Afghan Culture Patrimony Extinction

  • April 2020
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Comment sauver le patrimoine humain afghan ? REMÈDES À L’EXTINCTION DU PATRIMOINE HUMAIN IMMATÉRIEL EN AFGHANISTAN Exposé revu et modifié le 23/6/2008 à Beaucaire (Gard – France) pour lecture dans le cadre de Traditions et Histoire afghanes, série de manifestations organisées par L’Atelier des Arts Populaires et projet d’article présélectionné par l’Organisation de la Conférence MECA / Middle East and Central Asia - Salt Lake City - Utah - Etats-Unis d’Amérique – 2007 – Panel Theme : Methodological Approaches to Regional Studies) AUTEUR : Laurent, Jean, Roger DESSART (Docteur du Muséum National d’Histoire Naturelle) Mèl : [email protected] ; [email protected] (33(0): -6 81 16 66 15 ; -4 66 81 75 30) Les Clausonnettes - 21 rue de la République - 30300 Beaucaire – France ---------------------------------------------------------------------------------------------------------Remedies to the Human Immaterial Cultural Patrimony Extinction in Afghanistan (MECA Conference Organisation–SLC/Utah/USA– Selected Paper Project–2007–) (English Summary) Based upon 2007 inquiry, there was, in the scope of Unesco and European institutions, no concerted project proposal concerning the saveguard of Afghanistan traditional arts and handicrafts. Excepting the fields of official culture, like museums, libraries, gardens, and modern medias, such as television, radio, film- and video-making, photography and press, nothing is done to prevent the disappearing of afghan popular æsthetics and ways of life. Essentially rural, the afghan ethnical and linguistic immaterial patrimony has survived after a quarter of a century of bloody conflicts and political unrest. Carpets, performed by Turkmen, Baluch and Uzbek, jewellery, also led by Turkmen, woodcarving and furniture from Nuristan, painted boxes and embroidery, as well as tailoring and truck-painting are the most celebrated traditions in the field of afghan popular art and handicrafts. But there are other activities (perfumery, gastronomy, music, poetry, etc.) in which Afghans cultivate the excellency. They need to be given opportunities to survive. In the last century’s sixties and seventies, many anthropologists and linguists have applied scientific methods to the study of popular culture, including oral tradition. But this task was never achieved. After the upsettings of the last decades, it became an emergency. Due to the weakness of Afghan average life expectation (40 years), there might never be a future for traditional handicrafts and rural traditions, if the efforts of the international communities (main donors and actors in the field of recontruction) are not involved in that direction. For this pupose, it is necessary that scientists coordinate their reflexion to conceive a workable project for Afghan traditional culture preservation. In this brains trust a panel of anthropologists and linguists of foreign origin is necessary. But for programme implementation, security threats implicate the participation of indigens. They are nowodays the only ones to be able to establish safe relations with informers.

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Comment sauver le patrimoine humain afghan ? Remèdes à l’extinction du patrimoine humain immatériel en Afghanistan «La vision du monde n’est pas la même pour tout le monde, et pourtant la vérité est unique.» Assadulla et Layla RAÏD 1980, 97

Préambule et dédicace : Leur tragédie n’en finit plus. Lassés par un état de guerre qui dure depuis plus d’un quart de siècle, hommes et femmes n’aspirent plus qu’à la paix. Et pourtant, souffrant au quotidien l’humiliation de leur propre pays et subissant le mépris ou l’indifférence de la part du reste du monde, les Afghans opposent de nouveau aux agressions de l’occupant étranger et de ses alliés une résistance opiniâtre. Concernant ces mouvements de rébellion, les médias internationaux livrent à l’opinion publique des schématisations douteuses, dénonçant un regain des Talibans et d’al-Qaida, ou bien encore les méfaits de bandes de brigands. Cette vision des choses reflète le parti pris d’une stigmatisation délibérée de l’opposition farouche du peuple afghan, systématique en cas d’ingérence, ainsi que l’ont démontré les tentatives malheureuses des Anglais au XIX° siècle et des Russes de 1979 à 1989. Malgré toutes les années de guerre subies par les Afghans, ceux-ci manifestent encore que leur esprit d’indépendance (pachtou : khpelwâkey) l’emporte sur le désir de paix et de sécurité. Comment et par où commencer l’explication de ce qui se passe réellement ? Comment déjouer les félonies du monde occidental, qui, tout en invoquant de bonnes intentions et en se dissimulant sous un nuage de désinformation nourrissant l’indifférence de l’opinion internationale, diligente le meurtre culturel de peuples entiers ? Comment expliquer que la présence, principalement judiciaire, policière et militaire, des autorités légales dans le pays, alors qu’elle se pare des attributs de la défense de la démocratie et des droits de l’homme, se fait subrepticement complice du formatage mercantiliste de la majorité des individus ? En osant poser ces questions, l’auteur de celles-ci n’ignore pas qu’il s’expose à être accusé de connivence avec les intérêts des insurgés. Cependant, la déontologie de la profession d’ethnologue l’incite à le faire, afin de contrer les manœuvres de manipulation de l’opinion publique et de dissiper son ignorance absolue et persistante des dessous véritables de la guerre d’Afghanistan. Car avec 67% d’augmentation des attentats depuis 2007, plus de 10 000 morts, civils et militaires, il s’agit bien d’une guerre, et non d’une opération de maintien de la paix, guerre civile provoquée par la traque antiterroriste du consortium des nations fédérées par les Etats-Unis dans la foulée des événements du 11 septembre 2001. La réponse aux questions posées ci-dessus serait inconcevable sans l’apport d’une connaissance approfondie de la réalité quotidienne des Afghans, démarche initiée voilà trente ans. Cette réalité fut subodorée par le jeune homme que j’étais en 1978, et partagée avec eux à l’âge d’homme. Animé par une compassion sincère envers mes frères afghans (qui ne sont pas et n’ont jamais été mes frères d’armes, en raison de mes convictions non-violentes), je suis persuadé qu’il est urgent d’élever la voix au-dessus du tumulte des faux débats et des recommandations erronées émanant de la foire d’empoigne des hérauts de la rationalité néolibérale. Je suis plus que jamais convaincu de la nécessité de dénoncer le génocide culturel qui sévit en Afghanistan depuis plusieurs décennies, notamment à l’égard des Pachtounes. Une telle démarche pourrait paraître téméraire aux yeux des représentants des institutions universitaires ou des politiciens et provoquer le mépris et le désaveu de membres honorables des laboratoires de recherche. Elle est motivée par la conscience des profondes mutations qui ont affecté la société afghane depuis 1978, date de mon premier voyage au Moyen-Orient. Elle est aussi suscitée par ma dette personnelle auprès des Afghans qui, malgré leur dénuement, ont, dans les années 80 et 90, déployé pour moi et mes proches les arcanes de leur remarquable tradition d’hospitalité.

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À ces hôtes exceptionnels qui ont su, en dépit des épreuves où les plongeaient l’exil et le deuil, émailler de leur humeur spontanée et de leur joie de vivre toutes les heures, journées et années que j’ai partagées avec eux, à tous ceux qui m’ont fait aimer leur pays et l’âme de son peuple, je consacre et dédie ce projet de recherche. Introduction (effets et méfaits persistants de la guerre sur la civilisation traditionnelle) : À partir des années 1970, l’économie afghane s’est effondrée dans les affres d’une guerre internationale camouflée par les Soviétiques sous les allures d’une rébellion à la botte des impérialistes US (et de fait orchestrée comme un djihad par les Étasuniens et leurs alliés, Arabes et Pakistanais). L’image de marque de l’Afghanistan en a gravement pâti. Ce pays, connu pour ses prestigieux vestiges archéologiques et ses admirables créations artisanales, jadis vanté pour sa position de carrefour des civilisations et de haut lieu du soufisme, est désormais voué aux gémonies de l’opinion internationale. Il s’est métamorphosé en repère de trafiquants de drogue et pépinière de terroristes islamistes radicalisés et depuis la guerre, il est décrié pour être un panier de crabes rétifs à toute autorité. La vision communément répandue par les médias est que, même en temps de paix et exempt de toute ingérence étrangère, le peuple afghan serait friand de sanglantes guerres tribales ou interethniques. Une telle manipulation médiatique, axée sur la propagande des services de presse des armées et sur l’ethnocentrisme récurrent des opérateurs en communication, opacifie la vision de la civilisation afghane contemporaine. Les organes de presse officiels entretiennent le cliché de la barbarie des campagnes afghanes.1 Mais que s’est-il passé et que se passe-t-il làbas ? Et comment peut-on expliquer un tel revirement dans la description des réalités locales ? La vulgate capitaliste néolibérale, surfant sur la vague médiatique, promeut un modèle unidimensionnel2 de démarcation ethnocentrique rétroactive (D.E.R.)3. Par contre, la vision du monde afghane mêle intrinsèquement le quotidien et l’Histoire. Le spirituel y est constamment mis à l’épreuve des réalités et, inversement, le réel est imprégné par la lumière spirituelle. De savants entrelacs de pragmatisme et de mystique trament le tissu social et étayent les systèmes de représentation indigènes. Dans un climat de dévalorisation et de dépréciation constantes des capacités du peuple afghan, et sous l’effet des libellés novlangues des entrefilets et des rares articles de fond reprenant les paroles d’informateurs militaires ou de civils afghans souvent occidentalisés et provenant toujours des grandes villes, il est généralement admis que l’Afghanistan, avant toute chose, a besoin d’un "État fort". Certains Afghans de mes amis en sont eux-mêmes convaincus. Les efforts de l’aide étrangère sont donc focalisés sur le recrutement, l’entraînement et l’organisation de la police et de l’armée nationales, ainsi que sur le 1

La guerre psychologique est familière de ces procédés. Les communistes, durant leur occupation du pays (1979-1989), avaient coutume de qualifier l’organisation politique rurale afghane de féodale. Du côté des partisans de l’amélioration de la condition féminine, il est de bon ton, de nos jours, dans la presse écrite occidentale, d’étiqueter les archaïsmes sociaux afghans, concernant la mixité, d’usages moyenâgeux… Féodalisme ? Moyen-Âge ? À quel titre se permet-on d’user (péjorativement) de ces termes forgés à l’étude des sociétés européennes ? Les perspectives idéologiques féministes ou philosophiques marxistes faussent l’objectivité scientifique. Si une tradition chevaleresque persiste en Afghanistan, si le terme mesnie peut désigner la structure clanique des familles étendues, il est néanmoins inepte de concevoir l’aristocratie tribale afghane comme une hiérarchie de seigneurs disposant de fiefs. Quant à la condition féminine afghane contemporaine, au lieu de la comparer à un "MoyenÂge" (prétendument obscurantiste), elle est proche de celle des femmes en Europe au XIX°s. ou même du vécu féminin contemporain des sociétés originaires du pourtour méditerranéen (chrétiennes ou musulmanes) où sont encore perpétrés des "crimes d’honneur". 2 MARCUSE 1963. 3 BLONDIN 1995. 3

formatage des magistrats aux canons internationaux. Autant de "priorités" étrangères à la mentalité afghane populaire, pour laquelle le droit coutumier a toujours pallié les carences et les faiblesses des autorités. En effet, le monopole d’État de l’exercice de la violence n’a jamais été établi dans ce pays. Chaque individu, chaque famille, chaque clan, chaque tribu, a l’habitude de régler les conflits, parfois au moyen de compensations ou réparations, au sein des assemblées locales (djirga). De plus, la moindre emprise de l’administration (impôts, recensement) y est contestée, quelquefois par les armes, fréquemment au moyen de bakchichs. Or, de façon paradoxale et, il faut le dire, mensongère, le programme patronné par les Occidentaux agit au motif de la "Re-construction" ! La prétention états-unienne d’instaurer en Afghanistan une démocratie révèle de la part de la Maison-Blanche une grave cécité envers l’histoire et les usages de ce pays. Ambassadeurs et administrateurs britanniques du XIX°s. s’étaient montrés plus lucides lorsqu’ils ont décrit les institutions villageoises (jouant le rôle d’instances économiques et gérant le règlement des conflits) comme des structures relevant d’une haute tradition (parente du modèle des cités hellénistiques)4 de démocratie populaire. D’aucuns prétendent plutôt y déceler l’empreinte des peuples des steppes. Ces institutions mériteraient de figurer au palmarès du patrimoine de l’Unesco. Au lieu de cela, ce trésor est en voie de disparition sous l’effet de 30 ans de conflit (1978-2008), à l’issue desquels les chefs de guerre ne sont pas loin d’avoir supplanté les dignitaires de la société civile. L’abandon et la perte de telles pratiques sociales est préjudiciable pour la collectivité humaine dans son ensemble, d’autant plus de nos jours, à la veille de catastrophes écologiques annoncées, d’une ampleur inédite, imposant des actions spontanées locales reposant sur la solidarité et l’initiative concertées. Dans l’Afghanistan de la première décennie de ce siècle, le développement et la refonte des organes répressifs et sécuritaires de l’appareil d’État sont donc les objectifs premiers des organismes internationaux. Le présupposé des organisations mondiales (ONU, OTAN, UE) est que le gouvernement central doit disposer d’instruments identiques à ceux que l’Occident préconise afin d’instaurer l’ordre public. "Pacifier le territoire" est la priorité mise en avant, considérée comme condition indispensable préalable à toute action. Or, une telle hypothèse fait fi des différences essentielles entre les réalités afghanes et la conception occidentale classique de l’ordre public. L’examen des faits de l’histoire afghane montre que l’État, quelle que soit l’époque considérée, n’y a jamais pu prétendre exercer, comme en Occident, le monopole de la violence. À l’inverse, le pouvoir central afghan s’est constamment appuyé sur des contingents de civils armés fournis par les tribus, principalement par les tribus nomades pastorales afghanes. De telles milices armées ont secondé le roi Abdur Rahman, à la fin du XIXe s., lorsqu’il unifiait et "colonisait" le territoire national. Ces solidarités tribales ont également aidé le roi Nader à monter sur le trône en 1929. Elles ont permis au prince Daoud, en tant que Premier Ministre, dans la décade 1953-1963, puis comme Président, de 1973 à 1978, de fomenter des troubles au Pakistan, instillés par la propagande de l’État afghan, depuis les zones pakistanaises sous administration fédérale, durant la fameuse querelle du Pashtunistan. Précurseurs des anthropologues ou ethnologues, les fonctionnaires de l’administration coloniale britannique, au XIX° et au début du XX°, ont consacré de multiples monographies, 4

