Anne Marie Lee

  • May 2020
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ACTES DE LA 7ème ASSEMBLÉE EUROPÉENNE DES FRATERNITÉS LAÏQUES DOMINICAINES

ANNEXE IVc

PRÊCHER DANS LE MONDE SÉCULIER C’est un privilège pour moi de parler aujourd’hui sur le thème de la prédication dans le monde séculier. J’ai dû pour cela porter mon regard sur les mois précédents et me demander quel effet la prédication des autres avait pu avoir sur le cours de ma vie et de même si ma prédication avait pu toucher les personnes qui ont croisé ma route. Je vous parle en considérant le contexte irlandais et les incroyables changements survenus dans mon pays lors des années écoulées depuis mon enfance jusqu’à ce jour. Je suis née à une époque où il y avait beaucoup de chômage et de pauvreté. Beaucoup de jeunes émigrèrent d’Irlande vers l’Amérique espérant trouver de meilleures conditions de vie. L’Irlande était un pays catholique. Dans ma jeunesse l’Eglise catholique dominait la société d’une manière autoritaire. Les gens vivaient dans la crainte du pouvoir clérical. Notre gouvernement était lié à l’Eglise. A cette époque, aucun politicien ne serait allé à l’encontre des avis de l’Archevêque de Dublin. Notre pratique de la foi était faite de dévotions et de traditions. Nous avions très peu de connaissances théologiques et une crainte terrible de Dieu. Dans son livre Pourquoi être chrétien, Timothy Radcliffe, notre précédent Maître de l’Ordre l’explique très bien quand il dit : « Pénétrer dans cette liberté qui est le don du Christ exige que nous nous libérions de toute fausse idée de Dieu. Nous devons détruire l’idole qui représente Dieu, comme quelqu’un de fort, de puissant, généralement mâle, qui nous donne des ordres et nous dit ce que nous devons faire si nous voulons qu’il soit gentil avec nous. Il nous faut nous débarrasser de ce Dieu qui s’oppose à notre liberté et nous piège dans uns soumission infantile. Combien de vies ont été gâchées par le culte rendu à cette idole étrangère ! Nous devons découvrir le Dieu qui est la source de cette liberté qui bouillonne tout au fond de nous, le Dieu qui nous donne d’exister à chaque instant. » (Page 68) Un exemple de cette soumission infantile m’a été raconté, il y a quelques années, par un de mes collègues. Nous parlions du Sacrement de la Confession, comme nous l’appelions alors. Aine racontait que, une fois, au cours d’une 1

confession, elle a dit : Pardonne-moi, Seigneur, parce que j’ai péché. J’ai dit des mensonges, j’ai volé un peu d’argent, j’ai désobéi… Le prêtre l’arrêta et d’un regard pétillant lui demanda : - « quel âge avez-vous ? » -« Vingt trois ans, Père ». - « Continuez », dit-il. Elle nous fit part de son embarras car pour la première fois, elle réalisait qu’elle répétait les mêmes mots depuis sa première confession à l’âge de 7 ans. C’était devenu un rituel vide de sens. Le Concile Vatican II commença quand j’étais à l’école secondaire. Il y avait une grande effervescence ; les choses changeaient rapidement. Pour la première fois, on demandait aux personnes d’être responsables de leur propre foi. C’était extrêmement difficile et effrayant pour les personnes qui avaient toujours eu l’habitude qu’on leur dise quoi faire. On était si tranquille d’avoir seulement à obéir aux règlements, sachant que cela nous mènerait au paradis. Mais dorénavant, il allait falloir réfléchir sur le Notre Père, le Credo de Nicée et les Dix Commandements et penser par soi-même. Nous devions nous informer nous-mêmes et prendre en mains nos destinées dans la foi. Ce fut aussi difficile et bouleversant pour beaucoup de prêtres qui avaient l’habitude d’être obéis sans qu’on leur pose de questions et qui assimilaient l’obéissance au respect. Le mouvement charismatique surgit à cette époque et fut très utile pour nous aider à passer cette période transitoire difficile. J’ai appris un langage pour à la fois communiquer avec Dieu et parler de Dieu. J’ai fait connaissance avec un Dieu d’amour et de compassion au lieu d’un Dieu juge et punisseur avec lequel j’avais grandi. Les gens arrivaient nombreux pour prier. Ils priaient les uns pour les autres pour leurs guérisons ; ils priaient en langues ; ils chantaient des hymnes nouvelles. Il y avait une grande exaltation. Depuis cinquante ans, le nombre de personnes assistant à la messe dominicale a beaucoup diminué en Irlande. Cette chute de la pratique religieuse ne nous dit cependant pas grand-chose sur la foi des gens. L’influence de l’Eglise hiérarchique s’est beaucoup affaiblie. Le nombre de prêtres diminue chaque année et en même temps les laïcs prennent de plus en plus de responsabilités pour garder la foi vivante. Aujourd’hui, nous sommes un des pays les plus riches de l’Union européenne et viennent alors le matérialisme, l’esprit de consommation et d’individualisme qui met Dieu à l’arrière plan. Notre sens du bon voisinage et de la charité les uns envers les autres est remplacé par une attitude qui suscite la question « Où est mon profit ?». On a toujours les pauvres parmi nous mais on ne semble pas les voir.

