d'opérations vers la place de New-York qui devenait ainsi plus efficace et donc plus attirante; elle a mis à l'étude la réforme boursière qui s'est achevée en 1986 ("Big Bang") : fusion des fonctions de "broker" et "Jobber" (équivalent du « specialist » à NewYork) ; acceptation de la détention de capital des maisons de bourse par des établissements bancaires. Les courtages peuvent aujourd’hui être barèmisés, ou librement négociés entre parties, ceci en fonction du volume pour les transactions importantes - tendance croissante sous l'impulsion de la dérégulation. En Belgique, il a fallu attendre le 19 octobre 1994 pour voir se libérer les courtages. Ceux-ci varient en général de 1 % (achat de quelques actions pour un particulier) à 0,1 % (ou moins encore, quelques points de base67 pour des achats importants de fonds d'état pour un investisseur institutionnel). Aux courtages s'ajoutent des frais - notamment en cas de livraison ou retrait physique des titres - et un impôt de bourse. Si la transaction est ordonnée sur une bourse étrangère, au courtage étranger, fixé selon les us et coutumes des bourses locales s'ajoutera un courtage local (souvent 50 % du courtage local ordinaire), majoré des frais de communication et des frais de livraison réclamés sur certaines places. Mais de telles structures de rémunération sont battues en brèche par la facilité de transmission des ordres et des informations 67
1 point de base = 0,01 %
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permettant à des intermédiaires étrangers de servir leur clientèle à distance ("délocalisation des opérations").
ROLE DE CONSEIL DES COURTIERS Les courtiers et les banques pratiquent le courtage, offrent traditionnellement un service de transaction et un service de conseil. Ce service de conseil prodigué par les analystes financiers au sein des banques doit être conçu comme étant au service des investisseurs, qui surtout dans le cas des particuliers, ont besoin d’avis spécialisés pour les aider à comprendre les monceaux d’informations disponibles. Il est apparu de façon croissante au cours des années 90 que de nombreux analystes financiers étaient forcés par leur employeur à utiliser la crédibilité que leur donnait leur fonction pour inciter les investisseurs à acheter des titres de sociétés qui avaient confié à la Banque des missions très rentables, d’IPO de fusions et acquisitions, ou d’émissions de titres. Ceci servait de contrepartie à la générosité de ces entreprises en faisant monter leur cours de Bourse, et en facilitant leurs acquisitions payées en action. Ces confusions d’intérêts, pourtant sensées être interdites par les séparations de fonction et « chinese walls » entre départements, ont fait l’objet d’actions en Justice depuis l’été 2002, et doivent mener à une plus grande indépendance des analystes à l’avenir.
LES DISCOUNT BROKERS Certains courtiers spécialisés indépendants des banques ont échappé à ces pratiques, ainsi bien sûr que les « discount brokers » qui n’offrent aucun service de conseils, mais la simple exécution des transactions à des tarifs très faibles. Ce dernier type de service convient particulièrement aux investisseurs avertis et très actifs.
CESSIONS, FUSIONS D'ENTREPRISES Les départements d'opérations financières des intermédiaires financiers ont souvent une division "fusions/cessions d'entreprises" ("mergers and acquisitions" ou encore "M & A"), qui s'occupe de ces opérations particulières pour compte d'investisseurs désireux d'acquérir ou de vendre des participations importantes conférant le contrôle dans les entreprises grandes ou petites. Les membres des équipes de ces divisions sont généralement de qualification élevée. Ils suivent des procédures fort variées dans l'accomplissement de leur mission. Typiquement, si on les charge d'une cession d'une entreprise, ils suivront un schéma qui peut se décrire comme suit :
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ANALYSE ET EVALUATION Après avoir vérifié qu’il n’a pas de conflit d’intérêts à accepter la mission de cession (p. ex. autre mission en cours qu’il aurait dans le même secteur) l’intermédiaire financier commence par analyser et évaluer la société à céder. Il procédera de même à divers examens pour s'assurer qu'il a en face de lui une entreprise de bon aloi, dont il peut promouvoir la cession. Il existe différentes méthodes d'évaluation pour cerner la valeur d'une entreprise : 9 valeur de liquidation : liquidation ordonnée; à casser. 9 valeur de going concern : valeur patrimoniale basée sur la valeur de l'actif net redressé, affecté éventuellement d'un goodwill; valeur de rendement basée sur l'actualisation des cash-flows libres (ou des bénéfices) futurs, majorés de la valeur de cession des actifs non nécessaires à la réalisation desdits cash-flows ou bénéfices (discounted free cash-flow model); valeur actualisée des dividendes futurs (dividend discount model). 9 valeur sur base de ratios boursiers
prix prix prix sectoriels et géographiques EXEMPLE : ou ou dividende cash− flow bénéfice 9 valeur sur base de critères acceptés dans une profession déterminée (ex. assurances, sucreries, ...). Aucune de ces valeurs ne correspond nécessairement au prix qu'il sera possible d'obtenir de la cession : le prix dépendra notamment de circonstances propres tant à l'acquéreur (valeur de convenance, valeur synergétique, valeur de nuisance) qu'au vendeur (p. ex. : rétention ou non d'une position minoritaire, continuation d'une fonction active dans l'entreprise). Souvent des éléments non monétaires, inchiffrables, entreront en ligne de compte, comme le fait de céder une majorité68 ou minorité de blocage69, le maintien du nom de la firme cédée, l'imposition de clauses de protection de tout ou partie du personnel, le fait pour l'une des parties d'être pressée de conclure, la stipulation envers l'acquéreur de contraintes d'exploitation (cas fréquent en matière 68
Des calculs empiriques ont été faits ces dernières années pour tenter d'objectiver la "prime de contrôle", mais qui démontrent un large spectre en fonction du lieu, du moment et des circonstances de la cession. 69 Minorité de blocage : quotité de votes qui, aux Assemblées générales extraordinaires, peuvent empêcher certaines opérations qui leur sont soumises : augmentation de capital, fusion, modification des statuts (25 % en Belgique, 33 % en France).
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de privatisations où le vendeur est un pouvoir public désireux d'assurer au-delà de la cession le maintien d'un service public).
RECHERCHE D'UN PARTENAIRE (DANS LE CAS D'UNE CESSION : L'ACQUEREUR) Il s'agit de localiser les candidats probables qui pourraient se trouver intéressés par l'acquisition. Peuvent entrer en ligne de compte certains fournisseurs ou certains clients (intégration verticale), des entreprises du même secteur (intégration horizontale) ; des groupes financiers ou des conglomérats en veine de diversification, etc. Le grand public peut aussi devenir l’acheteur par une introduction en bourse. La direction même des entreprises constitue un acquéreur possible, pour lequel des montages financiers spéciaux ont été conçus (LMBO = leveraged management buy-out) ou bénéficient même d'encouragements légaux et fiscaux ("RES" = rachat d'une entreprise par les salariés, en France). La recherche de partenaire peut rester bilatérale, et dans ce cas les négociations n’ont lieu qu’avec un acheteur à la foi ou multilatérales, divers candidats étant mis en concurrence. Une mise en concurrence peut aller jusqu’à une mise aux enchères formelle.
NEGOCIATIONS Une fois localisés n ou plusieurs candidats intéressés, s'entameront des négociations. L’intermédiaire financier peut être en première ligne, ou simplement aux cotés de son client. Dans le cas ’une enchère formelle, les offres sont remises en deux temps : une offre indicative remise sur base d’un prospectus d’information, offre qui sert à établir une lise de quelques candidats (« short list »). Ceux-ci sont admis à consulter des informations plus détaillées (contrats, données confidentielles) dans une pièce isolée (« data room »). Toutes ces informations sont transmises sous couvert de la confidentialité, et aucun document ne peut être emporté. Ils remettent alors une offre ferme qui permet la sélection et la négociation finales. Une grande discrétion est nécessaire à ce stade, tant vis-à-vis de l'extérieur de l'entreprise à céder (fournisseurs, clients, concurrents) que vis-à-vis de l'intérieur (cadres, personnel : encore qu'à un certain stade dont le moment est délicat à fixer, ceux-ci devront être avertis car ils sont évidemment concernés, ô combien, par la cession projetée - une information au conseil d'entreprise est d'ailleurs exigée en Belgique avant la conclusion définitive).
FINANCEMENT Arrivée à un stade avancé, la négociation cernera de plus près les problèmes de fixation du prix et des modalités de paiement. Il peut se poser dans le chef de l'acquéreur des problèmes de financement :
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9 paiera-t-il contre espèces - au comptant ou à terme - ou bien, en tout ou en partie, contre ses propres titres, dans le cadre de ce qu’on appelle alors une offre d’échange ? 9 le prix sera-t-il fixe ou révisible en fonction de paramètres préétablis (chiffre d'affaires, cash flows, bénéfices, ...) ? 9 doit-il procéder lui-même à une augmentation de capital ou doit-il s'endetter et, dans ce cas, auprès de qui et dans quelles conditions?
L’ACQUISITION OU « LEVERAGE BUY OUT » Les formules de financement d'acquisition se sont fort sophistiquées ces deux dernières décennies. En particulier, les techniques de leveraged buy-out (LBO) se fondent sur un surendettement contracté pour compte de cet acquéreur, par la société acquise ou encore par une structure complexe spécifiquement mise en place pour la circonstance. Les bailleurs de fonds acceptent ce surendettement en considération de la couverture offerte par les cash flows attendus de la société acquise ou par ses actifs dont certains peuvent éventuellement se vendre rapidement (asset stripping"). Les obligations émises dans le cadre du surendettement sont par nature à haut risque, d'où leur nom de "junk bonds" (obligations « pourries ») - les taux des obligations de ce type seront corrélativement élevés. En outre, le risque peut s'accroître par d'éventuelles clauses de subordination; ces obligations se situent alors, dans le bilan, entre les fonds propres et le passif ordinaire. Cette position d'entre-deux a conduit à leur appellation de "mezzanine financing". Ayant connu un développement explosif au cours des années 80, surtout aux U.S.A., diverses opérations ainsi financées ont rencontré des difficultés à partir de 1989. Ces difficultés se sont répercutées sur les investisseurs (par exemple certaines Savings & Loan Associations qui croyaient y trouver un surcroît de rentabilité pour redresser leur situation rendue difficile par la fixité de taux de leurs actifs et la hausse de leurs coûts de refinancement) et sur les intermédiaires financiers actifs dans ce domaine (faillite de Drexel Burnham Lambert). Depuis le milieu des années 90, ce type d’opération a connu à nouveau une croissance parfois importante, croissance qui encourage, tant aux Etats-Unis qu’en Europe, le développement de marchés plus ou moins liquides d’instruments financiers spécialisés, allant des actions classiques ou crédits bancaires classiques aux diverses formes de meyganine financing.
STRUCTURATION DU CONTRAT DE CESSION Compte tenu du prix et des modalités de paiement, l'attention se portera sur la rédaction de projets d'accords. On procède souvent par phases successives : signature d'un pré-accord synthétique (« letter of intent ») à transformer ensuite en accord détaillé définitif.
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Des problèmes complexes et souvent délicats d'ordre juridique, fiscal et humain interviennent, requérant le cas échéant le concours d'experts extérieurs. Vendeur et acheteur tenteront de se sécuriser: 9 Le vendeur veut être rassuré quant au paiement du prix par l'acquéreur et être certain que l'acquéreur ait accompli les formalités légales ou réglementaires pour conclure la cession (obtention d'autorisations officielles dans certains pays, satisfaction aux lois sur la concurrence (dispositions antitrust), obtention des autorisations de change en cas d'acquisition par un étranger). Il souhaitera éventuellement obtenir certaines promesses pour les membres du personnel, etc. 9 L'acheteur souhaitera éviter d'acheter un chat dans un sac. Il demandera au vendeur certaines garanties et procédera souvent lui-même à certaines vérifications de conformité de l’information transmise ("due diligence"), quant à la régularité des formalités administratives accomplies par la société pour les besoins de son fonctionnement, la tenue de la comptabilité, l'existence des actifs et passifs, et la possibilité de survenance de litiges. Des garanties directes ou bancaires seront éventuellement exigées et on pourra prévoir le blocage provisoire d'une partie du prix de cession qui sera restituée à l'acheteur s'il s'avère que certaines déclarations du vendeur sont inexactes, que certains actifs font défaut ou que certains passifs occultes (notamment en matière fiscale) se révèlent. L'acheteur se souciera également de vérifier l'existence de conventions d'actionnaires, au niveau des filiales notamment, qui pourraient restreindre sa marge de manœuvre future. L'acheteur peut aussi tenter de se prémunir contre la disparition de certains contrats avec des fournisseurs ou clients, ainsi que contre des surprises - fort coûteuses - en matière d'environnement.
CLOSING En cas d'accord définitif, celui-ci sera finalement scellé au cours d'une cérémonie de "closing" comme en matière d'émissions. Ici aussi, les documents à signer sont souvent complexes et volumineux, les banquiers, juristes et fiscalistes des parties y ayant consacré une attention considérable.
REMUNERATIONS DES INTERMEDIAIRES Les rémunérations attachées aux opérations de cessions proprement dites sont souvent composées de deux parties : l'une fixe ou fonction d'un barême horaire pour l'ouverture du dossier et l'analyse préliminaire ("retainer"), l'autre variable en fonction du succès éventuel de la négociation et du prix obtenu ("success fee"). (Ces rémunérations seront, le cas échéant, complétées par celles dues pour la mise au point et l'exécution du financement de l’opération).
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On applique souvent pour la partie variable, selon le cas, un tarif dégressif (de 5 % à 0,5 %) par tranches du prix atteint; parfois au contraire on accorde à l'intermédiaire un tarif progressif pour le stimuler à se dépasser ("incentive"). La commission variable a tendance à se scinder elle-même en deux parties, l'une rémunérant la localisation du partenaire ("finder's fee"), et l'autre l'aboutissement de la négociation ("success fee" stricto sensu). Au cas où l'intermédiaire financier s'occupe non de céder, mais au contraire d'acquérir une entreprise pour compte de son client, il adoptera des techniques différentes, mais les rémunérations seront du même ordre. Un problème déontologique et pratique se pose dans ce cas quant à la partie variable, car paradoxalement mieux il négocie, plus faible sera le prix et dès lors sa rémunération. De même, si en cours d’examen, il acquiert la conviction que son client n’a pas intérêt à réaliser l’acquisition, ce système de rémunération ne l’incite pas à conseiller son client à y renoncer. Il est en fait incongru qu’un intermédiaire rémunéré ainsi soit considéré par un conseiller, par les dirigeant et par le Conseil d’administration de l’acquéreur. Diverses formules peuvent obvier à cet inconvénient. Enfin il faut noter qu'il n'est pas, en général, considéré comme déontologique que l'intermédiaire financier partage ses notes d'honoraires entre acheteur et vendeur; il en résulterait une ambivalence quant aux intérêts qu'il défend au cours des tractations et il vaut dès lors mieux qu'il soit clairement situé d'un côté ou de l'autre de la table des négociations. Ceci à moins qu'il ne soit requis comme arbitre.