Entre 330 et 328 av. l’ère chrétienne, Alexandre Le Conquérant, venu de Macédoine, attribue le nom grec d’epighonoï, les "descendants", à trente mille jeunes recrues. Ces conscrits furent mobilisés dans les "Alexandries" nouvellement fondées : Alexandrie des Ariens / Herat, Alexandrie Prophtasia / Farah, Alexandrie d’Arachosie / Kandahar ou Ghazni, Alexandrie du Caucase / Kaboul, Alexandrie de Merv / Chorasmie – actuel Turkménistan, Alexandrie Eschaté / Kokand, dans la riche vallée du Ferghana, aujourd’hui située dans une enclave de l’Ouzbékistan entre la Kirghizie et le Tadjikistan, etc. Les États et principautés séleucides perdureront dans cette région asiatique jusqu’au Ier s. av. l’ère chrétienne (-30). 4

répertoires, index et rapports chiffrés, au décompte des hommes armés de chacun des villages ou hameaux des territoires pachtounes. Il est évident que la valeur de ces données n’était pas uniquement de nature encyclopédique et scientifique : elles constituaient un recensement systématique du potentiel militaire des clans ou segments passés au crible. Que les aléas de la politique portassent les Britanniques à s’en faire des alliés ou non, il importait de les chiffrer. À de nombreux points de vue, les principes de la lutte antiterroriste des grandes puissances heurtent de plein fouet les conceptions locales. Au lieu de l’État faible, malléable, qu’ont toujours plébiscité, conforté ou rétabli les autorités locales et tribales, le parti des forces alliées présentes sur le territoire afghan depuis 2001-2002 ("la coalition")5 prône la soumission de la société civile à un État de Droit. Les partisans de la coalition feignent d’ignorer que cette forme d’État est absente de l’histoire afghane, de même que les notions d’un État Nation et a fortiori d’un État-Providence, capable d’incarner les volontés du peuple. Le contenu de la politique de réconciliation entreprise par le président Karzaï corrobore ces constats. L’actuel chef de l’État ne compte guère, à long terme, sur les forces étrangères qui appuient son régime, que ce soient les troupes de l’ISAF et de l’OEF6 ou même la police et l’armée nationales, toutes deux en cours de formation ou de restauration. Il considère que le ralliement des seigneurs de guerre apportera à son gouvernement force et cohésion. Comme alternative à cette stratégie de retour à la paix, M. Karzaï sollicite des renforts auprès des milices traditionnelles des villages et négocie des accords avec les représentants tribaux. Durant l’hiver 2006-2007, ce sont ces derniers, des "barbes blanches"7 des territoires pakistanais (FATAs8), qui sont venus, spontanément, solliciter l’aide du président afghan. Les mandataires de ces dignitaires de la société civile avaient constaté l’impuissance de l’armée pakistanaise dans sa lutte contre les bandes armées des terroristes islamistes d’alQaida et consorts infestant les villages du nord et du nord-ouest du Pakistan. C’est pourquoi ils ont délégué ces barbes blanches en mission diplomatique à Kaboul. La tragédie afghane se prolongera tant que la vision ethnocentrique du consortium militaire des puissances antiterroristes dominera, en lieu et place du peuple afghan, les débats sur l’ordre des priorités nationales et régionales. En effet, il ne suffit pas de consulter la population individuellement dans l’isoloir. Élections et référendums ne font en réalité qu’entériner les choix faits par l’étranger, de qui l’aide économique est attendue. Ces fauxsemblants de démocratie (représentative) procurent aux occupants du pays l’alibi droit-del’hommiste qui sera jeté en pâture au monde extérieur sur l’écran médiatique. Mais il ne leurre personne en Afghanistan9. La politique d’ingérence imposée au nom de la croisade millénariste proclamée par M. G. W. Bush ne pourra, pas plus en Irak qu’en Afghanistan ni nulle part ailleurs, instaurer la paix par la force armée ni la démocratie par l’agression militaire. Au contraire, de tels projets compromettent tout succès économique ou culturel, comme toute tentative de restauration des modes de vie et des moyens de subsistance des régions rurales. C’est cette dernière option qui est considérée dans ce qui suit. Partie 1 (spécificités de l’économie afghane : une société rurale et multiculturelle) : 5

Armée et police afghanes formées par l’étranger, contingents de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord/OTAN, soit la Force internationale d’assistance et de sécurité (ISAF) et les corps expéditionnaires de l’Opération Liberté Immuable/OLI – Operation Enduring Freedom. 6 Cf. note ci-dessus. 7 Les spîngîri ou "barbes blanches" sont, dans les territoires non-détribalisés et tribaux, les anciens, les hommes d’expérience ayant pour vocation de représenter et défendre les intérêts communs et pour fonction de diriger les débats dans les assemblées locales (jirga-gey). 8 Federally Administered Tribal Agencies, zones tribales situées à la frontière afghanopakistanaise, peuplées de Pachtounes. 9 « Je vais à l’ambassade des Etats-Unis. », dit-on en Afghanistan quand on prend congé de l’entourage afin de soulager un besoin pressant. Il y a 20 ans, on disait aller à celle de Russie. 5

Il est impératif de sortir de la perception occidentale pour cerner les faits côté afghan. Déplacer le regard vers l’environnement et la qualité de la vie est malaisé. Car d’une part, l’opinion publique internationale, au sujet des affaires afghanes, met l’accent sur les menaces encourues du fait des ravages du terrorisme et de la prolifération de la drogue. D’autre part, son appréhension des réalités environnementales se limite au paysage statistique délivré par les satellites géostationnaires ou par les administrations expatriées en Afghanistan (agences internationales et organisations non gouvernementales). Les données de terrain sur l’écologie et la santé en Afghanistan se cantonnent à l’observation de quelques écosystèmes et à des contrôles sanitaires ponctuels dans les grandes cités. Les provinces situées au sud et à l’ouest de l’Afghanistan sont actuellement privées de développement. Le motif en est, ainsi que pour les zones rurales durant l’occupation soviétique, qu’elles sont les principaux viviers de la menace terroriste et de l’insécurité. Le résultat de cette politique des grandes puissances en lutte contre le terrorisme islamique est calamiteux : les campagnes de cette république, dont la population est en majorité constituée de paysans !, se dépeuplent. Des foules de miséreux, victimes de l’exode rural, tentent de survivre en ville, principalement à Kaboul, dans des conditions inconfortables, pénibles, voire insalubres et mortifères. L’essor de la prostitution féminine (3000 péripatéticiennes en exercice à Kaboul) et la propagation du sida (par injections à plusieurs avec la même seringue) sont les indices les plus criants de la dégradation des conditions de vie, mais aussi des mœurs et de la santé morale des citoyens. À cela s’ajoutent les conséquences ordinaires de l’urbanisation sauvage. Comme partout – ou presque – dans le monde, les artères des grandes villes, inadaptées au trafic automobile, sont engorgées de véhicules polluants. L’occupation du sol par l’habitat urbain entraîne une réduction considérable des terres cultivables, qui couronnaient autrefois la capitale. L’afflux de population pose aussi des problèmes de santé publique inédits dans cette ville pratiquement dépourvue d’égouts comme de système de collecte et de recyclage des déchets. La disparition physique des masses rurales fut déjà un objectif stratégique avéré des Russes, de 1979 à 1989, afin de couper les moudjahidin de leurs bases arrière. Or l’élimination de la classe paysanne et l’éradication du nomadisme pastoral provoqueront immanquablement l’extinction des pratiques artisanales et des traditions locales. La focalisation des recommandations onusiennes et européennes sur le renforcement de la bureaucratie constitue un facteur assuré d’effacement des spécificités culturelles afghanes. À l’instar des musées des A.T.P. (Arts et Traditions Populaires), qui sont les tombeaux des activités artisanales écrasées par les industries de production de masse et l’automatisation dominant nos contrées, ces richesses patrimoniales afghanes ne se voient plus attribuer d’autre avenir que dans les collections des espaces muséographiques. En effet, il ressort d’une enquête menée par mes soins au début 2007, soit six ans après la chute du régime talib, qu’il n’existait, à l’époque, de la part de l’Unesco ou des institutions européennes, pas de proposition globale sur un projet concerté pour la sauvegarde de la pratique des métiers d’art (professions artisanales et artistiques) d’Afghanistan. En dehors des champs de la culture officielle (comme les monuments et vestiges, les archives, les musées, les bibliothèques, les jardins) et des médias contemporains (tels que la télévision, la radio, le cinéma, la filmographie, le tournage de documents vidéos, la photo et la presse), rien n’est mis en œuvre afin de pérenniser le patrimoine humain immatériel rural traditionnel, c’est-àdire l’esthétique et l’art de vivre de l’immense majorité des Afghans. D’autre part, la situation des écosystèmes afghans reflète un quart de siècle de troubles militaires et civils. Dans les circonstances présentes, les dispositifs préconisés par la politique internationale engendreront encore plus de dégradations de la nature, et ce dans des proportions inconnues jusqu’à présent.

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En effet, les organismes de protection de l’environnement (SAVE, WCS, UNep)10 ne peuvent mener une enquête de terrain sur l’ensemble du territoire. Cette impossibilité de fait, engendrée par l’insécurité des zones de combat, est dramatique car la civilisation afghane, en dépit de sa longue et riche histoire et de son cosmopolitisme pittoresque, est avant tout rurale. La croissance spectaculaire de la capitale, Kaboul (200 000 habitants en 1978, 1 million en 1988, 2 millions en 1998, 5 millions aujourd’hui !), ne doit pas constituer l’arbre qui cache la forêt. D’autres villes, dans les provinces, voient leur population s’accroître, phénomène lié à l’urgence du besoin d’assistance des populations rurales. Afin d’absorber l’essor démographique du à l’exode rural, les planificateurs des organisations internationales fourbissent un plan d’urbanisation de Kaboul pour une population de 10 millions d’habitants dans la prochaine décennie ! Alors que, dès à présent, l’eau potable y fait défaut. Mais malgré les destructions de canaux et autres ouvrages d’irrigation et après de nombreuses années de sécheresse répétées et de migrations forcées nombreuses (expatriations et déplacements internes), l’écrasante majorité de la population afghane reste paysanne. Au nom de modes de vie ancestraux et de traditions d’autonomie locale s’accommodant mal de l’occidentalisation propre aux mœurs urbaines, ce noyau, menacé, de la nation afghane souhaite demeurer en milieu rural. La domination masculine et son intériorisation par les femmes y prévalent, certes, mais la condition féminine n’est pas plus enviable dans les cités. L’effet supposé uniformisant du regroupement dans les villes (unidimensionnalité à l’ordre du jour) rassure les Occidentaux convaincus qu’une population en majorité urbaine serait plus facile à contrôler et à policer selon les recettes employées dans les démocraties européennes. L’urbanisation est supposée représenter un avantage pour tous, car elle brasserait plus de marchandises et offrirait plus d’opportunités d’emploi. Mais cette vue des choses ne correspond en rien aux structures sociales et économiques traditionnelles afghanes, dans lesquelles toutes les activités sont mises en relations par un réseau d’échanges économiques ramifié et complet assurant toutes les fonctionnalités du marché en tous lieux. Chaque localité de quelque importance dispose d’un bazar aux échoppes ou aux étalages desquels tout est disponible. Son espace se déploie sous l’aspect de foires locales, hebdomadaires ou saisonnières. Le bazar est caractéristique d’une économie mixte (de subsistance et de marché, familiale et capitaliste) où abondent les biens de première nécessité. En outre, de nombreux commerçants ambulants et camelots, parfois aussi nomades pasteurs, comme les Pachtounes, fournissent aux hameaux dispersés et aux fermes isolées les produits finis et les marchandises manufacturées. Jadis, les colporteurs afghans transportaient les objets de la ville, sur leur dos ou sur le bât d’un animal, , sillonnant le territoire national et allant même au-delà, à travers la péninsule indienne, jusqu’en Birmanie et au Népal. L’économie afghane traditionnelle repose sur la notion d’entraide et de solidarité, mais aussi sur la loi du marché. Les petits vendeurs circulant à pied s’approvisionnent chez les grossistes des grandes villes qui achalandent leurs stocks grâce à l’import-export. Le rôle des petits commerçants, malgré les coups sévères portés à l’économie nomade pastorale ces dernières années, n’a pas diminué et continue de tenir une place vitale dans la sphère du commerce destiné à des contrées reculées du pays. D’évidence causées par une pratique sans vergogne de la spéculation, la misère ou la famine des campagnes ne sont pas issues de défauts du circuit de distribution : celui-ci est parfaitement rodé et en constante évolution. Le réseau des transports en commun en est une illustration magistrale : sur la trame routière de l’Afghanistan circulent des minibus, des autocars, des motos, et, en ville, des taxis qui garantissent une offre de services calibrée en 10