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Le cœur de l’Eglise a toujours été dans la famille et sa place est toujours là aujourd’hui. Dans beaucoup de foyers ce sont les grands-parents qui portent la responsabilité de la transmission de la foi à leurs petits-enfants. Autrefois, un seul soutien de famille suffisait pour faire vivre la famille, mais maintenant les deux parents doivent travailler pour payer les factures. Ce qui veut dire que beaucoup de jeunes enfants passent la plus grande partie de leurs journées loin de l’influence de leurs propres parents, avec des personnes qui en ont la garde et ne trouvent pas l’intérêt de leur transmettre des valeurs morales, ni de parler de valeurs chrétiennes. QUE SIGNIFIE PRÊCHER DANS CE CONTEXTE ? Prêcher, comme j’en parle aujourd’hui, signifie attirer l’attention des autres sur Jésus Christ et Son message. Quand je prêche, je prêche une manière de vivre qui va à contre courant. Prêcher, en anglais, peut avoir un sens désobligeant : insister jusqu’à devenir importun, abreuver de paroles, instruire sans tenir compte de l’écoute ou non de l’auditeur. Cette façon de prêcher est sans effet. POURQUOI PRÊCHER ? Nous devons prêcher parce que nous avons reçu un don précieux, la foi, que nous avons la responsabilité de partager. Quand nous prêchons, nous devons le faire par amour, amour de Dieu et amour de son prochain. Le Pape Grégoire le Grand disait : « le Seigneur a envoyé ses disciples deux par deux signifiant tacitement que l’homme sans amour pour ses semblables ne devrait pas prendre la responsabilité d’une telle tâche, qu’est la prédication ».Sermon 17 Pour qu’une prédication porte ses fruits, quatre composants sont essentiels : - le prêcheur - le message - l’auditeur - l’Esprit Saint L’Esprit Saint est l’acteur principal de la prédication. Le prêcheur transmet le message. L’auditeur l’assimile et l’Esprit Saint fait le reste. Si, par exemple, le prêcheur tente de convertir l’auditeur à une religion particulière ou à une manière de vivre ou de penser, alors c’est la volonté du prêcheur et non celle de Dieu, qui prédomine. Richard P. McBrien, dans son livre Catholicisme dit : 3

Le cœur de la pensée Augustinienne est celle-ci : « nous sommes sauvés généreusement, mais le salut est l’effet ultime de la bonté même de Dieu et de sa miséricorde, donc le salut est gratuit et la foi est le début du salut».

