Maladies infectieuses
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Vaccinations Bases immunologiques et microbiologiques, indications, contre-indications, accidents, efficacité (calendrier et caractère obligatoire des vaccinations exclus) Dr Sabine BARON 1, Dr Daniel LÉVY-BRUHL 1, Pr Jacques DRUCKER 2 1. Réseau national de santé publique, 94415 Saint-Maurice cedex. 2. Laboratoire de santé publique, CHU Bretonneau, 37044 Tours cedex 01
Points Forts à comprendre • Compte tenu de ces développements et de la place croissante de la prévention vaccinale dans le contrôle des maladies transmissibles, il est primordial pour les professionnels de santé de bien maîtriser les connaissances et la pratique des vaccinations. • Leur rôle est de proposer les vaccinations en expliquant aux patients leurs objectifs, protection individuelle directe, ou protection collective indirecte,au regard des risques liés aux maladies et en tenant compte des éventuels risques liés aux vaccins.
La pratique vaccinale constitue une des activités les plus courantes des médecins généralistes, des pédiatres et des professionnels de santé publique. La vaccination représente en effet une arme préventive remarquablement efficace qui justifie sa place importante dans la politique de santé d’un pays. Le développement rapide de la connaissance scientifique en immunologie, microbiologie et épidémiologie a fait progresser considérablement le domaine des vaccinations ces dernières années, au point que l’on peut parler de l’émergence d’une nouvelle discipline : la vaccinologie. Celle-ci a conduit à de nombreuses innovations technologiques telles que l’apparition de nouveaux vaccins, de nouvelles associations vaccinales, l’amélioration de vaccins déjà anciens devenus plus maniables, plus sûrs, plus efficaces.
Bases immunologiques de la vaccination Les mécanismes de l’immunité acquise après vaccination sont analogues à ceux que l’organisme utilise pour lutter contre les infections microbiennes ou virales. L’introduction d’un antigène vaccinal dans l’organisme déclenche une réponse immunitaire de type humoral et (ou) cellulaire faisant intervenir deux types de cellules, les macrophages et les lymphocytes.
Réponse vaccinale humorale : dynamique de la formation des anticorps Les lymphocytes B constituent le support de la synthèse des anticorps, lorsqu’ils sont stimulés par l’injection d’un antigène vaccinal. La première injection d’un vaccin entraîne, après une période de latence, la production transitoire d’anticorps à un taux faible : c’est la réponse primaire. La réintroduction du même antigène vaccinal déclenche, pour les antigènes protéiques, une production d’anticorps rapide, intense et prolongée : c’est la réponse secondaire ou anamnestique. Les anticorps synthétisés lors de la réponse primaire sont d’abord de classe IgM, puis de classe IgG ; la réponse anamnestique fait intervenir d’emblée les anticorps de classe IgG ; elle est d’autant plus efficace qu’un intervalle minimal est respecté entre la 1re dose du vaccin et l’injection de rappel. Si l’intervalle est trop court, la 2e stimulation antigénique peut être inefficace, du fait de l’élimination de l’antigène par les anticorps sériques encore présents à un taux trop élevé. Certains antigènes vaccinaux nécessitent l’administration de 2 à 3 doses de vaccins pour déclencher une réponse primaire.
Réponse vaccinale à médiation cellulaire La rapidité de la production d’anticorps observée au cours d’une réponse vaccinale anamnestique est l’expression d’une mémoire immunologique induite lors de la primovaccination par l’intermédiaire de la stimulation de lymphocytes T à mémoire. Ce phénomène est fondamental en vaccinologie puisque le développement de la mémoire immunologique conditionne la qualité et la durée de l’immunité conférée par la vaccination. Les rappels naturels (contact asymptomatique avec l’agent infectieux sauvage) peuvent également « entretenir » l’immunité post-vaccinale. Lors d’un contact avec l’antigène vaccinal, se produit une activation de lymphocytes T responsables d’une cascade de réactions métaboliques et de la production de différents médiateurs tels que les cytokines permettant la lyse des cellules infectées et favorisant la synthèse d’anticorps. Les lymphocytes T ne reconnaissent pas directement les antigènes vaccinaux qui leur sont présentés après liaison avec des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité au sein de différents types de cellules présentatrices telles que les macrophages. Cette étape est sous la dépendance de LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48
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facteurs génétiques. Les macrophages synthétisent aussi des substances modulant la réponse immune telles que prostaglandines ou interleukines, ces dernières intervenant comme modérateurs de la coopération entre les lymphocytes B et T. Les vaccins polysaccharidiques induisent une réponse cellulaire « T-indépendante » (pas de coopération lymphocytes T-lymphocytes B) ; c’est pourquoi ils sont faiblement immunogènes avant 2 ans et ne procurent pas d’effet de rappel quel que soit l’âge. Leur conjugaison à un antigène protéique induit une réponse cellulaire « T-dépendante » avec effet de rappel. La réponse immunitaire à médiation cellulaire est prédominante dans la protection contre les micro-organismes à reproduction intracellulaire comme le bacille de la tuberculose. Seules des bactéries vivantes et se multipliant localement peuvent induire une immunité protectrice contre la tuberculose.