Society for Afghanistan Viable Environment – Peshawar, Pakistan ; Wildlife Conservation Society & United Nations Environment Program (Source Internet : M. KAMBER 06/03/02 : www.motherjones.com). 7

fonction de la demande, c’est-à-dire à des tarifs minimaux et quelquefois à crédit. De plus, sur les routes peu passantes, les usages et les convenances obligent les conducteurs à s’arrêter pour embarquer tout piéton qui fait signe de la main. En dehors des automobiles, il existe aussi la traction humaine ou animale, généralement pratiquée par les petites gens, qui n’ont pas les moyens financiers d’entretenir et d’alimenter un engin à moteur. La traction humaine de chariots pour la vente ambulante (karâtchey) ou de charrettes à bras concurrence encore les métiers du portefaix et du porteur d’eau, travailleurs n’ayant pour véhicule que leurs jambes et pour charroi que leur dos. La bicyclette est d’un usage très répandu, principalement masculin (à l’exception des femmes des villes, parfois assises sur le porte-bagages). La misère que subissent certains Afghans provient essentiellement de la spoliation perpétrée par des escrocs riches et puissants. L’argent et les biens issus de l’aide humanitaire sont souvent le gagne-pain de ces escrocs. Ils virent l’argent à l’étranger, s’approprient les dons et en assurent la vente, pratiquant souvent dans l’impunité leurs néfastes activités : détournements de fonds et thésaurisation ou monopolisation des produits de première nécessité. Les scrupules ne les étouffent pas, quand il s’agit pour eux d’acheter une nouvelle fiancée ou de financer un pèlerinage à La Mecque. Ces spéculateurs fricotent aujourd’hui avec les gangs mafieux internationaux sans être gênés aucunement par les hommes d’armes des agences de sécurité privées (telles que Black Waters). La famine et la malnutrition sont générées par l’afflux de paysans confrontés à la disparition des cultures vivrières, mais elles résultent aussi d’une démographie galopante. Ces facteurs sont renforcés par la pauvreté des sols de cette zone semi désertique. Le sol afghan est tributaire des pluies annuelles (50 à 250mm, avec une moyenne nationale de 18cm) 11, dont le volume et la fréquence diminuent sous l’effet de serre (réchauffement global de la planète). Face au manque d’eau et à l’aggravation de l’aridité, l’agriculteur ruiné peut trouver providentielle l’alternative à la ruine et à l’exil que représente la conversion à la culture du pavot. Ce choix, encouragé par les commandants locaux mercantiles, fait basculer l’économie agricole aux mains des profiteurs : seigneurs de guerre, chefs talibans et mafias internationales achètent, collectent, entreposent, transforment et écoulent à l’étranger l’opium obtenu par incision des capitules des fleurs de pavot. Certains circuits d’exportation, de nos jours, disposent de laboratoires sur les lieux de la récolte. Il y est possible d’extraire de l’opium ses dérivés chimiques : morphine base et héroïne. Les laboratoires clandestins en zone rurale, testés et rentabilisés au Pakistan dans les années 80, prospèrent maintenant en Afghanistan. Bien entendu, ce sont les bénéfices considérables des trafiquants qui permettent d’acheter les armes automatiques et leurs munitions. Tant que persistera cette économie souterraine, il n’est pas le moindre espoir de paix en Afghanistan. L’éradication de la culture du pavot n’est toutefois pas souhaitable pour les paysans, car ils n’auront pas d’autre source de revenu viable, en l’absence de cultures de substitution ou de méthodes alternatives s’accommodant de la sécheresse croissante. La destruction des plants sur pied causera inévitablement des troubles civils, car il est certain que ses victimes, paysans ruinés, grossiront les rangs de l’insurrection. De plus, l’exode rural vers les quartiers pauvres des cités entraîne de graves problèmes sociaux et sanitaires, déjà évoqués plus haut. Jadis, sur les fondements de l’agriculture de subsistance, toute une pléiade de métiers et d’occupations créatrices ou/et récréatives s’était enracinée, proposant à ses clients une grande variété d’objets d’usage courant ou de marchandises de luxe. La restauration de l’économie traditionnelle est la clé du rétablissement de la paix, seule voie capable d’assurer aux paysans en détresse le retour à l’autonomie et à l’intégrité. Pour enrayer la rébellion montant dans les 11

30cm à Kaboul, 40cm à Peshawar, 26cm à Kouchk, 22cm à Khorog (HAIDER & NICOLAS 2004 : 130 & 135). 8

campagnes, il est préférable de jouer la carte du cosmopolitisme paysan12, de respecter et de valoriser le caractère polyethnique de la population tout en protégeant les agriculteurs et leurs partenaires économiques (nomades éleveurs et autres – commerçants, bateleurs, colporteurs) des risques d’une urbanisation forcée et chaotique. Partie 2 (diversité linguistique, richesse des artisanats d’art, des savoirs et des savoir-faire) : Tout d’abord, il est essentiel de préserver la diversité linguistique de l'Afghanistan : sa richesse particulière est le reflet d’une nation composite ayant su préserver ses précieux trésors immatériels. À titre indicatif, voici une liste sommaire des langues et des dialectes classés par famille (cf. Annexes infra pour liste plus complète et détaillée), avec quelques commentaires sur leur diffusion et le nombre de leurs locuteurs, dans le pays comme à l’étranger. À chaque groupe ethnique ou linguistique correspondent des apports techniques et esthétiques brièvement exposés juste après. Groupe dravidien : Le brâhuî est parlé par les 360 000 Brâhouis du Baloutchistan, province partagée entre le Pakistan, l’Iran et l’Afghanistan. Ils sont mêlés aux Baloutches (et à des Kurdes), avec lesquels ils savent entretenir des rapports pacifiques. Groupe indo-européen ; - Langues indo-iraniennes : Les langues nouristanies, parlées par 150 000 Nouristanis, subsistent uniquement à l’ouest de l’Himalaya. Elles comprennent le kati et le prasun (langues du nord), le waygal et l’achkun (langues du sud), et le kalash, parlé aussi de l’autre côté de la frontière, par leurs homologues pakistanais, les Kalash, animistes, dernières populations de la région non encore islamisées. Le pachto (appelé aussi afghan, réunissant, entre autres dialectes, celui du nord (dur = pekhto) et celui du sud (doux = pouchtou), est parlé par 7 Millions de Pachtounes en Afghanistan et autant sinon plus au Pakistan. Ormuri et wanetsi sont des langues rattachées à l’ethnie pachtoune qui partagent avec le pachtou une même filiation philologique, toutes trois proches de la langue avestique, qui a aussi enfanté le tokharien, langue morte). Le baloutche est parlé par 100 à 200 000 Baloutches afghans. Répartie entre l’Iran, le Pakistan, l’Afghanistan et le Turkménistan, cette ethnie nomade pastorale sunnite rassemble au moins 5 Millions d’âmes. - Langues indo-aryennes : Le rameau darde, attesté aussi au Pakistan, au voisinage des langues baltes, est représenté en Afghanistan par la langue des Pashaïs (60 000 âmes). - Langues iraniennes : Le tadjik est un dialecte persan parlé par 4 à 5 Millions de Tadjiks, dont les communautés sont répandues au nord-est (Badakhshan) et à l’ouest. La République du Tadjikistan, limitrophe de l’Afghanistan, compte plus de 6 Millions d’habitants et l’ethnie tadjike s’étend sur toute l’Asie Centrale : Ouzbékistan, Kirghizstan, Turkménistan et Iran et même en Russie. Les racines du persan le rattachent aussi à l’Avestique, dont les archaïsmes grammaticaux, plus que dans les autres langues de ce groupe, ont été gommés. Les Aymâqs, situés à l’ouest de l’Afghanistan, 600 000 environ, ont pour langue maternelle un dialecte persan, tout comme les Hazaras, 1 à 4 Millions, locuteurs du parler régional nommé hazâragi. La population de ces derniers est diffuse sur le territoire afghan, concentrée dans les chaînes montagneuses du centre, et dans le Baloutchistan, côté iranien ou pakistanais, où elle est regroupée en tribus conservant des liens avec leurs communautés d’origine. - Langues indiennes : De la famille du sindhi, du hindi ou de l’indko et d’autres langues encore, apparentées au tzigane (sinti, rom), la langue d’origine des Jats a disparu au profit de la langue véhiculaire d’Afghanistan, le persan. Même processus d’assimilation pour les autres communautés d’origine indienne, Sikhs et Penjâbis, issus des castes spécialisées dans les services financiers (cf. infra). Groupe turco-mongol ; - Langues turques : L’ouzbek concerne en 12

Ou multiculturalité rurale. 9

Afghanistan 1,3 à 1,5 Millions d’Ouzbeks et c’est la langue officielle de l’Ouzbékistan voisin (25 Millions d’habitants), où leur ethnie représente environ la moitié de la population. L’ethnie ouzbek, provenant du Kazakhstan, forme ici et là (Kazakhstan, Tadjikistan, Chine) des communautés linguistiques et culturelles se réclamant pour ancêtre Tamerlan. Leur langue est issue du cagataï, jadis langue de la cour royale du Khorasan. Le turkmène, regroupant 360 000 Turkmènes afghans, est aussi la langue nationale du Turkménistan (4,8 Millions d’habitants). L’ethnie turkmène forme une diaspora de 2,5 Millions d’âmes, habitant l’Iran, l’Irak et la Turquie. Le kirghiz est la langue dominante du Pamir afghan, où l’on dénombrait 3 300 locuteurs. Ces Kirghizes ont, dès les premières années du conflit russo-afghan, accepté l’offre, émanant du gouvernement turc, d’un asile politique dans la province d’Anatolie. Au Kirghizstan (5 Millions d’habitants), le kirghiz a le statut de langue nationale. L’ethnie kirghize subsiste en Chine, en Ouzbékistan et au Tadjikistan. Les Kazakhs, environ 3 000, sont, comme les autres représentants des ethnies de langue turque citées ci-dessus, pour la plupart descendants de basmachis réfugiés au nord de l’Afghanistan. Ces émigrés ont fui l’empire soviétique pour échapper à la répression. - Langue mongole : Les Mongols occupent quelques villages au sud-est de Herat (Kundur, Kârez-Mullah, Du Rudi). Groupe sémitique : L’hébreu n’est plus parlé en Afghanistan. La présence des Juifs est confirmée à haute époque dans le Firuzkuh (province de Ghor). Les archéologues y ont trouvé un cimetière médiéval dont les stèles portent des inscriptions en hébreu. Herat et Kaboul abritent d’autres cimetières juifs. Les communautés judaïques se sont perpétuées jusqu’au XX° s. dans les grandes villes (Herat, Kaboul, etc.) puis se sont éclipsées, après la fondation de l’État d’Israël. Aujourd’hui, la synagogue de la capitale, entretenue par le dernier Juif d’Afghanistan, 13 n’est plus fréquentée par les fidèles. 3 000 à 5 000 Bédouins, Arabes qurayshites, conservent l’usage de leur langue. L’arabe est la langue rituelle de l’islam et celle de l’enseignement coranique. En tant que telle, elle concurrence, au moins à l’école primaire, l’autre langue unitaire en Afghanistan, le persan, ou plutôt le dialecte iranien appelé dâri (voir plus haut : groupe indo-européen). Au contraire de celui-ci, l’arabe n’a pas la fonction de langue véhiculaire. Apprises par cœur à l’école primaire, les prières sont récitées cinq fois quotidiennement par les fidèles. Afin de s’adresser à Allah, seule convient la langue du Coran. Peu nombreux parmi les Afghans sont ceux qui connaissent la signification des formules qu’ils scandent. L’arabe est une langue de lettrés, dans un pays largement analphabète. Cependant, depuis quelques décennies, des manuels de traduction des principaux textes de la liturgie sont en vente sur tous les bazars. * Le travail déjà effectué en Afghanistan en matière d’observation ethnographique a conservé sa pertinence scientifique. Désormais, il est vital, pour la sauvegarde des richesses du patrimoine culturel humain immatériel mondial, que l’observation scientifique s’articule sur un volet pratique de recherche d’applications économiques. L’âme afghane n’est pas étrangère à l’idée de préservation de l’environnement. C’est, selon l’expression de HAIDER14, la"gestion de la rareté" qui caractérise le train quotidien. Imprégnant les mentalités, elle s’applique à tous les domaines : ressources renouvelables (comme l’eau) ou surfaces agricoles (terres arables) et environnement naturel (pâturages, animaux et plantes sauvages, énergies fossiles, métaux et autres minéraux). Dans la logique de la gestion de la rareté, toutes les conceptions touchant aux facteurs économiques agencent 13