CAS PARTICULIER DES SOCIETES COTEES EN BOURSE Dès lors que la société est cotée en Bourse, une partie de la procédure décrite ciavant est impossible, car des négociations de fusion ou de cession d’un bloc de titres – même majoritaire – ne peuvent se baser que sur des informations disponibles pour le public. De plus il y a des actionnaires minoritaires non au courant de la cession projetée, et il faudra tenir compte de leurs intérêts. En Belgique, la Commission Bancaire et Financière a traditionnellement veillé à ce que les acheteurs d'une participation de contrôle fassent une OPA sur les titres des minoritaires. Ceci pour que tout les actionnaires soient sur le même pied. Le caractère obligatoire de pareil traitement et le seuil à partir duquel on considère qu'il y a eu acquisition d'une participation de contrôle diffère de pays à pays : 25%, 30 %, etc. et il est prévu qu'une directive vienne harmoniser cette notion dans l'Union Européenne. Le corporatisme des milieux d'affaires allemands à empêcher l'adoption d'une telle directive en été 2001. Il peut y avoir des tentations d'acquisition contre le gré des administrateurs ou dirigeants en place : ce sont les OPA hostiles. Tant dans l'"attaque" que la "défense", les intermédiaires financiers, forts de leur expérience assisteront les parties car les embûches sont nombreuses : les législations sont complexes ou lacunaires, variables de pays à pays, voire d'état à état (U.S.A.), et en évolution constante (directive en préparation à l'Union Européenne, législation récente en Belgique).
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L'attaque requiert souvent la mobilisation rapide de fonds importants et le respect de dispositions telles que la déclaration obligatoire de positions importantes acquises dans les sociétés cotées, l'introduction d'un dossier auprès des autorités, l'information du Conseil d'Administration de la société cible préalablement au lancement. Le cas échéant, la défense doit aussi pouvoir mobiliser d'importantes sommes et a souvent cherché à prévenir des velléités de reprise brutale par des dispositions protectrices (pactes d'actionnaires, restrictions statutaires à la nomination d’administrateurs, à la transmission de titres et autres "poison pills" dissuasives). On s'accorde sur ce qu'une certaine défense est utile et raisonnable, mais non au point où elle rend impossible la cession de sociétés dont les actions sont répandues dans le public, cession qui devrait permettre le cas échéant une meilleure allocation de ressources et la sanction éventuelle d'une direction déficiente. Aussi la matière est-elle délicate, puisqu'elle met en jeu d'énormes intérêts, souvent contradictoires entre les actionnaires de la société visée et sa direction, son personnel - voire le pays dans lequel elle est active. La notion d'intérêt social (au sens d'intérêt de la société cible en tant que telle) est au centre de cette problématique - selon certains économistes, et selon la tradition américaine reflétée dans sa jurisprudence, c'est avant tout l'intérêt des actionnaires invités à céder leurs titres qui compte; selon d'autres, vision plus européenne, l'emploi, la pérennité de l'entreprise, l'intérêt général (aussi difficile à définir que l'intérêt social) doivent aussi être partiellement pris en considération.
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ELEMENTS DE GESTION ET CADRE LEGAL ET REGLEMENTAIRE DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS
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CHAPITRE 19. ELEMENTS DE GESTION DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS INTRODUCTION La gestion des intermédiaires financiers n'est qu'un cas particulier de la gestion des entreprises. On y retrouve les grandes fonctions de vente, de production, de personnel, etc., telles qu'elles s'appliquent au secteur tertiaire. Cependant, il existe un certain nombre de particularités propres aux intermédiaires financiers stricto sensu dont les principales sont la gestion des risques et la gestion de la liquidité. Ces particularités, de même que certains aspects du marketing financier, feront l'objet de quelques considérations dans cette partie du cours.
LA GESTION DES RISQUES DIVERS Les risques encourus par les intermédiaires financiers et les moyens pour y faire face sont fort divers.
RISQUE DE LA CONSISTANCE DES ACTIFS FINANCIERS DELEGATION DE RESPONSABILITES L'organisation par l'organe supérieur (en général le Conseil d'Administration) de l'attribution interne des pouvoirs pour prendre les décisions en matière d'investissement ou de crédit variera selon les cas : 9 un comité d'investissement ou de crédit peut être institué, délibérant en collège; 9 des individus peuvent avoir l'autorité d'acquérir des titres financiers ("investment officers") ou d'accorder des crédits ("lending officers"), soit seuls, soit conjointement avec un homologue; 9 des systèmes mixtes peuvent exister : l'autorité sera déléguée, et le cas échéant subdéléguée, à des comités régionaux, à des responsables d'agences, à des personnes investies de responsabilités particulières, et ce en fonction
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des montants à placer ou à prêter d'une part, et des instruments de placement, des formes de crédits ou des garanties déterminées d'autre part.
POLITIQUE GLOBALE Les investissements ou les crédits éligibles sont sujets à des restrictions en fonction des objectifs plus ou moins larges de l’établissement financier qui les réalise. Il déterminera ses spécialisations et expertises éventuelles dans ses statuts ou dans les axes stratégiques fixés par ses dirigeants. Dans ce cadre, le risque s’abaissera par une politique de diversification. Cette diversification s'opère par l'imposition d'une limite supérieure au montant d'un risque pris sur un débiteur ou groupe de débiteurs déterminé par rapport à l'ensemble des risques assumés ou à certains d'entre eux, ou par rapport aux fonds propres de l'intermédiaire financier. Si une opération dépasse cette limite, elle pourra éventuellement être partagée avec d'autres confrères. Les limites imposées aux groupes de débiteurs se font selon divers critères, sectoriels ou géographiques. Depuis les problèmes nés en 1982 relatifs aux engagements sur certains pays (Mexique, Brésil, Argentine, Pologne, Roumanie) les autorités tendent vers un plus grand formalisme dans le traitement des "risquespays".
ANALYSE DE L'UTILISATEUR DES FONDS Avant de faire un crédit, l'organe de décision fera procéder à une analyse de l'utilisateur. Il étudiera sa personnalité et sa situation économique et financière, commerciale, technique, sociale et juridique propre de même que l'environnement politique, économique et social dans lequel il oeuvre ainsi que son secteur. Il examinera la destination projetée des fonds. Il comparera le risque, selon des techniques diverses, avec d'autres utilisateurs de secteurs et de localisations géographiques analogues. Il mesurera la rentabilité espérée de l’opération par rapport à celle que pourraient lui procurer des placements alternatifs, de nature similaire ou différente. L'acceptabilité d'un risque crédit dépendra aussi du volume et de la bonne fin des engagements financiers déjà pris par le débiteur. En matière de crédits bancaires, il existe en Belgique une "Centrale des Risques" - positive - instaurée il y a une vingtaine d'années sous l'égide de la Banque Nationale de Belgique, à qui tous les établissements de crédit affiliés sont tenus de communiquer bimensuellement toutes les ouvertures de crédit octroyées aux entreprises dépassant BEF 1.000.000, et trimestriellement les utilisations qui en sont faites. En matière de crédits à la consommation, il existe la Centrale "négative" sur les débiteurs en défaut de leurs engagements, également tenue à la Banque Nationale de Belgique. Est venue s'y ajouter la Centrale négative sur les crédits hypothécaires. Un projet de loi en discussion en 2001 prévoit l'établissement d'une centrale positive des emprunteurs particuliers, véritable cadastre de l'endettement des Belges.
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En matière commerciale, il y a le Moniteur du Commerce, journal privé publiant les protêts. Les services d'études, d'expertises, d'analyses sont donc très développés chez les intermédiaires financiers pratiquant le crédit. A noter que des techniques se sont développées comme aide à la détermination de la capacité de crédit du candidat-emprunteur et des garanties à fournir le cas échéant. Il s'agit notamment du "credit scoring" des particuliers : au moyen de paramètres prédéterminés (âge, état civil, situation familiale, profession, stabilité d'emploi et de résidence, niveau de revenus et de fortune, ...) on établit une série de cotes qui pondérées et additionnées fournissent le degré de présomption de la capacité de faire face au plan de remboursement envisagé. Aura une cote élevée, par exemple, une personne de 40 ans, mariée avec trois enfants, cadre d'entreprise avec 20 ans d'ancienneté, propriétaire de son propre appartement. A l'inverse aura évidemment de mauvaises cotes, un homme divorcé de 25 ans, ayant déjà eu trois emplois successifs, sans domicile fixe. Ces techniques se prêtent bien à l'informatisation. Elles ont été étendues, grâce aux "systèmes experts", à l'analyse des éléments de bilans et de comptes d'exploitation des entreprises, dont elles facilitent les projections dans l'avenir.
STRUCTURATION CONTRACTUELLE La qualité des contrats destinés à organiser les relations futures entre l'intermédiaire financier et l'utilisateur des fonds sera un élément important de sauvegarde pour l'intermédiaire financier contre les aléas que peut rencontrer son débiteur à l'avenir. C'est de la mise au point de clauses et conditions générales adéquates, de la bonne rédaction des clauses particulières des contrats et de l'observance des formalités nécessaires pour rendre opérantes ces clauses que dépendra en partie le bon déroulement des opérations et du recours éventuel aux garanties qui y sont attachées. Ceci n'empêche pas certaines traditions en déviance avec ces principes : en France notamment, il est d'usage fréquent de ne pas consigner par écrit les dispositions régissant les crédits courants aux entreprises, ce qui laisse plus de souplesse, mais aussi plus d'inconnues en cas de problème.
PRISE DE GARANTIES Là où l'analyse en indiquera la nécessité, l'intermédiaire financier se protégera contre la dégradation de la solvabilité de l'utilisateur de fonds en prenant les garanties appropriées (voir plus haut), ou encore, le cas échéant, en prenant une assurance-crédit ou ducroire.
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REVISION PERIODIQUE Une fois les opérations mises en route et tout au long de leur existence, des procédures internes de révision périodique de la consistance des actifs financiers basées sur des informations publiques, des visites d'inspection in situ et des analyses des états financiers de l'utilisateur des fonds ainsi que sur le suivi de la conjoncture et des marchés seront organisées afin de surveiller l'évolution des risques et, le cas échéant, de procéder en temps utile à la prise de mesures conservatoires ou à leur liquidation. Dans le même but, une surveillance des utilisations (limites, dépassements, retards, etc.) est nécessaire - des outils comptables doivent être élaborés, le cas échéant consolidés au niveau du groupe pour vérifier que les politiques globales (quant aux classes de débiteurs) aussi bien que les applications particulières (limites individuelles) sont respectées.
SUIVI DU CONTENTIEUX Si malgré les mesures de prévention prises, la valeur de certains actifs financiers est compromise, l'intervention du service du contentieux permettra, le cas échéant, d'éviter ou de limiter les pertes potentielles. Vigilance, compétence, promptitude, fermeté, diplomatie, réalisme, psychologie, autant de qualités requises des responsables pour une tâche souvent ardue et complexe contrecarrée par de nombreux intérêts divergents, notamment ceux de créanciers concurrents.
DECLENCHEMENT DE L’EXIGIBILITE Lorsque le crédit d’une entreprise est ébranlé, chaque créancier a intérêt à ce que son ou ses crédits soient exigibles immédiatement (même si leur échéance est encore éloignée), car il peut alors demander le remboursement immédiat, si la société en est incapable demander des garanties complémentaires, et en dernier recours demander la faillite de la société s’il croit que sa situation se dégrade. Les circonstances dans lesquelles un crédit ABC devient éligible sont multiples : 9 lorsque le débiteur est en défaut de paiement (intérêt ou principal) lors d’une échéance de ce crédit 9 lorsque le débiteur est en défaut sur un autre crédit, si les contrats du crédit ABC prévoient une clause de défaut simultané (« cross-default clause ») 9 lorsque certains développements prévus au contrat ABC se manifestent. Traditionnellement il s’agissait de l’apparition de problèmes opérationnels ou financiers, tels que pertes importantes et répétées, ratios d’endettement excessifs, affaiblissement de la situation de fonds propres. De façon croissante, les banques exigent l’obtention d’un rating par les sociétés d’une certaine importance, et tant les contrats de crédit que des contrats d’émissions obligataires peuvent prévoir que des réduction de rating en dessous d’un certain niveau entraînent un accroissement des taux d’intérêt à payer et en
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dessous d’un niveau plancher, l’exigibilité immédiate. Ce niveau plancher est souvent le niveau en dessous duquel un prêt est considéré acquérir le statut de « junk », qu’il n’a plus ce que l’on appelle un « investment grade ». De telles clauses (« covenants ») donnent un rôle très important aux agences de rating, mais sont parfois salutaires.
CONSTITUTION DE PROVISIONS Pour parer aux pertes qui s'avéreront un jour, et en dehors des réserves exprimées apparaissant visiblement à leur bilan, les établissements financiers constituent des provisions pour risques qui ont un caractère interne. On distingue entre les provisions "affectées", qui concernent des risques individuels identifiés (participations ou débiteurs spécifiques sur lesquels on éprouve des craintes précises, parfois regroupés par catégorie - risques sur un pays déterminé par exemple) et les provisions non affectées, qui constituent un "matelas" global pouvant servir à amortir le choc de risques non encore identifiés, mais dont on peut craindre statistiquement la survenance au fil du temps. Annuellement des dotations seront faites à ces provisions sur lesquelles il sera prélevé, si nécessaire, pour atténuer l'impact qu'une perte importante aurait sur les résultats d'un seul exercice. Des traitements statistiques permettant dévaluer les risques de survenance de sinistres sont utiles et même nécessaires pour évaluer le besoin de provisions. Le traitement comptable de la constitution et de l'affectation de ces provisions et la publicité qui leur est donnée varient sensiblement d'un pays à l'autre. Certains (USA) mettent par priorité l'accent sur le principe d'une information complète des tiers et des actionnaires et d'une parfaite comparabilité des bilans et comptes de résultats de la profession, tandis que d'autres (Allemagne) estiment qu'une discrétion raisonnable favorise plutôt le calme et la confiance dont la profession financière a besoin dans un climat souvent avide de sensationnel. La prise en considération de ces provisions pour le calcul du coefficient de fonds propres n'est pas uniforme dans tous les pays. Une directive européenne et les travaux complémentaires du Comité de Bâle visent à harmoniser ces conceptions différentes en matière de provisions pour éviter des distorsions de concurrence entre pays. Les aspects fiscaux de ces provisions sont aussi fort différents selon les législations nationales. Dans certains pays, ces provisions - même générales - sont largement exonérées car considérées comme inhérentes à la nature du métier; dans d'autres notamment en Belgique - très peu de latitude est donnée à cet égard, tant que la présomption suffisante d'une perte réelle n'aura pu être établie. C'est notamment le cas pour les créances sur pays en voie de développement, objets d'un rééchelonnement mais non abandonnées définitivement : aussi un marché d'échange s'est-il créé dans lequel les banques créancières se cèdent mutuellement leurs risques à prix écornés, les pertes étant alors avérées et acceptées par le fisc.
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RISQUES SUR CONTREPARTIES PROFESSIONNELLES Dans leurs relations suivies avec leurs correspondants attitrés comme dans leurs rapports avec leurs contreparties occasionnelles sur les marchés, notamment pour ce qui concerne les dépôts, opérations de change et sur titres, les intermédiaires financiers encourent des risques de restitution ou de livraison d'actifs. Aussi, les intermédiaires font-ils, comme pour les utilisateurs finals de fonds, des analyses explicites ou implicites de leurs contreparties régulières ou potentielles (établissements de crédit, sociétés de bourse, courtiers, assureurs, ...), et tenteront de limiter leurs risques. A cette fin, ils établissent pour leurs opérateurs des listes de contreparties autorisées et fixent périodiquement pour celles-ci des lignes par type d'opération (dépôts, avances, opérations de change ou sur titres, au comptant, à terme, confirmations de crédits documentaires, ...). En raison de la globalisation croissante des marchés et de leurs interpénétrations, la défaillance d'une contrepartie importante peut en entraîner d'autres en chaîne ("effet domino"). Par nature, ce risque "systémique" est plus géré par des autorités de marché et les organismes professionnels que par les établissements individuels (renforcement de la réglementation prudentielle, organisation de mécanismes plus fiables et rapides de liquidation des transactions).