QUI A LA RESPONSABILITE DE LA PREDICATION ? Tout baptisé chrétien a la responsabilité du partage de ses connaissances et de sa foi en Dieu. Dieu l’a appelé pour qu’il puisse le faire selon ses moyens. St Paul, dans une lettre à la communauté des croyants à Rome, disait : « En effet, quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. Or, comment l’invoqueraient-ils, sans avoir cru en lui ? Et comment croiraient-ils en lui, sans l’avoir entendu ? Et comment le proclamer, sans être envoyé ? Aussi est-il écrit : Qu’ils sont beaux les pieds de ceux qui annoncent de bonnes nouvelles. ». Rom 10, 13-15 Tous ceux qui ont reçu le don de la foi sont appelés à partager cette foi autant qu’ils le peuvent. Pour certains ce sera étudier pendant des années et le partager au niveau universitaire. Pour d’autres ce sera par l’exemple de leur vie dans leur milieu familial, leur communauté ou fraternité locale ou leur lieu de travail. Nous avons tous des occasions de partager notre foi ; nous devons rester attentifs à ces opportunités et faire de notre mieux pour ne pas les manquer. Tous nous sommes supposés prêcher dans les limites de l’orthodoxie fixée par l’Eglise. PAR QUELLE AUTORITE DEVONS NOUS PRÊCHER ? Nous tenons l’autorité de prêcher par notre baptême. En tant que laïcs dominicains, nous avons une position très avantageuse du fait de notre engagement dans la prière, l’étude et la vie fraternelle. Personnellement, je m’aperçois que je sais très peu de choses sur la foi quand j’entends d’autres dominicains enseigner dans les cours ou avoir des discussions sur des sujets religieux dans les séminaires. Cependant, quand des questions religieuses ou de croyance personnelle se posent sur mon lieu de travail, mes collègues se tournent vers moi pour connaître mes remarques car je suis connue pour être une personne religieuse. Ce que je dis les intéresse ayant plus de connaissance qu’eux et ils savent que j’exprime ce que je crois et ils le prennent au sérieux. C’est cela le plus important. COMMENT PRÊCHONS NOUS ? 4

Prêcher est être ce que nous sommes. Prêcher dans le monde séculier est vraiment être ce que nous sommes. Dans le monde d’aujourd’hui, les gens ne se laissent pas facilement influencer par les mots seulement. Ils veulent des exemples. Il n’y a pas de meilleur exemple qu’une personne qui s’efforce de vivre selon l’enseignement de Jésus. Partager, écouter, accueillir, aimer nos voisins sont des traits qui peu à peu se perdent à notre époque à moins qu’il y ait une garantie de retour bénéfique. Tout être humain prêche à tout moment de la journée ; par exemple : nous prêchons selon notre maniere de vivre, par les choix que nous faisons, par notre travail, par notre attitude. Car les autres nous regardent et peuvent nous imiter s’ils perçoivent que c’est bien. Prêcher c’est communiquer un message. Le message peut-être bon, mauvais ou ambiguë. Nous prêchons en élevant notre esprit et notre cœur par la prière officielle de façon régulière, par l’Eucharistie, l’office divin et le Rosaire. Nous prêchons en portant toujours sur nous le signe dominicain de sorte que ceux qui le reconnaissent aient l’occasion de partager leurs expériences dominicaines et ceux qui ne le connaissent pas puissent demander la signification de ce symbole. Le signe dominicain peut attirer l’attention et ouvrir un espace pour un dialogue spirituel. Dans le lieu de travail, une allusion spirituelle au cours d’une conversation peut provoquer embarras ou gêne. La dimension spirituelle de quelqu’un peut-être reconnue et admirée, mais « ne m’attire pas dans cette discussion là» est un message non transmis. Nous parlons au moyen de mots parlés ou écrits. L’occasion de prêcher à l’église sera offerte à certains d’entre nous. Le premier conseil sur la façon dont nous devons prêcher a été donné quand, sur le chemin de retour du Danemark, l’Evêque Diègue d’Osma et Dominique de Caleruega rencontrèrent trois Cisterciens, légats du Pape, avec la mission de prêcher aux Albigeois. Ces Cisterciens, découragés par leur manque de succès de leur prédication, étaient sur le point d’y renoncer. Diego les réprimanda et les instruisit sur l’importance de prêcher, leur faisant comprendre qu’ils n’avaient pas pris les bons moyens pour mener à bien leur mission. Diego leur suggéra que l’exemple était bien plus efficace que les mots. Les Albigeois étaient des gens sobres ayant embrassé une vie de pauvreté. Diego et Dominique renvoyèrent leur attelage, leurs provisions et leurs compagnons à Osma et prirent le style de vie des apôtres, marchant d’un lieu à un autre et comptant sur 5