Antihéros du film Cabale à Kaboul (2006) documentaire de D. ALEX programmé en avant-première à Alès (Gard - France) le 18/3/07 (festival Itinérances du 9 au 18/3/07). 14 Afghanistan, pourquoi le retour des Talibans ?, conférence de Montpellier (18/04/2007). 10

une harmonie subtile favorable à un équilibre entre la prodigieuse diversité des identités sociales et la délicate intrication des activités humaines propres à ce pays. Ces liens ethniques et économiques révèlent une facette remarquable du patrimoine humain immatériel afghan. La société afghane fut édifiée dans des conditions naturelles plutôt rudes impliquant un relatif dénuement, circonstances antédiluviennes qui expliquent le fait que cette région, durant de longs siècles, n’a jamais éveillé beaucoup de convoitise de la part de ses puissants voisins. Aucun d’eux n’a soutenu un effort militaire suffisant et adéquat pour la coloniser. L’insoumission et l’indépendance des peuples d’Afghanistan a favorisé la sauvegarde de leurs identités ethniques, véhiculant des imaginaires et des modes de production préindustriels. Un survol des enquêtes linguistiques et ethnographiques accomplies, ainsi qu’une rapide consultation des publications auxquelles elles ont donné lieu, en dit long sur la richesse du patrimoine humain immatériel afghan. La liste bibliographique couvrant l’orature15 et la littérature proposée infra, en annexe, est, par elle-même, éloquente. Sans doute par facilité linguistique et logistique, les travaux ethnomusicologiques ont été dominés par la musique persane savante, phénomène de culture urbaine dont l’observation et le décryptage se font plus confortablement que pour des faits sociologiques ou linguistiques observables en milieu paysan ou montagnard. Les afghanologues doivent de toute urgence étudier les chefs d’œuvre en péril des particularismes régionaux et populaires en matière d’esthétique et d’art de vivre. Tirée de sources livresques, l’énumération qui suit ne prétend pas être exhaustive mais elle donne un aperçu des métiers d’art traditionnels, mis en relation avec leurs chaînes de production et de distribution. Cette liste suit les divisions linguistiques et ethniques de la précédente. Elle cite les traits les plus saillants des savoir-faire matériels et des traditions culturelles des peuples d’Afghanistan.16 Seuls représentants de la famille dravidienne, les Brâhouis sont spécialistes de l’élevage du dromadaire de course. Ce quadrupède est également un véhicule idéal pour traverser, lourdement chargé, des étendues désertiques. La peau et la laine de cet animal sont des matières premières de l’artisanat du cuir et du tissage. Les Brâhouis savent aussi creuser des puits dont les parois sont revêtues de branchages, ces ouvrages pouvant atteindre une profondeur de 60 mètres. Les femmes tissent des kilims, tapis extrêmement solides à la surface rugueuse, qu’elles décorent de motifs géométriques. Dans la grande famille indo-européenne, les Indo-iraniens tiennent le devant de la scène. Les femmes nouristanies filent la laine brune des moutons pour en faire des étoffes et des couvertures. Partageant cette filiation linguistique, les Pachtounes de l’époque classique (du XVIe au XVIIIes.) ont composé des divans (dîwân), recueils de poésie dont l’inspiration s’abreuve du soufisme iranien, et des chroniques généalogiques qui constituent un corpus, habituellement versifié, dont l’importance, par le volume, mais aussi par la qualité, justifierait qu’il fût mieux connu (ou traduit). La création contemporaine, dans le domaine des lettres et des sciences, reste importante, au Pakistan comme en Afghanistan et même en exil (comme en Allemagne, sous l’égide du Verein zur Förderung der Afghanischen Kultur – pachto : de Afghanistân de kultûri wadé ttôlena – ou en France, avec les publications du CEREDAF – Centre d’études et de recherches documentaires sur l’Afghanistan17). Les femmes pachtounes s’illustrent dans le travail de la broderie et sont expertes en compositions poétiques, les plus célébrées étant les landdey, distiques chantés et rythmés. Elles sont travailleuses, sans doute plus que leurs maris, accaparés par les palabres dans la salle des hommes – hudjra –, mais comme eux, elles ont une prédilection pour la fête et la musique, les arts de l’ornement et de la parure du corps. Les vêtements et les coiffures des femmes nomades pachtounes en témoignent avec éclat, de même que leurs bijoux, leurs motifs décoratifs peints au henné sur 15

Néologisme, abréviation du concept, aux termes contradictoires, de littérature orale. La plupart de ces précisions sont tirées de l’ouvrage de DUPAIGNE & ROSSIGNOL 1989. 17 Cf. Bibliographie, infra, le titre MANALAÏ & SEPTFONDS 2001. 16

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les mains et les pieds et leurs tatouages. Si le corpus des contes et récits chantés et versifiés des Pachtounes remplit déjà de nombreux livres, celui-ci n’est guère édité sous forme musicale, en dehors des cassettes vendues dans les contrées pachtophones du Pakistan et de l’Afghanistan. Par contre, les chansons traditionnelles et populaires en pachto, concurrencées par les autres langues du pays, sont radiodiffusées. Par-dessus tout, les Pachtounes ont su préserver une structure tribale vigoureuse, dont les institutions ont servi de modèle à l’État afghan et à son administration (jirga, conseil des anciens, ou barbes blanches ; ttôlena, union, association, société, etc.). Le département de pachto de l’université de Kaboul a consacré à l’étude de la loi coutumière des études lexicales (ATAYEE 1979), qui sont loin d’épuiser le sujet. La monarchie de Kaboul, fleuron de l’aristocratie guerrière et conquérante pachtoune (DAUD 1982, DESSART 2001 & 2004), a déplacé, par vagues colonisatrices successives, des clans nomades ghilzays et durranis depuis leurs territoires ancestraux du Sud vers le Nord, sur l’ensemble du Turkestan afghan, chassant d’autres éleveurs itinérants de leurs pâturages d’estive. Ainsi, encouragé par le pouvoir central, le mode de production nomade pastoral des mâldâr18 n’est pas loin d’être devenu dans tout le pays un monopole pachtoune. Les Baloutches, fiers de leur passé de guerriers conquérants19 comparable à celui des Pachtounes, sont quant à eux, réputés pour la beauté de leurs tapis, constellés de motifs colorés sur fond noir ou bleu foncé. Toujours dans la famille indo-européenne, mais dans le groupe iranien, les Tadjiks usent d’une langue prestigieuse, littéraire et diplomatique, qui est celle des fonctionnaires de l’administration afghane. C’est aussi la deuxième langue officielle de l’Afghanistan. Issue d’un parler originaire du Khorasan et du Séistan (Ouest de l’Afghanistan, en bordure de l’Iran), elle est dénommée dâri (lit. "de la cour – royale"). Certains groupes montagnards tadjiks possèdent des langues iraniennes très différentes du persan, autres filles archaïsantes de l’Avestique, tels les Yaghnobis, qui auraient conservé la langue des Sogdiens, ethnie dominante de la Transoxiane avant la conquête arabe. Le tadjik est en outre la langue de rédaction des textes fondateurs de la confrérie soufie des Naqshbandis, ordre mystique répandu en Asie Centrale et prédominant dans le Nord de l’Afghanistan20. Les Tadjiks ont une tradition poétique et musicale particulière, orchestrée par tambours, flûte, vielle à deux cordes et luth à trois cordes (sé-târ). Boutiquiers ou artisans, ils commercialisent leurs tissages, broderies, poteries et objets de métal (socs d’araire, marmites, cuivre étamé). Les Aymâqs, comme les Hazaras, persanophones, sont marqués du sceau de l’empreinte mongole, par l’étymologie de leurs ethnonymes et par revendication identitaire21. Ces deux peuples sont voisins. Le dialecte hazâragi compte des mots turcs. Les Hazaras sont en majorité chi’îtes duodécimains, religion dominante de l’Iran. Leurs femmes montent la poterie à la main, confectionnent des gilets, des gants et des chaussettes de laine. Elles tissent d’épaisses étoffes, à Sar-i Pul, et, s’inspirant de motifs pachtounes, brodent la soie des bourses, des étuis et des bandes molletières. Dans la branche indienne des langues indo-européennes se situent les Jats, connus en Afghanistan pour être des populations itinérantes spécialistes des distractions (musique, danse – et même prostitution). Autrefois, ils étaient attachés aux grands groupes nomades qui sillonnaient l’Iran, l’Inde, l’Asie Centrale et l’Afghanistan. Ils parlent, en plus du persan, l’inko (/ hindko) et forment 6 groupes : Baluch (2 500), Ghorbat (1 000 familles, chi’îtes), Jahâli, Pikrâdj, Shadibâz (1 500, sunnites), Vanngâwâlâ (3 000). Tout comme leurs 18

"Ceux qui ont du bien", de mâl (mot dâri, "richesse, bien") désignant les têtes de bétail, considérées comme un capital sur pied et dâr (mot dâri, racine du verbe "avoir"). 19 Ils ont fondé la ville de Dera Ismaïl Khan (Pakistan) et des colonies à Herat (Afghanistan), à Mankera, dans le désert indien, et à Merv, en Iran. 20 CHUVIN & GENTELLE : Asie Centrale – L’indépendance, le pétrole et l’islam. (Marabout 1998 : 51-2). 21 Les Hazaras affirment être les descendants des troupes de Gengis Khan. 12

homologues les tsiganes d’Europe, ils sont victimes de discrimination. À Kaboul, et dans les grandes villes en général, la réputation des Jats est déplorable. Accusés d’être sales et de mauvaises mœurs, violents, mécréants, voire voleurs d’enfants, ils sont tenus à l’écart des agglomérations. Explorant le champ de leurs activités, un observateur circonspect découvre qu’ils sont des partenaires économiques et culturels précieux dans l’exercice de plusieurs spécialités. En effet, les Baluch, autrefois forgerons, regroupent des musiciens et des danseurs (équivalents des Sintis en Europe). Les Ghorbat (lit. "ceux qui sont loin de chez eux") sont aussi d’anciens forgerons (rappelant par là les Kalderash de nos contrées). Ils fabriquent des tamis, des tambours et des cages à oiseaux. Ils colportent tissus et articles de bonneterie, assurent le négoce des animaux. Enfin, ils prodiguent des soins médicaux. Les Jahâli s’adonnent, de même, à la vente itinérante, mais aussi aux arts lyriques et à la mendicité. Les Pikrâdj sont maquignons, réparateurs de porcelaine et de bijoux. Leur activité de camelots s’applique à des articles de bijouterie de pacotille et, encore une fois, de bonneterie. Les hommes de la fraction Shâdibâz, comme leur nom l’indique (shâdi : "singe"), sont montreurs de singes. Ils vendent des bracelets de verre. Enfin, les Vanngâwâlâ sont prestidigitateurs.22 Seuls représentants en Afghanistan de la famille indo-aryenne des Dardes, les Pashaï ont une orature axée sur les chants de guerre et d’amour donnant lieu à des joutes poétiques entre les champions de vallées voisines. La langue pashaï s’illustre par une palette importante de parlers locaux qui reflètent l’isolement géographique de leur habitat montagneux aux reliefs vifs, formé de vallées s’étrécissant, à leur seuil, en goulets d’étranglement. Leurs villages verticaux ornés de bois sculptés, comparables à ceux du Nouristan, escaladent les escarpements rocheux. Surmontées de terrasses, les maisons communiquent entre elles. Pour passer de l’une à l’autre, il faut gravir des troncs d’arbres couchés en diagonale, rudimentaires escaliers monoxyles creusés de larges encoches servant de degrés. Leur base repose sur la terrasse inférieure et leur sommet sur l’angle supérieur du mur de la maison suivante. De la famille turco-mongole des langues turques, l’ethnie ouzbek (1,5 M) est réputée pour le travail de la laine : tapis et kilims, ainsi que les fameux tchapan, manteaux à manches longues que portent les adeptes du sport national afghan appelé buzkachi, nommés tchapandoz et célébrés par le roman de Joseph KESSEL intitulé Les cavaliers. Les Ouzbeks sont, généralement, agriculteurs, mais ont un passé d’éleveurs nomades, mode de vie que quelques groupes des confins montagneux septentrionaux ont pu perpétuer. Ce sont, évidemment, d’excellents cavaliers et des guerriers dont l’art est consommé23. Ils sont chaussés de bottes de cuir souple et coiffés de petits turbans. Ils édifient, en feutre de laine de mouton, des yourtes montées sur un bâti en bois de saule. Ils sont aussi artisans : céramistes, menuisiers (coffres, fenêtres et portes sculptées), tisserands (coton et soie, en quoi ils confectionnent des chemises et des manteaux). Leur sens esthétique s’exprime aussi en de superbes broderies. Parmi eux, peintres et lettrés décorent de dessins et de calligraphies des livres fabriqués en papier de soie. Appartenant à la même famille ethnolinguistique et partageant avec les Ouzbeks la passion du buzkachi, les Turkmènes possèdent aussi de très robustes chevaux, dressés et sélectionnés. Ils sont de fins joailliers, réalisant d’admirables bijoux en argents, sertis de pierres semi-précieuses et sont bien connus pour leurs merveilleux tapis de laine noués à la main sur des métiers horizontaux, mais aussi pour leurs bissacs et leurs vastes étoffes de tapisserie, objets confectionnés par les femmes, exemptées des travaux des champs car le tissage rapporte plus. Les plus talentueux artisans de la diaspora turkmène se sont pour la plupart établis en Turquie (Anatolie et Istanbul), où quelques-uns de leurs homologues afghans les ont rejoints, afin d’échapper aux avanies de la guerre. Les styles de tapis portent les noms de leurs tribus : Tekkes, Karas, Yomouds, Salors, Ersaris (les plus 22

RAO 1981. Un proverbe dit : « Au combat, un Ouzbek est plus redoutable qu’un Pachtoune en colère. » (communication personnelle d’un habitant de Kaboul originaire du Cachemire exilé à Paris). 23