Facteurs intervenant dans la réponse immunologique à la vaccination La réponse du système immunitaire à la stimulation par un antigène vaccinal dépend de 5 facteurs essentiels.
1. Nature et dose de l’antigène administré La qualité antigénique des vaccins varie avant tout selon qu’ils sont constitués de germes entiers vivants ou tués ou de fractions de germe. La capacité d’un antigène vaccinal à exercer une bonne stimulation est fonction également de sa taille, de sa constitution chimique, de sa configuration spatiale et de la structure microbienne dont il est issu. La dose d’antigène administré influence la réponse du système immunitaire, notamment le degré de développement de la mémoire immunologique.
2. Présence d’un adjuvant dans le vaccin Il existe deux types de vaccins : les vaccins qui contiennent un antigène brut, et ceux qui contiennent un antigène adsorbé sur un adjuvant. Les adjuvants sont des molécules inertes qui exercent une activité immunostimulante non spécifique, sans être eux-mêmes immunogènes. La plupart des vaccins tués sont adjuvés afin de renforcer leur pouvoir antigénique.
3. Mode d’administration du vaccin Les vaccins injectables induisent une bonne immunité générale mais une faible immunité locale. Les vaccins administrés par voie orale ou nasale induisent une forte immunité muqueuse au niveau des tissus dans lesquels ils se localisent (tractus intestinal ou respiratoire) : ainsi, le vaccin anti-poliomyélitique oral, du fait de ses capacités de réplication intestinale, permet une diminution plus rapide de la transmission du virus sauvage que le vaccin injectable, propriété particulièrement intéressante pour contrôler une épidémie. 540
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4. Présence d’anticorps circulants Dans les premiers mois de la vie, le nourrisson est protégé contre de nombreux micro-organismes grâce aux anticorps transmis par sa mère. La présence de ces anticorps inhibe l’action des vaccins à germes vivants. Ceux-ci ne doivent donc pas être administrés tant que les anticorps maternels persistent (un taux faible peut persister jusqu’à 9 mois, voire 1 an). Les vaccins à germes tués échappent à cette règle, car ils ne doivent pas se multiplier pour être antigéniques. De même, le vaccin contre la tuberculose (bacille de Calmette et Guérin, BCG), qui agit par un mécanisme d’immunité à médiation cellulaire et non pas par production d’anticorps, peut être administré dès la naissance. Pour les mêmes raisons, l’administration thérapeutique ou préventive d’immunoglobulines risque d’inhiber l’installation d’une immunité active, avant et après l’administration de vaccins vivants.
5. Facteurs génétiques de la réponse immunologique vaccinale La reconnaissance de l’antigène, le degré de production des anticorps et le type de réponse immunitaire sont sous contrôle génétique. Certains gènes appartenant au complexe d’histocompatibilité contrôlent les mécanismes sélectifs de reconnaissance antigénique, d’autres qui obéissent à une transmission autosomique dominante gèrent de façon non spécifique le niveau de la réponse immunologique. C’est ainsi que l’on peut distinguer des individus bons ou mauvais répondeurs à une stimulation antigénique : on a pu associer, par exemple, la non-réponse à l’antigène HBs à un haplotype HLA particulier.