RISQUE DE VOIR SE DEGRADER OU DISPARAITRE PHYSIQUEMENT LES ACTIFS MATERIELS
Dans la partie précédente du cours, il a déjà été question de la conservation matérielle et du transport de valeurs. Outre le recours aux dispositifs de sécurité physique (par exemple salle forte, gardes armés, voitures blindées, systèmes d'alarmes, liaison avec un poste de police), et d'organisation (par exemple accès conjoint à certains locaux, mesures d'identification, variations d'itinéraires), ce type de risque est couvert par des assurances. Une des questions qui se pose, en fonction du coût de l'assurance (niveau des primes), est le montant qu'il convient d'assurer : risque maximum possible ou risque raisonnable, avec ou sans franchise ? Ce sera question d'appréciation.
RISQUES TECHNIQUES DES OPERATIONS Il s'agit de se prémunir contre les erreurs de parcours - par ignorance, négligence, omission ou malentendu - qui peuvent se produire dans l'exécution des opérations financières souvent complexes. Il importe en premier lieu que la haute direction perçoive et comprenne la nature et l’étendue des risques techniques. Cela n’est pas toujours le cas, notamment lors de l’introduction d’instruments financiers nouveaux tels que les dérivés. Il s’est en effet trouvé des établissements où les opérateurs prenaient des risques insoupçonnés par leurs patrons ignorants.
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Il faut en outre une étude organisationnelle poussée, accompagnée de la mise en place de procédures d'exécution rigoureuses, à laquelle doit être associée une attribution claire des responsabilités, le tout faisant l'objet de tableaux de bord et de contrôles appropriés. La qualification du personnel (par le soin apporté au recrutement, à la formation et à l'information) jouera dans ce domaine un rôle primordial de prévention : EXEMPLES
9 méthodes de vérification des documents en matière de crédits documentaires; 9 modalités de consultation préalable de la position en devises à observer et méthodes de calcul et d'enregistrement à suivre, lors de la conclusion d'opérations de change; 9 procédures à respecter avant la mise en paiement d'un capital ou d'une rente par une compagnie d'assurance ou un fonds de pension. Une mention spéciale doit être faite pour ce qui concerne l'informatique, la télématique et la bureautique, qui dans le domaine de l'intermédiation financière jouent un rôle prépondérant et dont le dysfonctionnement peut entraîner des conséquences graves. Outre les mesures préventives, les mesures de surveillance (contrôles) et de secours (back-up) feront l'objet de soins particuliers.
RISQUE DE MALVERSATIONS, DE FRAUDE ET DE MALHONNETETE En raison des sommes énormes qu'ils encaissent, conservent, transfèrent et redistribuent, les intermédiaires financiers forment par excellence un champ de convoitise pour les manœuvres frauduleuses, non seulement de tiers mais aussi de membres de personnel, de dirigeants ou d'actionnaires peu scrupuleux, talonnés par une situation personnelle pressante ou tout simplement cupides. Parmi les mesures préventives, on peut compter diverses précautions dans l'organisation comme la limitation d'accès aux caisses et aux salles d'ordinateur, l'attribution de codes d'accès individuels aux fichiers informatiques, l'emploi de clés télégraphiques pour les messages télex ou téléfax confiées à la garde de personnes étrangères à celles de la conclusion des opérations, l'exigence de plusieurs signatures pour la validation d'ordres ou d'engagements de l'intermédiaire financier, l'emploi de papier de sécurité pour l'établissement de chèques, la séparation entre l'exécution, l'enregistrement et le contrôle des opérations, la fixation de limites de lignes et de positions. Parmi les méthodes curatives, on peut compter les contrôles internes (service d'inspection portant sur la régularité des opérations et de leur comptabilisation, et service d'audit interne portant sur l'existence d'une organisation adéquate, l'observance des procédures fixées et l'exécution des décisions prises) et externes (réviseurs, inspecteurs des autorités). Le but est de détecter les imperfections et de prendre des mesures correctives. Il y a aussi la prise d'assurances qui couvrent dans des limites convenues les sinistres éventuels.
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Ici se pose encore une fois la question des limites au coût du contrôle et des polices d'assurance, et il faudra exercer son jugement quant à l'optimum considéré comme désirable. Ces deux derniers risques sont globalement appelés risques opérationnels. Dans le cadre des règles dites de Bâle II, le risque opérationnel devra être quantifié par chaque banque, et faire l’objet d’une affectation de fonds propres.
RISQUE INHERENT AUX RESPONSABILITES PROFESSIONNELLES ENCOURUES PAR LES INTERMEDIAIRES FINANCIERS
Cette responsabilité découle de la nécessité d'exécuter des opérations complexes avec ou concernant des tiers dans un cadre légal, réglementaire, jurisprudentiel et déontologique touffu, voire parfois contradictoire. Il en résulte que cette responsabilité est à la fois importante et difficilement cernable. EXEMPLES :
9 Responsabilité du banquier donneur de crédit : un crédit a été accordé à une entreprise, qui connaît par la suite des difficultés. D'une part, l'établissement de crédit peut être tenté de dénoncer le crédit pour sauver de sa créance ce qui peut l'être. En effet, la banque a une responsabilité de solvabilité vis-à-vis de ses propres déposants, et doit veiller à préserver la valeur de ses actifs. De plus, s'il prolonge indûment ses crédits alors que la situation du débiteur ne le mérite pas, le banquier encourt une responsabilité vis-à-vis des tiers créanciers du débiteur car ceux-ci pourraient prétendre que la prolongation du crédit les a induits en erreur : maintien artificiel de la vie et de la notoriété de l'entreprise, qui "apparaît" solvable grâce au crédit "immérité" dont elle dispose. D'autre part, par une dénonciation précipitée du crédit, le banquier peut provoquer la faillite de son débiteur alors que sa situation n'est pas vraiment désespérée. Il encourt alors une autre responsabilité, cette fois vis-à-vis de l'entreprise, et aussi éventuellement vis-à-vis des tiers créanciers de celle-ci. 9 Surendettement des particuliers. Le prêteur doit songer à se prémunir contre le risque d'allégation qu'il a manqué à son devoir de bien s'informer au préalable sur la situation de l'emprunteur; et donc de refuser le crédit si celleci pouvait être considérée comme précaire (selon quels critères ?). 9 Une société veut procéder à une émission de titres. La banque assiste cette société émettrice dans la réalisation du prospectus exigé par l'autorité. Si par la suite on découvre que le prospectus est erroné, la responsabilité de la banque peut être mise en cause. 9 Le département opérations financières d'un intermédiaire financier prête son concours à une société dans la mise au point d'une nouvelle émission. Les informations privilégiées qu'il détient à ce titre ne peuvent être
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communiquées au département gestion de fortunes sous peine de le voir soupçonné d'"insider trading" répréhensible. 9 Le département ordres de bourse-conseil aux investisseurs doit baser ses conseils de placement sur son analyse et ses convictions professionnelles, et surtout ne pas se laisser influencer par les souhaits du département opérations financières qui lance une émission. 9 Un intermédiaire financier peut être sanctionné si celui-ci a pris part à des opérations dont l'autorité établit qu'elles ont pour but ou pour effet de favoriser la fraude fiscale, ou s'il a accepté des dépôts de fonds qui se révèlent être d'origine criminelle. La détection, le suivi et le contrôle de ce genre de risques ont nécessairement des limites pratiques et économiques - qu'il sera pourtant difficile d'invoquer s'il s'avère que la vigilance de l'intermédiaire financier a été déjouée : où commence la "négligence coupable"? Aussi, la gestion de ces risques ne peut se faire qu'avec un sens aigu des conséquences des différentes actions que peuvent poser les intermédiaires financiers. Ce sens se développe tant par une connaissance théorique approfondie des opérations traitées, que par le suivi de la législation et de la jurisprudence qui, localement et internationalement, évoluent rapidement dans tous les domaines Cette gestion est également étayée par l'expérience - parfois chèrement acquise qu'il y aura lieu de transmettre sous forme d'information et de formation aux futurs gestionnaires.
LA GESTION DE LA LIQUIDITE DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS
PROBLEME GENERAL Le but de la gestion de la liquidité sera de faire en sorte qu'à aucun moment, l'établissement financier ne se trouve en situation de ne pas pouvoir faire face à ses engagements, faute de trésorerie pour rencontrer une échéance, ce qui équivaudrait à le mettre en cessation de paiements. Cette gestion de la liquidité dépend en premier lieu du type d'activités exercées, des objectifs propres de l'établissement, et des besoins auxquels celui-ci veut répondre. D'une manière plus précise, elle dépendra du degré de transformation financière auquel il se livre (rappel : transformation financière = placer des fonds dans des actifs à des échéances ou dans des devises différentes de celles des ressources au moyen desquelles ces placements sont réalisés : en bref, dans le cas le plus fréquent, financer du "long" avec du "court").
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Comme premier élément de la gestion de la liquidité, l'établissement financier fixe une stratégie d'ensemble qui définira des objectifs de structure financière adaptés à son activité70. Par structure financière, il faut entendre l'ordonnancement des grandes masses des actifs et des passifs d'après leur duration71 . Dans le cadre de cet ordonnancement, l'établissement rajustera périodiquement ses échéanciers d'actifs et de passifs en fonction de considérations sur l'évolution probable des marchés ("asset and liability management"). Par rapport à cette stratégie globale, des mesures doivent être prises pour rencontrer les variations qui se présenteront dans ces masses et dont l'impact se répercutera dans la trésorerie courante. Il y a des variations : 9 prévisibles, notamment celles que l'établissement ordonne lui-même; 9 imprévisibles, qui dépendent exclusivement de la volonté des tiers bailleurs et utilisateurs de fonds. Parmi les variations prévisibles, il y a celles que l'on peut prévoir avec précision (liquidations de contrats de change, échéances d'acceptations bancaires, paiements d'emprunts pris ferme, versements périodiques de rentes, remboursements de prêts à terme fixe, d'effets de commerce et d'obligations en portefeuille, paiements de loyers, salaires, sécurité sociale, impôts, paiement ou encaissement de dividendes et d'intérêts, transactions de clientèle connues grâce aux informations recueillies auprès de celle-ci, ...). D'autres variations peuvent être prévues, quoique avec moins de précision, en raison de leur récurrence statistique (prélèvements des particuliers au moment des vacances, liquidités déposées par des sociétés avant le 31 décembre pour la toilette des comptes annuels, paiements à faire périodiquement par la clientèle à l'O.N.S.S. et au fisc). Des écarts peuvent se manifester par rapport aux prévisions et ce dans les deux sens; c'est-à-dire qu'il peut se constituer : 9 une trésorerie excédentaire : son inconvénient est de ne pas permettre à l'établissement d'optimiser sa rentabilité, soit qu'il y ait un simple manque à gagner, soit qu'il y ait réellement une perte (une rentrée prématurée de fonds
70 Une banque, un holding, une compagnie d'assurance, une société de bourse auront par nature des contraintes de liquidité et donc des structures financières radicalement différentes. 71
Plus subtile et mieux adaptée comme concept que l’échéance finale pour la gestion d’actifs et de passifs d’un portefeuille diversifié, la duration d’un actif (ou passif) financier mesure la durée moyenne pondérée de tous les flux monétaires futurs (non seulement le principal mais aussi les intérêts) que cet instrument procure. La pondération se fait sur base des valeurs actuelles de chaque flux individuel et la duration est donc sensible au niveau (et à la variation) des taux d’intérêt, aussi bien qu’au moment où les flux sont encaissés (ou payés). La notion de duration “simple” a fait l’objet de nombreux raffinements mathématiques pour la gestion de divers instruments financiers composant un portefeuille.
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qui ne pourraient pas être replacés à des taux suffisants pour couvrir les coûts des passifs non échus qui finançaient la transaction remboursée); 9 une trésorerie en déficit : son inconvénient majeur, s'il perdure, est de risquer un ralentissement, voire une cessation des paiements, et, dans le cas des banques, de provoquer alors un "run" sur les dépôts (c'est-à-dire une demande massive de remboursements, accélérés par un effet panique d'entraînement); les équilibres statistiques ne joueront plus.
MECANISMES PERMETTANT DE FAIRE FACE AUX RUPTURES DE LIQUIDITES
En dehors de l'utilisation des avoirs disponibles (encaisses, avoirs en comptes à vue à la Banque Nationale, à l'Office des Chèques Postaux et chez d'autres intermédiaires financiers) et de la constitution d'un échéancier raisonnable des actifs par rapport aux passifs qui les financent, il y a deux principales voies pour faire face aux ruptures de liquidité (trésorerie en déficit) : la cession d'actifs mobilisables (qui seront donc recherchés comme instruments de placement) et le recours aux passifs de substitution.
LES CESSIONS D'ACTIFS MOBILISABLES Certaines cessions d'actifs peuvent se faire librement sur les marchés financiers : 9 cession de fonds d'état, d'obligations, d'actions (en bourse ou sur d'autres marchés organisés); 9 cessions de certificats de trésorerie (en bourse aux U.S.A., auprès de primary dealers en Belgique); 9 cessions ou mobilisation d'effets de commerce; 9 cession de créances titrisées, telles que créances hypothécaires ou créances sur détenteurs de cartes de crédit,... 9 cession de crédits d'exportation mobilisables. Divers titres (fonds d'Etat, effets, … peuvent aussi faire l'objet d'une cession temporaire appelée convention de vente-rachat, "repurchase agreement" ou "repos", qui donnent de la liquidité temporaire à de très bonnes conditions.
LE RECOURS AUX PASSIFS DE REMPLACEMENT Il s'agit ici de recourir à l'emprunt de fonds de tiers. On peut, de même que pour la cession d'actifs, faire la différence entre l'augmentation de passifs selon des mécanismes institutionnalisés ou selon des mécanismes de marchés libres : 9 selon des mécanismes institutionnalisés : lignes d'avances obtenues auprès de la Banque Nationale de Belgique (à condition de lui apporter des titres en garantie);
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lignes "stand-by", garanties ou non, obtenues auprès de collègues intermédiaires financiers moyennant commissions; 9 selon des mécanismes libres de marchés : il s'agit essentiellement de recours aux marchés monétaires, principalement le marché interbancaire : prêts généralement de 1 jour (overnight) à 12 mois; il y a nécessité pour l'intermédiaire financier d'être crédible pour avoir accès à ce marché dont les membres peuvent, dans le cas contraire, refuser de lui prêter. Les intermédiaires financiers actifs du marché font en effet l'étude des contreparties qu'ils sont susceptibles d'y rencontrer et déterminent des limites pour chacune d'elles en fonction de leur taille, de leur standing et de leur affiliation. Ces limites ne sont pas nécessairement communiquées par les intermédiaires financiers entre eux.