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nombreux en Afghanistan) et Qurqin. De la sériciculture, ils tirent la soie de foulards et de coiffes féminines. L’ethnie kirghize est nomade pastorale et de structure tribale. Les Kirghizes afghans, nomades caravaniers, vivent sous la yourte, élèvent le yak et le mouton. Les Kazakhs font le commerce des chapan, vestes dont il est question plus haut. Jadis, les Juifs tenaient des pharmacies traditionnelles où ils élaboraient remèdes et préparations à base de plantes médicinales, selon des prescriptions établies d’après les préceptes de la médecine, héritée de l’Antiquité hellénistique, dite yûnâni – "grecque". Ils étaient spécialisés dans les transactions financières (prêt et change de monnaie) rivaux, en cette activité, des Sikhs et Hindous venus du Pendjab. Ces trois groupes ethniques assument donc les opérations bancaires, en principe interdites aux musulmans en raison de la prohibition religieuse frappant le commerce d’argent et le crédit. Les Arabes afghans, descendants de guerriers bédouins nomades pasteurs d’origine ont été bousculés de leurs lieux d’estive par les éleveurs itinérants pachtounes. Les femmes arabes sont expertes en broderie. Partie 3 (déontologie de l’ethnologie appliquée au développement durable de l’Afghanistan) : Quiconque a voyagé en Afghanistan dans les années 1960 ou 1970 conçoit aisément que l’extinction de la civilisation afghane par les méfaits de la guerre est une véritable tragédie. Sans doute la guerre fait-elle les choux gras de quelques marchands d’art et d’artisanat afghan, dont les collections prennent de plus en plus de valeur du fait de la rareté des objets qu’ils négocient, objets prêts d’acquérir un caractère inimitable… Soutenu et poussé par les Américains, le gouvernement afghan encourage le renforcement des principes de l’économie de marché néolibérale, en favorisant l’investissement étranger ou privé dans tous les secteurs (production agricole, commerce et industrie). Le résultat est que les profits sont confisqués par l’élite occidentale ou occidentalisée, au mépris des principes redistributifs et solidaires d’un pays mal doté en lois et en services publics assurant la protection sociale. La faim et la misère obligent les Afghans déshérités à se séparer des maigres biens qu’ils peuvent placer en gage, à des prix dérisoires et à des taux ruineux. Leur aliénation devient totale lorsqu’ils s’exilent en ville ou s’échappent à l’étranger à l’aide des réseaux internationaux de passeurs. En quête de moyens de subsistance honnêtes et corrects, ils sont contraints de sortir des rouages de la tradition et, sans logis, sans outil de travail, sans même, parfois, un papier d’identité, ils sont les proies rêvées de néolibéraux esclavagistes en quête de main d’œuvre bon marché24. 24

L’unique préoccupation de tels employeurs est de satisfaire les exigences de rentabilité et de profit dictées par la loi du marché (ou le lobby des actionnaires d’entreprises cotées en bourse). Certes, le processus de globalisation de la rationalité technologique selon le modèle de la mondialisation capitaliste, axé sur la compétitivité, la concurrence et la rentabilité, fondé sur le principe d’extraction de la plus-value, opère partout dans le monde. De fait, le processus de mondialisation néolibérale a été imposé par la domination d’idéologies matérialistes, dont les soubassements sont capitalistes ou communistes. Ces idéologies ont constitué des appareils bureaucratiques qui agissent partout, pas seulement en Afghanistan. Cette tendance est mondiale. Elle fut dépistée il y a 50 ans par le philosophe critique H. Marcuse ou par le philosophe post-rationaliste C. Castoriadis (co-fondateur de Socialisme ou Barbarie). Elle est dénoncée par les marxistes, qui prophétisent, depuis la fin du XIX° s., l’effondrement prochain du capitalisme du fait des contradictions internes à son mode de production. Enfin, il est proposé des scénarios alternatifs de croissance ou même de décroissance par les mouvements altermondialistes (étiquetés du label anti-mondialisation). Ceux-ci furent pour la première fois coordonnés en 1999 par l’organisation International Forum on Globalization (Forum international sur la globalisation – Californie) pour saboter la conférence de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) convoquée à Seattle. La conférence fut annulée en raison des désordres provoqués par les manifestants. Depuis le Forum social mondial de Porto Allegre, ouvert au Brésil le 25 janvier 2001, les opposants à la 14

Or dans les années 70-80, alors que les pays européens américanisés et une part du reste de l’humanité étaient déjà accablés par les progrès de la rationalité technologique des sociétés industrielles modernes, submergés par le courant consumériste de la seconde moitié du vingtième siècle, les Afghans avaient conservé une noblesse et une dignité qui fascinèrent les voyageurs, notamment la jeunesse non-conformiste et contestataire des pays industrialisés (mouvements beatnik et hippie). La raison en est que leur distinction naturelle (au sens de É. de La Boëtie) reflétait un état de conscience antérieur à celui des populations abruties par le matraquage médiatique.25 La prise en compte de toutes les ornières modernes de l’économie libérale cybernétique est indispensable afin de poser des fondations heuristiques hors de leurs champs d’influences. Il s’agit de concevoir un programme de recherche dans un pays où seule une économie saine est capable de redresser une situation très dégradée sur tous les plans. Il importe de garder à l’esprit que les recettes classiques du développement ne peuvent pas être appliquées à l’Afghanistan, puisque les fonds versés par les organismes internationaux aux autorités légales sont détournés par les services intermédiaires et contractants. L’extension continue de la misère sur les masses sociales souffrant de l’oppression engendre, à long terme, inexorablement, l’implosion, ce que les marxistes appellent de leurs vœux et souhaitent couronner par l’instauration de la dictature du prolétariat, phase du socialisme qui prépare à l’instauration du communisme, c’est-à-dire la propriété collective de toutes les richesses. Mais ni l’expérience soviétique ni l’expérience chinoise n’ont été probantes. Au lieu de l’avènement de la propriété commune de toutes choses, les apparatchiks (cadres du parti communiste) ont concentré le pouvoir entre leurs mains et confisqué les biens déclarés publics, avant de se lancer dans la course économique d’un néocapitalisme sans règle ni frein. Il est hors de question de proposer un tel modèle en Afghanistan, où la petite propriété, avec tous les mécanismes de solidarité qui attachent leurs tenants, forme une sorte d’organisation collective qui n’est pas du communisme primitif, mais représente une combinaison originale de gestion organisée des ressources et des outils de production. Ces dispositifs doivent être finement décrits et analysés avant de pouvoir construire un modèle de développement conforme à l’attente des peuples d’Afghanistan. * Les ressources locales de l’économie afghane sont peu abondantes. En dehors de la main d’œuvre bon marché, du nomadisme pastoral, des fruits frais et des fruits secs, de l’opium, des tapis, de la maroquinerie et des produits de l’artisanat, une précarité et une pauvreté terribles règnent sur l’Afghanistan. La plupart des commodités courantes sont frappées de carence ou d’absence : eau, électricité, pétrole, gaz, charbon, bois. La superficie des terres cultivables et des forêts, naturellement cantonnée à 10 ou 12% à peine du territoire, diminue du fait de la répétition d’années consécutives de sécheresse, à cause de l’exploitation irraisonnée du bois (50% de la couverture forestière a disparu) et en raison de la dégradation des systèmes d’irrigation (qui ne drainent, de toute façon, plus le même débit). Étant donnée la ruine actuelle de l’économie traditionnelle, une économie parallèle prend le relais en conduisant plusieurs trafics, souvent illicites et parfois criminels : stupéfiants, bois d’essences rares et pierres précieuses, êtres humains, armes et munitions. Le manque à gagner du trésor public afghan est proportionnel au déficit de la balance commerciale. La plupart des transactions effectuées à l’intérieur du pays ou avec l’extérieur esquivent les prélèvements de taxes et de droits de douane, souvent au profit de bakchichs. globalisation néolibérale se réunissent chaque année pour tenir un forum social international. 25 […] « cette ruse de tyrans – d’abêtir leurs sujets » […], citation d’É. de la Boëtie, La servitude volontaire, Arléa, Paris : 2003 (33). Pour mieux appréhender le processus, on peut se référer aussi aux thèses situationnistes de G. DEBORD (La société du spectacle : 1967), ainsi qu’à l’œuvre de M. Foucault (Surveiller et punir, Tel, Gallimard, Paris : 1993). 15

Malgré (ou à cause de) cette défiscalisation des activités les plus lucratives, l’économie afghane est en panne, souffrant d’échecs graves dans la sphère des activités agro-pastorales : élevage et produits alimentaires. Pour les éleveurs, un capital sur pied ne présente plus les garanties d’antan. Les gains des nomades, principaux sinon uniques exploitants des prairies d’estive, sont désormais investis dans des opérations financières ou commerciales. Les aléas du réchauffement climatique (absence de pluie ou chutes d’eau torrentielles) accentuent la mortalité touchant les cheptels de moutons et chèvres, maillon faible du mode d’exploitation des pasteurs afghans, sensible au gel, à la sécheresse, aux épizooties et aux épidémies. Un programme de sauvegarde du patrimoine humain afghan recèle un potentiel énorme sur le plan économique : chaque ethnie exerce une (ou plusieurs) spécialité (-s). Des magasins d’antiquités ou d’artisanat afghans ont déjà conquis les centre villes les plus prestigieux des pays développés. Il importe de comprendre que les principaux atouts locaux sont les savoirs traditionnels, sous toutes leurs formes, allant des motifs symboliques ou descriptifs d’un tapis aux préconisations et conseils de sagesse populaire contenus dans les proverbes et la poésie. Face à la rareté des minéraux, des énergies fossiles et des combustibles, des machines, de l’eau, des forêts et des champs cultivables, une réflexion multidisciplinaire suivie d’actions ciblées permettrait de forger des solutions durables. En ce qui concerne le recyclage des métaux, l’exploitation rationnelle des minéraux, l’importation ou la fabrication sur place des véhicules de transport pour les passagers et les marchandises, dans tous ces domaines, la contrainte de préservation des ressources non renouvelables doit être renforcée ou imposée. Récupération et ruissellement des eaux de pluie et de la rosée, protection des forêts et des prairies, adduction, conservation et stockage de l’eau sont également des sujets de délibération primordiaux afin de pérenniser la civilisation afghane. Les technologies alternatives de pointe apporteront une contribution décisive à la renaissance de l’économie traditionnelle. Toutes ces méthodes et ces réflexions devront faire l’objet d’une intégration au cursus scolaire ou d’une propagation par les moyens de la culture orale, encore très vivace. * Mais revenons-en au déclin des traditions esthétiques. La moyenne d’espérance de vie, de 40 ans à peine, est alarmante. En effet, durant les dernières décennies, un Afghan ne pouvait que malaisément poursuivre ses activités ordinaires. Un artisan chevronné qui était en activité au moment de l’invasion russe (1979) aurait atteint, aujourd’hui, en 2007, l’âge de 48 ans. S’adonner à son art lui fut peut-être impossible. Supposons simplement qu’il soit encore vivant. Ne devrait-on pas lui fournir toutes les facilités nécessaires à la reprise de son métier d’antan ? Afin qu’il puisse à nouveau fondre les métaux, tourner la poterie, tisser les étoffes ou nouer les tapis ? Quelle Organisation Non Gouvernementale (ONG) s’intéresse à cela ? L’objectif des ONG, en matière d’artisanat, n’est pas de ressusciter la pratique des métiers d’art mais d’offrir une formation professionnelle à de jeunes Afghans sans revenus. Or les stages et enseignements proposés correspondent rarement à une demande du marché. En outre, ils ont souvent pour effet collatéral de bousculer le cours de la tradition. Un programme de formation à la broderie ou training, s’adressant aux réfugiés afghans fut lancé par les ONG au tournant des années 80 à 90. Mais la broderie afghane a toujours été une occupation féminine. De ce fait, les jeunes hommes en apprentissage furent déconsidérés. De plus, ils piétinaient les plates-bandes du beau sexe. L’organisme formateur leur donnait à l’issue du stage une machine à coudre. Les broderies traditionnelles, par contre, étaient habituellement réalisées à la main. En définitive, ce cadeau des ONG trônait, sans utilité, dans un coin de la maison de la famille du stagiaire. Et là, elle provoquait chez les femmes afghanes exilées, une admiration mêlée d’hostilité, car elle menaçait la poursuite de leurs activités créatrices, déloyalement concurrencées par la machine. J’ajoute une dernière remarque critique au sujet de l’innocuité de cette formation :