la charité pour leur nourriture et leur logement. Ils commencèrent à avoir un peu plus de succès dans leur prédication. Notre première expérience de prédication se fait au sein de nos familles. Nous, enfants nous recevons et nos parents nous transmettent la connaissance de leur foi. Un vaste champ de prédication, sous toutes ses formes, se poursuit dans la famille. Je donne des cours aux parents et mon dicton le plus fréquent est : Vos enfants imiteront ce qu’ils vous voient faire bien plus facilement que ce que vous leur dites. Quand vous y penserez, vous vous rendrez compte que cela s’applique aussi aux adultes. Quand vous avez un style de vie conforme aux enseignements de Jésus Christ et à son Eglise, les gens le remarquent et quelques uns poseront des questions. Certains voudront même essayer de vous imiter car ils trouvent un sens profond à votre vie, ce qui manque dans le style de vie matérialiste répandu de nos jours. Dans son livre Jésus de Nazareth Benoît XVI dit : « Le Royaume de Dieu n’est pas un point sur une carte géographique. Ce n’est pas un Royaume à la manière des royaumes terrestres ; son lieu c’est l’intériorité de l’homme. C’est là qu’il grandit et c’est à partir de là, q’il agit. » Page 71 Ceci doit être un encouragement pour ceux qui sont trop timides pour parler de leur foi ou ceux qui pourraient se mettre eux-mêmes en danger en parlant ouvertement de leur foi. Avec l’aide de l’Esprit Saint ceux qui sont en recherche peuvent apprendre la pratique chrétienne par l’exemple du langage corporel. Les mots sont inutiles. N’est-ce pas St François d’Assise qui disait « Prêcher l’Evangile à tous moments, si nécessaire utilisez les mots. » EXEMPLES DE PREDICATION J’aimerais vous donner quelques exemples de prédication à partir de ma propre vie. Par nos efforts pour vivre une vie chrétienne, ma famille et moi restons ouverts à toute opportunité que nous pouvons rencontrer. -

Prêcher par l’enseignement

Un jour, je faisais la queue dans un super marché avec mon neveu Matthew et son ami Damien, tous deux de 7 ans. La queue était longue et les garçons s’ennuyaient. Damien remarqua mon insigne dominicain et me demanda : - Qu’est-ce que c’est ?

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Je me creusais la tête pour trouver une réponse qui convienne à un enfant de 7 ans et je dis : -« Cet insigne indique aux gens que j’essaie de dire toujours la vérité. » - «Oh! répondit-il Il y a un garçon dans notre classe qui ment toujours.» -« Ce n’est pas bien, lui dis-je. Quand les gens s’aperçoivent qu’il ment, c’est triste pour lui, parce qu’ils ne veulent plus le croire même quand il dit la vérité. Est-ce que tu dis des mensonges ?» Lui demandais-je. - Tous deux se sentirent mal à l’aise. Alors je leur dis aussitôt : « Non, non, vous n’avez pas besoin de répondre à cette question. Rappelez-vous seulement que vous êtes pratiquement toujours pris lorsque vous mentez ». J’entendis un gloussement et en me retournant, je m’aperçus que plusieurs personnes s’étaient mises à l’écoute de la conversation que j’avais avec les garçons. -

L’exemple suivant est l’histoire d’une prédication en actes.

En septembre, il y a quatre ans, une jeune fille allemande de 17 ans est venue chez nous pour faire ses deux ans d’étude supérieure. Il s’avéra que Sandra perturbait notre maison. Elle faisait tout ce qu’elle pouvait pour me mettre en colère. Quand on découvrit que la situation familiale de Sandra posait problème et que Sandra n’était pas heureuse, sur sa demande, on se mit à agir et avec sa permission, on contacta le service social. Quand Sandra fut interrogée, on découvrit que sa situation familiale était inacceptable. Elle était même en danger. Ses parents très autoritaires abusaient d’elle affectivement et physiquement. Les employés des services sociaux, la police et les psychologues des deux pays travaillèrent ensemble sur son cas. Ses parents furent convoqués en Irlande. Ils étaient furieux et menaçaient de lui couper les vivres par suite de notre ingérence. Sandra eut peur. On lui assura qu’elle était la bienvenue chez nous si elle le désirait. Nous nous étions préparés à nous occuper d’elle et à lui venir en aide financièrement jusqu’à la fin de ses études. « Mais je ne peux pas vous rembourse »r, dit Sandra. « Quand on fait du bien à quelqu’un, on n’attend pas de retour. Nous n’attendons pas que tu nous paies pour ce que nous faisons pour toi. Ce que nous attendons que tu fasses, c’est qu’un jour, quand tu seras en situation pour le faire, tu redonnes à quelqu’un le bien que tu as reçu. » Sandra est restée avec nous dix huit mois puis elle est retournée en Allemagne mais pas chez ses parents. Les services sociaux allemands ont pris la relève ; ils lui trouvèrent un logement et lui procurèrent un conseiller, ce qu’elle accepta. A 19 ans, elle se maria avec son petit ami de longue date. Un très gentil garçon, sérieux, qui séjourna deux fois chez nous pour revoir Sandra.