MARKETING DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS INTRODUCTION Le marketing est une notion relativement récente en matière d'opérations financières surtout en Europe. Si la démarche de clientèle a de tout temps été pratiquée en assurance, elle était, il y a 30 ans encore, considérée comme allant à l'encontre de la déontologie professionnelle en matière bancaire. D'ailleurs, dans le sillage de déboires financiers tels ceux des années 30, l'opinion désapprouvait les techniques trop agressives de vente; aussi la législation belge de 1935 prévoyait qu'une surveillance devait être exercée dans ce domaine, en spécifiant notamment que, parmi les frais généraux, le poste "publicité" devait apparaître de façon distincte dans les comptes de résultats des banques - cette disposition devenue anachronique n’a été abrogée qu’en 1993. De fait, avec la multiplication des agences des établissements nationaux, et les implantations nouvelles des établissements étrangers, le marketing a fait son apparition en matière bancaire sous la pression de la concurrence, subconsciemment d'abord, de manière structurée ensuite. On peut distinguer entre le marketing par marchés et le marketing par produits. LE MARKETING PAR MARCHES
On segmente les cibles, par exemple : 9 9 9 9 9
les particuliers, les exportateurs, les investisseurs institutionnels, les professions libérales, les expatriés,
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9 les grandes entreprises, 9 les P.M.E., 9 les jeunes, dont on identifie les besoins par rapport aux produits et services offerts, produits et services que l'on s'efforcera d'ailleurs de tailler sur mesure si cela se justifie. Des campagnes de publicité et de promotion (primes et cadeaux à l'ouverture de comptes, à l'accroissement des avoirs, ...) s'adressent aux publics visés. LE MARKETING PAR PRODUITS
TYPES DE PRODUITS Ces produits et services financiers peuvent être : 9 des crédits spéciaux : crédits à l'exportation, crédits d'installation, crédits permettant de profiter de dispositions fiscales (versements anticipés); 9 des instruments de dépôts ou d'investissements : des obligations ou bons de caisse attractifs (bons de croissance, zero bonds); des titres d'investissements à avantages fiscaux ou de concepts nouveaux (SICAV, fonds communs de placement spécialisés en matières premières ou en titres de marchés exotiques, de venture capital, de sociétés novatrices); 9 des moyens de paiement : cartes de paiement, cartes de crédit; 9 des instruments de couverture : opérations à terme, swaps, options; ... 9 des services annexes : gestion de portefeuilles, cash management des entreprises, conseils financiers, ... 9 des techniques d'accès : distributeurs automatiques, coffres de nuit, drive in, self banking, phone banking, home banking Internet et autres liaisons télématiques, ...
MAKE OR BUY ? Un établissement financier peut se poser la question : doit-il développer lui-même ses produits originaux, ou ferait-il mieux de prendre des produits élaborés par d’autres (“make” or “buy”) et d’agir alors comme distributeur (p. ex. création d’une SICAV spécialisée en actions japonaises) ? De même pour les services, l’établissement financier doit-il assurer toutes les prestations lui-même, ou en sous-traiter certaines (p. ex. la garde des titres de la clientèle) ? Cela dépend des moyens disponibles par rapport aux objectifs stratégiques à mûrir avec soin : problème éternel d’allocation de ressources rares, d’économies d’échelle et de concentration des efforts sur les métiers considérés comme de base. Tout comme les produits industriels, les produits et services financiers peuvent faire l'objet de commercialisation sous marques (Compte orange, Carte bleue,
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Bancontact, Plan G, Telelink), quoique les concepts sur lesquels ils s'appuient soient difficilement brevetables. Des techniques de cross-selling pourront être mises en oeuvre; dans la politique de prix, un lead product pourra être agressivement proposé dans l'espoir qu'il entraîne à la consommation d'autres plus rentables (cf. p.137) - mais dans les limites qui sont tracées dans la loi sur les pratiques du commerce qui a été rajeunie en 1991 restreignant notamment les formules de ventes liées.
CONSEQUENCES SUR LA GESTION Certains produits ou services sont mieux administrés et certains marchés sont mieux approchés ou desservis à partir d'une base centralisée alors que l'inverse est vrai pour d'autres. Sont centralisés : 9 les services à haute technicité (qui s'adressent aux personnes fortunées, aux grandes entreprises, aux pouvoirs publics); 9 les services de relations avec l'étranger.
SONT DECENTRALISES : 9 les services au grand public ayant besoin de produits de masse; 9 les services aux P.M.E.
IMPACTS C'est ce qui a entraîné, surtout depuis la guerre, la prolifération des agences, succursales et sièges au point d'atteindre aujourd'hui une certaine saturation renforcée par le phénomène des guichets automatiques (ATM, POS) et les initiatives en matière de phone- et home-banking. Il n'est d'ailleurs pas nécessaire de disposer d'un réseau propre pour un intermédiaire financier qui peut également songer à recourir à des réseaux libres composés d'agents agréés, qui sont en fait les démarcheurs et antennes périphériques de ces intermédiaires financiers; ce système est utilisé tant par des banques que par des sociétés de financement, compagnies d'assurance, etc. Souple, il pose néanmoins des problèmes particuliers : surveillance de personnes qui agissent au nom d'organismes financiers dont ils ne dépendent pas hiérarchiquement au sens strict du terme, propriété de la clientèle en cas de cessation de la représentation. A noter enfin les systèmes de vente directe par correspondance ou Internet, rencontrés notamment dans les pays anglo-saxons, et scandinaves pour la distribution d'assurances et de fonds communs de placement.
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DEVELOPPEMENTS Dans le développement du marketing des établissements financiers, divers moyens ont été utilisés pour atteindre les cibles convoitées : 9 une meilleure information et une plus grande pénétration (sur le plan des groupements professionnels : manifestations, expositions, campagnes de presse; sur le plan individuel : publicité, mailing, démarchage, encore que ces approches de clients aient été plus étroitement réglementées); 9 une plus grande convivialité (amélioration de la décoration et de l'accessibilité des locaux, meilleur accueil humain, clarification des contrats et des formulaires); 9 une multiplication des produits, souvent lancés à bas prix; 9 la recherche de rationalisations techniques et administratives (informatique, self-banking, ...) permettant de devenir "low cost producers" efficients de certains produits et services et d'augmenter corrélativement les parts de marché par des politiques de prix et de qualité (rapidité, fiabilité, ...) ainsi rendues possibles ; 9 une spécialisation, permettant de mieux rencontrer certains besoins particuliers dans un créneau donné (politique de “niches” et de “boutiques”); 9 une déspécialisation, permettant d'offrir sous un même toit une gamme de produits financiers divers; ce mouvement a trouvé ces derniers temps une faveur accrue dans certains pays (USA), avec l'apparition de "supermarchés financiers" ; 9 une recherche de l'utilisation optimale à faire des techniques de communication à distance, afin de trouver et satisfaire le client au mieux. Les formules de type "banque à distance" ou "banque Internet", après une vogue passagère en 1999-2000, n'ont pas tenu leurs promesses. Les techniques Internet devraient cependant permettre aux banques de compléter leurs canaux de distribution, et de simplifier certaines transactions. Comme dans tout secteur économique, la disposition d'un réseau efficace de distribution de produits financiers, notamment auprès du consommateur final, revêt une importance majeure : c'est un des principaux attraits, à côté de la capacité d'opérer et de la créativité dans la génération des produits nouveaux, qui est convoité par les établissements financiers cherchant à s'étendre par croissance externe dans le cadre de l'unification européenne, et, de manière plus large, de la globalisation des marchés.
CADRE D’ACTION CONCERNANT L’HARMONISATION DE LA CONCURRENCE ET LA VENTE A DISTANCE DES SERVICES FINANCIERS
Le 28 octobre 1998, la Commission européenne a adopté une communication intitulée « services financiers : élaborer un cadre d’action ». Celle-ci vise à compléter l’introduction de l’Euro en créant les conditions nécessaires pour
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permettre au secteur financier de développer tout son potentiel dans un marché mondial de capitaux de plus en plus intégré. Cette nécessité a notamment été rappelée au Conseil européen de Cardiff des 15 et 16 juin 1998. Dans ses conclusions, la présidence du Conseil invite en effet la Commission à présenter un cadre d’action visant à améliorer le marché unique des services financiers, en examinant notamment l’efficacité de la mise en œuvre de la législation actuelle et en recensant les points faibles qui pourraient rendre nécessaire une modification de la législation. Cette modification repose sur deux grands axes : 9 la réalisation des marchés de capitaux européens liquides et profonds répondant davantage aux besoins des investisseurs ; 9 la suppression des obstacles relatifs aux prestations transfrontalières des services financiers de détail afin d’offrir un plus grand choix au consommateur tout en lui assurant un niveau de protection plus élevé notamment par la mise en place de moyens de recours. A cette fin, la Commission n’a pas l’intention de refondre les règles communautaires relatives aux services financiers mais de les compléter dans certains domaines précis notamment la fiscalité des produits financiers. Le programme envisagé a également pour vocation d’alléger et d’assurer une mise en œuvre effective de la législation existante grâce à une meilleure transposition du droit communautaire par les Etats membres. Enfin, une action plus rigoureuse de la Commission et une interprétation claire et uniforme de la législation communautaire seront mises en place dans le cadre d’une coopération grandissante entre les autorités de surveillance des Etats membres.
« PROPOSITION DE DIRECTIVE CONCERNANT LA VENTE A DISTANCE DES SERVICES FINANCIERS » Présentée le 14 octobre 1998, la proposition de la Commission complète la directive 97/7/CE relative à la vente à distance de biens et de services autres que des services financiers. Ce projet est destiné à établir un cadre juridique clair en harmonisant les règles relatives aux contrats de vente à distance des services financiers (bancaires, d’assurance, d’investissement, etc…). La Commission souhaite garantir au consommateur une protection de qualité en matière de services financiers de détail en posant des limitations et des conditions d’utilisation des moyens de commercialisation à distance. A cet effet, la proposition énonce toute une série de dispositions détaillées quant aux procédures à respecter avant la conclusion d’un contrat, notamment le respect d’un délai de réflexion et de possibilité d’user d’un droit de rétractation pour le consommateur. L’adoption d’une telle directive permettra aux consommateurs d’accéder plus facilement aux services financiers dans d’autres Etats membres, tout en étant assurés que leurs intérêts sont protégés. Par conséquent, elle encouragera l’essor de nouvelles formes de commercialisation des services financiers au sein de l’Union européenne.
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« PROPOSITIONS
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DE DIRECTIVES CONCERNANT L’ACCES A L’ACTIVITE DES
INSTITUTIONS DE MONNAIE ELECTRONIQUE ET SON EXERCICE AINSI QUE LA SURVEILLANCE PRUDENTIELLE DE CES INSTITUTIONS
»
La Commission a présenté le 29 juillet 1998 des propositions visant à mettre en œuvre le marché unique des services financiers en supprimant les entraves à l’exercice d’activités transfrontalières, notamment par une harmonisation des règles concernant des questions prudentielles et réglementaires concernant les émetteurs de monnaie électronique. La première proposition vise à inclure des entreprises émettant de la monnaie électronique parmi les établissement de crédit, en les intégrant dans les directives de coordination bancaire (77/780/CEE et 89/646/CEE), afin de leur permettre d’agir dans tout le marché unique sur la base d’un agrément unique délivré par un seul Etat membre (passeport européen), et de préserver ainsi la concurrence avec les établissements de crédits institutionnels. Dans sa seconde proposition de directive, la Commission définit tout d’abord la monnaie électronique comme un montant monétaire stocké sur une carte à microprocesseur ou une mémoire d’ordinateur et qui est l’émetteur. Elle précise ensuite que les institutions concernées ne seront pas soumises à l’ensemble des directives bancaires mais aux règles spécifiques posées par la proposition sur l’émission de monnaie de capitaux. A ce titre, des exigences quant aux montants et l’utilisation du capital initial et des fonds propres permanents seront à respecter ainsi que des obligations destinées à assurer une gestion saine et prudente. Les Etats pourront néanmoins accorder des exemptions pour certaines dispositions des propositions de directives en proportion des risques inhérents aux systèmes de petite taille.
« PROPOSITIONS DE DIRECTIVES SUR LES SIGNATURES ELECTRONIQUES » Une proposition de directive (5) instituant un cadre juridique pour l’utilisation des signatures électroniques a été présentée par la Commission européenne le 16 juin 1998. Elle s’inscrit dans le prolongement de la communication relative au commerce électronique adoptée par la Commission en octobre 1997 dans laquelle le manque de sécurité était présenté comme l’un des principaux obstacles au développement rapide du commerce électronique. Afin de pallier notamment les problèmes liés à la preuve du paiement, la Commission propose d’instituer des règles minimums de sécurité et de responsabilité dans toute la Communauté, mais aussi un système de coopération avec les pays tiers. En effet, les signatures électroniques permettent à une personne qui reçoit des données par réseau électronique de déterminer l’origine des données (identité) et de vérifier si les données ont été modifiées ou non (intégrité). Les données sont accompagnées d’un certificat, délivré par le prestataire du service de certification qui permet au destinataire de s’assurer de l’identité de l’expéditeur. La proposition définit les conditions essentielles d’émission de ces certificats afin d’assurer leur libre circulation dans tout le marché unique. Les prestataires de services seront responsables de la validité et du contenu du certificat. Ces services d’accréditation
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pourront être fournis sans autorisation préalable, les Etats étant libres d’instaurer des régimes volontaires d’accréditation afin d’élever le niveau du service. Enfin, indépendamment de la technologie utilisée, les signatures électroniques doivent avoir les mêmes effets légaux qu’une signature manuscrite. En Belgique, la loi du 17 juillet 2002, relative aux paiements transpose en droit belge la recommandation européenne de 1997.
électroniques
Initialement, la charge de la preuve reposait entièrement sur les émetteurs d’instruments de transfert, mais des amendements supprimant la définition restrictive de la négligence grave et précisant la mission du juge et les éléments de preuve pouvant être utilisés ont partiellement réduit ce problème. La loi prévoit aussi que les titulaires auront la possibilité de définir les plafonds d’utilisation de leur carte de paiement en fonction de leurs besoins propres et des risques qu’ils sont prêts à assumer.
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CHAPITRE 20. CADRE LEGAL ET REGLEMENTAIRE DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS
INTRODUCTION On a déjà observé que les intermédiaires financiers se meuvent dans divers domaines touchant à l'intérêt général et qu'ils font donc l'objet, de la part du législateur et des divers pouvoirs réglementaires, de nombreuses attentions. A l'origine de celles-ci : 9 des événements ou nécessités macro-économiques et monétaires qui dépassent les acteurs individuels sur la scène financière et que les forces du marché ne peuvent seules rencontrer; 9 un désir des pouvoirs publics d'orientation, d'intervention et de redistribution, d'ordre politique ou social, qui peut être de nature idéologique; 9 des déboires jugés intolérables économiquement et socialement, dans la mesure où leur source peut être attribuée à l'absence d'une autodiscipline professionnelle individuelle ou collective. Cette absence elle-même peut résulter de la pression concurrentielle, de l'appât du gain, du goût de puissance, de la recherche de prestige, de l'individualisme excessif, de l'ignorance, de l'aveuglement ou de la bêtise ...; 9 des problèmes réels ou potentiels soulevés, à raison ou à tort, par divers organismes (associations de consommateurs, partis politiques, autorités prudentielles, associations professionnelles, groupes d'études). Cherchant à concilier efficience économique, sécurité juridique, justice sociale, équité professionnelle et crédibilité politique, les accents réglementaires fluctuent dans le temps et dans l'espace d'autant qu'ils visent des équilibres s'avérant instables par nature en regard d'impératifs souvent contradictoires. Après des courants dominants divers, la tendance la plus répandue veut aujourd'hui que dans le cadre d'économies de marché, une certaine déréglementation économique permette aux forces de la concurrence de s'exprimer davantage que les velléités interventionnistes ou monopolistiques, compensée par un certain renforcement sur le plan prudentiel. A cet égard, il faut aussi noter des tendances à l'harmonisation réglementaire pour assurer l'égalité des chances des joueurs (promotion de "level playing fields").