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lorsque le patriarche de la maisonnée par laquelle j’ai été accueilli au Pakistan dans les années 1990 mit tous les hommes et jeunes gens de la maison au travail afin de réunir un viatique pour acheter un troupeau et reprendre le nomadisme pastoral, il n’a pas compté sur les revenus qu’il pourrait tirer des travaux de broderies de son fils. Ce dernier, quelques mois après, m’a montré ses mains couvertes de cals, dont la peau était usée et râpée, en me disant : « Vois ! Moi aussi j’ai gagné un peu d’argent pour le projet ; j’ai trimé sur les chantiers. » Certaines publications attestent que les ONG avancent à l’aveuglette et qu’elles devraient être éclairées par les conseils des anthropologues26. En effet, il est plus que temps de consulter les ethnologues afin qu’ils réalisent des enquêtes impartiales portant sur l’identification des besoins et des préférences des autochtones. Mais les anthropologues se doivent de coordonner leur réflexion avec les linguistes et d’autres spécialistes, frottés au contact d’hommes de terrain et de techniciens éprouvés. C’est la meilleure façon de ménager un espace de viabilité aux projets de préservation de la culture afghane. Si un dispositif pluridisciplinaire d’observation et de recherche concertées n’est pas mis en place de toute urgence, les arts traditionnels courent le risque d’un anéantissement total durant la prochaine décennie. Cette situation justifie des mesures de sauvetage immédiat. La première est de sélectionner les artistes et les artisans vivants capables de travailler et d’enseigner. Un stade ultérieur du programme, fondés sur l’évaluation de leurs aptitudes, les doterait d’un atelier de création, afin d’y prodiguer leur savoir-faire et leurs connaissances. Les meilleurs d’entre ces maîtres des traditions afghanes pourraient se voir décerner, en tant que représentants patentés du patrimoine humain immatériel de l’Afghanistan, le titre de trésor vivant de la culture, label décerné par l’Unesco à des individus hors pair. Si les principaux donateurs et acteurs des communautés internationales ne focalisent pas leurs efforts sur cet objectif, le savoir-faire des métiers d’art de tradition orale risquera l’extinction. Bien pis, l'absence de transmission amènera inéluctablement un rapide effondrement des pratiques culturelles et des structures économiques. Le survol de l’évolution des pratiques culturelles rurales et citadines27 démontre que leur déclin est déjà sérieusement amorcé dans les cités et même au-delà. Afin de définir des recommandations adaptées pour la relance du développement dans les campagnes, il est tout d’abord nécessaire de sonder en profondeur les mécanismes de l’économie locale. Une parabole qui me fut rapportée par M. Haider peut aider à le comprendre, aussi bien sinon mieux qu’un traité anthropologique ou économique. Un enfant, ébloui par la splendeur des tapis d’un artisan tapissier, vint lui dire : « Mon désir est d’apprendre à fabriquer des tapis. Puis-je être ton élève ? » L’autre lui répondit : « Ah ! réaliser un beau tapis exige de disposer des meilleurs matériaux. Va donc voir le marchand de laine et demande-lui conseil ! » Parcourant les allées du bazar, le garçon partit en quête du négociant. Celui-ci affirma : « Mon jeune ami, je ne sais quelle laine conviendrait pour ton premier ouvrage ! Tu ferais bien d’aller voir les koutchis maldars28. Eux sauront te renseigner ! » Plus tard, à l’âge de l’adolescence, il prit son bâton de pèlerin et s’en alla par les chemins visiter un campement de nomades. Il les questionna et ils répondirent : « Ce sont nos bergers qui s’occupent des bêtes. Si tu sais les interroger, ils t’instruiront des sujets qui te préoccupent. » Le gaillard, toujours aussi décidé à maîtriser l’art de nouer un tapis, s’en fut par monts et par vaux, vivant avec les bergers. Ceux-ci lui montrèrent, sur pied, toutes les toisons disponibles et lui expliquèrent comment il devrait fixer son choix, en fonction de l’objet désiré. Ils lui apprirent les avantages et les défauts de chacune de ces matières premières et comment les filer. Mais ils précisèrent, à la fin, qu’il 26

SWIFT 1990 ; WALDRON 1988, JOHNSON & LESLIE 2004. JOHNSON & LESLIE 2004. 28 Nomades éleveurs (cf. note supra). 27

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était primordial qu’il rencontrât le teinturier, qui ferait la lumière, suivant les fils de laine, sur les colorants adéquats pour garnir les fonds du tapis et pour l’orner de motifs. Le jeune homme repartit vers la ville et but un thé en compagnie du teinturier, qui l’autorisa à revenir le voir à condition, auparavant, d’avoir puisé auprès d’un herboriste de ses amis la science des teintures végétales. Celui-ci était un Juif érudit, qui avait assemblé les arcanes de son savoir aux sources ancestrales et orales de la tradition hellénistique. Sa pharmacopée et les recettes de ses préparations provenaient des enseignements d’Hippocrate, fondateur de la médecine dite "yûnâni"29 en Afghanistan comme en Perse et dans le monde arabe. Le vieil homme lui apprit les noms, la provenance, la saison de floraison et les modes de collecte et de conditionnement de toutes les espèces sauvages ou cultivées utilisées pour la teinture. Il lui expliqua comment les faire sécher et comment les broyer pour obtenir les pigments. De retour chez le teinturier, ce dernier lui apprit les proportions et les règles à respecter pour le trempage des laines du mouton et du chameau. Notre homme, bien qu’il ne se lassât point d’apprendre, approchait l’âge de la maturité. Il retrouva le fabricant de tapis. Celui-ci lui dit : « Fort bien, apprenti, tu as acquis des connaissances essentielles pour ce métier, mais sais-tu la matière dont est fait le cadre du métier à nouer ? – Il est en bois, évidemment, répondit-il. - Hé bien ! Va donc chez le menuisier, qu’il t’apprenne à monter un cadre pour y croiser la chaîne et la trame ! » Et l’apprenti s’en fut à nouveau, encore avide de connaissances. Le menuisier ne lui cacha rien de son art. Il dit qu’afin de bâtir un métier solide, il serait bon de rencontrer le bûcheron qui l’orienterait dans le choix des fibres et essences requises. Reprenant ses pérégrinations l’été suivant, l’homme gravit les montagnes. Là-haut, il apprit de la bouche d’un bûcheron quels arbres abattre. Il vécut quelque temps en forêt et son compagnon l’initia aux secrets de sa profession, l’aida à sélectionner et à durcir le bois destiné à monter le cadre du métier où il nouerait les fils de ses tapis. Enfin, ayant avec succès parcouru les étapes de ce long périple, désormais devenu un homme mûr, il revint vers son maître et lui annonça : « J’ai rencontré toutes les personnes recommandées par toi ou par d’autres, j’ai collecté toutes les informations qu’il m’ont prodiguées. Je crois être prêt à travailler sous tes ordres et je désire ardemment cheminer dans la voie de ton enseignement. Apprends-moi donc ton art, ô respectable barbe blanche ! – Ô, disciple honorable !, rétorqua le vieillard en inclinant la théière, bois ce verre et écoute-moi bien. » Le disciple savoura à petites lapées sonores le liquide brûlant, pendu aux lèvres de son interlocuteur. Alors, le tapissier reprit : « Par la fréquentation de tous les spécialistes : producteurs de laine, collecteurs et préparateurs de plantes sauvages, teinturiers, bûcherons et menuisiers, dorénavant, tu as acquis le savoir de la profession, sache donc que désormais je n’ai plus rien à t’apprendre ! » Deux leçons ressortent de cette histoire. La première, que le narrateur, M. Haider, en bon conteur, n’a pas jugé utile de formuler explicitement en raison de son évidence est le constat suivant : l’art du tapis met en action toute une chaîne économique dont dépend la qualité du résultat atteint. La dimension sociale de cette entreprise est primordiale car sans l’appui d’une nuée d’intermédiaires consciencieux et coopératifs, du nomade (pachtoune) à l’herboriste (juif), du bûcheron (nouristani) au charpentier (tadjik), il est impossible de réaliser un chef d’œuvre. Inversement, le tapis crée des liens économiques de solidarité qui maintiennent la cohésion sociale entre eux tous, quelles que soient leurs appartenances ethniques, sectaires et religieuses, géographiques ou historiques. La deuxième leçon de cette histoire, explicitée par M. Haider à la fin de sa narration, est que le métier de tapissier met à contribution les connaissances d’un chimiste (pour l’élaboration et l’application des colorants), d’un physicien (pour le choix des matériaux et, surtout, le filage de la laine), les compétences d’un géomètre (pour l’assemblage des montants du cadre du tapis) et celles d’un mathématicien (afin de nouer en bon ordre les fils sur le 29

Yûnân signifie « Grèce ».

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métier pour y produire les motifs choisis). Assurément, dans ce conte, le fabricant de tapis fait preuve de beaucoup de modestie. Car la qualité de ses œuvres dépend non seulement du soin porté au serrage des points et de la finesse de la trame (nombre de nœuds au centimètre carré), mais aussi de la justesse des calculs du maître tapissier, afin de constituer le décor, les bordures, le fond et les figures, bref la composition picturale de l’objet achevé. À ce sujet, n’oublions pas que l’acquisition des fibres textiles par l’homme au néolithique, est une des grandes conquêtes de l’humanité. Les techniques s’y rapportant n’ont cessé de se perfectionner au cours des millénaires. De nombreux indices culturels soulignent le prestige et la science des métiers du textile. Fileuses de la mythologie grecque, les Parques, scellent le destin de tous les êtres, animaux, dieux et humains. Géographiquement plus distants, les tisserands andins étaient les détenteurs de connaissances étonnantes. Celles-ci couvraient le champ de leur spécialité artisanale, mais elles leur valaient aussi d’insignes honneurs, en qualité de comptables et d’archivistes du Trésor Impérial des Incas. Leur maîtrise des nombres et de leurs combinaisons incite à penser qu’ils sont les auteurs des géoglyphes, ou figures géantes, de la civilisation Nazca30. Enfin, à travers le temps et l’espace, la valeur symbolique (et marchande) des tissus, en fonction de leur texture et de leurs couleurs, a toujours conféré à leurs possesseurs et porteurs une aura particulière, qui reflétait les privilèges attachés aux représentants des sphères du pouvoir 31. * Développement rural et mécanismes de l’économie locale sont en étroite corrélation, exposent HAIDER et NICOLAS (2006 : 129-153). L’exemple du tapis, auquel les auteurs consacrent un chapitre, met en évidence deux caractères essentiels de l’économie afghane : 1. la profonde interdépendance et la complémentarité totale des groupes sociaux impliqués dans la chaîne de production (nomades/sédentaires – éleveurs/agriculteurs – paysans/citadins, etc.) 2. le souci constant de la préservation des ressources naturelles, associé à une expérience séculaire (voire multimillénaire) de la gestion de la rareté (à commencer par celle de l’eau, dans cette zone aride). Cette économie durable avant la lettre est capable de créer et de maintenir une certaine prospérité à partir de ressources aléatoires mais néanmoins aptes à couvrir les besoins de chacun. De plus, cette économie de subsistance est dotée d’une capacité de stockage du capital en nature (sous les formes de tapis de prix), en prévision de périodes difficiles occasionnées par des sécheresses, des épizooties, le surpâturage, ou l’instabilité politique et des conflits militaires. À l’orée du deuxième millénaire de l’ère chrétienne (fin du XIV° s. musulman) demeurent sur la Terre quelques civilisations où l’emprise du monde industriel moderne s’estompe devant d’autres réalités. En Afghanistan, la suprématie du troc sur les échanges monétaires est une réalité pour 60% de la population (HAIDER & NICOLAS 2006). Ce phénomène constitue une aberration pour un économiste classique qui voit là une entrave au développement, partant, à la création d’emplois et de marchés nouveaux. À cela s’ajoute, dans ce contexte, une très nette prépondérance, dans le volume des 30

Cf. H. STERLIN (1983) : Nazca – La clé du mystère. D’après l’auteur de cette hypothèse, les figures géantes des hauts plateaux andins auraient été réalisées par les Quipuscamayos. Ces experts tisserands étaient responsables des Archives Centrales de l’empire inca et ils effectuaient tous leurs calculs, géométriques et calendaires, au moyen de nœuds alignés sur des cordelettes (appelées quipu). 31 Le roman de l’érudit libanais H. BARAKAT (1999/2001) mentionne que la soie était réservée aux souverains dans l’empire byzantin, et aux hommes dans le monde musulman. Par ailleurs, dans le monde romain, la pourpre (du latin purpura, mollusque de la famille des murex, le pourpre) était réservée aux empereurs et aux tenants des hautes magistratures. 19