6. Autres La réponse immunitaire décroît avec l’âge, surtout l’immunité à médiation cellulaire, mais aussi la réponse humorale, comme cela a été observé chez les personnes âgées avec les vaccinations contre la grippe, les pneumococcies, l’hépatite B…
Bases microbiologiques de la vaccination Selon la nature des germes utilisés pour leur fabrication, on distingue 3 types de vaccins : les vaccins entiers bactériens ou viraux, et les vaccins à fraction antigénique.
Vaccins bactériens entiers Ces vaccins bactériens sont constitués de germes entiers tués (inactivés) ou vivants (atténués) : – parmi les vaccins bactériens tués, on peut citer les vaccins à germes entiers contre la coqueluche ; – parmi les vaccins bactériens vivants : le vaccin contre la tuberculose (BCG).
Vaccins viraux entiers Ces vaccins viraux contiennent des virus entiers tués (inactivés) ou vivants atténués :
Maladies infectieuses – les vaccins viraux tués : vaccins contre la poliomyélite (injectable), la grippe, la rage, l’hépatite A ; – les vaccins viraux vivants : ils doivent se multiplier dans l’organisme pour déclencher la stimulation du système immunitaire : vaccins contre la poliomyélite (oral), la rougeole, la rubéole, les oreillons, la fièvre jaune, la varicelle, futurs vaccins contre les rotavirus.
Vaccins à fraction antigénique Ces vaccins sont constitués d’extraits antigéniques, inactivés ou non, provenant de bactéries ou de virus, et obtenus par purification, synthèse ou recombinaison génétique.
1. Vaccins polysaccharidiques Ils contiennent des fractions polysaccharidiques de la capsule des bactéries : vaccin contre les pneumocoques (23 sérotypes), les méningocoques (sérogroupes A et C) et Salmonella typhi ; le vaccin contre Haemophilus influenae b contient le polyoside capsulaire conjugué au toxoïde tétanique ou à d’autres protéines. Des vaccins conjugués pneumococciques seront prochainement disponibles.
2. Vaccins protéiques Les vaccins contre l’hépatite B qui contiennent l’antigène de surface recombinant du virus de l’hépatite B (Ag HBs) ; les anatoxines (toxines détoxifiées) qui induisent l’apparition d’anticorps antitoxiniques protecteurs contre l’exotoxine tétanique, ou diphtérique ; les vaccins coquelucheux acellulaires contenant les antigènes de virulence de Bordetella pertussis.
Recommandations particulières Certaines vaccinations sont ciblées en fonction d’un risque professionnel, ou d’un risque lié au terrain ou à l’environnement.
1. Risque professionnel • Professionnels de santé : tétanos-polio, diphtérie à l’embauche (si date de plus de 10 ans), hépatite B (en 4 injections), BCG et typhoïde (uniquement pour le personnel de laboratoire). • Leptospirose : égoutiers, garde-pêche, sujets en contact avec les eaux usées, rizières… • Rage : vétérinaires, garde-chasse, personnel de laboratoires, des fourrières… • Hépatite A : personnel des crèches et internats spécialisés, personnel de la restauration collective, sujets en contact avec les eaux usées.
2. Risque lié au terrain • Hépatite B : nouveau-nés de mères porteuses de l’antigène HBs, insuffisants rénaux, hémophiles, polytransfusés, entourage familial de sujets porteurs de l’antigène HBs, toxicomanes, sujets aux partenaires sexuels multiples… • Pneumocoque : drépanocytaires, splénectomisés, sujets avec syndrome néphrotique, brèche ostéo-méningée, insuffisants respiratoires et sujets alcoolo-tabagiques. • Grippe : sujets de plus de 70 ans, insuffisants cardiaques et respiratoires, drépanocytaires, sujets en internat spécialisé. • Varicelle : enfants atteints d’hémopathie ou de tumeur solide, à risque de varicelle grave (et leur entourage).
3. Risque lié à l’environnement
Indications Enfant Les indications selon l’âge sont précisées dans le calendrier vaccinal français et régulièrement mises à jour en fonction des données épidémiologiques françaises, et des conditions d’utilisation des vaccins disponibles. Le tableau ci-après « résume » les recommandations formulées en août 1996 par la Direction générale de la santé avec adjonction des dernières recommandations. Le prochain calendrier sera diffusé courant 1998. Lorsqu’un retard est intervenu dans la réalisation du calendrier indiqué, il n’est pas nécessaire de recommencer tout le programme. Il suffit de reprendre ce programme au stade où il a été interrompu en réalisant le nombre d’injections requis en fonction de l’âge.