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CLASSEMENT DES MESURES LEGISLATIVES ET REGLEMENTAIRES Les dispositifs mis en place affectant les intermédiaires financiers peuvent s'analyser selon :
LES BUTS DES LOIS ET REGLEMENTS RENCONTRER DES OBJECTIFS ECONOMIQUES ET MONETAIRES; EXEMPLES
9 9 9 9 9 9
renforcer ou restreindre la concurrence; procurer des fonds à l'Etat; stimuler des investissements; brider l'inflation; casser la surchauffe économique; préserver les réserves de change;
VISER DES BUTS SOCIAUX ET CULTURELS; EXEMPLES
9 9 9 9 9
promouvoir l'emploi; favoriser les constructions scolaires ou hospitalières; encourager la construction de logements sociaux; combattre la pollution; endiguer la criminalité;
ASSURER LA STABILITE DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS; EXEMPLES
9 imposer des conditions minimum d'accès à la profession; 9 instaurer des normes de structure; 9 veiller à l'adéquation du contrôle interne et externe;
PROTEGER LES PARTIES CONTRACTANTES AUX OPERATIONS FINANCIERES; EXEMPLES
9 conférer la sécurité juridique aux transactions financières; 9 éviter que les forts n'abusent de leur puissance ou de leur savoir;
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9 faciliter la défense des plus faibles. 9 respecter la vie privée;
LES POUVOIRS DONT EMANENT LES LOIS ET REGLEMENTS On distingue plusieurs niveaux : LE NIVEAU SUPRA-NATIONAL :
Il s’agit soit des organismes officiels : Union européenne (directives), soit des institutions privées : Chambre de Commerce Internationale (règles et usances en matière de crédits documentaires). LE NIVEAU NATIONAL :
Il s’agit soit des pouvoirs traditionnels : législatif, exécutif et judiciaire, soit des magistratures économiques ou autres autorités publiques qui en dérivent (Commission Bancaire et Financière, B.N.B., ...); soit des organismes professionnels (Association Belge des Banques, Association des Fonds Communs de Placement); soit des organismes mixtes officiels mais cependant composés de membres de la profession (Commission de la Bourse). LES NIVEAUX REGIONAUX ET LOCAUX :
Législation par états aux U.S.A., par cantons en Suisse, par communautés ou par régions en Belgique.
LE CHAMP D'APPLICATION DES LOIS ET REGLEMENTATIONS DANS L'ESPACE Ici aussi, on distingue les niveaux supra-nationaux, nationaux ou régionaux avec tous les problèmes de conflits de compétence qui peuvent en résulter : quelle réglementation s'applique au produit financier offert : celle du pays de l'intermédiaire qui le commercialise ou celle du pays du client à qui il est proposé ? quelle autorité régit la filiale ou la succursale locale d'une banque étrangère : l'autorité locale ou celle du pays de la maison-mère ? la législation belge sur l'escompte de facture est-elle opposable au débiteur cédé étranger ? quelles contraintes s'appliqueront à la décision d'une région belge d'emprunter, localement ou internationalement : les impératifs de l'état central, gardien de l'unité monétaire ou les critères de la région, obligée de boucler son budget ?
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DANS LE TEMPS De nombreuses lois et réglementations sont conçues pour être appliquées pendant une période sinon infinie, du moins fort longue et sans limitation de durée; d'autres au contraire ne sont promulguées qu'à titre temporaire, pour assurer une transition ou pour faire face à une situation momentanée.
QUANT A LA MATIERE SAISIE Les dispositifs légaux et réglementaires peuvent porter sur : 9 l'opération ou l'instrument : par exemple contrats d'assurance, ventes à tempérament, carnets de dépôt, crédit hypothécaire, lettre de change, chèque, valeurs mobilières, etc. 9 les acteurs économiques : les banques, les compagnies d'assurance, les holdings, les maisons de bourse, les actionnaires, les agents-délégués, etc. 9 le cadre institutionnel : organisation des bourses, du contrôle des changes, etc. 9 les régimes globaux : protection de l'épargne, régime de la faillite, lois coordonnées sur les sociétés commerciales, codes des impôts, ... En fait les législations et règlements sont souvent hybrides, en ce qu'ils touchent à plusieurs de ces niveaux à la fois, par exemple la législation sur le crédit à la consommation, qui s'adresse tant aux opérations qu'aux opérateurs, ou la législation sur les valeurs mobilières qui porte autant sur les titres que sur les intermédiaires qui les négocient et les marchés où ils sont traités.
TYPES DE MESURES LEGALES ET REGLEMENTAIRES CONCERNANT LES INTERMEDIAIRES FINANCIERS
MESURES ECONOMIQUES ET MONETAIRES ACTION SUR LES AGREGATS MONETAIRES 9 encadrement du crédit (limitation quantitative des crédits que les intermédiaires financiers peuvent dispenser, en fonction de leurs ressources et de niveaux de référence antérieurs); 9 astreinte de remployer une partie des moyens d'action en actifs bien précis (en fonds d'état par exemple); 9 stérilisation d'une partie des moyens d'action (par constitution obligatoire de dépôts en comptes non rémunérés auprès de la banque centrale);
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9 imposition de maxima ou minima aux intérêts débiteurs ou créditeurs (pouvant aller jusqu'à l'obligation de prélever des intérêts négatifs (!) sur les dépôts : ceci a été mis en vigueur en Suisse à un certain moment pour protéger le pays contre un afflux excessif de capitaux étrangers, dont les répercussions intérieures auraient été exagérément inflationnistes).
FISCALITE : Pénaliser ou favoriser certaines opérations par le renforcement ou l'atténuation des impôts et taxes y afférentes; (exonération des intérêts sur carnets de dépôt; déductibilité d'intérêts hypothécaires, de primes d'assurances-vie ou de souscription d'actions : sociétés novatrices, épargne-pension; création de "centres de coordination" jouissant de régimes spéciaux quant aux intérêts payés aux intermédiaires financiers; ...).
ACTION SUR LES CHANGES Obligation de passer par tel ou tel marché selon le type d'opération; interdiction pure et simple de faire certaines opérations; imposition de formalités préalables avant d'autoriser certaines opérations; fixation de délais limites pour l'accomplissement de certaines opérations.
SUBSIDIATION : Promouvoir diverses opérations par l'attribution de subventions en capital ou en intérêts (crédits d'investissements, ...).
ACTION SUR LA CONCURRENCE •
DANS LE SENS RESTRICTIF :
9 octroi de monopoles de droit (monopole des opérations de banque, de bourse) ou de fait (prêts aux communes belges sur base d'un privilège accordé au Crédit Communal sur les dotations financières de l'Etat aux communes); 9 acceptation de concertations sur les prix ou uniformisation réglementaire des prix (intérêts créditeurs, courtages boursiers); 9 mesures protectionnistes limitant ou excluant des opérateurs étrangers sur les marchés nationaux; 9 imposition d'un numerus clausus de droit ou de fait (obligation de fournir la justification économique pour l'ouverture de nouveaux établissements, voire de nouvelles succursales ou agences, octroi ou refus arbitraire des autorités d'accorder la licence d'opérer). •
DANS LE SENS EXTENSIF :
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9 abolition de dispositions cartellaires (abrogation en 1986 par l'Association Belge des Banques des conventions interbancaires sur la plupart de leurs opérations rémunérées à la commission, à l'instigation de la C.E.E. par application des articles 85 et suivants du Traité de Rome; abrogation en 1991 des conventions en matière de taux d'intérêts créditeurs); 9 abrogation aux U.S.A. de la Regulation Q (intérêts créditeurs) au début des années 80 et du système des commissions barèmisées sur transactions boursières en mai 1975; 9 décloisonnements progressifs des opérations réservées à tel ou tel type d'opérateurs : possibilités pour les banques d'acquérir l'intégralité du capital de sociétés de bourse en Grande-Bretagne depuis octobre 1986 (Big Bang) et en Belgique depuis 1991; 9 couverture des marchés nationaux européens aux opérateurs des autres pays de l'Union : liberté de circulation des capitaux, droit d'établissement de succursales et filiales dans les autres pays membres, reconnaissance mutuelle des produits financiers. •
DANS LE SENS DE L'EGALISATION :
9 harmonisation des dispositions sur les coefficients de fonds propres; 9 cadre commun aux opérations de crédit à la consommation; 9 normes unifiées pour les prospectus d'émission.
MESURES DE PROTECTION DES DEPOSANTS Divers dispositifs, qui peuvent être coordonnés à l'échelon supra-national (directives européennes, recommandations de Bâle) existent à travers le monde. Très souvent, il y aura des lois ou arrêtés-cadres, comme par exemple en Belgique l'arrêté n° 185 de juillet 1935 déjà mentionné, amendé à diverses reprises et aujourd'hui supplanté par la loi du 22 mars 1993 transposant en droit belge les directives bancaires européennes. De telles législations édictent les mesures à observer par les établissements de crédit et prévoient quels organismes seront chargés de leur contrôle "prudentiel". En Belgique, ce sera un organisme ad hoc : la Commission Bancaire et Financière, mais ce rôle est souvent joué par les banques centrales à l'étranger.
MESURES PREVENTIVES Les mesures préventives sur lesquelles de telles lois portent comprennent généralement les suivantes : 9 agrément par les autorités pour l'accès à la profession, honorabilité et capacité des groupes propriétaires (communication des gros actionnaires possédant plus de 5 % du capital en Belgique) et des gestionnaires effectifs;
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9 disposition d'un capital minimum (5 millions d'Ecus pour les établissements de crédit en Union Européenne), destiné à assurer une certaine capacité de résistance aux accidents ; 9 maintien de certains ratios de structure comme par exemple des maxima tolérables pour les engagements envers les tiers par rapport aux fonds propres (ratio de solvabilité ) ; des maxima autorisés pour tel ou tel type d'actifs (ou de risques) par rapport au total des actifs (maxima permis d'investissement en actions étrangères, en actions locales, en obligations étrangères, en obligations industrielles locales dans le portefeuille de compagnies d'assurance) ou par rapport au total des fonds propres ; 9 régime d'incompatibilités soit dans les opérations des intermédiaires financiers (scission de la banque mixte), soit dans les fonctions occupées par leurs dirigeants (protocole sur l'autonomie bancaire), destiné à éviter des conflits d'intérêt, partant à promouvoir l'indépendance de jugement des intermédiaires financiers dans leurs activités (cf supra p. 103); 9 publicité quant à la situation des intermédiaires financiers : en Belgique, pour les banques, un schéma particulier a été rendu obligatoire en 1935 - bien antérieur à ce que la loi comptable de 1975 a introduit pour les entreprises en général - imposant la présentation détaillée de leurs comptes annuels et revu, à la suite d'une directive de l'Union Européenne, par un arrêté royal du 11 février 1992; 9 obligation faite d'avoir un contrôle interne adéquat; 9 organisation du contrôle externe : en Belgique, ce contrôle a été considérablement renforcé. Depuis 1935, les banques avaient des obligations de reporting approfondi envers des commissaires-réviseurs indépendants choisis en assemblée générale sur une liste agréée par la Commission Bancaire et Financière; les commissaires-réviseurs contrôlaient les informations reçues et faisaient d'une part rapport aux actionnaires en tant que commissaires aux comptes, et d'autre part étaient soumis à l'encadrement de tutelle de la Commission Bancaire et Financière. Dans les années 70, la fonction révisorale a été scindée en deux : commissaires-réviseurs nommés par l'assemblée générale, réviseurs agréés désignés par la Commission Bancaire et Financière et soumis à ses directives; en outre, la Commission Bancaire et Financière s'est vu donner un corps d'inspecteurs propres qu'elle peut envoyer en mission dans les établissements qu'elle contrôle. Aujourd'hui on en est revenu au système d'une seule catégorie de reviseurs, mais en augmentant le degré d'intervention des inspecteurs propres de l'autorité de contrôle; 9 obligation pour les groupes bancaires multinationaux d'avoir une société faîtière localisée effectivement dans le pays de son enregistrement, dont les autorités auront la responsabilité du contrôle sur base consolidée. Les autorités prudentielles de différents pays coopèrent d'ailleurs entre elles par l'échange de renseignements et d'expériences; 9 sanctions civiles, pénales et administratives en cas de manquements.
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MESURES CURATIVES Malgré l'ensemble de ces mesures préventives, il se peut qu'un établissement financier connaisse des difficultés susceptibles de se transformer en problèmes de solvabilité. Dans ce cas, les autorités et la profession pourront intervenir pour en prévenir ou en pallier les conséquences pouvant rejaillir sur la confiance dont la communauté a besoin pour son bon fonctionnement. Les systèmes d'aide préventive aux institutions financières en difficulté de liquidité sont légion dans le monde. Il n'en va de même qu'à des degrés divers pour les systèmes curatifs mutuelles, assurances collectives, pools de sécurité, ... - destinés à protéger, du moins partiellement et pour les cas les plus méritants, les co-contractants (déposants, obligataires, créanciers, débiteurs, assurés) des institutions financières obligées de suspendre leurs activités. Ainsi donc, aux U.S.A., les banques et les Savings and Loan Associations sont depuis les années 30 affiliées à un système officiel d'assurance (Federal Deposit Insurance Company et Office of Thrift Supervision qui a repris la suite de la défunte Federal Savings and Loan Insurance Company), obligatoire pour la plupart d'entre elles et destiné à indemniser dans une certaine limite les déposants victimes d'un accident de solvabilité éventuel. En Europe, les systèmes d'indemnisation de victimes de l'insolvabilité d'intermédiaires financiers sont pour la plupart de création récente et parfois tâtonnent encore; ils y ont parfois un caractère volontariste marqué, organisés par la profession (en Allemagne) ou résolument contraignant, imposé par l’autorité (système des Pays-Bas). Certains pays n'en ont tout simplement pas du tout. La Belgique a depuis 1975 un système de protection des déposants résultant d'arrangements contractuels conclus entre les banques, les caisses d'épargne et l'I.R.G., sous les auspices des pouvoirs publics. Ce système a subi à la lumière de l'expérience des modifications au début de 1985 dans le sens d'un caractère plus contraignant, et vient de connaître une mutation plus profonde au vu de la Directive européenne du 30 mai 1994 qui impose un dispositif commun minimum à chaque Etat membre. Aussi, en Belgique, un nouveau protocole est entré en vigueur le 1er janvier 1995. L'I.R.G. reste le gardien du système où néanmoins la profession bancaire possède, à côté des représentants de l'autorité, un droit de cogestion sur le Fonds d'Intervention, alimenté à hauteur de 2 ‰ annuels sur les dépôts couverts. Les indemnisations sont restreintes aux dépôts en Euro’s des particuliers et PME, avec un plafond de 20.000€ en l'an 2000 pour respecter le minimum européen. En fait, les problèmes de base de tels organismes d'intervention curative sont les suivants : 9 quand intervient-on : à titre préventif, ou seulement à titre curatif, lorsque la faillite ou le concordat a été prononcé ? 9 comment composer l'organe de décision quant aux éventuelles interventions ? par des représentants des autorités, des membres de la profession, des indépendants ?