échanges économiques, des activités frauduleuses (contrebande et banditisme) sur les activités productives (agriculture, élevage, artisanat, industrie), sous l’effet de la guerre et à cause des faiblesses de l’appareil d’État, rongé par la corruption et miné par le népotisme. En Afghanistan à l’heure actuelle, la logique de l’économie de subsistance et de razzia l’emporte haut la main sur celle de l’économie de marché. L’emprise de la mafia est telle que même les financiers afghans hésitent à investir dans la relance économique de leur pays, menacés qu’ils sont, en personne ou en la personne de leurs proches, de faire l’objet d’enlèvements, d’attentats et autres manœuvres d’intimidation. Cependant l’amalgame est trop vite fait, dans les esprits pétris de culture occidentale, entre économie de subsistance et pratiques illicites, économie souterraine et trafics clandestins, tribalisme et mafiosisme. Il est important de conserver à l’esprit que le chercheur, en Afghanistan, doit pénétrer dans la logique d’une économie mixte, où échange, troc, subsistance, bazar, lois de la concurrence, mais aussi contrebande et marché noir, spéculation et spoliation voisinent et se recouvrent parfois. * C’est pourquoi, au lieu de crier avec les loups pour plus de répression, et donc une armée et une police puissantes aux commandes d’un État autoritaire, il est préférable de plaider la cause opposée par les arguments suivants. Si, en Afghanistan, un tel État n’existe pas et n’a jamais pu subsister trop longtemps, c’est tout simplement parce que les ressources économiques locales n’y suffisent pas et que la volonté populaire récuse une telle solution. Si, en Afghanistan, se multiplient les activités délictueuses et criminelles, c’est que l’argent y afflue par certains canaux. Comment ces canaux verrouillent-ils la société traditionnelle et permettent-ils d’exploiter la population ? N’est-ce pas que certains individus escomptent ainsi parvenir à un enrichissement rapide ou procéder à une conquête brutale du pouvoir politique ? La réponse à ces questions est en corrélation avec le fait de la présence étrangère. Un parallèle est à établir entre les promesses eschatologiques des terroristes internationaux de l’islam (mouvance al-Qaida et consorts) et l’opportunité de sortir de la misère par des moyens violents ou malhonnêtes (réseaux mafieux). L’évolution climatique et les désastres (pas tous naturels, certains étant aidés par l’homme) qui frappent périodiquement (et certains de plus en plus fréquemment) l’Afghanistan (sécheresse, tremblements de terre, pluies diluviennes et inondations) laissent à penser que la situation ne peut s’améliorer sans intervention extérieure. Les instruments du progrès économiques introduits dans le pays jusqu’à présent n’apportent aucune amélioration au bien-être de la plupart des individus, puisque les innovations techniques les plus rentables du moment sont du domaine de l’armement et de la transformation du pavot en héroïne. S’il fallait identifier deux traits caractéristiques à l’âme afghane, je citerais sans hésiter la fierté, fondée sur le sens de l’honneur, et la vocation à incarner une supériorité morale et physique, reposant sur des convictions spirituelles et religieuses. C’est cet état d’âme auquel l’étranger doit être initié afin d’accéder à la compréhension du plan d’existence particulier de ce conservatoire des traditions ancestrales et des usages immémoriaux qu’est l’Afghanistan. Cette certitude intérieure est partagée par les Afghans, qui, dans leur quête de sens à la vie, dans leur imaginaire social, en tant que projet individuel et commun, n’accordent leur confiance ni à l’État, ni à la bureaucratie, non plus qu’à aucun idéal politique, plaçant toutes leurs espérances dans la sincérité de leurs relations avec leur prochains tant qu’elles sont inspirées par l’adhésion à la volonté divine32. La pérennité de leur civilisation réside dans une appartenance identitaire religieuse ou spirituelle invoquant la référence à la toute-puissance du principe divin. Ce ne sont pas là des 32

Nous disons, de façon ironique « Il n’y a que la foi qui sauve ! », pour nous moquer des charbonniers de la foi. Mais le proverbe afghan dit : « L’homme que Dieu protège sera en sécurité même dans la gueule du lion. » 20

spécificités afghanes, pourra-t-on rétorquer. Certes, ces convictions sont communes à bien des consciences sincères, indifférentes aux mirages de la rationalité technologique et de la loi du profit. De fait, ces dispositions ne cadrent guère avec les projets et les préoccupations ordinaires de l’homme moderne33 et ne peuvent pas favoriser la conversion au credo occidental fondé sur un humanisme en crise face à un réalisme économique impitoyable et prédateur. En ce sens, la riposte terroriste islamique est portée par deux vecteurs : l’un, autochtone, repose sur la croyance au paradis et en la rétribution des actions guerrières à l’encontre de mécréants. L’autre, bien que résultant d’une influence étrangère, s’appuie sur le pragmatisme des Afghans dans le choix des méthodes de combat. Il consiste en l’introduction de pratiques inédites dans le paysage local, tels que l’attentat kamikaze et les enlèvements, éventuellement suivis d’exécutions capitales ritualisées (égorgements sur fond de chants islamiques, forme de reality-show particulièrement abjecte). En effet, la société afghane traditionnelle ne mange pas de ce pain-là : les traditions d’hospitalité y sont très fortes. De plus, elles s’appliquent à tous les requérants d’asile et de protection, quelles que soient leurs origines ethniques ou religieuses. Le recrutement et l’intégration, par les Moudjahidin, de déserteurs de l’armée soviétique durant l’occupation russe en Afghanistan en témoignent avec éloquence. Mais les traditions martiales sont également tenaces chez les Afghans et le souci d’efficacité dans les techniques de combat est une des facettes de leur pragmatisme, particulièrement efficace dans la sphère de l’équilibrage des échanges de meurtres associés au devoir de vengeance – laver l’honneur de la famille. Pour sortir enfin de la spirale de la violence, il est nécessaire de lever la pression militaire pesant actuellement sur la population, de restaurer l’autonomie des provinces, de mettre fin aux trafics d’armes par un embargo total sur toute importation officielle ou clandestine des munitions militaires, et d’envoyer partout des équipes d’observateurs, afin d’identifier les moyens de satisfaire les besoins vitaux de la population. Grâce à ces actions, combinées avec la collecte de matériaux et d’échantillons ethnographiques et linguistiques, tant dans le domaine des arts et artisanats indigènes que dans celui des productions intellectuelles et immatérielles de tous ordres, viendra le temps de procéder à une évaluation générale : 1. de la quotité de population en fonction des terres disponibles ; des tableaux généalogiques indiqueront la mortalité due aux famines et les handicaps imputables à la malnutrition ; 2. des dommages subis au cours des conflits précédents ou récents, mais aussi au titre du réchauffement climatique ; au moyen d’enquêtes auprès des hameaux, villages, quartiers, immeubles, seront déterminés au cas par cas les blessures, les amputations et infirmités diverses, ainsi que les décès survenus au sein de la population, l’étendue des sinistres subis par les habitations, écosystèmes et infrastructures détruits ou abîmés ; 3. sur un plan national, des transferts technologiques (matériels et cognitifs) destinés à subvenir aux besoins des populations et à leur croissance (natalité et retour au pays) ; 4. du montant des compensations à verser et des frais à engager : 4a. au titre de pensions d’invalidité et d’indemnités en cas de décès ; 4b. pour la création d’un environnement adapté aux handicaps et problèmes de santé rencontrés par les victimes de dégâts collatéraux ; 4c. en vue de la mise en place de programmes de formation (ingénierie et logistique) aux techniques et aux procédures de gestion et d’administration d’équipements collectifs ; 5. des obstacles spécifiques dressés par chaque communauté à l’encontre de l’obligation planétaire de limitation des naissances ; à l’issue d’un sondage d’ampleur nationale, élaboration d’une argumentation adéquate en faveur de l’établissement d’un planigramme familial. 33

Dans le sens péjoratif à connotation de grégarité défini par Friedrich Nietzsche. 21

Les points 4. c et 5. sont axés sur des vecteurs étrangers aux systèmes de représentations indigènes. En effet, la technologie afghane est, en raison de l’absence d’activités industrielles et de recherche de pointe, fondée sur la gestion des ressources naturelles minérales, végétales et animales, sauvages ou domestiquées. Un chirurgien argentin, habitué de l’Afghanistan des années 80, m’affirmait que tout s’y réglait au moyen des ânes et des chameaux (transport), des récoltes et des troupeaux (alimentation) et que tous les échanges économiques tournaient autour d’histoires de terres et d’eau, de pierres, de bois et de denrées de première nécessité. L’introduction de machines ou de techniques nouvelles peut heurter les normes de l’équilibre local traditionnel. C’est pourquoi les projets novateurs doivent intégrer la perspective et les présupposés logiques d’une pauvreté généralisée et d’une exploitation raisonnée du peu dont on dispose (4c.). En fonction du respect accordé à ces principes directeurs, qui sont des acquis pour la population rurale traditionnelle, les intervenants du futur plan de sauvetage du patrimoine afghan pourront rechercher les arguments capables de convaincre la population de procéder à une régulation des naissances, ce qui aurait pour effet de réduire le taux de mortalité périnatale et infantile notoirement catastrophique dans ce pays (5.). L’article 5., prolongement logique à l’article 1., vise à préserver pour chacun les conditions minimales pour atteindre ou conserver une qualité de vie correcte. Les articles 4a. et 4b. font écho à l’article 2., car la réparation des dommages de guerre est une obligation préalable au retour à la paix. Il s’agit d’une clause impérative au niveau des représentations sociales et politiques des autochtones. Au contentieux déjà lourd des préjudices évidents, tels que morts violentes, viols, torture, il faut ajouter les perturbations psychologiques et les désordres de santé entraînés par les bombardements ordinaires ou nucléaires (victimes irradiées par l’uranium appauvri des bombes américaines) ou encore la détention arbitraire et les condamnations abusives (à Guantanamo, Begram et Kandahar, par exemple). Une autre nuisance imputable à la civilisation industrielle difficile à évaluer est celle des dégradations climatiques qui affectent l’Afghanistan, pays situé en zone aride. Les pays développés doivent reconnaître leur responsabilité face aux humains privés d’eau. Leurs émissions de CO2 ont pris de telles proportions qu’ils ont provoqué l’effet de serre. Conclusion (quelques pistes à suivre et de nombreux pièges à éviter) : Connaissant les carences et la corruption de l’administration, les marges de manœuvre sont étroites en Afghanistan. Remplir les missions essentielles d’un État digne de ce nom, c’est-à-dire gouverné par une assemblée élue soucieuse de l’intérêt général de la nation, constitue, au constat de l’absence, dans l’imaginaire social afghan, des notions d’État Providence ou d’État de droit, une gageure. C’est pourquoi l’alternative se présente ainsi : (a.) instaurer un État suffisamment armé et équipé afin de juguler les velléités de révolte des faubourgs miséreux où s’entassent les victimes de l’exode rural ; (b.) favoriser un système d’autogestion spontanée en créant des réseaux de communautés indépendantes fédérées34. La recommandation (a.) consiste à suivre le vecteur d’une politique totalitaire, de nature autoritaire et répressive. Cela a déjà conduit au désastre en Afghanistan, mais continue d’être l’objectif premier des Etats-Unis d’Amérique, des Nations Unies, de l’OTAN et de M. Karzaï. Ceux-ci, apparemment ignorants des spécificités de la formation nationale de l’Afghanistan, ferment les yeux sur l’impuissance, pourtant incrustée dans l’histoire depuis la fondation de l’État (1747), du gouvernement central. Ils prétendent instruire et former les fonctionnaires. Or, l’État afghan n’est jamais parvenu qu’à imposer sa présence dans la capitale (à 34

Constituées en conseils paysans et comités de quartier (djirgagey), ces assemblées locales, à la façon des aarch / pl. aarouch, lors de l’insurrection algérienne (SEMPRUN 2001 : 44), pourraient assumer la gestion des affaires publiques au niveau local, et, par leur association et leur fédération, aux niveaux national et international. 22

Kandahar ou à Kaboul), dans quelques villes et à l’étranger, dans ses légations. Pour ce qui est des provinces afghanes, il a le plus souvent échoué dans l’organisation du recensement et de l’imposition des citoyens. Il tarde même à payer à ses fonctionnaires leurs maigres subsides35. La seconde recommandation (b.) prend en considération l’aptitude des Afghans à assumer leurs destinées et à définir eux-mêmes les fins et les moyens de cette entreprise. Pour les deux raisons évoquées plus haut (1. incapacité structurelle imputable au défaut d’une conception adéquate de l’État ; 2. exercice spontané par les populations de la démocratie directe), la réussite du projet de sauvegarde du patrimoine humain immatériel d’Afghanistan est vouée aux chances de réalisation d’une méthode d’action autogérée et altermondialiste. Il est évident que toutes les peuplades constituant le trésor vivant ethnolinguistique de l’Afghanistan ont conservé des éléments culturels issus de leurs ancêtres et parfois même de traditions animistes. Une tâche énorme attend de nouvelles générations d’ethnologues et de philologues afin de révéler à l’humanité le détail et la complexité du multiculturalisme afghan rural. C’est pourquoi une commission mixte et pluraliste d’experts, anthropologues et linguistes d’origines diverses, propriété garantissant sa neutralité, est essentielle. Cependant, pour la conduite des opérations de terrain du projet, les menaces pesant sur la sécurité des étrangers nécessitent actuellement la participation des indigènes, qui pourront, seuls, établir des relations sûres avec toutes les couches sociales autochtones. Le travail d’enquête (entretiens et observations) doit donc être mené par des Afghans, qui assisteront un collège de spécialistes de toutes nationalités afin de synthétiser les données obtenues sous la forme de représentations scientifiques (analyses et théories). Ces chercheurs seront issus de toutes origines ethniques et de toutes appartenances confessionnelles et politiques, dans le souci de la diversité et de la représentativité des groupes sociaux objets d’investigation. Dans un premier temps, ce collège définira des priorités d’étude, soumises à l’approbation (si possible) unanime des chercheurs. Une liste détaillée des spécialités concernées par le projet précédera la procédure de désignation d’équipes d’enquêtes de terrain indigènes, multiethniques et représentatives de la diversité des appartenances religieuses et spirituelles, politiques et idéologiques des régions où ils seront envoyés. Afin de faire face au fiasco économique d’un Afghanistan où l’État est incapable de contrôler les activités mafieuses liées au trafic d’armes et de stupéfiants (production de 92% de l’opium mondial et reprise des hostilités militaires) et ne peut pas non plus combattre efficacement les effets du réchauffement global de la planète, particulièrement virulents dans ce pays (4 années de sécheresse consécutives), deux stratégies complémentaires s’imposent : a. planifier la réduction drastique des émissions de dioxyde de carbone (mesure mondiale) et prononcer un cessez-le-feu général qui soit un prélude à la concertation de tous les belligérants (nationaux, internationaux) afin de signer un traité de désarmement instituant la prohibition de fournitures de munitions pour armes de guerre, ainsi que le dépistage systématique, la neutralisation et la confiscation de toutes bombes et mines anti-personnel b. réhabiliter tous les acteurs sociaux actuellement dévoyés ou pervertis par le système en place, en leur proposant des activités de substitution rentables et honnêtes.36 Les instruments et les méthodes de recherche préconisés seront donc conformes aux principes d’une économie durable et solidaire. Les agents de terrain seront tous sensibilisés à la déontologie de l’enquête de terrain ethnographique. Cela impliquera pour les candidats une formation préliminaire à la connaissance et à la description de l’environnement naturel et aux méthodes de la sociologie. L’observation participante doit constituer le pilier central et l’axe 35