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Nous sommes toujours en contact régulier avec le jeune couple et récemment, ils nous dirent qu’ils s’occupaient d’un jeune homme de 16 ans qui ne voit plus ses parents. Ils disent qu’ils ont transmis le cadeau reçu de nous. Elle fait l’admiration pour la façon dont elle travaille au rétablissement des relations avec ses parents, selon ses conditions et non les leurs.

- Créer un espace pour la prédication En tant que laïc, nous pouvons toujours prendre l’initiative de rassembler des personnes pour une réflexion spirituelle. Cela peut avoir lieu chez soi ou lors d’un week-end avec un hébergement à un prix très raisonnable et une restauration self-service. Je l’ai fait plusieurs fois avec succès à peu de frais. Les lieux de rassemblement sont à la campagne parce que les participants habitent en ville. Notre première activité est d’explorer les alentours et de ramasser fleurs, branches, pommes de pins, pierres, tout ce qui peut servir à la création d’un espace spirituel avec bougies et encens. Nous avons préparé un programme pour ces quelques jours avec des temps de partages entre conversations spirituelles, prières en commun, promenades, préparation des repas et temps de repos. L’occasion est offerte aux participants d’approfondir leur foi, dans un cadre confidentiel et une écoute fraternelle. Lors d’un de ces week-ends, un groupe de femmes, assises autour d’une table basse recouverte d’un tissu coloré sur lequel sont posés bougies et encens. L’atmosphère était intime et alors que la lumière extérieure faiblissait, la conversation prit une tournure spirituelle. On commença à parler de Dieu et de la religion et de ce que cela signifiait. -« Je ne vais plus à l’église. Dit l’une d’entre elles. Mais quand j’y vais à l’occasion de mariages ou de baptêmes, je me mets à pleurer. Je pleurs, alors que je ne suis pas triste. En fait, je me sens en paix, mais c’est embarrassant de pleurer comme je le fais ». Tout en parlant son émotion réapparaissait. Alors quelqu’un lui dit : - « N’avez-vous jamais pensé que se puisse être Dieu qui soit en vous et vous étreigne, disant : « Tu es précieuse pour moi, je t’aime » et c’est la raison pour laquelle vous pleurez et qu’en même temps, vous êtes en paix ? » Elle pensa que c’était une belle idée. Puis quelqu’un d’autre dit : -« Ne serait-ce pas merveilleux si l’Eglise était ainsi, comme nous ici, discutant et partageant nos espérances et nos soucis ? » La conversation continuait ainsi ; nous sentions très fort la présence de Jésus parmi nous, alors que la soirée se prolongeait tard dans la nuit. Quelques semaines plus tard, le même groupe se retrouvait et l’une d’entre elles dit qu’elle avait une histoire à nous raconter : 8