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9 qui indemnise-t-on : les particuliers, les commerçants, les sociétés, les professionnels de la finance ? (ces derniers sont généralement exclus); 9 quelles dettes indemnise-t-on ? les dépôts en devises aussi bien qu'en monnaies locales ? les bons de caisses au porteur aussi bien que les dépôts nominatifs ? 9 combien indemniser : à concurrence d'un plafond ? avec une participation partielle de la victime à la perte ? 9 comment financer les interventions : par des primes, des cotisations obligatoires ou des droits de tirage sur les participants ? sur quelles bases : tout ou partie des dépôts existant à des moments déterminés, les opérations traitées ou les rémunérations perçues sur une certaine période ? 9 quelles limites fixer aux interventions ? Peut-on exiger des contributions extraordinaires des participants à l'occasion de sinistres dépassant les ressources du système ? Quoi qu'il en soit, si ces différents systèmes - fort utiles - paraissent adéquats pour faire face à des cas limités de moyenne ampleur, ils ne peuvent répondre à des défaillances majeures. La probabilité d'une telle éventualité s'est posée avec acuité depuis 1982 dans un contexte de crises locales ou internationales où certains secteurs économiques (exploration pétrolière, promotion immobilière), de grands débiteurs privés (industriels et financiers) et publics (divers états d'Amérique Latine et de l'Est Européen) se sont avérés vulnérables. Comme la communauté financière internationale est étroitement imbriquée par des liens tissés au travers des marchés des changes et des prêts et avances interbancaires - et ce pour une proportion croissante de leurs bilans respectifs - une difficulté ponctuelle mais d'importance pourrait se propager, en chaîne, au travers du réseau mondial par ce qui est convenu d'appeler l'"effet domino". En dehors de la défaillance des débiteurs, d'autres causes peuvent affecter la solvabilité des intermédiaires financiers comme les pertes sur positions propres ou les déséquilibres structurels comme ce fut le cas pour les Savings and Loan Associations aux U.S.A. depuis la fin des années 70. Les prises de conscience de ces phénomènes incitent d'une part les autorités monétaires nationales et internationales à se pencher sur divers palliatifs en liquidité voire parfois des interventions propres en solvabilité. C'est dans ce contexte qu'une très grande banque américaine, tombée en difficulté en 1984 après avoir accordé des crédits malheureux, a sous l'aiguillon décidé et rapide des autorités reçu une aide massive tant du secteur financier public que privé, en attendant de se réorganiser. Ce cas soulève des questions profondes de nature politique, notamment en matière de propriété et de gestion des organismes financiers; ces questions sont très difficiles à résoudre en raison de leur diversité, de leur complexité et de leur caractère idéologique (limite du rôle de l'Etat dans une économie de marché, distorsion de concurrence, ...). Dans ce contexte, les établissements financiers les plus sérieux ont-ils réexaminé eux-mêmes depuis la fin des années 80 leurs portefeuilles, réduit ou tenté de réduire leur exposition en même temps qu'ils ont augmenté sensiblement leurs provisions pour les risques qui se sont avérés excessifs, et renforcé leurs fonds propres.
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Mais d'autres, comme de nombreuses Savings & Loan Associations aux U.S.A. dont les fonds propres avaient été fortement entamés mais qui avaient continué à travailler avec des dépôts chèrement rémunérés - ont préféré miser sur un rétablissement par la prise de nouveaux risques parfois inconsidérés (achat de junk bonds, crédits à l'immobilier, ...). En effet, les directions de ces institutions qui n’avaient souvent “plus rien à perdre” ont pris ces risques d’autant plus facilement qu’en cas de mise en faillite effective, leurs déposants seraient indemnisés par le système. Cette attitude constitue ce qu’il est convenu d’appeler un “moral hazard”. La débâcle des Savings & Loans qui s'ensuivit, l'incapacité du système curatif d'y faire face (le coût de quelque 500 milliards de dollars a été pris en charge par le contribuable américain) et la crainte de l'extension de ce phénomène au secteur bancaire des U.S.A. y ont fait naître une controverse sur l'adéquation de systèmes curatifs qui font supporter par l'Etat (le contribuable) la charge ultime de l'indemnisation des déposants. Ceux-ci se sentent en effet en sécurité en confiant leurs fonds à l'établissement qui leur en offre la rémunération la plus élevée, sans avoir égard à la qualité de sa gestion : ce sentiment de sécurité a été d'autant plus grand que les organismes d'indemnisation ont fait tant et plus pour sauver les établissements défaillants, et pour indemniser les déposants même au delà des plafonds officiels, de crainte de difficultés plus grandes encore et de réactions socio-politiques... qui sont tout de même venues. Aussi une moindre complaisance dans le sauvetage des établissements défaillants (et l'exclusion de l'indemnisation de dépôts jugés sur-rémunérés) est-elle à l'ordre du jour. Mais cela ne résout pas le problème d'une discrimination latente qu'une telle attitude porte en germe en faveur des établissements les plus importants : les autorités pourront-elles jamais permettre aux grands établissements de tomber en faillite ? Outre les systèmes collectifs d'indemnisation, on notera aussi les privilèges spéciaux organisés au profit de déposants dans divers pays; en Belgique : privilèges sur certains remplois pour les déposants de caisses hypothécaires; On observera que, en miroir aux mesures de protection des déposants des établissements de crédit, des mesures analogues existent visant mutatis mutandis à protéger les créanciers d'autres établissements d'épargne (fonds de pension, compagnies d'assurance, fonds communs de placement), ou d'autres agents susceptibles d'avoir professionnellement la charge temporaire de patrimoines d'autrui (sociétés de bourse72, gérants de fortune).
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La Belgique dispose ainsi d'une Caisse de Garantie, à régime obligatoire, pour indemniser les clients de sociétés de bourse défaillantes, instaurée en 1987.
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MESURES DE PROTECTION DES INVESTISSEURS EN VALEURS MOBILIERES
Des mesures de nature et d'intensité variable de pays en pays ont été édictées pour protéger les investisseurs en valeurs mobilières contre les abus éventuels des émetteurs de titres, de certains vendeurs ou acquéreurs, des opérateurs professionnels et des intermédiaires. En Belgique, c'est la loi du 4 décembre 1990 qui a complètement remodelé le dispositif, en y intégrant diverses dispositions antérieures en la matière. En mai 1993, une directive européenne - Investment Services Directive (“ISD”) - est venue encadrer les services financiers prestés dans la communauté, qui a entraîné une adaptation de la loi belge en avril 1995. La supervision de l'activité en valeurs mobilières a été confiée à des organismes spécifiques dont par exemple la Securities and Exchange Commission (SEC) aux Etats-Unis; le Take-Over Panel et le Securities & Investment Board (SIB) qui supervise les Self Regulatory Organizations (SRO) en Grande-Bretagne; la Commission des Opérations de Bourse (COB) en France; la Commission Bancaire et Financière, la Commission de la Bourse en Belgique. Une organisation internationale réunit les instances de supervision : IOSCO. Les mesures protectrices des investisseurs visent en ordre principal les préoccupations suivantes : 9 fourniture aux souscripteurs de titres financiers d'une information claire, complète et impartiale sur les émetteurs; ces informations ne portent pas seulement sur la situation de la société elle-même mais aussi sur la position personnelle de certains actionnaires et dirigeants (hauteur de leur participation, montant de leurs émoluments, opérations dans lesquelles ils peuvent avoir des intérêts opposés); 9 fourniture périodique (annuelle, semestrielle, trimestrielle selon les cas) aux porteurs de titres financiers d'informations actualisées, avec vigilance particulière à l'égard des sociétés émettrices de titres cotés; 9 signalement ponctuel (et prompt) des événements qui peuvent avoir un impact “sensible” sur l’appréciation du titre par les investisseurs; 9 interdiction aux détenteurs d'informations privilégiées ("insider information") sur les émetteurs d'opérer ("insider trading") sur les titres desdits émetteurs, ou encore de véhiculer ces informations à des tiers; 9 réglementation des méthodes de sollicitation de l'épargne en vue d'un investissement en valeurs mobilières : interdiction ou réglementation du démarchage à domicile, par correspondance ou par publicité; limitation de ce qui est toléré comme émissions privées (en Belgique, pour être considérée comme émission privée, il ne peut être fait appel à plus de 50 personnes; l'usage de moyens publicitaires est en outre interdit, de même que le recours à des intermédiaires non habilités); obligation de publications (dans les journaux officiels, dans la presse privée, dans des prospectus spéciaux);
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9 encadrement des professions traitant les valeurs mobilières pour autrui (agents habilités à recevoir les ordres de bourse, opérateurs sur les marchés, gérants de patrimoine) sur base de différents principes : agrément des opérateurs (examen) agrément des administrateurs (caractère "fit and proper") capital minimum et coefficients de fonds propres isolation comptable et organisationnelle des opérations de négoce des valeurs mobilières obligation de la meilleure exécution publicité (prompte) des cours et des volumes de transactions centralisation des ordres dans le cadre de marchés organisés limitation éventuelle des opérations de contrepartie supervision par des autorités de contrôle protection curative par des mécanismes d'indemnisation73 ; 9 traitement égal des actionnaires; en particulier protection des actionnaires minoritaires, notamment en cas d’augmentation de capital (droit de préférence aux actionnaires en place) ou en cas de changement de contrôle (obligation de procéder à des OPA lors d’une acquisition dépassant un seuil donné dans la détention du capital); 9 imposition de procédures à observer en cas de mise en liquidation, de concordat ou de faillite des sociétés émettrices; à noter que la protection des investisseurs et d'ailleurs de certains créanciers pourrait être mise en danger par certains projets périodiquement envisagés (projet de loi sur la gestion assistée d'entreprises en difficulté, conçu dans l'optique de la poursuite de leurs activités plutôt que dans le respect des droits de leurs actionnaires et créanciers, projet de révision de la loi sur la faillite); 9 responsabilisation des organes de gestion vis-à-vis des actionnaires (plus encore aux U.S.A. qu'en Europe); 9 sanctions civiles, pénales et administratives pour les contrevenants.
MESURES DE PROTECTION DES DEBITEURS Outre des mesures générales qui visent à protéger les débiteurs vis à vis de leurs créanciers, on a vu que de nombreuses mesures particulières imposent des normes minimales dans l'Union Européenne pour tenter de protéger les personnes physiques agissant pour leurs besoins privés, plus spécialement en matière de crédit hypothécaire et de crédit à la consommation. Ces mesures générales et particulières concernent notamment :
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Voir note page 197
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9 la limitation des intérêts débiteurs : aux interdictions très anciennes de l'usure (taux abusifs) et de l'anatocisme (composition des intérêts), sont venues s'ajouter, selon le type d'opération, des limitations de taux et de leur variabilité, ainsi que des obligations dans les méthodes de calcul; 9 la limitation de frais que l'on peut imposer au débiteur, en dehors des marges d'intérêt; 9 l'interdiction de contrats liés; 9 l'accès à la profession (agrément ou inscription des prêteurs et autres intermédiaires de crédit, imposition d'un capital minimum); 9 la bonne information du débiteur : normes à respecter dans la promotion publicitaire (affichage des prix, des taux) et dans les procédures contractuelles (mentions obligatoires, délais de réflexion); 9 la consultation obligatoire des centrales de renseignements, mais aussi la limitation de l'accès à celles-ci et des données qu'elles sont autorisées à enregistrer, à maintenir ou à communiquer (centrales officielles de risques, fichiers privés); 9 l'interdiction de recourir à certains moyens coercitifs : interdiction de l'usage de la traite et du billet à ordre, de certaines saisies sur salaires, ...; 9 la responsabilisation et le contrôle des prêteurs, la poursuite et le sanctionnement rigoureux des infractions .
DEONTOLOGIE La loi et la réglementation ne peuvent saisir tous les cas de figure envisageables. Aussi chaque profession secrète elle-même ses usages, ses normes de comportement qui sont fondés sur un consensus plus ou moins explicite et elle s'attend à ce que ses membres s'y conforment. Ces normes déontologiques viennent donc compléter les dispositions légales et réglementaires, sans en avoir le caractère officiel. Récemment, les lois prévoient et les autorités recommandent que de telles normes soient codifiées pour les rendre plus transparentes, et qu'elles servent de guide dans l'appréciation du comportement des professionnels d'une branche donnée de l'intermédiation financière en cas de mise en question. Aussi des études sont-elles en cours au niveau des groupements professionnels et des entreprises elles-mêmes pour tenter de décanter cette matière souvent subtile qui ne se laisse pas toujours enfermer dans des formules précises.
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CONCLUSION GENERALE
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En guise de conclusion générale, il convient de tirer certaines synthèses des exposés faits tout au long du cours. Tout d'abord, on rappellera que les intermédiaires financiers sont des agents de transfert de ressources financières depuis les détenteurs de fonds en excès vers les utilisateurs potentiels des mêmes fonds : 9 lorsqu'il s'interpose entre eux à titre durable, l'intermédiaire financier court le risque d'illiquidité et d'insolvabilité de l'utilisateur des fonds; 9 lorsqu'il s'interpose entre eux de manière non-durable, l'intermédiaire, ayant conclu avec l'un, risque de ne pas pouvoir conclure ou consommer la conclusion avec l'autre - l'intermédiaire sera "collé" jusqu'au dénouement effectif de l'opération, ce qui peut résulter en une moins-value si ce dénouement ne peut se faire dans les conditions initialement espérées par l'intermédiaire. En outre, les intermédiaires financiers sont des transformateurs : 9 9 9 9
de volumes d'échéances de taux de devises.
