UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES Faculté de philosophie et lettres Langues et littératures françaises et romanes
LA FÉMINISATION L’opposition de l’Académie française face à la féminisation des noms de métiers, fonctions et titres
DECLERCQ Magalie HANTON Aurore
Travail réalisé dans le cadre du cours : Grammaire descriptive II (Roma-B-304)
ANNÉE ACADÉMIQUE 2007-2008
Introduction Notre travail s’inscrit dans le cadre de la féminisation des noms de professions, titres et fonctions. Il aborde la controverse provoquée par cette féminisation des noms et plus particulièrement, il s’attarde sur le point de vue adopté par l’Académie française face à ce « problème ». Pour mieux le comprendre, nous avons restitué tout d’abord son contexte.
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1. Le contexte : l’origine de la polémique à propos de la féminisation des noms Le débat trouve son point de départ au Québec. En 1979, l’Office québécois de la langue française exhortait à l’utilisation des formes féminines dans tous les cas possibles. Un comité de travail était crée en 1982, chargé de répertorier les termes auxquels ne correspondait pas de forme féminine reconnue et ceux pour lesquels l’appariement masculin-féminin était problématique. Le 4 avril 1986, l’Office québecois de la langue française approuva le texte de ce comité, Titres et fonctions au féminin : essai d’orientation de l’usage.
En France, des femmes appartenant au gouvernement ou évoluant dans les milieux proches du pouvoir avaient soulevé une question en 1981. Elles remarquaient l’absence de certaines formes féminines dans les échelons supérieurs de la hiérarchie sociale où étaient utilisés des termes exclusivement masculins. Elles percevaient cette lacune comme un signe d’oppression, un obstacle au changement social et aussi une quasi exclusion des femmes de ces fonctions. La question linguistique de la féminisation des titres et des fonctions fut donc d’emblée posée comme un problème de société. En juillet 1983, une loi fut votée sur « l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ».
En 1984, suite à une première initiative du Gouvernement en faveur de la féminisation du vocabulaire concernant les femmes, l’Académie française, fidèle à sa mission, réagit et fit publier une déclaration dont ses auteurs Georges Dumézil et Claude Lévi-Strauss nous rappellent le rôle des genres grammaticaux en français.
Le 11 mars 1986, le premier ministre, Laurent Fabius, adresse une circulaire présentant un ensemble de règles et d’exemples devant permettre « aux
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sujets et aux institutions concernées de produire à leur tour les termes dont ils ou elles ont besoin », reprenant ainsi les idées émises par l’Office québecois. Mais cette circulaire ne fut jamais appliquée à cause d’un changement de majorité politique.
Le 17 décembre 1997, le conseil des ministres décide de féminiser les appellations des emplois administratifs à l’occasion de la nomination de plusieurs femmes à des postes supérieurs de l’administration. Cette décision est très controversée car deux clans s’opposent : celui du premier ministre, Lionel Jospin, appuyé par le Président de la République, Jacques Chirac, qui approuve la résolution du conseil des ministres ; et la clan des juristes du secrétariat général du gouvernement défendant l’idée que cette décision mettrait en danger la pérennité des textes en y faisant allusion au sexe de leur auteur. Cette prise de position du conseil des ministres n’est pas s’en rappeler la circulaire de Laurent Fabius.
Le 8 mars 1998, Lionel Jospin fait paraître une circulaire reprenant les conclusions d’une commission et dans laquelle il recommande d’utiliser des termes dont le féminin est d’usage courant.
Le débat sur la féminisation provoqua de vives réactions en France surtout chez les académiciens pour qui c’en est trop de ces décisions émanant « de ces gens du pouvoir qui ne doutent de rien […] eux qui connaissent à peine 500 mots1 ». En effet, aucun texte ne donne le pouvoir au Gouvernement de modifier de sa seule autorité le vocabulaire et la grammaire du français.
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Paroles de J. Dutourd dans France Soir Magazine (23 juin 1984).