Adulte Chez l’adulte, on pratique tous les 10 ans le rappel des vaccinations telles que la poliomyélite, le tétanos ; on vaccine contre l’hépatite B les sujets à risque d’exposition, contre la rubéole les femmes non vaccinées ou non immunisées jusqu’à 45 ans sous couvert d’une contraception. À partir de 70 ans, la vaccination antigrippale est recommandée annuellement.
Pour les voyages internationaux, des recommandations sont aussi mises à jour chaque année tenant compte du type de voyage et des pays de destination. Le vaccin anti-amaril est exigible à partir de 1 an dans certains pays ; il est recommandé dès l’âge de 6 mois pour tous les voyageurs se rendant dans les zones intertropicales d’Afrique et d’Amérique du Sud.
Contre-indications La pratique d’une vaccination nécessite un interrogatoire et un examen médical à la recherche d’une contre-indication temporaire ou définitive de la vaccination. Toute infection aiguë fébrile est une contre-indication temporaire. Les vaccins vivants sont formellement contre-indiqués chez la femme enceinte en raison d’un risque tératogène. Le vaccin anti-amaril peut toutefois être pratiqué au-delà du 3e mois de grossesse en cas de risque épidémique. Une vaccination anti-rubéole par inadvertance pendant la grossesse ne peut justifier qu’exceptionnellement une interruption de grossesse car aucun cas de rubéole congénitale après vaccination pendant la grossesse n’est publié à ce jour. D’une manière générale, les vaccins vivants sont formellement contre-indiqués chez les sujets atteints d’un déficit LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48
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TABLEAU Calendrier vaccinal de l’enfant de 0 à 18 ans en France Âge
Vaccins
dès le 1er mois
BCG *
à partir de 2 mois
Diphtérie *, tétanos *, coqueluche, polio *, Hæmophilus influenzæ b, hépatite B (1re injection) Diphtérie *, tétanos *, coqueluche, polio *, Hæmophilus influenzæ b, hépatite B (2e injection) Diphtérie *, tétanos *, coqueluche, polio *, Hæmophilus influenzæ b, hépatite B (3e injection)
3 mois 4 mois
Commentaires La vaccination par le BCG précoce est réservée aux enfants vivant dans un milieu à risque
à partir de 12 mois
Rougeole-oreillons-rubéole (ROR)
16-18 mois
Diphtérie *, tétanos *, coqueluche, polio *, Hæmophilus influenzæ b, hépatite B (rappel)
à 6 ans ou avant
Diphtérie *, tétanos *, polio *, (2e rappel à 6 ans) ROR (2e dose entre 3 et 6 ans) BCG * (avant 6 ans)
11-13 ans
Diphtérie *, tétanos *, polio * (3e rappel) Coqueluche ROR Hépatite B BCG
16-18 ans
Diphtérie *, tétanos *, polio * (4e rappel) Rubéole
Le vaccin polio injectable est recommandé (un délai minimal de 4 semaines est requis entre chaque injection)
Chez les garçons et les filles Vaccination contre la rougeole à partir de 9 mois pour les enfants vivant en collectivité (ou menace épidémique), suivie d’une revaccination ROR 6 mois plus tard
La vaccination par le BCG doit être pratiquée pour l’entrée en collectivité
Un rappel tardif est recommandé avec le vaccin coqueluche acellulaire, combiné avec le 3e rappel diphtérie-tétanos-polio Rattrapage pour les non-vaccinés 3 injections pour les non-vaccinés, rappel si vaccination dans l’enfance Les sujets aux tests tuberculiniques (IDR) ** négatifs, seront vaccinés ou revaccinés (pas plus de 2 BCG intradermiques si l’IDR reste négative)
Pour les femmes non vaccinées
* Vaccins obligatoires ; ** intradermoréaction. Remarque : le libellé du programme de l’internat indique pour la question Vaccinations : « calendrier et caractère obligatoire des vaccinations exclus ».