EVANS & alii, 2004. Criminels repentis (mafieux, moudjahidin, talibans ou islamistes, trafiquants et miliciens) et auteurs de crimes ou délits (torture, séquestration, chantage, pots-de-vin, corruption, etc.) 36

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majeur de leur cursus, car l’art de vivre des Afghans n’est perceptible que par le biais d'une immersion linguistique et culturelle complète. Cette expérience est familière aux ethnologues, rompus à cet exercice, qui ont vécu, au fil des ans, hébergés par les groupes qu’ils étudiaient. De plus, le fait d’initier des Afghans à ce type de méthode de terrain anthropologique correspond à un nouveau tournant des sciences. Celles-ci sortent péniblement des limbes colonialistes et néo-colonialistes (évolutionnisme, diffusionnisme), mais aussi des brumes du relativisme (structuralisme et culturalisme) dans le cadre desquelles elles ont scintillé depuis leur avènement. L’ethnologie et son corollaire, la sociologie comparative, ont vocation à s’orienter vers une pratique comparatiste : les groupes étudiés, qui ne vivent pas dans un isolat sociologique, mais dont le quotidien est profondément perturbé par les mutations du monde contemporain, ont beaucoup à apprendre aux citoyens des civilisations industrielles modernes médiatiques et électroniques. Il ne s’agit plus, dans le cadre de conflits entre grandes puissances, de manipuler les populations cibles de la science, ni pour les exterminer, ni pour les assujettir. Il ne s’agit pas non plus de réduire leur culture à des schématisations mathématiques ni à des systématisations réifiantes, pas plus que d’analyser leurs particularités intrinsèques en vase clos, ce qui a souvent pour effet secondaire de les pousser à s’enfermer dans des revendications identitaires xénophobes et racistes, voire dans des comportements ethnocidaires tels que l’épuration ethnique. Collecter toutes les bribes encore disponibles des connaissances traditionnelles et les corpus d’enseignement de la culture orale ou écrite des campagnes et des villes afghanes doit faire toucher du doigt à l’homme occidental combien la sagesse de l’Autre, confrontée aux pressions de l’ère contemporaine, de plus en plus vives, sur tous les points de la Terre, peut être utile à l’homo informaticus. En effet, ce dernier, au terme de la révolution industrielle, conduit l’ensemble de l’humanité et des êtres vivants vers des impasses écologiques et des catastrophes. Dans l’Afghanistan contemporain, confrontées aux armées des plus grands États de la planète, les arcanes se déploient de la sagesse multimillénaire d’une population politiquement, socialement, ethniquement, économiquement, religieusement, linguistiquement mixte et décentralisée, obligée de composer et de faire preuve de solidarité tous les jours face à la faiblesse des ressources capables d’assurer sa subsistance. Cette sagesse incarne la reconnaissance de la valeur intrinsèque de chaque chose et de chaque être. Elle est vitale pour toute l’humanité et il est urgent d’en répertorier les préceptes, contenus dans les langues, dialectes, récits et créations symboliques issus de l’imaginaire fécond de peuples préservés de l’influence des médias de communication virtuelle (télévision, ordinateurs, tous supports domestiques des industries de diffusion et de reproduction sonore et visuelle).

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BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE ET THÉMATIQUE DE L’AFGHANISTAN AVERTISSEMENT Cette bibliographie est indicative. Elle comporte un choix de publications significatives, un échantillon des travaux accessibles et une somme de renvois aux ouvrages cités dans le corps du texte (à l’exception des titres qui y sont cités avec une référence complète). Les principaux livres et articles mentionnés ci-après sont relatifs à l’Afghanistan ou figurent au titre d’une problématique abordée dans l’article. Quelques-uns concernent le Pakistan, pays voisin avec lequel l’Afghanistan partage sa plus longue frontière et son ethnie dominante, les Pachtounes. Une bibliographie détaillée de la littérature disponible en langues vernaculaires fait défaut. Thèmes et rubriques : Généralités – Artisanat et symbolique – Économie Rurale – Femmes – Linguistique – Minorités ethniques – Orature (littérature de tradition orale) – Soufisme Généralités ADAMEC L. W., éd. Gazetteer of Afghanistan. (6 vol.) Tucson, University of Arizona : 1985 BLONDIN, D. Les deux espèces humaines – Autopsie du racisme ordinaire. Paris, L’Harmattan (Espaces interculturels) : 1995 (267) DAUD, Z. L’État monarchique dans la formation sociale afghane. Berne/Francfort, Peter Lang : 1982 (410) DESSART, L. L’Afghanistan – précis historique. Paris, L’Harmattan : 2004 (235) IDEM Les Pachtounes – économie et culture d’une aristocratie guerrière – Afghanistan / Pakistan. Paris, L’Harmattan : 2001 (614) DUPAIGNE,B. Afghanistan – Rêve de paix. Paris, Buchet Chastel : 2002 (150) DUPAIGNE,B. & ROSSIGNOL, G. Le guide de l’Afghanistan. Lyon, La Manufacture : 1989 (381p.) DUPREE, L. Afghanistan. Princeton, Princeton University Press : 1980 (778) ELPHINSTONE, M. An Account of the Kingdom of Caubul. (2 vol.) London / Karachi / New York / London, Longman + Oxford University Press (1815/) : 1972 EVANS, A. & ALII A Guide to Government in Afghanistan. Washington, The International Bank for Reconstruction and Development : 2004 (160) HAIDER, H. & NICOLAS, F. Afghanistan – Reconstruction et Développement. Gémenos (F13420), Éditions Autres Temps : 2006 (263) HART, D. M. Guardians of the Khaibar Pass. Lahore, Vanguard Books : 1985 (208) IBBETSON & ALII : A Glossary of the Tribes and Castes of the Punjab and North-West Frontier Province. (3 vol.) Lahore, ‘Aziz Publishers : (1911/) 1978 (923 + 573 +533) JOHNSON, C. & LESLIE, J. Afghanistan – The Mirage of Peace. London / New York, Z Books : 2004 (237) KOSHKAKI, M. B. : Qataghan et Badakhshan. (3 vol. – traduction, tableaux, cartes) (traduit par M. REUT) Paris, CNRS : 1979 KRAUS, W. Afghanistan – Name, Geschichte, Kultur, Stadt, Gesellschaft, Wirtschaft. Tübingen : 1972 MC LACHLAND, K. & WHITTAKER, W. A Bibliography of Afghanistan. Cambridge, Middle East and North African Press : 1983 MARCUSE, H. L’homme unidimensionnel – étude sur l’idéologie de la société industrielle. Paris, Éditions de Minuit : 1968 ORYWAL, E. Die ethnischen Gruppen Afghanistan. In : Beihefte zur Tübinger Atlas des vorderen Orient (Reihe B – Geisteswissenschaften) Nr 70. Wiesbaden, Dr Ludwig Reichert : 1986 (315) RAVERTY Notes on Afghanistan and Baluchistan. Cf. Minorités ethniques

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Principaux groupes ethniques et linguistiques d’Afghanistan (classement établi d’après ORYWAL 1986) Ethnie minimum maximum Langue Religion GROUPE TURCO-MONGOL Uzbek 750 000 1,346 M uzbakî Sunnite Turkomân 125 000 400 000 turkmânî Sunnite Qarliq 3 000 13 000 turc Sunnite Kirghizes 1825 36 000 kirghiz Sunnite Moghol 1 000 5 000 pashtûSunnite fârsî+mongol Kazakh 3 000 21 000 ? Sunnite Qizilbash 5 000 37 000 Persan Chiite imâmite (dâri-fârsî) Mawrî / Marvi 1 700 4 100 turc Sunnite / Mauri mêlé de pashtûfârsî Qiptchak 7 250 17 000 fârsî + qiptchak Sunnite Tâtâr 60 000 60 000 fârsî Sunnite GROUPE INDO-EUROPÉEN Parâtchî 5 000 5 000 parâtchi Sunnite Tirahî / Tirû ? ? darde ? Gavârbâti ? ? darde Sunnite Ormurî 700 700 ormurî Sunnite (mêlé de pashtûfârsî) Cheikh Muhammadi ? ? âdûrgari Sunnite (mêlé de pashtûfârsî) Jogi ? ? magatibai Sunnite Kutânâ ? ? ? ? Gudjâr 4 200 5 000 gudjri-gudjari Sunnite Pashaï 20 000 100 000 pashâï (indo-aryen) Sunnite Nûristâni 60 000 100 000 kâtî-âshkunîSunnite vamaï- vaïgalî prasun-tregami (indo-aryen) Balûch 70 000 207 000 balûtchi Sunnite Sikh 10 000 20 000 fârsî-dâri-pashtû Sikh (mêlé de pandjabi) Hindu 20 000 20 000 fârsî-dâri-pashtû Hindouiste (mêlé de sindhi+hindi) Pashtûn 4,8 M 7M pashtû Sunnite Tâdjîk 2M 3,6 M dârî Sunnite Tâdjik des montagnes 10 000 30 000 ishkashimi-mungiIsmaélienne et sunnite rûshâni-sanglichisedjnani-wakhi GROUPES MIXTES / POLYETHNIQUES Hazâra 870 000 1,1 M hazâragî Chiite ismaélienne et

30

Aimâq

500 000

830 000

Taimânî (Tchahâr Aimâq) Firûzkûhî

85 000 95 000

185 000 110 000

(Tchahâr Aimâq) Hazâra Sunni

50 000

60 000

(Tchahâr Aimâq) Jamshîdî

34 000

85 000

(Tchahâr Aimâq) Tîmûrî (autres Aimâq) Zûri (autres Aimâq) Malikî (autres Aimâq) Mishmast (autres Aimâq) Tâhirî (autres Aimâq)

33 000 15 000 12 000 5 000 17 000

75 000 35 000 12 000 5 000 17 000

60 000 9 000

62 100 12 500

Farsiwân Ghat (Balûtch ; Djalâli ; Ghorbat ; Pikradj …) Arabes Yahûdi

100 000 300

Brahui

10 000

fârsi

imâmite Sunnite

fârsî-dâri persan et hindi

Imâmite Sunnite

GROUPE SÉMITIQUE 100 000 fârsî 1 000 fârsî-dâri-pashtû (mêlé d’hébreu) GROUPE DRAVIDIEN 20 000 brâhûî

Sunnite Judaïque Sunnite

31

Remèdes à l’extinction du patrimoine immatériel en Afghanistan, par Laurent Jean Roger DESSART, Docteur du Muséum National d’Histoire Naturelle : [email protected] (tél. 033-0-681166615), Les Clausonnettes - 21 rue de la République - F-30 300 Beaucaire - FRANCE

-------------------------------------------------------------------------------------------------Remèdes à l’extinction du patrimoine culturel immatériel en Afghanistan Forme condensée en résumé académique de 300 mots (en français)38 À l’issue d’une enquête menée en 2007, il n’existait à cette heure, de la part de l’Unesco ou des institutions européennes, pas de proposition concertée sur un projet concernant la sauvegarde des arts et artisanats traditionnels en Afghanistan. En dehors des champs de la culture officielle (comme les musées, les bibliothèques, les jardins), et les médias contemporains (comme la télévision, la radio, le tournage de films et de vidéos, la photographie et la presse), rien n’est fait pour prévenir la disparition de l’esthétique et des modes de vie populaires. Essentiellement rural, le patrimoine immatériel ethnique et linguistique a survécu à l’issue d’un quart de siècle de conflits sanglants et d’instabilité politique. Les tapis, réalisés par les Turkmènes, les Baloutches et les Uzbeks, la joaillerie, également conduite par les Turkmènes, les bois sculptés et les meubles du Nouristan, les boîtes peintes et la broderie, ainsi que la couture et les peintures sur camion sont les traditions les plus renommées parmi les activités populaires afghanes artistiques et artisanales. Mais il en est d’autres (parfums, gastronomie, musique, poésie, etc.) dans lesquelles les Afghans cultivent l’excellence. Elles méritent qu’on leur donne la possibilité de survivre. Dans les années soixante et soixante-dix du siècle passé, beaucoup d’ethnologues et de linguistes ont appliqué des méthodes scientifiques à l’étude de la culture populaire, notamment à l’étude de la tradition orale. Mais cette tâche n’a jamais été achevée. À la suite des bouleversements des dernières décennies, c’est devenu une urgence. En raison de la faible espérance de vie des Afghans (40 ans), il se pourrait qu’il n’y ait plus jamais d’avenir ni pour les artisanats traditionnels ni pour les traditions rurales, si les efforts des communautés internationales (principaux donateurs et acteurs en matière de reconstruction) ne sont pas concentrés dans cette direction. Pour ce motif, il est nécessaire que des scientifiques coordonnent leur réflexion afin de concevoir un projet viable pour la préservation de la culture afghane traditionnelle. Bien sûr, dans ce brain-trust, une commission d’anthropologues et de linguistes d’origine étrangère est nécessaire. Mais pour la réalisation du programme, les menaces pesant sur la sécurité des personnes impliqueront la participation des indigènes. Ils sont les seuls à pouvoir établir des relations sûres avec les informateurs. 38

32

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