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2. Les textes officiels 2.1 Circulaire du 11 mars 1986 relative à la féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre Paris le 11 mars 1986, Le Premier ministre, à Mesdames et Messieurs les ministres et secrétaires de l’Etat. L’accession des femmes, de plus en plus nombreuses à des fonctions de plus en plus diverses, est une réalité qui doit trouver sa traduction dans le vocabulaire. Pour adapter la langue à cette évolution sociale, Mme Yvette Roudy, ministre des droits de la femme, a mis en place, en 1984, une commission de terminologie chargée de la féminisation des noms de métiers et de fonctions, présidée par Mme Benoîte Groult. Cette commission vient d’achever ses travaux et a remis ses conclusions. Elle a dégagé un ensemble de règles permettant la féminisation de la plupart des noms de métier, grade, fonction ou titre. Ces règles sont définies en annexe à la présente circulaire. Je vous demande de veiller à l’utilisation de ces termes : - dans les décrets, arrêtés, circulaires, instructions et directives ministériels ; - dans les correspondances et documents qui émanent des administrations, services ou établissements publics de l’Etat. - dans les textes des marchés et contrats auxquels l’Etat ou les établissements publics de l’Etat font parties. - dans les ouvrages d’enseignement, de formation ou de recherche utilisés dans les établissements, institutions ou organismes de l’Etat, placés sous son autorité, ou soumis à son contrôle, ou bénéficiant de son concours financier. Pour ce qui concerne les différents secteurs d’activités économiques dont vous avez la charge, il vous appartient de prendre les contacts nécessaires avec les organisations socio-professionnelles concernées afin d’étudier les modalités spécifiques de mise en œuvre de ces dispositions.
Laurent Fabius
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Annexe
Règles de féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre Les féminins des noms de métier, fonction, grade ou titre sont formés par l’application des règles suivantes : 1° L’emploi d’un déterminant féminin : une, la, cette. 2° a) Les noms terminés à l’écrit par un « e » muet ont un masculin et un féminin identiques : un architecte, une comptable,… Remarque : on notera que le suffixe féminin « esse » n’est plus employé en français moderne (une poétesse). b) Les noms masculins terminés à l’écrit par une voyelle autre que le « e » muet ont un féminin en « e » : une chargée de mission, une déléguée. c) Les noms masculins terminés à l’écrit par une consonne, à l’exception des noms se terminant par « eur » ont : - un féminin identique au masculin : une médecin. - ou un féminin en « e » avec éventuellement l’ajout d’un accent sur la dernière voyelle ou le doublement de la dernière consonne : une agente, une huissière, une mécanicienne,… d) Les noms masculins terminés en « teur » ont : - si le « t » appartient au verbe de base, un féminin en « teuse » : une acheteuse,… ; - si le « t » n’appartient pas au verbe de base, un féminin en « trice » : une animatrice,… ; Remarque : - L’usage actuel a tendance à donner un féminin en « trice », même à des noms dans lesquels le « t » appartient au verbe de base : une éditrice,… ; - dans certains cas, la forme en « trice » n’est pas aujourd’hui acceptée ; dans ce cas, on emploiera un fémini identique au masculin : une auteur,… ; e) Les autres noms masculins terminés en « eur » ont, si le verbe de base est reconnaissable, un féminin en « euse » : une vendeuse, une danseuse,… ; Remarque : Le suffixe féminin « esse » n’est plus employé en français moderne : une demanderesse,… Si le verbe de base n’est pas reconnaissable, que ce soit pour la forme ou le sens, il est recommandé, faute de règle acceptée, d’utiliser un masculin et un féminin identiques : une proviseur, une ingénieur, une professeur,…
Il convient de mentionner que deux procédés ont été retenus dans l’annexe de la circulaire du 11 mars 1896 : l’article et l’affixe.
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1) L’article :
le choix de l’article féminin pour indiquer le sexe est déjà pratiqué dans l’usage : un / une analyste, maire, professeur, docteur, chef, syndic, témoin, etc.
il concerne les lexèmes terminés par –e à l’écrit ainsi que ceux pour « lesquels la dérivation s’avère complexe, pour des raisons graphiques, historiques ou connotatives ».
mais aussi les termes terminés par –o, un / une dactylo, sténo, etc. ou par – in qui ont été fort peu dérivés par les sujets, tels médecin ou marin.
tous les termes peuvent être féminisés, en français contemporain, sur ce premier modèle. Il a le mérite d’aller dans le sens d’une stabilité des formes, tendance relevée en synchronie.
un certain nombre de mots en –eur pourront donc également être féminisés de la sorte (soit un / une censeur, proviseur, etc.)