immunitaire congénital ou acquis. Chez les adultes infectés par le VIH, seule la vaccination antitétanique est recommandée, les vaccinations anti-poliomyélite injectable et anti-diphtérie sont possibles, la vaccination anti-hépatite B n’est recommandée que pour les sujets susceptibles et à risque, les vaccins anti-grippe et anti-pneumocoque ne sont pas recommandés. Il faut éviter toute vaccination si les CD4 sont inférieurs à 200 et (ou) si la charge virale est élevée. Chez les enfants infectés par le VIH, le BCG est contreindiqué (à discuter avec l’équipe spécialisée en cas de 542
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risque d’exposition très élevé) et l’indication du vaccin ROR doit être posée avec une équipe spécialisée. Ces recommandations pourront évoluer avec les progrès des thérapeutiques anti-VIH. Le vaccin contre la coqueluche est contre-indiqué chez les enfants atteints d’une affection neurologique évolutive ou qui ont manifesté une forte réaction dans les 48 h suivant une injection antérieure (convulsions, choc, fièvre supérieure ou égale à 40 °C, syndrome des cris persistants…). Les vaccins contre les oreillons, la fièvre jaune, et la grippe
Maladies infectieuses sont contre-indiqués chez les rares sujets ayant une allergie vraie aux protéines de l’œuf. Toute réaction anaphylactique après un vaccin contreindique les injections ultérieures de ce même vaccin. Les maladies allergiques (asthme, eczéma…) ne contre-indiquent pas les vaccinations, mais chez les sujets ayant une maladie allergique sévère, il est souhaitable de faire un test préalable (injection du vaccin dilué – méthode de Mande Thérond). Enfin, rappelons que toute stimulation immunitaire comporte le risque d’induire une poussée chez les patients atteints de sclérose en plaques. Le risque de la vaccination chez ces sujets doit être pesé en fonction du risque d’exposition à l’agent infectieux.
Réactions indésirables aux vaccinations On peut classer ces réactions vaccinales en trois groupes, en fonction de leur sévérité.
1. Réactions post-vaccinales simples Elles sont observées couramment et restent en règle bénignes. Elles se résument le plus souvent à des manifestations locales, inflammatoires au point d’injection du vaccin qui cèdent en 48 heures. Un nodule au point d’injection survient fréquemment (5 à 10 % des cas) après l’administration des vaccins adjuvés (Tétracoq, hépatite B). Parfois, ces réactions simples sont générales sous forme de fièvre survenant dans les heures qui suivent la vaccination (avec les vaccins tués et en particulier le vaccin anti-coquelucheux à germes entiers) ou plus tardivement (5 à 10 jours) avec certains vaccins vivants (ROR). Dans ce dernier cas, la fièvre peut être accompagnée d’une éruption cutanée fugace (rougeole, rubéole).
2. Incidents post-vaccinaux Peu fréquents, ils sont habituellement résolutifs et d’expression clinique variée selon les vaccins incriminés. Citons, par exemple, la parotidite après vaccination contre les oreillons, les arthralgies après vaccination contre la rubéole, notamment chez l’adulte (15 % des femmes adultes vaccinées), le syndrome du cri persistant chez le nourrisson après vaccination contre la coqueluche (probablement inférieur à 1 % des enfants vaccinés) ou les réactions locales après BCG (ulcération prolongée) ou régionales (adénite).