Les intermédiaires financiers sont également des prestataires de services : alors que ces services ont été longtemps peu sensibles aux progrès technologiques, l'informatique, la bureautique et la télématique sont en train de transformer la nature des services offerts, les conditions de travail et jusqu'à l'image des intermédiaires financiers, en même temps que se modifie la nature de leurs relations internes et externes. Ces transferts, transformations et services - qui sont soutenus par l'accumulation des connaissances et expertises y associées et continuent à faire l'objet d'innovations créatives - sont générateurs d'une part d'efficience économique et d'autre part de risques. Ces risques se manifestent sur le plan de la rentabilité, de la liquidité et de la solvabilité individuelles des intermédiaires financiers mais aussi sur le plan systémique, tant il est vrai que ces intermédiaires sont devenus tributaires les uns des autres, et dépendants des technologies sur lesquelles ils fondent leur exploitation. Les risques entraînent diverses contraintes de gestion interne qui sont complétées par d'autres contraintes imposées de l'extérieur par les autorités eu égard à leur rôle de gardien de l'intérêt général : protection des parties en cause et exercice d'une influence sur la situation économique et sociale des communautés dans lesquelles ces parties se meuvent. A partir des années 30, les intermédiaires financiers ont été soumis à un interventionnisme croissant des pouvoirs publics, qui s'est manifesté à la fois sur le plan économique et monétaire et sur le plan prudentiel. A cet égard, les règlements et les contrôles préventifs de même que les systèmes curatifs d'indemnisation se sont multipliés. Une question délicate se pose en permanence :
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déterminer jusqu'à quel point le renforcement des règlements et des contrôles justifie les coûts croissants ainsi que les distorsions de marché et la perte d'efficience qui en sont la rançon : la limite n'a pu en être tracée avec certitude. Aussi, la plupart des pays - anglo-saxons d'abord - sont-ils entrés depuis les années 70 dans une certaine désescalade en la matière ("dérégulation") avec aujourd'hui une tendance à la "re-régulation" partielle pour corriger principalement sur le plan prudentiel ce que la dérégulation semble avoir eu d'excessif et en raison de tendances consuméristes plus affirmées : 9 pour ce qui concerne les mesures préventives, les dispositifs de coefficients de fonds propres ont été codifiés, favorisant les mécanismes de marchéisation et de titrisation. La fonction d’intermédiaire stricto sensu se déplace donc en partie vers l’intermédiation lato sensu, renforçant les devoirs et risques fiduciaires des intermédiaires envers leurs contreparties, par rapport aux devoirs traditionnels de restitution aux déposants classiques des fonds empruntés pour compte propre. 9 quant aux mécanismes de sauvegarde curative, leur inadéquation en cas de crise importante a déjà montré qu'elle peut entraîner l'intervention publique directe pour éviter des conséquences économiques et sociales insupportables de défaillances majeures sur le plan national ou même international, au risque même de fausser la concurrence. Au cours des récentes décennies, les intermédiaires financiers se sont fortement diversifiés, tant dans leurs activités que dans leurs localisations. La tendance à la "déspécialisation" a été fort marquée depuis les années 60 en même temps que proliféraient agences, succursales et filiales, aussi bien sur le plan international que national. La concurrence, internationalisée et intersectorialisée, s'est exacerbée, entraînant concentrations et luttes d'influence non seulement entre groupes, mais aussi entre places financières et états, conscients de l'importance économique croissante du secteur tertiaire dans le produit national, l'emploi et les recettes "invisibles" de la balance des paiements. C'est ainsi que le GATT74 a consacré dans la résolution de l'Uruguay Round à fin 1993, un chapitre spécial à la libéralisation des services financiers au niveau mondial. Dans ce contexte, les intérêts des grands blocs - U.S.A., Japon, Europe - se sont affrontés. La position de cette dernière, fondée sur le principe de la libre concurrence du Traité de Rome, s'affermit par la cohérence croissante de sa politique communautaire s’appuyant sur quatre piliers : la liberté de mouvement des capitaux, le libre établissement de succursales et filiales d'un intermédiaire financier dans n'importe lequel de ses états membres, la surveillance prudentielle au niveau de l'état membre de la maison-mère (et non des pays d'accueil des filiales ou des succursales) et la reconnaissance mutuelle par tous les états membres d'un
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General Agreement on Tariffs and Trade, prédécesseur de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce)
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grand nombre d'opérations et produits financiers conformes aux règles en vigueur dans l'un d'entre eux. Pour éviter néanmoins que les pays aux réglementations industrielles et fiscales les plus laxistes ou les plus protectionnistes ne jouissent d'une situation concurrentielle inéquitable, on conçoit que les autorités et les intermédiaires des états les plus rigoureux aient souhaité qu'un minimum d'harmonisation des règlements - à instaurer progressivement malgré les intérêts particuliers qu'elle dérange - soit réalisée parallèlement à l'avènement de la globalisation des marchés financiers. Sous l'effet de ces facteurs conjugués, la modification du paysage de l'intermédiation financière dans le monde s'accélère : il y a une redistribution des cartes par regroupements et disparitions de nombreux intermédiaires indépendants et par déplacements des marchés dominants. Survivront sans doute les très grandes institutions disposant de vastes réseaux, les établissements régionaux bien implantés avec une part suffisante de leurs marchés locaux et les maisons spécialisées dans les créneaux où leurs qualités particulières trouveront à s'exploiter. La principale composante de la survie et du succès sera cependant la capacité de chaque institution à se structurer de façon à garder des coûts compétitifs, et à offrir des services de qualité à ses clients. Ceci exigera une capacité à mettre en cause les habitudes et les idées reçues, à pratiquer et contrôler la sous-traitance, et, peut-être surtout à motiver et contrôler les ressources humaines. En définitive, la profession d'intermédiaire financier est complexe et multiforme : elle requiert des connaissances étendues et approfondies dans de nombreuses disciplines générales - économie, droit, fiscalité, comptabilité, informatique. Elle postule en même temps la maîtrise des caractéristiques propres des techniques en application dans le champ d'activité de l'institution particulière où elle s'exerce. Etant donné l'évolution importante et permanente du contexte ambiant, l'intermédiaire financier doit avoir de bonnes capacités d'adaptation. Mais pardessus tout, étant interposé dans les circuits qui répartissent les moyens d'action des ménages, des entreprises et des pouvoirs publics, il détient souvent lui-même un élément de puissance économique et peut se trouver au centre de conflits d'intérêts. Cela requiert de sa part, au-delà du simple respect des réglementations, un sens élevé de l'éthique.
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TABLE DES MATIERES CHAPITRE 1.......................................................................................................1 INTRODUCTION GENERALE .......................................................................1 DEFINITION ........................................................................................................1 MENAGES ...........................................................................................................2 ENTREPRISES......................................................................................................3 ETAT ..................................................................................................................3 LES INTERMÉDIAIRES FINANCIERS ......................................................................4 Naissance : besoin ou nécessité ? .................................................................4 Efficience opérationnelle et efficience allocative, réduction des problèmes d’asymétrie informationnelle ........................................................................4 Un rôle essentiel dans le traitement des déséquilibres financiers ................5 DES FLUX MONETAIRES ......................................................................................6 Trois rôles de la monnaie..............................................................................6 La monnaie facilite et sécurise l’épargne .....................................................6 Les monnaies dominantes – les monnaies parallèles....................................7 le seigneuriage ..............................................................................................7 MONNAIE, INTERMEDIATION FINANCIERE ET INTERVENTION DES POUVOIRS PUBLICS ..............................................................................................................8 LES TAUX D’INTERET ..........................................................................................9 Les composantes du taux d’intérêt..............................................................10 LA COURBE DES TAUX D’INTERETS ...................................................................11 3 FORMES D’INTERMEDIAIRES FINANCIERS ET LES REGULATEURS DE LA PUISSANCE PUBLIQUE .......................................................................................11 Les intermédiaires financiers stricto sensu.................................................11 Les intermédiaires financiers lato sensu.....................................................11 Les intermédiaires financiers "autres" .......................................................12 les régulateurs monétaires ou économiques ...............................................12 les régulateurs prudentiels..........................................................................12 LES MARCHES FINANCIERS ...............................................................................13 CHAPITRE 2.....................................................................................................14 MARCHES FINANCIERS ..............................................................................14 OBLIGATIONS ...................................................................................................14 Définition et introduction............................................................................14 Identité, Qualité et Solvabilité de l’émetteur ..............................................15 Identité ....................................................................................................15 • les pouvoirs publics.....................................................................15 • les entreprises : obligations corporate .........................................15 • les emprunteurs de pays émergents.............................................15 Qualité et solvabilité ...............................................................................15 Valeur nominale, taux d’intérêt de l’obligation et coûts ............................16 intérêts fixes ............................................................................................16
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Intérêts « charnière » :.............................................................................16 taux variables et soumis à révision : .......................................................16 Coût pour l’émetteur ...............................................................................16 • charges financières ......................................................................16 • commissions................................................................................16 • frais accessoires...........................................................................17 le mode d’amortissement ............................................................................17 les obligations avec remboursement intégral à l’échéance (« balloon repayment ») ...........................................................................................17 les obligations à coupon nul ou « zero bond » ........................................17 les obligations à remboursement anticipé ...............................................17 les obligations à remboursement intermédiaire.......................................18 • remboursement par tirage............................................................18 • rachat ...........................................................................................18 • Les obligations avec option put ..................................................18 Le choix de la devise ...................................................................................18 Les marchés des obligations .......................................................................18 Rendement ...................................................................................................19 taux de rendement courant ......................................................................19 taux de rendement actuariel ....................................................................19 Formes particulières d’obligations.............................................................20 Obligations avec participation au bénéfice .............................................20 Obligation indexée ..................................................................................20 Obligation zero coupon ...........................................................................20 Obligation convertible.............................................................................20 « Obligation convertible inverse » ..........................................................20 Obligation avec warrant ..........................................................................21 Obligation à double devise ou « dual currency »....................................21 Obligation gouvernementale ...................................................................21 Obligation linéaire (OLO).......................................................................21 Fiscalité.......................................................................................................22 ACTIONS ..........................................................................................................23 Définition et introduction............................................................................23 Emission d’actions ......................................................................................23 Dividende ....................................................................................................24 Evaluation des actions ................................................................................24 La valeur comptable et la valeur intrinsèque .............................................25 Ratios financiers .........................................................................................25 PRODUITS DERIVES...........................................................................................25 Les warrants................................................................................................25 Définition et introduction........................................................................25 Prix des warrants .....................................................................................26 • Valeur intrinsèque .......................................................................26 • Valeur d’attente (time value) ......................................................26 Utilité des warrants .................................................................................27 • Instrument de couverture.............................................................27
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• Effet de levier important .............................................................27 • Instrument de diversification du portefeuille ..............................27 Différences entre warrants et options......................................................27 Les options ..................................................................................................28 Les « futures » .............................................................................................28 Définition et introduction........................................................................28 Fonctionnement.......................................................................................28 Différence essentielle entre futures et options ........................................28 utilite .......................................................................................................29 CHAPITRE 3.....................................................................................................30 QUELQUES PRINCIPES GENERAUX ET PARAMETRES CARACTERISANT LES OPERATIONS DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS....................................................................................................30 EMPLOIS DE FONDS, CREDITS ET OPERATIONS "ACTIVES" EN TOUT GENRE .......30 L'utilisateur du financement........................................................................30 Critères individuels .................................................................................30 • Identité ........................................................................................30 • Etat-civil......................................................................................30 • Age ..............................................................................................30 • Nationalité ...................................................................................31 • Domicile / Résidence ..................................................................31 • Profession / Objet social .............................................................31 • Capacité juridique .......................................................................31 • Pouvoirs de représentation ..........................................................31 Risque du financement............................................................................31 • Entreprises...................................................................................31 • Pouvoirs publics ..........................................................................31 • Particuliers ..................................................................................32 • garanties ......................................................................................32 L’objectif du financement............................................................................32 Le temps dans le financement .....................................................................33 Objet et sujet ...........................................................................................33 Sortie de l’opération................................................................................33 Echéance .................................................................................................33 • Aléatoire......................................................................................33 • Déterminée ..................................................................................33 • Clauses de remboursement anticipé ............................................34 Nature et forme du titre financier ...............................................................34 Rémunération ou prix du financement ........................................................34 Rémunération calculée en fonction du temps d’utilisation des fonds :les intérêts .....................................................................................................35 • Taux fixes....................................................................................35 • Taux variables .............................................................................36 • Rémunérations aléatoires et Formules mixtes.............................36
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Rémunération calculée indépendamment du temps d’utilisation des fonds : les commissions ..........................................................................36 Indemnisation des débours à encourir.....................................................37 Facteurs de distorsion sur le coût réel .....................................................37 Fiscalité.......................................................................................................38 RECOLTE DE FONDS, DEPOTS, OPERATIONS « PASSIVES » EN TOUT GENRE ......39 Les dépôts bon marché................................................................................39 Caractéristiques du déposant.....................................................................40 Objectifs du déposant..................................................................................41 Facteur temps..............................................................................................42 Nature et forme des titres financiers émis par les intermédiaires financiers .....................................................................................................................42 Rémunération ..............................................................................................42 Fiscalité.......................................................................................................43 Risque..........................................................................................................44 Conditions annexes .....................................................................................44 LES OPERATIONS ACTIVES DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS46 CHAPITRE 4.....................................................................................................47 LES OPERATIONS DE CREDIT...................................................................47 INTRODUCTION.................................................................................................47 TYPES DE CREDIT SELON LEUR FORME..............................................................47 Crédits par décaissement ............................................................................48 Avance (ou credit) de caisse ("overdraft facility") .................................48 • Volume :......................................................................................48 • Durée :.........................................................................................48 • Rémunération : ............................................................................49 • Rôle du crédit de caisse :.............................................................50 • Caractéristiques pour l'utilisateur :..............................................50 • Caractéristiques pour le banquier :..............................................51 Avances à terme fixe ("straight loans") ..................................................51 • Définition : ..................................................................................51 • Volume :......................................................................................51 • Durée :.........................................................................................51 • Coût :...........................................................................................51 • Usage :.........................................................................................52 L'escompte ..............................................................................................52 • Remarque liminaire : les effets de commerce .............................52 • Notion d'escompte.......................................................................53 • Le billet à ordre ou promesse ......................................................54 • La traite commerciale ou lettre de change ..................................55 • Le warrant-cédule........................................................................61 • La facture ....................................................................................62 Crédits par signature ..................................................................................64 crédits par garantie ..................................................................................64
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• Définition : ..................................................................................64 • But :.............................................................................................64 • Montant : .....................................................................................64 • Durée :.........................................................................................64 • Coût :...........................................................................................65 • Quelques types de garanties bancaires :......................................65 Crédits documentaires.............................................................................67 • Définition : ..................................................................................67 • Protagonistes : .............................................................................67 • But :.............................................................................................67 • Idée de base :...............................................................................67 • Technique :..................................................................................68 • Types de crédits documentaires (qui peuvent être combinés entre eux) : ...................................................................................................68 • Durée ...........................................................................................69 • Coût :...........................................................................................70 • Règlement de litiges....................................................................70 Crédits d'acceptation ..................................................................................70 Définition : ..............................................................................................70 GARANTIES DONT SONT ASSORTIES LES OPERATIONS DE CREDIT ......................71 Les engagements ou promesses de gage .....................................................72 Engagement de garantie pris en faveur du créancier : ............................72 Engagement de ne pas aliéner ni hypothéquer (davantage) un bien en faveur de tiers :........................................................................................72 Les garanties réelles ...................................................................................73 Garanties immobilières ...........................................................................73 Gage sur marchandises............................................................................73 Gage sur fonds de commerce ..................................................................74 Clause de réserve de propriété ................................................................74 Gage sur titres .........................................................................................75 Gage sur créances....................................................................................75 Délégation du bénéfice de polices d'assurance .......................................75 Autres garanties ..........................................................................................76 Caution ....................................................................................................76 Lettre de soutien......................................................................................76 Engagement de faire, de ne pas faire ......................................................77 TYPES DE CREDIT SELON LEUR USAGE ..............................................................77 Crédits finançant les besoins des entreprises .............................................78 Les crédits d'investissement ....................................................................78 • Objet :..........................................................................................78 • Volume :......................................................................................78 • Temps :........................................................................................78 • Sortie du crédit : ..........................................................................80 • Instruments :................................................................................80 • Coût :...........................................................................................80 • Fiscalité : .....................................................................................81
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• Garanties : ...................................................................................81 • Attitude des pouvoirs publics vis-à-vis des crédits d'investissement : ................................................................................82 les crédits à la grande exportation...........................................................82 • Objet :..........................................................................................82 • Temps :........................................................................................82 • Sortie de l'opération : ..................................................................82 • Instruments :................................................................................82 • Coût :...........................................................................................83 • Garantie :.....................................................................................83 • Montage : ...................................................................................83 Crédits de campagne ...............................................................................84 • Objet :..........................................................................................84 • Durée :.........................................................................................84 • Sortie : .........................................................................................84 • Instruments :................................................................................84 • Coût :..........................................................................................84 • Garanties : ...................................................................................84 Crédits de fonds de roulement ................................................................85 • Objet :..........................................................................................85 • Durée :.........................................................................................85 • Sortie : .........................................................................................85 • Instruments :................................................................................85 • Coût :...........................................................................................85 • Garanties : ...................................................................................85 Crédits finançant les besoins des particuliers ............................................86 Le crédit hypothécaire.............................................................................86 • Introduction .................................................................................86 • Technique....................................................................................86 • Protection des débiteurs ..............................................................87 • Centrale des Risques ...................................................................89 • Sanctions .....................................................................................89 • Principales autres caractéristiques du crédit : .............................90 Le crédit à la consommation ...................................................................91 • Introduction :...............................................................................91 • La réglementation........................................................................94 ANNEXE A .....................................................................................................103 Genèse du crédit d'acceptation :...............................................................103 Evolution ultérieure ..................................................................................103 Evolution ultime :......................................................................................104 Usage :...................................................................................................104 Durée :...................................................................................................105 Coût :.....................................................................................................105 ANNEXE B......................................................................................................105 CHAPITRE 5...................................................................................................111