2) l’affixe –e
son utilisation entraine parfois une modification du signifiant du lexème masculin par l’adjonction d’un accent ou d’une consonne, comme dans le cas des affixes –ière, -ienne, etc. ; d’où déléguée, apprentie, adjointe, agente, avocate, huissière, greffière, inspectrice, etc.
pour les noms en –eur ou –teur, les lexèmes attribuables à des séries verbales adoptent régulièrement l’affixe –euse ou –teuse (cf. coiffer, coiffeuse), -trice est cependant en extension même dans de tels cas, et pas uniquement pour les affixes –ateur, -iteur, etc. (cf. éditeur, éditrice)
pour les termes sans verbe de base, tels professeur, chauffeur, censeur, proviseur, ingénieur, par exemple, ils ont proposé une féminisation selon le premier procédé, malgré l’existence de chauffeuse (meuble) ou de professeuse, dans certains usages.
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2.2 Circulaire du 6 mars 1998 relative à la féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre Paris le 6 mars 1998, Le Premier Ministre à Mesdames et Messieurs les ministres et secrétaires d’Etat. Voilà plus de dix ans, le 11 mars 1986, mon prédécesseur, Laurent Fabius, adressait aux membres du Gouvernement une circulaire prescrivant la féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre dans les textes réglementaires et dans tous les documents officiels émanant des administrations et établissements publics de l’Etat. Cette circulaire n’a jamais été abrogée, mais elle n’a guère été appliquée jusqu’à ce que les femmes appartenant à l’actuel gouvernement décident de revendiquer pour leur compte la féminisation du titre de ministre. Elles ont ainsi engagé un mouvement qu’il faut poursuivre afin que la féminisation des appellations professionnelles entre irrévocablement dans nos mœurs. Pour accélérer l’évolution en cours, j’ai demandé à la commission générale de terminologie et de néologie de mener une étude qui, à la lumière des pratiques passées et des usages en vigueur dans d’autres pays francophones, fera le point sur l’état de la question. La commission pourra s’appuyer notamment sur les travaux accomplis en 1984 et 1985 par la commission pour la féminisation des noms de métier et de fonction. Son étude devra m’être remise dans le courant du second trimestre 1998. En liaison avec ces travaux, l’Institut national de la langue française se propose d’établir un guide pour les usagers. Ce guide qui recensera les termes utilisés dans les pays francophones et contiendra des recommandations concernant les formes féminines les mieux adaptées à nos usages, fera l’objet d’une large diffusion. Dès maintenant, et sans attendre le résultat des travaux de la commission générale de terminologie et de néologie, il convient de recourir aux appellations féminines pour les noms de métier, de fonction, grade ou titre dès lors qu’il s’agit de termes dont le féminin est par ailleurs d’usage courant (par exemple, la secrétaire, la directrice, la conseillère). Je vous invite à diffuser cette pratique dans les services placés sous votre autorité et à l’appliquer dans les textes soumis à votre signature. Lionel Jospin
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Nous avons pensé qu’il était judicieux d’introduire dans notre travail, les textes officiels qui se prononcent en faveur de la féminisation des noms et ce, pour mieux exposer les principes de l’Académie française, hostiles à cette féminisation et les rendre plus clair.
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3. Le rôle de l’Académie française Pour mieux comprendre l’intervention de l’Académie française dans la querelle concernant la féminisation des noms, il est préférable de redéfinir son rôle par rapport à la langue française. Fondée en 1634 par Richelieu, l’Académie Française a pour fonction première, charge conférée dès l’origine de ses statuts, de fixer la langue, pour en faire un patrimoine commun à tous les français et à tous ceux qui pratiquent notre langue. L’Académie est présente à tous les échelons du dispositif d'enrichissement de la langue française, puisqu’elle est membre de droit de chaque commission spécialisée et de la commission générale de terminologie et de néologie. Elle agit pour maintenir les qualités de la langue française, son prestige et elle suit également l'évolution de celle-ci. Et surtout, c'est l'Académie française qui définit le bon usage.