3. Accidents post-vaccinaux Il convient de faire la part entre les accidents imputables aux vaccins et les événements survenant dans les suites d’une vaccination, par simple coïncidence temporelle. Les réactions vaccinales graves vraies sont devenues d’autant plus exceptionnelles, si l’on respecte les contre-indications proposées, que l’on dispose aujourd’hui de vaccins plus purifiés et moins réactogènes que dans le passé. Les accidents les plus sévères s’expriment par une symptomatologie neurologique ou vasculaire : • accidents neurologiques : les convulsions représentent la crainte principale du vaccinateur ; elles peuvent surve-
nir essentiellement chez le nourrisson au décours d’une vaccination contre la coqueluche. Il s’agit le plus souvent de convulsions hyperpyrétiques, d’évolution bénigne (elles peuvent être prévenues par une prescription systématique d’antipyrétiques). Le vaccin anti-coqueluche à germes entiers est également incriminé dans la survenue d’épisodes d’hypotonie-hyporéactivité évoluant sans séquelles et d’encéphalopathies (< 1 à 10 par million de vaccinations) mais sur ce point les données épidémiologiques sont insuffisantes pour conclure à une relation causale entre vaccination et séquelles neurologiques permanentes. Bien que la vaccination contre la coqueluche ne soit pas obligatoire en France, les accidents sévères sont susceptibles d’être indemnisés par l’État ; • accidents vasculaires : ils s’expriment par la survenue, rarissime, d’un choc anaphylactique dans les minutes qui suivent une vaccination. Cet événément peut survenir à tout âge, quel que soit l’antigène vaccinal. Cependant, il s’agit le plus souvent de sujets chez lesquels on note des antécédents allergiques vrais, personnels ou familiaux. En raison de ce risque, tout vaccinateur doit disposer d’adrénaline et de corticoïdes injectables. On a pu observer, également, de rares cas de purpura thrombopénique au décours de la vaccination contre la rubéole ou contre la rougeole ; • de nombreuses pathologies rares et sévères peuvent survenir, en dehors de la vaccination, aux âges correspondant aux injections prévues dans le calendrier vaccinal. Il est le plus souvent très difficile de décider s’il existe une relation causale ou s’il s’agit d’une simple coïncidence entre l’apparition des premiers symptômes de la maladie et un antécédent de vaccination dans les jours ou semaines précédents. Des méthodes épidémiologiques permettent cependant de comparer l’incidence de ces manifestations après vaccination avec l’incidence naturelle de la maladie au même âge. C’est ainsi que l’on a pu disculper les vaccinations (diphtérie, tétanos, coqueluche, poliomyélite : Tétracoq) dans la survenue de la mort subite du nourrisson ou la vaccination contre l’hépatite B dans celle d’une sclérose en plaques ; • enfin, rappelons que tout effet indésirable grave susceptible d’être lié à une vaccination doit être déclaré au Centre régional de pharmacovigilance.
Associations vaccinales Afin de simplifier le calendrier des vaccinations, il est intéressant d’associer les vaccinations entre elles. On distingue ainsi la vaccination combinée où les vaccins sont inoculés avec la même seringue en un seul point d’injection [c’est le cas du ROR (rougeole-oreillons-rubéole) par exemple], et la vaccination simultanée où les vaccins sont administrés en même temps mais par des injections ou des voies d’administration différentes (par exemple, Pentacoq et antihépatite B, ROR et rappel de Tétracoq). Cette technique d’association vaccinale est indiquée lors du rattrapage d’un calendrier vaccinal en retard, ou lorsqu’un calendrier rapide est souhaité notamment dans les pays en développement ou en prévision d’un voyage imminent. LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48
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Cependant, une association vaccinale ne peut être recommandée que si elle ne nuit pas à la réponse immunitaire pour chacun des antigènes concernés tout en n’augmentant pas la fréquence ou la gravité des effets secondaires. Concernant les vaccinations pratiquées couramment en France, aucune publication n’a mis en évidence l’augmentation des effets secondaires due à l’administration simultanée de plusieurs vaccins. En termes d’efficacité, seule l’association des vaccins contre la fièvre jaune et contre le choléra (ce dernier vaccin n’étant plus commercialisé) est contre-indiquée.
Efficacité des vaccinations Les vaccinations ont un double objectif de protection, individuelle et collective. Il s’agit d’une part, de protéger l’individu vacciné et d’autre part, de contrôler une maladie dans la population. À ces deux objectifs correspondent deux mesures différentes de l’efficacité des vaccinations : d’une part, l’évaluation de la protection clinique conférée par le vaccin au sujet vacciné, d’autre part, l’évaluation de l’impact épidémiologique du programme de vaccination, c’est-à-dire sa capacité à réduire la morbidité et la mortalité des maladies cibles du programme dans la population.