-« Cela se passait le jour de la Fête des Mères. Je me rendais au super marché pour faire les courses pour la semaine. Avant d’y rentrer, je me dis que j’avais le temps d’aller à la messe. En cours de route, une jeune fille me tendit un billet de tombola et je lui demandais pour quoi c’était. Elle me répondit que pour la fête des mères, le prêtre allait offrir un cadeau à quelqu’un. Mais je n’appartiens pas à cette paroisse, lui dis-je. Cela ne fait rien, réponditelle, tant que vous êtes mère. Je le suis, dis-je. Et la jeune fille insista pour que je prenne un billet de tombola. A la fin de la messe, le prêtre tira un billet d’une boîte à côté de l’autel. Il appela mon numéro. J’étais prête à m’évanouir. Je me levais et m’avançais dans l’allée, les jambes en coton, tandis que le prêtre, un peu comédien, faisait de l’humour. Il me tendit un très gros bouquet de jolies fleurs en me souhaitant une bonne fête des mères. Tandis que je retournais à mon siège, tout le monde applaudissait en me regardant. Je retournais chez moi, dansant dans la cuisine, étreignant les fleurs, les larmes coulant sur mon visage. Une seule pensée en tête, ce que nous avions dit l’autre soir : ″ Pensez-y quand Dieu se penche vers vous et vous étreint en vous révélant son grand amour pour vous . Je savais maintenant, que Dieu m’aimait vraiment. Parmi tous les fidèles présents ce matin-là dans la paroisse, Il m’avait choisie pour me donner ces fleurs. C’était fantastique. » - Prêcher par des activités artisanales Pendant les quatre semaines de l’Avent, les enfants peuvent être occupés à faire la crèche avec tous les personnages en papier mâché. Ils peuvent aussi faire une couronne de l’Avent car on leur explique les évènements de ce temps dans le calendrier liturgique. Cette activité peut-être partagée en famille et pourquoi pas aussi en demandant aux amis de vos enfants et de vos voisins de se joindre à vous. On peut aussi l’étendre au niveau paroissial. Pendant les six semaines du carême, le samedi matin, on peut créer avec les enfants un jardin de Pâques pour la Paroisse. Une grotte, des soldats, des oiseaux, des lapins et d’autres animaux peuvent être réalisés en papier mâché. Les parents apporteraient une grande branche d’arbre et des plantes pour le jardin où coulerait une cascade. Il y a libre cours pour l’imagination et des enfants de tous âges peuvent y contribuer, les plus grands réalisant le plus compliqué. Les événements, conduisant à la naissance de Jésus et au jardin de Pâques, se dérouleront progressivement au rythme des questions que les enfants poseront et des décisions qu’ils prendront pour savoir que mettre dans la crèche et dans le jardin. - Prêcher en étant soi-même. Quand mon mari, David et moi habitions Londres avec nos deux petits enfants, nous avons eu une étudiante suisse pendant un mois à la maison. C’était une 9

belle jeune fille de 19 ans qui avait été élevée par sa mère et son grand père. Avant de venir chez nous, Gabriella et son petit ami avait passé six mois en Inde pour trouver un sens à la vie. Elle était assez désorientée. Elle passait tout son temps libre à parler avec moi et à jouer avec les enfants, qui étaient à ce moment-là des bébés. Elle était fascinée par notre vie familiale et, avant de nous quitter, elle me confia qu’après ce qu’elle avait vu de notre famille, elle allait changer tous ses projets de vie. Quand elle retournerait chez elle, elle étudierait, aurait une situation et attendrait d’être mariée avant d’avoir des enfants. C’est Gabriella qui m’a fait prendre conscience de l’importance de l’exemple. - L’écrit est une forme précieuse de prédication. Le lecteur peut retourner souvent à un passage qui l’a inspiré. Ceux ou celles qui ont un goût pour l’écriture, n’ont pas besoin d’écrire un livre pour être efficace. Nous pouvons écrire des trésors d’informations dans la lettre paroissiale. Les gens aiment entendre de courtes explications sur l’origine et la signification des traditions et des pratiques chrétiennes. C’est une autre manière de partager des connaissances spirituelles, ou sur l’histoire de l’Eglise ou la vie des saints. Une plus grande audience sera touchée, si la lettre est apportée à domicile. - Prêcher à l’église. Il y a quelques années, on m’a demandé de prêcher à l’église près de mon lieu de travail pour le jour de la Saint Famille (le dimanche après Noël). C’est parce que je travaillais avec ces familles qui me partageaient souvent leurs soucis, leurs problèmes. Je les connaissais bien ainsi que leurs besoins. Quelques unes d’entre elles avaient une liaison irrégulière et craignaient la colère de Dieu. C’étaient de braves gens pour qui la vie n’était pas facile et je voulais leur dire par mon homélie ci-dessous que Dieu les aimait de toutes façons. Je savais que les personnes qui viendraient à l’église raconteraient aux autres ce que j’aurais dit pour deux raisons : 1. Mon message serait provocateur 2. J’étais l’infirmière de leur communauté. Voici la prédication en entier : LA FOI ET LA FAMILLE « Jusqu’à 4.000 ans en arrière dans l’histoire, il y avait un homme qui avait une femme et qui avait lui aussi des problèmes. On lui avait promis un héritage pour 10