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AUTRES OPERATIONS ACTIVES AVEC LE SECTEUR PRIVE ........111 SOUSCRIPTION D'OBLIGATIONS DE SOCIETES INDUSTRIELLES .........................111 Introduction...............................................................................................111 Types d’obligations corporate ..................................................................111 Existence d’un marché secondaire ? ........................................................112 ACTIONS DE SOCIETES ....................................................................................112 Présence à des degrés divers, selon la vocation de l’intermédiaire financier ...................................................................................................................112 Réflexions sur le bien-fondé de la détention d’actions pour les intermédiaires financiers ..........................................................................113 Adéquation des remplois par rapport aux ressources ?.........................113 Conflits d’intérêts potentiels ? ..............................................................113 Adoption de différents principes ...............................................................113 Spécialisation ........................................................................................114 Autonomie.............................................................................................114 Un assouplissement … ..............................................................................115 Et ensuite un revirement............................................................................115 CHAPITRE 6...................................................................................................117 OPERATIONS DE FINANCEMENT DU SECTEUR PUBLIC................117 LES EMETTEURS .............................................................................................117 Au niveau national : ..................................................................................117 Au niveau étranger : .................................................................................117 LES FORMES DE FINANCEMENT.......................................................................117 CHAPITRE 7...................................................................................................119 CRITERES D’APPRECIATION DU PLACEMENT OBLIGATAIRE ...119 INTRODUCTION...............................................................................................119 LA POLITIQUE TRADITIONNELLE D’AMORTISSEMENT .....................................119 LES REGLES FUTURES .....................................................................................121 CHAPITRE 8...................................................................................................122 OPERATIONS A L'EGARD D'AUTRES INTERMEDIAIRES FINANCIERS PROFESSIONNELS.............................................................122 LES OPERATIONS DE MARCHE INTERBANCAIRE ..............................................122 LES OPERATIONS DE TRESORERIE ...................................................................122 CHAPITRE 9...................................................................................................124 LES ENCAISSES ............................................................................................124 LES OPERATIONS PASSIVES DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS ...........................................................................................................................125 CHAPITRE 10.................................................................................................127 LES DIFFERENTS INSTRUMENTS DE COLLECTES DE RESSOURCES DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS.........................127
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LES DEPOTS ....................................................................................................127 Dépôts en compte courant à vue ...............................................................127 Rappel : convention de compte courant ................................................127 Caractéristique du dépôt à vue ..............................................................127 Dépôts en compte à terme .........................................................................127 Comptes à terme fixe ............................................................................128 Comptes à préavis .................................................................................128 Comptes rubriqués ....................................................................................128 Fixation des taux des comptes de dépôts ..................................................128 Le terme ................................................................................................129 L'offre et la demande.............................................................................129 Le montant des dépôts...........................................................................129 La devise ...............................................................................................129 Régulation .............................................................................................129 LES LIVRETS OU LES CARNETS D'EPARGNE .....................................................133 Principe .....................................................................................................133 Fiscalité.....................................................................................................133 Rémunération ............................................................................................133 Moyen d’encouragement de l’épargne ou … ? .........................................134 CERTIFICATS DE DEPOT, BONS DE CAISSE ET OBLIGATIONS ............................135 Nature........................................................................................................135 Types de bons de caisse et d'obligations...................................................135 Obligations ordinaires ...........................................................................135 Bons de capitalisation ou bons de croissance : .....................................135 Bons à taux progressifs .........................................................................136 Rémunération ............................................................................................136 Liquidité ....................................................................................................136 FISCALITE ......................................................................................................136 CHAPITRE 11.................................................................................................138 LES RESSOURCES EN CAPITAUX PROPRES DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS..................................................................................................138 INTRODUCTION...............................................................................................138 REGULATION ET FIXATION DE FONDS PROPRES MINIMUM ...............................138 Le risk-assets ratio ....................................................................................139 Définition de standards internationaux …................................................139 Mais des arbitrages délicats ….................................................................140 Perspectives de régulation ........................................................................141 CHAPITRE 12.................................................................................................142 AUTRES MOYENS DE COLLECTER L’EPARGNE...............................142 LES ASSURANCES-VIE.....................................................................................142 LES ORGANISMES DE PLACEMENT COLLECTIFS (OPC) ..................................143 Définition et introduction..........................................................................143 la nationalité :........................................................................................143
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la forme juridique : les fonds de placement et les sociétés d’investissement....................................................................................143 • Les Fonds de Placement............................................................143 • Les Sociétés d’Investissement...................................................143 le caractère ouvert ou fermé de l’OPC :................................................144 Intérêt et utilité d’un OPC ........................................................................144 Pour l’investisseur.................................................................................144 • réduction des frais : ...................................................................144 • Gestion professionnelle :...........................................................144 • Diversification des placements .................................................145 • Accès à certains marchés ..........................................................145 • Liquidité ....................................................................................145 • Transfert d’un compartiment à un autre....................................145 • Avantages fiscaux (voir infra)...................................................145 Pour l’intermédiaire financier ...............................................................145 • Des frais de gestion ...................................................................145 • Meilleure adéquation actif/passif et diminution du risque d’intermédiation ................................................................................146 Les Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières (OPCVM) : la Directive du 20 Décembre 1985 ...........................................................146 Harmonisation minimum : le « passeport européen »...........................146 Conditions d’application .......................................................................147 Agrément de l’autorité de contrôle compétente du pays d’origine .......147 Obligations concernant la structure de l’OPC.......................................147 Quelques éléments de politique de placement des OPCVM.................148 Obligations concernant l’information des participants .........................148 Obligations générales de l’OPCVM......................................................149 Dispositions spéciales applicables aux OPCVM qui commercialisent leurs parts dans des Etats membres autres que ceux où ils sont situés. 149 Classification légale des OPC : la loi belge du 4 décembre 1990 relative aux opérations financières et aux marchés financiers..............................150 OPCVM ................................................................................................150 OPC en valeurs mobilières et liquidités ................................................150 Autres ....................................................................................................151 Classification des OPC ou de leurs compartiments selon le type d’investissement réalisé et classes de risque ............................................151 OPC d’obligations :...............................................................................151 OPC à moyen terme : ............................................................................151 OPC monétaires : ..................................................................................151 OPC d’actions : .....................................................................................151 OPC indiciels : ......................................................................................152 OPC mixtes : .........................................................................................152 OPC immobiliers : ................................................................................152 Fonds de fonds ......................................................................................152 Quelques OPC bien connus des investisseurs...........................................153 Sociétés d’investissement .....................................................................153
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• SICAV.......................................................................................153 • SICAF .......................................................................................153 Fonds de placement...............................................................................153 • Les fonds d’épargne pension.....................................................153 • Les Hedge Funds.......................................................................153 Régime fiscal des OPC..............................................................................153 Fiscalité dans le chef des OPC de droit belge .......................................154 Fiscalité dans le chef de l’investisseur belge ........................................154 AUTRES OPERATIONS TRAITEES PAR LES INTERMEDIAIRES FINANCIERS..................................................................................................156 CHAPITRE 13.................................................................................................158 CONSERVATION DE VALEURS ...............................................................158 INTRODUCTION...............................................................................................158 2 TYPES DE DEPOTS ........................................................................................158 LES DEPOTS DE TITRE .....................................................................................159 LE RESPECT DE CERTAINS DEVOIRS ................................................................159 EVOLUTION : LES CENTRALES DE DEPOT ET DE LIVRAISON DE TITRES ............160 CHAPITRE 14.................................................................................................161 LES PAIEMENTS ..........................................................................................161 INSTRUMENTS ................................................................................................161 Transferts : les virements ..........................................................................161 Titres financiers ........................................................................................161 Le chèque bancaire................................................................................161 Autres titres financiers ..........................................................................163 MECANISMES UTILISES ...................................................................................163 Paiements locaux ......................................................................................163 Principe .................................................................................................163 Evolution du système ............................................................................164 • Cheque « truncation » ...............................................................164 • Chambre électronique de compensation ...................................164 Paiements éloignés....................................................................................165 COUT - REMUNERATION .................................................................................166 Des frais élevés .........................................................................................166 Le système des « dates de valeur » ...........................................................166 Tarification des services ...........................................................................166 CHAPITRE 15.................................................................................................168 LES OPERATIONS DE CHANGE...............................................................168 BILLETS DE BANQUE - CHEQUES DE VOYAGES ................................................168 LES REGLEMENTS EN DEVISES ........................................................................169 Fonctionnement.........................................................................................169 Exposition au risque de change ................................................................169 Contrôle et réglementation .......................................................................169
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Types d'opérations de change ...................................................................170 les opérations au comptant ....................................................................170 les opérations à terme............................................................................171 Surveillance des opérations de change :...................................................173 Les délais de transfert ...............................................................................173 Communications........................................................................................174 Rôle des intermédiaires financiers en matière de réglementation............175 CHAPITRE 16.................................................................................................176 LA GESTION PATRIMONIALE .................................................................176 GENERALITES .................................................................................................176 PRINCIPES SUIVIS PAR LES INTERMEDIAIRES FINANCIERS DANS CE DOMAINE .176 Déterminer les objectifs de celui qui détient le patrimoine ......................176 Personne physique.................................................................................177 Institution ..............................................................................................177 Les objectifs une fois définis, déterminer une composition adéquate pour le patrimoine .................................................................................................177 Répartition par nature d'instrument :.....................................................177 Répartition par devise : .........................................................................177 Répartition géographique :....................................................................178 Répartition par secteur économique :....................................................178 Choix des valeurs individuelles répondant aux critères définis. ...........178 Mode de détention du patrimoine .............................................................178 Opérations.................................................................................................179 Evaluation de la performance...................................................................179 Rémunération des gestionnaires ...............................................................181 Réglementation de la profession ...............................................................181 CHAPITRE 17.................................................................................................183 SERVICES FINANCIERS DES ENTREPRISES .......................................183 CHAPITRE 18.................................................................................................184 LES OPERATIONS FINANCIERES ...........................................................184 OBJET.............................................................................................................184 Pouvoirs publics........................................................................................184 Entreprises ................................................................................................184 LES SOLUTIONS ..............................................................................................185 LE MARCHE PRIMAIRE : LES OPERATIONS D'EMISSION.....................................185 Analyse de l'émetteur ................................................................................185 pouvoirs publics ....................................................................................186 entreprises .............................................................................................186 Importance de l’analyse : indépendance, professionnalisme, crédibilité ...............................................................................................................186 Emissions d’obligations : - Développement des agences de rating ......186 Emission d’actions- capital à risque......................................................187 Formes intermédiaires...........................................................................187
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Détermination du mode de distribution ....................................................187 Emissions privées..................................................................................187 Emissions publiques..............................................................................187 Mise en forme de la documentation de distribution..................................188 Mise en place de circuits de distribution ..................................................188 Closing ......................................................................................................189 Placement..................................................................................................190 Les introductions en bourse, ou IPO («Initial Public Offering ») ............190 Les secondary offerings ............................................................................190 Informations ..........................................................................................191 Interdiction de l’insider trading.............................................................191 Réglementation des opérations financières...........................................192 Remarque : le Glass-Steagall Act .........................................................192 Rémunérations ..........................................................................................193 LES MARCHES SECONDAIRES ..........................................................................194 Introduction...............................................................................................194 Négociation et formation des prix.............................................................195 Brokered markets : order-driven markets ............................................195 Dealer markets : market making markets..............................................195 Exemples ...............................................................................................195 Négociation ...........................................................................................196 Largeur des marchés.................................................................................197 Evolution des intermédiaires en valeur mobilières...................................197 Rôle de conseil des courtiers ....................................................................199 Les discount brokers .................................................................................199 CESSIONS, FUSIONS D'ENTREPRISES ................................................................199 Analyse et évaluation ................................................................................200 Recherche d'un partenaire (dans le cas d'une cession : l'acquéreur).......201 Négociations..............................................................................................201 Financement..............................................................................................201 L’acquisition ou « leverage buy out ».......................................................202 Structuration du contrat de cession ..........................................................202 Closing ......................................................................................................203 Rémunérations des intermédiaires............................................................203 Cas particulier des sociétés cotées en Bourse ..........................................204 ELEMENTS DE GESTION ET CADRE LEGAL ET REGLEMENTAIRE DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS ....................................................206 CHAPITRE 19.................................................................................................207 ELEMENTS DE GESTION DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS ...207 INTRODUCTION...............................................................................................207 LA GESTION DES RISQUES DIVERS ...................................................................207 Risque de la consistance des actifs financiers ..........................................207 Délégation de responsabilités................................................................207 Politique globale ...................................................................................208 Analyse de l'utilisateur des fonds..........................................................208
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Structuration contractuelle ....................................................................209 Prise de garanties...................................................................................209 Révision périodique ..............................................................................210 Suivi du contentieux..............................................................................210 Déclenchement de l’exigibilité .............................................................210 Constitution de provisions ....................................................................211 Risques sur contreparties professionnelles...............................................212 Risque de voir se dégrader ou disparaître physiquement les actifs matériels ...................................................................................................................212 Risques techniques des opérations............................................................212 Risque de malversations, de fraude et de malhonnêteté ...........................213 Risque inhérent aux responsabilités professionnelles encourues par les intermédiaires financiers ..........................................................................214 LA GESTION DE LA LIQUIDITE DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS ...................215 Problème général ......................................................................................215 Mécanismes permettant de faire face aux ruptures de liquidités..............217 Les cessions d'actifs mobilisables .........................................................217 Le recours aux passifs de remplacement...............................................217 MARKETING DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS .............................................218 Introduction...............................................................................................218 le marketing par marchés .........................................................................218 le marketing par produits..........................................................................219 Types de produits ..................................................................................219 Make or buy ? .......................................................................................219 Conséquences sur la gestion .....................................................................220 Sont décentralisés :................................................................................220 Impacts ..................................................................................................220 Développements....................................................................................221 Cadre d’action concernant l’harmonisation de la concurrence et la vente à distance des services financiers ................................................................221 « Proposition de directive concernant la vente à distance des services financiers » ............................................................................................222 « Propositions de directives concernant l’accès à l’activité des institutions de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces institutions ».......................................223 « Propositions de directives sur les signatures électroniques ».............223 CHAPITRE 20.................................................................................................225 CADRE LEGAL ET REGLEMENTAIRE DES INTERMEDIAIRES FINANCIERS..................................................................................................225 INTRODUCTION...............................................................................................225 CLASSEMENT DES MESURES LEGISLATIVES ET REGLEMENTAIRES...................226 Les buts des lois et règlements ..................................................................226 Rencontrer des objectifs économiques et monétaires; ..........................226 Viser des buts sociaux et culturels; .......................................................226 Assurer la stabilité des intermédiaires financiers;.................................226 Protéger les parties contractantes aux opérations financières;..............226
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Les pouvoirs dont émanent les lois et règlements.....................................227 le niveau supra-national : ......................................................................227 le niveau national : ................................................................................227 les niveaux régionaux et locaux : ..........................................................227 Le champ d'application des lois et réglementations .................................227 Dans l'espace .........................................................................................227 Dans le temps ........................................................................................228 Quant à la matière saisie .......................................................................228 TYPES DE MESURES LEGALES ET REGLEMENTAIRES CONCERNANT LES INTERMEDIAIRES FINANCIERS .........................................................................228 Mesures économiques et monétaires.........................................................228 Action sur les agrégats monétaires........................................................228 Fiscalité : ...............................................................................................229 Action sur les changes...........................................................................229 Subsidiation :.........................................................................................229 Action sur la concurrence......................................................................229 • Dans le sens restrictif : ..............................................................229 • Dans le sens extensif : ...............................................................229 • Dans le sens de l'égalisation :....................................................230 Mesures de protection des déposants........................................................230 Mesures préventives..............................................................................230 Mesures curatives..................................................................................232 Mesures de protection des investisseurs en valeurs mobilières................235 Mesures de protection des débiteurs.........................................................236 DEONTOLOGIE................................................................................................237 CONCLUSION GENERALE ........................................................................238 TABLE DES MATIERES ..............................................................................242
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