L'Académie française joue, en outre, un rôle primordial dans l'examen et l'approbation des termes publiés au «Journal officiel ». Elle examine chaque nouveau terme avant de l'intégrer à la langue française (et donc à son dictionnaire) et ceux dans le respect des règles fondamentales de la langue française.
Sa seconde mission est le mécénat, cette fonction ne fait pas partie des objectifs au fondement de l'Académie française. Elle attribue des subventions à des sociétés littéraires ou savantes, à des œuvres de bienfaisance, aux familles nombreuses, aux veuves, aux personnes défavorisées,...et décerne également des prix littéraires, une soixantaine environ par an.
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4. La position de l’Académie française face à la féminisation des noms L’Académie française s’oppose farouchement à la féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre, elle déplore les dommages qu’une telle mesure inflige à la langue française et l’illusion selon laquelle une grammaire « féminisée » renforcerait la place réelle des femmes dans la société. L’Institution développe son argumentation autour de deux points essentiels : l’argument linguistique et la notion d’usage. L’argument linguistique trouve sa source dans la thèse qui figurait dans une déclaration rédigée le 14 juin 1984 par Georges Dumézil et Claude LéviStrauss. Dans cette thèse, les académiciens nous suggèrent tout d’abord qu’en français, aucun rapport d’équivalence n’existe entre le genre grammatical et le genre naturel. Ils craignent ainsi que la Commission de terminologie, créée à l’initiative du Gouvernement, chargée d’étudier la féminisation des titres et des fonctions procède à une ineptie sur la notion de genre grammatical et adopte des propositions contraires à l’esprit de la langue.
Le français connait deux genres nommés masculin et féminin mais ces dénominations héritées de l’ancienne grammaire sont inadéquates, nous devrions plutôt distinguer ceux-ci en genres respectivement marqué et non-marqué.
Rappelons que le genre est une catégorie grammaticale qui sert à signaler, par le phénomène de l’accord, des relations sémantico-syntaxiques ; elle assure la cohésion syntaxique du groupe nominal et facilite la coréférence.
Le genre dit masculin est le genre non-marqué, que nous pouvons aussi appeler extensif,ce qui signifie qu’il est capable de représenter à lui seul les
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éléments relevant de l’un et l’autre genre, il désigne indifféremment des hommes ou des femmes comme par exemple dans la phrase « tous les hommes sont mortels ». Son usage signifie que, dans cet exemple, l’opposition des sexes n’est pas perspicace et il peut y avoir confusion.
Par contre, le genre dit féminin estle genre marqué, ou intensif. Or, sa marque est privative, elle affecte le terme d’une limitation. Le genre marqué, appliqué aux êtres animés, établit entre les sexes une ségrégation, une distinction. C’est pour cette raison que l’Académie évoque donc la valeur collective et générique du genre masculin. Selon elle, il est absurde de répéter le même substantif ou le même pronom au féminin puis au masculin pour désigner un groupe de personnes composés d’hommes et de femmes : « les électrices et les électeurs », « toutes celles et tous ceux » sont des tours qui ne disent rien de plus que « les électeurs », « tous ceux ». Elle nous conseille également de s’abstenir d’indiquer entre parenthèses ou après une barre oblique la marque du féminin, considérée comme une marque excessive, elle n’apporte aucune information supplémentaire et gêne considérablement la lecture. La féminisation peut alors s’opposer à la règle générale en français de l’accord du pluriel au masculin. Il est impossible d’écrire : « Le coussin et la couverture sont blanc(he)s ». Elle peut ainsi produire un déséquilibre dans les structures mêmes de la langue et rendre difficile la formulation des phrases les plus simples. Le masculin générique peut donc englober des référents appartenant aux deux sexes lorsque le contexte impose une interprétation généralisante. Le respect de la notion de l’usage est important pour l’unité de la langue. En effet, son non-respect peut aboutir à un résultat inverse à celui recherché. L’application ou la libre interprétation des règles de féminisation édictées par certains organismes français ou francophones, a facilité l’apparition de nombreux néologismes empreints d’une valeur dépréciative ou appelés plus communément barbarismes. La Documentation française, avec une préface du premier ministre, a