ses enfants et les enfants de ses enfants. Un héritage d’une très grande étendue de terre fertile. Le problème, c’est qu’il n’avait pas d’enfant et sa femme était trop âgée pour en avoir. Sa femme suggéra que son esclave à elle pourrait lui faire un enfant. Il accepta. Il coucha avec Hagar, l’esclave de Sarah et il eut un fils. Plus tard, Dieu lui envoya un message, disant que sa femme aurait un fils à elle, l’année suivante, ce qu’elle eut. Maintenant, nous avons une famille constituée d’Abraham, de sa femme Sarah, de l’esclave de sa femme, Hagar, et de leurs deux enfants. C’est maintenant Sarah qui a un problème. Le fils d’Hagar, Ismaël, était plus âgé que son fils, Isaac et selon la loi de la terre, c’est lui qui héritait de tout. Sarah importuna son mari jusqu’à ce qu’il bannisse Hagar et son fils. A peu près une génération plus tard, il y avait un homme appelé Jacob. Il épousa les deux sœurs, Leah et Rachel qui étaient aussi ses cousines et il prit deux concubines, Bilhah et Zilpah, les esclaves de ses femmes. Avec ses quatre femmes, il eut douze fils et plusieurs filles. La famille consistait donc de ses deux femmes, ses deux maîtresses et beaucoup d’enfants. Les douze fils devinrent les chefs des douze tribus d’Israël. Vous vous souvenez du plus jeune, Joseph connu pour son manteau de plusieurs couleurs. Beaucoup de générations s’écoulèrent et l’année 6 av. J.C, il y avait une jeune fille de 15 ans, du nom de Marie, promise en mariage à un charpentier, Joseph. Ils étaient fiancés. Mais elle attendait un enfant et Joseph n’était pas le père. Ce qui provoqua une grande frayeur. Elle dit qu’un ange de Dieu lui apparut, mais Joseph n’en savait rien. Elle pouvait être lapidée si les autorités l’apprenaient. Cependant, l’ange apparut aussi à Joseph et le mit au courant. Joseph accepta ce qu’il lui dit et ne voulant certainement pas voir Marie lapidée, décida de se tenir à ses côtés. Donc, vous avez une famille composée de Marie et Joseph et de leur fils qu’il n’avait pas engendré. On pense que Joseph était beaucoup plus vieux que Marie et qu’il avait eu des enfants avant son mariage avec Marie. En fin de compte, Jésus grandit et un jour qu’il se reposait au bord d’un puits en dehors d’un village, il se mit à discuter avec une femme. Au cours de la conversation, il apprit qu’elle avait plusieurs enfants de six partenaires différents. Jésus ne la condamna pas et elle comprit qui Il était. Elle s’en retourna au village pour le raconter aux gens et elle devint une de ses disciples. Maintenant, je ne suis pas en train de porter un jugement sur les différents groupes de personnes qui vivent ensemble et s’appellent famille. Dieu seul pouvait voir au plus profond de Marie et savoir que c’était son propre fils qui reposait dans ses entrailles. C’était Lui qui avait choisi la fragile structure de la famille humaine dans les différentes formes que les hommes ont créées pour transmettre la connaissance de Lui-même à travers les générations jusqu’à nos jours. 11