Évaluation de l’efficacité protectrice clinique des vaccinations Elle vise à s’assurer que le vaccin, utilisé dans des conditions de terrain, présente un taux d’échecs cliniques compatibles avec ce qui est attendu. En effet, les données d’efficacité obtenues lors des essais cliniques ne sont pas toujours applicables pour plusieurs raisons : les vaccins sont testés dans des conditions idéales, l’efficacité est souvent mesurée par la séroconversion qui n’est pas toujours équivalente à la protection conférée, enfin le recul est insuffisant pour apprécier l’efficacité à long terme. La protection clinique doit donc être vérifiée par des enquêtes épidémiologiques, notamment au cours ou au décours d’une épidémie. Ces enquêtes consistent à comparer l’incidence d’une maladie à prévention vaccinale (rougeole, coqueluche…) chez des individus vaccinés et non vaccinés et à estimer le degré de réduction de cette incidence chez les sujets vaccinés. Des méthodes d’enquêtes de cohortes ou cas témoins ont été élaborées et standardisées dans ce but.
Efficacité épidémiologique des programmes de vaccination Les objectifs de prévention d’une maladie peuvent être plus ou moins ambitieux. Il peut s’agir d’un objectif de contrôle : réduction de l’incidence et de la mortalité. C’est le cas de vaccinations n’ayant qu’une efficacité partielle (BCG, pneumocoque) ou transitoire (grippe, méningocoque) ou de vaccinations destinées uniquement à des groupes à risque (ex. : typhoïde pour le personnel de laboratoire ou les voyageurs en zone d’endémie). Il peut également s’agir d’objectifs plus ambitieux d’élimination voire d’éradication de la maladie. En France, des maladies comme la diphtérie ou la poliomyélite ont été éli544
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minées grâce aux vaccinations. D’autres comme la rougeole, les oreillons et la rubéole persistent encore à l’état endémo-épidémique, de par l’insuffisance de la couverture vaccinale, alors que des objectifs d’élimination ont été fixés au niveau international. L’élimination est facilitée par le phénomène d’immunité de groupe qui permet d’interrompre la transmission d’un agent pathogène sans atteindre une couverture vaccinale de 100 %. En réduisant la circulation d’un germe dans une population donnée, une vaccination systématique diminue le risque de contamination des sujets non vaccinés. La fréquence de la maladie est ainsi réduite au-delà de l’effet protecteur chez les sujets vaccinés. Le niveau d’immunité nécessaire dans la population pour interrompre la transmission est d’autant plus élevé que la maladie est plus contagieuse. La plupart des vaccinations incluses dans le calendrier vaccinal français du nourrisson, qu’elles soient recommandées ou obligatoires, ont à la fois des effets de protection directe de la personne vaccinée et indirecte, de protection de la communauté. Ces effets indirects difficiles à prédire a priori justifient le suivi de l’effet des programmes de vaccination. Ce suivi est effectué en France à travers la surveillance de routine des maladies transmissibles qui permet d’estimer les tendances évolutives de la morbidité des maladies cibles d’un programme de vaccination. Elle est réalisée à travers la déclaration obligatoire des maladies (tuberculose, diphtérie, tétanos et poliomyélite), des réseaux de cliniciens (rougeole, oreillons, coqueluche et hépatite B) ou de laboratoires (infection rubéoleuse des femmes enceintes, complications de la rougeole, Hæmophilus influenzæ b). ■
Points Forts à retenir • Les vaccinations représentent un élément majeur de l’arsenal préventif du médecin. Bien que les vaccins modernes soient bien tolérés, très efficaces, et faciles à administrer, la vaccination doit rester un acte pratiqué sous responsabilité médicale. • Le programme de vaccination français constitue un enjeu de santé publique primordial, et il doit donc être soutenu et renforcé malgré la diminution spectaculaire de l’incidence et de la gravité des maladies transmissibles à prévention vaccinale, car tout relâchement de ce programme entraînerait une recrudescence de la morbidité et des complications de ces maladies.
POUR EN SAVOIR PLUS Ajjan N. La vaccination. Lyon : Institut Mérieux, 6e édition, 1995. Calendrier vaccinal 1996-97. Bull Epidemiol Hebd 1996 : 151-3. Dabis F, Drucker J, Moren A. Épidémiologie d’intervention. Arnette 1992 : 449-63. Guide des vaccinations. Direction générale de la Santé, Comité technique des vaccinations. Édition 1995. Modélisation de la rougeole en France et conséquences pour l’âge d’administration de la seconde vaccination. BEH 1997 : 133-5. Recommandations sanitaires pour les voyageurs. Bull Epidemiol Hebd 1997 : 119-22.