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publié un catalogue de métiers, titres et fonctions systématiquement et arbitrairement « féminisés » où nous retrouvons des termes tels que professeure, ingénieure,
auteure,
docteure,
proviseure,
procureure,
rapporteure,
réviseure,…des néologismes dont il faut absolument éviter d’utiliser. Certaines formes sont d’autant plus absurdes que les féminins réguliers correspondants sont attestés, comme par exemple chercheure à la place de chercheuse ou encore instituteure à la place de institutrice. L’oreille autant que l’intelligence grammaticale devraient prévenir contre des aberrations lexicales telles qu’agente, cheffe, maîtresse de conférence, écrivaine, autrice,… Dumézil et Lévi-Strauss ne manquent pas de souligner qu’ « En français, la marque du féminin ne sert qu'accessoirement à rendre la distinction entre mâle et femelle. La distribution des substantifs en deux genres institue, dans la totalité du lexique, un principe de classification, permettant éventuellement de distinguer des homonymes, de souligner des orthographes différentes, de classer des suffixes, d'indiquer des grandeurs relatives, des rapports de dérivation, et favorisant, par le jeu de l'accord des adjectifs, la variété des constructions nominales. Tous ces emplois du genre grammatical constituent un réseau complexe où la désignation contrastée des sexes ne joue qu'un rôle mineur. Des changements, faits de propos délibéré dans un secteur, peuvent avoir sur les autres des répercussions insoupçonnées. » Ils défendent l’idée qu’il serait plus raisonnable de laisser le soin à l’usage de modifier. Assurément, l’Académie, se fondant sur l’usage, n’a aucune raison de refuser des mots utiles et bien formés. Mais, conformément à sa charge, défendant l’esprit de la langue et les règles qui président à l’enrichissement du vocabulaire, elle rejette un esprit de système qui tend à imposer des formes barbares ou ridicules. Enfin, selon l’Académie française, seul le genre dit masculin, le genre donc non-marqué peut traduire la nature indifférenciée des titres, grades, dignités et fonctions. Les mots chevalière, officière, députée, sénatrice, etc.., ne doivent donc pas être employés.
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Des documents attestent de la position des académiciens comme par exemple la Déclaration faite par l’Académie française en séance le 14 juin 1984 sur laquelle nous nous sommes attardés longuement dans ce même point plus haut et sur laquelle nous ne reviendrons plus. Nous possédons également d’autres témoignages d’académiciens contre la féminisation : Le sexe des mots,écrit par Jean François Revel, une lettre rédigée par Maurice Druon intitulée Bon français et féminisation et l’article L’Académie française veut laisser les ministres au masculin dans le Figaro du 9 janvier 1998, signé par Maurice Druon, Héléne Carrère d'Encausse et Hector Bianciotti. Nous avons voulu tenter une approche critique sur ces trois textes.
Tout d'abord, il nous est apparu nécessaire de regrouper et de traiter ces textes conjointement, ils reprennent l'argument de l'Académie française du masculin générique. Deux de ces textes ont un autre point commun, ils examinent la pratique mise en œuvre par les femmes ministres, qui consista à se faire nommer « Madame la Ministre ».
Dans sa lettre, Mr Druon, sur un ton emphatique et quelque peu ironique, comme le montre les termes « elles gémissent ou glapissent » et « ah! La belle nouveauté », aborde de manière légère et un peu méprisante le souhait des femmes ministres de féminiser les noms de métiers. Il ponctue beaucoup de ses dires par des commentaires sagaces.
Ainsi, pour lui, les dames ministres se plaignent toujours: quand il ne s'agit pas d’exprimer leur mécontentement sur la parité homme-femme, il s'agit pour elles d'afficher leurs différences.