Deux mille ans sont passées depuis que l’Eglise fut fondée par le Christ pour enseigner, nous conduire sur Ses pas et donner confiance. Par son pouvoir, sa richesse, son étalage pompeux, l’Eglise est devenue infirme. C’était la famille qui, guidée par l’Esprit Saint, nous a aidés à nous en sortir. Dans les temps d’oppressions ou de persécutions par des pays étrangers ou des régiments hostiles, c’est la famille qui gardait la flamme de la foi brûlant en secret. Nous en avons la preuve de nos jours dans beaucoup de pays par des récits qui nous viennent de l’Eglise souterraine. Dans la société, la famille est l’unité la plus importante ; peu importe comment elle est composée. La réalité aujourd’hui, comme par le passé, est qu’il y a des familles composées de groupes de personnes vivant différemment sur un mode non conventionnel, qui est celui du père, de la mère et de deux enfants. Toute unité familiale est précieuse à Dieu et aimée profondément par Lui. Il en fut ainsi depuis que l’humanité a été créée. Abraham, Isaac et Jacob sont les pères de la foi et c’est à eux que Dieu s’est fait connaître et par eux et leurs familles, de génération en génération, qu’Il s’est révélé petit à petit ainsi que Sa volonté. Dieu ne les a pas exclus parce que leurs structures familiales étaient sur un mode un peu inhabituel ou créatif. En Jésus, Dieu assuma les différents modes humains et il entra librement dans une famille humaine, pour offrir l’ultime sacrifice qui nous sauvait et nous libérait de notre esclavage du péché. La foi est un don de Dieu à toute personne ouverte pour la recevoir. C’est au sein de la famille que le fondement repose, fondement de la connaissance et de l’exemple dans la manière chrétienne de vivre, sur lequel la graine de la foi peut mûrir et grandir. La famille idéale est le mari et la femme qui, par le Sacrement du mariage, prennent un engagement à vie vis-à-vis de Dieu et d’eux-mêmes et élèvent des enfants qui quitteront le nid en temps voulu. Nous ne vivons pas dans un monde idéal. Les familles ne sont pas parfaites. Dieu seul connaît le fond des cœurs. Nous plaçons notre espérance dans les enfants. Par conséquent, chacun de nous, marié ou non, tante, oncle ou voisin portent une part de responsabilité pour aider et soutenir la famille chaque fois que nous le pouvons. » Beaucoup de femmes vinrent me trouver pour me dire combien ma prédication leur avait fait du bien. L’une d’entre elles, élevant seule ses dix enfants parce qu’elle était séparée de son mari, me dit qu’elle avait eu, au cours du dîner ce même dimanche soir, à partir de ma prédication, la meilleure discussion sur la religion qu’elle avait jamais eue. Toutes celles qui en parlèrent avec moi, me dire combien il était réconfortant d’avoir un point de vue féminin sur des questions de religion. 12

- Prêcher par l’écoute. Un soir où je m’approchais du centre hospitalier, je rencontrai quelqu’un qui en sortait. Je l’arrêtai pour lui demander comment elle se sentait après avoir subi un récent décès. Elle me dit tout son chagrin après la mort subite de sa sœur jumelle, suivie de peu de la mort de sa mère âgée. Je restai là deux heures avec elle parce que je savais que si j’interrompais le flot de souvenirs que cette femme exprimait pour l’inviter à l’intérieur, je risquais de perdre un moment privilégié. Nous devons être éveillés à toute occasion que Dieu nous offre dans notre vie de tous les jours. Bien écouter est très difficile et pourrait ne pas être considéré par certains comme une forme de prédication. J’ai un ami qui m’écoute patiemment et sans porter de jugement. Parmi ces occasions d’écoute, j’ai trouvé beaucoup de signes spirituels à travers le témoignage de leur vie. Les gens ont souvent besoin de purifier leur cœur et leur esprit pour laisser la place à Dieu. EN CONCLUSION

J’ai parlé de la prédication dans le monde séculier en tant que membre laïc dans l’Ordre Dominicain, l’Ordre des Prêcheurs. J’ai parlé de la prédication sous ses différentes formes, enseignement, exemple, mots, écoute, écriture. J’ai mentionné les éléments essentiels : le prêcheur, le message, l’auditeur, l’Esprit Saint. J’ai parlé de la nécessité de l’amour, de la prière, de l’étude et de la vie fraternelle pour préparer la prédication. Je voudrais citer une fois de plus, le Pape Benoît XVI : « Le premier mandat qui leur est confié est de prêcher, c'est-à-dire de faire don aux hommes de la lumière et de la Parole, du message de Jésus. Les apôtres sont avant tout des évangélistes ; comme Jésus, ils proclament le Royaume de Dieu et rassemblent ainsi les hommes qui constitueront la nouvelle famille de Dieu. Mais la prédication du Royaume de Dieu ne se réduit jamais à une simple parole, à un simple enseignement. Elle est événement, tout comme Jésus luimême est événement ; elle est la Parole de Dieu en personne. En l’annonçant les apôtres conduisent à la rencontre avec Jésus. » Page 197 Maintenant, je termine en disant que de toutes les formes de prédication, le plus important, à mon avis, est l’exemple. Anne Marie Lee

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