Cependant, outre ses propos piquants, Mr Druon reprend la thèse de l'Académie française à propos de la généricité du masculin comme la représentation de cette forme neutre qui n'existe pas en français. Il emploie, pour étayer cette thèse, toute une série d'exemples, dont nous ne relèverons qu'un seul
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pour montrer le ton de cette lettre et l'idée prépondérante de l'Académie française au sujet de la féminisation: « Celle-ci affecte aux termes génériques, aux espèces vivantes notamment, le masculin ou le féminin sans grande logique, reconnaissons-le. Mais encore une fois tel est l'usage, un usage immémorial. Souris, grenouille, cigogne, sont du féminin. Une cigogne mâle reste une cigogne. Et l'on ne voit pas que La Fontaine eût écrit dans une fable Monsieur le souris. »
Ce sujet sur le masculin générique est repris dans l'article du FIGARO dont les académiciens ajoutent (Mr Druon participant également à cet article) que « Ce faisant, les intéressés, non seulement, commettent, à leur insu, un contresens grammatical, mais de surcroît elles vont à l'encontre de la cause qu'elles croient défendre. » ceci au sujet des dames ministres.
Pour ces deux textes, il n'est pas sans risque de vouloir modifier arbitrairement les règles et les usages. Le respect de ceux-ci importe à la structure de la langue et ceci importe également aux pays francophones qui ont cette langue en partage. Cette idée commune illustre biens les ambitions de l'Académie française dès sa création et sa position sur la féminisation illustrée précédemment.
Enfin, le texte « Le sexe des mots » de Mr Revel reprend le concept du masculin générique, lui aussi, en développant l'idée d'une culpabilité politique, et c'est cette culpabilité qui a amené la crise actuelle. Afin de ne pas s'appesantir sur leurs propres fautes, les politiciens préfèrent s'arroger le droit de dénaturer la langue française.
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Conclusion Nous pouvons donc conclure que l’Académie française n’accepte pas, comme nous l’avons vu, cette féminisation des noms de métiers, fonctions et titres. Elle recommande le maintien des formulations liées à des rapports anciens entre les hommes et les femmes au nom de la grammaire et du bon usage. Il est donc important de préserver les dénominations collectives et neutres donc le genre non marqué. L’Institution prend tout de même en compte l’évolution de la société puisqu’elle fait un geste en faveur de la féminisation lorsqu’elle demande de ne pas imposer par décret les Recommandations du Conseil supérieur de la langue française, publiées en 1990. Mais elle donne son accord et les recueille dans son Dictionnaire ! Elle souhaite tout de même que ces Recommandations soient soumises à l’épreuve du temps. Nous voyons donc que l’Académie a délivré l’usage en le laissant rivaliser avec des formes différentes jusqu’à ce que le meilleur terme l’emporte. Elle veut rester fidèle à cette politique de lutte contre toute dégradation envers notre langue. L’Académie véhicule une image de protecteur, de défenseur sans être néanmoins un despote.
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Bibliographie Anonyme, Le féminin des noms de métiers, grammaire.reverso.net/6_3_01_la_feminisation_des_noms_de_metier.sh tml, 16 décembre 2007. BENTZ Luc, Féminisation : les trois aspects du problème, décembre 2001, www.langue-fr.net/d/feminisation/3aspects.htm, 16 décembre 2007. DRUON Maurice, Bon français et féminisation, webdroit.unige.ch/bibliographie/druon_feminisation.htm, 16 décembre 2007. DRUON Maurice, Carrière D’Encausse Hélène et Bianciotti Hector, « L’Académie française veut laisser les ministres au masculin », Le Figaro, n°16611, 9 janvier 1998, p. 25. DUMÉZIL Georges et LÉVI-STRAUSS Claude, Déclaration faite par l’Académie française en séance du 14 juin 1984, www.academiefrancaise.fr/langue/questions.html, 16 décembre 2007. REVEL Jean François, « Le sexe des mots », La gazette de la presse francophone, n°85, juin 1998. Service du dictionnaire de l’Académie française, Note du service du dictionnaire de l’Académie française, décembre 2001, www.languefr.net/d/feminisation/secretariat-academie.htm, 16 décembre 2007. www.academie-française.fr/, 16 décembre 2007. www.ciep.fr/chroniq/femi/femi.htm, 16 décembre 2007.
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